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Chapitre 92 - La construction et la réparation navales

GÉNÉRALITÉS

Chester Matthews

La construction de chacun des gros navires marchands, paquebots et bâtiments de guerre construits durant les années quatre-vingt-dix a englouti des tonnes d’acier et d’aluminium et a fait appel à une foule de matériaux allant des plus courants aux plus rares. Tous portent dans leurs flancs des centaines, voire des milliers de kilomètres de tuyaux et de câbles, ainsi que des équipements électriques et électroniques très sophistiqués. Ils doivent, pour accomplir sans encombre les missions qui leur sont confiées, pouvoir affronter les environnements les plus hostiles tout en assurant le confort et la sécurité des équipages et des passagers.

La construction et la réparation navales sont parmi les branches les plus dangereuses au monde. Le Bureau américain des statistiques du travail (US Bureau of Labor Statistics), par exemple, classe ce secteur d’activité parmi les trois branches ayant les taux d’accidents les plus élevés. Même si les matériaux, les méthodes, les outils et les engins mis en œuvre ont beaucoup changé avec le temps et continuent d’évoluer et si, grâce à la formation du personnel et à l’importance donnée aux questions de sécurité et de santé, le sort des travailleurs des chantiers navals s’est beaucoup amélioré, il n’en demeure pas moins que, chaque année dans le monde, de nombreux travailleurs meurent ou sont victimes de graves accidents sur ces chantiers alors qu’ils sont employés à la construction, à l’entretien ou à la réparation de navires.

En dépit du progrès technique, nombre de tâches propres à la construction, au lancement, à l’entretien et à la réparation des navires sont aujourd’hui pratiquement les mêmes qu’à l’époque où la première quille fut posée, il y a des milliers d’années; il en va de même des conditions de travail. La taille et la forme des pièces qui constituent un navire et la complexité de leur assemblage et de son armement interdisent, dans une large mesure, le recours à toute forme de processus automatisé. Une certaine automatisation a toutefois été rendue possible grâce au progrès technique, à l’exclusion des travaux de réparation qui ne s’y prêtent guère. La construction navale nécessite une main-d’œuvre nombreuse et hautement qualifiée, capable de travailler dans un environnement difficile et physiquement éprouvant.

Le milieu dans lequel s’effectuent les travaux de construction navale est en soi une gageure. Mis à part quelques chantiers où la construction et la réparation des navires a lieu à couvert, ces travaux se déroulent généralement à ciel ouvert. On construit des navires sous toutes les latitudes. Tandis que les travailleurs des chantiers du Grand Nord doivent affronter les rigueurs de l’hiver (ce qui les oblige à travailler sur des surfaces rendues glissantes par la glace ou la neige, pendant des journées où la lumière du jour est rare, et à des efforts physiques d’autant plus pénibles qu’il leur faut passer de longues heures sur des surfaces d’acier glacées et dans des positions souvent inconfortables), ceux des régions plus australes doivent supporter les contraintes de la chaleur, les risques de coups de soleil, le travail sur des surfaces si brûlantes que l’on pourrait y faire cuire des aliments, les piqûres d’insectes et même les morsures de serpents. Les travaux s’effectuent généralement au-dessus ou autour d’un plan d’eau, dans l’eau ou même sous l’eau. Souvent, le vent vient fouetter les courants de la marée et fait rouler ou tanguer la surface sur laquelle les travailleurs doivent effectuer des tâches difficiles dans toutes sortes de positions périlleuses et à l’aide de matériels capables d’occasionner des blessures graves. Le vent, souvent imprévisible, est une force dont il faut tenir compte lorsqu’on doit mettre en place ou déplacer des pièces pesant fréquemment plus de 1 000 tonnes, surtout si la manœuvre se fait au moyen de grues couplées. Les défis présentés par l’environnement naturel sont multiples et offrent une combinaison apparemment infinie de situations pour lesquelles les professionnels de la sécurité et de la santé doivent concevoir des mesures de prévention ad hoc. Il est évidemment essentiel que la main-d’œuvre soit convenablement informée et formée.

Dès la mise en place des premières tôles d’acier qui constituent la quille, le chantier se modifie sans cesse et sa complexité croissante s’accompagne de toute une série de situations potentiellement dangereuses et toujours nouvelles qui demandent que soient établis non seulement des procédures précises pour l’accomplissement du travail, mais également des moyens permettant de reconnaître et de résoudre les innombrables situations imprévisibles qui surgiront immanquablement au cours de la construction. Au fur et à mesure que celle-ci progresse, les échafaudages s’ajoutent les uns aux autres pour permettre d’accéder à tous les points de la coque. La construction d’un échafaudage solide est en soi un travail très spécialisé qui peut exposer les travailleurs à des risques de plus en plus considérables à mesure que le navire s’élève au-dessus du sol ou de l’eau. Tandis que la coque commence à prendre forme, l’intérieur du bateau se met en place lui aussi grâce aux méthodes de construction modernes qui permettent d’assembler de grands sous-ensembles, créant ainsi des espaces clos ou confinés.

C’est à ce stade que la forte densité de main-d’œuvre qui caractérise ce secteur d’activité est la plus manifeste, soulignant l’importance d’une bonne coordination des mesures de sécurité et de santé et d’une prise de conscience des travailleurs pour tout ce qui touche à leur propre sécurité et à celle de leurs compagnons de travail.

Chaque espace ménagé à l’intérieur de la coque est conçu en fonction d’un but très spécifique. La coque peut être un vide qui contiendra le ballast, mais elle peut aussi renfermer des citernes, des cales à marchandises ou des couchettes, ou encore héberger un centre de contrôle d’opérations militaires hautement sophistiqué. Quoi qu’il en soit, sa construction nécessitera l’intervention d’équipes de spécialistes qui devront travailler les uns à côté des autres. C’est ainsi que l’on pourra trouver, au même endroit et au même moment, des tuyauteurs en train de monter des vannes sur des canalisations, des électriciens tirant sur des câbles ou installant des circuits, des peintres effectuant des retouches, des soudeurs assemblant des tôles de pont, des charpentiers, des poseurs de matériaux isolants ou encore une équipe chargée de vérifier le bon fonctionnement d’un système. De telles situations, et d’autres plus complexes encore, se présentent chaque jour et tout au long de la journée, selon des schémas changeants dictés par les impératifs techniques ou de planification, la disponibilité du personnel et même les conditions météorologiques.

L’application d’enduits présente plusieurs risques. La peinture au pistolet doit souvent se faire dans des espaces confinés avec des peintures volatiles et des solvants ou avec toute une gamme de revêtements de type époxy connus pour leurs effets toxiques.

Des progrès considérables ont certes été réalisés au fil des ans en matière de sécurité et de santé grâce à des méthodes de construction et à des matériels mieux conçus, à des installations plus sûres et à de grands efforts de formation de la main-d’œuvre. Toutefois, l’essentiel des progrès réalisés à ce jour et ceux qui restent à accomplir sont et seront à mettre au compte de l’attention que l’on porte au travailleur en tant qu’individu et aux comportements qui sont à l’origine des accidents. Cela est vrai, sans doute, pour la majorité des branches d’activité, mais la forte densité de main-d’œuvre qui caractérise les chantiers de construction navale confère une importance toute particulière à cet aspect du problème. Cette nouvelle conception des programmes de sécurité et de santé impliquant plus directement le travailleur et prenant davantage en considération ses opinions a non seulement l’avantage de le sensibiliser aux risques inhérents à son travail et aux moyens de les éviter, mais leur donne également un sentiment d’appropriation du programme de prévention. Or, c’est précisément ce sentiment qui est la clé du succès en la matière.

LA CONSTRUCTION ET LA RÉPARATION DES NAVIRES

James R. Thornton

La construction navale

La construction d’un navire est un processus complexe d’une haute technicité. Elle demande la collaboration étroite de nombreux personnels qualifiés et d’une main-d’œuvre contractuelle qui travaille en général sous la direction d’un entrepreneur principal. On construit des bateaux à des fins commerciales ou militaires. C’est une activité à caractère international, où quelques grands chantiers navals se battent pour conquérir leur part d’un marché relativement restreint.

Depuis la fin des années quatre-vingt, de profonds changements ont marqué cette branche d’activité. Autrefois, la construction d’un navire s’effectuait en majeure partie à l’intérieur d’un bâtiment ou en cale sèche, et pratiquement pièce par pièce, de la quille aux mâts. Grâce au progrès technique et à une planification plus poussée, il est désormais possible de construire un navire par sous-ensembles ou à l’aide de modules relativement faciles à assembler, déjà pourvus d’installations et de systèmes intégrés. Cette façon de procéder est plus rapide et moins coûteuse et facilite le contrôle de la qualité. En outre, elle se prête davantage à l’automatisation et à la robotisation, ce qui permet non seulement d’économiser de l’argent, mais aussi de réduire l’exposition des travailleurs aux risques chimiques ou physiques.

Les principales étapes de la construction d’un navire

La figure 92.1 donne un aperçu des principales étapes de la construction d’un navire. Celle-ci commence par l’étude du projet. Les éléments pris en considération à ce stade varient selon le type de navire considéré. Un navire est généralement conçu pour transporter essentiellement des matériaux ou des personnes. Ce peut être un cargo ou un paquebot, un navire de surface ou un sous-marin, un navire de guerre, un caboteur ou un transbordeur; il peut être à propulsion classique ou nucléaire. Il importe, dès le stade du bureau d’études, de considérer non seulement les paramètres de construction usuels, mais également les risques pour la sécurité et la santé inhérents aux processus de construction ou de réparation, ainsi que leurs effets éventuels sur l’environnement.

Figure 92.1 Les différentes étapes de la construction d'un navire

Figure 92.1

Le matériau de base de la construction navale est la tôle d’acier. Les tôles sont découpées, mises en forme, cintrées ou façonnées pour leur donner les dimensions et la forme souhaitées (voir figures 92.2 et 92.3). En général, on procède au découpage des tôles par oxycoupage aux gaz. Les éléments obtenus sont ensuite soudés pour former des poutrelles en I, en T ou en L et d’autres membrures (voir figure 92.4).

Figure 92.2 Oxycoupage automatique d'une tôle d'acier dans un atelier de fabrication

Figure 92.2

Figure 92.3 Cintrage d'une tôle d'acier

Figure 92.3

Figure 92.4 Tôles d'acier soudées faisant partie de la coupe d'un navire

Figure 92.4

Les plaques de tôle sont ensuite envoyées aux ateliers de fabrication où elles sont assemblées en différentes unités et différents sous-ensembles (voir figure 92.5). C’est à ce stade que les tuyauteries, les circuits électriques et les autres circuits de distribution sont mis en place et intégrés aux unités. Celles-ci sont assemblées par soudage automatique ou manuel, ou par une combinaison des deux techniques. On fait appel à plusieurs procédés de soudage, le plus courant étant le soudage à l’arc avec une électrode fusible enrobée qui constitue le métal d’apport. D’autres procédés de soudage à l’arc font appel à une atmosphère inerte de protection ou même à des électrodes réfractaires qui résistent à de très hautes températures.

