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Chapitre 55 - La lutte contre la pollution de l'environnement

PRÉVENIR ET COMBATTRE LA POLLUTION DE L’ENVIRONNEMENT

Jerry Spiegel et Lucien Y. Maystre

Au cours du XXe siècle, on a pris de plus en plus conscience de l’impact des activités anthropiques sur l’environnement et la santé publique (étudié dans le chapitre no 53, «Les risques pour la santé liés à l’environnement») et cette prise de conscience a conduit à la mise au point et à l’application de méthodes et de technologies visant à réduire les effets de la pollution. Dans ce contexte, les gouvernements ont adopté des réglementations et d’autres mesures (examinées dans le chapitre no 54, «La politique de l’environnement»), afin de réduire le plus possible les effets défavorables et d’assurer le respect des normes de qualité de l’environnement.

Le présent chapitre vise à donner un aperçu général des méthodes utilisées pour prévenir et combattre la pollution. On y exposera les principes fondamentaux suivis pour éliminer les conséquences préjudiciables à la qualité de l’eau, de l’air ou de la terre; on verra comment la primauté est désormais accordée à la prévention et non plus à la lutte et l’on examinera les limitations auxquelles on se heurte lorsqu’on formule des solutions pour les divers milieux de l’environnement. Ainsi, pour protéger l’air, il ne suffit pas d’éliminer les traces de métaux des gaz de cheminée en se contentant de transférer ces contaminants aux sols par des méthodes inappropriées de gestion des déchets solides. Il faut des solutions intégrées prenant en compte les transferts de milieu à milieu.

Le principe de la maîtrise de la pollution

L’industrialisation rapide a eu sur l’environnement des conséquences qui ont été illustrées par les innombrables cas où les ressources en sols, en air et en eau ont été contaminées par des matières toxiques et d’autres polluants, mettant ainsi gravement en danger la santé des êtres humains et la salubrité des écosystèmes. Avec l’utilisation plus extensive et intensive des matières et de l’énergie, la qualité des écosystèmes locaux, régionaux et mondiaux a été soumise à des pressions cumulatives.

Avant que l’on ne fasse un effort concerté pour restreindre l’impact de la pollution, la gestion de l’environnement n’allait guère au-delà d’une politique de laisser-faire tempérée par l’élimination des déchets pour éviter des nuisances locales graves considérées dans une optique à court terme. La nécessité de mesures correctrices était admise à titre exceptionnel lorsque les dommages étaient jugés inacceptables. A mesure que l’activité industrielle s’intensifiait et que l’on comprenait mieux les effets cumulatifs, le principe de lutte contre la pollution s’est imposé avec force dans la gestion de l’environnement.

Deux concepts ont servi de fondement à cette approche:

Dans le cadre de la lutte contre la pollution, on a surtout cherché à isoler les contaminants de l’environnement et à utiliser des filtres et dispositifs d’épuration en fin de cycle. Ces solutions ont généralement mis l’accent sur des objectifs de qualité ou des limites d’émission propres aux divers milieux environnementaux et elles ont visé principalement les effluents provenant de sources ponctuelles qui étaient déversés dans ces milieux (air, eau, sols).

La mise en œuvre des techniques de lutte contre la pollution

L’application des méthodes de lutte contre la pollution s’est révélée très efficace dans la maîtrise des problèmes — en particulier ceux de caractère local. Elle repose sur une analyse systématique de la source et de la nature de l’émission ou du rejet en question, de son interaction avec l’écosystème et du problème de pollution ambiante à résoudre, ainsi que sur la mise au point de techniques appropriées pour atténuer et surveiller les impacts sur l’environnement.

Dans leur article sur la lutte contre la pollution de l’air, Dietrich Schwela et Berenice Goelzer expliquent combien il est important de concevoir l’évaluation et la maîtrise des sources ponctuelles et non ponctuelles de cette pollution dans une perspective globale, et montrent les implications de cette démarche. Ils exposent également les problèmes — et les possibilités d’action — des pays qui connaissent une industrialisation rapide sans que leur développement antérieur ait été accompagné de solides mesures antipollution.

Marion Wichmann-Fiebig décrit les méthodes utilisées pour modéliser la dispersion des polluants atmosphériques en vue de définir et de caractériser la nature des problèmes de pollution. C’est sur cette base qu’il faut concevoir les mesures à mettre en place et évaluer leur efficacité. Grâce à une meilleure compréhension des effets potentiels, on peut maintenant dépasser le cadre local et estimer ces effets à l’échelle régionale et même mondiale.

Hans-Ulrich Pfeffer et Peter Bruckmann donnent un aperçu de l’équipement et des méthodes utilisés pour surveiller la qualité de l’air afin de pouvoir évaluer les problèmes potentiels de pollution, ainsi que l’efficacité des mesures de prévention et de lutte.

John Elias présente une vue d’ensemble des types de mesures antipollution que l’on peut appliquer et des questions qu’il faut aborder pour choisir les formules adéquates de la gestion de la lutte contre la pollution atmosphérique.

Le défi soulevé par la lutte contre la pollution de l’eau est traité par Herbert Preul dans un article qui montre le processus par lequel les eaux naturelles du globe peuvent être polluées par des sources ponctuelles, non ponctuelles ou intermittentes et les fondements de la réglementation en la matière, ainsi que les différents critères à appliquer pour définir les programmes de lutte. Cet auteur explique comment les effluents pénètrent dans les masses d’eau et peuvent être analysés et évalués en vue d’apprécier et de gérer les risques. Enfin, il donne un aperçu des techniques employées pour appliquer à grande échelle le traitement des eaux usées et la lutte contre la pollution de l’eau.

Pour finir, une étude de cas offre un exemple éloquent de la façon dont les eaux usées peuvent être réutilisées, question d’une grande importance dans la recherche d’un emploi efficace des ressources de l’environnement, spécialement lorsqu’elles sont rares. Alexander Donagi expose la méthode suivie pour traiter les eaux usées municipales d’une population de 1,5 million d’habitants en Israël et pour recharger la nappe souterraine.

La gestion globale des déchets

Dans l’optique de la lutte contre la pollution, les déchets sont considérés comme un sous-produit indésirable du processus de production qu’il faut limiter pour éviter de contaminer les ressources en sols, en eau et en air au-delà du niveau jugé acceptable. Lucien Maystre donne un aperçu des problèmes à résoudre dans la gestion des déchets, ce qui permet de comprendre l’importance croissante de la prévention de la pollution et du recyclage.

Comme il est largement attesté que la mise en décharge sauvage des déchets donne lieu à une grave contamination, les gouvernements ont fixé des normes pour les pratiques acceptables de collecte, de traitement et d’élimination, afin d’assurer la protection de l’environnement. Ils ont accordé une attention particulière aux critères d’élimination sans danger pour l’environnement par l’utilisation de décharges contrôlées, de l’incinération et du traitement des déchets dangereux.

Pour éviter les contraintes que l’élimination des déchets pourrait faire peser sur l’environnement et les coûts qu’elle entraîne et pour encourager une gestion plus avisée des ressources peu abondantes, on fait une place croissante à la réduction de la production des déchets et à leur recyclage. Niels Hahn et Poul Lauridsen décrivent succinctement les problèmes qui se posent lorsqu’on donne la préférence au recyclage comme stratégie de gestion des déchets et ils examinent les conséquences que cette solution pourrait avoir sur le plan de l’exposition des travailleurs.

La priorité à la prévention

En réduisant la pollution en fin de cycle, on risque de la transférer d’un milieu à un autre, où elle pourrait créer des problèmes environnementaux tout aussi graves, ou même finir par être une source indirecte de pollution du même milieu. Sans être aussi onéreuse qu’une mesure correctrice, la réduction en fin de cycle peut augmenter sensiblement le coût des procédés de production sans ajouter de valeur. Cette démarche est d’ailleurs caractéristique des régimes de réglementation qui entraînent d’autres séries de dépenses dans la mesure où il faut assurer le respect des mesures adoptées.

Si la formule de la lutte contre la pollution a donné d’excellents résultats en remédiant à court terme aux phénomènes locaux, elle a moins bien réussi à résoudre les problèmes cumulatifs que l’on découvre de plus en plus au niveau régional (comme les pluies acides) ou mondial (comme l’appauvrissement de la couche d’ozone).

Un plan de lutte contre la pollution de l’environnement à visée sanitaire cherche à améliorer la qualité de la vie en ramenant les dégradations au niveau le plus faible possible. Les programmes et politiques de lutte, dont les implications et les priorités varient d’un pays à l’autre, englobent tous les aspects de la pollution (air, eaux, sols, etc.) et supposent une coordination entre divers domaines comme le développement industriel, l’urbanisme, la mise en valeur des ressources en eau et la politique des transports.

Thomas Tseng, Victor Shantora et Ian Smith prennent comme exemple une étude de l’impact multimilieux exercé par la pollution sur un écosystème vulnérable soumis à de nombreuses agressions — les Grands Lacs d’Amérique du Nord. Ils examinent en particulier l’efficacité limitée du modèle de lutte contre la pollution dans le cas des substances toxiques rémanentes qui se dispersent dans l’environnement. En mettant l’accent sur la solution adoptée dans un pays et ses conséquences pour l’action internationale, cette étude montre la portée des mesures qui s’attachent à la prévention aussi bien qu’à la lutte contre la pollution.

Comme les techniques de lutte sont devenues plus complexes et plus coûteuses, on s’est intéressé davantage aux moyens d’incorporer la prévention à la conception des procédés industriels, en vue d’éliminer les effets nocifs sur l’environnement tout en améliorant la compétitivité des entreprises. La prévention de la pollution, les techniques propres et la réduction de l’utilisation des substances toxiques ont notamment pour avantage d’offrir la possibilité de supprimer l’exposition des travailleurs aux risques qui pèsent sur leur santé.

David Bennett expose les raisons pour lesquelles on privilégie de plus en plus la prévention et comment elle se rattache aux autres méthodes de gestion de l’environnement. Cette approche joue un rôle capital dans l’instauration d’un développement durable, objectif dont l’importance a été largement reconnue depuis la parution du rapport de la Commission des Nations Unies sur l’environnement et le développement en 1987 et confirmée à la Conférence des Nations Unies sur l’environnement et le développement (CNUED) tenue à Rio de Janeiro en 1992.

La démarche de prévention met directement l’accent sur l’emploi de procédés, méthodes, matières et énergies qui évitent ou réduisent au minimum la création de polluants et de déchets à la source au lieu de préconiser des mesures qui interviennent en aval. Si la détermination des entreprises joue un rôle capital dans la décision de prévenir la pollution (voir l’article de Bringer et Zosel dans le chapitre no 54, «La politique de l’environnement»), Bennett souligne les avantages que présente pour la société la réduction des risques auxquels sont exposés les écosystèmes et la santé des humains, celle des travailleurs en particulier. Il indique les principes qui peuvent servir de base pour évaluer les possibilités d’application de cette formule.

LA GESTION DE LA POLLUTION DE L’AIR

Dietrich Schwela et Berenice Goelzer

La gestion de la pollution de l’air vise à éliminer, ou à ramener à des niveaux acceptables, les polluants gazeux en suspension dans l’air, les particules en suspension ainsi que les agents physiques et, dans une certaine mesure, biologiques, dont la présence dans l’atmosphère peut avoir des effets nocifs sur la santé de l’humain (augmentation de l’incidence ou de la prévalence des troubles respiratoires, morbidité, cancer, surmortalité) ou sur son bien-être (effets sensoriels, réduction de la visibilité, par exemple), exercer une action délétère sur les animaux ou les végétaux et, enfin, causer des dommages aux matières qui présentent un intérêt économique pour la société et à l’environnement (modifications du climat, par exemple). Il faut aussi accorder une grande attention aux graves dangers liés aux polluants radioactifs ainsi qu’aux procédures spéciales qu’exigent leur maîtrise et leur élimination.

On ne saurait trop insister sur l’importance d’une bonne gestion de la pollution atmosphérique à l’extérieur et à l’intérieur des bâtiments. En l’absence de mesures de réglementation adéquates, la multiplication des sources de pollution dans le monde moderne peut conduire à des dommages irréparables pour l’environnement et l’humanité.

Le présent article vise à donner un aperçu des solutions possibles pour la gestion de la pollution de l’air ambiant causée par les véhicules à moteur et l’industrie. Il faut cependant faire remarquer d’emblée que la pollution de l’air à l’intérieur des bâtiments (en particulier dans les pays en développement) pourrait avoir un rôle encore plus important que celle de l’extérieur, car on a constaté que les concentrations de polluants étaient souvent nettement plus élevées au-dedans qu’au-dehors.

Outre les émissions provenant de sources fixes ou mobiles, la gestion de la pollution atmosphérique doit prendre en compte des facteurs additionnels (comme la topographie et la météorologie, ou la participation de la communauté et du gouvernement, parmi beaucoup d’autres), qui doivent tous être intégrés dans un programme global. Les conditions météorologiques, par exemple, peuvent influer dans une large mesure sur les concentrations au niveau du sol provenant d’une même émission de polluants. Les sources de pollution atmosphérique peuvent être dispersées au-dessus d’une communauté ou d’une région et leurs effets peuvent concerner plusieurs administrations ou nécessiter leur coopération. Qui plus est, la pollution atmosphérique ignore les frontières: les émissions d’une région peuvent avoir un impact dans une autre, puisqu’elles sont transportées à longue distance.

La gestion de la pollution atmosphérique exige donc une approche multidisciplinaire ainsi que des efforts conjugués des organes privés et publics.

Les sources de la pollution atmosphérique

Les sources de la pollution résultant des activités humaines (ou sources des émissions) sont fondamentalement de deux ordres:

Il faut aussi tenir compte des sources naturelles de pollution (par exemple, les régions érodées, les volcans, certaines plantes qui libèrent de grandes quantités de pollen, les sources de bactéries, de spores et de virus). Les sources naturelles ne seront pas examinées dans le présent article.

Les types de polluants atmosphériques

On distingue généralement trois catégories de polluants atmosphériques: les particules en suspension (poussières, vapeurs, brouillards, fumées), les polluants gazeux (gaz et vapeurs) et les odeurs. On trouvera ci-après quelques exemples de polluants courants:

Les particules en suspension (Suspended Particules Matters (SPM, PM-10) comprennent les gaz d’échappement des diesels, les cendres volantes du charbon, les poussières minérales (charbon, amiante, calcaire, ciment, par exemple), les poussières et vapeurs (zinc, cuivre, fer, plomb, par exemple) et les brouillards acides (acide sulfurique, par exemple), les fluorures, les pigments pour peintures, les aérosols de pesticides, le noir de carbone et les fumées d’hydrocarbures. Les polluants sous forme de particules en suspension ont non seulement pour effet de causer des affections respiratoires, des cancers et de la corrosion, de détruire la flore, etc., mais ils peuvent aussi constituer une nuisance (encrassement, par exemple), faire obstacle à la lumière du soleil (formation de smog et de brumes par la diffusion de la lumière, par exemple) et agir comme surfaces catalytiques pour la réaction des substances chimiques absorbées.

Les polluants gazeux comprennent les composés du soufre (dioxyde de soufre (SO2) et trioxyde de soufre (SO3)), le monoxyde de carbone, les composés de l’azote (monoxyde d’azote (NO), dioxyde d’azote (NO2), ammoniac (NH3)), les composés organiques (hydrocarbures (HC), composés organiques volatils (COV), hydrocarbures polycycliques aromatiques (HPA), aldéhydes), les composés halogénés et les dérivés halogénés (HF et HCl), le sulfure d’hydrogène, le sulfure de carbone et les mercaptants (odeurs).

Les polluants secondaires peuvent se former sous l’effet de réactions thermiques, chimiques ou photochimiques. Ainsi, sous l’action thermique, le dioxyde de soufre peut s’oxyder en trioxyde de soufre qui, dissous dans l’eau, donne lieu à la formation de brouillards d’acide sulfurique (catalysés par les oxydes de manganèse et de fer). Les réactions photochimiques entre les oxydes d’azote et les hydrocarbures réactifs peuvent produire de l’ozone (O3), du formaldéhyde et du nitrate de peroxyacétyle (PAN); les réactions entre HCl et le formaldéhyde peuvent former de l’oxyde de bis(chlorométhyle).

Si l’on sait que certaines odeurs peuvent être causées par des agents chimiques déterminés, comme le sulfure d’hydrogène (H2S), le sulfure de carbone (CS2) et les mercaptants (R-SH ou R1-S-R2), d’autres sont difficiles à définir chimiquement.

On trouvera au tableau 55.1 des exemples des principaux polluants atmosphériques industriels et de leurs sources.

Tableau 55.1 Polluants atmosphériques courants et leurs sources

Catégorie

Source

Polluants émis

Agriculture

Combustion à ciel ouvert

SPM, CO, COV

Industries extractives

Extraction du charbon

SPM, SO2, NOx, COV

Production de pétrole brut et de gaz naturel

SO2

Extraction de minerais non ferreux

SPM, Pb

Carrières de pierres

SPM

Industries manufacturières

Alimentation, boissons et tabacs

SPM, CO, COV, H2S

Textiles et industries du cuir

SPM, COV

Produits du bois

SPM, COV

Produits du papier, imprimerie

SPM, SO2, CO, COV, H2S, R-SH

Fabrication de produits chimiques

Anhydride phtalique

SPM, SO2, CO, COV

Chlore et soude

Cl2

Acide chlorhydrique

HCl

Acide fluorhydrique

HF, SiF4

Acide sulfurique

SO2, SO3

Acide nitrique

Nox

Acide phosphorique

SPM, F2

Oxyde de plomb et pigments

SPM, Pb

Ammoniac

SPM, SO2, NOx, CO, COV, NH3

Carbonate de sodium

SPM, NH3

Carbure de calcium

SPM

Acide adipique

SPM, NOx, CO, COV

Alkylplomb

Pb

Anhydride maléique et acide téréphtalique

CO, COV

Production d’engrais et de pesticides

SPM, NH3

Nitrate d’ammonium

SPM, NH3, HNO3

Sulfate d’ammonium

COV

Résines synthétiques, matières plastiques, fibres

SPM, COV, H2S, CS2

Peintures, vernis, laques

SPM, COV

Savon

SPM

Noir de carbone et encre d’imprimerie

SPM, SO2, NOx, CO, COV, H2S

Trinitrotoluène

SPM, SO2, NOx, SO3, HNO3

Raffineries de pétrole

Divers produits du pétrole et du charbon

SPM, SO2, NOx, CO, COV

Fabrication de produits minéraux non métalliques

Produits du verre

SPM, SO2, NOx, CO, COV, F

Produits en argile de construction

SPM, SO2, NOx, CO, COV, F2

Ciment, chaux et plâtre

SPM, SO2, NOx, CO

Industries des métaux de base

Fer et acier

SPM, SO2, NOx, CO, COV, Pb

Métaux non ferreux

SPM, SO2, F, Pb

Production d’énergie

Electricité, gaz et vapeur

SPM, SO2, NOx, CO, COV, SO3, Pb

Commerce de gros et de détail

Stockage du carburant, opérations de remplissage

COV

Transports

 

SPM, SO2, NOx, CO, COV, Pb

Services collectifs

Incinérateurs municipaux

SPM, SO2, NOx, CO, COV, Pb

Source: Economopoulos, 1993.

Les plans de préservation de la pureté de l’air

La gestion de la qualité de l’air vise à préserver la qualité de l’environnement par la définition du degré de pollution toléré, en laissant aux pouvoirs locaux et aux pollueurs le soin de formuler et d’appliquer les mesures nécessaires pour que ce degré ne soit pas dépassé. On trouve un exemple de législation conforme à cette optique dans l’adoption de normes de qualité de l’air ambiant qui reposent très souvent sur les directives (OMS, 1987a) concernant différents polluants; celles-ci définissent des niveaux maximaux acceptés de polluants (ou indicateurs) dans la zone cible (par exemple, au niveau du sol à un point déterminé dans une collectivité) et elles peuvent être des normes primaires ou secondaires. Les normes primaires (OMS, 1987b) représentent les niveaux maximaux compatibles avec une marge de sécurité suffisante et avec la préservation de la santé publique, et il faut s’y conformer dans un délai déterminé; les normes secondaires sont celles que l’on juge nécessaires pour assurer la protection contre des effets nocifs connus ou attendus autres que des risques d’atteinte à la santé (principalement sur la végétation); et il faut s’y conformer «dans un délai raisonnable». Les normes de qualité de l’air sont des valeurs à court, moyen ou long terme valables pour 24 heures par jour, 7 jours par semaine et pour l’exposition mensuelle, saisonnière ou annuelle de tous les êtres vivants (y compris les sous-groupes sensibles comme les enfants, les personnes âgées et les malades), ainsi que pour des objets non vivants. Elles se distinguent des normes maximales autorisées pour l’exposition au travail, qui s’appliquent à une exposition hebdomadaire partielle (par exemple, 8 heures par jour, 5 jours par semaine) de travailleurs adultes et théoriquement en bonne santé.

Dans la gestion de la qualité de l’air, on recourt généralement à des mesures de limitation à la source telles que l’obligation d’utiliser des convertisseurs catalytiques dans les véhicules ou de respecter des normes d’émission dans les incinérateurs, les actions d’aménagement du territoire et la fermeture des usines ou la réduction du trafic lorsque les conditions météorologiques sont défavorables. La meilleure méthode de gestion insiste sur la nécessité que les émissions de polluants atmosphériques soient maintenues à un minimum, défini essentiellement par des normes relatives aux diverses sources de pollution atmosphérique, qui pourrait être atteint dans le cas des sources industrielles, par exemple, à l’aide de systèmes en circuit fermé et de collecteurs extrêmement efficaces. Une norme d’émission est une limite imposée à la quantité ou à la concentration d’un polluant émis par une source. Ce type de législation suppose que l’on décide pour chaque industrie des meilleurs moyens de limiter ses émissions (par exemple, en fixant des normes).

La gestion de la pollution atmosphérique vise principalement à établir un plan de préservation de la qualité de l’air (ou plan de réduction de la pollution atmosphérique) (Schwela et Köth-Jahr, 1994) comportant les éléments suivants:

Certains de ces problèmes sont examinés ci-après.

L’inventaire des émissions; la comparaison avec les normes d’émission

L’inventaire des émissions est une liste très complète des sources dans une zone donnée et des émissions de chacune d’elles, estimées avec autant de précision que possible pour toutes les sources ponctuelles, linéaires et dispersées (diffuses). En comparant ces émissions aux normes fixées pour une source donnée, on obtient une première idée des mesures antipollution possibles dans le cas où ces normes ne sont pas respectées. L’inventaire permet aussi de dresser une liste prioritaire des sources importantes en fonction de la quantité de polluants émise et il indique l’influence relative des différentes sources, par exemple le trafic par rapport aux sources industrielles ou résidentielles. Il sert enfin à faire une estimation des concentrations de polluants atmosphériques dans le cas des polluants pour lesquels il est difficile ou trop onéreux de mesurer les concentrations ambiantes.

L’inventaire des concentrations de polluants atmosphériques; la comparaison avec les normes de qualité de l’air

L’inventaire des concentrations de polluants atmosphériques intègre les résultats de la surveillance des polluants de l’air ambiant sous forme de moyennes annuelles, de percentiles et de tendances de ces quantités. Les composés mesurés pour un tel inventaire sont:

La comparaison des concentrations de polluants atmosphériques avec les normes ou directives de qualité de l’air, si elles existent, indique les secteurs à problèmes pour lesquels il faut procéder à une analyse des causes, afin de repérer les sources incriminées. Pour cette analyse des causes, il faut modéliser la dispersion (voir l’article «La pollution de l’air: la modélisation de la dispersion des polluants de l’air»). On trouvera dans l’article «La surveillance de la qualité de l’air» une description des moyens et procédures utilisés de nos jours pour surveiller la pollution atmosphérique ambiante.

Les concentrations simulées de polluants atmosphériques; la comparaison avec les normes de qualité de l’air

En se fondant sur l’inventaire des émissions, dont les milliers de composés ne sauraient tous être surveillés dans l’air ambiant pour des raisons financières, on peut recourir à la modélisation de la dispersion pour estimer les concentrations des composés les plus «exotiques». En se servant de paramètres météorologiques appropriés dans un modèle de dispersion bien choisi, on peut estimer les moyennes et percentiles annuels et les comparer aux normes ou directives de qualité de l’air, s’il en existe.

L’inventaire des effets sur la santé publique et l’environnement; l’analyse des causes

Une autre source importante d’information est l’inventaire des effets (Ministerium für Umwelt, Raumordnung und Landwirtschaft des Landes Nordrhein-Westfalen, 1993) qui regroupe les résultats des études épidémiologiques réalisées dans une zone donnée et les effets de la pollution de l’air observés sur les récepteurs biologiques et matériels, par exemple les plantes, les animaux, les métaux utilisés dans la construction et les pierres des bâtiments. Les effets observés attribués à la pollution atmosphérique doivent faire l’objet d’une analyse causale pour rechercher le constituant responsable d’un effet donné — par exemple, une prévalence accrue de la bronchite chronique dans une zone polluée. Si un ou plusieurs composés ont été repérés dans une analyse des causes (analyse composé-cause), il faut en faire une deuxième pour trouver les sources responsables (analyse source-cause).

Les mesures antipollution; leur coût

Pour les installations industrielles, les mesures antipollution consistent en dispositifs d’épuration de l’air qui soient bien conçus, bien installés, qui fonctionnent efficacement et qui soient bien entretenus; ce sont les collecteurs ou séparateurs. On peut définir un séparateur ou un collecteur comme «un appareil servant à séparer un ou plusieurs des éléments d’un milieu gazeux dans lequel ils sont en suspension ou avec lequel ils sont mélangés: particules solides (filtre et séparateur de poussières), particules liquides (filtre et séparateur de gouttelettes) et gaz (purificateur de gaz)». Les principaux types de matériels antipollution (examinés ci-après dans l’article «La lutte contre la pollution atmosphérique») sont:

Les dépoussiéreurs par voie humide peuvent servir à recueillir en même temps les polluants gazeux et les particules. Par ailleurs, certains types de dispositifs à combustion peuvent brûler les gaz et vapeurs combustibles aussi bien que certains aérosols combustibles. Selon le type d’effluent, on peut utiliser un ou plusieurs types de séparateurs.

La lutte contre les odeurs qui peuvent être identifiées chimiquement repose sur la maîtrise de l’agent ou des agents chimiques dont elles émanent (par exemple, par absorption ou par incinération). Lorsqu’une odeur n’est pas définie chimiquement ou que l’agent l’émet à des niveaux extrêmement faibles, on peut recourir à d’autres techniques, notamment pour la masquer (par un agent plus fort, mieux accepté et inoffensif) ou pour la contrecarrer (par un additif qui contrarie ou neutralise partiellement l’odeur désagréable).

Il ne faut pas oublier qu’il est indispensable de bien utiliser et entretenir les séparateurs pour en obtenir l’efficacité attendue. Il faut s’en assurer au stade de la planification, sur le plan du savoir-faire comme sur celui du financement. Il ne faut pas négliger les besoins en énergie. Lors du choix d’un dispositif d’épuration de l’air, il faut prendre en considération non seulement son coût initial, mais aussi les frais de fonctionnement et d’entretien. Lorsqu’il s’agit de polluants très toxiques, il faut veiller à obtenir une grande efficacité et à adopter des procédures spéciales pour l’entretien et l’élimination des déchets.

Dans les installations industrielles, les mesures antipollution fondamentales sont:

Remplacement d’une matière par une autre . Exemples: remplacer les solvants très toxiques employés dans certains procédés industriels par des produits moins toxiques; utiliser des combustibles à teneur plus faible en soufre (charbon lavé, par exemple) qui produisent donc moins de composés du soufre, etc.

Modification ou remplacement du procédé ou de l’équipement . Exemples: dans l’industrie sidérurgique, remplacer le minerai brut par du minerai en boulettes agglomérées (pour réduire la poussière libérée lors de la manutention); se servir de systèmes en circuit fermé plutôt qu’en circuit ouvert; remplacer les systèmes de chauffage au combustible par des techniques faisant appel à la vapeur, l’eau chaude ou l’électricité; utiliser des catalyseurs à la sortie des gaz d’échappement (procédés de combustion), et ainsi de suite.

La modification des procédés et de l’aménagement de l’usine peut aussi faciliter ou améliorer les conditions de dispersion et de captage des polluants. Ainsi, une configuration différente de l’usine peut faciliter l’installation d’un système d’échappement local; en abaissant le rendement d’un procédé, on pourra peut-être utiliser un certain collecteur (avec des limitations de volume, mais des résultats satisfaisants par ailleurs). Les modifications du procédé qui agissent sur différentes sources d’effluents dépendent étroitement du volume traité, et l’efficacité de certains dispositifs d’épuration de l’air augmente avec la concentration des polluants dans l’effluent. Le remplacement d’une matière par une autre et la modification des procédés peuvent présenter des limitations techniques et économiques qu’il faut prendre en considération.

Ordre, propreté et stockage approprié . Exemples: imposer une hygiène rigoureuse dans le traitement des denrées alimentaires et des produits d’origine animale; éviter de stocker à l’air libre les substances chimiques (tas de soufre, par exemple) ou les poussières et matières particulaires (comme le sable) ou, à défaut, asperger d’eau (si possible) les amas de particules volatiles ou appliquer un revêtement de surface (agents mouillants, plastique, par exemple) aux tas de matières qui risquent de libérer des polluants.

Elimination appropriée des déchets . Exemples: ne pas se contenter d’entasser les déchets chimiques (comme ceux des réacteurs de polymérisation) ou de déverser les matières polluantes (solides ou liquides) dans les cours d’eau. Cette dernière pratique non seulement souille les eaux, mais peut aussi créer une source secondaire de pollution atmosphérique, comme c’est le cas des déchets liquides provenant des papeteries qui utilisent le procédé au bisulfite, lequel dégage des polluants gazeux aux odeurs désagréables.

Entretien . Exemple: les moteurs à combustion interne qui sont bien entretenus et bien réglés produisent moins de monoxyde de carbone et d’hydrocarbures.

Méthodes de travail . Exemple: tenir compte des conditions météorologiques, en particulier des vents, lorsqu’on pulvérise des pesticides.

Comme pour les méthodes sur le lieu du travail, l’adoption de bonnes pratiques au niveau de la collectivité peut contribuer à réduire la pollution de l’air, par exemple en modifiant l’utilisation des véhicules automobiles (recours accru aux transports en commun, aux voitures de petite cylindrée, etc.) et en agissant sur les installations de chauffage (meilleure isolation des bâtiments qu’il faudra de ce fait moins chauffer, meilleurs combustibles, etc.).

Pour lutter contre la pollution par les émissions des véhicules automobiles, on peut adopter des programmes efficaces d’inspection et d’entretien obligatoires pour le parc de voitures existant, imposer des convertisseurs catalytiques dans les nouvelles voitures, remplacer résolument les automobiles utilisant des carburants par des voitures fonctionnant à l’énergie solaire/électrique, réglementer la circulation routière et se doter d’une bonne politique des transports et d’aménagement du territoire.

On réduit la pollution causée par les véhicules à moteur en diminuant les émissions par kilomètre parcouru par véhicule (km/v) et en abaissant le nombre de km/v (Walsh, 1992). On peut réduire les émissions par km/v en améliorant la performance du véhicule — matériel, entretien — pour les nouvelles voitures comme pour celles en circulation. On peut agir sur la composition de l’essence au plomb en diminuant la teneur en plomb ou en soufre, ce qui a également pour avantage de réduire les émissions d’hydrocarbures (HC) provenant des véhicules. Abaisser la teneur en soufre du carburant diesel pour réduire les émissions de particules présente en outre l’avantage d’augmenter les possibilités de limitation catalytique des émissions de particules diesel et d’HC organiques.

Un autre moyen important de réduire les émissions par évaporation, en particulier lorsqu’on fait le plein, consiste à agir sur la volatilité de l’essence, ce qui permet d’abaisser fortement les émissions d’HC par évaporation. L’emploi d’additifs oxygénés dans l’essence réduit les émissions d’HC et de CO, pour autant que la volatilité du carburant ne soit pas accrue.

Outre la réduction du nombre de km/v, on peut limiter les émissions des automobiles en recourant aux stratégies suivantes:

Bien que ces solutions conduisent à économiser le carburant, elles ne sont pas encore acceptées par le grand public, et les gouvernements n’ont pas encore tenté sérieusement de les appliquer.

Toutes ces solutions techniques et politiques au problème des automobiles, exception faite de l’adoption des voitures électriques, sont de plus en plus contrecarrées par l’augmentation du nombre de véhicules. Ce problème ne trouvera une solution que si l’on s’attaque réellement à la question de l’extension du parc automobile.

Le coût des effets sur la santé publique et l’environnement; l’analyse coûts-avantages

L’estimation du coût des effets sur la santé publique et l’environnement est la partie la plus difficile d’un plan de préservation de la qualité de l’air, étant donné qu’il est très difficile d’évaluer le prix de la réduction de durée de la vie causée par les maladies invalidantes, les taux d’hospitalisation et les heures de travail perdues. Pourtant, il est absolument nécessaire de procéder à cette estimation et de la comparer au coût des mesures antipollution si l’on veut le mettre en regard de ce que coûterait l’inaction en termes d’effets sur la santé publique et l’environnement.

