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Chapitre 67 - L'industrie alimentaire

GÉNÉRALITÉS ET EFFETS SUR LA SANTÉ

LES PROCÉDÉS UTILISÉS DANS L’INDUSTRIE ALIMENTAIRE

M. Malagié, G. Jensen, J.C. Graham et Donald L. Smith*

* Adapté des articles «Industries de l'alimentation», par M. Malgié; «Congélation des aliments», par G. Jensen; et «Conseils alimentaires», par J.C. Graham, publiés dans la 3e édition de l'Encyclopaedia of Occupational Health and Safety, et révisés par Donald L. Smith.

La dénomination «industries alimentaires» recouvre toute une série d’activités industrielles visant au traitement, à la préparation, à la transformation, à la conservation et au conditionnement des denrées destinées à l’alimentation humaine (voir tableau 67.1). D’origine végétale ou animale, les matières premières utilisées proviennent de l’agriculture, de l’élevage et de la pêche. Cet article se limite à une vue d’ensemble de ces branches; d’autres textes de l’Encyclopédie traitent plus spécialement de certains secteurs alimentaires et de risques particuliers.

Tableau 67.1 Matières premières et procédés utilisés dans les industries alimentaires

Type d’industrie

Produits mis en œuvre

Conditions de stockage

Modes de transformation

Modes de conservation

Conditionnement des produits finis

Traitement et conservation de la viande

Bœuf, agneau, porc, volaille

Chambres froides

Abattage, dépeçage, désossage, broyage fin, cuisson

Salaison, fumaison, réfrigération, surgélation, stérilisation

Vrac, boîtes métalliques, cartons

Traitement du poisson

Toutes les espèces de poissons

Chambres froides, en vrac (après salage), en tonneaux

Etêtage, vidage, prélèvement des filets, cuisson

Surgélation, séchage, fumaison, stérilisation

Vrac (en conteneurs réfrigérés), boîtes métalliques

Conservation des fruits et légumes

Fruits et légumes frais

Traitement immédiat.
Eventuellement, pour les fruits, stabilisation au dioxyde de soufre

Blanchiment ou cuisson, broyage, concentration des jus sous vide

Stérilisation, pasteurisation, séchage, déshydratation, lyophilisation (dessiccation par le froid)

Sachets, boîtes métalliques, bouteilles en verre ou en plastique

Meunerie

Céréales

Silos. Eventuelles fumigations pendant le stockage

Broyage, mouture, blutage

Etuvage, cuisson

Silos (transportés par des convoyeurs pneumatiques), sacs (destinés à d’autres traitements), boîtes (pour le commerce de détail)

Boulangerie

Farine, autres matières sèches, eau, huiles

Silos, sacs — gros ou géants

Pétrissage, fermentation, laminage, traitements de surface, assaisonnements

Cuisson, entaillage de la surface, emballage

Emballage pour le commerce de gros, les restaurants et la grande distribution

Biscuiterie

Farine, crème, beurre, sucre, fruits, épices

Silos, sacs — gros ou géants

Malaxage, pétrissage, laminage, façonnage

Cuisson, entaillage de la surface, emballage

Sacs, boîtes (pour les collectivités et le commerce de détail)

Fabrication de pâtes alimentaires

Farine, œufs

Silos

Pétrissage, mouture, filage ou moulage

Séchage

Sacs, paquets

Sucrerie et raffinerie

Betterave à sucre, canne à sucre

Silos

Broyage, macération, concentration sous vide, centrifugation, séchage

Cuisson sous vide

Sacs, paquets

Chocolaterie et confiserie

Fèves de cacao, sucre, graisses

Silos, sacs, chambres conditionnées

Torréfaction, broyage, mélange, conchage, moulage

Paquets

Brasserie

Orge, houblon

Silos, foudres, caves conditionnées

Concassage du grain, maltage, brassage, filtration, fermentation

Pasteurisation

Bouteilles, boîtes, fûts

Distillerie et fabrique d’autres boissons

Fruits, céréales, eau gazeuse

Silos, citernes

Distillation, assemblage, gazéification

Pasteurisation

Fûts, bouteilles, boîtes

Laiterie et fabrication de produits laitiers

Lait, sucre, autres ingrédients

Traitement immédiat. Ensuite, cuves d’affinage, cuves conditionnées, chambres froides

Ecrémage, barattage (beurre), emprésurage (fromage), affinage

Pasteurisation, stérilisation ou concentration, dessiccation

Bouteilles, emballages plastifiés, boîtes (fromage) ou non conditionnés

Fabrication des huiles et des graisses

Arachides, olives, dattes, autres fruits et graines, graisses animales ou végétales

Silos, citernes, chambres froides

Broyage, extraction par un solvant ou par la vapeur, filtration

Pasteurisation, si nécessaire

Bouteilles, paquets, boîtes

Aujourd’hui, l’industrie alimentaire est hautement diversifiée; ses établissements vont de la petite exploitation familiale traditionnelle, qui exige une importante main-d’œuvre, à l’usine fortement mécanisée, fondée sur le grand capital. Nombre d’industries alimentaires dépendent presque exclusivement de l’agriculture ou de la pêche locales. Autrefois, une telle dépendance supposait une production saisonnière et l’embauchage de travailleurs saisonniers. Les progrès techniques en matière de fabrication et de conservation ont libéré les travailleurs de l’obligation de traiter les produits alimentaires rapidement afin d’éviter qu’ils se gâtent. Cette évolution a entraîné une baisse des emplois de ce type même si certains secteurs continuent encore à avoir des activités rythmées par les saisons: c’est le cas pour les fruits et les légumes. D’autres connaissent une hausse de production au moment des vacances comme la boulangerie et la chocolaterie. Les saisonniers sont souvent des femmes et des travailleurs étrangers.