Figure 92.5 Travail sur un sous-ensemble de navire

Figure 92.5

Les unités ou les sous-ensembles sont habituellement transférés vers les zones d’assemblage en plein air où ils sont déposés en attendant d’être montés en ensembles plus importants (voir figure 92.6). On procède ensuite à des opérations de soudage et d’ajustage complémentaires. Ces ensembles et plus spécialement leurs cordons de soudure sont soumis à des contrôles de qualité et à des tests par radiographie ou par ultrasons ainsi que, le cas échéant, à des essais destructifs ou non destructifs. Les soudures défectueuses sont éliminées par meulage, oxycoupage ou gougeage, puis refaites. Les éléments sont ensuite décapés au jet d’abrasifs, si nécessaire, pour être mis à leur gabarit, avant de recevoir une ou plusieurs couches de peinture (voir figure 92.7). Celle-ci est appliquée à la brosse, au rouleau ou, le plus souvent, au pistolet. Il peut, dans certains cas, s’agir de peinture inflammable ou toxique constituant un risque pour les travailleurs et l’environnement. Les opérations de décapage et de peinture doivent être accompagnées des mesures de sécurité requises.

Figure 92.6 Sous-ensembles assemblés en unités plus importantes

Figure 92.6

Figure 92.7 Décapage au jet d'abrasifs avant la mise en peinture

Figure 92.7

Une fois achevées, les grandes unités sont transportées en cale sèche, en bassin de radoub ou vers la zone de montage final où elles sont assemblées pour former le navire (voir figure 92.8), ce qui appelle de nouvelles opérations de soudage et d’ajustage. Les structures de la coque ainsi montées et l’étanchéité de celle-ci vérifiée, le navire est mis à l’eau. Le lancement peut se faire soit en le faisant glisser le long d’un plan incliné jusqu’à ce qu’il soit à flot, soit en noyant la cale sèche, soit en abaissant la coque jusqu’à l’eau. Ces lancements sont presque toujours l’occasion de festivités.

Figure 92.8 Mise en place de la proue d'un navire

Figure 92.8

Une fois lancé, le navire entre dans la phase d’armement; celle-ci nécessite beaucoup de temps et d’importants équipements. Il s’agit de poser câbles et canalisations, d’aménager les cuisines et les logements des équipages, de fixer l’isolation, d’installer l’équipement électronique et les aides à la navigation et de mettre en place l’appareil propulsif et les organes de direction. De nombreux corps de métier sont mis à contribution.

Au terme de la phase d’armement, le navire est soumis à des essais en bassin et en mer, au cours desquels tous les systèmes sont testés afin de s’assurer de leur bon fonctionnement. Ce n’est qu’une fois réalisés tous les essais et ajustements nécessaires que le navire est livré au client.

La fabrication des pièces en acier

Les diverses phases de cette fabrication sont décrites sommairement ci-après.

Le découpage

La «chaîne de montage» d’un chantier naval part de l’aire de stockage de l’acier, où de grandes tôles de diverses qualités et dimensions sont entreposées et préparées en vue de leur mise en œuvre. L’acier est ensuite décapé pour recevoir une couche de fond qui assurera sa protection anticorrosion tout au long des différentes phases de la construction. Les tôles sont ensuite transportées vers une aire de fabrication où elles sont découpées aux dimensions voulues par oxycoupage à la flamme; cette opération est automatisée (voir figure 92.2). Les feuillards ainsi obtenus sont assemblés par soudage pour former les éléments structuraux du navire (voir figure 92.4).

Le soudage

La charpente de la plupart des navires est faite d’aciers de différentes qualités, qui vont de l’acier doux à l’acier à haute résistance. L’acier présente à la fois des qualités de ductilité, d’usinabilité et de soudabilité, en même temps que la résistance indispensable à tout navire de haute mer. On utilise aussi de l’aluminium et des matériaux non ferreux pour certaines superstructures (par exemple les roufs) et pour d’autres parties spécifiques du navire. D’autres matériaux — acier inoxydable, acier galvanisé, alliages cupro-nickel — sont également employés pour répondre à divers impératifs de résistance à la corrosion et pour améliorer la solidité de l’ensemble. Les aciers restent cependant largement plus utilisés que les matériaux non ferreux. En général, les matériaux moins courants sont réservés aux installations de ventilation, aux centres de contrôle des opérations militaires, aux systèmes de navigation et aux canalisations. Ces matériaux remplissent un grand nombre de fonctions, que ce soit pour l’appareil propulsif, les circuits électriques de secours, les cuisines, les stations de pompage de carburant ou les systèmes de combat.

On utilise trois types d’acier pour la construction navale: l’acier doux, l’acier à haute résistance et l’acier fortement allié. Les aciers doux ont des propriétés remarquables et sont faciles à produire, à façonner et à souder. Les aciers à haute résistance sont faiblement alliés afin de leur conférer des propriétés mécaniques supérieures à celles des aciers doux. Enfin, les aciers à très haute résistance ont été spécialement mis au point pour la construction navale. En général, les aciers à haute résistance et à limite d’élasticité élevée portent les désignations HY-80, HY-100 ou HY-130. Leur résistance est supérieure à celle des aciers à haute résistance du commerce. Ils exigent des procédés de soudage plus complexes si l’on veut éviter que leurs propriétés ne s’altèrent: électrodes de soudage spéciales, préchauffage des joints, etc. Quant aux aciers fortement alliés, ils contiennent d’assez grandes quantités d’éléments d’alliage tels que nickel, chrome et manganèse. Ces aciers, dont fait partie l’acier inoxydable, offrent une résistance élevée à la corrosion et nécessitent, eux aussi, des procédés de soudage spéciaux.

L’acier est un excellent matériau de construction navale; un choix judicieux des électrodes de soudage est essentiel, quel que soit le type de soudage à effectuer. L’objectif généralement visé est d’obtenir une soudure offrant les mêmes caractéristiques de résistance que le métal de base. Etant donné que toute opération de soudage peut présenter des défauts mineurs, les procédés et les électrodes utilisés sont choisis de telle sorte que la qualité des soudures obtenues soit supérieure à celle du métal de base.

L’aluminium est de plus en plus employé dans la construction navale en raison d’un meilleur rapport résistance/poids que l’acier. S’il est encore peu utilisé pour les coques, il entre de plus en plus souvent dans les superstructures des navires marchands et des vaisseaux de guerre. Les navires qui sont fabriqués uniquement en aluminium sont surtout des navires de petite taille, tels que les barques de pêche, les bateaux de plaisance, les petits paquebots, les chaloupes et les hydroptères. L’aluminium dont on se sert pour la construction et la réparation navales est généralement allié à du manganèse, du magnésium, du silicium ou du zinc. Ces alliages offrent une résistance élevée et de bonnes qualités de soudabilité et de résistance à la corrosion.

On fait du soudage, plus précisément du soudage par fusion, à peu près partout sur un chantier naval. L’opération consiste à assembler des métaux en portant des surfaces contiguës à des températures extrêmement élevées en vue de les joindre par fusion à l’aide d’un métal d’apport lui-même en fusion. Une source de chaleur est utilisée pour chauffer les deux bords à souder, afin de leur permettre de s’amalgamer avec le métal d’apport (électrode, fil métallique ou baguette). La chaleur nécessaire est habituellement générée par un arc électrique ou une flamme de gaz. Le procédé de soudage est choisi dans chaque cas en fonction du cahier des charges établi par le client, des cadences de production et d’un certain nombre de contraintes d’exploitation, notamment les normes officielles. Celles-ci sont généralement plus strictes pour les vaisseaux de guerre que pour les navires de commerce.

L’un des facteurs importants dans les procédés de soudage à l’arc est la protection du bain de fusion. La température du lit de fusion est passablement plus élevée que le point de fusion des métaux que l’on veut souder. A des températures extrêmement élevées, une réaction avec l’oxygène et l’azote de l’air intervient rapidement et peut compromettre la résistance de la soudure. Si de l’oxygène et de l’azote atmosphériques sont pris dans le métal de soudage ou la baguette en fusion, la zone de soudure est fragilisée. On ne peut éviter ce défaut et assurer la bonne qualité de la soudure qu’en la protégeant de l’atmosphère. Dans la plupart des procédés de soudage, cette protection se fait par adjonction d’un fondant (flux), d’un gaz ou des deux à la fois. Avec le fondant, les gaz produits par vaporisation et réaction chimique à l’extrémité de l’électrode forment, par combinaison avec le gaz et le fondant, une protection qui empêche que la soudure ne capte de l’azote et de l’oxygène. Cette question est traitée plus en détail dans les sections ci-après consacrées à des techniques particulières de soudage.

Dans le soudage à l’arc électrique, un circuit est créé entre la pièce à souder et une électrode ou un fil. Si l’électrode ou le fil sont tenus à proximité immédiate de la pièce à souder, il se forme un arc à haute température. Cet arc génère une chaleur suffisante pour faire fondre les bords des pièces à souder et pour que l’extrémité de l’électrode ou du fil produise un système de soudage par fusion. Il existe de nombreux procédés de soudage à l’arc électrique qui peuvent être appliqués en construction navale; tous nécessitent une protection de la zone à souder vis-à-vis de l’atmosphère. On peut les subdiviser en deux catégories: protection par flux et protection par gaz.

D’après les fabricants de matériel de soudage et de produits associés, le soudage à l’arc avec des électrodes fusibles est la technique la plus répandue.

Soudage à l’arc sous protection gazeuse avec électrodes fusibles enrobées (Shielded Metal Arc Welding — SMAW). Les procédés de soudage à l’arc électrique avec protection par flux se distinguent principalement par leur nature manuelle ou semi-automatique et par le type d’électrode fusible utilisée. Dans la technique SMAW, on se sert d’une électrode fusible (de 30 à 46 cm de long) avec un enrobage par flux sec, tenue dans un porte-électrode et que le soudeur approche de la pièce à souder. L’électrode est composée d’une âme ou noyau en métal d’apport solide obtenu par étirage ou laminage et enrobé d’une gaine de poudres métalliques. Le SMAW est aussi souvent appelé «soudage avec électrodes enrobées». Le métal de l’électrode est entouré par un flux qui fond graduellement, couvrant de laitier le métal en fusion déposé et enveloppant la zone proche d’une atmosphère de gaz protecteur. Le SMAW manuel peut être utilisé pour la soudure au sol (à plat), horizontale, verticale et en surplomb. Il peut aussi être employé de façon semi-automatique en se servant d’un poste de soudage rotatif. Les postes de soudage rotatifs tirent parti du poids de l’électrode et du support pour faire progresser le travail de soudage le long de la pièce à souder.