Les transports et l’aménagement du territoire

Le problème de la pollution est intimement lié à l’aménagement du territoire et aux transports, notamment à des questions comme l’urbanisme, la conception des routes, la réglementation de la circulation et des transports en commun, ainsi qu’aux considérations démographiques, topographiques, économiques et sociales (Venzia, 1977). En général, l’expansion rapide des agglomérations urbaines crée de graves problèmes de pollution parce que les politiques d’aménagement du territoire et des transports ont été peu satisfaisantes. Pour planifier les transports en vue de lutter contre la pollution, il faut adopter une réglementation, définir une politique, choisir les transports en commun urbains et prendre en compte le coût des embouteillages sur les routes. Les mesures de réglementation des transports ont un impact important sur le grand public en termes d’équité, d’interdictions et de perturbations économiques et sociales — et, plus particulièrement, les dispositions directes comme les contraintes relatives aux automobiles, les restrictions concernant l’essence et la réduction des émissions de véhicules. On peut estimer de manière fiable les réductions d’émissions imputables aux mesures directes et les vérifier. Les mesures indirectes, comme la réduction du nombre de kilomètres parcourus par véhicule obtenue grâce à l’amélioration des transports en commun urbains, la réglementation visant à accroître la fluidité de la circulation, les dispositions concernant les aires de stationnement, les péages et les taxes sur l’essence, les autorisations d’utiliser la voiture et les incitations à accepter librement des restrictions, reposent généralement sur l’expérience des succès et échecs passés et comportent un grand nombre d’incertitudes si l’on cherche à établir un plan viable des transports.

Les plans d’action nationaux prévoyant des mesures de réglementation indirectes peuvent influer sur les transports et l’aménagement du territoire en ce qui concerne les routes, les aires de stationnement et les centres commerciaux. La planification à long terme du réseau des transports en commun et des zones qu’il dessert empêchera une détérioration importante de la qualité de l’air et contribuera au respect des normes en la matière. On considère généralement que les transports en commun urbains constituent une solution potentielle aux problèmes de pollution de l’air en milieu urbain. Le choix d’un système de transports en commun urbains desservant une région donnée et les diverses formules de répartition modale entre la circulation individuelle et l’autobus ou le chemin de fer modifieront en fin de compte les caractéristiques de l’aménagement du territoire. Il existe une répartition optimale qui réduit la pollution atmosphérique à un minimum; elle peut toutefois ne pas se révéler acceptable lorsqu’on prend en considération les facteurs non environnementaux.

On a dit de l’automobile qu’elle était le plus grand producteur d’effets économiques externes que l’on ait jamais connu. Certains d’entre eux, comme la création d’emplois et la mobilité, sont positifs, mais les effets négatifs, comme la pollution atmosphérique, les accidents qui entraînent morts et blessures, les dommages causés aux biens, le bruit, le temps perdu et le stress incitent à conclure que les transports ne sont pas une industrie à coût décroissant dans les zones urbaines. Le coût des embouteillages sur les routes est un autre effet économique externe, mais il est difficile de déterminer le prix du temps perdu et des encombrements. Or, on ne saurait obtenir une juste évaluation des différents modes de transport en concurrence, notamment les transports en commun urbains, si le coût des déplacements pour se rendre au travail n’inclut pas celui des embouteillages.

L’aménagement du territoire en vue de la lutte antipollution englobe les règlements de zone et les normes de performance, la réglementation de l’utilisation du domaine foncier, ainsi que la politique en matière de logement et d’urbanisation. Le zonage foncier a été la première tentative pour protéger la population, ses biens et ses chances économiques. Toutefois, comme les polluants atmosphériques se dispersent partout, il faut davantage qu’une séparation physique entre les industries et les zones résidentielles pour protéger les personnes. On a donc introduit dans certains règlements fonciers des normes de performance reposant initialement sur des considérations esthétiques ou des décisions qualitatives en vue de quantifier les critères qui doivent permettre de repérer les problèmes éventuels.

Pour planifier à long terme l’aménagement du territoire, il faut connaître les limitations de l’environnement en termes de capacité d’assimilation. On peut alors élaborer les mesures réglementant l’occupation foncière de façon à répartir équitablement la capacité entre les activités que l’on désire implanter sur un territoire donné. On peut avoir recours à des systèmes de permis pour les nouvelles sources stationnaires, à un zonage qui distingue les zones industrielles et résidentielles, à l’imposition de restrictions sous forme de servitudes ou d’achat de terrains, à la réglementation des milieux récepteurs, au zonage en fonction de la densité des émissions et aux règles d’attribution de droits d’émission.

Les politiques de logement qui visent à rendre la propriété accessible à un grand nombre de personnes auxquelles elle resterait autrement interdite (mesures fiscales d’encouragement et politique du crédit immobilier) favorisent l’étalement des villes et découragent indirectement le développement d’un habitat plus dense. Or, on constate de nos jours que ces politiques sont désastreuses pour l’environnement, car elles n’ont pas été accompagnées de la mise en place de systèmes efficaces de transport en commun pour répondre aux besoins de toutes les nouvelles zones bâties. Cette constatation démontre qu’il convient de coordonner les programmes qui ont un impact sur l’environnement et que la planification doit intervenir au niveau où le problème se pose et sur une échelle suffisamment vaste pour englober l’ensemble du système.

Pour protéger convenablement l’environnement à long terme, il faut examiner l’aménagement du territoire aux niveaux national, régional et local. Les programmes gouvernementaux commencent habituellement par le choix des sites pour les centrales électriques, l’emplacement des industries extractives, le zonage côtier et l’aménagement des espaces désertiques ou montagneux ou d’autres zones récréatives. Etant donné que, par leur multiplicité, les autorités locales d’une région ne sont pas en mesure de traiter correctement les problèmes environnementaux de la région, ce sont les administrations ou organismes régionaux qui devraient coordonner les schémas d’utilisation et de densité foncières en contrôlant la répartition spatiale ainsi que l’emplacement et l’utilisation des nouvelles constructions et des moyens de transport. L’aménagement du territoire et la planification des transports doivent aller de pair avec le respect des règlements visant à maintenir la qualité de l’air désirée. Dans l’idéal, la lutte contre la pollution de l’air devrait être planifiée par le même organisme régional que celui qui gère l’aménagement du territoire, étant donné le chevauchement des effets externes associés à ces deux problématiques.

Le programme d’application; l’engagement des ressources

Le plan antipollution de l’air devrait toujours contenir un programme d’application qui indique comment faire respecter les mesures prises. Pour ce faire, il faut aussi engager des ressources qui, selon le principe du pollueur payeur, définiront ce que le pollueur doit faire et comment l’administration l’aidera à remplir ses engagements.

Les projections sur l’avenir

A titre de précaution, le plan antipollution devrait inclure des estimations des tendances de l’évolution démographique, de la circulation, des industries et de la consommation de combustible, pour que l’on puisse définir les parades aux problèmes futurs. On évitera alors les perturbations en prenant les mesures voulues longtemps avant l’apparition des problèmes entrevus.

Les stratégies de suivi

La stratégie de suivi pour la gestion de la qualité de l’air consiste en programmes et mesures concernant l’application de futurs plans antipollution.

Le rôle des études d’impact sur l’environnement

L’étude d’impact sur l’environnement (EIE) est la procédure qui permet à l’organisme responsable de fournir un exposé détaillé de l’effet d’une action envisagée qui risque d’influer sensiblement sur la qualité de l’environnement humain (Lee, 1993). L’EIE est un instrument de prévention visant à prendre l’environnement humain en compte dès la première phase d’élaboration d’un programme ou d’un projet.

Cette étude revêt une importance particulière pour les pays qui élaborent des projets dans le cadre de la réorientation et de la restructuration de leur économie. Elle est prévue par la loi dans un grand nombre de pays développés et est aujourd’hui appliquée de plus en plus largement dans les pays en développement et les économies en transition.

L’EIE constitue une synthèse en ce sens qu’elle intègre la planification et la gestion globales de l’environnement en prenant en considération les interactions entre les différents milieux environnementaux. D’autre part, elle incorpore au processus de planification l’estimation des conséquences pour l’environnement et devient ainsi un instrument du développement durable. Elle associe aussi les aspects techniques et la participation des citoyens puisque, d’une part, elle collecte, analyse et exploite les données scientifiques et techniques en prenant en considération les contrôles de qualité et l’assurance qualité et que, d’autre part, elle souligne l’importance des consultations, avant l’octroi de permis, entre les organismes responsables de l’environnement et le public qui pourrait être touché par le projet. Le plan antipollution de l’air peut être considéré comme un élément de la procédure EIE en ce qui concerne l’air.

LA POLLUTION DE L’AIR: LA MODÉLISATION DE LA DISPERSION DES POLLUANTS DE L’AIR

Par la modélisation de la pollution atmosphérique, on cherche à évaluer les concentrations de polluants à l’extérieur causées, par exemple, par les procédés de production industrielle, les rejets accidentels ou la circulation. La modélisation de la pollution de l’air sert à déterminer la concentration totale des polluants et à trouver la cause de niveaux anormalement élevés. Pour les projets qui en sont au stade de la planification, on peut estimer d’avance les nuisances qu’ils ajouteront à la charge existante afin de pouvoir optimiser les conditions d’émission.

Selon les normes de qualité de l’air définies pour un polluant donné, il est intéressant de connaître les valeurs annuelles moyennes ou les concentrations de pointe sur une courte période. D’ordinaire, il faut calculer les concentrations là où la population est active, c’est-à-dire près de la surface, à 2 mètres environ au-dessus du sol.

Les paramètres influant sur la dispersion des polluants

Deux types de paramètres influencent la dispersion des polluants: les paramètres de la source et les paramètres météorologiques. Pour les paramètres de la source, les concentrations sont proportionnelles à la quantité de polluants émis. Dans le cas des poussières, il faut connaître le diamètre des particules pour déterminer la sédimentation et le dépôt des matières (VDI, 1992a). Comme les concentrations au niveau du sol diminuent avec la hauteur de la cheminée, il faut aussi connaître ce paramètre. En outre, les concentrations dépendent de la quantité totale des gaz dégagés, ainsi que de leur température et de leur vitesse. Si leur température excède celle de l’air ambiant, les gaz seront soumis à une surélévation thermique. Leur vitesse d’échappement, qui peut se calculer à partir du diamètre intérieur de la cheminée et du débit des gaz, causera une surélévation liée à la quantité de mouvement. On peut recourir à des formules empiriques pour décrire ces caractéristiques (VDI, 1985; Venkatram et Wyngaard, 1988). Il convient de souligner que ce n’est pas la masse du polluant considérée, mais celle de l’ensemble des gaz qui est responsable de la flottabilité thermique et de la flottabilité liée à la quantité de mouvement dynamique.

Les paramètres météorologiques qui influent sur la dispersion des polluants sont la vitesse et la direction du vent, ainsi que la stratification thermique horizontale. La concentration du polluant est fonction inverse de la vitesse du vent, ce qui s’explique principalement par l’accélération du transport. En outre, le brassage turbulent augmente avec la vitesse du vent. Etant donné que les inversions (situations dans lesquelles la température augmente avec l’altitude) empêchent le brassage turbulent, on observe des concentrations maximales au sol en cas de stratification extrêmement stable. Inversement, les situations de convection intensifient le brassage vertical et produisent par conséquent les concentrations les plus faibles.

Les normes de qualité de l’air — par exemple, les valeurs moyennes annuelles ou les 98e percentiles — reposent habituellement sur des statistiques. Il faut donc des séries chronologiques de données pour les paramètres météorologiques pertinents. L’idéal serait d’avoir des statistiques qui reposent sur 10 années d’observation. Si l’on dispose seulement de données portant sur une période plus courte, il faudrait s’assurer qu’elles soient représentatives pour une période plus longue. On peut le faire notamment par l’analyse des séries chronologiques plus longues provenant d’autres sites d’observation.

Il faut aussi que les séries météorologiques chronologiques dont on se sert soient représentatives du site considéré, c’est-à-dire qu’elles traduisent les caractéristiques locales. C’est particulièrement important pour les normes de qualité de l’air qui reposent sur les fractions de crête de la distribution, comme les 98e percentiles. Si l’on ne dispose pas de séries chronologiques de ce genre, on peut utiliser un modèle météorologique d’écoulement pour en calculer une à partir d’autres données, comme on le verra plus loin.

Les principes de la modélisation de la pollution de l’air

Comme on l’a signalé plus haut, la dispersion des polluants dépend des conditions d’émission, du transport et du brassage turbulent. On appelle modélisation de la dispersion de type eulérien (Pielke, 1984) l’emploi de l’équation complète qui décrit ces caractéristiques. Avec cette méthode, il faut déterminer les gains et pertes du polluant considéré à chacun des points d’une grille spatiale fictive et à des intervalles de temps distincts. Comme cette méthode est très complexe et exige beaucoup de temps d’ordinateur, elle ne peut pas être utilisée de façon courante. Toutefois, pour de nombreuses applications, on peut la simplifier à l’aide des hypothèses suivantes:

Dans ce cas, l’équation visée plus haut peut être résolue analytiquement. La formule obtenue décrit un panache avec une distribution gaussienne des concentrations, dénommé modèle de panache gaussien (VDI, 1992a). Les paramètres de distribution dépendent des conditions météorologiques et de la distance sous le vent, ainsi que de la hauteur de la cheminée. Ils doivent être déterminés empiriquement (Venkatram et Wyngaard, 1988). On peut décrire à l’aide du modèle de bouffée gaussienne (VDI, 1996) les situations dans lesquelles les émissions et les paramètres météorologiques varient fortement dans le temps et dans l’espace. Dans cette méthode, des bouffées distinctes sont émises à intervalles de temps fixes, chacune suivant sa propre trajectoire en fonction des conditions météorologiques existantes. Le long de son parcours, chaque bouffée grandit selon le brassage turbulent. Les paramètres qui décrivent cette croissance doivent, là encore, être déterminés à partir de données empiriques (Venkatram et Wyngaard, 1988). Il convient cependant de souligner que, pour atteindre cet objectif, il faut disposer de paramètres présentant la répartition voulue dans l’espace et dans le temps.

Pour les rejets accidentels ou les études de cas isolées, il est recommandé d’utiliser un modèle lagrangien ou particulaire (VDI, 1999). L’idée est de calculer les trajectoires d’un grand nombre de particules, représentant chacune une quantité fixe du polluant considéré. Les différentes trajectoires sont déterminées par le transport dû au vent moyen et par les perturbations stochastiques. En raison de l’élément stochastique, ces trajectoires ne concordent pas entièrement, mais décrivent le brassage dû à la turbulence. En principe, les modèles lagrangiens sont capables de prendre en considération des conditions météorologiques complexes, en particulier le vent et la turbulence; les champs calculés à l’aide des modèles de circulation décrits ci-dessous peuvent être utilisés dans la modélisation lagrangienne de la dispersion.

La modélisation de la dispersion dans le cas d’un relief complexe

S’il faut calculer les concentrations de polluants dans un terrain accidenté, il peut être nécessaire de tenir compte dans la modélisation des effets de la topographie sur la dispersion. Ces effets sont, par exemple, le transport suivant la structure topographique, ou les systèmes de vents thermiques comme les brises de mer ou les vents de montagne qui modifient la direction du vent au cours de la journée.

Si ces effets se produisent à une échelle beaucoup plus vaste que la zone du modèle, leur influence peut être étudiée à l’aide de données météorologiques qui reflètent les caractéristiques locales. En l’absence de données de ce genre, on peut se représenter la structure en trois dimensions imposée par la topographie à la circulation étudiée en utilisant un modèle de circulation correspondant. A l’aide de ces données, on peut modéliser la dispersion elle-même en prenant pour hypothèse une homogénéité horizontale, comme on l’a vu plus haut dans le cas du modèle de panache gaussien. Toutefois, dans les cas où les conditions de vent changent sensiblement dans la zone du modèle, la modélisation de la dispersion doit prendre en considération le courant à trois dimensions influencé par la configuration topographique. Comme on l’a signalé ci-dessus, on peut y parvenir en utilisant une bouffée gaussienne ou un modèle lagrangien. On peut aussi procéder par une modélisation de type eulérien, qui est plus complexe.

Pour déterminer la direction du vent en tenant compte de la configuration topographique, on peut utiliser une modélisation de la circulation basée sur la conservation de la masse ou le diagnostic (Pielke, 1984). Avec cette méthode, on intègre la circulation à la topographie en faisant varier aussi peu que possible les valeurs initiales et en conservant la masse. Comme elle donne des résultats rapides, cette méthode peut aussi servir à générer des statistiques du vent pour un site donné si l’on ne dispose pas d’observations. Pour ce faire, on emploie des statistiques du vent géotrophique (c’est-à-dire des données de radiosondage en altitude).

Si l’on doit examiner plus en détail les régimes de vents thermiques, il faut alors utiliser des modèles pronostiques. Selon l’échelle et la déclivité de la zone prise comme modèle, on choisira une approche hydrostatique, ou l’approche non hydrostatique qui est encore plus complexe (VDI, 1992b). Les modèles de ce type exigent un ordinateur puissant et une grande expérience. Ils ne permettent pas de déterminer les concentrations en se fondant sur des moyennes annuelles de caractère général. En revanche, on peut réaliser des études pour les conditions les plus défavorables en examinant uniquement une direction du vent, ainsi que les paramètres de vitesse du vent et de stratification qui donneront les concentrations les plus élevées au sol. Si les valeurs ainsi obtenues dans les conditions les plus défavorables n’excèdent pas les normes de qualité de l’air, il n’est pas nécessaire de procéder à des études plus détaillées.

Les figures 55.2, 55.3 et 55.4 montrent comment représenter le transport et la dispersion des polluants en fonction de l’influence de la topographie et de la climatologie des vents obtenue par l’étude des fréquences des vents de surface et des vents géostrophiques.

Figure 55.2 Structure topographique d'une région modèle

Figure 55.2

Figure 55.3 Distribution des fréquences au niveau de sol déduites à l'aide de la
distribution des fréquences géostrophiques pour des champs de vents hétérogènes

Figure 55.3

Figure 55.4 Concentrations annuelles moyennes de polluants pour une région
hypothétique, calculées à de la distribution des fréquences géostrophiques
pour des champs de vent hétérogènes

Figure 55.4

La modélisation de la dispersion dans le cas de sources de faible hauteur

Lorsqu’on examine la pollution atmosphérique causée par des sources de faible hauteur (c’est-à-dire par des cheminées de même hauteur que le bâtiment ou les émissions de la circulation routière), il faut tenir compte de l’influence des constructions avoisinantes. Les émissions de la circulation routière sont emprisonnées dans une certaine mesure par les couloirs de rue urbains. Des formules empiriques ont été mises au point pour décrire ce phénomène (Yamartino et Wiegand, 1986).

Les polluants émis par une cheminée de faible hauteur située sur un bâtiment seront retenus dans la circulation sur le côté du bâtiment qui est sous le vent. L’extension de cette circulation sous le vent dépend de la hauteur et de la largeur du bâtiment, ainsi que de la vitesse du vent. C’est pourquoi on ne peut généralement utiliser les méthodes simplifiées pour décrire la dispersion des polluants en pareil cas, en se fondant seulement sur la hauteur d’un bâtiment. On a pu connaître l’extension verticale et horizontale de cette circulation sous le vent grâce à des études faites en soufflerie (Hosker, 1985) et on peut l’appliquer à des modèles de diagnostic basés sur la conservation de la masse. Dès que l’on a déterminé le champ du vent, on peut s’en servir pour calculer le transport et le brassage turbulent du polluant émis. On peut utiliser pour ce faire le modèle lagrangien ou eulérien de dispersion.

Des études plus détaillées — concernant les rejets accidentels, par exemple — ne peuvent être réalisées qu’à l’aide de modèles de circulation et de dispersion non hydrostatiques, et non par un modèle diagnostique. Comme ce travail exige en général un ordinateur puissant, il est recommandé d’utiliser la méthode pour les conditions les plus défavorables décrites ci-dessus avant la modélisation statistique complète.

Les programmes internationaux de surveillance

Les organismes internationaux comme l’Organisation mondiale de la santé (OMS), l’Organisation météorologique mondiale (OMM) et le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) ont établi des projets de surveillance et de recherche pour éclaircir les problèmes de la pollution atmosphérique et pour promouvoir des mesures visant à prévenir une nouvelle détérioration de la santé publique et de l’environnement, ainsi que des conditions climatiques.

Le Système mondial de surveillance continue de l’environnement GEMS/Air (OMS/PNUE, 1993b), organisé et patronné par l’OMS et le PNUE, a élaboré un programme complet visant à fournir les instruments d’une gestion rationnelle de la pollution de l’air (voir figure 55.1). Au centre de ce programme se trouve une base mondiale de données sur les concentrations dans l’air urbain des polluants ci-après: dioxydes de soufre, particules en suspension, plomb, oxydes d’azote, monoxyde de carbone et ozone. Un autre élément, tout aussi important, est la fourniture d’instruments de gestion tels que les guides pour les inventaires rapides des émissions, les programmes de modélisation de la dispersion, les estimations de l’exposition de la population, les mesures antipollution et l’analyse coûts-avantages. A cet égard, GEMS/Air offre des manuels d’étude de la méthodologie (OMS/PNUE, 1994, 1995b), fait des évaluations mondiales de la qualité de l’air, facilite l’examen et la validation des évaluations, sert d’intermédiaire pour l’échange de données et d’informations, publie des documents techniques sur tous les aspects de la gestion de la qualité de l’air, facilite l’établissement d’une surveillance, réalise et diffuse largement des études annuelles et établit ou repère des centres régionaux de collaboration ou des experts pour coordonner et appuyer les activités en fonction des besoins des différentes régions (OMS/PNUE, 1992, 1993a, 1995a).

La Veille de l’atmosphère globale (VAG) (Miller et Soudine, 1994) fournit des données et d’autres informations sur la composition chimique et les caractéristiques physiques connexes de l’atmosphère, ainsi que sur leurs tendances, pour permettre de comprendre les liens entre les modifications de la composition de l’atmosphère et les changements climatiques mondiaux et régionaux, le transport et le dépôt à grande distance dans l’atmosphère de substances chimiques potentiellement toxiques au-dessus des écosystèmes terrestres, d’eau douce et marins, et le cycle naturel des éléments chimiques dans le système mondial atmosphère/ océans/biosphère, ainsi que les effets des activités humaines sur ce système. La VAG comprend quatre domaines d’activité: le Système mondial d’observation de l’ozone (SMOO3), la surveillance mondiale de la composition de fond de l’atmosphère, y compris le Réseau de surveillance de la pollution atmosphérique de fond (BAPMoN); la dispersion, le transport, la transformation chimique et le dépôt des polluants atmosphériques sur terre et en mer à différentes échelles de temps et d’espace, l’échange des polluants entre l’atmosphère et d’autres compartiments de l’environnement, et la surveillance intégrée. L’un des aspects les plus importants de la VAG est l’établissement de centres d’activité scientifiques chargés de l’assurance de la qualité des données recueillies dans le cadre de la VAG.

Figure 55.1 Système mondial de surveillance continue de l’environnement

Figure 55.1

LA SURVEILLANCE DE LA QUALITÉ DE L’AIR

Hans-Ulrich Pfeffer et Peter Bruckmann

La surveillance de la qualité de l’air consiste à mesurer systématiquement les polluants de l’air ambiant pour pouvoir déterminer l’exposition des récepteurs vulnérables (populations, animaux, végétaux et ouvrages d’art, par exemple) sur la base des normes et directives découlant des effets observés et identifier la source de la pollution atmosphérique (analyse causale).

Les concentrations de polluants dans l’air ambiant sont influencées par la variation dans l’espace ou dans le temps des émissions de substances dangereuses et par la dynamique de leur dispersion dans l’air. On observe donc des variations journalières et annuelles marquées des concentrations. Il est pratiquement impossible de déterminer de façon unifiée toutes ces variations de la qualité de l’air (en langage statistique, la population des états de qualité de l’air). Les mesurages des concentrations de polluants dans l’air ambiant ont donc toujours le caractère d’échantillons aléatoires dans l’espace ou dans le temps.

La planification des mesurages

Pour planifier les mesurages, la première chose à faire est de formuler l’objectif avec autant de précision que possible. Dans la surveillance de la qualité de l’air, les questions et domaines d’activité importants sont:

Les mesurages à référence spatiale:

Les mesurages aux installations:

La planification a pour but d’utiliser correctement les procédures de mesurage et d’évaluation pour répondre à des questions spécifiques avec une certitude suffisante et à un prix aussi faible que possible.

On trouvera au tableau 55.2 un exemple des paramètres à utiliser pour planifier les mesurages dans le cas d’une évaluation de la pollution de l’air à réaliser dans la zone où l’on prévoit d’implanter une installation industrielle. Sachant que les exigences officielles varient selon les pays, il convient de noter qu’il s’agit ici des procédures allemandes d’autorisation.

Tableau 55.2 Paramètres applicables au mesurage des concentrations de polluants dans
l'air ambiant (avec un exemple d'application)

Paramètre

Exemple d’application: procédure d’autorisation pour les installations industrielles en Allemagne

Exposé de la question

Mesurage de la pollution préalablement à la procédure d’autorisation; mesurage d’échantillons représentatifs prélevés au hasard

Zone de mesurage

Cercle tracé autour de l’emplacement, d’un rayon égal à trente fois la hauteur réelle de la cheminée (simplifiée)

Normes d’évaluation (selon le lieu et le temps): valeurs caractéristiques à tirer des mesurages

Valeurs seuils IW1 (moyenne arithmétique) et IW2 (98e percentile) de TA Luft [instruction technique, air]; calcul de I1 (moyenne arithmétique) et de I2 (98e percentile) à l’aide des mesurages rapportés à 1 km2 (surface de l’évaluation) à comparer à IW1 et IW2

Classement, choix et densité des sites de mesurage

Quadrillage régulier de 1 km2, donnant le choix au hasard des sites de mesurages

Période de mesurage

1 an, au moins 6 mois

Hauteur de mesurage

1,5 à 4 m au-dessus du sol

Fréquence des mesurages

52 (104) mesurages par zone d’évaluation pour les polluants gazeux, selon la hauteur de la pollution

Durée de chaque mesurage

1 demi-heure pour les polluants gazeux, 24 heures pour les poussières en suspension, 1 mois pour la précipitation des poussières

Date du mesurage

Choix au hasard

Objet mesuré

Pollution de l’air émise par l’installation planifiée

Procédure de mesurage

Procédure nationale standard de mesurage (directives VDI)

Certitude requise des résultats des mesurages

Elevée

Exigences de qualité, contrôle de qualité, étalonnage, entretien

Directives VDI

Enregistrement des données de mesurage, validation, archivage, évaluation

Calcul des valeurs I1V et I2V pour chaque zone d’évaluation

Coûts

Varient selon la zone de mesurage et les objectifs

Le tableau 55.2 expose le cas d’un réseau de mesurage qui est censé surveiller de façon aussi représentative que possible la qualité de l’air dans une zone déterminée pour la comparer aux limites fixées. Cette méthode repose sur l’idée que l’on choisit au hasard les sites de mesurage de manière à prendre en compte la variabilité des emplacements situés dans une zone où la qualité de l’air est variable (espaces habitables, rues, zones industrielles, parcs, centres urbains, banlieues). Dans des zones étendues, cette méthode peut se révéler très coûteuse en raison du nombre de sites de mesurage requis.

On peut concevoir autrement le réseau de mesurage et commencer par des sites choisis de façon à être représentatifs. Si l’on connaît la variabilité de la qualité de l’air aux emplacements les plus importants et si l’on sait pendant combien de temps les objets protégés restent dans ces «microenvironnements», on peut alors déterminer l’exposition. Cette méthode peut être étendue à d’autres «microenvironnements» (pièces à l’intérieur des bâtiments, voitures, par exemple) pour estimer l’exposition totale. Le choix des sites de mesurage sera facilité par la modélisation de la diffusion ou les mesures de présélection.

Une troisième méthode consiste à faire les mesurages là où l’on pense que l’exposition est la plus élevée (par exemple, dans les couloirs de rue urbains pour le NO2 et le benzène). Si cet emplacement répond aux normes d’évaluation, il existe une probabilité suffisante pour qu’il en soit de même pour tous les autres. En se focalisant sur les points critiques, cette méthode exige relativement peu d’emplacements d’échantillonnage, mais ceux-ci doivent être choisis avec un soin particulier. En effet, on risque de surestimer l’exposition réelle.

Les paramètres de la période de mesurage, de l’évaluation des données obtenues et de la fréquence des mesurages sont donnés en grande partie dans la définition des normes (limites) d’évaluation et des intervalles de confiance désirés pour les résultats. Les valeurs limites admissibles sont liées aux conditions périphériques dont il faut tenir compte dans la planification des mesurages. Grâce à des procédures de mesure en continu, on peut obtenir une densité qui ne laisse pratiquement aucun intervalle de temps entre les mesurages. Cette finesse n’est toutefois nécessaire que pour la surveillance des valeurs de pointe et pour les alertes au smog; pour le suivi des moyennes annuelles, par exemple, des mesurages en discontinu suffisent.

Les possibilités offertes par les procédures de mesurage et de contrôle de qualité en tant qu’autre paramètre important de la planification sont décrites ci-après.

L’assurance qualité

Il peut être coûteux de mesurer les concentrations de polluants dans l’air ambiant, et les résultats obtenus peuvent influer sur des décisions importantes qui peuvent avoir de graves conséquences économiques et écologiques. Les mesures de l’assurance qualité font donc partie intégrante du processus. Deux domaines sont à distinguer ici.

Les dispositions concernant la procédure

Toute procédure complète de mesurage comprend plusieurs étapes: échantillonnage, préparation et nettoyage de l’échantillon, séparation et détection (étape analytique finale), puis collecte et évaluation des données. Dans quelques cas, spécialement pour le mesurage en continu de gaz inorganiques, certaines étapes peuvent être omises (la séparation, par exemple). Lors des mesurages, il faut se conformer le plus possible aux procédures. Il faut que celles-ci soient normalisées et, par conséquent, entièrement documentées, sous la forme des normes DIN/ISO, des normes CEN ou des directives VDI.

Les dispositions concernant l’utilisateur

Il ne suffit pas d’utiliser un matériel et des procédures normalisés et éprouvés dans le mesurage des concentrations de polluants dans l’air ambiant pour obtenir un résultat acceptable; encore faut-il que l’utilisateur emploie des méthodes appropriées de contrôle de qualité. Les normes DIN/EN/ISO 9000 (normes de gestion de la qualité et d’assurance qualité), EN 45000 (qui définit les conditions à remplir par les laboratoires d’essai) et le guide ISO 25 (conditions générales de compétence des laboratoires d’étalonnage et d’essai) jouent un rôle important dans les dispositions que doit prendre l’utilisateur pour s’assurer de la qualité.

Les principales dispositions consistent à:

Les procédures de mesurage

Les procédures de mesurage pour les gaz inorganiques

Il existe un grand nombre de méthodes de mesurage pour une large gamme de gaz inorganiques. Nous examinerons séparément les méthodes manuelles et les procédures automatisées.

Les méthodes manuelles

Dans le cas des méthodes manuelles dont on se sert pour les gaz inorganiques, la substance à mesurer est habituellement absorbée lors de l’échantillonnage dans une solution ou une matière solide. Dans la plupart des cas, on fait un dosage photométrique après une réaction colorante appropriée. Plusieurs méthodes manuelles de mesurage ont une importance spéciale en tant que pratiques de référence. Etant donné que leur coût en personnel est relativement élevé, elles ne sont que rarement appliquées aujourd’hui pour les mesurages sur le terrain, car des procédures automatisées existent. Les méthodes manuelles les plus importantes sont brièvement exposées au tableau 55.3.

Tableau 55.3 Méthodes manuelles de mesurage des gaz inorganiques

Matière

Méthode

Exécution

Commentaires

SO2

Méthode TCM

Absorption dans une solution de tétrachloromercurate (flacon laveur); réaction avec le formaldéhyde et la pararosaniline pour donner l’acide sulphonique rouge-violet; dosage photométrique

UE = procédure de mesurage de référence;
DL = 0,2 µg SO2;
s = 0,03 mg/m3 à 0,5 mg/m3

SO2

Méthode au gel de silice

Elimination des substances gênantes à l’aide de H3PO4 concentré; adsorption sur gel de silice; désorption thermique dans un flux de H2 et réduction à H2S; réaction au bleu de molybdène; dosage photométrique

DL = 0,3 µg SO2;
s = 0,03 mg/m3 à 0,5 mg/m3

NO2

Méthode de Saltzman

Absorption dans une solution réactive tout en formant un colorant azoïque rouge (flacon laveur); dosage photométrique

Etalonnage au nitrate de sodium; DL = 3 µg/m3

O3

Méthode à l’iodure de potassium

Formation d’iodure à partir d’une solution aqueuse d’iodure de potassium (flacon laveur); dosage photométrique

DL = 20 µg/m3; rel. s = ± 3,5% à 390 µg/m3

F

Méthode aux grains d’argent; variante 1

Prélèvement avec un préséparateur de poussière; enrichissement de F sur des grains d’argent enrobés de carbonate de sodium; élution et mesurage à l’aide d’une chaîne d’électrodes au fluorure de lanthane à ions sensibles

Inclusion d’une portion indéterminée d’immissions de fluorure en particules

F

Méthode aux grains d’argent; variante 2

Prélèvement à l’aide d’un filtre à membrane chauffé; enrichissement de F sur des grains d’argent enrobés de carbonate de sodium; dosage par la méthode électrochimique (variante 1) ou photométrique (alizarine-complexone)

Risques de trouver des valeurs inférieures à cause de la sorption partielle des immissions de fluorure gazeux sur le filtre à membrane; DL = 0,5 µg/m3

Cl

Méthode au rhodanure de mercure

Absorption dans une solution d’hydroxyde de sodium 0,1 N (flacon laveur); réaction au rhodanure de mercure et aux ions de Fe(III) pour former un complexe de fer thiocyanate; dosage photométrique

DL = 9 µg/m3

Cl2

Méthode au méthyle-orange

Réaction de blanchiment avec une solution de méthyle-orange (flacon laveur); dosage photométrique

DL = 0,015 µg/m3

NH3

Méthode à l’indophénol

Absorption dans H2SO4 dilué (appareil à impact/flacon laveur); conversion avec du phénol et de l’hypochlorure en teinture d’indophénol; dosage photométrique

DL = 3 µg/m3 (appareil à impact); inclusion partielle de NH+4- composés et amines

NH3

Méthode de Nessler

Absorption dans H2SO4 dilué (appareil à impact/flacon laveur); distillation et réaction aux réactifs de Nessler, dosage photométrique

DL = 2,5 µg/m3 (appareil à impact); inclusion partielle de NH+4- composés et amines

H2S

Méthode au bleu de molybdène

Absorption comme sulfure d’argent sur des perles de verre traitées au sulfate d’argent et au sulfate d’hydrogène potassium (tube de sorption); libéré sous forme de sulfure d’hydrogène et conversion en bleu de molybdène; dosage photométrique

DL = 0,4 µg/m3

H2S

Méthode au bleu de méthylène

Absorption dans une suspension d’hydroxyde de cadmium avec formation de CdS; conversion en bleu de méthylène; dosage photométrique

DL = 0,3 µg/m3

Une variante spéciale des prélèvements, utilisée principalement en liaison avec les méthodes manuelles, est celle du tube de séparation par diffusion (le «dénudeur»). La technique du dénudeur vise à séparer les phases gazeuses des phases particulaires en se fondant sur leurs taux différents de diffusion. Cette technique est utilisée souvent pour les problèmes difficiles de séparation, par exemple: ammoniac et composés de l’ammonium; oxydes d’azote, acide nitrique et nitrates; oxydes de soufre, acide sulfurique et sulfates; ou halogénures d’hydrogène/halogénures. Dans la méthode classique du dénudeur, l’air à analyser est aspiré à travers un tube de verre possédant un revêtement spécial, selon la ou les matières à recueillir. Cette technique a été perfectionnée en un grand nombre de variantes et a aussi été partiellement automatisée. Elle a fortement élargi les possibilités de l’échantillonnage différencié, mais elle peut être très laborieuse, selon la variante, et il faut une grande expérience pour l’utiliser convenablement.