La production mondiale de denrées alimentaires n’a cessé de croître. Les exportations de produits alimentaires dans le monde ont atteint, en 1989, 290 milliards de dollars E.-U., ce qui correspond à une augmentation de 30% par rapport à 1981. A eux seuls, les pays industriels à économie de marché ont assuré 67% de ces exportations. Une large part de cette augmentation est due à la demande accrue de denrées et de boissons, notamment dans les pays en développement où le marché n’est pas encore saturé.

L’essor de la production de denrées et de boissons ne s’est, toutefois, pas traduit par un accroissement de l’emploi. La raison en revient à la concurrence, de plus en plus vive, qui a entraîné une intensification de la production, un renforcement de la mécanisation et, de ce fait, une réduction de la main-d’œuvre dans de nombreux secteurs alimentaires, en particulier dans les pays industriels.

La poussée démographique, l’inégale répartition des ressources agricoles et la nécessité de garantir la conservation des produits pour en faciliter la distribution expliquent la rapide évolution technique dans les industries alimentaires. Les constantes pressions économiques et commerciales imposent à l’industrie de fournir le marché en produits nouveaux et variés, alors que, parallèlement, elle peut continuer à fabriquer un même produit de façon immuable pendant des décennies. Il arrive souvent que des entreprises industrielles de pointe aient recours à des techniques apparemment dépassées pour lancer de nouveaux produits ou de nouveaux processus de fabrication. En pratique, pour satisfaire les besoins des populations, il faut garantir une quantité suffisante de denrées alimentaires — ce qui implique une augmentation de la production —, mais il faut aussi, pour obtenir la qualité indispensable au maintien de la santé collective, assurer un contrôle rigoureux de l’hygiène. Seule une modernisation des techniques, motivée par un volume important dans un cadre de production permanent, est de nature à éliminer les risques inhérents à la manutention manuelle. Malgré l’extrême diversité des industries alimentaires, les étapes du traitement peuvent se répartir en manutention et stockage des matières premières, extraction, transformation, conservation et conditionnement.

La manutention et le stockage

La manutention se présente diversement selon qu’il s’agit de matières premières, de produits en cours de transformation ou de produits finis. On tend généralement à réduire la manutention manuelle par la mécanisation, plus précisément par la fabrication en continu et par l’automatisation. La manutention mécanique fait appel à des chariots automoteurs avec ou sans palettisation pour le transport à l’intérieur de l’usine — il peut s’agir de sacs plus ou moins volumineux contenant souvent plusieurs milliers de kilogrammes de produits pulvérulents; de transporteurs à bande (pour les betteraves, les céréales, les fruits, etc.); d’élévateurs à godets (pour les céréales, les poissons, etc.); de transporteurs à vis (pour la confiserie, la farine, etc.); d’installations de transport pneumatique (pour le déchargement des céréales, du sucre ou des noix, pour le transport des farines, etc.).

Le stockage des matières premières est très important dans l’industrie à caractère saisonnier (raffinerie de sucre, brasserie, minoterie, conserverie, etc.). Il se fait généralement en silos, citernes, caves, bacs ou chambres froides. Le stockage des produits finis dépend de leur nature (solide ou liquide), de la méthode de conservation et du mode de conditionnement (vrac, sacs — gros ou géants —, paquets, boîtes ou bouteilles); les locaux correspondants doivent être conçus pour répondre aux conditions de manutention et de conservation (couloirs de circulation, facilité d’accès, température et hygrométrie adaptées aux produits, installations frigorifiques). Les denrées peuvent être soumises à une atmosphère pauvre en oxygène ou à une fumigation pendant leur stockage ou juste avant leur chargement.

L’extraction

Pour extraire un produit alimentaire donné à partir de fruits, de céréales ou de liquides, on peut recourir à plusieurs procédés: le broyage, le concassage, la mouture, l’extraction par la chaleur (directe ou indirecte), l’extraction par des solvants, la dessiccation et la filtration.

Le broyage, le concassage et la mouture sont le plus souvent des opérations préparatoires; il en est ainsi pour le concassage des fèves de cacao et le découpage des betteraves à sucre en cossettes. Dans d’autres cas, le procédé d’extraction se suffit à lui-même, comme la mouture en meunerie.

La chaleur peut être utilisée directement pour préparer le produit à l’extraction, par exemple dans la torréfaction (cacao, café, chicorée). Mais, le plus souvent, elle intervient, directement ou indirectement, sous forme de vapeur; c’est ce qui se produit dans l’extraction des huiles comestibles ou dans celle du jus sucré des cossettes de betteraves en sucrerie.

L’extraction des huiles peut également se faire par traitement des fruits broyés à l’aide de solvants, lesquels sont ensuite éliminés par filtration et réchauffage. La séparation des produits liquides est réalisée soit par centrifugation (turbines en sucrerie), soit par filtration (filtres-presses en brasserie, ainsi que pour la production de l’huile et des graisses).

Les procédés de transformation

Les opérations de transformation des aliments sont extrêmement variées et ne peuvent être décrites que dans l’étude particulière de chacune des branches. D’une manière générale cependant, les procédés utilisés sont la fermentation, la cuisson, la déshydratation et la distillation.