Soudage à l’arc sous flux en poudre (Submerged Arc Welding — SAW). Cet autre procédé de soudage à l’arc électrique avec protection par un flux est utilisé dans de nombreux chantiers navals. La technique consiste à déposer une couche de flux granulé sur la pièce à souder, puis à employer une électrode consommable de métal nu. Généralement, l’électrode sert de métal d’apport, bien que dans certains cas on ajoute au flux des granulés de métal. L’arc est submergé d’un flux en poudre, dont une partie fond en recouvrant la soudure d’une couche de laitier. Une forte concentration de chaleur permet des dépôts de soudure lourds à des vitesses relativement élevées. Après soudage, le métal en fusion est protégé par une couche de flux fondu, enlevé par la suite et qui pourra être récupéré. Ce procédé de soudage doit être réalisé au sol et convient parfaitement au soudage en bout des tôles. En général, la technique de SAW est totalement automatisée, le matériel étant monté sur un chariot mobile ou sur une plate-forme à autopropulsion surplombant les pièces à souder. La majeure partie du temps est consacrée à l’alignement des joints sous la machine. Etant donné que l’arc fonctionne sous une couche de flux granulé, le taux de production de fumées est peu élevé et le reste tout au long des opérations, pour autant que la couche de flux soit suffisante.

Soudage à l’arc sous protection gazeuse avec fil électrode fusible (Gas Metal Arc Welding — GMAW). Une autre catégorie importante de procédés de soudage à l’arc électrique est constituée de ceux qui utilisent un gaz de protection. Dans ces procédés, on a recours à des électrodes qui sont généralement des fils nus. Le gaz de protection — qui peut être inerte, actif, ou les deux à la fois — enveloppe l’électrode. Le GMAW, appelé aussi communément soudage MIG (Metal Inert Gas) , utilise une électrode consommable qui consiste en un fil nu de petit diamètre, poussé automatiquement dans un tube contact, et un gaz de protection. Cette technique est le résultat de longues recherches visant à mettre au point une méthode permettant de souder en continu sans être obligé de s’interrompre pour changer d’électrode. Elle nécessite un dispositif automatique d’alimentation en fil. Un dévidoir fournit du fil à mesure qu’il fond, à vitesse constante ou à vitesse variable selon les tensions requises, réglées dans ce cas par un variateur. Quand l’arc jaillit entre le fil et la pièce à souder, on crée une protection gazeuse autour de l’électrode en insufflant de l’argon ou de l’hélium au moyen d’un chalumeau. L’association de CO2 et d’un gaz inerte s’est révélée intéressante pour le soudage de l’acier, permettant de réduire les coûts de production et d’améliorer la qualité des soudures.

Soudage TIG (Gas Tungsten Arc Welding — GTAW). Un autre procédé de soudage sous protection gazeuse est le soudage à l’arc avec électrode réfractaire en tungstène, désigné parfois sous le nom de marque Heliarc car, au début, l’hélium était utilisé comme gaz inerte. Ce fut le premier des «nouveaux» procédés de soudage, qui succéda au soudage avec baguette d’apport quelque 25 années plus tard. L’arc est amorcé entre la pièce à souder et une électrode réfractaire en tungstène. Un gaz inerte, habituellement de l’argon ou de l’hélium, sert de gaz de protection et fait de ce procédé une technique propre produisant peu de fumées. De plus, l’arc dans ce cas ne transfère pas le métal d’apport, mais fait simplement fondre la pièce à souder et le fil, ce qui aboutit à une soudure plus propre. Le procédé TIG est le plus souvent employé dans les chantiers navals pour le soudage de l’aluminium, du métal en feuilles et des tuyaux de petit diamètre, ou encore pour déposer la passe de fond d’un cordon multipasses lors du soudage de tuyaux de plus gros diamètre ou de pièces de grandes dimensions.

Soudage à l’arc avec fil fourré fusible (Flux Core Arc Welding — FCAW) utilise le même type d’équipement que le soudage MIG dans la mesure où l’arc est alimenté en fil en continu. La principale différence tient au fait que l’électrode du procédé FCAW est un fil tubulaire et contient en son noyau un flux qui contribue à une protection localisée dans la zone de soudage. Bien que certains fils de ce type assurent une protection suffisante grâce à leur seul noyau, de nombreux procédés FCAW utilisés en construction navale nécessitent une protection gazeuse complémentaire afin de répondre aux exigences de la branche.

Le procédé FCAW permet de réaliser des soudures de grande qualité avec des cadences de production et une efficacité supérieures à celles obtenues par la méthode SMAW conventionnelle. Il permet de répondre à tout un ensemble d’exigences en matière de production, comme le soudage en surplomb et le soudage vertical. Les électrodes FCAW ont tendance à être légèrement plus chères que les électrodes SMAW, mais l’amélioration de la qualité et de la productivité justifient souvent l’investissement consenti.

Soudage au jet de plasma d’arc, ou soudage plasma (Plasma-arc Welding — PAW). Le plus récent des procédés de soudage sous protection gazeuse est le soudage plasma sous gaz inerte. Le procédé PAW est très semblable au procédé GTAW, la seule différence résidant dans la contrainte imposée à l’arc de subir une constriction dans un gaz plasmagène avant d’atteindre la pièce à souder. Il en résulte un jet de plasma extrêmement chaud et rapide. Le plasma est un jet ionisant de gaz qui véhicule l’arc, généré par la constriction imposée pour passer à travers un petit orifice du chalumeau. Le procédé PAW permet d’obtenir un arc plus dense, à haute température, ce qui autorise un soudage plus rapide. Si l’on fait abstraction du recours à un orifice pour accélérer le gaz, les procédés PAW et GTAW sont identiques et utilisent tous deux une électrode de tungstène réfractaire et une protection par gaz inerte. Le PAW est généralement manuel et très peu utilisé sur les chantiers navals, bien qu’il soit parfois employé pour des applications de pistolage à la flamme. Dans les chantiers navals, on l’emploie surtout pour le découpage de l’acier (voir figure 92.9).

Figure 92.9 Coupage plasma d'une tôle sous l'eau

Figure 92.9

Soudage aux gaz, brasage fort et brasage tendre. Le soudage aux gaz fait appel à la chaleur produite par la combustion d’un gaz ou de plusieurs gaz combustibles avec un gaz comburant (généralement de l’oxygène); il utilise habituellement une baguette pour le métal d’apport. Le combustible le plus classique est l’acétylène, employé en association avec de l’oxygène (soudage oxyacétylénique). Un chalumeau tenu à la main dirige la flamme vers la pièce à souder, tout en faisant fondre le métal d’apport qui est déposé dans la zone de contact. La surface de la pièce à souder fond pour former un cratère en fusion, avec une matière d’apport utilisée pour combler les vides ou les rainures. Le métal en fusion, principalement le métal d’apport, se solidifie à mesure que le chalumeau progresse le long de la pièce à souder. Le soudage aux gaz est comparativement lent et ne convient pas aux équipements automatiques ou semi-automatiques. De ce fait, il est rarement employé comme technique courante de soudage dans les chantiers navals. Le matériel est cependant peu encombrant et portatif, et il peut s’avérer utile pour le soudage de tôles de faible épaisseur (jusqu’à 7 mm environ), ainsi que pour des tuyaux de petit diamètre, des coffres pour le chauffage, la ventilation et la climatisation, des conduits de câbles électriques et pour braser. Un matériel identique ou similaire est utilisé pour l’oxycoupage.

Le brasage fort et le brasage tendre sont des techniques destinées à assembler deux surfaces métalliques sans faire fondre le métal de base. On verse un métal ou alliage d’apport à l’état liquide jusqu’à ce que l’espace qui sépare les deux surfaces à assembler soit comblé, puis on le solidifie. Quand la température du métal d’apport est inférieure à 450 °C, le procédé s’appelle soudo-brasage; quand elle est supérieure à 450 °C, on le nomme brasage fort. Le brasage tendre est généralement réalisé en utilisant la chaleur provenant d’un fer à souder, d’une flamme, d’une résistance ou d’une bobine d’induction électrique. Le brasage fort fait appel à la chaleur d’une flamme ou à celle produite par une résistance ou une bobine d’induction. Il peut aussi s’effectuer en plongeant les pièces dans un bain. Les assemblages brasés n’ont pas la résistance des assemblages soudés. Aussi, brasage fort et brasage tendre ont-ils des applications limitées en construction et réparation navales, à l’exception des assemblages de tubes de petit diamètre ou de feuilles de métal, ou des travaux d’entretien.

Autres procédés de soudage . Il existe d’autres techniques de soudage susceptibles d’être mises en œuvre dans un chantier naval en petites quantités, et cela pour un certain nombre de raisons. Le soudage vertical sous laitier électroconducteur consiste à opérer un transfert de chaleur au moyen d’un bain de laitier en fusion qui fait fondre les bords à souder et le métal d’apport. Bien que le matériel utilisé soit semblable à celui employé pour le soudage à l’arc, le laitier est maintenu à l’état de fusion par la résistance qu’il offre au courant qui passe de l’électrode à la pièce à souder. Il s’agit par conséquent d’une forme de soudage par résistance. Des patins refroidis placés derrière la pièce à souder sont souvent utilisés pour contenir le cratère. Le soudage électrogaz est un procédé de soudage à l’arc sous protection gazeuse qui emploie un fil électrode fusible pour alimenter le bain de fusion et du CO2 comme gaz de protection. Ces procédés sont tous deux très efficaces pour réaliser automatiquement des soudures verticales bout à bout et présentent un intérêt indéniable dans le cas de tôles épaisses. Ils devraient trouver des applications beaucoup plus étendues en construction navale.

Le soudage aluminothermique utilise un métal liquide surchauffé pour faire fondre les pièces à souder et le métal d’apport. La chaleur nécessaire au soudage est fournie par la réaction exothermique d’un mélange d’oxydes métalliques et d’une poudre d’aluminium. Le métal liquide — qui constitue le produit d’apport — est versé dans la cavité qui sépare les pièces à souder et qui est entourée d’un moule de sable. Le soudage aluminothermique rappelle la coulée en fonderie et sert principalement pour réparer des pièces venues de fonderie ou de forge ou pour souder des éléments de membrure tels que le couple de poupe.