Les procédures automatisées

Il existe sur le marché un grand nombre d’appareils de mesurage en continu pour le dioxyde de soufre, les oxydes d’azote, le monoxyde de carbone et l’ozone. La plupart d’entre eux sont employés en particulier dans les réseaux de mesurage. Les caractéristiques les plus importantes de chacune des méthodes sont résumées au tableau 55.4.

Tableau 55.4 Procédures automatisées de mesurage des gaz inorganiques

Matière

Principe de mesurage

Commentaires

SO2

Réaction par conductométrie de SO2 avec H2O2 en H2SO4 dilué; mesurage de la conductivité accrue

Exclusion des interférences avec un filtre sélectif (KHSO4/AgNO3)

SO2

Fluorescence UV; excitation des molécules de SO2 par rayons UV (190-230 nm); mesurage du rayonnement de fluorescence

Il faut éliminer les interférences (par exemple, les hydro-carbures) par filtration

NO/NO2

Chimioluminescence; réaction de NO avec O3 en NO2; détection du rayonnement de chimioluminescence avec photo-multiplicateur

NO2 n’est mesurable qu’indirectement; emploi de convertisseurs pour réduire NO2 en NO; mesurage de NO et NOx (= NO + NO2) dans des canaux séparés

CO

Absorption infrarouge non dispersive; mesurage de l’absorption IR avec un détecteur spécifique par rapport à la cellule de référence

Référence: a) cellule avec N2 ;b) air ambiant après élimination de CO; c) élimination optique de l’absorption de CO (corrélation gaz/filtre)

O3

Absorption UV; lampe Hg à basse pression comme source de rayonnement (253,7 nm); enregistrement de l’absorption UV conformément à la loi de Lambert-Beer; détecteur: photodiode à vide, valve photosensible

Référence: air ambiant après élimination de l’ozone (par exemple, Cu/MnO2)

O3

Chimioluminescence; réaction de O3 avec l’éthylène en formaldéhyde; détection du rayonnement de chimioluminescence avec photomultiplicateur

Bonne sélectivité; l’éthylène est nécessaire comme gaz réactif

Il faut souligner que toutes les procédures automatisées reposant sur des principes physico-chimiques doivent être étalonnées à l’aide des procédures de référence (manuelles). Etant donné que le matériel automatique des réseaux de mesurage fonctionne souvent pendant de longues périodes (plusieurs semaines, par exemple) sans supervision humaine directe, il est indispensable de contrôler régulièrement et automatiquement son bon fonctionnement. On le fait généralement au moyen de gaz témoins et de gaz d’essai qui peuvent être produits par plusieurs méthodes (préparation de l’air ambiant, bouteilles de gaz sous pression, imprégnation, diffusion, dilution statique et dynamique).

Les procédures de mesurage des polluants atmosphériques particulaires et de leur composition

Parmi les polluants atmosphériques particulaires, on distingue les retombées de poussières et les particules en suspension (Suspended Particulate Matter (SPM)). Les retombées de poussières sont des particules plus grandes, qui tombent au sol en raison de leur taille et de leur masse volumique. Les SPM comprennent la fraction des particules qui est dispersée dans l’atmosphère de manière quasi stable et quasi homogène et qui y reste donc en suspension pendant un certain temps.

Le mesurage des particules en suspension et des composés métalliques dans les SPM

Tout comme dans le cas des polluants atmosphériques gazeux, on peut différencier pour les SPM les procédures de mesurage continu ou discontinu. En règle générale, les SPM sont d’abord séparées sur des filtres à fibres de verre ou à membrane. On procède ensuite à un dosage gravimétrique ou radiométrique. Selon l’échantillonnage, on peut distinguer deux procédures de mesurage de la quantité totale de SPM: l’une sans fractionnement en fonction de la dimension des particules, et l’autre avec fractionnement pour mesurer les poussières fines.

Les avantages et les inconvénients des mesurages fractionnés de poussières en suspension font l’objet d’un débat international. En Allemagne, par exemple, toutes les valeurs seuils et les normes d’évaluation sont fondées sur la totalité des particules en suspension. Cela signifie que, la plupart du temps, on mesure uniquement le total des SPM. Aux Etats-Unis, en revanche, on utilise très couramment la procédure PM-10 (Particulate Matter (PM)) (≤10 µm) ). Selon cette méthode, seules sont retenues les particules d’un diamètre aérodynamique maximal de 10 µm (proportion d’inclusion de 50%), qui sont inhalables et peuvent donc entrer dans les poumons. Il est prévu d’introduire la procédure PM-10 dans l’Union européenne en tant que référence. Le coût des mesurages fractionnés de SPM est nettement plus élevé que celui du mesurage des poussières totales en suspension, étant donné que les appareils doivent être équipés d’éléments sensibles spéciaux de construction coûteuse et qui exigent un entretien onéreux. On trouvera au tableau 55.5 des précisions sur les procédures les plus importantes de mesurage des SPM.

Tableau 55.5 Procédures les plus importantes de mesurage pour les particules
en suspension (SPM)

Procédure

Principe de mesurage

Commentaires

Appareil à petits filtres

Prélèvements non fractionnés; débit d’air 2,7-2,8 m3/h; diamètre du filtre 50 mm; analyse gravimétrique

Maniement facile; horloge de commande; appareil fonctionnant avec préséparateur PM-10

Appareil LIB

Prélèvements non fractionnés; débit d’air 15-16 m3/h; diamètre du filtre 120 mm; analyse gravimétrique

Séparation de grandes quantités de poussière; avantageux pour l’analyse des composants de la poussière; horloge de commande

Echantillonneur à grand volume

Inclusion de particules atteignant jusqu’à 30 µm de diamètre environ; débit d’air de 100 m3/h environ; diamètre du filtre 257 mm; analyse gravimétrique

Séparation de grandes quantités de poussière, avantageux pour l’analyse des composants de la poussière; niveau de bruit relativement élevé

FH 62 I

Appareil de mesurage radiométrique en continu; prélèvements non fractionnés; débit d’air 1 ou 3 m3/h; relevé de la masse de poussières retenue sur un dispositif de filtrage en mesurant l’atténuation du rayonnement β (krypton 85) lors du passage à travers un filtre exposé (chambre d’ionisation)

Etalonnage gravimétrique par exposition de filtres isolés à la poussière; l’appareil fonctionne aussi avec un préséparateur PM-10

Mesureur de poussières BETA F 703

Appareil de mesurage radiométrique en continu des poussières; prélèvements non fractionnés; débit d’air 3 m3/h; relevé de la masse de poussières retenue sur un dispositif de filtrage en mesurant l’atténuation du rayonnement β (carbone 14) lors du passage à travers un filtre exposé (tube compteur Geiger Müller)

Etalonnage gravimétrique par exposition de filtres isolés à la poussière; l’appareil fonctionne aussi avec un préséparateur PM-10

TEOM 1400

Appareil de mesurage de la poussière en continu; prélèvements non fractionnés; débit d’air 1 m3/h; poussière recueillie sur un filtre qui fait partie d’un système vibrant auto-résonant, dans un courant latéral (3 l/min); relevé de la diminution de la fréquence par l’accroissement des dépôts de poussière sur le filtre

Le rapport entre la diminution de la fréquence et la masse de la poussière doit être déterminé par étalonnage

On a mis au point des changeurs automatiques qui contiennent un grand nombre de filtres et les connectent automatiquement à l’échantillonneur, l’un après l’autre, à intervalle fixe. Les filtres exposés sont entreposés dans un magasin. Les seuils de détection pour les procédures à filtre sont généralement compris entre 5 et 10 µg/m3.

Enfin, il faut signaler la procédure à la fumée noire pour la mesure des SPM. Originaire de Grande-Bretagne, elle a été incorporée dans les directives de l’Union européenne pour le SO2 et les poussières en suspension. Avec cette méthode, on mesure le noircissement du filtre avec un photomètre réflexe après l’échantillonnage. Les valeurs de fumée noire ainsi obtenues par photométrie sont converties en unités gravimétriques (µg/m3) à l’aide d’une courbe d’étalonnage. Comme cet étalonnage dépend dans une large mesure de la composition de la poussière, spécialement de sa teneur en suie, la conversion en unités gravimétriques est problématique.

Aujourd’hui, les composés métalliques sont souvent dosés d’office dans les échantillons d’immissions de poussières en suspension. En général, la collecte des poussières en suspension sur les filtres est suivie d’une dissolution chimique des poussières retenues, étant donné que les étapes finales les plus courantes de l’analyse présupposent la conversion des composés métalliques et métalloïdes dans une solution aqueuse. En pratique, les méthodes de loin les plus importantes sont la spectroscopie à absorption atomique (AAS) et la spectroscopie d’émission optique à plasma inductif (ICP-OES). Les autres procédures de dosage des composés métalliques dans les poussières en suspension sont l’analyse par fluorescence X, la polarographie et l’analyse par activation des neutrons. Bien que l’on mesure depuis maintenant plus de 10 ans les composés métalliques en tant que composants des SPM dans l’air à l’extérieur sur certains sites de mesurage, d’importantes questions n’ont pas encore trouvé de réponse. L’échantillonnage classique effectué par séparation des poussières en suspension sur les filtres suppose que la séparation des composés de métaux lourds sur le filtre soit complète. Or, on trouve des indications plus anciennes qui en font douter. En tout état de cause, les résultats sont très hétérogènes.

Un autre problème tient au fait que l’on ne peut distinguer les différentes formes de composés métalliques, ou les composés simples des divers éléments, dans l’analyse réalisée à l’aide des procédures classiques de mesurage. Si, dans de nombreux cas, on peut faire des dosages totaux adéquats, il serait souhaitable de procéder à une différenciation plus poussée pour certains métaux particulièrement cancérogènes (As, Cd, Cr, Ni, Co, Be). Il y a souvent de grandes différences dans les effets cancérogènes des éléments et de leurs composés (par exemple, composés du chrome dans les niveaux d’oxydation III et VI — seuls ceux du niveau VI sont cancérogènes). En pareil cas, il serait souhaitable de mesurer séparément les divers composés (analyse par substance). En dépit de l’importance de ce problème, on commence seulement à faire l’analyse par substance dans la technique de mesurage.

Le mesurage des particules en suspension et des composés métalliques dans les SPM

Il existe deux méthodes fondamentalement différentes pour recueillir les retombées de poussières:

Une méthode répandue de mesurage des retombées de poussières (dépôt de poussières) est la procédure Bergerhoff. Elle consiste à recueillir la totalité des précipitations atmosphériques (dépôts secs et humides) pendant 30 ± 2 jours dans des récipients à environ 1,5 à 2 m au-dessus du sol (dépôt brut). Les récipients de collecte sont ensuite transportés au laboratoire et préparés (filtrage, évaporation de l’eau, séchage, pesée). Le résultat est calculé sur la base de la surface du récipient de collecte et de la durée d’exposition en grammes par m2 et par jour (g/m2j). Le seuil relatif de détection est de 0,035 g/m2j.

Parmi les autres procédures de collecte des retombées, on peut citer le système Liesegang-Löbner et les méthodes qui recueillent la poussière déposée sur des feuilles adhésives.

Tous les résultats des mesurages des retombées de poussière sont des valeurs relatives qui dépendent de l’appareil utilisé, étant donné que la séparation est fonction des conditions d’écoulement au voisinage du dispositif mais aussi d’autres paramètres. Les écarts entre les valeurs obtenues avec les différentes procédures peuvent atteindre 50%.

La composition de la poussière déposée a également son importance, notamment les teneurs en plomb, en cadmium et en autres composés métalliques. Les procédures d’analyse utilisées sont fondamentalement les mêmes que pour la poussière en suspension.

Le mesurage des matières spéciales sous forme de poussières

Les matières spéciales sous forme de poussières sont notamment l’amiante et la suie. Il est important de recueillir les fibres en tant que polluants atmosphériques, car l’amiante est classé comme cancérogène avéré. Les fibres d’un diamètre D ≤ 3 µm et d’une longueur L ≥ 5 µm, avec L:D ≥ 3, sont considérées comme cancérogènes. Les procédures de mesurage des matières fibreuses consistent à compter, sous le microscope, les fibres qui ont été retenues sur des filtres. Seules les méthodes faisant appel à des microscopes électroniques peuvent être envisagées dans le cas de l’air extérieur. Les fibres sont séparées sur des filtres poreux revêtus d’or. Avant d’être évalué dans un microscope électronique à balayage, l’échantillon est libéré des substances organiques par incinération par torche à plasma directement sur le filtre. Les fibres sont comptées sur une partie de la surface du filtre choisie au hasard et sont classées d’après leur géométrie et leur type. A l’aide d’une analyse par rayons X à dispersion d’énergie (EDXA), les fibres d’amiante, celles de sulfate de calcium et d’autres fibres inorganiques peuvent être différenciées sur la base de leur composition en éléments. Toute cette procédure est extrêmement coûteuse et exige le plus grand soin pour donner des résultats fiables.

La suie sous forme de particules émises par les moteurs diesel doit être prise en considération, étant donné qu’elle a également été classée parmi les matières cancérogènes. En raison de sa composition changeante et complexe et du fait que plusieurs de ses composants sont également émis par d’autres sources, il n’existe pas de procédure de mesurage propre à la suie du diesel. Néanmoins, si l’on veut une indication concrète sur les concentrations dans l’air ambiant, la suie est définie classiquement comme un carbone élémentaire, faisant partie du carbone total. Elle est mesurée après prélèvement et une étape d’extraction et de désorption thermique. On détermine ensuite la teneur en carbone par combustion dans un flux d’oxygène et par titrage coulométrique ou détection IR non dispersive du dioxyde de carbone formé lors de ce processus.

En principe, pour la suie, on utilise aussi l’æthalomètre et la sonde photoélectrique de mesurage des concentrations en aérosols.

Le mesurage des dépôts humides

Avec les dépôts secs, les dépôts humides dans la pluie, la neige, le brouillard et la rosée constituent les modes les plus importants de pénétration des matières nocives en provenance de l’air dans le sol, l’eau ou les végétaux.

Pour distinguer clairement les dépôts humides dans la pluie et la neige (brouillard et rosée soulèvent des problèmes spéciaux) du dépôt total (dépôt brut, voir ci-dessus «Le mesurage des particules en suspension et des composés métalliques dans les SPM») et des dépôts secs, on se sert pour les prélèvements de collecteurs de précipitations dont l’ouverture est couverte lorsqu’il ne pleut pas (échantillonneur réservé aux matières humides). Dans ces appareils, qui fonctionnent généralement selon le principe des variations de conductivité, le couvercle s’ouvre lorsqu’il commence à pleuvoir et se referme lorsque la pluie cesse.

Les échantillons sont transférés par un entonnoir (surface à l’air libre d’environ 500 cm2 ou davantage) dans un récipient obscurci et, si possible, isolé (en verre ou en polyéthylène pour les composants inorganiques exclusivement).

En général, on peut analyser l’eau recueillie pour en connaître les composants inorganiques sans préparer l’échantillon. L’eau doit être centrifugée ou filtrée si elle est visiblement trouble. La conductivité, le pH et les anions (NO3, SO42–, Cl) et cations (Ca2+, K+, Mg2+, Na+, NH4+, etc.) importants sont mesurés de façon systématique. Les composés instables à l’état de traces et les états intermédiaires comme H2O2 ou HSO3 sont également mesurés à des fins de recherche.

Pour l’analyse, les procédures suivies sont celles dont on dispose en général pour les solutions aqueuses, comme la conductométrie pour la conductivité, les électrodes pour les valeurs du pH, la spectroscopie par adsorption atomique pour les cations (voir ci-dessus «Le mesurage des matières spéciales sous forme de poussières») et, de plus en plus, la chromatographie à échange d’ions avec la détection par conductivité pour les anions.

Les composés organiques sont extraits de l’eau de pluie à l’aide, par exemple, du dichlorométhane, ou en sont aspirés avec de l’argon et adsorbés avec des tubes Tenax (seulement pour les matières très volatiles). Les matières sont ensuite soumises à une analyse chromatographique en phase gazeuse (voir ci-après «Les procédures de mesurage des polluants atmosphériques organiques»).

Les dépôts secs sont directement fonction des concentrations dans l’air ambiant. Les différences de concentration des matières nocives transportées par l’air dans la pluie sont cependant relativement faibles, de sorte que, pour mesurer les dépôts secs, on peut se servir de réseaux à maillage large. A titre d’exemple, on peut citer le réseau de mesurage EMEP en Europe, formé d’environ 90 stations qui recueillent les données concernant les ions de sulfate et de nitrate, certains cations et le pH des précipitations. Il existe aussi de vastes réseaux de mesurage en Amérique du Nord.

Les procédures de mesurage optique à longue distance

Alors que les méthodes décrites jusqu’à présent ne prélèvent la pollution de l’air qu’à un seul point, les procédures de mesurage optique à longue distance le font de manière intégrée sur des trajectoires de lumière de plusieurs kilomètres ou en déterminent la distribution spatiale. Elles utilisent les caractéristiques d’absorption des gaz dans l’atmosphère dans la gamme spectrale UV, visible ou IR et reposent sur la loi de Lambert-Beer, selon laquelle le produit de la trajectoire de la lumière et de la concentration est proportionnel à l’extinction mesurée. En changeant la longueur d’onde de l’émetteur et du récepteur de l’installation de mesurage, plusieurs composants peuvent être mesurés parallèlement ou successivement avec un seul dispositif.

Les systèmes indiqués au tableau 55.6 sont les plus employés dans la pratique.

Tableau 55.6 Procédures de mesurage à longue distance

Procédure

Application

Avantages, inconvénients

Spectroscopie à infrarouge transformée de Fourier (FTIR)

Gamme spectrale IR (environ 700-3 000 cm–1), trajectoire lumineuse de plusieurs centaines de mètres. Observe les sources diffuses de surface; mesure les différents composés organiques

+ Système à multicomposants
+ LD: quelques ppb
– Coûteux

Spectroscopie d’absorption optique différentielle (DOAS)

Trajectoire lumineuse jusqu’à plusieurs km. Mesure SO2, NO2, benzène, HNO3; observe les sources alignées et de surface; utilisée dans les réseaux de mesurage

+ Facile à manier
+ Essai de fonctionnement réussi
+ Système multicomposants
– LD: élevée par mauvaise visibilité (brouillard, par exemple)

Spectroscopie d’absorption laser à longue distance (TDLAS)

Zone de recherche, dans les cuvettes à basse pression pour OH

+ Sensibilité élevée (à ppt)
+ Mesure les composés à l’état de traces instables
– Coût élevé
– Difficile à manier

Absorption différentielle LIDAR (DIAL)

Observe les sources de surface; mesure des émissions concernant une grande superficie

+ Mesure la distribution spatiale
+ Mesure les endroits inaccessibles (traînées de gaz de fumée)
– Coûteux
– Spectre limité de composants (SO2, O3, NO2)

LIDAR (Light Detection and Ranging) = Détection et spectre de la lumière; DIAL (Differential Absorption LIDAR) = Absorption différentielle LIDAR.

Les procédures de mesurage des polluants atmosphériques organiques

Le mesurage de la pollution atmosphérique contenant des composants organiques est compliqué principalement par l’éventail des matières entrant dans cette catégorie. On trouve plusieurs centaines de composants aux caractéristiques toxicologiques, chimiques et physiques très différentes sous le titre général de «polluants atmosphériques organiques» dans les registres des émissions et les plans de qualité de l’air des zones surpeuplées.

En raison principalement des grandes différences d’impact potentiel, la collecte des divers composants pertinents a de plus en plus remplacé les procédures par sommation que l’on utilisait précédemment (par exemple, détecteur à ionisation de flamme (DIF), procédure du carbone total), dont les résultats ne peuvent pas être évalués sur le plan toxicologique. La méthode DIF a cependant conservé une certaine importance en liaison avec une courte colonne séparatrice pour isoler le méthane, qui n’est pas très réactif photochimiquement, et comme moyen de recueillir les composés organiques volatils précurseurs (COV) pour la formation de photo-oxydants.

La nécessité fréquente de séparer les mélanges complexes des composés organiques en leurs différents composants fait de leur mesurage un travail qui relève pratiquement de la chromatographie appliquée. Les procédures chromatographiques sont les méthodes de choix lorsque les composés organiques sont suffisamment stables, thermiquement et chimiquement. Pour les matières organiques comportant des groupes fonctionnels réactifs, on continue d’utiliser des procédures distinctes qui font appel aux caractéristiques physiques de ces groupes fonctionnels ou à des réactions chimiques qui les détectent.

A titre d’exemple, on citera l’utilisation d’amines pour convertir les aldéhydes en hydrazones, suivie de la mesure photométrique, la dérivation avec la 2,4-dinitrophénylhydrazine et la séparation de la 2,4-hydrazone qui s’est formée, ou la formation de colorants azoïques avec la π-nitroaniline pour déceler les phénols et crésols.

Parmi les procédures chromatographiques, la chromatographie en phase gazeuse (CPG) et la chromatographie en phase liquide à haute performance (CLHP)) sont les plus fréquemment employées pour séparer les mélanges souvent complexes. Pour la chromatographie en phase gazeuse, on emploie presque exclusivement de nos jours des colonnes séparatrices d’un diamètre très étroit (environ 0,2 à 0,3 mm et d’une longueur de 30 à 100 m environ), appelées colonnes capillaires à haut pouvoir de résolution (CCHR). Il existe une série de détecteurs pour trouver les différents composants après la colonne de séparation, comme le DIF cité plus haut, le DCE (détecteur à capture d’électrons) (en particulier pour les substituts électrophiles comme l’halogène), le PID (détecteur à ionisation photoélectrique) particulièrement sensible aux hydrocarbures aromatiques et autres systèmes par π-électrons et le DTI, détecteur thermoïonique spécialement conçu pour les composés azotés et phosphorés. La CLHP utilise des détecteurs spéciaux à flux continu qui sont conçus, par exemple, pour la cuvette à flux continu d’un spectromètre UV.

Il est particulièrement efficace, mais aussi fort coûteux, d’employer un spectromètre de masse comme détecteur. En fait, certaines identifications, surtout pour les mélanges inconnus de composés, ne sont souvent possibles que par le spectre de masse du composé organique. L’information qualitative du temps de rétention (temps pendant lequel la matière reste dans la colonne contenue dans le chromatogramme avec les détecteurs classiques) est complétée à l’aide de la détection spécifique de chaque composant par les fragmentogrammes de masse à haute sensibilité de détection.

La procédure d’échantillonnage doit être établie avant l’analyse proprement dite. Le choix de la méthode de prélèvement est déterminé principalement par la volatilité, mais aussi par la gamme de concentrations attendue, la polarité et la stabilité chimique. En outre, pour les composés non volatils, il faut choisir entre les mesures de concentration et les mesures de dépôt.

Le tableau 55.7 donne un aperçu des procédures courantes de surveillance continue de l’air pour l’analyse chromatographique des composés organiques, avec des exemples d’application.

Tableau 55.7 Aperçu des procédures courantes de mesurage de la qualité de l'air par
chromatographie des composés organiques (avec des exemples d'applications)

Groupe de matières

Gamme de concentrations

Prélèvements, préparation

Etape analytique finale

Hydrocarbures C1-C9

µg/m3

Mousse gazeuse (prélèvement rapide), seringue étanche au gaz, piège froid avant la colonne capillaire (ciblage), désorption thermique

CPG/DIF

Hydrocarbures à faible point d’ébullition, hydrocarbures halogénés extrêmement volatils

ng/m3-µg/m3

Cylindre d’acier de haute qualité évacué et passivé (aussi pour les mesurages d’air pur) Expédition des échantillons par circuits de gaz, piège froid, désorption thermique

CPG/DIF/DCE/DIP

Composés organiques dans la plage des points d’ébullition C6-C30 (60-350 °C)

µg/m3

Adsorption sur charbon actif, a) désorption avec CS2; b) désorption avec solvants; c) analyse de l’espace libre

CPG capillaire/DIF

Composés organiques dans la plage 20-300 °C des points d’ébullition

ng/m3-µg/m3

Adsorption sur des polymères organiques (par exemple, Tenax) ou sur un filtre à charbon actif (carbopack), désorption thermique avec piège froid avant la colonne capillaire (ciblage) ou extraction par solvants

CPG capillaire/ DIF/DCE/SM

Modification pour les composés à bas points d’ébullition (à partir de –120 °C)

ng/m3-µg/m3

Adsorption sur des polymères refroidis (tube thermogradient), refroidi à –120 °C, emploi du carbopack

CPG capillaire/ DIF/DCE/SM

Composés organiques à points d’ébullition élevés partiellement attachés aux particules (spécialement HAP, PCB, PCDD/PCDF), grands volumes de prélèvements

fg/m3-ng/m3

Prélèvements sur filtres (par exemple, petit appareil à filtre ou échantillonneur à grand volume) avec ensuite cartouches de polyuréthane pour la portion gazeuse, désorption par solvants du filtre et du polyuréthane, diverses phases de purification et de préparation, pour HAP aussi sublimation

CPG capillaire — GCMS (PCDD/PCDF), CPG capillaire-DIF ou SM (HAP), CLHP, détecteur à fluorescence (HAP)

Composés organiques à points d’ébullition élevés (spécialement PCDD, PCDF, PBDD, PBDF), faibles volumes d’échantillonnage

fg/m3-ng/m3

Adsorption sur polymères organiques (par exemple, cylindre de mousse polyuréthane) avec filtres préalables (par exemple, fibres de verre) ou adsorption inorganique (par exemple, gel de silice), extraction par solvants, diverses phases de purification et de préparation (y compris chromatographie multicolonne), dérivation pour les chlorophénols

CCHR/DCE

Composés organiques à points d’ébullition élevés attachés aux particules, par exemple, composants d’aérosols organiques, échantillons de dépôts

ng/m3
aérosol ng-µg/g
pg-ng/m2 jour

Séparation des aérosols sur filtres à fibres de verre (par exemple, échantillonneur à grand ou faible volume) ou collecte de poussières sur surfaces normalisées, extraction par solvants (pour les dépôts aussi de l’eau filtrée restante), diverses phases de purification et de préparation

CCHR/SM
CLHP (pour HAP)

CPG = chromatographie en phase gazeuse; GCMS = CPG/spectroscopie de masse; DIF = détecteur à ionisation de flamme; CCHR/DCE = CPG/DCE à haut pouvoir de résolution; DCEH = détecteur à capture d'élctrons; CLHP = chromatographie en phase liquide à haute performance; DIP = détecteur à ionisation photoélectrique; SM = spectroscopie de masse.

Le mesurage des dépôts de composés organiques de faible volatilité (par exemple, dibenzodioxines et dibenzofurannes (PCDD/ PCDF), hydrocarbures polycycliques aromatiques (HPA)) gagne en importance du point de vue de l’impact sur l’environnement. Etant donné que les aliments sont la principale source d’absorption par l’être humain, les matières en suspension dans l’air transférées dans les végétaux alimentaires revêtent une grande importance. On sait toutefois que le transfert des matières sous forme de dépôts particulaires est moins important que les dépôts secs de composés quasi gazeux.

Pour mesurer les dépôts totaux, on utilise les dispositifs normalisés pour la précipitation des poussières (procédure Bergerhoff, par exemple), qui ont été légèrement modifiés et obscurcis pour les protéger contre la pénétration d’une lumière intense. D’importants problèmes techniques, comme la remise en suspension de particules déjà séparées, l’évaporation ou même la décomposition photolytique, font maintenant l’objet de recherches systématiques afin d’améliorer les procédures d’échantillonnage des composés organiques, lesquelles ne sont pas encore optimales.

Les investigations olfactométriques

Les investigations olfactométriques sur les immissions sont utilisées dans la surveillance pour quantifier les plaintes concernant des odeurs et pour établir la pollution de niveau initial dans les procédures d’autorisation. Elles servent principalement à déterminer si les odeurs existantes ou prévues doivent être considérées comme significatives.

En principe, on peut différencier trois approches méthodologiques:

La première possibilité combine le mesurage des émissions avec la modélisation et, à vrai dire, n’entre pas dans le cadre de la surveillance de la qualité de l’air. Dans la troisième méthode, c’est le nez de l’humain qui sert de détecteur avec une précision sensiblement réduite par rapport aux méthodes physico-chimiques.

Des précisions relatives aux inspections, aux plans de mesurage et à l’évaluation des résultats sont données, par exemple, dans la réglementation sur la protection de l’environnement de certains Länder d’Allemagne.

Les procédures concernant les mesurages de présélection

On utilise parfois des procédures simplifiées de mesurage pour les études préparatoires (de présélection). Il s’agit notamment d’échantillonneurs passifs, de tubes d’essai et de procédures biologiques. Avec les échantillonneurs passifs (diffusifs), la matière objet de l’essai est recueillie selon des procédés à écoulement libre comme la diffusion, l’imprégnation ou l’adsorption dans des collecteurs de forme simple (tubes, plaques) et enrichie dans des filtres imprégnés, tamis ou autres milieux d’adsorption. L’échantillonnage actif (aspiration de l’échantillon d’air à travers une pompe) n’a donc pas lieu. La quantité de matière enrichie, dosée analytiquement en fonction d’un temps d’exposition défini, est convertie en unités de concentration sur la base des lois physiques (diffusion, par exemple) en prenant en compte la durée de la collecte et des paramètres géométriques du collecteur. Cette méthode était utilisée à l’origine dans le domaine de la santé au travail (échantillonnages individuels) et du mesurage de l’air à l’intérieur des locaux, mais elle l’est de plus en plus pour contrôler les concentrations de polluants dans l’air ambiant. On en trouve un aperçu dans Brown, 1993.

On se sert souvent de tubes indicateurs pour l’échantillonnage et les analyses préparatoires rapides des gaz. On aspire un certain volume d’air à travers un tube de verre rempli d’un réactif d’adsorption qui correspond à l’objectif de l’essai. Le contenu du tube change de couleur selon la concentration de la matière à doser qui est présente dans l’air étudié. On utilise souvent de petits tubes d’essai pour la surveillance sur le lieu du travail ou comme procédure rapide en cas d’accidents, comme les incendies. Ils ne sont pas employés pour les mesurages courants des concentrations de polluants dans l’air ambiant du fait que leurs seuils de détection sont généralement trop élevés et leur sélectivité trop limitée. Il existe des tubes indicateurs pour un grand nombre de matières dans diverses gammes de concentration.

Parmi les procédures biologiques, deux méthodes se sont imposées pour la surveillance courante. Avec la procédure normalisée d’exposition des lichens, on détermine le taux de mortalité du lichen sur une durée d’exposition de 300 jours. Selon une autre procédure, l’herbe de prairie française est exposée pendant 14 ± 1 jours. On détermine ensuite le volume de la croissance. Ces deux procédures servent à évaluer sommairement les effets des concentrations de polluants atmosphériques.

Les réseaux de surveillance de la qualité de l’air

On utilise de par le monde les types les plus variés de réseaux de surveillance de la qualité de l’air. Il faut établir une distinction entre les réseaux de mesurage composés de stations automatiques commandées par ordinateur (récipients de mesure) et les réseaux virtuels, qui ne font que définir les emplacements pour divers types de mesurage des concentrations des polluants atmosphériques sous la forme d’une grille préalablement définie. Les types de réseaux et leur rôle ont été décrits plus haut.

Les réseaux de surveillance continue

Les réseaux de mesurage fonctionnant en continu sont constitués de stations automatiques et servent principalement à surveiller la qualité de l’air dans les zones urbaines. On y mesure les polluants atmosphériques comme le dioxyde de soufre (SO2), les poussières, le monoxyde d’azote (NO), le dioxyde d’azote (NO2), le monoxyde de carbone (CO), l’ozone (O3) et, dans une certaine mesure, la somme des hydrocarbures (méthane libre, CnHm) ou divers composants organiques (benzène, toluène, xylènes, par exemple). En outre, selon les besoins, on inclut les paramètres météorologiques comme la direction du vent, sa vitesse, la température de l’air, l’humidité relative, les précipitations, le rayonnement global ou le bilan radiatif.

Les appareils de mesurage utilisés dans les stations consistent généralement en un analyseur, une unité d’étalonnage et un dispositif électronique de commande et de direction qui surveille l’ensemble de l’équipement et contient une interface normalisée pour la collecte des données. Outre les valeurs mesurées, l’appareil fournit des «signaux de situation» sur les erreurs et l’état de fonctionnement. L’étalonnage des dispositifs fait l’objet d’une vérification automatique par ordinateur à intervalles réguliers.