Communément obtenue par addition d’un micro-organisme au produit préalablement préparé, la fermentation est pratiquée en boulangerie, en brasserie, dans la production des vins et des spiritueux et en fromagerie (voir chapitre no 65, «L’industrie des boissons»).

La cuisson participe à de nombreuses opérations de fabrication: la mise en boîtes et la conservation de la viande, du poisson, des légumes et des fruits; la transformation de la viande en produits «prêts à consommer» (pépites de poulet, par exemple); en boulangerie, biscuiterie, brasserie, etc. Dans d’autres cas, la cuisson s’effectue sous vide et permet d’obtenir une concentration du produit (raffinage du sucre, fabrication du concentré de tomate, par exemple).

Mis à part le séchage au soleil, auquel on a recours pour de nombreux fruits exotiques, la déshydratation peut être réalisée de diverses façons: séchage à l’air chaud, à l’aide de séchoirs fixes ou de tunnels sécheurs; séchage par contact, sur un tambour de séchage chauffé à la vapeur, comme pour la fabrication du café soluble et pour celle du thé; dessiccation sous vide, souvent associée à une filtration; lyophilisation, ou dessiccation par le froid, le produit étant congelé avant d’être séché sous vide dans une pièce chauffée.

La distillation intervient dans la fabrication des spiritueux: le liquide fermenté, obtenu à partir de grains ou de fruits, est vaporisé dans un alambic; la vapeur condensée est ensuite recueillie sous forme d’alcool éthylique.

Les procédés de conservation

Il importe d’empêcher toute altération des produits alimentaires, à la fois pour assurer leur qualité, mais aussi pour prévenir le risque, plus grave, de contamination ou d’atteinte à la santé des consommateurs.

Il existe six méthodes fondamentales de conservation des aliments:

  1. la stérilisation par la chaleur;
  2. la stérilisation par irradiation;
  3. la stérilisation par addition d’antibiotiques;
  4. l’action chimique;
  5. la déshydratation;
  6. la conservation par le froid.

On peut dire, sans entrer dans les détails, que les trois premières méthodes détruisent les micro-organismes et que les trois dernières en inhibent le développement. Les denrées crues, comme les poissons, les viandes, les fruits ou les légumes, sont prises à l’état frais et conservées par l’un ou l’autre procédé. On peut aussi traiter un mélange de produits, le transformer en plat préparé, puis le conserver. Les potages, les viandes cuisinées et les desserts appartiennent à cette catégorie.

La conservation de la nourriture remonte à la dernière période glaciaire, vers 15 000 ans avant J.-C., lorsque l’homme de Cro-Magnon découvrit le séchage par fumage. En témoignent les sculptures, gravures et peintures qui nous sont parvenues, notamment dans les grottes de la région des Eyzies-de-Tayac-Sireuil en Dordogne (France). Depuis ces temps reculés, de nombreuses autres méthodes ont vu le jour. Toutefois, la cuisson reste la technique de base de la conservation des aliments.

Les procédés à haute température peuvent, selon la température et la durée de cuisson, détruire entièrement les bactéries. La stérilisation (surtout pratiquée dans les conserveries) consiste à soumettre les produits, préalablement mis en boîtes, à l’action de la vapeur, généralement dans un récipient hermétiquement clos tel qu’un autoclave ou un cuiseur en continu. La pasteurisation — le terme est réservé à des liquides tels que les jus de fruit, la bière, le lait et la crème — s’effectue à une température plus basse et en un temps plus court. Le fumage, employé essentiellement pour les poissons et les viandes, assure la dessiccation du produit et lui confère un goût particulier.

La stérilisation par rayonnements ionisants est très utilisée pour les épices, dans certains pays, car elle permet de réduire les pertes et les déchets. «La pasteurisation par irradiation», qui met en œuvre des doses bien plus faibles, allonge très sensiblement la durée de conservation de nombreux aliments réfrigérés. Il faut toutefois noter que la stérilisation des conserves par rayonnement requiert des doses telles que la saveur et l’odeur en sont inacceptables. Les rayonnements ionisants se prêtent à deux autres utilisations dans l’industrie alimentaire: la détection de corps étrangers dans les denrées emballées et celle d’éventuels défauts de remplissage.

Couramment utilisée dans le secteur alimentaire, la stérilisation par micro-ondes a recours au rayonnement électromagnétique; elle a pour fonction de dégeler rapidement des ingrédients congelés crus ou de chauffer, en deux à trois minutes, des aliments cuits congelés. Cette méthode, qui s’accompagne d’une perte hydrique infime, préserve l’aspect des produits et n’en altère pas le goût.

Le séchage est un procédé de conservation courant. Le séchage au soleil demeure la formule la plus ancienne et la plus répandue. Aujourd’hui, les denrées peuvent être séchées par ventilation d’air sec, à la vapeur surchauffée, sous vide, en atmosphère inerte ou par chauffage direct. Il existe de nombreux types d’étuves, le choix du modèle dépendant de l’aliment à conserver, de la forme qu’on souhaite lui donner, etc. La déshydratation, quant à elle, consiste à faire passer l’aliment dans un courant d’air chaud et sec, qui se charge de son humidité, la vapeur d’eau étant ensuite entraînée par l’air.

Les modes de conservation qui font intervenir le froid comportent l’entreposage en chambre froide (la température est déterminée par la nature des produits), la congélation et la surgélation, cette dernière permettant aux aliments de garder leur fraîcheur initiale, grâce à diverses méthodes de refroidissement, plus ou moins rapides.