Le soudage par faisceau laser est une technique nouvelle qui recourt à un faisceau laser pour faire fondre et assembler les pièces à souder. Bien que la faisabilité de ce procédé ait été prouvée, son coût élevé a entravé jusqu’ici son exploitation commerciale. Toutefois, sa capacité de réaliser des soudures de haute qualité devrait en faire une technique importante à l’avenir.

Une autre technique relativement récente en matière de soudage est le soudage par faisceau d’électrons, obtenu par la fusion du métal de base sous l’impact d’un faisceau focalisé d’électrons qui bombardent la pièce à souder, laquelle est placée dans une enveloppe de gaz inerte. Du fait que le procédé ne dépend pas de la conductibilité thermique du matériau considéré, il présente des avantages majeurs en raison de ses besoins relativement faibles en énergie et de ses effets limités sur le métal. Comme dans le cas du soudage par faisceau laser, le problème majeur réside dans le coût élevé de l’équipement requis.

Le soudage des goujons est une forme de soudage à l’arc dans lequel des goujons métalliques tiennent lieu d’électrodes. Un pistolet spécial maintient le goujon pendant que l’arc se forme. La tôle et l’extrémité du goujon entrent en fusion, le pistolet presse le goujon contre la tôle et les soude ensemble. La sécurité est assurée par une ferrule céramique de protection qui entoure le goujon. Le procédé, semi-automatique, est couramment utilisé en construction navale pour faciliter la pose de matériaux non métalliques (tels que les matériaux d’isolation) sur des surfaces d’acier.

La mise en peinture et les enduits de finition

Des travaux de peinture s’effectuent dans quasiment tous les ateliers du chantier naval. La nature de la construction et de la réparation navales requiert plusieurs types de peinture dont chacun a des fins différentes. La peinture nécessaire pour un certain type d’application peut aller d’un produit à base d’eau à un enduit époxy à haute performance; le choix est fonction de l’environnement auquel le revêtement sera exposé. Quant au matériel de peinture, il s’étend des simples brosses et rouleaux aux pistolets sans air comprimé et aux machines automatiques. En règle générale, les parties ci-après d’un navire exigent une mise en peinture:

Il existe différents types de peinture pour chacune de ces parties. De nombreuses considérations entrent en jeu lors du choix des peintures, telles que les normes d’hygiène du travail, la gravité des risques liés à l’environnement, les temps de séchage, le matériel à disposition et les procédés d’application. De nombreux chantiers navals sont pourvus d’installations spéciales et de zones réservées pour les travaux de peinture. Les installations fermées de mise en peinture sont onéreuses, mais permettent d’obtenir une qualité et un rendement plus élevés. Les travaux de peinture réalisés à l’air libre ont généralement une moins grande efficacité de transfert et ne peuvent s’effectuer que si les conditions atmosphériques sont favorables.

Types de revêtements utilisés dans les chantiers navals. Sur un navire, des peintures sont appliquées en de nombreux emplacements et à des fins diverses. Aucune peinture ne peut remplir toutes les fonctions désirées (par exemple, protection contre la rouille, les salissures — peintures antifouling —, l’alcalinité, l’acidité). Les peintures contiennent trois ingrédients principaux: un pigment, un liant et un solvant. Les pigments sont des particules de petit calibre qui déterminent généralement la couleur ainsi que les nombreuses propriétés associées au revêtement. L’oxyde de zinc, le talc, le carbone, le goudron de houille, le plomb, le mica, l’aluminium et la limaille de zinc sont des exemples de pigments. Le liant peut être considéré comme une colle qui consolide les pigments de la peinture. Beaucoup de peintures sont désignées selon leur type de liant (époxy, alkyde, uréthane, vinylique, phénolique). Le liant joue également un rôle très important dans la détermination des performances du revêtement (notamment la souplesse, la résistance chimique, la durabilité et l’aspect). Quant au solvant, son rôle est de fluidifier la peinture et de permettre son application aisée; il s’évapore lors du séchage. Les solvants usuels sont à base d’acétone, d’essences minérales, de xylène, de méthyléthylcétone et d’eau. Les peintures anticorrosion et antisalissures sont les deux principaux types de peinture habituellement utilisés sur les coques des navires. Les peintures anticorrosion se présentent soit comme des produits à base de vinyle, de laque ou d’uréthane, soit comme des produits plus récents à base époxy auxquels on a beaucoup recours à l’heure actuelle et qui offrent toutes les qualités requises en milieu marin. Les peintures antisalissures servent à empêcher la prolifération et la fixation d’organismes marins sur la coque des navires. Elles sont souvent à base de cuivre et dégagent des substances toxiques en quantités infimes à proximité immédiate de la coque. Les couleurs s’obtiennent par adjonction de noir de fumée, d’oxyde de fer rouge ou de dioxyde de titane (blanc).

Couches primaires sur les chantiers navals. La première couche de peinture appliquée aux tôles et pièces d’acier brutes est généralement une couche de fond parfois appelée «couche primaire d’atelier». Elle est indispensable si l’on veut préserver le bon état de la pièce tout au long du processus de construction. On l’applique sur les tôles d’acier, les profilés, les sections de tubes et les conduits de ventilation. La couche de fond a deux fonctions importantes: 1) protéger l’acier tout au long de la construction; et 2) faciliter les travaux ultérieurs. La plupart des couches primaires sont riches en zinc et contiennent des liants organiques ou non organiques. Les enduits aux silicates de zinc sont les plus utilisés parmi les liants inorganiques. Le zinc offre une protection à peu près équivalente à la galvanisation. Si l’on enduit l’acier d’un apprêt à base de zinc, l’oxygène, au contact de ce métal, produit de l’oxyde de zinc qui forme une couche hermétique, évitant ainsi tout contact de l’acier avec l’air ou avec l’eau.

Matériel d’application . Il existe de nombreux types de matériels utilisés pour la mise en peinture dans l’industrie de la construction navale. Les pistolets à air comprimé et les pistolets sans air sont deux appareils courants. Les systèmes à air comprimé projettent à la fois de l’air et de la peinture, ce qui a pour effet qu’une certaine quantité de peinture est atomisée et sèche rapidement avant d’avoir atteint la surface visée. L’efficacité de transfert des pistolets pneumatiques peut varier entre 65 et 80%; cette efficacité de transfert relativement faible est due principalement à un excès de projection, à une dérive ou à des défauts du pistolet. Ces appareils tendent à devenir obsolètes en raison de leur faible capacité de transfert.

Le pistolet sans air comprimé est devenu l’appareil le plus utilisé pour l’application de peinture dans l’industrie de la construction navale. Dans cet appareil, une pompe hydraulique amène la peinture à une buse placée à l’extrémité du pistolet. La peinture est ainsi projetée sous l’effet d’une pression hydrostatique et non plus d’une pression pneumatique. Afin de réduire la quantité de peinture pulvérisée en excès et les déversements accidentels, les chantiers navals développent au maximum l’usage de la peinture au pistolet sans air. Cet appareil est aussi plus propre à utiliser et présente moins de problèmes de fuites que le pistolet à air comprimé, car il nécessite une pression moins élevée. Les pistolets sans air ont une efficacité de transfert proche de 90%, selon les conditions de travail. Une nouvelle technique, appelée «grand volume, faible pression» (high volume, low pressure — HVLP) permet au pistolet sans air d’obtenir dans certains cas une efficacité de transfert encore meilleure. L’efficacité de transfert est mesurée par estimation; elle tient compte des coulées et des déversements accidentels qui peuvent survenir au cours du travail.

La métallisation à chaud, également connue sous le nom de métallisation au pistolet ou métallisation à la flamme , consiste à appliquer sur l’acier un revêtement d’aluminium ou de zinc pour assurer sa protection de longue durée contre la corrosion. Cette technique de revêtement trouve de multiples applications militaires et commerciales. L’équipement spécial qu’elle nécessite et les cadences de production relativement lentes en font une technique radicalement différente des procédés traditionnels de revêtement. Il existe deux grandes catégories de machines pour la métallisation à chaud, selon que l’on utilise la combustion d’un fil ou un arc électrique. Dans le premier cas, on a recours à des gaz combustibles et à une flamme ainsi qu’à un régulateur de distribution du fil. Les gaz combustibles provoquent la fusion du métal projeté sur les pièces. En revanche, la machine de projection à l’arc électrique utilise l’énergie d’un arc pour faire fondre le métal projeté sur le matériau de base. Elle comprend un compresseur, un filtre d’air, un système d’alimentation et de régulation de l’arc électrique ainsi qu’un pistolet de métallisation. Les surfaces de base doivent être convenablement préparées pour assurer une bonne adhérence des métaux projetés. La technique la plus couramment employée pour la préparation de la surface à traiter est le grenaillage (projection d’un jet de grenaille, par exemple de l’oxyde d’aluminium).

Le coût initial de la métallisation à chaud est habituellement élevé si on le compare à celui de la peinture; cependant, la métallisation à chaud devient plus intéressante d’un point de vue économique si l’on tient compte du cycle de vie du métal. De nombreux chantiers navals possèdent leurs propres installations de métallisation, tandis que d’autres préfèrent sous-traiter leurs travaux. La métallisation au pistolet peut s’effectuer aussi bien dans un atelier qu’à bord du navire.

Méthodes de mise en peinture. Les méthodes de peinture varient considérablement d’un procédé à l’autre. Les mélanges sont réalisés à la fois manuellement et mécaniquement, d’ordinaire dans une zone entourée de bermes et qui peut être couverte. Dans les chantiers navals, les travaux de peinture ont lieu aussi bien à l’intérieur qu’à l’air libre. Des tôles minces ou des feuilles de plastique ou de tissu sont souvent mises en place pour capter l’excès de peinture projetée, abriter du vent ou retenir les particules de peinture. De nouvelles techniques contribuent à la réduction de la quantité de particules aéroportées. En diminuant la quantité de peinture excédentaire projetée, on réduit aussi globalement la quantité de peinture utilisée, et on réalise ainsi des économies.

La préparation des surfaces de base et la mise en peinture

On peut illustrer les techniques employées dans la préparation des surfaces et la mise en peinture dans la construction et la réparation navales en retenant cinq parties principales des navires.

Peinture de la coque. La peinture de la coque se pratique à la fois pour les navires en réparation et pour les navires neufs. La préparation de la surface de base et l’application de la peinture sur la coque des navires en réparation sont normalement effectuées alors que le navire est entièrement radoubé, c’est-à-dire immobilisé en cale sèche. Pour les navires en construction, la coque est préparée et peinte en position de construction en utilisant l’une des techniques décrites plus haut. Les projections d’air ou d’eau contenant de la grenaille à partir de plates-formes ou d’appareils de levage sont les méthodes les plus communément employées pour la préparation de la coque. On a recours à des pistolets et à des moyens d’accès spéciaux pour atteindre les surfaces en hauteur (ascenseurs, tables élévatrices, échafaudages mobiles). Le nombre de couches de peinture requises varie selon les cas.