En règle générale, les stations de mesurage sont reliées au moyen de lignes fixes de transmission des données, de liaisons téléphoniques ou d’autres systèmes de transfert de données à un ordinateur (ordinateur de traitement, poste de travail ou PC, selon la portée du système), qui reçoit, traite et affiche les résultats. Les ordinateurs du réseau et, si nécessaire, un personnel spécialement formé effectuent une surveillance continue pour s’assurer que les valeurs seuils ne sont pas dépassées. On peut ainsi déceler à tout moment les situations critiques. C’est très important, surtout pour surveiller les cas de smog massif en hiver et en été (photo-oxydants) et pour donner au public des informations à jour.

Les réseaux pour le mesurage des échantillons aléatoires

Outre le réseau de mesurage télémétrique, d’autres systèmes sont utilisés à des degrés divers pour surveiller la qualité de l’air. A titre d’exemple, on citera les réseaux (partiellement automatisés à l’occasion) qui déterminent:

On a classé comme cancérogènes une série de substances mesurées de cette manière, notamment les composés du cadmium, les HPA et le benzène. Il est donc particulièrement important de les surveiller.

A titre d’exemple d’un programme complet, le tableau 55.8 indique sommairement la surveillance de la qualité de l’air faite systématiquement en Rhénanie-du-Nord-Westphalie, qui, avec 18 millions d’habitants, est le Land le plus peuplé d’Allemagne.

Tableau 55.8 Surveillance systématique de la qualité de l'air en
Rhénanie-du-Nord-Westphalie (Allemagne)

Systèmes de mesurage en continu

Systèmes de mesurage partiellement automatisés

Systèmes de mesurage discontinu/mesurages à multicomposants

Dioxyde de soufre
Monoxyde d’azote
Dioxyde d’azote
Monoxyde de carbone
Particules en suspension
(SPM)
Ozone
Hydrocarbures
Direction du vent
Vitesse du vent
Température de l’air
Pression de l’air
Humidité relative
Bilan radiatif
Précipitations

Composition des SPM:
Plomb
Cadmium
Nickel
Cuivre
Fer
Arsenic
Béryllium
Benzo[a]pyrène
Benzo[e]pyrène
Benzo[a]anthracène
Dibenzo
[a,h]anthracène
Benzo[ghi]pérylène
Coronène

Benzène et autres
hydrocarbures
Hydrocarbures halogénés
Dépôts de poussières
et leurs composants
Suie
Biphényles polychlorés
Dibenzodioxines
polyhalogénées
et dibenzofurannes
(PCDD/PCDF)

LA LUTTE CONTRE LA POLLUTION ATMOSPHÉRIQUE

John Elias

La gestion de la pollution atmosphérique

Le gestionnaire d’un système de lutte contre la pollution atmosphérique a pour mission de s’assurer que des concentrations excessives de polluants n’atteignent pas de cibles vulnérables: individus, végétaux, animaux et matières. Dans tous les cas, il faut se préoccuper des éléments les plus sensibles de chacun de ces groupes. Les polluants peuvent consister en gaz, vapeurs, aérosols ou encore être des substances biodangereuses. Un système bien conçu empêchera les cibles de recevoir une concentration nocive de polluant.

La plupart des systèmes de lutte contre la pollution atmosphérique font appel à un ensemble de procédés, habituellement une combinaison de moyens de prévention technique et de mesures organisationnelles. Pour les sources importantes ou complexes, on peut ne pas se limiter à un seul type de moyen de prévention technique.

Dans l’idéal, les mesures appropriées seront choisies en fonction du problème à résoudre.

Le tableau 55.9 décrit les étapes de ce processus.

Tableau 55.9 Etapes du choix des mesures antipollution

Etape 1:
définir les émissions

Il faut d’abord déterminer ce que la cheminée rejettera. Toutes les émissions potentiellement toxiques doivent être prises en compte. Il faut ensuite estimer pour chaque matière la quantité rejetée. Sans ces informations, le gestionnaire ne peut commencer à formuler un programme antipollution.

Etape 2:
définir les groupes cibles

Il faut identifier tous les groupes vulnérables: êtres humains, animaux, plantes et matériaux. Dans chaque cas, il faut identifier le membre le plus vulnérable de chaque groupe, comme les asthmatiques à proximité d’une usine rejetant des isocyanates.

Etape 3:
déterminer les niveaux d’exposition admissibles*

Il faut fixer un niveau admissible d’exposition pour le groupe cible le plus sensible. Si le polluant est une matière aux effets cumulatifs, comme un cancérogène, il faut fixer des niveaux d’exposition à long terme (annuels). Si le polluant a des effets à court terme, comme un agent irritant ou sensibilisant, il faut fixer un niveau d’exposition à court terme ou même de pointe**.

Etape 4:
choisir les mesures de réglementation

L’étape 1 identifie les émissions et l’étape 3 fixe les niveaux admissibles d’exposition. Dans l’étape 4, on s’assure que chaque polluant ne dépasse pas les niveaux admissibles. En cas de dépassement, il faut ajouter de nouvelles mesures de réglementation et vérifier à nouveau les niveaux d’exposition. Ce processus continue jusqu’à ce que toutes les expositions se situent au niveau admissible ou au-dessous. La modélisation de la dispersion peut servir à évaluer les expositions pour les usines futures ou à faire l’essai de solutions de rechange pour les installations existantes.

* Lorsqu’on fixe les niveaux d’exposition dans l’étape 3, il ne faut pas oublier qu’il s’agit d’expositions totales et non seulement de celles qui proviennent de l’usine. Une fois le niveau admissible établi, il faut soustraire les niveaux de fond et les apports d’autres usines pour déterminer le volume maximal que l’usine peut émettre sans dépasser le niveau d’exposition admissible. Si on ne le fait pas et que trois usines par exemple soient autorisées à émettre le volume maximal, les groupes cibles seront exposés à un niveau triple du niveau admissible.

** Certaines matières comme les cancérogènes n’ont pas de niveau au-dessous duquel elles n’auront pas d’effets nocifs. Par conséquent, aussi longtemps que certaines de ces matières seront relâchées dans l’environnement, il y aura un certain risque pour les populations cibles. En pareil cas, il n’est pas possible de fixer un niveau sans effets (autre que zéro). Il faut au contraire fixer un niveau admissible de risque. D’ordinaire, il se situe dans la fourchette de 1 résultat nocif pour 100 000 à 1 000 000 de personnes exposées.

Certaines autorités se sont acquittées d’une partie de ce travail en fixant des normes fondées sur la concentration maximale d’un contaminant que peut recevoir une cible vulnérable. Avec ce type de normes, le gestionnaire ne doit pas s’occuper des étapes 2 et 3 puisque l’organisme de réglementation l’a déjà fait. Dans ce système, il doit seulement fixer la norme pour les émissions non réglementées de chaque polluant (étape 1) et décider des mesures nécessaires pour respecter cette norme (étape 4).

En disposant de normes de qualité de l’air, les organes de réglementation peuvent mesurer l’exposition individuelle et déterminer si quelqu’un est exposé à des niveaux potentiellement nuisibles. Il est admis que les normes fixées dans ces conditions sont suffisamment basses pour protéger le groupe cible le plus vulnérable, mais cette hypothèse n’est pas toujours valable. Comme le montre le tableau 55.10, les normes courantes de qualité de l’air varient largement. Pour le dioxyde de soufre, elles se situent dans une fourchette de 30 à 140 µg/m3. Pour les matières moins communément réglementées, les écarts peuvent être plus larges encore (1,2 à 1,718 µg/m3), comme on le voit au tableau 55.11 pour le benzène. Il n’y a pas lieu de s’en étonner puisque les considérations économiques interviennent autant que la toxicologie dans la définition des normes. Si une norme n’a pas été fixée à un niveau suffisamment bas pour protéger les populations vulnérables, personne n’y trouve son compte. Les populations exposées ont une fausse impression de sécurité et peuvent courir des risques à leur insu. L’émetteur peut avoir l’impression, au début, qu’il a bénéficié d’une norme peu contraignante, mais si les effets sur la collectivité obligent l’entreprise à redéfinir ses dispositifs antipollution ou à en installer de nouveaux, les coûts pourraient être plus élevés que si elle l’avait fait correctement dès le départ.

Tableau 55.10 Eventail des normes de qualité de l'air pour un contaminant
communément réglementé (dioxyde de soufre)

Pays et territoires

Normes de qualité pour l’exposition à long terme au dioxyde de soufre (µg/m3)

Allemagne

140

Australie

50

Canada

30

Finlande

40

Hongrie

70

Taiwan, Chine

133

Tableau 55.11 Eventail des normes américaines de qualité de l'air pour un contaminant
moins couramment réglementé (benzène)

Ville/Etat

Norme de qualité (moyenne sur 24 heures) pour le benzène (µg/m3)

Caroline du Nord

2,1

Connecticut

53,4

Massachusetts

1,2

Michigan

2,4

Nevada

254

New York

1 718

Philadelphie

1 327

Virginie

300

Les niveaux ont été normalisés sur une durée moyenne de 24 heures pour faciliter les comparaisons. (D’après Calabrese et Kenyon, 1991.)

Il arrive que cette approche par étape dans le choix des mesures antipollution soit court-circuitée et que les organes de réglementation comme les concepteurs optent directement pour une «solution universelle». L’une de ces solutions est ce que l’on appelle la meilleure technique de maîtrise disponible (MTMD). On suppose qu’en utilisant la meilleure combinaison d’épurateurs, de filtres et de bonnes méthodes de travail pour une source d’émission, on obtiendra un niveau d’émission suffisamment bas pour protéger le groupe cible le plus vulnérable. Bien souvent, le niveau d’émission obtenu sera inférieur au minimum requis pour protéger ce groupe. De cette façon, on devrait éliminer toutes les expositions inutiles. On trouvera au tableau 55.12 des exemples de la MTMD.

Tableau 55.12 Exemples choisis de la meilleure technique de maîtrise disponible (MTMD)
indiquant la méthode utilisée et son rendement estimatif

Processus

Polluants

Méthode

Rendement estimatif

Assainissement du sol

Hydrocarbures

Oxydant thermique

99

Chaudière de récupération d’une usine de papier kraft

Particules

Précipitateur électrostatique

99,68

Production de silice fumée

Monoxyde de carbone

Bonne pratique

50

Peinture des automobiles

Hydrocarbures

Brûleurs de postcombustion de four

90

Four à arc électrique

Particules

Filtres à manches

100

Raffinerie de pétrole, craquage catalytique

Particules respirables

Cyclone + épurateur Venturi

93

Incinérateur médical (hospitalier)

Chlorure d’hydrogène

Laveur + épurateur à sec

97,5

Chaudière à charbon

Dioxyde de soufre

Séchage par pulvérisation + absorption

90

Elimination des déchets par déshydratation et incinération

Particules

Cyclone + condenseur + épurateur Venturi + laveur

95

Usine d’asphalte

Hydrocarbures

Oxydant thermique

99

La MTMD ne garantit pas en soi des niveaux de réduction appropriés. Bien que ce soit le meilleur système de maîtrise fondé sur des mesures d’épuration des gaz et de bonnes pratiques opératoires, la MTMD peut ne pas suffire si la source est une grande usine ou si elle est située à proximité d’une cible sensible. La meilleure technique de maîtrise disponible doit être mise à l’épreuve pour s’assurer qu’elle est vraiment suffisante. Il faut vérifier les normes d’émission ainsi obtenues pour voir si elles ne resteraient pas nocives malgré tout, même avec les meilleures mesures d’épuration des gaz. Si elles le sont encore, il faudra peut-être envisager d’autres solutions de base, comme le choix de procédés ou de matières plus sûrs, ou la réimplantation de l’usine dans une zone moins sensible.

Une autre «solution universelle», qui évite certaines des étapes, est celle des normes d’efficacité à la source. De nombreuses autorités fixent des normes d’émission à ne pas dépasser. Celles-ci reposent sur les émissions à la source. D’ordinaire, cela donne de bons résultats, mais, tout comme la MTMD, ces normes peuvent ne pas être fiables. Les niveaux devraient être suffisamment bas pour contenir les émissions maximales à un niveau assez faible pour protéger les groupes cibles vulnérables contre les émissions typiques. Toutefois, tout comme dans le cas de la MTMD, cela ne suffira pas toujours à protéger tout le monde lorsque les sources d’émission sont importantes ou situées près de populations vulnérables. En pareil cas, il faut d’autres procédures pour garantir la sécurité de tous les groupes cibles.

La MTMD et les normes d’émission ont un défaut fondamental. Elles supposent que si certains critères sont satisfaits à l’usine, les groupes cibles seront automatiquement protégés. Ce n’est pas nécessairement vrai, mais lorsqu’un système de ce genre a acquis force de loi, ses effets sur la cible deviennent secondaires par rapport au respect de la législation.

La MTMD tout comme les normes d’émission à la source ou les critères de conception devraient être utilisés en tant que critères minimaux pour les mesures antipollution. Si la MTMD ou les critères d’émission protègent les cibles vulnérables, ils peuvent être appliqués tels quels; sinon il faut recourir à d’autres mesures organisationnelles.

Les mesures antipollution

Ces mesures peuvent se diviser en deux types fondamentaux — technique et organisationnel. Les mesures techniques sont définies ici comme les équipements installés sur une source d’émission pour abaisser les concentrations de contaminants dans le flux gazeux à un niveau qui soit acceptable pour la collectivité et qui protège le groupe le plus sensible. Les mesures organisationnelles sont définies comme les autres dispositifs antipollution.

Les mesures techniques

Les systèmes d’épuration des gaz sont placés à la source, avant la cheminée, pour éliminer les contaminants du flux gazeux avant de le lâcher dans l’atmosphère. Le tableau 55.13 résume les différentes catégories de systèmes d’épuration des gaz.

Tableau 55.13 Méthodes d'épuration des gaz par élimination des vapeurs, particules et
gaz nocifs des émissions industrielles

Méthode

Exemples

Description

Efficacité

Gaz/vapeurs

Condensation

Condenseurs par contact
Condenseurs de surface

La vapeur est refroidie et condensée en un liquide. Cela est inefficace et est utilisé comme prétraitement avec d’autres méthodes.

+80% pour les concentrations >2 000 ppm

Absorption

Laveurs (à garniture ou à plaque)

Le gaz ou la vapeur sont recueillis dans un liquide.

82-95% pour les concentrations <100 ppm
95-99% pour les concentrations >100 ppm

Adsorption

Carbone
Alumine
Gel de silice
Tamis moléculaire

Le gaz ou la vapeur sont recueillis sur un solide.

+90% pour les concentrations <1 000 ppm
+95% pour les concentrations >1 000 ppm

Incinération

Flammes
Incinérateur
Incinérateur catalytique

Un gaz ou une vapeur inorganique sont oxydés en étant portés à une température élevée et maintenus à cette température pendant une durée suffisante.

Non recommandé pour des concentrations <2 000 ppm
+80% pour des concentrations >2 000 ppm

Particules

Séparateurs inertiels

Cyclones

Les gaz chargés de particules sont forcés de changer de direction. L’inertie contraint les particules à sortir du flux gazeux. Cela est inefficace et est utilisé comme prétraitement avec d’autres méthodes.

70-90%

Laveurs

Venturi
Filtre humidifié
Laveur à plateau ou à tamis

Les gouttelettes liquides (eau) recueillent les particules par impact, interception et diffusion. Les gouttelettes et les particules sont ensuite séparées du flux gazeux.

Pour les particules de 5 µm, 98,5% à 17 cm CE; +99,99 % à 130 cm CE
Pour les particules de 1 µm 45% à 17 cm CE; 99,95 à 130 cm CE

Précipitateurs électrostatiques

A plaques et fils
A plaques planes
Tubulaires
Humides

Les forces électriques servent à entraîner les particules hors du flux gazeux vers les plaques de collecte.

95-99,5% pour les particules de 0,2 µm
99,25-99,9% (au moins) pour les particules
de 10 µm

Filtres

Filtres à manches

Un tissu poreux retient les particules du flux gazeux. Le dépôt poreux de poussières qui se forme sur le tissu sert ensuite lui-même de filtre.

99,9% pour les particules de 0,2 µm
99,5% pour les particules de 10 µm

L’épurateur de gaz fait partie d’un ensemble complexe formé de hottes, de conduits, de ventilateurs, de laveurs et de cheminées. La conception, le fonctionnement et l’entretien de chacun de ces éléments influent sur la performance de tous les autres et du système dans son ensemble.

Il convient de noter que le rendement du système varie largement pour chaque type d’épurateur en fonction de sa conception, de l’énergie utilisée et des caractéristiques du flux gazeux et du contaminant. Par conséquent, les rendements donnés à titre d’exemple au tableau 55.13 ne sont que des approximations. La variation du rendement est illustrée par les laveurs au tableau 55.13. Le rendement de collecte d’un laveur varie entre 98,5% pour des particules de 5 µm et 45% pour des particules de 1 µm pour la même perte de charge au droit du laveur (hauteur d’eau de 17 cm dans la jauge de pression d’eau (CE)). Pour une particule de même dimension, 1 µm, l’efficacité varie entre 45% pour une hauteur d’eau de 17 cm et 99,95% pour une hauteur d’eau de 130 cm. Par conséquent, les épurateurs de gaz doivent être adaptés au flux en question. Il n’est pas recommandé d’utiliser des dispositifs génériques.

L’élimination des déchets

Lorsqu’on choisit et conçoit un système d’épuration des gaz, il faut veiller avec soin à l’élimination sans danger des matières recueillies. Comme le montre le tableau 55.14, certains procédés produisent de grandes quantités de contaminants. Si la plupart de ces contaminants sont recueillis par l’équipement d’épuration des gaz, l’élimination des déchets dangereux peut soulever un problème.

Tableau 55.14 Exemples de taux d'émission non contrôlés pour quelques procédés industriels

Source industrielle

Taux d’émission

Four électrique de 100 tonnes

257 tonnes/an de matières particulaires

Turbine à gaz/fioul de 440 MW

202 kg/h de SO2

Incinérateur de 41,7 tonnes/h

94 kg/h de NOx

Couche claire sur 100 camions/jour

1 723 kg/semaine de matières organiques

Dans certains cas, les déchets contiennent des produits utiles susceptibles d’être recyclés, comme les métaux lourds provenant d’une fonderie ou les solvants d’une fabrique de peinture. Les déchets peuvent servir de matière première dans un autre procédé industriel, tel le dioxyde de soufre extrait de l’acide sulfurique qui sert à la fabrication d’engrais.

Lorsque les déchets ne peuvent être ni recyclés, ni réutilisés, l’élimination n’est pas toujours simple. Non seulement leur volume peut poser problème, mais ils sont parfois dangereux en eux-mêmes. Ainsi, quand l’acide sulfurique récupéré d’une chaudière ou d’une fonderie ne peut être réutilisé, il faudra lui faire subir de nouveaux traitements pour le neutraliser avant de l’éliminer.

La dispersion

La dispersion peut réduire la concentration d’un polluant à la cible. Il ne faut pas oublier pourtant que la dispersion ne réduit pas la quantité totale de matières émise par une usine. Une cheminée élevée permet seulement au panache de se disperser et d’être dilué avant d’atteindre le niveau du sol, où il existe sans doute des cibles vulnérables. Si le polluant est essentiellement une nuisance, comme une odeur, la dispersion peut ne pas être acceptable. Si la matière est rémanente ou cumulative, comme les métaux lourds, la dilution ne sera peut-être pas la réponse au problème de pollution atmosphérique.

La dispersion devrait être utilisée avec prudence. Il faut tenir compte des conditions météorologiques locales et des conditions à la surface du sol. Dans les climats plus froids, par exemple, particulièrement avec couverture de neige, il peut y avoir fréquemment des inversions de température qui peuvent emprisonner les polluants à proximité du sol, donnant lieu à des expositions anormalement élevées. De même, si l’usine est implantée dans une vallée, les panaches peuvent monter et descendre le long de celle-ci, ou rester bloqués par les collines avoisinantes, si bien qu’ils ne s’étalent pas et ne se dispersent pas comme prévu.

Les mesures organisationnelles de prévention

Outre les systèmes techniques, il est un autre groupe de mesures à prendre en considération dans la conception d’ensemble d’un système de lutte contre la pollution atmosphérique. Pour l’essentiel, elles font partie des instruments fondamentaux de l’hygiène industrielle.

La substitution

L’une des méthodes d’hygiène les plus employées pour réduire les dangers environnementaux sur le lieu de travail consiste à remplacer une matière ou une méthode dangereuse par une autre qui l’est moins. S’il est possible de le faire et si l’on évite des émissions nocives, on n’a plus à se poser de questions sur le type ou l’efficacité des mesures de lutte. Il est préférable en effet d’éviter le problème plutôt que de chercher à corriger une première décision qui était mauvaise. A titre d’exemple, on citera l’emploi de combustibles plus propres, la pose de bâches sur les matières stockées en vrac et la réduction des températures dans les séchoirs.

Cette règle s’applique aux achats peu importants aussi bien qu’aux principaux critères de conception de l’usine. Si l’on utilise uniquement des matières ou des méthodes qui ne nuisent pas à l’environnement, il n’y aura aucun risque, ni à l’intérieur, ni à l’extérieur. En revanche, quand on a fait le mauvais choix, le reste du programme consistera à essayer de remédier à cette décision première. Si l’on utilise un produit ou un procédé bon marché, mais dangereux, on devra peut-être recourir à des procédures et matériels spéciaux de manipulation, ainsi qu’à des méthodes spéciales d’élimination. L’article bon marché peut alors se révéler coûteux à utiliser et à éliminer, alors qu’une matière ou une méthode plus sûre, mais plus chère, aurait peut-être été plus économique à long terme.

La ventilation localisée

Des mesures doivent être prises pour tous les problèmes recensés qui n’ont pu être évités par la substitution de matières ou de méthodes plus sûres. Les émissions prennent naissance à chaque poste de travail et non à la cheminée. Un système de ventilation bien conçu qui capte et maîtrise les émissions à la source aidera à protéger la collectivité. Les hottes et conduits du système de ventilation font partie du dispositif total de lutte contre la pollution atmosphérique.

Il est préférable d’opter pour une ventilation localisée. Un tel système ne dilue pas les contaminants et fournit un flux gazeux concentré qu’il est plus facile d’épurer avant son rejet dans l’environnement. L’équipement d’épuration des gaz est plus efficace s’il traite un air où les concentrations de contaminants sont plus élevées. Ainsi, une hotte de captage au-dessus du chenal de coulée d’un haut fourneau empêchera les contaminants de se propager dans l’environnement et dirigera les fumées vers le système d’épuration des gaz. Le tableau 55.13 montre que l’efficacité des épurateurs par absorption et adsorption augmente avec la concentration du contaminant, et que les épurateurs par condensation ne sont pas recommandés pour de faibles niveaux de concentration (< 2 000 ppm).

Si les polluants ne sont pas captés à la source et peuvent s’échapper par les fenêtres et les ouvertures de ventilation, ils se transforment en fuites et émissions fugaces non maîtrisées. Dans certains cas, ces émissions peuvent avoir un impact important sur le voisinage immédiat.

L’isolement

L’isolement — l’implantation de l’usine à l’écart des cibles vulnérables — peut constituer une bonne méthode de lutte contre la pollution lorsque les dispositifs antipollution intégrés ne suffisent pas en eux-mêmes. Ce peut être le seul moyen d’atteindre un niveau admissible de protection lorsque la meilleure technique de maîtrise disponible (MTMD) doit être utilisée. Si, après application des meilleurs dispositifs disponibles, un groupe cible est encore en danger, il faut envisager de trouver un autre site dépourvu de populations sensibles.

Tel que présenté ci-dessus, l’isolement est un moyen de séparer une installation donnée de cibles vulnérables. Un autre système d’isolement est celui du zonage utilisé par les pouvoirs locaux pour séparer certaines catégories d’industries des cibles vulnérables. Une fois les industries séparées des populations cibles, il ne faudrait pas permettre à la population de se réinstaller à proximité d’une usine. Bien que cette méthode semble aller de soi, elle ne se pratique pas aussi souvent qu’il le faudrait.

Les méthodes de travail

Il faut adopter des méthodes de travail qui garantissent que le matériel est utilisé correctement et en sécurité, sans risque pour les travailleurs ni pour l’environnement. Les systèmes antipollution complexes doivent être correctement entretenus et utilisés s’ils doivent remplir leur fonction. Un autre facteur important est celui de la formation du personnel; celui-ci doit apprendre à utiliser et à entretenir le matériel installé pour réduire ou éliminer la quantité de matières dangereuses rejetée sur le lieu du travail ou à l’extérieur. Dans certains cas, la MTMD s’en remet aux bonnes pratiques pour garantir des résultats acceptables.

La surveillance en temps réel

Le système fondé sur la surveillance en temps réel n’est pas populaire et n’est pas utilisé de façon courante. Selon cette méthode, on peut combiner l’émission en continu et la surveillance météorologique avec la modélisation de la dispersion pour prédire les expositions sous le vent. Lorsque les expositions prévues approchent les niveaux tolérables, cette information sert à réduire les cadences de production et les émissions. Il s’agit d’une méthode peu efficace, mais elle peut représenter un procédé provisoire acceptable de lutte pour une installation existante.

L’inverse consiste à avertir le public lorsque les conditions sont telles que des concentrations excessives de contaminants pourraient se produire, afin que la population puisse prendre les dispositions voulues. Ainsi, si l’on signale que les conditions atmosphériques rendent excessifs les niveaux de dioxyde de soufre sous le vent d’une fonderie, les personnes vulnérables comme les asthmatiques sauront qu’elles ne doivent pas sortir. Là encore, cela peut offrir une mesure provisoire acceptable en attendant la mise en place de dispositifs antipollution permanents.

On a parfois recours à la surveillance atmosphérique et météorologique en temps réel pour éviter ou atténuer des cas de forte pollution lorsqu’il peut y avoir de multiples sources. S’il apparaît évident que les niveaux de pollution risquent de devenir excessifs, on peut restreindre l’emploi des voitures personnelles et interrompre l’activité des principales entreprises industrielles émettrices.

L’entretien, l’ordre et la propreté

Dans tous les cas, l’efficacité des dispositifs antipollution dépend d’un bon entretien; le matériel doit fonctionner comme prévu. En plus des dispositifs eux-mêmes, les procédés de fabrication qui peuvent donner lieu à des émissions doivent être utilisés correctement. A titre d’exemple d’un procédé industriel, on peut citer un séchoir de copeaux de bois dont le dispositif de contrôle de la température est défaillant; si le séchoir fonctionne à une température trop élevée, il émettra davantage de matières et, peut-être, des matières d’un type différent, arrachées au bois en train de sécher. Pour un épurateur de gaz, un exemple d’entretien qui influerait sur les émissions serait celui d’un filtre à manches défectueux dont les sacs seraient troués, laissant ainsi passer les poussières.

Les travaux de maintenance jouent aussi un rôle important dans la réduction des émissions totales. Les poussières qui ne sont pas enlevées rapidement à l’intérieur de l’usine peuvent être remises en suspension et présenter un risque pour le personnel. Si elles sont transportées à l’extérieur de l’usine, elles sont un risque pour la collectivité. Des matières en vrac non couvertes, des déchets végétaux ou la poussière soulevée par les véhicules peuvent permettre aux polluants d’être entraînés par le vent vers la collectivité. Pour réduire les émissions totales, il est important de nettoyer les cours d’usine et d’utiliser des conteneurs ou des sites de stockage appropriés. Il ne suffit pas de bien concevoir un système, encore faut-il l’utiliser correctement si l’on veut protéger la collectivité.

Un exemple parlant de mauvais entretien serait celui d’une installation de récupération du plomb dans laquelle les poussières de plomb s’échapperaient du convoyeur jusqu’à former un tas si haut qu’elles finiraient par s’écouler par une fenêtre cassée pour être transportées par le vent.

Le matériel pour le prélèvement d’échantillons des émissions

Les prélèvements à la source peuvent être effectués pour plusieurs raisons:

Le type de système d’échantillonnage utilisé dépendra de la raison pour laquelle les échantillons sont prélevés, du coût, de la technique disponible et de la formation du personnel.

Les émissions visibles

Si l’on veut réduire l’effet de souillure dû à l’air, améliorer la visibilité ou empêcher l’introduction d’aérosols dans l’atmosphère, on peut fonder les normes sur les émissions visibles.

Les émissions visibles sont composées de petites particules ou de gaz colorés. Plus un panache est opaque et plus il y a de matières rejetées. Cette caractéristique est visible à l’œil nu et des observateurs entraînés peuvent évaluer les niveaux des émissions. Il y a plusieurs avantages à employer cette méthode pour évaluer les émissions:

L’échantillonnage par prélèvement dans la cheminée

Une méthode beaucoup plus rigoureuse consiste à prélever un échantillon du flux gazeux dans la cheminée et à l’analyser. Bien que cela paraisse simple, l’application est délicate.

L’échantillon devrait être prélevé de façon isocinétique, spécialement lorsqu’il s’agit de prélever des particules. Dans ce procédé, l’échantillon est aspiré dans la sonde de prélèvement à la même vitesse que celle à laquelle la matière se meut dans la cheminée ou le conduit. Pour ce faire, on mesure la vitesse du flux gazeux à l’aide d’un tube de Pitot-Ritter et on ajuste ensuite le débit d’échantillonnage pour que l’échantillon pénètre dans la sonde à la même vitesse. C’est indispensable pour le prélèvement d’échantillons de particules, étant donné que les particules plus grandes et plus lourdes ne suivront pas un changement de direction ou de vitesse, si bien que la concentration de celles-ci dans l’échantillon ne sera pas représentative du flux gazeux, et l’échantillon sera inexact.

On voit à la figure 55.5 un échantillonneur isocinétique pour le dioxyde de soufre. Ce n’est pas un instrument simple et il faut un opérateur bien formé pour que l’échantillon soit convenablement prélevé. Si l’on veut prélever autre chose que le dioxyde de soufre, on peut retirer le dispositif d’impact et le bain de glace et insérer l’élément de collecte approprié.

Figure 55.5 Diagramme d’un échantillonneur isocinétique pour le dioxyde de soufre

Figure 55.5

Cette méthode d’échantillonnage, spécialement sous la forme isocinétique, peut être très précise et adaptable, et elle a plusieurs usages:

Un système d’échantillonnage simplifié et automatisé peut être relié à un analyseur en continu des gaz (capteurs électrochimiques, photométriques dans l’ultraviolet ou à ionisation de flamme) ou à un analyseur de particules (néphélomètre) pour surveiller continuellement les émissions. On peut ainsi obtenir une documentation des émissions et connaître instantanément l’état de fonctionnement du dispositif antipollution.

L’échantillonnage in situ

On peut également mesurer les émissions dans la cheminée. La figure 55.6 représente un appareil simple mesurant la transmissivité du flux gazeux et les matières présentes dans ce flux. Dans cet appareil, un faisceau lumineux est projeté à travers la cheminée vers une cellule photoélectrique. Les particules ou les gaz colorés absorberont une partie de la lumière. Plus il y a de matières et plus la lumière sera absorbée.

Figure 55.6 Transmissomètre simple pour mesurer les particules dans une cheminée

Figure 55.6

A l’aide de sources de lumière différentes et de détecteurs comme les rayons ultraviolets (UV), on peut déceler les gaz transparents à la lumière visible. Ces dispositifs peuvent être adaptés à des gaz déterminés et peuvent alors mesurer les concentrations de gaz dans un flux de déchets.

Le système de surveillance in situ a l’avantage, par rapport au procédé par prélèvement, de pouvoir mesurer les concentrations dans l’ensemble de la cheminée ou du conduit, alors que l’autre méthode ne les mesure qu’au point où l’échantillon a été prélevé. Elle peut donc introduire une erreur importante si le flux gazeux n’est pas homogène. En revanche, le prélèvement dans la cheminée permet d’utiliser un plus grand nombre de méthodes d’analyse et peut donc être employé dans des applications plus nombreuses elles aussi.

Etant donné que la méthode in situ donne une lecture en continu, elle peut servir à documenter les émissions ou à procéder au réglage fin du système d’exploitation.

LA LUTTE CONTRE LA POLLUTION DE L’EAU

Herbert C. Preul

Le présent article vise à donner au lecteur un aperçu des techniques actuellement disponibles pour lutter contre la pollution de l’eau, en s’appuyant sur l’exposé des tendances et des faits présenté par Hespanhol et Helmer dans le chapitre no 53, «Les risques pour la santé liés à l’environnement». Les sections qui suivent sont consacrées, la première à «La lutte contre la pollution des eaux de surface», et la seconde à «La lutte contre la pollution des eaux souterraines».

La lutte contre la pollution des eaux de surface

La définition de la pollution de l’eau

Par pollution de l’eau, on entend un état qualitatif d’impureté ou de manque de propreté des eaux hydrologiques d’une certaine région, comme un bassin versant. Cet état résulte d’un événement ou processus qui réduit l’utilité des eaux du globe, spécialement en ce qui concerne la santé de l’être humain et les effets sur l’environnement. Le processus de pollution signifie une perte de pureté par contamination, qui implique en outre l’intrusion d’une source extérieure, en tant que cause, ou le contact avec cette source. Par altération, on entend des niveaux extrêmement faibles de pollution des eaux, comme au moment où elles commencent à devenir moins propres. Le mot souillure désigne le résultat de la pollution et indique une violation ou une dégradation.

Les eaux hydrologiques

Les eaux naturelles de la planète peuvent être considérées comme un système en circulation continue ainsi que le montre la figure 55.7, qui fournit une illustration graphique des eaux dans le cycle hydrologique, comprenant les eaux superficielles et les eaux souterraines.

Figure 55.7 Le cycle hydrologique

Figure 55.7

En tant que référence de qualité, l’eau distillée (H2O) représente l’état de pureté le plus élevé. Les eaux du cycle hydrologique peuvent être considérées comme naturelles, mais elles ne sont pas pures. Elles sont polluées par les activités de la nature et celles des humains. La dégradation naturelle peut être le résultat d’une myriade de sources — faune, flore, éruptions volcaniques, éclairs causant des incendies, etc. — et, du point de vue scientifique, cet état est considéré comme le niveau de base.