La cryodessiccation consiste à congeler le produit, puis à le placer dans une chambre à vide, sous pression réduite, maintenue à moins de 1 mm Hg, et à le chauffer, afin de faire fondre la glace superficielle et d’évacuer la vapeur en laquelle elle se transforme aussitôt. Au fur et à mesure qu’elle disparaît, la glace est sublimée et l’eau de constitution résiduelle remonte à la surface du produit à travers sa structure poreuse.

Les denrées à degré d’humidité moyen présentent une teneur en eau relativement élevée (5 à 30%). Elles ne tolèrent pas, cependant, une croissance microbienne. La technique complexe de conservation qui leur est appliquée est dérivée de l’astronautique. La stabilité des produits en stockage ouvert est assurée par un contrôle approprié de l’acidité, du potentiel redox, des agents humectants et des conservateurs. La plupart des applications actuelles concernent les aliments pour animaux de compagnie.

Quel que soit le mode de conservation, les aliments sont d’abord préparés. Les conserveries de viande disposent d’une section boucherie. Les poissons doivent être nettoyés, vidés, débités en filets, salés, etc. Avant que les fruits et les légumes puissent être conservés, il est indispensable qu’ils soient lavés, nettoyés, blanchis, éventuellement triés, pelés, égrappés, décortiqués, dénoyautés, etc. Beaucoup d’aliments sont hachés, coupés en tranches, émincés ou pressés.

Le conditionnement

Il existe de nombreuses techniques de conditionnement, par exemple, la mise en boîtes, la conservation aseptique et la congélation.

La mise en boîtes

La méthode traditionnelle de la mise en boîtes repose sur l’invention du Français Nicolas Appert, auquel le gouvernement de la France décerna en 1810 un prix de 12 000 francs. Ce pionnier stérilisait les aliments dans des bocaux en verre. C’est à Dartford (Angleterre), en 1812, que Bryan Donkin et John Hall fondèrent la première fabrique de conserves utilisant un emballage en fer-blanc.

Aujourd’hui, l’industrie des conserves emploie plusieurs millions de tonnes de fer-blanc, chaque année, dans le monde. Le conditionnement en bocaux en verre reste néanmoins pratiqué pour une part non négligeable de la conserverie. La mise en boîtes consiste à placer des aliments lavés, crus ou partiellement cuits, mais non intentionnellement stérilisés, dans des boîtes fermées par un couvercle soudé. Les boîtes sont chauffées, généralement à la vapeur et sous pression, à une certaine température et pendant une durée déterminée, de façon que la chaleur pénètre bien jusqu’au cœur et détruise les micro-organismes. Les boîtes sont ensuite refroidies, à l’air ou dans de l’eau chlorée, puis étiquetées et emballées.

Au fil des années, le procédé a évolué. Des stérilisateurs continus sont apparus, dans lesquels les boîtes subissent moins de chocs et qui permettent le refroidissement et le séchage en atmosphère close. Les denrées alimentaires peuvent également subir un traitement thermique dans des sachets stérilisables en autoclave. Ce sont des sacs de petite section, faits de lamelles d’aluminium et de plastique scellable à la chaleur. Le traitement est identique à celui de la mise en boîtes classique, mais les produits doivent présenter des qualités de goût supérieures, car le temps de stérilisation peut être réduit. Un contrôle extrêmement attentif du procédé permet d’éviter toute défectuosité au niveau de la fermeture thermique et donc d’empêcher une contamination bactérienne.

Le conditionnement aseptique

Des progrès sont intervenus dans le conditionnement aseptique des aliments. Le procédé est fondamentalement différent de la mise en boîtes traditionnelle. Dans la méthode aseptique, le contenant et son couvercle sont stérilisés séparément, le remplissage et le sertissage du contenant s’effectuent en atmosphère stérile. La qualité du produit est optimale, car le traitement de ce produit par la chaleur peut être rigoureusement contrôlé et ne dépend ni de la taille ni du matériau du contenant. L’exposition du personnel aux agents stérilisateurs est ici importante. Selon toute vraisemblance, ce procédé est appelé à se développer dans la mesure où il permet des économies de main-d’œuvre. A ce jour, le progrès le plus important concerne les liquides et purées stérilisés par le procédé UHT (ultra haute température), qui consiste à porter un produit à haute température pendant quelques secondes. Une évolution est prévisible pour des denrées particulières. Ainsi les usines alimentaires seront-elles moins bruyantes lorsque les récipients en métal rigide auront été remplacés. Sans compter que ces récipients peuvent être à l’origine de problèmes de contamination des aliments conservés, par le plomb ou l’étain. On s’efforce d’y remédier par l’emploi de nouveaux contenants: les uns, en deux parties, faits de fer-blanc verni, et les autres, en trois parties, dont les joints latéraux sont sertis à chaud au lieu d’être soudés.

Le conditionnement par congélation

L’industrie de la congélation utilise toutes les méthodes de surgélation des aliments frais; elle consiste à abaisser leur température au-dessous de leur point de congélation, ce qui entraîne la formation de cristaux de glace dans les tissus contenant de l’eau. Les aliments sont congelés tels quels ou partiellement cuits (par exemple, les quartiers de viande, les plats de viande préparés, les poissons et les produits à base de poisson, les légumes, les fruits, les volailles, les œufs, les mets cuisinés, le pain et les gâteaux). Les denrées périssables congelées peuvent supporter de longs trajets et être stockées en vue d’être transformées ou vendues à la demande; les produits saisonniers sont ainsi disponibles à tout moment de l’année.