Peinture des superstructures. Les superstructures d’un navire comprennent les ponts exposés, les roufs et les autres structures situées au-dessus du pont principal. On recourt souvent à des échafaudages pour accéder aux antennes ou aux autres installations en hauteur. Si de la peinture ou des matériaux projetés risquent de tomber dans les eaux voisines, on mettra en place une protection. Sur les navires en réparation, les superstructures du navire sont peintes en majeure partie lors de sa mise à quai. Les surfaces de base sont préparées à l’aide d’outils manuels ou de jets haute pression. Une fois la surface prête, la mise en peinture peut commencer. La peinture est habituellement appliquée à l’aide de pistolets sans air. Les peintres accèdent aux superstructures par des échafaudages, des échelles et les divers engins de levage déjà empruntés lors de la préparation des surfaces. Les protections installées pour empêcher la projection des produits d’abrasion seront maintenues pour parer aux éventuelles projections de peinture.

Peinture des citernes et des compartiments intérieurs. Les citernes et les compartiments intérieurs des navires doivent être sans cesse repeints. Les citernes des navires en réparation nécessitent une importante préparation de surface avant de pouvoir être repeintes. La majorité d’entre elles se situent au niveau de la carène (par exemple, les ballasts, les fonds de cale, les soutes à combustible). La préparation des citernes exige l’emploi de solvants et de détergents afin d’enlever la graisse et l’huile accumulées; ceux-ci doivent être traités et éliminés de façon appropriée. Après séchage, les parois intérieures subissent un grenaillage; il faut mettre en place une recirculation de l’air et récupérer la grenaille par aspiration, ce qui se fait au moyen d’une pompe à vide à anneau liquide ou d’une pompe à vis rotative. Ces pompes doivent être très puissantes pour pouvoir débarrasser la citerne de la grenaille qu’elle contient. Les installations de vide et de ventilation sont généralement placées à la surface du bassin de radoub et l’accès aux citernes se fait par des orifices ménagés dans la coque. Une fois la surface décapée et la grenaille enlevée, le travail de peinture peut commencer. Une ventilation suffisante et des appareils respiratoires appropriés sont indispensables pour tous les travaux effectués dans les compartiments intérieurs et les citernes, c’est-à-dire dans des espaces fermés ou confinés.

Décapage des surfaces à peindre et mise en peinture au stade de la construction. Une fois que les blocs ou que les unités multiples quittent l’aire de montage, ils sont souvent transportés vers une aire de décapage où le bloc entier subit une préparation avant sa mise en peinture. Les pièces sont généralement totalement décapées pour se retrouver à l’état de métal nu, la couche de fond administrée au stade de la construction étant éliminée (voir figure 92.7). La méthode de décapage la plus fréquemment utilisée fait appel à un jet d’air à haute pression. Pour la mise en peinture, les peintres se servent généralement de pistolets sans air et travaillent sur une plate-forme. Une fois que les pièces sont peintes, elles sont transportées vers une aire d’armement.

Peinture des pièces de petites dimensions. Un grand nombre de pièces entrant dans la construction d’un navire doivent recevoir un enduit avant leur installation (dévidoirs de tuyaux souples, conduits de ventilation et portes, par exemple). Les pièces de petites dimensions sont généralement préparées dans un atelier du chantier naval spécifiquement conçu à cet effet. Leur mise en peinture peut s’effectuer dans la zone du chantier qui répond le mieux aux contraintes de production. Certaines pièces sont peintes dans différents ateliers, tandis que d’autres le sont dans un endroit placé sous le contrôle du service chargé des travaux de peinture.

La préparation des surfaces et la peinture sur bloc et à bord

Les couches de finition sont réalisées à bord et les retouches de peinture s’effectuent souvent sur place (voir figure 92.10). Les retouches de peinture sur bloc sont nécessaires dans plusieurs cas. La peinture peut avoir été abîmée, ce qui exige une nouvelle préparation du matériau de base; dans d’autres cas, la peinture utilisée n’était pas la bonne et il faut la remplacer. La peinture sur bloc implique, pour le décapage et la mise en peinture, l’utilisation d’équipements portatifs que l’on déplace dans les aires d’armement. La peinture à bord comporte aussi bien la préparation et la peinture des sections de liaison entre les blocs de construction que la peinture des zones abîmées par le soudage, les reprises, l’armement ou d’autres circonstances. Les surfaces peuvent être préparées à la main (sablage, brossage, nettoyage par des solvants) ou par n’importe quelle autre technique appropriée. La peinture est appliquée au moyen de pistolets sans air, de rouleaux ou de brosses.

Figure 92.10 Retouches de peinture sur la coque d'un navire

Figure 92.10

L’armement

L’armement des blocs de construction avant leur assemblage est la méthode qu’utilisent actuellement tous les constructeurs qui se veulent concurrentiels de par le monde. Le processus consiste à installer les pièces requises (tuyauteries, conduits de ventilation, composants électriques, etc.) sur les blocs avant que ceux-ci ne soient assemblés, ce qui permet d’adopter au chantier naval une approche du type «chaîne de montage».

A chaque étape de la construction, l’armement est planifié pour qu’il se déroule de façon continue et régulière sur l’ensemble du chantier. Une fois assemblée la structure d’acier du bloc, on peut, pour simplifier, diviser l’armement en trois étapes principales:

  1. armement de l’unité;
  2. armement sur bloc;
  3. armement à bord.

L’armement des unités est l’étape au cours de laquelle les accessoires, pièces, machines et autres matériels d’armement sont montés de façon autonome; en d’autres termes, les unités sont préparées à distance des blocs structurels d’acier, ce qui permet aux travailleurs d’assembler leurs composants au sol où ils peuvent accéder aisément aux machines et aux ateliers. Les unités sont ensuite installées au cours de l’une ou l’autre étape de construction, sur bloc ou à bord. Ces unités peuvent être de taille, de forme et de complexité très diverses. Dans certains cas, une unité n’est rien d’autre qu’un ventilateur raccordé à un plénum. Les unités complexes de grande taille se rencontrent principalement dans les salles des machines, les chaufferies, les chambres des pompes ou d’autres compartiments du navire difficiles d’accès. Les salles des machines possèdent un armement intensif. L’armement au sol accroît la sécurité et l’efficacité dans la mesure où l’on économise des heures de travail qui, autrement, auraient été consacrées à l’armement sur bloc ou à bord dans des espaces exigus où le travail est plus difficile.

Dans l’armement sur bloc, la plus grande partie du matériel d’armement est installée sur les blocs. Ce matériel est constitué par les circuits de ventilation, les canalisations, les portes, les installations d’éclairage, les échelles, les garde-corps, les installations électriques, etc. De nombreuses unités sont aussi posées pendant l’étape d’armement sur bloc. Tout au long de cette étape, un bloc peut être soulevé, tourné et déplacé afin de faciliter l’installation des matériels d’armement au niveau des plafonds, des cloisons et des planchers. Tous les ateliers et services du chantier doivent rester en communication pendant l’étape d’armement sur bloc afin de garantir l’installation des matériels à l’endroit voulu et au moment opportun.

L’armement à bord s’effectue après que les blocs ont été hissés sur le navire en construction (c’est-à-dire après leur assemblage). A ce moment précis, le navire se trouve sur une aire de construction ou à quai. L’armement des blocs est déjà bien avancé, mais il reste encore beaucoup de travail à accomplir avant que le navire ne soit opérationnel. L’armement à bord comprend l’installation à bord d’unités et de blocs de grandes dimensions. Il comporte le soulèvement et la mise en place de blocs et d’unités de gros gabarit à bord du navire neuf et leur soudage ou leur boulonnage sur place. L’armement à bord inclut également l’interconnexion des systèmes de bord (tuyauteries, système de ventilation, circuits électriques, etc.). C’est au cours de l’étape d’armement à bord que la totalité des câblages sont mis en place sur l’ensemble du navire.

Les essais et épreuves

Ces essais et épreuves (dits de recette ou de réception) ont pour but de vérifier le bon fonctionnement des éléments et des systèmes installés. Si leurs résultats ne sont pas concluants pour une raison quelconque, les défauts constatés doivent être corrigés et le système testé jusqu’à ce qu’il soit en parfait état de marche. Toutes les canalisations du bord seront mises sous pression afin de localiser les fuites éventuelles. Les citernes sont elles aussi soumises à des essais qui consistent à les remplir de liquide (par exemple, d’eau salée ou d’eau douce), à les inspecter et à tester leur intégrité structurelle. Les circuits de ventilation, les circuits électriques et beaucoup d’autres systèmes sont également vérifiés. La plupart des essais et des épreuves s’effectuent alors que le navire est posté à quai; toutefois, on tend de plus en plus à les pratiquer à des stades antérieurs de la construction (par exemple, dans les ateliers de production). La réalisation d’essais au cours des étapes plus précoces de la construction permet de mieux réparer les défaillances techniques grâce à un accès plus aisé aux systèmes testés, bien que l’essai complet des systèmes doive toujours être réalisé à bord. Une fois tous les essais préliminaires accomplis à quai, le navire est soumis à une série de tests opérationnels complets en mer avant d’être livré à l’armateur.

La réparation des navires

Les pratiques et les procédés de réparation des navires en acier

La réparation navale comprend généralement tous les programmes d’entretien, de transformation, de remise en état après visite, ainsi que la réparation des avaries importantes et les réparations mineures du matériel. La réparation navale représente un secteur très important du transport maritime. Dans la plupart des chantiers de construction navale privés, environ 25% de la main-d’œuvre sont employés à des tâches de réparation et de transformation. Actuellement, de nombreux navires nécessitent une modernisation afin de répondre aux normes de sécurité et de respect de l’environnement. Les compagnies de navigation sont mises à rude épreuve en raison du coût élevé des navires neufs et du vieillissement des flottes à l’échelle mondiale. Dans les chantiers navals américains, le travail de transformation et de réparation est généralement plus rentable que la construction de bâtiments neufs. Dans les chantiers construisant des navires neufs, les contrats de réparation, de remise en état ou de transformation contribuent à stabiliser la main-d’œuvre pendant les périodes de construction limitées de bâtiments neufs; d’un autre côté, les nouvelles constructions augmentent la charge de travail des équipes affectées à la réparation. Celle-ci ne diffère pas sensiblement de la construction navale, sinon que le travail s’effectue généralement sur une plus petite échelle et à une cadence plus rapide. Les travaux de réparation nécessitent une coordination plus précise et une politique plus dynamique en matière d’appels d’offres. La clientèle exigeant des travaux de réparation comprend généralement la marine de guerre, les armateurs possédant des navires de commerce et les propriétaires d’autres bateaux.