La pollution anthropique perturbe l’équilibre naturel par l’addition des déchets issus de diverses sources. Les polluants sont introduits dans les eaux du cycle hydrologique en n’importe quel point. Ainsi, les précipitations atmosphériques (pluies) peuvent être contaminées par les polluants de l’air; les eaux superficielles sont polluées du fait du ruissellement en provenance des bassins hydrographiques; les eaux usées sont parfois rejetées dans les fleuves et les cours d’eau; enfin, les eaux souterraines peuvent être polluées par infiltration et contamination du sous-sol.

La figure 55.8 montre comment se répartissent les précipitations. La pollution se superpose à ces eaux et peut donc être considérée comme un état de l’environnement non naturel ou non équilibré. Le processus de pollution peut se produire dans les eaux de n’importe quelle partie du cycle hydrologique et c’est à la surface de la terre qu’il est le plus apparent sous la forme de ruissellement en provenance des bassins versants vers les fleuves et les cours d’eau. La pollution des eaux souterraines a pourtant elle aussi un grand impact sur l’environnement; elle sera examinée dans la section suivante.

Figure 55.8 Distributions des précipitations

Figure 55.8

Les sources de pollution des eaux dans le bassin versant

Les bassins versants sont le domaine d’origine de la pollution des eaux de surface. Un bassin versant est défini comme une aire dans laquelle les eaux hydrologiques tombent, s’accumulent, sont utilisées, évacuées et, en fin de compte, déversées dans les fleuves et les cours d’eau ou autres masses d’eau. Il se compose d’un réseau de drainage qui aboutit au ruissellement ou à la collecte dans un fleuve ou un cours d’eau. Les bassins versants des grands cours d’eau sont habituellement appelés bassins hydrographiques. La figure 55.9 représente le cycle hydrologique d’un bassin versant régional. Pour une région, l’évacuation des diverses eaux peut se représenter sous la forme d’une équation simple, à savoir l’équation fondamentale de l’hydrologie proposée par Viessman, Lewis et Knapp (1989):

P - R - G - E - T = ± S

dans laquelle:

P = précipitations (pluie, neige, grêle)

R = ruissellement ou écoulement à la surface du bassin versant

G = eaux souterraines

E = évaporation

T = transpiration

S = accumulation en surface

Les unités caractéristiques sont des mm/an.

Figure 55.9 Cycle hydrologique régional

Figure 55.9

Les précipitations sont considérées comme la forme de départ du bilan hydrologique. Le terme de ruissellement est synonyme d’écoulement. L’accumulation se réfère aux réservoirs ou systèmes de rétention qui recueillent l’eau, comme les barrages construits sur les cours d’eau. Les eaux souterraines se réunissent en un réseau d’accumulation et peuvent s’écouler d’un endroit à un autre; il peut s’agir de flux entrants ou de flux sortants par rapport aux cours d’eau de la surface. L’évaporation est un phénomène de surface et la transpiration est associée à la transmission en provenance des biotes.

Bien que l’étendue des bassins hydrographiques soit très variable, certains systèmes de drainage sont classés, sur le plan de la pollution des eaux, comme urbains ou non urbains (agricoles, ruraux, non aménagés). La pollution à l’intérieur de ces systèmes de drainage provient des sources ci-après:

Sources ponctuelles: déchets rejetés dans une masse d’eau réceptrice à un emplacement déterminé, en un point comme un tuyau d’égout ou un type quelconque d’exutoire d’un réseau concentré.

Sources non ponctuelles (dispersées): pollution pénétrant dans une masse d’eau réceptrice à partir de sources dispersées dans le bassin hydrographique; un exemple typique est celui du drainage dans un cours d’eau des eaux de ruissellement provenant des pluies non recueillies. On les appelle parfois aussi eaux «diffuses», mais l’expression «dispersées» est considérée comme plus descriptive.

Sources intermittentes: pollution provenant d’un point ou d’une source qui rejette des effluents dans certaines circonstances, comme en cas de surcharge; un exemple caractéristique est celui du déversoir des égouts lors de pluies abondantes.

Les polluants de l’eau dans les fleuves et les rivières

Lorsque des matières nocives provenant des sources précitées sont rejetées dans les cours d’eau ou autres masses d’eau, elles entrent dans la catégorie des polluants classés et décrits précédemment. Les polluants ou contaminants qui pénètrent dans une masse d’eau peuvent en outre être subdivisés comme suit:

Les réglementations de lutte contre la pollution de l’eau

Les réglementations de lutte contre la pollution de l’eau qui sont d’application générale sont d’ordinaire édictées par les organismes du gouvernement national, tandis que les règles plus détaillées le sont par l’Etat, la province, la ville, les services des eaux, les services de la conservation, les commissions d’assainissement et d’autres organes. Au niveau de la nation et de l’Etat (ou de la province), cette tâche est habituellement du ressort de l’organisme de protection de l’environnement et du ministère de la Santé (Environmental Protection Agencies (EPA)). Dans l’examen des règlements ci-après, la présentation et certains passages s’inspirent des normes de qualité de l’eau actuellement en vigueur dans l’Etat de l’Ohio aux Etats-Unis.

Les désignations d’utilisation en fonction de la qualité de l’eau

Le but ultime de la lutte contre la pollution de l’eau est de réduire à zéro le rejet de polluants, mais il n’est généralement pas possible d’atteindre complètement cet objectif en raison de son coût. La méthode adoptée de préférence consiste à imposer des limitations aux rejets de déchets de manière à protéger raisonnablement la santé humaine et l’environnement. Bien que ces normes puissent varier fortement selon les juridictions, on prend généralement comme base la désignation de l’utilisation de masses d’eau déterminées, comme on le verra brièvement ci-dessous.

L’approvisionnement en eau comprend:
Les eaux utilisées pour les activités récréatives comprennent:

Les ressources publiques en eau sont définies comme les masses d’eau qui se trouvent dans les parcs, les zones humides, les zones protégées de la faune et de la flore sauvages, les rivières à l’état sauvage, celles qui présentent un intérêt pour le tourisme ou les loisirs et les lacs du domaine public, ainsi que les eaux d’une importance exceptionnelle sur le plan récréatif ou écologique.

Les habitats de la faune et de la flore aquatiques

Les désignations varient selon les climats, mais elles se rapportent aux conditions nécessaires à la vie de certains organismes aquatiques dans les masses d’eau, spécialement les diverses espèces de poissons. Les désignations de l’utilisation dans un climat tempéré, telles que définies dans la réglementation de l’Agence de protection de l’environnement (EPA) pour l’Etat de l’Ohio, sont indiquées ci-après, sans être précisées davantage:

Les critères de lutte contre la pollution des eaux

Les eaux naturelles et les eaux usées sont caractérisées par leur composition physique, chimique et biologique. Les principales propriétés physiques et les composants chimiques et biologiques des eaux usées et de leurs sources forment une longue liste qui figure dans le manuel de Metcalf and Eddy, Inc. (1991). Les méthodes analytiques utilisées pour ces définitions sont données dans un ouvrage largement utilisé publié par l’Association américaine de santé publique (American Public Health Association (APHA)) sous le titre Standard Methods for the Examination of Water and Wastewater (APHA, 1995).

Chaque masse d’eau définie devrait faire l’objet d’une réglementation comportant des critères fondamentaux et des critères numériques plus précis comme on le verra brièvement plus loin.

Critères de base pour l’absence de pollution . Dans la mesure du possible, toutes les masses d’eau devraient satisfaire aux cinq critères fondamentaux ci-après:

  1. être libres de matières solides en suspension ou d’autres substances pénétrant dans les eaux par suite d’activités humaines et qui s’y déposent sous forme de boues putrides ou désagréables pour une autre raison, ou qui ont une influence néfaste sur les organismes aquatiques;
  2. être libres de débris flottants, d’huile, de mousse et d’autres matières flottantes pénétrant dans les eaux par suite d’activités humaines en quantités suffisantes pour être déplaisantes ou pour causer une détérioration;
  3. être libres de matières pénétrant dans l’eau par suite d’activités humaines et produisant une couleur, une odeur ou un autre état à un degré suffisant pour créer une nuisance;
  4. être libres de substances pénétrant dans l’eau par suite d’activités humaines, dans des concentrations toxiques ou nocives pour l’être humain, la faune et la flore ou les organismes aquatiques et qui deviennent rapidement létales dans la zone de brassage;
  5. être libres de nutriments pénétrant dans l’eau sous l’effet d’activités humaines, dans des concentrations entraînant une croissance des herbes aquatiques et des algues qui en font une nuisance.

Les critères de qualité de l’eau consistent en limites numériques et en directives pour le contrôle des composants chimiques, biologiques et toxiques présents dans les masses d’eau.

Comme il y a aujourd’hui plus de 70 000 composés chimiques en usage, il est pratiquement impossible de définir des mesures de réglementation pour chacun d’eux. On peut cependant fixer des critères pour les substances chimiques en se fondant sur des limites, établies en fonction de trois grandes catégories de consommation et d’exposition:

Catégorie 1: les critères chimiques de protection de la santé de l’être humain sont d’importance primordiale et devraient être fixés conformément aux recommandations des organes gouvernementaux de la santé, de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et des organismes de recherche reconnus dans ce domaine.

Catégorie 2: les critères chimiques de contrôle de l’eau destinée à l’agriculture devraient reposer sur des études et des recommandations scientifiques reconnues qui protègent les cultures et le bétail contre les effets nocifs de l’irrigation des champs et de la consommation d’eau par le bétail.

Catégorie 3: les critères chimiques de protection des organismes aquatiques devraient reposer sur des études scientifiques reconnues concernant la sensibilité de ces espèces à des substances chimiques déterminées et tenir compte de la consommation par l’humain de poissons et de produits de la mer.

Les critères applicables aux rejets d’eaux usées concernent les limites imposées aux polluants présents dans ces effluents et constituent une autre méthode de réglementation. Ils peuvent être fixés en fonction des désignations d’utilisation des masses d’eau et dans le cadre des catégories de critères chimiques ci-dessus.

Les critères biologiques reposent sur les conditions d’habitat des masses d’eau qui sont nécessaires aux organismes aquatiques.

La teneur en matières organiques des eaux usées et des eaux naturelles

La teneur brute en matières organiques est extrêmement importante pour définir le pouvoir de pollution des eaux usées et des eaux naturelles. On a généralement recours pour ce faire à trois essais en laboratoire:

La demande biochimique en oxygène (DBO): la demande biochimique sur cinq jours (DBO5) est le paramètre le plus largement employé; il sert à mesurer la quantité d’oxygène dissous utilisée par les micro-organismes pour décomposer pendant cette période les matières organiques par oxydation biologique.

La demande chimique en oxygène (DCO): ce paramètre sert à mesurer les matières organiques des déchets municipaux et industriels qui contiennent des composés toxiques pour la vie biologique; il mesure la quantité d’oxygène consommée par l’oxydation d’une quantité équivalente de matières organiques.

Le carbone organique total (COT): cet essai s’applique spécialement aux faibles concentrations de matières organiques dans l’eau; c’est une mesure de la quantité de matières organiques qui sont oxydées pour former du dioxyde de carbone.

La réglementation antidégradation

Cette réglementation offre une autre solution pour empêcher la pollution de l’eau de progresser au-delà de certaines limites. A titre d’exemple, on citera les trois niveaux de protection contre la dégradation définis dans les normes de qualité de l’eau de l’EPA de l’Etat de l’Ohio:

Niveau 1: les utilisations existantes doivent être maintenues et protégées. Aucune autre dégradation de la qualité de l’eau n’est autorisée si elle peut gêner les utilisations désignées existantes.

Niveau 2: il faut ensuite maintenir une qualité de l’eau meilleure que celle qui est indispensable pour protéger les utilisations, sauf s’il est attesté qu’une qualité inférieure est nécessaire pour des raisons économiques ou sociales importantes, qui sont déterminées par le directeur de l’EPA.

Niveau 3: enfin, il faut maintenir et protéger la qualité des eaux qui constituent les ressources hydriques. Leur qualité ambiante existante ne peut ni être dégradée par aucune substance jugée toxique ni gêner aucune utilisation désignée. Des charges accrues de polluants ne pourront être rejetées dans les masses d’eau que si elles n’ont pas pour effet d’abaisser la qualité existante.

Les zones de mélange des polluants rejetés dans l’eau et la modélisation de la charge autorisée de matières

Les zones de mélange sont les étendues d’une masse d’eau qui permettent aux eaux usées, traitées ou non traitées qui y sont déversées d’atteindre des conditions stables, comme le montre la figure 55.10 pour un cours d’eau. Les effluents se trouvent d’abord dans un état transitoire, puis se diluent progressivement par rapport à leur concentration à la source pour atteindre l’état de l’eau du récepteur. Ces zones ne doivent pas être considérées comme un lieu de traitement et elles peuvent être délimitées et soumises à des restrictions bien précises. En général, les zones de mélange ne doivent pas:

Figure 55.10 Zones de mélange

Figure 55.10

Les études sur les concentrations autorisées d’eaux usées pour éviter l’eutrophisation (définie ci-après) ont pris de l’importance en raison du coût élevé de la lutte contre les nutriments contenus dans les eaux usées déversées. Ces études utilisent généralement des modèles informatisés pour simuler la qualité de l’eau dans un courant, particulièrement en ce qui concerne les nutriments sous forme d’azote et de phosphore, qui influent sur la dynamique de l’oxygène dissous. Le modèle QUAL2E de l’EPA, aux Etats-Unis, décrit par Brown et Barnwell (1987) est un exemple typique de ces outils classiques. Un instrument plus récent proposé par Taylor (1995) est le modèle OMNI diurne (OMNI Diurnal Model (ODM)) qui comporte une simulation de l’impact des plantes aquatiques sur les nutriments dans le cours d’eau et la dynamique de l’oxygène dissous.

Les dérogations prévues

Toutes les réglementations de lutte contre la pollution de l’eau sont imparfaites et doivent donc comprendre des dispositions qui permettent d’y déroger lorsque certaines circonstances empêchent de s’y conformer immédiatement ou intégralement.

L’évaluation et la gestion des risques concernant la pollution de l’eau

Les mesures antipollution décrites ci-dessus sont caractéristiques des approches utilisées dans le monde entier par les pouvoirs publics pour obtenir le respect de normes de qualité et imposer des limites au rejet des eaux usées. En général, ces réglementations ont été établies sur la base de considérations sanitaires et de recherches scientifiques; en cas d’incertitude quant aux effets possibles, on applique souvent des coefficients de sécurité. L’application de certaines de ces réglementations peut s’avérer peu rationnelle et excessivement coûteuse pour la société et les entreprises privées. On cherche donc de plus en plus à allouer plus efficacement les ressources pour atteindre une meilleure qualité de l’eau. Comme on l’a vu précédemment dans l’examen des ressources hydrologiques, la pureté parfaite n’existe pas, même dans les eaux à l’état naturel.

Une démarche qui gagne en popularité consiste à évaluer et à gérer les risques écologiques pour fixer des règles antipollution. Ce principe repose sur une analyse des coûts et avantages écologiques du respect des normes ou limites. Parkhurst (1995) propose de recourir à l’évaluation des risques écologiques pour faciliter la définition des limites de la pollution de l’eau, particulièrement en ce qui concerne la protection des organismes aquatiques. Ces méthodes d’évaluation des risques peuvent servir à estimer les effets écologiques des concentrations chimiques dans un large éventail de cas de pollution des eaux de surface, notamment:

La méthode envisagée comporte trois étapes, comme l’indique la figure 55.11 qui en donne une illustration.

Figure 55.11 Méthodes d’évaluation des risques pour différents niveaux
successifs d’analyse. Niveau 1: présélection; niveau 2: quantification des risques
pouvant être importants; niveau 3: quantification des risques sur des sites déterminés

Figure 55.11

La pollution des eaux des lacs et des réservoirs

Les lacs et les réservoirs assurent le stockage de l’eau apportée par le bassin versant et peuvent avoir de longs temps de résidence par rapport au flux qui entre et sort rapidement d’un tronçon de rivière. Ils revêtent donc une importance spéciale pour la rétention de certains composants, en particulier les nutriments comprenant des formes d’azote et de phosphore qui favorisent l’eutrophisation. Celle-ci est un processus de vieillissement naturel dans lequel l’eau s’enrichit organiquement, ce qui aboutit à la prolifération des plantes aquatiques indésirables comme les algues, la jacinthe d’eau, etc. L’eutrophisation tend à réduire la faune et la flore aquatiques et a des effets nocifs sur l’oxygène dissous. Les sources de nutriments, d’origine naturelle ou humaine, peuvent toutes deux faciliter ce processus, comme le montre Preul (1974) à la figure 55.12, où l’on trouve une liste schématique des sources et réservoirs de nutriments du lac Sunapee, dans l’Etat du New Hampshire, aux Etats-Unis.

Figure 55.12 Liste schématique des sources et puits de nutriments (azote et phosphore)
du lac Sunapee, New Hampshire (Etats-Unis)

Figure 55.12

On peut évidemment chercher à connaître l’état d’eutrophisation des lacs et des réservoirs en y prélevant des échantillons que l’on analysera. Les études analytiques commencent d’ordinaire par un bilan de base des nutriments comme celui-ci:

nutriments entrant dans le lac = nutriments sortant du lac
+ nutriments retenus dans le lac

Ce bilan de base peut être élargi par l’inclusion des diverses sources, comme on le voit à la figure 55.12.

Le temps de résidence est une indication des divers paramètres de la rétention d’un système lacustre donné. Les lacs peu profonds comme le lac Erié ont des temps de résidence relativement brefs et connaissent une eutrophisation prononcée parce qu’ils sont souvent plus propices à la croissance des plantes aquatiques. Les lacs profonds comme le lac Tahoe et le lac Supérieur ont de très longs temps de résidence, qui sont généralement caractéristiques des lacs à eutrophisation minime parce qu’ils n’ont pas été surchargés jusqu’à présent et parce que leur grande profondeur n’est pas propice à une croissance étendue des plantes aquatiques, exception faite de l’épilimnion (couche supérieure). Les lacs de cette catégorie sont généralement considérés comme oligotrophiques, du fait qu’ils sont relativement pauvres en nutriments et donnent lieu à une prolifération aquatique minime, par exemple celle des algues.

Il est intéressant de comparer les temps de résidence de certains grands lacs des Etats-Unis indiqués par Pecor (1973) à l’aide de la formule suivante:

temps de résidence du lac [TRL] = volume de stockage
du lac/débit de l’exutoire

Voici certains exemples: lac Wabesa (Michigan), TRL = 0,3 an; lac Houghton (Michigan), 1,4 an; lac Erié, 2,6 ans; lac Supérieur, 191 ans; lac Tahoe, 700 ans.

Bien que le rapport entre le processus d’eutrophisation et la teneur en nutriments soit complexe, le phosphore est généralement reconnu comme le nutriment limitatif. Se fondant sur une situation de mélange complet, Sawyer (1947) signale que les algues tendent à proliférer si les valeurs d’azote dépassent 0,3 mg/litre et celles de phosphore 0,01 mg/litre. Dans les lacs et réservoirs à stratification thermique, les faibles niveaux d’oxygène dissous dans l’hypolimnion sont les premiers signes d’eutrophisation. Vollenweider (1968, 1969) a calculé les niveaux de concentration critiques en phosphore total et azote total pour un certain nombre de lacs en se fondant sur les concentrations en nutriments, les profondeurs moyennes et les niveaux trophiques. A titre de comparaison des travaux réalisés sur cette question, citons Dillon (1974) qui a publié une étude critique du modèle de bilan des nutriments proposé par Vollenweider et d’autres modèles du même ordre. Il existe aussi des modèles informatisés plus récents pour simuler les cycles azote/phosphore en fonction de la température.

La pollution des eaux des estuaires

L’estuaire est la voie de passage intermédiaire des eaux entre l’embouchure d’un fleuve et la côte. Cette voie est formée d’un chenal d’embouchure qui reçoit l’eau venue d’amont (eau douce) et la déverse en aval dans l’eau de mer (eau salée) du cours inférieur dont le niveau change constamment. Les estuaires sont continuellement influencés par les fluctuations dues aux marées et ils forment l’une des masses d’eau les plus complexes sur le plan de la lutte contre la pollution de l’eau. Ils ont pour caractéristiques dominantes une salinité variable, une «langue» salée ou interface entre l’eau salée et l’eau douce et, souvent, de vastes étendues aquatiques peu profondes et troubles qui recouvrent des replats boueux et des marais saumâtres. Les nutriments leur sont fournis essentiellement par l’eau d’amont et se combinent au milieu marin pour donner naissance à une production prolifique de biotes et d’organismes marins. Les fruits de mer récoltés dans les estuaires sont particulièrement appréciés.

Sous l’angle de la pollution des eaux, les estuaires sont d’une complexité qui varie avec chacun d’eux et exigent généralement des enquêtes spéciales faisant appel à de vastes études sur le terrain et à la modélisation informatisée. Pour en savoir davantage, on se reportera à Reish, 1979, au sujet de la pollution marine et estuarine, et à Reid et Wood, 1976, quant à l’écologie des eaux intérieures et des estuaires.

La pollution de l’eau dans les milieux marins

On peut considérer les océans comme le récepteur ou réservoir ultime, puisque les déchets charriés par les cours d’eau finissent par être rejetés dans le milieu marin. Même si les océans sont de vastes étendues d’eau salée à capacité d’assimilation apparemment illimitée, la pollution tend à dégrader leur littoral et elle perturbe en outre la faune et la flore marines.

Les sources de polluants du milieu marin comprennent un grand nombre de celles que l’on trouve dans les eaux usées d’origine continentale, auxquelles s’ajoutent les sources liées à l’exploitation des mers. Une liste partielle en est donnée ci-après:

Chacune de ces sources nécessite un traitement spécial et des méthodes particulières de lutte. Le déversement des eaux usées municipales et des boues d’égout dans l’océan par les exutoires est sans doute la principale source de pollution marine.

Pour connaître l’état actuel de la question, le lecteur se reportera au livre de Bishop (1983) sur la pollution des mers et les moyens de lutter contre elle.

Les techniques de réduction de la pollution engendrée par le déversement des eaux usées

L’épuration à grande échelle des eaux usées est généralement réalisée par les municipalités, les agences de bassin, l’industrie, les entreprises commerciales et diverses commissions de lutte contre la pollution. Nous nous attacherons ici à décrire les méthodes actuelles de traitement des eaux usées municipales et à donner ensuite quelques précisions sur celui des déchets industriels et sur les méthodes plus perfectionnées.

Dans l’ensemble, tous les procédés de traitement des eaux usées appartiennent à l’un des trois types ci-après: physique, chimique ou biologique, et l’on peut employer un ou plusieurs d’entre eux pour obtenir l’effluent voulu. Cette classification, très utile pour comprendre les méthodes de traitement des eaux usées, est présentée au tableau 55.15.

Tableau 55.15 Classification générale des opérations et procédés de traitement
des eaux usées

Opérations physiques

Procédés chimiques

Procédés biologiques

Mesure des débits
Tri/dessablage
Brassage
Floculation
Sédimentation
Flottation
Filtration
Séchage
Distillation
Centrifugation
Réfrigération
Osmose inverse

Précipitation
Neutralisation
Adsorption
Désinfection
Oxydation chimique
Réduction chimique
Incinération
Echange d’ions
Electrodialyse

Processus aérobie
Processus anaérobie
Combinaisons aérobie-anaérobie

Les méthodes actuelles de traitement des eaux usées

Nous n’en examinerons que quelques-unes, notre intention étant de donner un aperçu des méthodes de traitement actuellement utilisées dans le monde plutôt que de décrire en détail leur conception. Pour en savoir davantage sur ce dernier point, on consultera Metcalf and Eddy, Inc., 1991.

Les eaux usées municipales mélangées en quantité variable à des déchets industriels ou commerciaux sont épurées dans des systèmes qui procèdent d’ordinaire aux traitements primaire, secondaire et tertiaire, comme suit:

Système de traitement primaire: prétraitement –> décantation primaire –> désinfection (chloration) –> effluents

Système de traitement secondaire: prétraitement –> décantation primaire –> installation biologique –> décantation secondaire –> désinfection (chloration) –> envoi des effluents au récepteur

Système de traitement tertiaire: prétraitement –> décantation primaire –> installation biologique –> décantation secondaire –> installation de traitement tertiaire –> désinfection (chloration) –> envoi des effluents au récepteur

La figure 55.13 présente le schéma d’un système classique d’épuration des eaux usées. On trouvera ci-après un aperçu des procédés mentionnés ci-dessus.

Figure 55.13 Schéma du traitement classique des eaux usées

Figure 55.13

Le traitement primaire

Le traitement primaire des eaux usées municipales, y compris les eaux usées domestiques mélangées dans une certaine mesure à des effluents industriels ou commerciaux, a principalement pour objectif d’éliminer les solides en suspension et de clarifier les eaux pour qu’elles se prêtent à un traitement biologique. Après un traitement tel que tri, dessablage et dilacération, le principal procédé de sédimentation primaire est la décantation des eaux usées brutes dans de grands bassins pendant une période pouvant atteindre plusieurs heures. Ce procédé extrait de 50 à 75% du total des solides en suspension, soutirés sous forme de boues qui seront soumises à un traitement distinct. L’eau décantée est alors dirigée vers un traitement secondaire. Dans certains cas, on peut utiliser des produits chimiques pour améliorer le rendement du traitement primaire.

Le traitement secondaire

La partie du contenu organique des eaux usées en suspension fine ou en solution qui ne peut être extraite par le procédé primaire fait l’objet d’un traitement secondaire. Les systèmes généralement acceptés et couramment utilisés pour ce traitement sont les lits bactériens, les dispositifs de contact tels que les disques biologiques verticaux rotatifs, les bassins à boues activées, les étangs d’aération et les méthodes d’épandage sur les terres, y compris les terres humides. Tous ces systèmes font appel à des processus biologiques, sous une forme ou une autre. Les plus courants d’entre eux sont brièvement examinés ci-après.

Systèmes à biomasse fixée . Les lits bactériens sont l’une des formes les plus anciennes de cette méthode de traitement secondaire et sont encore largement employés en liaison avec certains procédés améliorés d’épandage. Par ce traitement, les effluents provenant des bassins primaires sont répandus uniformément sur un lit de matériaux tels que cailloux ou éléments en plastique synthétique. On obtient une répartition uniforme en arrosant le lit par un dispositif rotatif de tuyaux perforés qui tournent de façon intermittente ou continue au-dessus du lit, en fonction du procédé désiré. Selon le taux de concentration en matières organiques et la charge hydraulique, les filtres percolateurs peuvent extraire jusqu’à 95% des matières organiques, habituellement déterminées comme demande biologique en oxygène (DBO). Il existe de nombreux autres systèmes plus récents à disques biologiques qui peuvent assurer une épuration du même ordre; certaines de ces méthodes présentent des avantages particuliers, intéressants lorsqu’il existe des facteurs limitatifs, comme la place disponible, le climat, etc. Il convient de noter qu’un bassin secondaire de décantation est nécessaire pour compléter le processus. On en soutire la boue biologique ou secondaire, tandis que l’eau décantée est rejetée en tant qu’effluent secondaire.

Boues activées . C’est le procédé biologique le plus courant. Les effluents qui ont subi le traitement primaire s’écoulent dans un bassin contenant déjà une biomasse en suspension appelée boue activée. Ce mélange ou «matières en suspension de la liqueur mixte», est laissé en contact pendant une période qui varie de plusieurs heures à 24 heures ou davantage, selon les résultats désirés. Pendant cette période, le mélange est fortement aéré et agité pour favoriser l’activité biologique aérobie. En fin de processus, une partie du mélange est soutirée et remise en circulation en tête de bassin pour entretenir l’activation biologique. Une décantation secondaire suit le passage par les boues activées, et les eaux décantées se déversent sous forme d’effluents. Grâce à ce processus, on peut extraire jusqu’à 95% de la DBO des affluents.

Le traitement tertiaire

Un troisième niveau de traitement peut avoir lieu s’il faut parvenir à une élimination plus complète des polluants. En général, il prend la forme de filtration sur sable, dans des bassins de stabilisation, par épandage sur les terres et les terres humides et par d’autres systèmes qui stabilisent davantage les effluents secondaires.

La désinfection des effluents

D’ordinaire, il faut procéder à une désinfection pour réduire à des niveaux acceptables les concentrations en bactéries et en pathogènes. L’addition de chlore, le dioxyde de chlore, l’ozone et les rayonnements ultraviolets sont les moyens les plus couramment employés.

L’efficacité générale des installations de traitement des eaux usées

Les eaux usées contiennent une grande variété de composants qui sont généralement subdivisés en solides en suspension et matières en solution, en composants inorganiques et en composés organiques.

L’efficacité d’un système de traitement se mesure d’après le pourcentage d’élimination de ces composants. Les paramètres de mesure courants sont les suivants:

Le traitement des eaux résiduaires industrielles

Les types de déchets industriels

Les rejets industriels (non ménagers) sont nombreux et d’une composition très variée; ils peuvent être très acides ou très alcalins et exigent souvent une analyse approfondie en laboratoire. Un traitement spécialisé peut s’imposer pour les rendre inoffensifs avant leur rejet. La toxicité revêt une grande importance dans l’évacuation des eaux résiduaires industrielles.

Les principales sources de rejets industriels sont: les papeteries, abattoirs, brasseries, tanneries, industries alimentaires, conserveries, industries chimiques et pétrolières, textiles, sucreries, blanchisseries, production de viandes et volailles, élevages de porcs, et bien d’autres. Pour choisir la méthode de traitement, il faut commencer par une étude des rejets industriels, qui donnera des indications sur les variations des apports et les caractéristiques des matières rejetées. Les caractéristiques des rejets indésirables données par Eckenfelder (1989) peuvent se résumer comme suit:

L’EPA, aux Etats-Unis, a défini en outre une liste de substances chimiques toxiques, organiques et inorganiques, qui font l’objet de limitations spéciales dans l’octroi des permis de rejet. Cette liste comprend plus de 100 composés; elle est trop longue pour être reproduite ici, mais elle peut être obtenue auprès de l’EPA.

Les méthodes de traitement

Le traitement des effluents industriels est plus spécialisé que celui des déchets ménagers; lorsqu’ils se prêtent à l’épuration biologique, ils sont toutefois traités selon des méthodes semblables à celles décrites précédemment (traitement biologique secondaire/ tertiaire) pour les systèmes municipaux.

Les bassins de stabilisation des effluents sont une méthode courante de traitement des eaux usées organiques lorsqu’on dispose d’assez de terrain. Les bassins à écoulement continu sont généralement classés en fonction de leur activité bactérienne en bassins aérobies, facultatifs ou anaérobies. Les bassins aérés sont alimentés en oxygène au moyen de systèmes d’aération par diffusion ou mécanique.

Les figures 55.14 et 55.15 présentent des schémas de bassins de stabilisation des déchets.

Figure 55.14 Bassin de stabilisation à deux compartiments: coupe transversale

Figure 55.41

Figure 55.15 Types de lagunes d’aération: schéma

Figure 55.15

La prévention de la pollution et la réduction des rejets au minimum

Si l’on analyse les effluents industriels à leur source, au niveau des opérations et procédés de fabrication à l’usine, on peut souvent agir de manière à empêcher le rejet d’importantes quantités de polluants.

Les techniques de recyclage jouent un rôle important dans les programmes de prévention de la pollution. Un exemple classique est celui du plan de recyclage des eaux usées rejetées par une tannerie de cuir, publié par Preul (1981), qui comprenait la récupération/réutilisation du chrome, ainsi que le recyclage complet de toutes les eaux usées de la tannerie, de sorte qu’aucun effluent n’était déversé dans les cours d’eau, sauf en cas d’urgence. Le shéma de ce système est indiqué à la figure 55.16.

Figure 55.16 Diagramme de flux d’un système de recyclage des eaux usées
d’une tannerie

Figure 55.16

Pour trouver des exemples plus récents et novateurs de cette technique, le lecteur est invité à se reporter à une publication de la Water Environment Federation (1995) sur la prévention de la pollution et la réduction des rejets.

Les méthodes perfectionnées de traitement des eaux usées

Il existe un certain nombre de méthodes perfectionnées pour obtenir un meilleur degré d’élimination des constituants des polluants, selon les besoins. En voici une énumération générale:

Le choix du procédé qui convient le mieux à une situation donnée doit être fait en fonction de la qualité et de la quantité des eaux usées brutes, des exigences des eaux réceptrices et, bien entendu, des coûts. Pour avoir plus de précisions, se reporter à Metcalf and Eddy, Inc., 1991, qui contient un chapitre sur les techniques avancées de traitement des eaux usées.

Etude de cas du traitement perfectionné des eaux usées

L’étude de cas du Projet de régénération des eaux usées dans la région de Dan, décrit dans l’article suivant du présent chapitre, offre un excellent exemple de méthode novatrice de traitement et de valorisation des eaux usées.

La pollution thermique

La pollution thermique est une forme de rejet industriel, défini comme une augmentation ou une réduction nocive des températures normales de l’eau dans les eaux réceptrices causée par l’évacuation de la chaleur provenant des installations techniques. Les industries grandes productrices de rejets thermiques sont les centrales fonctionnant aux combustibles fossiles (pétrole, gaz et charbon) et les centrales nucléaires, les aciéries, les raffineries de pétrole, les usines chimiques, les papeteries, les distilleries et les blanchisseries. Particulièrement préoccupantes sont les centrales électriques qui fournissent l’énergie dans un grand nombre de pays (aux Etats-Unis, par exemple, à raison d’environ 80%).

L’impact des rejets thermiques sur les eaux réceptrices

L’influence sur la capacité d’autoépuration naturelle
L’influence sur les organismes aquatiques

Un grand nombre d’espèces ont des limites de tolérance à la température et doivent être protégées, particulièrement dans les tronçons d’une rivière ou d’une masse d’eau influencés par la chaleur. Ainsi, les cours d’eau froids ont habituellement les types les plus nobles de poissons pêchés pour le sport, comme la truite et le saumon, tandis que les eaux chaudes abritent généralement des bancs de poissons communs et que certaines espèces, comme la perche et le brochet, se nourrissent dans les eaux à température intermédiaire.