Les aliments destinés à la congélation doivent être d’une qualité irréprochable et préparés sous contrôle sanitaire rigoureux. Les emballages doivent être imperméables à la vapeur et aux odeurs et résister aux basses températures. La vitesse de l’abaissement de la température influe sur la qualité du produit; si elle est trop lente, les tissus peuvent être détériorés par des cristaux trop gros, et les enzymes et les micro-organismes détruits. Les denrées de petit volume, comme les crevettes ou les petits pois, peuvent être congelées rapidement, ce qui contribue à en améliorer la qualité.

Il existe divers procédés de congélation: à l’air, par air pulsé, en lit fluidisé, par trempage dans un bain liquide, par contact dans des appareils à plateaux, par pulvérisation d’un gaz liquéfié et, enfin, par déshydratation-congélation.

La congélation à l’air, sous sa forme la plus simple, consiste à entreposer les aliments sur des plateaux, eux-mêmes placés sur les rayonnages d’une chambre froide, à une température d’environ –30 °C et pendant une durée qui, selon la taille des denrées, varie de quelques heures à trois jours. Plus complexe, la congélation par air pulsé utilise un courant d’air froid circulant à grande vitesse et qui est parfois associé à des serpentins de refroidissement; cet air pulsé élimine la chaleur par rayonnement. Les températures se situent entre –40 et –50 °C, la vitesse maximale du courant d’air est de 5 m/s. La congélation par air pulsé peut être effectuée dans des tunnels de congélation souvent équipés de convoyeurs pour l’acheminement des aliments vers les entrepôts frigorifiques. Quand le tunnel et l’entrepôt sont contigus, le tunnel est souvent fermé par un rideau d’air en guise de porte.

La congélation en lit fluidisé est employée pour les légumes coupés en morceaux ou émincés, les petits pois, etc. Les aliments sont placés sur un tapis perforé à travers lequel circule un courant d’air. Chaque article se trouve recouvert de glace; ainsi conserve-t-il sa forme et sa texture. Les légumes congelés sont entreposés dans de vastes conteneurs, puis, au fur et à mesure des besoins, conditionnés en petits paquets. La congélation par trempage dans un bain liquide est l’une des méthodes les plus anciennes. Les aliments, généralement du poisson, sont immergés dans une forte solution de saumure. Le sel peut pénétrer les denrées non emballées et même à l’intérieur des emballages, ce qui nuit à la saveur et accélère le rancissement. Pour ces raisons, ce procédé avait régressé. Il connaît aujourd’hui un regain de faveur grâce à la mise au point d’emballages en matière plastique plus isolants. Les volailles sont congelées selon une méthode qui combine cette congélation par trempage dans un bain liquide et la congélation à l’air. Chaque volatile, emballé dans du polyéthylène ou dans une matière similaire, est d’abord congelé en surface, par pulvérisation ou par immersion dans un liquide, puis congelé intérieurement par ventilation d’air froid.

La congélation par contact intervient couramment dans le cas de denrées emballées dans des cartons. Les cartons sont posés entre des rayonnages évidés à travers lesquels circule un fluide réfrigérant; les rayonnages sont collés aux cartons, généralement par pression hydraulique.

Dans la congélation par pulvérisation d’un gaz liquéfié, le produit est placé sur une bande transporteuse qui traverse soit un bac d’azote liquide (ou de dioxyde de carbone liquéfié), soit un tunnel dans lequel de l’azote liquide est pulvérisé. La congélation se faisant à une température pouvant atteindre –196 °C, le procédé n’est pas applicable à tous les produits, ni à tous les emballages. La déshydratation-congélation, qui élimine une partie de l’eau avant la congélation, est pratiquée pour certains légumes ou fruits. Elle réduit considérablement le poids du produit et, par conséquent, diminue les coûts de transport, d’entreposage et d’emballage.

Pour l’entreposage au froid, il convient de maintenir la température entre –25 et –30 °C, ainsi que d’assurer une bonne circulation de l’air. Les produits alimentaires congelés sont transportés dans des wagons, des camions, des navires, etc. équipés d’installations frigorifiques. Lors du chargement et du déchargement, leur exposition à la chaleur doit être réduite le plus possible. D’ordinaire, les usines de denrées congelées se chargent aussi de la préparation des produits bruts, mais ce n’est pas toujours le cas. En ce qui concerne la viande de bœuf et les volailles, le dioxyde de carbone est souvent utilisé pour refroidir et conserver les produits au cours de leur expédition.

Les risques et leur prévention

Les risques d’accidents

Les causes d’accidents les plus courantes dans l’industrie alimentaire sont la manipulation d’ustensiles manuels, notamment des couteaux; le travail sur machines; la collision avec des objets en mouvement ou fixes; les chutes ou les glissades; les brûlures.

Les blessures dues à l’utilisation de couteaux pour la préparation de la viande et du poisson peuvent être limitées par la conception du poste de travail et par son entretien, par le choix du couteau le mieux adapté à ce travail, par la fourniture de gants et de tabliers de protection solides, ainsi que par la formation des travailleurs à l’aiguisage et au maniement des couteaux. Pour être mécaniques, les appareils de découpage n’en sont pas moins dangereux; un entretien vigilant et une formation appropriée du personnel sont nécessaires pour prévenir tout risque (voir figure 67.1).