Le client fournit habituellement un cahier des charges contractuel, des croquis et les articles standard. Il peut exister des contrats à prix fermes et définitifs (Firm Fixed Price (FFP)), à prix fermes et définitifs plus honoraires au mérite (Firm Fixed Price Award Fee (FFPAF)), à coût plus honoraires fixes (Cost Plus Fixed Fee (CPFF)), à coût plus honoraires au mérite (Cost Plus Award Fee (CPAF)) ou des contrats de réparation urgente. Le processus commence dans le service marketing quand le chantier naval reçoit une demande de proposition (Request for Proposal (RFP)) ou un appel d’offres (Invitation for Bid (IFB)). Le soumissionnaire qui a présenté le devis le plus bas décroche généralement un contrat de type IFB, tandis qu’un RFP peut être remporté sur d’autres critères que le prix lui-même. L’équipe chargée d’évaluer les réparations prépare une estimation des coûts et une proposition de contrat de réparation. L’estimation de l’offre inclut généralement les heures-personne et les taux de rémunération, le matériel, les frais généraux, les coûts de services spéciaux, le paiement du sous-traitant, les heures supplémentaires et les primes de postes, les autres honoraires, le loyer de l’argent des installations et, enfin, le prix estimé du contrat d’après tous ces éléments. Une fois le contrat signé, un programme de travail doit être élaboré et agréé.

La planification, l’organisation technique et la réalisation des travaux de réparation

Bien qu’une certaine planification ait lieu avant la soumission de l’offre, une planification minutieuse s’impose si l’on veut que les travaux s’achèvent en temps voulu; cela représente une lourde tâche. Il faut lire et assimiler l’ensemble du cahier des charges, classer le travail par catégories, l’intégrer dans un plan de production logique et déterminer le chemin critique. Les services responsables de la planification, du bureau d’études, des matériaux, des contrats de sous-traitance et de l’exécution des travaux de réparation doivent travailler en collaboration étroite afin de respecter les délais et de réaliser la meilleure performance possible en matière de rentabilité. Les tuyauteries, les installations de ventilation, l’équipement électrique et électronique et certaines installations mécaniques sont souvent fabriqués ou préparés avant l’arrivée du navire. Le préarmement et le préconditionnement des matériels exigent une étroite collaboration avec les ateliers de production.

Les travaux de réparation les plus courants

Les navires sont semblables à d’autres types de machines dans la mesure où ils nécessitent un entretien régulier et, parfois, une remise en état complète pour rester en service. De nombreux chantiers navals passent des contrats d’entretien avec des compagnies maritimes. Parmi les exemples de tâches de réparation et d’entretien, on peut citer:

Les travaux de réparation sont fréquemment motivés par une situation d’urgence et ne comportent dès lors que peu ou pas de préavis, ce qui fait de la réparation navale un environnement très changeant et imprévisible. Les navires devant subir des réparations de type courant pourront rester à quai ou en bassin de radoub entre trois jours et deux mois, alors que des réparations et des transformations importantes pourront durer une année ou même davantage.

Les gros projets de réparation et de transformation

Les contrats de refonte importante et de transformations majeures sont courants dans l’industrie de la réparation navale. La plupart de ces travaux sont réalisés par des chantiers navals qui sont aussi équipés pour construire des navires.

Voici quelques exemples de réparations majeures:

La plupart des réparations et des transformations majeures demandent un gros effort de planification et des moyens techniques importants. Elles impliqueront le plus souvent nombre d’opérations sur des pièces en acier (par exemple, le découpage de larges portions de la structure existante et la mise en place de nouvelles structures). Ces projets peuvent être subdivisés en quatre étapes principales: démolition, construction d’une nouvelle structure, armement et essais. Il est nécessaire de faire appel à des sous-traitants pour la plupart des travaux majeurs et mineurs de réparation et de transformation. Les sous-traitants apportent leur compétence dans des domaines particuliers et contribuent à répartir la charge de travail dans le chantier naval. Voici quelques-unes des tâches accomplies par les sous-traitants:

Comme pour les constructions neuves, tous les appareils et systèmes installés doivent être essayés et fonctionner correctement avant la remise du navire à l’armateur. Les exigences en matière d’essais sont généralement spécifiées dans le contrat, bien que des clauses particulières émanant d’autres sources existent. Les essais doivent être programmés, suivis pour s’assurer de leur bonne exécution et supervisés par les services compétents (qualité interne du chantier, contrôle de mise en service, agences gouvernementales, armateurs, etc.).

Il existe beaucoup d’analogies entre la construction navale et la réparation navale. Les deux processus font appel, pour l’essentiel, à des pratiques, des techniques de fabrication, des installations et des ateliers identiques. Ils requièrent tous deux une main-d’œuvre hautement spécialisée, car pour de nombreux processus, les possibilités d’automatisation restent limitées (notamment dans le domaine de la réparation navale). Tant la réparation que la construction demandent une planification, une conception technique et une communication entre services qui soient toutes d’excellente qualité. Si, à de nombreux égards, la réparation navale s’apparente à la construction navale, celle-ci exige toutefois une organisation plus poussée en raison de l’importance de la main-d’œuvre engagée et de la charge de travail, du nombre de pièces et de la complexité des communications (plans d’exécution et programmes de production, notamment) qui caractérisent l’ensemble des opérations.

Les dangers et les précautions

La construction et la réparation navales font partie des industries les plus dangereuses. En effet, le travail doit être exécuté la plupart du temps dans des situations très exposées, dans des espaces confinés ou à des hauteurs considérables. Une part importante des travaux manuels s’effectue avec un équipement et du matériel lourds. Les différentes tâches sont tellement imbriquées et sont exécutées dans une telle promiscuité qu’une opération ou un processus qui dérape peuvent mettre en danger les travailleurs impliqués dans une autre opération ou un autre processus. Par ailleurs, une grande partie du travail est réalisée en extérieur et des conditions climatiques extrêmes peuvent induire une situation dangereuse ou aggraver des conditions de travail déjà dangereuses. L’utilisation de produits chimiques, de peintures et de solvants, en particulier, peut présenter des risques considérables pour les travailleurs.

Les risques pour la santé

Les risques chimiques comprennent:

Les risques physiques comprennent:

Les mesures de prévention

Bien que la construction et la réparation navales soient une industrie très dangereuse, les dangers pour le personnel peuvent et doivent être minimisés. Cela exige essentiellement la mise en place d’un programme solide de sécurité et de santé fondé sur une coopération étroite entre la direction, les syndicats et les travailleurs.

Une fois les risques identifiés, il existe de nombreuses méthodes susceptibles de les éliminer ou de les réduire. Ces méthodes peuvent grossièrement être regroupées en plusieurs stratégies.

Les mesures de prévention technique sont mises en œuvre pour exclure ou atténuer les risques à la source. Elles devraient avoir un caractère prioritaire, car elles sont d’une grande fiabilité:

On peut également avoir recours à des mesures administratives pour limiter l’exposition du personnel placé en situation potentiellement dangereuse. On peut, par exemple, prévoir une rotation du personnel des postes à risque à des postes moins dangereux, ou encore limiter la durée du travail en cas d’expositions particulièrement dangereuses.

Dans le premier cas, la méthode présente des inconvénients, car les travailleurs doivent tous passer un certain temps aux postes à risque, ce qui double le nombre des travailleurs exposés.

Protection individuelle. La main-d’œuvre des chantiers navals doit faire un large usage des divers équipements de protection individuelle. En effet, la nature des opérations se prête mal aux moyens de prévention technique traditionnels. Un navire est constitué d’une foule d’espaces très confinés et difficiles d’accès. Un sous-marin possède de une à trois écoutilles de 75 cm de diamètre à travers lesquelles doivent passer les travailleurs chargés de son entretien et le matériel indispensable. Il est difficile d’y introduire des conduits de ventilation d’un calibre suffisant et en nombre suffisant. De même, sur les gros navires, le travail s’accomplit en profondeur à l’intérieur du bâtiment et, bien qu’une ventilation modérée puisse être insufflée jusqu’aux divers postes de travail, ses effets restent limités. De plus, les ventilateurs sont placés généralement à l’extérieur, habituellement sur un pont principal, et ont une puissance relativement faible.

La construction et la réparation navales ne s’effectuent pas sur une chaîne de montage, mais sur des lieux de travail séparés et mobiles, de sorte que les moyens techniques fixes sont difficilement praticables. Un navire peut n’être en réparation que pour quelques jours, et, là encore, la portée des mesures techniques ne peut être que limitée. Dans ces conditions, les équipements de protection individuelle sont appelés à jouer un rôle majeur.

Voici les principales applications de l’équipement de protection individuelle dans les chantiers navals:

Soudage, découpage et meulage. Les opérations essentielles de la construction et de la réparation navales sont le découpage, la mise en forme et l’assemblage des pièces d’acier et d’autres métaux. Elles donnent naissance à des fumées et à des particules de métal et d’autres matières. Bien qu’une ventilation puisse parfois être mise en place, les soudeurs doivent le plus souvent porter des appareils de protection respiratoire pour se protéger des particules et des fumées générées par le soudage. Ils doivent aussi être équipés d’une protection oculaire efficace contre les rayonnements ultraviolet et infrarouge et les projections d’éclats. Ces protections seront complétées par des gants et des combinaisons de travail à manches longues destinés à faire obstacle aux étincelles et aux particules de métal en fusion.

Décapage au jet d’abrasifs et mise en peinture. Avant de recevoir leur couche de fond, les pièces doivent être décapées au moyen d’un jet puissant formé d’abrasifs de calibre approprié afin d’assurer une bonne adhérence.

Le décapage des pièces de petites dimensions peut s’effectuer en vase clos (boîte à gants, par exemple). Les pièces plus grosses sont décapées à la main. Les opérations peuvent avoir lieu soit à l’air libre, soit dans de grandes cabines conçues à cet effet, soit encore à l’intérieur même des navires ou des sections de navires. Dans tous les cas, le personnel chargé de ce travail doit utiliser une protection intégrale, y compris une protection de l’ouïe et un appareil respiratoire à adduction d’air frais. Il doit être alimenté en air respirable sous un débit suffisant.