L’analyse thermique des eaux réceptrices

La figure 55.17 illustre les diverses formes d’échanges naturels de chaleur aux limites d’un milieu aquatique récepteur. Lorsque la chaleur est rejetée dans une eau réceptrice comme celle d’une rivière, il est important d’analyser la capacité qu’a cette rivière de recevoir de la chaleur supplémentaire. Le profil de température d’une rivière peut se calculer en établissant un bilan thermique analogue à celui qui sert à calculer la courbe d’affaissement de l’oxygène dissous. Les principaux facteurs de ce bilan sont indiqués à la figure 55.18 pour un tronçon de cours d’eau entre les points A et B. Il faut calculer séparément chacun des facteurs en fonction de certaines variables thermiques. Comme dans le cas de l’oxygène dissous, le bilan est simplement la somme des apports et des pertes de température pour un tronçon donné. On trouve d’autres méthodes analytiques plus complexes dans les publications sur la question. Les résultats fournis par le calcul du bilan thermique peuvent être utilisés pour déterminer les limites à imposer aux rejets thermiques et, éventuellement, certaines restrictions d’usage à imposer au milieu aquatique considéré.

Figure 55.17 Echange thermique aux frontières d’une masse d’eau réceptrice

Figure 55.17

Figure 55.18 Capacité d’un cours d’eau à recevoir de la chaleur

Figure 55.18

La lutte contre la pollution thermique

Les principales méthodes sont:

Lorsque les conditions physiques sont favorables et en respectant certaines limites de l’environnement, on devrait envisager de substituer l’énergie hydroélectrique à celle qui provient des combustibles fossiles ou du nucléaire. Les centrales hydroélectriques ne rejettent ni chaleur, ni eaux usées qui sont sources de pollution.

La lutte contre la pollution des eaux souterraines

L’importance des eaux souterraines

Etant donné que l’eau consommée dans le monde provient en grande partie des aquifères, il est très important de protéger ces sources d’approvisionnement. On estime que plus de 95% de l’eau douce disponible sur la planète est souterraine; aux Etats-Unis, 50% environ de l’eau de boisson provient de puits, selon l’enquête géologique américaine (US Geological Survey) de 1984. Etant donné que la pollution et les mouvements des eaux souterraines sont de nature subtile et invisible, on accorde parfois à l’analyse et à la maîtrise de cette forme de dégradation moins d’attention qu’à celle des eaux de surface, qui est beaucoup plus évidente.

Les sources de pollution souterraine

La figure 55.19 décrit le cycle hydrologique avec les sources de contamination des eaux souterraines qui l’affectent. Une liste complète des sources possibles de pollution souterraine serait très longue; nous n’indiquerons ci-après que les plus évidentes:

Figure 55.19 Cycle hydrologique et sources de contamination des eaux souterraines

Figure 55.19

Les polluants de contamination du sous-sol peuvent en outre se classer comme suit:

Parmi les substances ci-dessus, les nitrates revêtent une importance particulière pour les eaux souterraines comme pour les eaux de surface. Dans les approvisionnements en eau souterraine, ils peuvent causer une maladie appelée méthémoglobinémie (cyanose des nourrissons). Ils peuvent en outre avoir des effets nocifs d’eutrophisation des eaux de surface; ces nitrates se retrouvent dans une vaste gamme de ressources en eau, comme le signale Preul (1991). Preul (1964, 1967, 1972) et Preul et Schroepfer (1968) ont également parlé de la migration souterraine de l’azote et d’autres polluants.

La migration souterraine de la pollution

Les écoulements des eaux souterraines sont excessivement lents et subtils en comparaison de ceux des eaux de surface dans le cycle hydrologique. Pour se faire une idée simple du cheminement des eaux souterraines ordinaires dans des conditions d’écoulement idéales et stables, on peut utiliser la loi de Darcy qui est une méthode élémentaire d’évaluation du mouvement des eaux souterraines avec des nombres de Reynolds (R) peu élevés:

V =K (dh/dl)

dans laquelle:

V = vitesse des eaux souterraines dans l’aquifère, en m/jour
K = coefficient de perméabilité de l’aquifère

(dh/dl) = gradient hydraulique représentant la force imprimant
le mouvement.

L’eau souterraine ordinaire (H2O) est généralement le fluide porteur de la migration des polluants en sous-sol et l’on peut calculer qu’elle se déplace à une vitesse conforme aux paramètres de la loi de Darcy. Toutefois, le débit ou la vitesse d’un polluant tel qu’une substance chimique organique ou inorganique peut varier sous l’effet de processus d’advection et de dispersion hydrodynamique. Certains ions se déplacent plus lentement ou plus rapidement que la vitesse générale d’écoulement des eaux souterraines par suite des réactions avec les milieux de l’aquifère, de sorte que l’on peut les classer en «réactifs» ou «non réactifs». Les réactions revêtent généralement les formes suivantes:

Voici des exemples de polluants réactifs et non réactifs du sous-sol:

Au premier abord, on pourrait penser que les polluants réactifs sont les plus nocifs, mais ce n’est pas toujours le cas du fait que les réactions bloquent ou retardent les déplacements des concentrations de polluants, alors que les migrations de polluants non réactifs peuvent se faire en grande partie sans obstacle. Il existe maintenant certains produits «doux» pour le ménage et l’agriculture qui se dégradent biologiquement après un certain temps et évitent par conséquent de contaminer les eaux souterraines.

La régénération des aquifères

Il va de soi que la meilleure stratégie est de prévenir la pollution du sous-sol; toutefois, il faut généralement l’apparition d’un phénomène pour que l’on découvre que les eaux souterraines sont polluées de façon incontrôlée, par exemple à la suite de plaintes émanant des utilisateurs de l’eau des puits dans la région. Malheureusement, au moment où le problème est reconnu, les dommages peuvent déjà être graves et il faut trouver un remède. La régénération peut exiger de vastes études hydrogéologiques sur le terrain avec des analyses en laboratoire d’échantillons d’eau pour déterminer l’étendue des concentrations de polluants et le profil de leurs migrations. Souvent, les puits existants peuvent servir aux premiers échantillonnages, mais dans les cas graves, il faudra peut-être faire de nombreux forages et prélever de nombreux échantillons d’eau. On peut alors analyser ces données pour établir la situation actuelle et prévoir l’avenir. L’analyse du cheminement de la contamination des eaux souterraines est un domaine spécialisé qui exige souvent le recours à des modèles informatisés pour mieux comprendre la dynamique du phénomène et pouvoir faire des prévisions sous diverses contraintes. Les publications contiennent à cette fin un certain nombre de modèles informatisés à deux et trois dimensions. Le lecteur se reportera à l’ouvrage de Freeze et Cherry (1987) s’il souhaite trouver des approches analytiques plus détaillées.

La prévention de la pollution

La prévention de la pollution est la meilleure méthode de protection des ressources en eaux souterraines. Bien que les normes de l’eau potable s’appliquent généralement à l’utilisation des eaux souterraines, il faut protéger les eaux non traitées de la contamination. Les organismes gouvernementaux, comme les ministères de la Santé, les organismes responsables des ressources naturelles et les agences de protection de l’environnement, sont habituellement chargés de ces activités. La lutte contre la pollution des eaux souterraines vise généralement à protéger les aquifères et à prévenir la pollution.

Pour prévenir la pollution, il faut des mesures d’aménagement du territoire sous la forme de zonage et d’autres réglementations. Les lois peuvent viser à empêcher certaines utilisations, spécialement dans le cas de sources ponctuelles ou d’activités qui pourraient causer une pollution. Le zonage est un instrument de protection des eaux souterraines d’une grande efficacité au niveau local. Les programmes de protection des aquifères et de la zone située autour du champ de captage des puits sont examinés ci-après en tant qu’exemples éminents de prévention.

Un programme de protection de l’aquifère suppose la délimitation de la nappe et de ses zones de recharge. Les aquifères peuvent être captifs ou non captifs et devront donc être analysés par un hydrogéologue qui déterminera à quel type ils appartiennent. La plupart des grands aquifères sont généralement bien connus dans les pays développés, mais d’autres régions peuvent exiger des recherches sur le terrain et une analyse hydrogéologique. L’élément capital d’un programme de protection de l’aquifère contre la dégradation de la qualité de l’eau réside dans la réglementation de l’utilisation des terres situées au-dessus de la nappe et de ses zones de recharge.

La protection de la zone située autour du champ de captage d’un puits est une approche plus précise et plus limitée qui s’applique à la zone de recharge de ce puits. Le gouvernement fédéral des Etats-Unis exige maintenant, par les amendements apportés en 1986 à la loi américaine de 1984 sur l’eau potable (Safe Drinking Water Act (SDWA)), que des zones précises soient délimitées en amont du champ de captage pour les puits publics. La zone de protection en tête du champ de captage des pluies est définie dans cette loi comme «la zone en surface et sous la surface entourant un puits ou un champ de captage de puits qui alimente un réseau public de distribution d’eau, à travers laquelle il est raisonnablement probable que des contaminants se déplaceront en direction de ce puits ou de ce champ de captage et l’atteindront». L’objectif principal de ce programme tel qu’esquissé par l’EPA (EPA, 1987) est de délimiter les zones de protection des puits sur la base des critères choisis, de l’exploitation des puits et de considérations hydrogéologiques.

LE PROJET DE RÉGÉNÉRATION ET DE VALORISATION DES EAUX USÉES DE LA RÉGION DE DAN: UNE ÉTUDE DE CAS

Alexander Donagi

La conception

Le système de valorisation des eaux usées municipales de la région de Dan est le plus grand dispositif de ce genre au monde. Il consiste en installations de traitement (et de recharge dans les eaux souterraines) des eaux usées municipales de la zone métropolitaine de la région de Dan — une agglomération de 8 villes centrées autour de Tel-Aviv, en Israël, regroupant une population d’environ 1,5 million d’habitants. Ce projet a été conçu dans le but de collecter, traiter et évacuer les eaux usées municipales. Après un séjour relativement long dans l’aquifère, les effluents régénérés sont pompés pour être utilisés sans restriction dans l’agriculture, irriguant la région aride du Néguev dans la partie méridionale d’Israël. Un schéma général du projet est donné à la figure 55.20. Celui-ci a été établi dans les années soixante et a été continuellement étendu. A l’heure actuelle, on collecte et traite environ 110 millions de m3 par an. D’ici à quelques années, au stade final, on traitera de 150 à 170 millions de m3 par an.

Figure 55.20 Installation de régénération des eaux usées de la région de Dan: plan

Figure 55.20

On sait que les installations de traitement des eaux usées créent une multitude de problèmes pour l’environnement et la santé des travailleurs. Le projet de la région de Dan est unique en son genre et revêt un intérêt pour tout le pays; il permet de réaliser des économies considérables sur les ressources en eau, a une grande efficacité de traitement et produit de l’eau à peu de frais, sans présenter de risques excessifs pour les travailleurs.

Tout au long de la conception, de l’installation et de l’exploitation normale du projet, on a tenu compte avec soin des exigences relatives à l’assainissement de l’eau et à l’hygiène du travail. Toutes les précautions voulues ont été prises pour que les eaux usées récupérées soient pratiquement aussi sûres que de l’eau potable ordinaire au cas où les gens viendraient à les boire ou à les avaler accidentellement. De même, on s’est soucié comme il convient de réduire au minimum tout risque d’accidents ou d’autres dangers biologiques, chimiques ou physiques auxquels pourraient être exposées les personnes travaillant à l’installation de traitement des eaux usées elle-même ou aux activités liées à l’évacuation et à l’utilisation agricole des eaux régénérées.

Lors de la première étape du projet, les eaux usées ont été traitées biologiquement dans un ensemble de bassins d’oxydation avec recirculation et par un procédé de traitement chimique additionnel au calcaire-magnésium, suivi du séjour des effluents à pH élevé dans des «bassins de polissage». Les effluents partiellement traités ont été rechargés dans l’aquifère régional au moyen des bassins d’épandage sur le site de Soreq.

Dans la deuxième étape, les eaux usées envoyées à l’installation de traitement subissent un processus physique et biologique par un procédé à boues activées avec nitrification-dénitrification. L’effluent secondaire est rechargé dans la nappe souterraine au moyen des bassins d’épandage de Yavneh 1 et Yavneh 2.

L’ensemble du dispositif est formé d’un certain nombre d’éléments qui se complètent mutuellement:

La description du système de régénération

Le plan général du système de régénération est présenté à la figure 55.20 et le diagramme d’écoulement à la figure 55.21. Le système est formé des ouvrages suivants: installation de traitement des eaux usées, champs de recharge de l’eau, puits de récupération, réseau de transport et de distribution, dispositif de chloration et système intégré de surveillance.

Figure 55.21 Diagramme d'écoulement du projet de la région de Dan

Figure 55.21

L’installation de traitement des eaux usées

L’installation de la zone de la région métropolitaine de Dan reçoit les eaux de 8 villes de la région et traite aussi une partie de leurs effluents industriels. Elle est située sur les dunes de sable de Rishon-Leziyyon et consiste principalement en un traitement secondaire des effluents par boues activées. Une partie des effluents, surtout lorsque les rejets atteignent un débit de pointe, est traitée dans un autre réseau d’étangs d’oxydation plus ancien qui occupe 120 hectares. Ensemble, les deux réseaux traitent actuellement environ 110 millions de m3 par an.

Les aires de recharge

Les effluents provenant de l’installation de traitement sont pompés vers 3 lieux différents situés dans les dunes de sable de la région, où ils sont épandus sur le sable et s’infiltrent dans l’aquifère pour y être stockés temporairement et y subir un traitement additionnel qui est fonction du temps. Deux des sites d’épandage reçoivent les effluents de l’installation de traitement biomécanique. Ce sont les bassins de Yavneh 1 (24 hectares, à 7 km au sud de l’installation) et de Yavneh 2 (18 hectares, à 10 km au sud de l’installation); le troisième site est réalimenté par les effluents des étangs d’oxydation, ainsi que par une partie du débit provenant de l’installation de traitement biomécanique, ce qui est nécessaire pour améliorer la qualité des effluents et la porter au niveau requis. Il s’agit du site de Soreq, qui a une superficie d’environ 24 hectares et se trouve à l’est des étangs.

Les puits de récupération

Autour des sites d’alimentation se trouvent des réseaux de puits d’observation qui permettent de repomper l’eau qui a été rechargée. Les 74 puits en exploitation en 1993 n’ont pas tous été actifs pendant toute la durée du projet. En 1993, le réseau des puits a permis de récupérer au total environ 95 millions de m3 d’eau qui ont été pompés dans la troisième conduite du Néguev.

Les réseaux de transport et de distribution

L’eau extraite par pompage des différents puits de récupération est envoyée dans le réseau de transport et de distribution de la troisième conduite. Le réseau de transport se compose de 3 sections d’une longueur totale de 87 km et d’un diamètre variant entre 120 cm et 175 cm. Le long de ce réseau, on a construit 6 réservoirs d’exploitation «à l’air libre» sur la conduite principale, pour régler le débit du système. Le volume utile de ces réservoirs est compris entre 10 000 et 100 000 m3.

L’eau de la troisième conduite a été distribuée aux consommateurs en 1993, grâce à un réseau de 13 grands secteurs de pression. De nombreux utilisateurs, principalement des agriculteurs, y sont reliés.

Le système de chloration

La chloration réalisée dans le dispositif de la troisième conduite vise à «couper la connexion humaine», c’est-à-dire à éliminer toute possibilité d’existence de micro-organismes d’origine humaine dans l’eau de cette conduite. Tout au long de la surveillance exercée, on a constaté une augmentation considérable des micro-organismes fécaux pendant le séjour de l’eau régénérée dans les réservoirs d’eau. Il a donc été décidé d’ajouter de nouveaux points de chloration le long de la canalisation et, dès 1993, 3 points distincts fonctionnaient régulièrement. Deux autres vont être ajoutés au système dans un proche avenir. La teneur résiduelle varie de 0,4 à 1,0 mg/litre de chlore libre. Cette méthode, qui consiste à maintenir de faibles concentrations de chlore libre à différents points du système, plutôt qu’une dose unique massive à l’entrée de la conduite, assure la coupure de la connexion humaine tout en permettant aux poissons de vivre dans les réservoirs. En outre, cette méthode de chloration désinfecte l’eau dans les sections situées en aval du réseau de transport et de distribution au cas où des polluants pénétreraient dans le système à un endroit situé en aval du point de chloration initial.

Le système de surveillance

Le système de régénération de la troisième conduite du Néguev dépend du fonctionnement permanent d’un dispositif de surveillance qui est contrôlé par un organisme scientifique indépendant, l’Institut de recherche et de développement de l’Institut technologique israélien Technion (Research and Development Institute of the Technion — Israel Institute of Technology), à Haïfa.

L’établissement d’un organisme indépendant de surveillance était une exigence absolue du ministère de la Santé d’Israël, qui est l’autorité juridique compétente en vertu de l’ordonnance de la santé publique d’Israël. La nécessité de ce dispositif de surveillance résulte des faits suivants:

  1. Le projet de régénération des eaux usées est le plus grand au monde.
  2. Il comprend quelques éléments inhabituels qui n’ont pas encore été expérimentés.
  3. L’eau régénérée doit servir à irriguer sans restriction les terres de culture.

Le système de surveillance a donc pour rôle principal de garantir la qualité chimique et sanitaire de l’eau fournie et de lancer des mises en garde en cas de modification de sa qualité. En outre, l’organisme de surveillance fait une étude de suivi de l’ensemble du projet de régénération, en examinant aussi certains aspects comme le fonctionnement normal de l’installation et la qualité biochimique de son eau. Cette étude est nécessaire pour déterminer si l’eau de la troisième conduite se prête à l’irrigation sans restriction, non seulement sur le plan sanitaire, mais également du point de vue agricole.

Le dispositif préliminaire de surveillance a été conçu et réalisé par la société Mekoroth, la principale entreprise de distribution d’eau en Israël et l’exploitant du projet de la région de Dan. Un comité directeur spécialement désigné a examiné périodiquement le programme de surveillance et l’a modifié en fonction de l’expérience acquise lors de l’exploitation courante. Le programme de surveillance portait sur les divers points de prélèvement d’échantillons situés le long du réseau de la troisième conduite, les divers paramètres étudiés et la fréquence des échantillonnages. Le dispositif préliminaire portait sur les différents ouvrages du système, à savoir les puits de récupération, la conduite de transport, les réservoirs, un certain nombre de connexions avec les consommateurs et la présence de puits d’eau potable à proximité de l’installation d’épuration. La liste des paramètres inclus dans le programme de surveillance de la troisième conduite est donnée au tableau 55.16.

Tableau 55.16 Liste des paramètres contrôlés

Ag

Argent

µg/l

Al

Aluminium

µg/l

ALG

Algues

Nb/100 ml

ALKM

Basicité exprimée par CaCO3

mg/l

As

Arsenic

µg/l

B

Bore

mg/l

Ba

Baryum

µg/l

Br

Bromures

mg/l

Ca

Calcium

mg/l

Cd

Cadmium

µg/l

Cl

Chlorures

mg/l

CLDE

Demande de chlore

mg/l

CLRL

Chlorophylle

µg/l

CN

Cyanures

µg/l

Co

Cobalt

µg/l

COLR

Couleur (cobalt platine)

 

Cr

Chrome

µg/l

Cu

Cuivre

µg/l

DBO

Demande biochimique en oxygène

mg/l

DCO

Demande chimique en oxygène

mg/l

DO

Oxygène dissous (en O2)

mg/l

DOC

Carbone organique dissous

mg/l

DS105

Solides dissous à 105 °C

mg/l

DS550

Solides dissous à 550 °C

mg/l

EC

Conductivité électrique

µmhos/cm

ENTR

Entérocoques

Nb/100 ml

F

Fluorures

mg/l

FCOL

Coliformes fécaux

Nb/100 ml

Fe

Fer

µg/l

HARD

Dureté sous forme de CaCO3

mg/l

HCO3

Bicarbonates sous forme de HCO3

mg/l

Hg

Mercure

µg/l

K

Potassium

mg/l

Li

Lithium

µg/l

MBAS

Détergents

µg/l

Mg

Magnésium

mg/l

Mn

Manganèse

µg/l

Mo

Molybdène

µg/l

Na

Sodium

mg/l

NH4+

Ammoniac sous forme de NH4+

mg/l

Ni

Nickel

µg/l

NKJT

Azote total Kjeldahl

mg/l

NO2

Nitrites sous forme de NO2

mg/l

NO3

Nitrates sous forme de NO3

mg/l

ODOR

Nombre-seuil d’odeur

 

OG

Huiles et graisses

µg/l

Pb

Plomb

µg/l

PHEN

Phénols

µg/l

PHFD

pH mesuré in situ

 

PO4

Phosphates sous forme de PO4–2

mg/l

PTOT

Phosphore total sous forme de P

mg/l

RSCL

Chlore libre résiduel

mg/l

SAR

Rapport d’adsorption du sodium

 

Se

Sélénium

µg/l

Si

Silice sous forme de H2SiO3

mg/l

Sn

Etain

µg/l

SO4

Sulfates

mg/l

Sr

Strontium

µg/l

SS100

Solides en suspension à 100 °C

mg/l

SS550

Solides en suspension à 550 °C

mg/l

STRP

Streptocoques

Nb/100 ml

T

Température

°C

TCOL

Total des coliformes

Nb/100 ml

TOTB

Total des bactéries

Nb/100 ml

TS105

Total des solides à 105 °C

mg/l

TS550

Total des solides à 550 °C

mg/l

TURB

Turbidité

NTU

UV

UV (absorption à 254 nm)(/cm x 10)

 

Zn

Zinc

µg/l

La surveillance des puits de récupération

Le programme d’échantillonnage des puits de récupération repose sur la mesure, deux ou trois fois par mois, d’un petit nombre de «paramètres indicatifs» (voir tableau 55.17). Lorsque les concentrations de chlorures de l’eau du puits où l’échantillon a été prélevé dépassent de plus de 15% les valeurs initiales à ce même puits, on en conclut que le pourcentage d’effluents récupérés dans l’eau de l’aquifère a «sensiblement» augmenté et le puits est transféré dans la catégorie suivante d’échantillonnage. Ici, on détermine tous les trois mois 23 «paramètres caractéristiques». Dans certains des puits, on fait chaque année une étude complète de l’eau portant sur 54 paramètres différents.

Tableau 55.17 Paramètrs étudiés dans les puits de récupération

Groupe A

Groupe B

Groupe C

Paramètres indicatifs

Paramètres caractéristiques

Paramètres de l’essai complet

1. Chlorures
2. Electroconductivité
3. Détergents
4. Absorption UV
5. Oxygène dissous

Groupe A plus:
6. Température
7. pH
8. Turbidité
9. Solides dissous
10. Carbone organique dissous
11. Basicité
12. Dureté
13. Calcium
14. Magnésium
15. Sodium
16. Potassium
17. Nitrates
18. Nitrites
19. Ammoniac
20. Azote total Kjeldahl
21. Phosphore total
22. Sulfate
23. Bore

Groupes A + B plus:
24. Solides en suspension
25. Virus entériques
26. Numération bactérielle totale
27. Coliformes
28. Colibacilles fécaux
29. Streptocoques fécaux
30. Zinc
31. Aluminium
32. Arsenic
33. Fer
34. Barium
35. Argent
36. Mercure
37. Chrome
38. Lithium
39. Molybdène
40. Manganèse
41. Cuivre
42. Nickel
43. Sélénium
44. Strontium
45. Plomb
46. Fluorures
47. Cyanures
48. Cadmium
49. Cobalt
50. Phénols
51. Huiles minérales
52. Cabone organique total
53. Odeur
54. Couleur

La surveillance du système de transport

Le système de transport, long de 87 km, est surveillé en 7 points centraux le long de la canalisation d’eaux usées. A ces points, 16 paramètres différents font l’objet d’un échantillonnage une fois par mois. Ce sont: PHFD, DO, T, EC, SS100, SS550, UV, TURB, NO3, PTOT, ALKM, DOC, TOTB, TCOL, FCOL et ENTR. Les paramètres pour lesquels on ne prévoit pas de changements le long du réseau ne sont mesurés qu’à 2 points d’échantillonnage — à l’entrée et à l’extrémité de la conduite de transport. Ce sont: Cl, K, Na, Ca, Mg, HARD, B, DS, SO4–2, NH4+, NO2 et MBAS. En ces deux points, on prélève une fois par an divers métaux lourds (Zn, Sr, Sn, Se, Pb, Ni, Mo, Mn, Li, Hg, Fe, Cu, Cr, Co, Cd, Ba, As, Al, Ag).

La surveillance des réservoirs

Le dispositif de surveillance des réservoirs de la troisième conduite repose essentiellement sur l’examen d’un nombre limité de paramètres qui servent d’indicateurs du développement biologique dans les réservoirs et révèlent la présence de polluants extérieurs. Cinq réservoirs font l’objet de prélèvements d’échantillons, une fois par mois, pour: PHFD, T, DO, SS totaux, SS volatils, DOC, CLRL, RSCL, TCOL, FCOL, STRP et ALG. Dans ces 5 réservoirs, on prélève également tous les deux mois la silice. Tous ces paramètres sont également relevés six fois par an dans les échantillons d’un autre réservoir, Zohar B.

Résumé

Le projet de la région de Dan fournit une eau régénérée de haute qualité pour l’irrigation sans restriction du Néguev israélien.

La première étape de ce dispositif est exploitée partiellement depuis 1970 et complètement depuis 1977. De 1970 à 1993, un volume total de 373 millions de m3 d’eaux usées brutes a été envoyé aux étangs d’oxydation facultative et un volume total de 243 millions de m3 d’eau a été pompé à partir de l’aquifère au cours de la période 1974-1993 et distribué au sud du pays. Une partie de l’eau s’est perdue, principalement sous l’effet de l’évaporation et de l’écoulement par infiltration à partir des étangs. En 1993, ces pertes se sont élevées à environ 6,9% des eaux usées brutes envoyées à l’installation de la première étape (Kanarek, 1994).

L’installation de traitement biomécanique, deuxième étape, est en exploitation depuis 1987. Au cours de la période d’exploitation 1987-1993, un volume total de 478 millions de m3 d’eaux usées brutes a été envoyé à l’installation de traitement biomécanique. En 1993, environ 103 millions de m3 (95 d’eau régénérée, plus 8 d’eau potable) ont été transportés par le réseau et utilisés pour l’irrigation du Néguev sans conditions restrictives.

L’eau des puits de récupération indique la qualité de l’eau de l’aquifère souterrain. Cette qualité varie tout le temps sous l’effet des effluents qui y pénètrent par percolation. La qualité de l’eau de l’aquifère est proche de celle des effluents pour les paramètres qui ne sont pas affectés par les processus de traitement sol-aquifère, tandis que les paramètres qui sont influencés par le passage à travers les couches du sol (par exemple, turbidité, matières en suspension, ammoniac, carbone organique dissous, etc.) présentent des valeurs nettement plus faibles. Il convient de noter que la teneur en chlorures de l’eau de l’aquifère a augmenté de 15 à 26% au cours d’une période de 4 ans, comme le montre le changement de qualité dans les puits de récupération. Ce changement indique que l’eau de l’aquifère est continuellement remplacée par les effluents dont la teneur en chlorures est nettement plus élevée.

La qualité de l’eau des 6 réservoirs du système de la troisième canalisation est influencée par les modifications biologiques et chimiques qui se produisent dans les réservoirs à l’air libre. La teneur en oxygène augmente sous l’effet de la photosynthèse des algues et de la dissolution de l’oxygène atmosphérique. Les concentrations de divers types de bactéries ont également augmenté en raison de la pollution non contrôlée due à la faune aquicole résidant à proximité des réservoirs. La qualité de l’eau fournie aux consommateurs le long du réseau dépend de celle de l’eau provenant des puits de récupération et des réservoirs. La chloration obligatoire de l’eau du réseau offre une garantie supplémentaire au cas où on l’utiliserait par erreur comme eau potable. Si l’on compare les données relatives à l’eau de la troisième conduite avec les exigences du ministère de la Santé d’Israël en matière de qualité des eaux usées à utiliser à des fins agricoles sans restriction, on constate que, la plupart du temps, la qualité de l’eau est entièrement conforme à ces exigences.

En conclusion, on peut dire que le système de récupération et d’utilisation des eaux usées de la troisième conduite est une réussite israélienne au niveau environnemental et national. Il a résolu le problème de l’élimination sanitaire des eaux usées de la région de Dan tout en augmentant le bilan hydrique national d’environ 5%. Dans un pays aride comme Israël, où la distribution d’eau, spécialement à des fins agricoles, est très limitée, il s’agit là d’une contribution non négligeable.

Le coût du fonctionnement et de l’entretien des installations de recharge des eaux régénérées s’est élevé en 1993 à environ 3 cents E.-U. par m3 (0,093 NIS/m3).

Le système fonctionne depuis la fin des années soixante sous la surveillance étroite du ministère de la Santé d’Israël et du département de la sécurité et de la santé au travail de la société Mekoroth. Aucun cas de maladie professionnelle liée au fonctionnement de ce système complexe n’a été signalé jusqu’ici.

LES PRINCIPES DE GESTION DES DÉCHETS

Lucien Y. Maystre

La prise de conscience des problèmes de l’environnement a conduit à une transformation rapide des méthodes de gestion des déchets. Il convient d’interpréter ce changement avant d’examiner plus avant les méthodes utilisées pour gérer les déchets et pour éliminer les résidus.

Les principes modernes de gestion des déchets reposent sur l’idée qu’il existe une relation déterminée entre la biosphère et l’anthroposphère. Un modèle général (voir figure 55.22) reliant ces deux sphères se fonde sur l’hypothèse que toutes les matières extraites de l’environnement finissent comme déchets soit directement (venant du secteur de la production), soit indirectement (venant du secteur du recyclage), en gardant à l’esprit que tous les déchets produits par la consommation retournent à ce dernier secteur pour être recyclés ou éliminés.

Figure 55.22 Modèle général des principes de gestion des déchets

Figure 55.22

Dans cette perspective, le recyclage doit être défini en termes généraux: recyclage d’objets entiers (consignés) jusqu’à celui d’objets dont on récupère certaines pièces détachées (voitures, ordinateurs, par exemple), ou production de matières nouvelles (papiers et cartons, boîtes de conserve) ou d’objets similaires (recyclage, recyclage sous forme de matières moins nobles, etc.). A long terme, ce modèle peut être considéré comme un état d’équilibre stable dans lequel les biens finissent sous forme de déchets au bout de quelques jours ou souvent de quelques années.

Déductions à tirer du modèle

On peut faire certaines déductions à partir de ce modèle, à condition de définir clairement les divers flux. Dans ce modèle:

En d’autres termes, C* est la mesure du rapport qui lie l’anthroposphère à l’environnement. Il dépend de l’efficacité de la production et de celle du recyclage. La relation entre C*, p et r, qui est une fonction d’utilité, peut être représentée graphiquement comme le fait la figure 55.23, qui montre les compromis explicites entre p et r pour une valeur choisie de C*.

Figure 55.23 Fonction d'utilité montrant les compromis entre production et recyclage

Figure 55.23

Dans le passé, l’industrie s’est développée dans le sens d’une augmentation de l’efficacité de la production, p. A la fin des années quatre-vingt-dix, le prix de l’élimination des déchets par leur dispersion dans l’atmosphère, les masses d’eau ou les sols (mise en décharge non contrôlée) ou par leur mise en dépôt en milieu confiné a augmenté très rapidement, du fait que les normes de protection de l’environnement devenaient de plus en plus sévères. Dans ces conditions, il est devenu économiquement attrayant d’augmenter le rendement du recyclage (autrement dit d’augmenter r). Cette tendance persistera au cours des décennies à venir.

Pour augmenter l’efficacité du recyclage, il faut remplir une condition importante: les déchets à recycler (en d’autres termes, les matières premières de la deuxième génération) doivent être aussi «purs» que possible (c’est-à-dire débarrassés des éléments indésirables qui empêcheraient le recyclage). Pour y parvenir, il n’y a qu’un seul moyen, c’est de généraliser la politique qui consiste à ne pas mélanger à la source les déchets ménagers, commerciaux et industriels. C’est ce que l’on appelle souvent de manière impropre le tri à la source. Trier consiste à séparer; or, l’idée est précisément de ne pas avoir à séparer en stockant les différentes catégories de déchets dans des conteneurs ou des endroits distincts jusqu’à ce qu’ils soient collectés. Le concept moderne de gestion des déchets est le «non-mélange» des déchets à la source pour pouvoir accroître le rendement du recyclage et obtenir ainsi un meilleur ratio entre les biens produits et les matières extraites de l’environnement.

Les méthodes de gestion des déchets

Les déchets peuvent être groupés en trois grandes catégories, en fonction de leur origine:

  1. le secteur primaire de production (industries extractives, exploitation forestière, agriculture, élevage, pêche);
  2. les industries de production et de transformation (denrées alimentaires, biens d’équipement, produits en tout genre);
  3. le secteur de la consommation (ménages, entreprises, transports, commerce, bâtiment, services, etc.).

Les déchets peuvent aussi être classés par le législateur en:

La gestion des déchets municipaux et des déchets commerciaux ordinaires.

Ramassés par camion, ces déchets peuvent être transportés (directement ou par des stations de transfert route-route, route-rail, ou route-voie d’eau et des moyens de transport à longue distance) vers une décharge ou une installation de traitement en vue de la récupération des matières (par tri mécanique, compostage, biométhanisation) ou de l’énergie (incinérateur à grille ou à four rotatif, pyrolyse).