Figure 67.1 Découpage de viande de baleine congelée, Japon, 1989

Figure 67.1

Bien qu’ils soient relativement rares, les accidents dus aux mécanismes de transmission peuvent être graves. Les risques liés aux machines et aux systèmes de manutention doivent faire l’objet d’études particulières en fonction de la branche. Les problèmes de manutention peuvent être abordés à partir de l’histoire des accidents survenus dans chacun des processus; une solution peut y être apportée grâce à l’emploi de protections individuelles efficaces pour les pieds, les jambes, les mains, les bras, les yeux et le visage. Les risques liés aux machines peuvent être évités par une protection sûre des installations. Les dispositifs de manutention mécanique, notamment les convoyeurs, sont extrêmement courants, et les pinces en mouvement méritent une attention toute particulière. Les machines utilisées pour le remplissage et la fermeture des contenants doivent être encoffrées, à l’exception des ouvertures permettant l’arrivée et la sortie des produits. Les accès aux bandes transporteuses, aux tambours, aux poulies et à l’engrenage doivent être rigoureusement protégés. Pour éliminer le risque de coupures lors de la mise en boîtes, par exemple, des moyens doivent être mis en œuvre qui évacuent les déchets métalliques ou le verre brisé. Les très graves lésions provoquées par le démarrage intempestif du mécanisme de transmission, au cours du nettoyage ou de l’entretien, peuvent être évitées par une procédure stricte d’interdiction d’accès par verrouillage/affichage.

Les chutes résultent, la plupart du temps, des circonstances ci-après:

Il n’est pas rare de se brûler ou de s’ébouillanter au contact de liquides très chauds, d’appareils de cuisson, voire de la vapeur et de l’eau chaude utilisées pour nettoyer le matériel. Des accidents plus graves encore peuvent résulter de l’explosion de chaudières ou d’autoclaves, accidents imputables à la négligence dans l’inspection du matériel, à la formation insuffisante du personnel, aux modes opératoires inadéquats ou au manque d’entretien. En effet, tous les appareils à vapeur requièrent un entretien régulier et consciencieux de façon à prévenir les fortes explosions comme les petites fuites.

Les installations électriques, particulièrement dans les locaux mouillés et humides, appellent des mesures efficaces de mise à la terre et d’entretien afin de maîtriser les risques habituels de choc électrique. Outre une mise à la terre correcte, l’installation, sur les prises, de disjoncteurs différentiels assure à cet égard une protection efficace.

A chaque situation à risque correspond un matériel électrique spécifique. Ainsi, souvent, des ingrédients aromatiques, des déchets ou des matières pulvérulentes inflammables, telles que les poussières de céréales, l’amidon ou le sucre de maïs (considérés comme des aliments plutôt que comme des produits chimiques dangereux) peuvent justifier un équipement électrique homologué pour éliminer le risque d’incendie pendant leur manipulation ou leur transport. Un incendie peut également se déclarer lors d’opérations de soudage dans les silos à céréales et les minoteries, en raison de la présence de poussières organiques combustibles et explosibles. Le danger d’explosion concerne aussi les fours ou d’autres matériels de cuisson chauffés au gaz ou au mazout, quand ils ne sont pas installés, utilisés ou entretenus correctement, quand ils ne sont pas équipés des moyens de protection élémentaires ou que les procédures de sécurité ne sont pas respectées (notamment pour les opérations à feu ouvert).

Un contrôle sanitaire rigoureux des produits est indispensable à tous les stades de la fabrication des denrées alimentaires, par exemple dans les abattoirs. L’observation des règles d’hygiène, qu’elles s’appliquent au personnel ou au travail proprement dit, est essentielle pour prévenir l’infection ou la contamination des produits. Les locaux et les équipements doivent être conçus pour favoriser l’hygiène du personnel: installations sanitaires bien situées et comportant des lavabos, voire des douches; fourniture de vêtements de protection appropriés, maintenus propres; mise à disposition de crèmes et de lotions protectrices, lorsque cela s’impose.

Un contrôle sanitaire tout aussi strict des équipements est nécessaire à tous les stades de la fabrication. La plupart du temps, dans des conditions de fonctionnement normal, les règles de sécurité suffisent à écarter les dangers liés à l’équipement. Pour entretenir correctement les machines, il est nécessaire de les ouvrir, d’en retirer les protections et de mettre hors service les systèmes de verrouillage. Malheureusement, le matériel est conçu pour tourner et son nettoyage est souvent relégué au second plan. Or, c’est précisément durant cette opération que se produit la majeure partie des accidents les plus graves. Les pinces en mouvement, l’eau bouillante, les éclaboussures de produits chimiques, d’acides ou de bases, ou les appareils de nettoyage en marche sont à l’origine de nombreuses lésions, sans compter que les conduits d’eau chaude sous haute pression constituent eux aussi un danger. Le manque de procédures afférentes à l’appareillage, l’absence de formation et l’expérience insuffisante des nouveaux employés enrôlés pour une tâche de nettoyage ajoutent encore au problème. Le danger est accru lorsque les équipements à nettoyer sont difficilement accessibles. Un système d’interdiction d’accès par verrouillage/affichage efficace est indispensable. La meilleure solution réside, cependant, dans des moyens de nettoyage incorporés aux installations, tels que des gicleurs d’eau bouillante sous haute pression ou des brosses automatiques. Néanmoins, trop souvent encore, c’est à la main qu’il faut nettoyer les souillures qui posent problème. Dans les filières de la viande et de la volaille, toutes les opérations de nettoyage sont effectuées manuellement.