Dans certains pays, l’utilisation de silice cristalline a été interdite dans les travaux de décapage. En tout état de cause, son emploi est fortement déconseillé. Si l’on se sert malgré tout de matériaux contenant de la silice, il faut adopter des mesures de protection rigoureuses.

Après décapage, les pièces doivent être peintes rapidement afin d’empêcher la formation de «fleur de rouille» à la surface. Bien que le mercure, l’arsenic et d’autres métaux très toxiques n’entrent plus dans la composition des peintures, celles utilisées dans les chantiers navals contiennent généralement des solvants ainsi que des pigments comme le zinc. Plusieurs peintures sont du type époxy. Les peintres se servant de tels produits doivent être protégés et porter des combinaisons intégrales, des gants, des chaussures spéciales, une protection oculaire ainsi qu’un appareil respiratoire à adduction d’air comprimé. Parfois, les opérations de peinture doivent s’effectuer dans des espaces confinés ou clos. Dans ces cas, il faut utiliser un appareil respiratoire à adduction d’air frais et une protection intégrale. Il faut également prendre des mesures spéciales, adaptées aux espaces confinés, et prévoir des autorisations de travail.

Chutes d’objets. En raison du nombre important de grues et de la masse de travail effectué en hauteur, le port du casque est généralement exigé dans tout le périmètre d’un chantier naval.

Pose de matériaux isolants. Les canalisations et certains organes doivent être isolés afin de stabiliser leur température et de réduire la chaleur à l’intérieur du navire; dans certains cas, une isolation est également nécessaire pour atténuer le bruit. En réparation navale, l’isolation en place doit être enlevée pour permettre d’accéder aux tuyauteries et conduits visés; dans ces cas-là, on peut encore se trouver en présence d’amiante. En construction navale, en revanche, on utilise le plus souvent la fibre de verre ou des fibres minérales. Dans un cas comme dans l’autre, une protection respiratoire appropriée et une protection intégrale s’imposent.

Sources de bruit. Chacun sait combien le travail en chantier naval est bruyant. La plupart des opérations portent sur des pièces de métal et s’accompagnent de niveaux sonores dépassant les limites admissibles. Etant donné que toutes les nuisances sonores ne peuvent être contenues en deçà de ces limites par des moyens de prévention technique, une protection individuelle appropriée est indispensable.

Protection des pieds. Les chantiers navals comportent un certain nombre d’opérations qui présentent des risques d’accidents aux pieds. Etant donné qu’il est difficile et peu pratique de séparer le chantier en deux zones, celles qui sont à risque pour les pieds des autres, on exige habituellement le port de bottes ou de chaussures de sécurité dans toute l’aire de travail d’un chantier naval.

Protection oculaire. Il existe de nombreuses sources de risques de lésions oculaires dans les chantiers navals: rayonnement ultraviolet et infrarouge (soudage et oxycoupage), poussières et éclats produits lors de la mise en forme du métal ou du décapage, bains de décapage, substances caustiques, peinture au pistolet, etc. Eu égard à la nature omniprésente de ces dangers, le port de lunettes de sécurité est fréquemment exigé sur l’ensemble des aires de travail d’un chantier naval par souci de simplification pratique et administrative. A chaque tâche particulière correspond évidemment une protection oculaire appropriée.

Plomb. Pendant des années, les couches primaires et les enduits à base de plomb ont été très largement employés en construction navale. Bien que leur usage soit plutôt rare à l’heure actuelle, une quantité importante de plomb élémentaire est présente sur les chantiers qui construisent des navires à propulsion nucléaire où ce métal lourd est utilisé comme matériau de protection contre les rayonnements ionisants. Par ailleurs, les travaux de réparation navale comportent fréquemment l’élimination de couches de peinture anciennes qui contiennent souvent du plomb. Il convient de remarquer à cet égard que toute opération de réparation navale exige une bonne connaissance des matériaux utilisés antérieurement et des précautions qu’ils appellent. Ainsi, tout travail présentant un risque d’intoxication par le plomb requiert une protection individuelle intégrale comprenant combinaison, gants, casque, chaussures à semelles isolantes et protection respiratoire appropriée.

La construction de bateaux

A certains égards, les bateaux peuvent être considérés comme des navires de faible tonnage dans la mesure où les procédés utilisés pour leur construction et leur réparation sont très semblables à ceux utilisés pour les navires, mais à plus petite échelle. En général, les coques des bateaux sont en acier, en bois ou en matériaux composites. Les composites comprennent généralement des matériaux tels que les métaux renforcés par des fibres, le ciment renforcé par des fibres, le béton armé, les plastiques renforcés par des fibres et les plastiques verre-résine (Glass-reinforced Plastics — GRP). Les plastiques renforcés s’appellent aussi plastiques armés. La mise au point, au début des années cinquante, de techniques de fabrication alliant la mise en place manuelle de strates de matériaux traditionnels et de résines polyester thermodurcissables renforcées par du verre a conduit à une extension très rapide de ce mode de construction, passé de 4% dans les années cinquante à plus de 80% dans les années quatre-vingt et même davantage à l’heure actuelle.

Sur les bateaux de plus de 40 m de long, le remplacement du bois par de l’acier est la principale alternative à l’utilisation de plastiques armés. En deçà d’une longueur de 20 m, une coque en acier n’est généralement pas rentable. Les petits bateaux en acier tendent également à être trop lourds en raison de la nécessité de prévoir une surépaisseur à titre de protection anticorrosion. Cependant, pour des bateaux de plus de 40 m, le coût plus faible d’une construction soudée en acier constitue normalement un avantage considérable. Il semble peu probable que les plastiques renforcés soient plus avantageux que les structures en acier quand il s’agit de construire des bateaux de plus de 40 m de long. Toutefois, des circonstances particulières (par exemple, le transport de cargaisons en vrac de matières congelées ou de produits corrosifs, qui requiert une coque non magnétique, ou la nécessité d’alléger au maximum le navire pour des raisons de performance) pourront exiger la mise en œuvre d’autres matériaux pour la construction de la coque.

Les plastiques renforcés trouvent actuellement de très nombreuses utilisations dans la construction des hors-bord, des yachts de haute mer, des caboteurs, des navires de servitude, des bateaux-pilotes, des chaloupes transportant des passagers et des bateaux de pêche. Leur succès auprès des bateaux de pêche, pour lesquels le bois était le matériau traditionnel, est imputable aux facteurs ci-après:

Les méthodes de fabrication

La méthode de fabrication la plus répandue pour les bordés, les ponts et les cloisons des petites et grandes coques en plastiques renforcés recourt à des stratifiés monolithiques renforcés si nécessaire par des raidisseurs. Diverses méthodes de fabrication sont employées dans la construction des coques monolithiques ou sandwich.

Moulage par coulée . Ce procédé est le plus utilisé pour les coques monolithiques en plastiques armés de toutes dimensions. Il consiste à verser la matière à l’état liquide dans un moule ouvert ou femelle et à la solidifier par l’action d’un agent de durcissement ou de la chaleur, sans pression.

La préparation du moule constitue la première étape du processus. Pour les coques de taille petite ou moyenne, les moules sont habituellement fabriqués en plastiques renforcés, auquel cas un moule mâle, généralement en bois avec finitions en plastique renforcé, est d’abord assemblé. Sa surface externe définit avec précision la forme de la coque. La préparation du moule se termine généralement par un polissage à la cire et par l’application d’une couche d’alcool polyvinylique ou d’un agent de durcissement équivalent. La lamification ou stratification débute habituellement par l’application d’un enduit gélifié (gel coat) fait d’une résine de bonne qualité. La stratification se poursuit, avant le durcissement complet de cet enduit, par l’un des procédés suivants:

Par le procédé de moulage par coulée, on peut réaliser des renforcements très lourds (un grammage de 4 000 g/m2 a été utilisé avec succès, bien que 1 500 – 2 000 g/m2 aient été préférés pour une production à grande échelle) en alliant une cadence de stratification rapide à de faibles coûts de main-d’œuvre. Un procédé similaire peut être appliqué pour la construction rapide de ponts plats ou presque plats et de panneaux de cloisonnement. Il faut compter 10 semaines par coque pour l’exécution en petite série de certaines coques de 49 m, en incluant l’installation des ponts et cloisons.

Moulage par compression. Le moulage par compression consiste à charger la matière dans un moule ouvert et chauffé, puis à l’y comprimer. Il permet d’augmenter la teneur en fibres et de réduire les vides en évacuant par pression la résine excédentaire et les soufflures.

Moulage au sac sous vide. Ce procédé, qui peut être considéré comme un perfectionnement du moulage par coulée, consiste à placer sur le moule rigide une membrane flexible, séparée du stratifié non durci par une couche d’alcool polyvinylique, de polyéthylène ou d’un matériau équivalent, et à sceller les bords en faisant le vide sous la membrane jusqu’à ce que le stratifié soit soumis à une pression ne dépassant pas 1 bar. Le durcissement peut être accéléré en plaçant le composant ensaché dans une étuve ou en utilisant un moule chauffé.

Moulage en autoclave. En réalisant le moulage au sac dans un autoclave (avec des pressions de l’ordre de 5 à 15 bars et à une température élevée), on peut obtenir des teneurs en fibres plus élevées et, partant, des propriétés mécaniques meilleures.

Moulage en deux parties. La matière à mouler non durcie, qui dans le cas d’une structure d’aussi grande taille qu’une coque de bateau est constituée probablement d’un prémix (mélange de résine, de renforcements et de charges) est comprimée entre deux moules appariés, mâle et femelle, habituellement métalliques et chauffés si nécessaire. En raison du coût initial élevé des moules, ce procédé n’est avantageux que pour de grandes séries.

Enroulement filamentaire. Dans ce procédé, le produit en plastique renforcé s’obtient par l’enroulement d’un fil de base continu (stratifil) et d’un matériau de renforcement revêtu de résine sur un mandrin ou un moule sous tension contrôlée et selon une disposition déterminée.

Construction sandwich. Les coques, ponts et cloisons en sandwich peuvent être fabriqués par la méthode de moulage par coulée en utilisant des résines polyester durcissant à la température ambiante, à peu près de la même façon que les structures monolithiques. Une peau externe en plastique armé est d’abord déposée sur le moule femelle. Des bandes faites de la matière composant l’âme sont ensuite placées sur une couche de résine polyester ou époxy. La fabrication s’achève par la mise en place d’une peau interne en plastique renforcé.