Les installations de traitement produisent des quantités relativement faibles de résidus qui peuvent être plus dangereux pour l’environnement que les déchets initiaux. Ainsi, les incinérateurs émettent des cendres volantes d’une teneur très élevée en métaux lourds et en substances chimiques complexes. Ces résidus sont souvent classés par le législateur dans la catégorie des déchets dangereux et exigent une gestion appropriée. Les installations de traitement ne sont pas assimilables à des décharges parce qu’elles sont des «systèmes ouverts» où les produits entrent et sortent, alors que les décharges sont essentiellement des «puits» (si l’on néglige la faible quantité de lixiviats qui doivent subir un traitement ultérieur et la production de biogaz, qui peut être une source d’énergie exploitée dans les très grandes décharges).

L’équipement industriel et domestique. La tendance actuelle, qui a aussi des conséquences commerciales, est de confier le soin du recyclage aux producteurs des différentes catégories de déchets (voitures, ordinateurs, machines, par exemple). Les résidus sont alors des déchets soit dangereux, soit semblables aux déchets ordinaires provenant des entreprises.

Les déchets provenant de la construction et de la démolition. L’augmentation du prix des décharges incite à trier les déchets. En séparant les déchets dangereux et combustibles des grandes quantités de matières inertes, on parvient à mieux éliminer celles-ci à un prix très inférieur à celui des déchets non triés.

Les déchets spéciaux. Les déchets chimiquement dangereux doivent être traités par la neutralisation, la minéralisation, l’insolubilisation ou doivent être inertisés avant de pouvoir être déposés dans des décharges spéciales. Les déchets infectieux seront de préférence brûlés dans des incinérateurs spéciaux. Les déchets radioactifs font l’objet d’une législation très rigoureuse.

La gestion des résidus

Les déchets provenant de la production et de la consommation qui ne peuvent être ni recyclés, ni soumis à un recyclage sous forme de matière moins noble, ni réutilisés ou incinérés pour produire de l’énergie, doivent en fin de compte être éliminés. La toxicité de ces résidus pour l’environnement doit être réduite selon le principe de la «meilleure technique disponible à un coût acceptable». Après avoir subi ce traitement, les résidus devraient être déposés à des emplacements où ils ne contamineront pas l’eau et l’écosystème et où ils ne se répandront pas dans l’atmosphère, la mer, les lacs ou les cours d’eau.

Les dépôts de déchets se caractérisent habituellement par l’emploi de couches isolantes multiples (argile, géotextiles, feuilles de polystyrène, etc.), par le détournement de toutes les eaux exogènes et par des revêtements imperméables. Les dépôts permanents doivent être surveillés pendant des décennies. Il faut aussi contrôler pendant longtemps les restrictions imposées à l’emploi des terres d’un site ayant servi de décharge. Dans la plupart des cas, il faut des systèmes de drainage contrôlé pour les lixiviats et les gaz.

Pour l’élimination finale des résidus biochimiquement plus stables et chimiquement inertes qui proviennent du traitement des déchets, on peut se contenter de conditions moins rigoureuses, si bien qu’il est moins difficile de trouver dans la région où ils ont été produits un emplacement pour les déposer. On peut ainsi éviter d’exporter les déchets ou leurs résidus, ce qui soulève toujours l’indignation des pays qui ne veulent pas servir de dépotoirs.

LA GESTION ET LE RECYCLAGE DES DÉCHETS SOLIDES

Niels Jorn Hahn et Poul S. Lauridsen

On décrit traditionnellement les déchets solides comme des produits résiduels, qui représentent un coût lorsqu’il faut les éliminer.

La gestion des déchets englobe un ensemble complet d’impacts potentiels sur la santé et la sécurité de l’être humain et sur l’environnement. Bien que les risques qu’ils présentent puissent être de nature similaire, ces impacts devraient être classés en fonction de trois types distincts d’opérations:

Il ne faut pas oublier que les risques pour la sécurité et la santé se présenteront d’abord là où les déchets sont produits, c’est-à-dire dans l’usine ou chez le consommateur. C’est pourquoi il peut être dangereux pour l’entourage immédiat de stocker les déchets là où ils sont produits — spécialement lorsqu’ils sont triés à la source. Dans le présent article, on exposera les grandes lignes de la gestion des déchets solides et on tentera de cerner les risques que font naître, pour la sécurité et la santé des travailleurs, les entreprises chargées de la collecte, du transport, du traitement et de l’élimination des déchets solides.

Pourquoi gérer les déchets solides?

La gestion des déchets solides s’impose lorsque la société change de structure et passe d’une population agricole à faible densité à une population urbaine à forte densité. En outre, l’industrialisation a généré un grand nombre de produits que la nature est incapable de décomposer ou de digérer ou ne peut le faire que très lentement. Certains produits industriels contiennent par conséquent des substances qui, en raison de leur faible dégradabilité ou même de leurs caractéristiques toxiques, peuvent s’accumuler dans la nature pour atteindre des niveaux qui risquent de mettre en danger l’utilisation future des ressources naturelles par l’humain, telle que l’eau de boisson, les sols agricoles, l’air, etc.

La gestion des déchets solides vise à prévenir la pollution du milieu naturel.

Tout système de gestion des déchets solides devrait reposer sur des études techniques et sur une planification d’ensemble comprenant:

Ces études doivent comprendre la protection de l’environnement naturel et les questions de sécurité et de santé au travail, en tenant compte des possibilités de parvenir à un développement durable. Comme il est rarement possible de résoudre tous les problèmes à la fois, il importe, au stade de la planification, d’établir une liste des priorités. Pour trouver une solution aux risques auxquels sont exposés l’environnement et les travailleurs, la première chose à faire est de reconnaître l’existence de ces risques.

Les principes de gestion des déchets

La gestion des déchets englobe un large éventail de relations complexes en matière de sécurité et de santé au travail. Elle représente l’inverse du processus classique dans lequel la production consiste en l’extraction des matières excédentaires. A l’origine, on cherchait simplement à récolter ces matières, à en réemployer la partie utile et à éliminer le reste dans un site aussi proche que possible, non destiné à l’agriculture, à la construction, etc. On procède encore ainsi dans un grand nombre de pays.

Les sources de déchets peuvent être décrites par les différentes activités qui s’exercent dans une société moderne (voir tableau 55.18).

Tableau 55.18 Sources de déchets

Activité

Description des déchets

Industrie

Résidus de production
Produits défectueux

Commerce de gros

Produits défectueux

Commerce de détail

Emballages pour le transport
Produits défectueux
Matières organiques (provenant des industries alimentaires)
Déchets alimentaires

Consommateurs

Emballages pour le transport
Emballages de conditionnement (papier, verre, métal, plastique, etc.)
Déchets de cuisine (organiques)
Déchets dangereux (produits chimiques, huiles)
Déchets encombrants (meubles, etc.).
Déchets de jardin

Construction et démolition

Béton, briques, métaux, terre, etc.

Services collectifs

Déchets d’entretien des espaces verts
Déchets du nettoiement des rues
Mâchefer, cendres et gaz de carneau provenant de la production d’énergie
Boues d’égout
Déchets hospitaliers

Traitement des déchets

Rebuts des installations de tri
Mâchefer, cendres et matériaux d’épuration des effluents gazeux provenant de l’incinération

Chaque type de déchet est caractérisé par son origine ou par le type de produit dont il est issu. Par conséquent, les risques qu’il présente pour la sécurité et la santé devraient être définis au moment où l’on impose des restrictions à la manipulation du produit par le producteur du déchet. De toute manière, le stockage des déchets peut créer des risques nouveaux et plus importants (activité chimique ou biologique pendant la période de stockage).

On peut distinguer les étapes ci-après dans la gestion des déchets:

Le recyclage des déchets peut intervenir à n’importe quelle étape du système; à chacune de ces étapes, des risques particuliers peuvent surgir pour la sécurité et la santé au travail.

Dans les sociétés à faible revenu et les pays non industrialisés, le recyclage des déchets solides représente un revenu essentiel pour ceux qui en font la collecte. En général, on ne se pose, dans ces pays, aucune question concernant les risques pour le personnel exposé et la collectivité.

Dans les pays fortement industrialisés, on a clairement tendance à accorder plus d’attention au recyclage des énormes quantités de déchets produites. Outre la valeur marchande directe des déchets, cette attitude s’explique par le fait que la population prend de plus en plus conscience du déséquilibre entre la consommation et la protection de l’environnement naturel. On a donc appelé recyclage ce qui était auparavant la collecte des déchets et l’ébouage pour rendre cette activité plus noble dans l’esprit du public, ce qui s’est traduit par une prise de conscience beaucoup plus aiguë des conditions de travail dans ce secteur.

De nos jours, les autorités chargées de la sécurité et de la santé au travail dans les pays industriels se préoccupent de conditions qui passaient inaperçues il y a quelques années encore et étaient tacitement acceptées, consistant par exemple à:

Le recyclage

Le recyclage et la récupération sont des termes qui couvrent à la fois la réutilisation (utilisation dans le même but) et la régénération/récupération de matières ou d’énergie.

Les raisons du recours au recyclage peuvent varier selon les conditions nationales et locales. Les principaux arguments en sa faveur peuvent se résumer comme suit:

Comme on l’a vu plus haut, le recyclage peut se faire à n’importe quelle étape du système, mais il peut être conçu pour prévenir la formation des déchets. C’est le cas lorsque les produits sont destinés au recyclage ou au rachat après utilisation finale, par exemple, par la consignation des récipients de boissons (bouteilles en verre, etc.).

Le recyclage peut donc aller plus loin que la simple mise en œuvre de la régénération ou de la récupération des matières extraites des déchets.

Dans la plupart des cas, il faut séparer ou trier les déchets en fractions ayant un degré minimal de finesse pour pouvoir les utiliser en lieu et place des matières premières vierges ou d’origine.

Le tri peut être fait par les producteurs des déchets (séparation à la source) ou après la collecte, c’est-à-dire dans une installation centrale de tri.

La séparation à la source

Avec les techniques actuelles, la séparation à la source donne lieu à des fractions de déchets qui sont «conçues» pour être traitées. Un degré minimal de séparation à la source est inévitable, étant donné que certains mélanges de catégories de déchets ne peuvent être séparés en fractions de matières réutilisables qu’au prix d’un grand effort (économique). Lorsqu’on définit la séparation à la source, il faut toujours tenir compte du type final de recyclage envisagé.

Le système de tri à la source devrait viser à ne pas mélanger ni polluer les différentes catégories de déchets, ce qui ferait obstacle à leur recyclage.

La collecte de catégories de déchets triées à la source fera souvent naître des risques plus précis pour la sécurité et la santé au travail que ne le fait le ramassage en vrac. Cela s’explique par la concentration de fractions de certains déchets, par exemple les substances toxiques. Le tri de matières organiques aisément dégradables peut se traduire par des niveaux élevés d’exposition à des champignons dangereux, bactéries, endotoxines, etc., lorsque ces matières sont manipulées ou transvasées.

Le tri centralisé

Il peut se faire par des méthodes mécaniques ou manuelles.

On considère généralement que le tri mécanique sans séparation préalable à la source selon les techniques connues de nos jours ne devrait être utilisé que pour la production de combustibles obtenus à partir des déchets. Pour que les conditions de travail soient acceptables, il faut que l’équipement mécanique soit entièrement confiné et que le personnel porte des «combinaisons spatiales» lorsqu’il procède au service et à l’entretien.

Compte tenu des techniques actuelles, le tri central mécanique avec séparation à la source n’a pas donné de bons résultats du fait qu’il est difficile d’atteindre une efficacité suffisante. Lorsque les caractéristiques des fractions de déchets triées seront plus clairement définies et lorsqu’elles seront reconnues à l’échelle nationale ou internationale, on pourra s’attendre à ce que des techniques nouvelles appropriées et efficaces soient mises au point. Le succès de ces techniques sera étroitement lié aux précautions qui seront prises pour instaurer des conditions de travail acceptables.

Le tri centralisé manuel suppose une séparation préalable à la source afin d’éviter les risques pour la sécurité et la santé au travail (poussières, bactéries, substances toxiques, etc.). Il devrait se limiter à un certain nombre de «caractéristiques» des fractions de déchets de manière à éviter les erreurs prévisibles dans le tri à la source et à faciliter le contrôle à la zone de réception de l’usine. Au fur et à mesure que les fractions de déchets seront définies plus clairement, il deviendra possible d’imaginer des dispositifs de plus en plus nombreux et performants pour les procédures de tri automatique, afin de réduire l’exposition directe de l’humain à des substances nocives.

Pourquoi recycler?

Il convient de noter que le recyclage n’est pas une méthode de traitement des déchets qui devrait être considérée indépendamment des autres pratiques. Pour compléter le recyclage, il faut avoir accès à une décharge convenablement gérée et, peut-être, à des installations plus traditionnelles de traitement des déchets, comme les usines d’incinération et les installations de compostage.

Le recyclage devrait être évalué en liaison avec:

Aussi longtemps que le pétrole et le charbon seront utilisés comme ressources énergétiques, l’incinération et les combustibles obtenus à partir des déchets constitueront une solution viable de gestion fondée sur la récupération d’énergie. La réduction à un minimum des quantités de déchets par cette méthode peut cependant impliquer l’utilisation de décharges soumises à des normes environnementales extrêmement strictes, ce qui pourrait être très coûteux.

ÉTUDE DE CAS: PRÉVENTION ET MAÎTRISE PAR LE CANADA DE LA POLLUTION MULTIMILIEUX DANS LES GRANDS LACS

Thomas Tseng, Victor Shantora et Ian R. Smith

Le défi

Les Grands Lacs — ils sont au nombre de cinq — sont une ressource partagée entre le Canada et les Etats-Unis (voir figure 55.24). Ils contiennent plus de 18% des eaux de surface de la planète. Dans ce bassin vivent un Canadien sur trois (environ 8,5 millions) et un Américain sur neuf (27,5 millions). C’est aussi le cœur industriel des deux pays puisqu’il regroupe le cinquième de la puissance industrielle des Etats-Unis et la moitié de celle du Canada. Les activités économiques menées autour du bassin des Grands Lacs créent chaque année une richesse estimée à mille milliards de dollars. Avec le temps, l’accroissement de la population et des activités industrielles a soumis ces lacs à une série d’atteintes, jusqu’à ce que les deux pays reconnaissent au milieu du XXe siècle la nécessité d’une action concertée pour les protéger.

Figure 55.24 Bassins versants des Grands Lacs

Figure 55.24

La réaction

Depuis les années cinquante, les deux pays ont mis en place des programmes nationaux et bilatéraux pour résoudre les problèmes de pollution les plus flagrants et pour répondre à des préoccupations plus complexes concernant la qualité de l’eau. Grâce à ces mesures, les eaux des Grands Lacs sont visiblement plus pures qu’elles ne l’étaient vers le milieu du siècle dernier, les concentrations de métaux lourds et de matières chimiques organiques ont diminué et les niveaux de contaminants chez les poissons et les oiseaux aquatiques ont sensiblement baissé. Par leur succès, les mesures prises par le Canada et les Etats-Unis pour restaurer et protéger les Grands Lacs offrent un modèle de coopération bilatérale pour la gestion des ressources, même s’il reste encore beaucoup à faire.

Aperçu de l’étude de cas

Les menaces que font peser les substances toxiques rémanentes (dites aussi persistantes) ne se font sentir qu’à long terme et leur gestion exige une approche multimilieux englobant toutes les sources de pollution. Pour atteindre l’objectif de longue haleine qui est d’éliminer pratiquement les substances toxiques des Grands Lacs, les autorités chargées de l’environnement, les industries et les autres parties intéressées du bassin ont dû mettre au point de nouvelles approches et de nouveaux programmes. Cet exposé sur l’étude de cas vise à donner un bref résumé des programmes canadiens de lutte contre la pollution et des progrès accomplis jusqu’en 1995, et à décrire les initiatives de gestion des substances toxiques rémanentes dans les Grands Lacs. Les initiatives et programmes analogues adoptés par les Etats-Unis ne seront pas examinés ici. Les lecteurs qui le désirent peuvent s’adresser au Great Lakes National Program Office de l’Agence américaine de protection de l’environnement (Environmental Protection Agency (EPA)) à Chicago pour obtenir des renseignements sur les programmes américains, fédéraux et d’Etat, concernant la protection des Grands Lacs.

Les années soixante-dix et quatre-vingt

Dans les années soixante, on s’était aperçu que le lac Erié souffrait d’un enrichissement par les nutriments, ou eutrophisation, phénomène qui posait un grave problème. Devant la nécessité d’une action bilatérale, le Canada et les Etats-Unis ont signé, en 1972, le premier accord relatif à la qualité de l’eau dans les Grands Lacs. Cet accord esquissait les mesures de réduction de la pollution à prendre pour abaisser les concentrations de phosphore provenant principalement des détergents de lessive et des eaux usées municipales. Pour concrétiser cet engagement, le Canada et l’Ontario ont adopté une législation et des programmes visant à enrayer la pollution par les sources ponctuelles. Entre 1972 et 1987, le gouvernement fédéral et celui de cette province ont investi plus de 2 milliards de dollars dans la construction d’installations de traitement des eaux usées et l’amélioration du bassin des Grands Lacs.

L’accord de 1972 reconnaissait aussi la nécessité de réduire les rejets de substances chimiques toxiques dans les lacs par l’industrie et d’autres sources telles que les déversements. Au Canada, la réglementation fédérale sur les effluents (en fin de cycle) adoptée dans les années soixante-dix pour les polluants classiques rejetés par les grands secteurs industriels (pâte et papier, métallurgie, raffineries de pétrole, etc.) a fourni une norme nationale de référence, tandis que l’Ontario établissait des directives analogues sur les effluents, adaptées aux besoins locaux, y compris ceux des Grands Lacs. Les mesures prises par les entreprises et les municipalités pour se conformer aux dispositions fédérales et à celles de l’Ontario en la matière ont produit des résultats impressionnants; c’est ainsi que de 1975 à 1989, les concentrations de phosphore apportées par les sources ponctuelles au lac Erié ont diminué de 70% et que, dès le début des années soixante-dix, les rejets de polluants classiques par les 7 raffineries de pétrole de l’Ontario avaient été réduits de 90%. La figure 55.25 fait apparaître des tendances analogues dans la réduction des apports du secteur de la pâte et du papier et de celui de la sidérurgie.

Figure 55.25 Réduction progressive de la pollution industrielle

Figure 55.25

Vers le milieu des années soixante-dix, la présence de concentrations élevées de substances chimiques toxiques chez les poissons et dans la faune des Grands Lacs, les anomalies de reproduction constatées chez certains oiseaux piscivores et la diminution de la population d’un certain nombre d’espèces ont fourni la preuve de la présence de substances toxiques bioaccumulatives et rémanentes. Le Canada et les Etats-Unis ont alors décidé d’axer leurs efforts sur la protection de la faune et ont signé, en 1978, un deuxième accord relatif à la qualité de l’eau dans les Grands Lacs, par lequel ils s’engageaient à «restaurer et maintenir l’intégrité chimique, physique et biologique des eaux de l’écosystème des Grands Lacs». L’un des principaux objectifs était «d’interdire le déversement de substances toxiques en quantités toxiques et d’éliminer en pratique le déversement de toute substance toxique rémanente». Il était nécessaire de viser à une élimination quasi totale, étant donné que les substances chimiques toxiques rémanentes peuvent se concentrer et s’accumuler dans la chaîne trophique, causant ainsi des dommages graves et irréversibles à l’écosystème, alors que les substances non rémanentes doivent être maintenues à des niveaux inférieurs à ceux auxquels elles causent des dommages immédiats.

Outre les mesures plus strictes appliquées aux sources ponctuelles, le Canada et l’Ontario ont élaboré et renforcé les mesures de réglementation des pesticides, des produits chimiques commerciaux, des déchets dangereux et des sources de pollution non ponctuelles, comme les décharges et les incinérateurs. Les initiatives des autorités ont été conçues davantage dans une optique multimilieux, et l’idée que les substances chimiques devaient être suivies «du berceau jusqu’à la tombe» a inspiré la nouvelle politique du gouvernement comme de l’industrie en matière de gestion de l’environnement. Un certain nombre de pesticides toxiques rémanents ont été interdits par la loi fédérale sur les produits antiparasitaires (Pest Control Products Act) (DDT, aldrine, mirex, toxaphène, chlordane) et la loi sur les contaminants de l’environnement (Environmental Contaminants Act) a servi à: 1) interdire l’emploi de substances toxiques rémanentes (CFC, PPB, PCB, PPT, mirex, plomb) dans le commerce, les industries manufacturières et les industries de transformation; 2) à limiter les substances chimiques rejetées par certaines opérations industrielles (mercure, chlorure de vinyle, amiante).

Au début des années quatre-vingt, ces mesures, ainsi que les efforts analogues des Etats-Unis, ont commencé à porter leurs fruits. Les niveaux de contamination relevés dans les sédiments et chez la faune des Grands Lacs étaient en diminution et l’amélioration notable de l’environnement était attestée par le retour du pyrargue à tête blanche sur les rives canadiennes du lac Erié, par une augmentation de 200% de la population de cormorans, par la réapparition du balbuzard pêcheur dans la baie Georgienne et le rétablissement des sternes communes dans la région du port de Toronto; toutes ces espèces avaient souffert dans le passé des niveaux atteints par les substances toxiques rémanentes et leur rétablissement montre bien que les efforts déployés ont porté leurs premiers fruits.

La tendance à la réduction des concentrations de certaines des substances toxiques rémanentes dans la faune et les sédiments s’est stabilisée vers le milieu des années quatre-vingt (voir, par exemple, la figure 55.26). Les scientifiques en ont conclu que:

  1. Si les programmes de lutte contre la pollution de l’eau et les contaminants adoptés étaient utiles, ils ne suffisaient pas à obtenir de nouvelles réductions des concentrations.
  2. Des mesures additionnelles s’imposaient pour les sources non ponctuelles de substances toxiques rémanentes, y compris les sédiments contaminés, les polluants apportés par la pollution atmosphérique à longue distance, les décharges abandonnées, etc.
  3. Certains polluants peuvent persister dans l’écosystème à des concentrations infimes et peuvent s’accumuler biologiquement dans la chaîne trophique pendant une période prolongée.
  4. Le moyen le plus efficace pour lutter contre les substances toxiques rémanentes est d’empêcher leur production à la source plutôt que de tenter de supprimer leur rejet.

Figure 55.26 Concentrations de mirex dans les œufs du goéland argenté

Figure 55.26

On s’est accordé à reconnaître qu’il fallait redoubler d’efforts pour parvenir à éliminer pratiquement ces substances de l’environnement par l’application du principe des rejets nuls et par l’adoption du concept de l’écosystème pour gérer la qualité de l’eau dans les Grands Lacs.

Pour réaffirmer leur volonté de parvenir à l’élimination pratique des substances toxiques rémanentes, le Canada et les Etats-Unis ont complété l’accord de 1978 par l’adoption d’un protocole en novembre 1987 (United States and Canada, 1987). Ce protocole désigne les zones à problèmes autour des Grands Lacs où des activités bénéfiques avaient été entravées et il prévoit l’élaboration et l’application de plans d’actions correctrices (Remedial Action Plans (RAPs)) pour les sources ponctuelles et non ponctuelles dans les zones désignées. Le protocole prévoit aussi des plans de gestion à l’échelle des lacs (Lakewide Management Plans (LAMPs)) pour servir de cadre à l’élimination des obstacles aux usages bénéfiques dans le lac tout entier, ainsi qu’à la coordination de la lutte contre les substances toxiques rémanentes présentes dans chacun des Grands Lacs. De plus, le protocole comprend de nouvelles annexes concernant l’établissement de programmes pour les sources atmosphériques, les sédiments contaminés, les décharges, les déversements et le contrôle des espèces exotiques.

La décennie quatre-vingt-dix

Après la signature du protocole de 1987, l’objectif d’une élimination pratiquement totale a été énergiquement soutenu par les groupes de défense de l’environnement de part et d’autre des Grands Lacs, face aux préoccupations croissantes suscitées par les substances toxiques rémanentes. La Commission mixte internationale, qui est l’organe consultatif binational créé en vertu du Traité des frontières des eaux internationales de 1909 (Boundary Waters Treaty), a également défendu avec vigueur cette formule. En 1993, une équipe de travail binationale de cette commission a recommandé une stratégie d’élimination dite virtuelle (quasi totale) (Commission mixte internationale, 1993) (voir figure 55.27). Vers le milieu des années quatre-vingt-dix, la Commission et les parties s’efforçaient de définir un programme d’application de ces stratégies, y compris les considérations relatives aux impacts socio-économiques.

Figure 55.27 Processus de prise de décisions pour l'élimination virtuelle des substances
toxiques rémanentes dans les Grands Lacs

Figure 55.27

Les gouvernements du Canada et de l’Ontario ont agi de plusieurs manières pour combattre ou réduire les rejets de substances toxiques rémanentes. Les initiatives et programmes importants sont brièvement exposés ci-après.

La loi canadienne sur la protection de l’environnement (LCPE)

En 1989, Environnement Canada a regroupé dans un seul texte les différentes dispositions juridiques qui le concernent. La LCPE confère au gouvernement fédéral de larges pouvoirs (collecte d’informations, formulation et application des règlements) couvrant tout le cycle de vie des substances chimiques. En vertu de cette loi, le règlement sur la notification des nouvelles substances fixe des procédures d’examen de celles-ci, afin que l’on puisse interdire l’importation, la fabrication ou l’emploi au Canada des substances toxiques rémanentes qui ne peuvent pas être contrôlées comme il convient. La première phase du programme d’évaluation de la liste des substances prioritaires (Priority Substances List (PSL I)) a été réalisée en 1994; 25 des 44 substances évaluées ont été jugées toxiques selon la définition de la LCPE, et l’élaboration de stratégies de gestion de ces substances a été entreprise en vertu d’un processus de choix stratégiques; 56 autres substances prioritaires ont été désignées et seront évaluées au titre de la phase II du programme PSL. L’inventaire national des rejets de polluants a été effectué en 1994 pour imposer aux industries et autres installations qui répondent aux critères de communication des données l’obligation d’indiquer chaque année leurs rejets de 178 substances dans l’air, les eaux et le sol et leurs transferts sous forme de déchets. Cet inventaire, établi sur le modèle de l’inventaire des rejets de substances toxiques (Toxic Release Inventory (TRI)), aux Etats-Unis, offre une importante base de données pour fixer l’ordre de priorité des programmes de prévention et de réduction de la pollution.

L’accord Canada-Ontario concernant l’écosystème des Grands Lacs

En 1994, le Canada et l’Ontario ont établi un cadre stratégique pour coordonner l’action visant à restaurer, protéger et conserver l’écosystème des Grands Lacs en mettant l’accent sur la réduction de l’emploi, de la production ou de la libération, avant l’an 2000, de 13 substances toxiques rémanentes de l’étape I (Canada and Ontario, 1994). Cet accord vise aussi une liste supplémentaire de 26 substances toxiques prioritaires (étape II) qui doivent faire l’objet d’importantes réductions. Pour les substances de l’étape I, l’accord: 1) confirme le rejet zéro de 5 pesticides interdits (aldrine, chlordane, DDT, mirex, toxaphène); 2) vise à déclasser 90% des biphényles polychlorés (PCB) à forte concentration, à détruire 50% des quantités stockées et à accélérer la destruction des PCB de faible concentration en stock; 3) vise à réduire de 90% le rejet des 7 substances restantes de l’étape I (alkylplomb, benzo[α]pyrène, hexachlorobenzène, mercure, octachlorostyrène, PCDD (dibenzodioxines chlorées) et PCDF (dibenzofurannes chlorés)). Cet accord s’efforce d’obtenir des réductions quantitatives chaque fois que possible et demande aux sources de prévenir la pollution et d’utiliser d’autres moyens pour atteindre ses objectifs. Quatorze projets ont déjà été lancés par le gouvernement fédéral et celui de l’Ontario pour parvenir à réduire/éliminer les substances des étapes I et II.

La politique de gestion des substances toxiques

Reconnaissant la nécessité d’adopter une approche de prévention et de précaution, Environnement Canada a rendu publique, en juin 1995, une politique nationale de gestion des substances toxiques qui doit servir de cadre à l’action dans ce domaine (Environnement Canada, 1995). Cette politique comprend deux voies (voir figure 55.28), afin que les mesures de gestion soient adaptées aux caractéristiques des substances chimiques. Il s’agit:

Figure 55.28 Choix des objectifs au titre de la politique de gestion des substances toxiques

Figure 55.28

On utilise un ensemble de critères à fondements scientifiques (Environnement Canada, 1995) (voir tableau 55.19) pour répartir entre les deux volets les substances dont on veut s’occuper. Si une substance retenue aux fins de classement dans l’une des deux voies n’est pas suffisamment réglementée par les programmes existants, on définit des mesures additionnelles dans le cadre du processus des choix stratégiques à partenaires multiples. Cette politique est conforme à l’accord relatif à la qualité de l’eau dans les Grands Lacs et elle oriente et encadre un certain nombre de programmes nationaux en définissant leur objectif ultime en matière d’environnement, mais les moyens d’atteindre cet objectif ultime varient selon la substance chimique et sa source, de même que le rythme auquel on y parvient. Cette politique guide aussi la position du Canada sur les substances toxiques rémanentes dans les débats internationaux.

Tableau 55.19 Critères de sélection des substances toxiques candidates à la voie I
de la politique de gestion

Persistance

Bioaccumulation

Toxicité

Origine anthropique

Milieu

Demi-vie

     

Air
Eau
Sédiments
Sol

≥ 2 j
≥ 182 j
≥ 365 j
≥ 182 j

BAF ≥ 5 000
ou
BCP ≥ 5 000
ou
log Kow ≥ 5,0

Toxique selon la LCPE ou équivalent de toxique selon la LCPE

Concentrations dans l’environnement provenant essentiellement des activités humaines

LCPE: loi canadienne sur la protection de l’environnement.

Le plan d’action pour le chlore

En octobre 1994, Environnement Canada a rendu publique une ligne de conduite d’ensemble pour gérer les matières chlorées dans le cadre de la politique de gestion des substances toxiques (Environnement Canada, 1994). Cette ligne de conduite consiste à réduire l’emploi du chlore à l’aide d’un plan d’action en cinq parties visant à: 1) centrer l’action sur les usages et les produits critiques; 2) améliorer la connaissance scientifique du chlore et de son impact sur la santé et l’environnement; 3) préciser les conséquences socio-économiques; 4) améliorer l’accès du public à l’information; 5) encourager l’adoption de mesures au niveau international pour les substances chlorées. Depuis quelque temps déjà l’emploi du chlore a diminué au Canada, notamment de 45% depuis 1988 dans le secteur de la pâte à papier et du papier. Cette tendance sera accélérée par la mise en œuvre du plan d’action pour le chlore.

L’action de prévention de la pollution dans les Grands Lacs

Un programme énergique de prévention de la pollution a été mis en place pour le bassin des Grands Lacs. Depuis mars 1991, Environnement Canada et le ministère de l’Environnement et de l’Energie de l’Ontario ont uni leurs efforts à ceux des industriels et des autres parties intéressées pour élaborer et réaliser des projets de prévention de la pollution, par opposition au traitement des déchets ou à la réduction de la pollution postérieurement à sa production. En 1995-96, plus de 50 projets ont visé des substances chimiques commerciales, la gestion des déchets dangereux, les installations fédérales, les industries, les municipalités et le bassin du lac Supérieur. On trouvera à la figure 55.29 un aperçu de ces projets, qui se subdivisent en deux grandes catégories: ceux qui s’intègrent au programme et ceux qui font l’objet d’accords volontaires. La figure montre aussi les liens avec les autres programmes examinés précédemment (NPRI, RAP, LAMP) et avec un certain nombre d’institutions qui collaborent étroitement avec Environnement Canada en matière de techniques et procédés non polluants, ainsi qu’en matière de formation, d’information et de communication. Les projets de prévention peuvent donner des résultats impressionnants, comme le montre l’exemple des constructeurs d’automobiles, qui ont lancé 15 projets pilotes, éliminant ainsi 2 240 tonnes de substances des usines automobiles Chrysler, Ford et General Motors de l’Ontario.

Figure 55.29 Prévention de la pollution des Grands Lacs

Figure 55.29

Le programme d’accélération de la réduction et de l’élimination des toxiques

Le programme d’accélération de la réduction et de l’élimination des toxiques (Accelerated Reduction/Elimination of Toxics (ARET)) est une initiative menée de concert par les parties intéressées et lancée en 1994 en vue d’éliminer progressivement 14 substances toxiques prioritaires, avec un objectif intérimaire d’une réduction/élimination en 6 ans de 90% et d’une diminution des émissions de 50% pour 87 substances toxiques moins nocives (ARET Secretariat, 1995). En 1995, plus de 200 sociétés et organismes gouvernementaux participaient à cette initiative librement décidée. Ensemble, ils ont réduit les émissions de 10 300 tonnes par rapport à l’année 1988 prise comme référence et se sont engagés à réaliser une réduction supplémentaire de 8 500 tonnes dans les cinq années à venir.

Les stratégies bilatérales et internationales

Outre les deux initiatives nationales décrites ci-dessus, le Canada et les Etats-Unis élaborent actuellement une stratégie bilatérale pour coordonner leur action et fixer des objectifs communs pour les substances toxiques rémanentes dans le bassin des Grands Lacs. Ils adopteront des buts et objectifs analogues à ceux de l’accord Canada-Ontario pour les substances des étapes I et II et une liste américaine similaire. Des projets conjoints seront élaborés et réalisés pour faciliter l’échange d’informations au sujet des substances prioritaires comme les PCB et le mercure. En se montrant résolu à parvenir à une élimination pratiquement totale comme décrit plus haut, le Canada pourra jouer un rôle de chef de file par la promotion de l’action internationale dans le domaine des substances toxiques rémanentes. Il avait d’ailleurs accueilli, en juin 1995, à Vancouver, une conférence des Nations Unies pour mettre l’accent sur une concertation mondiale dans le domaine des polluants organiques persistants (POP) et pour explorer des formules de prévention en vue de réduire les émissions de ces polluants dans le monde. Le Canada est également coprésident du groupe de travail de la Commission économique des Nations Unies pour l’Europe (CEE) chargée d’élaborer un protocole pour les polluants organiques persistants dans le cadre de la convention sur la pollution atmosphérique transfrontières.