Les risques pour la santé

Les infections et les maladies infectieuses ou parasitaires transmises par les animaux ou les déchets animaux utilisés représentent une partie importante des affections professionnelles rencontrées dans les industries alimentaires. Il s’agit, entre autres, du charbon, de la brucellose, des différentes leptospiroses, de la tularémie, de la tuberculose bovine, de la morve, de l’érysipèle, de la fièvre Q, de la fièvre aphteuse, de la rage, etc. Certains travailleurs appelés à manipuler des denrées peuvent contracter un grand nombre d’infections cutanées, parmi lesquelles le charbon, l’actinomycose et l’érysipèle. Certains fruits secs peuvent être infestés d’acariens, ce qui rend leur tri dangereux.

Outre la vaccination prophylactique spécifique contre les maladies infectieuses, les mesures de prévention les plus efficaces consistent dans le port de gants appropriés, une bonne hygiène corporelle et les installations sanitaires qu’elle requiert (c’est, dans l’industrie alimentaire, une condition nécessaire pour la sécurité des produits). Des installations de toilette, comportant une douche, et une tenue de travail adéquate sont aussi primordiales. Des soins médicaux doivent pouvoir être administrés par une personne compétente, notamment pour traiter les blessures mineures.

Les dermites de contact et les allergies cutanées ou respiratoires provoquées par les produits organiques, animaux ou végétaux sont également fréquentes. Les dermites primaires peuvent être causées par des substances irritantes telles que les acides, les alcalis, les détergents et l’eau de récurage, ainsi que par les frottements lors de la cueillette ou de l’emballage des fruits et par la manipulation du sucre, très utilisé dans l’industrie alimentaire. Une sensibilisation secondaire résulte de la manipulation de nombreux fruits et légumes. Les poussières organiques provenant des céréales ou de la farine peuvent causer des maladies respiratoires, tel «l’asthme du boulanger», et, pour cette raison, doivent être limitées. L’industrie alimentaire tend encore trop souvent à considérer les matières qu’elle emploie comme de simples ingrédients plutôt que comme des substances chimiques susceptibles de porter atteinte à la santé des travailleurs, lorsqu’elles sont employées non pas en doses ménagères, mais en quantité ou en concentration industrielle.

Dans de nombreux établissements traitant la viande, les volailles, le poisson et d’autres denrées, le travail est hautement répétitif et exige beaucoup de force. De par sa nature même, le produit nécessite souvent une manipulation manuelle, par exemple lorsqu’on inspecte ou charge des articles fragiles aux fins de les conditionner, ou encore lorsqu’il faut augmenter la production sans disposer d’équipement à haut rendement. D’autre part, la manutention manuelle de boîtes au moment de l’expédition peut être source de lombalgies. Il convient de prêter une attention toute particulière aux tâches qui obligent à prendre des postures anormales, sont pénibles ou très répétitives. La combinaison de deux de ces facteurs accentue le problème. C’est la raison pour laquelle une détection précoce et un traitement rapide des cas avérés sont recommandés. Le réaménagement ergonomique des installations et d’autres modifications dont il est question dans des articles spécifiques de ce chapitre sont de nature à réduire les risques de pathologies d’hypersollicitation.

Les fluides réfrigérants, tels que l’ammoniac, le chlorométhane ou les hydrocarbures aliphatiques halogénés, utilisés dans la congélation et dans l’entreposage frigorifique comportent quant à eux des risques d’intoxication et de brûlures chimiques. Une procédure d’urgence doit être associée au classique plan d’évacuation en cas d’incendie, et le personnel doit y être entraîné. Des protections respiratoires peuvent être nécessaires lors de l’évacuation de certaines zones. Pour quelques produits chimiques, des capteurs installés dans le bâtiment alertent aussitôt le poste d’alarme central, qui donne alors l’ordre d’évacuation. Les réactions des travailleurs à l’élévation des niveaux d’ammoniac doivent être prises au sérieux; ceux qui en souffrent doivent être évacués et soignés. Il faut être attentif aux fuites d’ammoniac, qui doivent être détectées de manière continue. L’évacuation des locaux peut s’imposer dès que la concentration commence à monter, avant même qu’elle soit menaçante. Un lieu de rassemblement devrait être choisi de façon que les personnes évacuées soient à l’abri de la fuite de réfrigérant. Pour pouvoir affronter le flux toxique, les travailleurs chargés de réparer la fuite devront porter des vêtements de protection spécialement conçus pour les produits chimiques. L’ammoniac et d’autres gaz réfrigérants moins employés, comme le propane, le butane, l’éthane et l’éthylène sont aussi inflammables et explosifs. Les fuites, généralement dues à un mauvais entretien des tuyaux, peuvent être évitées grâce à une vigilance soutenue. Des mesures efficaces devraient être prises contre l’explosion et l’incendie.

Les produits de lutte antiparasitaire, les fumigants et d’autres substances dangereuses doivent être surveillés scrupuleusement et n’être utilisés que conformément aux prescriptions du fabricant. Les pesticides organophosphorés ne peuvent être employés que sous monitorage biologique afin de maintenir l’exposition dans les limites admissibles.

Traditionnellement, on effectue une soudure à l’étain et au plomb pour la fermeture latérale des boîtes de conserve. La sensibilisation aux dangers que présente le plomb pour les denrées alimentaires a amené à effectuer différentes études portant à la fois sur les concentrations de plomb dans l’atmosphère des ateliers de mise en boîtes et sur les niveaux de plombémie chez les travailleurs. Ces études ont certes révélé la présence de concentrations élevées, que ce soit lors des contrôles d’ambiance ou lors des prélèvements sanguins, sans pour autant que les niveaux d’exposition admissibles soient dépassés, ni dans un cas ni dans l’autre. Le risque d’intoxication lié à ce procédé est donc faible.