Résines polyester et époxy. Les résines polyester non saturées sont de loin les matrices les plus couramment utilisées pour les stratifiés marins. Cela tient à leur coût modéré, leur facilité de mise en œuvre par différents procédés de fabrication (stratification manuelle ou projection) et leur comportement en milieu marin. Trois principaux types de ces résines sont utilisés en construction navale:

  1. Le polyester orthophtalique, fait de l’association d’anhydrides phtalique et maléique avec un glycol (généralement du propylèneglycol), représente le matériau le moins onéreux tant pour la confection des matrices que pour la fabrication des coques de petits bateaux.
  2. Le polyester isophtalique, qui contient de l’acide isophtalique en lieu et place d’anhydride phtalique, est plus cher; il est doté de propriétés mécaniques quelque peu supérieures, résiste mieux à l’eau de mer et est en général spécialement indiqué pour la construction de bateaux plus performants et pour la préparation d’enduits gélifiés marins.
  3. Les résines époxy à base de bisphénol, dans lesquels l’acide ou l’anhydride phtalique sont partiellement ou complètement remplacés par du bisphénol A, offrent (pour un coût sensiblement plus élevé) une bien meilleure résistance aux agents chimiques et à l’eau.

Les risques pour la sécurité et la santé

Une bonne partie des risques chimiques, physiques et biologiques rencontrés dans la construction des bateaux sont identiques à ceux que l’on trouve dans la construction des navires. Toutefois, l’exposition aux vapeurs de solvants et aux poussières époxy représente un souci majeur. Une exposition non contrôlée à ces agents peut entraîner des troubles du système nerveux central, des atteintes hépatique et rénale ou des réactions de sensibilisation. Les mesures de prévention à mettre en place sont, pour l’essentiel, les mêmes que celles décrites plus haut dans la section consacrée à la construction et à la réparation des navires, qu’il s’agisse de moyens de prévention technique, de mesures administratives ou de protection individuelle.

LES PROBLÈMES D’ENVIRONNEMENT ET DE SANTÉ PUBLIQUE

Frank H. Thorn, Page Ayres et Logan C. Shelman

Les réglementations relatives aux émissions dans l’air, au déversement dans les eaux et aux déchets ont pour objectif premier de protéger la santé publique et d’assurer le bien-être général de la population. D’une façon générale, on entend par «population» l’ensemble des individus qui vivent ou travaillent dans la zone où se trouve le chantier considéré. Cependant, les vents peuvent transporter des polluants de l’air d’une zone à une autre au-delà même des frontières nationales; les déversements dans les eaux peuvent également voyager dans les eaux territoriales ou extraterritoriales; et les déchets peuvent être acheminés par navire à travers le pays ou de par le monde.

Les chantiers navals réalisent un grand nombre d’opérations au cours du processus de construction ou de réparation des navires et des bateaux. Nombreuses sont celles qui émettent des polluants pour l’eau et pour l’air dont on connaît ou dont on suspecte les effets néfastes sur les êtres humains et qui se manifestent par des atteintes physiologiques ou métaboliques directes, telles que le cancer ou le saturnisme. Les polluants peuvent aussi agir indirectement en tant que mutagènes (qui affectent les générations futures en détériorant la biochimie de la reproduction) ou en tant que tératogènes (qui atteignent le fœtus après la conception).

Les polluants de l’air et de l’eau sont tous deux susceptibles d’avoir des effets secondaires sur les humains. Les polluants de l’air peuvent retomber dans l’eau, affecter la qualité des eaux réceptrices ou les cultures, avec toutes les conséquences que cela peut avoir pour le consommateur. Les polluants déversés directement dans les eaux peuvent dégrader la qualité de l’eau au point que l’on ne puisse la boire ou y nager sans risque pour la santé. La pollution de l’eau, du sol et de l’air par le déversement de polluants peut aussi contaminer la faune marine et, finalement, affecter la santé des humains.

La qualité de l’air

Pratiquement toutes les opérations relatives à la construction, à l’entretien et à la réparation des navires et des bateaux peuvent produire des émissions dans l’air. Parmi les polluants de l’air qui font l’objet d’une réglementation dans de nombreux pays, on peut citer les oxydes de soufre, les oxydes d’azote, le monoxyde de carbone, diverses particules (fumée, suie, poussière, etc.), le plomb et les composés organiques volatils. Les activités de construction et de réparation navales responsables des polluants à base d’oxydes sont notamment les sources de combustion telles que les chaudières et les sources de chaleur pour le traitement du métal, les générateurs et les foyers. Les particules proviennent de la fumée de combustion, ainsi que de la poussière produite lors des travaux sur bois, le décapage par sablage ou grenaillage, le meulage et le polissage.

Dans certains cas, des lingots de plomb doivent être partiellement fondus avant d’être remodelés pour la protection contre les rayonnements sur les navires à propulsion nucléaire. Les peintures décapées des navires en réfection ou en réparation peuvent aussi contenir des poussières de plomb.

Les polluants de l’air dangereux sont les composés chimiques reconnus comme étant nocifs pour les humains ou suspectés de l’être. Ils sont produits à l’occasion de nombreuses opérations effectuées dans les chantiers navals, telles que la fonderie ou les opérations de galvanoplastie, qui peuvent dégager des émanations de chrome et d’autres composés métalliques.

Certains composés organiques volatils, tels que le naphte et l’alcool, utilisés comme solvants pour peintures, comme diluants et nettoyants, ou qui entrent dans la composition de nombreux adhésifs et colles ne sont pas dangereux. En revanche, d’autres solvants employés principalement dans les opérations de peinture, tels que le xylène et le toluène, ainsi que certains composés chlorurés employés le plus souvent comme solvants et nettoyants, notamment le trichloroéthylène, le chlorure de méthylène et le 1,1,1-trichloroéthane, sont de dangereux polluants de l’air.

La qualité de l’eau

Les navires et les bateaux étant construits sur des voies navigables, les chantiers navals sont tenus de se conformer aux critères de qualité des eaux précisés dans les permis exigés par la réglementation pour toutes les eaux usées industrielles qui se déversent dans les eaux avoisinantes. Ainsi, la plupart des chantiers navals américains appliquent un programme appelé «Best Management Practices» (Pratiques de bonne gestion), qui est considéré comme l’un des meilleurs documents de référence en ce qui concerne les techniques que doivent appliquer les chantiers navals pour satisfaire aux conditions requises par les permis de délestage. Une autre technique de contrôle utilisée dans les chantiers navals pourvus de cales sèches est le système de barrage et de chicane : le barrage empêche les solides d’arriver au puisard et d’être ensuite rejetés dans les eaux avoisinantes, et le système de chicane empêche l’huile et les débris flottants d’arriver jusqu’au puisard.

La surveillance des eaux d’orage est une autre obligation qui a été ajoutée à de nombreux permis de chantier. Les installations doivent être dotées d’un plan de prévention contre la pollution des eaux d’orage mettant en œuvre différentes techniques de contrôle pour empêcher les polluants d’aller dans les eaux avoisinantes chaque fois qu’il pleut.

Beaucoup de chantiers navals délestent aussi une partie de leurs eaux industrielles usées dans les égouts. Ils sont alors tenus de se conformer aux critères de qualité de l’eau qu’imposent les réglementations locales en matière d’évacuation des eaux usées. Certains chantiers navals choisissent de construire leurs propres usines de traitement préliminaire des eaux usées répondant aux critères locaux de qualité de l’eau. Il en existe deux types; l’un est surtout destiné à éliminer les métaux toxiques, l’autre, essentiellement les dérivés de pétrole.

La gestion des déchets

Chaque étape du processus de la construction navale produit ses propres types de déchets qui doivent être éliminés conformément aux réglementations. Le découpage et la mise en forme de l’acier génèrent des déchets tels que de la mitraille produite au cours du découpage et de la mise en forme des tôles d’acier, de la peinture et des solvants au cours du revêtement de l’acier, et de l’abrasif usagé résultant de l’élimination de l’oxydation ou des revêtements superflus. La mitraille ne présente aucun risque intrinsèque pour l’environnement et elle peut être recyclée. En revanche, les déchets de peinture et de solvants sont inflammables et l’abrasif usagé peut être toxique selon les caractéristiques du revêtement abrasé.

Pendant la fabrication des modules d’acier, on y ajoute toute la tuyauterie. La préparation de la tuyauterie pour les modules génère des déchets tels que des eaux usées acides et caustiques provenant des opérations de nettoyage des tuyaux. Ces eaux usées requièrent un traitement particulier pour les débarrasser de leurs propriétés corrosives et pour en éliminer les polluants tels que l’huile et les impuretés.

Les éléments qui composent les circuits électriques, la machinerie, la tuyauterie et la ventilation pour l’armement du navire sont préparés en même temps que la fabrication de l’acier. Cette phase de préparation de l’armement engendre, elle aussi, des déchets tels que les lubrifiants et les produits de refroidissement utilisés lors du découpage du métal, des substances de dégraissage et des eaux usées de galvanoplastie. Tous ces produits doivent être traités pour en éliminer les impuretés et les huiles avant d’être déversés. Les eaux usées de galvanoplastie sont toxiques et peuvent contenir des composés de cyanure qui demandent un traitement spécial.

Les navires nécessitant des réparations doivent généralement décharger les déchets accumulés au cours de leur croisière. Les eaux de cale usées doivent être traitées pour en éliminer l’huile. Les eaux usées sanitaires doivent être déversées dans un système d’évacuation spécial pour traitement biologique. Même les ordures et autres déchets peuvent aussi faire l’objet d’un traitement particulier pour respecter les règlements destinés à empêcher l’introduction de plantes et d’animaux étrangers.

RÉFÉRENCES COMPLÉMENTAIRES

Bureau international du Travail (BIT), 2000: Impact dans le domaine social et du travail de la mondialisation dans le secteur de la fabrication du matériel de transport: rapport soumis aux fins de discussion à la Réunion tripartite sur l’impact dans le domaine social et du travail de la mondialisation dans le secteur de la fabrication du matériel de transport, Genève, 8-12 mai 2000 (Genève).

—. 2000: The shipbreakers [vidéo] , vidéocassette (23 minutes) (Genève).

Institut national de recherche et de sécurité (INRS), 1999: Soudage et coupage au chalumeau , ED 742 (Paris).

National Shipbuilding Research Program (NSRP), 1993: Introduction to Production Processes and Facilities in the Steel Shipbuilding and Repair Industry, NSRP 0382 (Arlington,Virginie, Office of Naval Research).

—. 1995: Characterizing Shipyard Welding Emissions and Associated Control Options, NSRP 0457 (Arlington, Virginie, Office of Naval Research).

Smith, C.S., 1990: Design of Marine Structures in Composite Materials (Londres et New York, Elsevier Applied Science).

Todd, W.F. et Shulman, S.A., 1984: «Control of styrene vapor in a large fiberglass boat manufacturing operation», American Industrial Hygiene Association Journal , vol. 45, no 12, pp. 817-825.