Un exemple — les dioxines et les furannes

Depuis plus d’une décennie, on sait que les dibenzodioxines chlorées et les dibenzofurannes chlorés forment un groupe de substances toxiques rémanentes qui sont une source de préoccupation pour l’environnement du Canada et des Grands Lacs. Le tableau 55.20 expose sommairement les mesures prises au niveau fédéral et les diminutions de rejets obtenues jusqu’ici, montrant comment la panoplie de programmes et d’initiatives a permis de réduire sensiblement ces substances toxiques. En dépit de ces résultats impressionnants, dioxines et furannes continuent d’occuper la première place dans la politique de gestion des substances toxiques, le plan d’action pour le chlore, l’accord Canada-Ontario et la stratégie bilatérale esquissée ci-dessus.

Tableau 55.20 Récapitulation de réductions de rejets de dioxines et de
furannes au Canada

Sources des émissions

Réduction

Période considérée

Initiatives du gouvernement canadien

Effluents des fabriques de papier kraft blanchi

82%

1989-1994

Réglementations de la LCPE pour les agents de démoussage, les copeaux de bois et les dioxines/furannes

Pesticide - 2,4,5-T

100%

1985

Usage interdit par la LPLA

Pesticide - 2,4-D

100%

1987-1990

Teneur en dioxines et usage fortement limités par la LPLA

Pentachlorophénol
— préservation du bois
— protection du bois


6,7%
100%


1987-1990
1987-1990


Réglementé par la LPLA
Usage interdit par la LPLA

PCB

23%

1984-1993

Plan d’action du CCME pour les PCB

Incinération
— déchets solides municipaux
— déchets dangereux et biomédicaux

80%


80%

1989-1993


1990-1995

Directives d’exploitation/d’émission du CCME

Directives d’exploitation/d’émission du CCME

CCME: Conseil canadien des ministres de l’Environnement. LCPE: loi canadienne sur la protection de l’environnement. LPLA: loi sur les produits de lutte antiparasitaires.

Résumé

La qualité de l’eau des Grands Lacs s’est sensiblement améliorée grâce aux mesures de lutte contre la pollution prises depuis le début des années soixante-dix par les gouvernements et les parties intéressées au Canada et aux Etats-Unis. La présente étude de cas donne un résumé des efforts et des succès du Canada dans la lutte contre la pollution générale et les polluants classiques. Elle décrit en outre une nouvelle approche qui se dessine (la politique de gestion des substances toxiques, le plan d’action pour le chlore, la prévention de la pollution, l’action volontaire, les consultations entre parties intéressées, etc.) pour aborder les problèmes beaucoup plus difficiles que posent les substances toxiques rémanentes dans les Grands Lacs. Elle décrit aussi brièvement les programmes d’ensemble (COA, NPRI, SOP, PSL, etc.) mis en place en vue d’atteindre l’objectif d’une élimination pratique de ces substances. On trouvera, dans les références bibliographiques à la fin du présent chapitre, de plus amples renseignements sur l’approche canadienne.

DES TECHNIQUES DE PRODUCTION MOINS POLLUANTES

David Bennett

La prévention, la lutte antipollution et l’assainissement

Classiquement, il y a trois moyens de s’attaquer au problème de la pollution: la prévention, la lutte antipollution et l’assainissement. Ils forment une hiérarchie dans laquelle la priorité doit être donnée à la prévention, suivie des mesures de lutte, l’assainissement constituant un pis-aller. On entend par réduction de la pollution n’importe quel moyen de l’atténuer, mais en pratique elle implique d’ordinaire une forme de lutte. Bien que la hiérarchie de ces trois démarches soit exprimée en termes de préférences ou de priorités, ce n’est pas toujours le cas dans la pratique; des pressions peuvent être exercées par le législateur en faveur d’une voie plutôt que d’une autre; une stratégie peut être moins coûteuse qu’une autre ou l’assainissement peut être l’action la plus urgente, comme dans le cas d’un déversement exceptionnellement important ou de la diffusion dangereuse d’un polluant à partir d’un site contaminé.

La prévention de la pollution

On peut définir la prévention de la pollution comme une stratégie ou un ensemble de moyens destinés à éviter que des polluants ne soient créés. Comme le dit Barry Commoner, «pas de polluant, pas de pollution». Ainsi, si une substance chimique dont l’utilisation crée de la pollution est éliminée, il y aura «rejet zéro» (ou «émission zéro») du polluant considéré. Le rejet zéro est plus convaincant si cette substance chimique n’est pas remplacée par une autre substance ou par un produit de substitution susceptible de constituer un nouveau polluant.

Une stratégie souvent utilisée pour prévenir la pollution est celle de l’interdiction, de l’élimination ou de la réduction progressive de substances ou de catégories de substances chimiques (on peut aussi imposer des restrictions aux utilisations). Ces stratégies font l’objet de lois ou de règlements nationaux, plus rarement d’accords internationaux (conventions ou traités) ou de règlements locaux.

Une seconde stratégie consiste à réduire la pollution, là encore dans le sens de la prévention plutôt que de la lutte. Si on limite l’utilisation d’une substance chimique polluante, on obtiendra presque toujours une baisse de la pollution. C’est cette stratégie qui a inspiré les programmes de réduction de l’utilisation des substances toxiques (Toxics Use Reduction (TUR)) en Amérique du Nord et de techniques non polluantes en Europe.

Contrairement aux interdictions et aux éliminations progressives, qui s’appliquent généralement à tous les lieux de travail visés au sein d’une juridiction politique, les programmes de réduction de la pollution portent sur des lieux ou des catégories de lieux précis. Il s’agit généralement, pour commencer, des lieux de travail d’une certaine dimension dans les industries manufacturières (y compris chimiques), bien que les principes de la réduction de la pollution puissent être appliqués de manière générale par exemple aux mines, aux centrales électriques, aux chantiers de construction, aux bureaux, à l’agriculture (pour les engrais chimiques et les pesticides) et aux municipalités. Aux Etats-Unis, le Michigan et le Vermont ont adopté sous forme de lois des programmes de réduction de l’emploi des substances toxiques pour les personnes qui exercent une activité professionnelle à domicile.

La réduction de la pollution peut aboutir à l’élimination de substances chimiques déterminées et atteindre ainsi les mêmes objectifs que l’interdiction ou l’élimination progressive. Là encore, on aboutirait ainsi à un rejet zéro du polluant concerné, mais l’obligation de supprimer des substances chimiques déterminées n’est pas inscrite dans les programmes de réduction; ce qui est prescrit, c’est un plan général comportant un ensemble adaptable de méthodes. L’obligation de supprimer une substance donnée est un exemple d’une «norme de spécification». L’obligation d’établir un programme général est une «norme de résultat» parce qu’elle autorise une certaine souplesse dans le mode d’application, bien qu’un objectif à atteindre obligatoirement (résultat) dans un programme général soit considéré (curieusement) comme une norme de spécification. Lorsqu’elles ont le choix, les entreprises préfèrent généralement les normes de résultat aux normes de spécification.

La lutte antipollution

Les mesures de lutte contre la pollution ne peuvent pas éliminer celle-ci; tout ce qu’elles peuvent faire, c’est en atténuer les effets sur l’environnement. Ces mesures s’appliquent aux rejets en fin de cycle de fabrication. Leur utilité dépend du polluant et des conditions propres à l’industrie. Les principales méthodes de lutte, rangées sans ordre particulier, sont:

L’assainissement

L’assainissement est nécessaire dans la mesure où la prévention et la lutte antipollution ont échoué. Il est aussi très onéreux et les coûts n’en sont pas toujours supportés par le pollueur. Les modes d’assainissement sont:

Le nettoyage des sites contaminés

Le terme «nettoyage» a une acception courante, comme lorsqu’on dit que l’entreprise doit «nettoyer ce qu’elle a pollué», ce qui peut signifier beaucoup de choses différentes. Dans le contexte de la protection de l’environnement, on parlera plutôt de décontamination, qui est un terme technique désignant certains types ou modes d’assainissement. Même dans son sens restreint, ce terme peut signifier: 1) l’élimination des polluants d’un site contaminé; ou 2) la remise en état d’un site pour qu’il retrouve tout son potentiel d’utilisation. Dans un autre cas encore, on entendra seulement la réhabilitation par confinement des polluants à l’intérieur d’un site, d’une zone ou d’une masse d’eau — notamment par le recouvrement, le colmatage ou la construction d’un sol imperméable.

Pour atteindre son but, la décontamination doit être efficace à 100% et protéger intégralement les travailleurs, les personnes de passage et le grand public. Il faut aussi veiller à ce que les matériaux, les méthodes et les techniques de décontamination ne créent pas de nouveaux risques. Bien qu’il soit préférable que la protection des travailleurs qui en sont chargés soit assurée par des procédés intégrés en amont, un équipement de protection individuelle approprié sera presque toujours nécessaire. Normalement, les personnels chargés de travaux d’assainissement sont classés parmi les travailleurs spécialisés dans le traitement des déchets dangereux, bien que certaines de ces tâches puissent être effectuées par les sapeurs-pompiers ou par des employés municipaux.

L’assainissement des sites contaminés nécessite le recours à un grand nombre de produits et de méthodes relevant de la physique, de la chimie, de la biologie et de la biotechnologie.

Le traitement des déchets dangereux

Le plus souvent, les déchets dangereux (ou toxiques) sont traités aujourd’hui par des travailleurs spécialisés et dans des installations conçues à cet effet. Du point de vue de l’environnement, le critère d’efficacité d’une installation de traitement de déchets dangereux est qu’elle ne doit rejeter que des substances inertes, ou pratiquement inertes, telles que de la silice, des composés inorganiques insolubles, des scories insolubles et non corrosives, de l’azote gazeux ou du dioxyde de carbone — bien que celui-ci soit un gaz à effet de serre responsable de modifications climatiques et qui est donc à son tour nocif pour l’environnement.

Un autre critère est que l’installation ait un bon rendement énergétique, c’est-à-dire qu’elle soit économe en énergie, avec un rapport entre la puissance utilisée et le volume de déchets traités aussi faible que possible. Selon une règle empirique (qui n’est heureusement pas une loi universelle), plus la stratégie de réduction de la pollution (ou des déchets) est efficace, plus elle consomme d’énergie, ce qui est un autre inconvénient selon les critères du développement durable.

Même lorsque les travailleurs sont convenablement protégés, il est facile de voir les inconvénients du traitement des déchets dangereux comme mode de lutte contre la pollution. Les méthodes de prévention peuvent s’appliquer au processus de traitement, mais non au principal «intrant», à savoir les déchets à traiter. Il faut à peu près autant d’énergie pour traiter des déchets dangereux qu’il en a fallu pour les créer, et ils produiront toujours de nouveaux déchets, même si ceux-ci sont inertes ou non toxiques.

Les déversements et les fuites

Les mêmes considérations valent aussi pour les déversements et les fuites de substances chimiques. Il faut aussi tenir compte des dangers liés à l’urgence des opérations de nettoyage. Les travailleurs chargés du nettoyage des déversements et des fuites sont presque toujours des spécialistes des opérations d’urgence. Selon l’ampleur et la nature du polluant, les fuites et les déversements peuvent donner lieu à des accidents industriels majeurs.

Les modes de prévention de la pollution

La définition et les principes généraux

Définir la prévention de la pollution peut sembler superflu, mais cette définition est importante, car les partisans de cette méthode voudraient, par principe, que l’on s’en tienne à une stratégie agressive uniquement axée sur la prévention, aux dépens des méthodes de lutte contre la pollution, et que l’on évite l’assainissement. Ils font valoir que plus on définit la notion de prévention avec rigueur, plus elle a de chances de réussir dans la pratique. Inversement, plus on laisse les entreprises lui donner une acception large, plus on risque de les voir ressortir la même panoplie de vieilles stratégies déjà appliquées sans succès. A cela, les entreprises répondent parfois que même les déchets toxiques peuvent avoir une valeur marchande et que les méthodes de lutte contre la pollution ont donc un rôle à jouer, si bien que la pollution n’existe que potentiellement. En outre, la notion de rejet zéro est, à leur avis, une impossibilité qui ne peut susciter que des espoirs fallacieux et des stratégies mal conçues. Les partisans des méthodes de prévention répondent que, aussi longtemps qu’on ne fixera pas le rejet zéro comme objectif ou idéal à atteindre, on ne parviendra pas à prévenir la pollution et on ne pourra pas améliorer la protection de l’environnement.

Les définitions les plus strictes de la prévention reposent, pour la plupart, sur un élément unique ou central, qui est d’éviter d’utiliser des substances chimiques susceptibles de créer des polluants. Certaines des controverses les plus vives en matière de définition concernent le recyclage, qui sera traité ci-après dans le cadre de la prévention.

Les objectifs

L’un des objectifs de la prévention de la pollution peut être le rejet zéro de polluants. C’est ce que l’on désigne parfois par l’expression «élimination virtuelle» (de fait ou quasi totale), car même le rejet zéro ne peut résoudre le problème des contaminants qui sont déjà présents dans l’environnement. Avec les méthodes de prévention, le rejet zéro est possible alors que, même en théorie, les procédés de lutte ne peuvent atteindre le niveau zéro et qu’ils sont moins efficaces encore en pratique, en raison du laxisme avec lequel ils sont appliqués en général. Ainsi, on peut envisager la production d’automobiles sans aucun rejet de polluants par l’usine; les déchets de production sont recyclés et le produit (la voiture) constitué de pièces réutilisables ou recyclables. C’est ainsi que l’on est parvenu au rejet zéro de certains polluants — par exemple, en modifiant le procédé de fabrication dans l’industrie de la pâte à papier pour ne pas rejeter de dioxines ni de furannes dans les effluents. L’objectif du rejet zéro a aussi été inscrit dans les lois sur l’environnement et dans les politiques des organes chargés de réduire la pollution.

En pratique, l’objectif du rejet zéro est souvent remplacé par des objectifs de réduction — une diminution de 50% des émissions polluantes d’ici à telle année, par exemple. Ces objectifs intermédiaires revêtent généralement la forme de «défis» ou de critères à l’aune desquels on peut mesurer le succès d’un programme de prévention. Ils sont rarement le produit d’une analyse ou d’un calcul de faisabilité et aucune sanction ne leur est associée si l’objectif n’est pas atteint. Ils ne sont pas non plus mesurés avec précision.

Les réductions devraient être mesurées (et non pas estimées) en utilisant l’une des formules ci-après:

Pollution (P) = toxicité du polluant (T) × volume (V) des rejets

ou:

P = T × V × E (potentiel d’exposition).

Cela est très difficile en théorie et très coûteux en pratique, bien que l’on puisse en principe le faire grâce aux techniques d’évaluation des dangers (voir ci-après). Il y a tout lieu de penser qu’il vaudrait mieux utiliser les ressources financières à d’autres fins — par exemple, pour obtenir qu’on établisse des plans de prévention adéquats.

En ce qui concerne les pesticides chimiques, on peut atteindre l’objectif d’une réduction de leur emploi par les méthodes de lutte intégrée contre les parasites, étant entendu que cette expression peut, elle aussi, être définie au sens large ou au sens étroit.

Les méthodes

Les principales méthodes de prévention sont:

Dans tous les cas, il faut procéder à une analyse pour s’assurer que les produits substitutifs sont vraiment moins dangereux que ceux qu’ils remplacent. Une telle initiative relève du bon sens en général et, dans le meilleur des cas, on peut appliquer les techniques d’évaluation des dangers (voir ci-après) à la substance chimique considérée et à celle qui doit la remplacer.

Alors que la méthode de substitution vise les matières premières et les additifs utilisés dès le début du processus, en modifiant la composition on aborde le problème sous l’angle du produit final.

Les programmes généraux visant à fabriquer des produits qui soient plus respectueux de l’environnement sont des exemples de «conversion économique». Comme exemple de modification de la composition du produit, on peut citer la fabrication de piles rechargeables au lieu de piles jetables, ou encore l’emploi de revêtements à base d’eau à la place de ceux qui font appel à des solvants organiques.

Là encore, une analyse de substitution est indispensable pour s’assurer que le bénéfice net pour l’environnement est plus grand avec les produits à composition modifiée qu’avec ceux que l’on employait auparavant.

A titre d’exemple des mesures de prévention des déversements, on peut citer l’emploi de conteneurs hermétiques, la prévention des fuites et l’emploi de couvercles flottants pour les réservoirs à solvants.

Le recyclage

Lorsqu’on tente de définir ce qu’est la prévention de la pollution, on aboutit fatalement à un certain nombre de «zones grises» dans lesquelles il n’est pas facile de distinguer les mesures de prévention de celles qui visent la réduction des émissions. Ainsi, pour pouvoir être considérée comme une méthode de prévention, une phase du processus de production doit faire «partie intégrante de l’unité de production», mais il n’est pas toujours facile de dire à quelle distance de la périphérie du processus cette phase doit se trouver pour mériter l’appellation de prévention. Certains processus peuvent être tellement éloignés du noyau d’une opération qu’ils paraissent être une phase ajoutée et, par conséquent, ressemblent plutôt à une mesure antipollution «en bout de chaîne» qu’à une méthode de prévention. Une fois encore, il y a des cas marginaux, comme celui d’une canalisation de rejets qui constituent le produit de départ d’une usine voisine: considérées ensemble, les deux usines forment une sorte de circuit fermé, mais celle d’amont génère encore des effluents et ne satisfait donc pas aux critères de la prévention.

Il en va de même du recyclage. Traditionnellement, on distingue trois types de recyclage:

De ces trois types de recyclage, le troisième n’est généralement pas considéré comme une méthode de prévention: plus le lieu du recyclage est éloigné, moins on a de garantie que le produit recyclé est effectivement réutilisé. Il y a aussi les risques que présente le transport des déchets à recycler et l’incertitude quant à leur valeur marchande ultime. On peut en dire autant, toutefois à un moindre degré, du recyclage hors processus, mais dans l’usine: il y a toujours la possibilité que les déchets ne soient pas réellement recyclés ou, s’ils le sont, ne soient pas réellement réutilisés.

Dans les stratégies initiales de prévention des années quatre-vingt, on avait exclu le recyclage sur site, mais hors processus parce qu’il n’était pas considéré comme une véritable mesure de prévention de la pollution. On craignait que les résultats d’un programme efficace de prévention de la pollution ne soient compromis ou que ce programme ne perde de son efficacité si l’on mettait trop l’accent sur le recyclage. Depuis le milieu des années quatre-vingt-dix, certains décideurs ont accepté que le recyclage sur place et hors processus soit considéré comme une méthode légitime de prévention. Il est vrai qu’il y a de véritables «zones grises» entre la prévention de la pollution et la lutte contre la pollution. Il est vrai aussi que certains types de recyclage sur place répondent réellement aux attentes, même s’ils ne peuvent techniquement être reconnus comme des mesures de prévention. Enfin, il y a la pression des entreprises: les employeurs ne comprennent pas pourquoi l’on refuserait de reconnaître certaines techniques si elles contribuent à la réalisation des objectifs d’un programme de prévention.

La planification de la prévention

La planification est un élément essentiel des méthodes de prévention, et cela d’autant plus que les bénéfices qu’on peut en tirer sur les plans du rendement industriel et de la protection de l’environnement ne se manifestent généralement qu’à long terme (non dans l’immédiat), en fonction du type de planification qu’exigent la conception et la commercialisation du produit. Habituellement, pour planifier la prévention de la pollution, on établit des plans périodiques. Il n’existe pas de modèle unique pour ce type de planification, mais on peut envisager, par exemple, une démarche qui prenne en compte:

Une autre approche peut comporter:

Les plans élaborés peuvent être de nature très diverse. Certains sont d’application facultative, même s’ils sont prévus par la loi en tant que code de bonne pratique (d’application volontaire). D’autres sont obligatoires en ce sens qu’ils doivent: 1) être conservés dans l’usine aux fins d’inspection; ou 2) être soumis à un organe de réglementation et de contrôle une fois réalisés; ou 3) être soumis à un organe de réglementation et de contrôle aux fins d’examen ou d’approbation. Il existe aussi d’autres variantes, comme l’obligation d’avoir un plan au cas où le dispositif facultatif serait à certains égards insuffisant ou inefficace.

Le caractère normatif des plans d’application obligatoire varie lui aussi, notamment du point de vue des pénalités et des sanctions applicables. Rares sont les autorités qui ont le pouvoir d’exiger que des modifications précises soient apportées à la teneur des plans de prévention; presque toutes disposent par contre d’un pouvoir au cas où des exigences formelles n’ont pas été satisfaites — par exemple, si certaines parties du plan ont été ignorées. Il n’existe pratiquement pas d’exemple de pénalité ou de sanction au cas où des exigences concrètes du plan n’auraient pas été respectées. C’est dire qu’en matière de planification de la prévention, les obligations juridiques sont encore rares.

Les questions qui peuvent se poser à propos de la présentation des plans concernent leur caractère confidentiel: dans certains cas, seul un résumé est publié, tandis que dans d’autres, les plans ne sont divulgués que si le producteur omet d’une façon ou d’une autre de se conformer à la loi. Il n’existe pratiquement aucun exemple de cas où les exigences relatives à la planification l’aient emporté sur les dispositions relatives au secret des affaires ou au caractère confidentiel des facteurs de production, des procédés de fabrication ou des matières entrant dans la composition des produits. Dans un petit nombre de cas, les associations de défense de l’environnement ont accès au processus de planification, mais on ne connaît guère d’exemples où la loi l’exige ou qu’elle prévoie le droit, pour les travailleurs, de participer dans tous les cas à l’établissement de ces plans.

La législation

Dans les provinces canadiennes de la Colombie-Britannique et de l’Ontario, les mesures de prévention de la pollution sont d’application facultative et leur efficacité dépend de la pression morale exercée par les gouvernements et par les défenseurs de l’environnement. Aux Etats-Unis, près de la moitié des Etats (26) se sont dotés d’une législation en la matière, tandis qu’en Europe plusieurs pays nordiques ont adopté des lois sur les technologies «propres». Ces lois varient fortement quant à leur teneur et à leur efficacité; certaines définissent la prévention de la pollution au sens étroit, d’autres au sens large ou en termes vagues qui recouvrent toute une série d’activités de protection de l’environnement concernant la pollution et les déchets, et non pas seulement la prévention. La loi du New Jersey est extrêmement contraignante; celles du Massachusetts, du Minnesota et de l’Oregon font une large place au droit de regard et à l’assistance du gouvernement, alors que celle de l’Alaska n’est guère plus qu’une déclaration d’intention.

La sécurité, la santé et l’emploi

Prévenir la pollution est d’une importance cruciale pour la santé au travail: la diminution de l’utilisation de substances toxiques s’accompagne presque toujours d’une réduction correspondante de l’exposition des travailleurs et, par conséquent, des atteintes à la santé d’origine professionnelle. C’est là un excellent moyen de prévenir le danger «à la source» et, dans bien des cas, d’éliminer les dangers par des «moyens de prévention technique» (c’est-à-dire par des méthodes techniques), ce qui est la meilleure ligne de défense contre les risques chimiques. Ces mesures préventives diffèrent cependant de la stratégie traditionnelle qui consiste à «isoler totalement» ou à «confiner totalement» le processus chimique. Si cet isolement total reste extrêmement utile et hautement souhaitable, il ne saurait être considéré comme une méthode de prévention puisqu’il maîtrise plutôt qu’il ne réduit intrinsèquement un danger existant.

La plupart du temps, c’est à cause de leur impact sur les communautés humaines (risques liés à l’environnement) que l’on s’est préoccupé des polluants qui présentent un danger pour les travailleurs, les collectivités et le milieu physique. Même si ce sont souvent les travailleurs qui sont le plus fortement exposés pendant leur activité (pollution du lieu du travail), ce ne sont pas eux qui sont jusqu’à présent les principales cibles des mesures de prévention. La loi du Massachusetts, par exemple, vise à réduire les risques pour la santé des travailleurs, des consommateurs et de l’environnement sans déplacer les dangers d’une de ces catégories à l’autre (il en va de même au New Jersey). Toutefois, le législateur n’a rien fait pour mettre l’accent sur la pollution du lieu de travail, en tant que préjudice majeur, pas plus qu’il n’a prévu l’obligation d’accorder la primauté aux personnes les plus exposées aux dangers, c’est-à-dire souvent les travailleurs. Il n’a pas non plus prévu l’obligation de former les travailleurs à la prévention de la pollution.

Cette carence s’explique par plusieurs raisons. La première est que la prévention de la pollution est une discipline nouvelle par rapport à l’optique traditionnelle qui ne voit pas que la protection de l’environnement dépend des procédés mis en œuvre sur le lieu du travail. Une deuxième raison est que les travailleurs ne sont encore que rarement associés aux décisions prises par la direction en matière de protection de l’environnement. Dans de nombreux pays, la loi leur donne le droit de faire partie de comités mixtes sur la sécurité et la santé au travail, de refuser un travail dangereux ou insalubre, d’être informés des questions de prévention et d’être formés aux problèmes et procédures de sécurité et de santé, mais elle leur accorde rarement des droits dans le domaine parallèle et commun à bien des égards de la protection de l’environnement, comme celui de siéger dans des comités mixtes syndicat-direction, celui d’alerter le public lorsque l’employeur recourt à des pratiques dommageables pour l’environnement, celui de refuser de polluer ou de dégrader l’environnement extérieur, celui d’être informé et celui de participer aux audits d’environnement réalisés sur le lieu de travail (voir ci-après).

Il est difficile d’évaluer l’impact de la planification de la prévention sur l’emploi. L’objectif déclaré des initiatives en la matière est souvent d’améliorer conjointement, et à l’aide des mêmes mesures, le rendement de l’industrie et la protection de l’environnement. Lorsque cette politique réussit, elle a généralement pour effet de réduire l’emploi global au niveau de l’entreprise (grâce à l’innovation technologique), mais d’augmenter les compétences requises et, par conséquent, la sécurité de l’emploi (parce que la planification se fait à plus longue échéance). Si l’on réduit la quantité de matières premières et d’additifs utilisée, l’emploi dans les industries chimiques diminuera, mais il est probable que cette perte sera compensée par l’abandon des produits de départ au profit de substances chimiques produites industriellement et par la mise au point de produits de rechange ou de substitution.

Il est un aspect de l’emploi sur lequel la planification de la prévention n’a pas de prise. Il est possible de faire diminuer les polluants émis par une usine donnée, mais, dans la mesure où la stratégie industrielle vise à créer de la richesse et de l’emploi à valeur ajoutée, toute augmentation du nombre d’installations de production (même «propres») aura tendance à annuler les gains déjà obtenus dans la protection de l’environnement. L’échec le plus notoire des mesures de protection, à savoir que les progrès réalisés dans la réduction des émissions polluantes sont annulés par l’augmentation du nombre des sources, se retrouve malheureusement dans la prévention de la pollution, ainsi que dans toute autre forme d’intervention. Il est bien connu que les écosystèmes ont une certaine «capacité d’absorption» et que cette limite peut être atteinte aussi bien par un petit nombre de sources très polluantes ou «sales» que par un nombre relativement élevé de sources propres.

Les audits d’environnement sur le lieu du travail

La planification de la prévention peut faire partie intégrante de l’audit environnemental sur le lieu du travail ou y être ajoutée. Bien qu’il existe un grand nombre de versions de cette méthode, elles revêtent généralement la forme d’un «audit de site» ou d’un «audit de production», dans lesquels le cycle tout entier est soumis à une analyse à la fois environnementale et financière.

En gros, un audit sur le lieu du travail peut porter sur trois domaines du développement durable et de la protection de l’environnement:

Si l’on réussit à prévenir la pollution, les mesures de lutte et d’assainissement perdront de leur importance. Les dispositifs de prévention peuvent occuper une grande place dans un audit environnemental sur le lieu de travail.

Traditionnellement, les entreprises ont pu «externaliser» les préjudices qu’elles causent à l’environnement par des moyens comme l’utilisation excessive de l’eau ou le déversement des déchets dans la collectivité et l’environnement. Devant cette attitude, on a réclamé l’imposition de taxes en début de chaîne, par exemple, sur l’utilisation de l’eau ou sur les produits peu respectueux de l’environnement ou les déchets («taxes sur la pollution»).

On parvient ainsi à «internaliser» les coûts pour l’entreprise. Il s’est cependant révélé difficile d’attribuer un juste prix aux facteurs de production et aux préjudices, par exemple, le coût des déchets pour la collectivité et l’environnement. Il n’est pas évident non plus que les taxes sur la pollution réduisent celle-ci dans une mesure proportionnelle aux montants perçus; elles peuvent bien «internaliser» les coûts, mais elles ne font que s’ajouter à ceux de l’exercice d’une activité.

Les audits environnementaux ont l’avantage d’avoir un intérêt économique sans qu’il soit nécessaire de déterminer le coût des effets externes. Ainsi, on peut calculer la «valeur» des déchets en termes de pertes de ressources utilisées comme facteurs de production et de non-utilisation ou d’utilisation médiocre de l’énergie — ou encore de la différence de valeur entre les ressources et l’énergie, d’une part, et la valeur du produit, de l’autre. Malheureusement, l’aspect financier de la planification de la prévention n’est pas encore bien établi, pas plus que sa place dans les audits environnementaux sur le lieu de travail.

L’évaluation des dangers

Certains systèmes de prévention de la pollution ne comportent aucune évaluation des dangers et sont donc dépourvus de critères permettant de décider si une usine ou une installation est plus ou moins respectueuse de l’environnement grâce aux mesures de prévention mises en œuvre. Des systèmes de ce type peuvent comporter une liste des substances chimiques dont il faut se préoccuper ou qui définissent la portée du programme de prévention. Mais cette liste ne classe pas les substances d’après leur degré de danger et elle ne garantit pas qu’un produit de remplacement qui ne figure pas sur la liste soit en réalité moins dangereux que celui qui y est inscrit. C’est le bon sens et non pas l’analyse scientifique qui nous dit comment appliquer un programme de prévention de la pollution.

D’autres systèmes reposent sur des critères d’évaluation du danger. Pour ce faire, ils fixent un certain nombre de paramètres de l’environnement, comme la persistance et la bioaccumulation dans l’environnement, ainsi que certains paramètres de la santé humaine qui servent de mesure de la toxicité, comme la toxicité aiguë, le pouvoir cancérogène, le pouvoir mutagène, l’effet toxique sur la reproduction, etc.

On a alors un système de notation pondérée et une procédure de décision permettant de coter les paramètres pour lesquels on ne possède pas de renseignements suffisants. Les substances pertinentes sont ensuite cotées et classées, puis (souvent) groupées par ordre de danger décroissant.

Bien que ces systèmes soient parfois conçus dans un but spécifique, par exemple évaluer la priorité des mesures de lutte ou d’élimination (interdiction), ils servent souvent de systèmes abstraits utilisables pour une grande variété de mesures de protection de l’environnement, notamment la prévention de la pollution. Ainsi, des substances chimiques qui ont reçu la cote la plus élevée pourraient être les premières à figurer dans un programme obligatoire de prévention ou être inscrites dans un programme d’élimination graduelle ou de substitution. En d’autres termes, ces systèmes ne nous disent pas dans quelle mesure nous devons réduire les dangers pour la santé liés à l’environnement; ils nous disent seulement que toute mesure prise doit l’être en fonction du système d’évaluation des dangers.

Si nous prenons, par exemple, la décision de remplacer une substance chimique dangereuse par une autre qui l’est moins, nous pouvons utiliser le système pour savoir si, à première vue, la décision de remplacement est bonne: nous soumettons les deux substances au système pour déterminer s’il existe un écart important ou seulement minime entre leur degré de danger respectif.

Les systèmes d’évaluation des dangers tiennent rarement compte de deux sortes de considérations. Les premières concernent les données d’exposition, ou le risque d’une exposition de l’humain à la substance. Celui-ci est difficile à calculer et l’on peut faire valoir qu’il biaise le «danger intrinsèque» des substances concernées. Ainsi, on pourrait accorder à une substance une priorité artificiellement faible parce qu’elle présente un risque d’exposition mineur, alors qu’en réalité elle est fortement toxique et relativement facile à traiter.

Les considérations de la seconde catégorie concernent l’impact socio-économique de l’élimination ou de la réduction de l’emploi de la substance chimique concernée. Si nous pouvons commencer à prendre des décisions de substitution en nous fondant sur l’analyse des dangers, nous devrons faire une analyse socio-économique distincte et plus poussée et tenir compte, par exemple, de l’utilité sociale du produit associé à l’utilisation de la substance (qui peut être un médicament utile) et nous devrons alors examiner l’impact sur les travailleurs et la collectivité. La raison pour laquelle cette étude doit être distincte est qu’il est impossible de coter les résultats d’une analyse socio-économique de la même façon que les dangers intrinsèques des substances chimiques. Il s’agit de deux ensembles de valeurs entièrement distincts obéissant à des logiques différentes.

Les systèmes d’évaluation des dangers sont cependant extrêmement utiles pour mesurer le succès des programmes de prévention (ils sont aussi relativement nouveaux, tant par leur impact que par leur utilité). Ainsi, il est possible de les appliquer sans se référer à des évaluations de risque, à des analyses de risque et, sous certaines réserves, à une analyse coûts-avantages. Auparavant, pour lutter contre la pollution, on commençait par faire une évaluation des risques et l’on décidait ensuite du type et de l’ampleur des mesures à prendre pour les réduire à un niveau «acceptable». Les résultats étaient rarement impressionnants. En revanche, l’évaluation des dangers peut être utilisée très rapidement et de manière à ne pas retarder ni compromettre l’efficacité d’un programme de prévention. La prévention de la pollution est avant tout un programme pragmatique qui doit permettre de remédier rapidement et en permanence aux problèmes, au fur et à mesure qu’ils se présentent, voire avant même qu’ils n’apparaissent. On peut soutenir que les mesures traditionnelles de lutte ont atteint leurs limites et que seule la mise en œuvre de programmes complets de prévention permettra de passer à la phase suivante de la protection de l’environnement de manière pratique et efficace.

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