Le dioxyde de carbone, utilisé pour le maintien au froid des produits réfrigérés pendant leur transport, doit aussi faire l’objet de contrôles rigoureux. Une ventilation adéquate des réservoirs qui le contiennent permet d’éviter ses effets nocifs.

Le personnel se trouve aussi exposé au froid lors de la manutention et de l’entreposage des produits crus, en hiver, ou lors du travail dans des chambres froides non ventilées. Il est exposé au grand froid à l’occasion de la réfrigération des produits bruts par air pulsé — c’est le cas dans l’industrie des glaces et dans celle des aliments congelés. Les travailleurs des chambres froides peuvent souffrir du froid s’ils ne sont pas équipés de vêtements de protection appropriés. Le risque est accru pour ceux qui accomplissent des tâches sédentaires dans ce type d’ambiance thermique. Des écrans permettent de détourner le courant d’air froid des travailleurs qui se trouvent près des ventilateurs. La rotation du travail entre locaux froids et locaux tempérés est recommandée. Dans les grands tunnels de congélation, il peut être fatal aux travailleurs, même portant des vêtements dits «polaires», de se tenir dans le puissant courant d’air froid. L’accès à ces tunnels doit être strictement interdit lorsqu’ils sont en fonctionnement. Des dispositifs de verrouillage efficaces ou des protocoles d’entrée dans les espaces confinés doivent être mis en œuvre de façon à empêcher que les tunnels ne soient mis en marche alors que des travailleurs se trouvent à l’intérieur. Des repas et des boissons chaudes contribueront à soulager les effets d’un travail au froid.

La chaleur, souvent associée à une grande humidité pendant la cuisson et la stérilisation, peut créer une atmosphère tout aussi insupportable physiquement et causer, notamment, coup de chaleur et épuisement. C’est ce qui se passe, en particulier, dans les opérations au cours desquelles on procède à l’évaporation de solutions, comme pour la fabrication de concentré de tomate dans des pays où il fait déjà très chaud. C’est aussi ce qui se produit dans la halle d’abattage des abattoirs. Des systèmes de ventilation efficaces sont indispensables et une attention particulière doit être portée aux problèmes de condensation. L’air climatisé peut s’avérer nécessaire dans certaines régions.

Le bruit constitue une source sérieuse de risques pour la santé; il est souvent présent dans les usines modernes, en particulier dans les ateliers de mise en boîtes. Il suffit de plusieurs machines tournant à haute vitesse dans un espace restreint pour que le niveau sonore soit élevé, et ce malgré tous les efforts faits pour le maintenir au-dessous de 85 dBA. Les installations où s’effectue l’acheminement et le remplissage des boîtes de conserve fonctionnent à des cadences qui peuvent atteindre 1 000 unités par minute. Les travailleurs y sont exposés à un niveau sonore pouvant s’élever jusqu’à 100 dBA, dans une gamme de fréquences comprise entre 500 et 4 000 Hz, ce qui correspond à un équivalent de dose d’environ 96 dBA. Dans bien des cas, au terme d’une vie professionnelle, un tel niveau sonore se solde par un déficit auditif si aucune précaution n’a été prise. Certains moyens de prévention technique contribuent à réduire le bruit, telles que les parois absorbantes, les élévateurs magnétiques, les câbles gainés de Nylon et l’harmonisation des cadences des convoyeurs de boîtes de conserve. Ce ne sont, toutefois, que des mesures plus radicales, comme l’adoption de contenants en plastique, qui pourraient assurer, à l’avenir, un environnement sonore moins agressif. Dans l’immédiat, il conviendrait d’instaurer un programme de conservation de l’audition associant des audiogrammes, des dispositifs de protection de l’audition et la formation du personnel à cette protection, des niches antibruit et une protection individuelle de l’ouïe.

Lorsque la production fait intervenir des rayonnements ionisants, toutes les précautions propres à ce type de travail entrent en vigueur: radioprotection, monitorage, dépistage sanitaire, examens médicaux périodiques, etc.

La surveillance médicale des travailleurs est souhaitable; de nombreuses usines alimentaires sont de petite taille et leur inscription à un service médical interentreprises représente, sans doute, la meilleure façon d’assurer ce suivi.

La clef de la réussite, en matière de sécurité, repose sur la création de comités d’hygiène et de sécurité qui font intervenir l’ensemble des services de l’entreprise, y compris les travailleurs de la production, dans la conception des programmes internes. On tend, trop souvent, à sous-estimer les risques posés par l’industrie alimentaire et un climat d’autosatisfaction s’y développe. Il est vrai que le caractère familier des produits qu’elle traite empêche souvent de comprendre que leur manipulation industrielle et les quantités alors employées ne sont pas exemptes de risques. L’idéal serait que les travailleurs prennent conscience que les règles et les procédures mises en place l’ont été, avant tout, pour protéger leur sécurité et leur santé, et non simplement pour se plier à la législation; une telle prise de conscience pourrait contribuer favorablement à la qualité du programme de sécurité. La direction doit mettre en place des usages et des cadres de conduite qui permettront de renforcer ce sentiment chez les travailleurs.

LES EFFETS SUR LA SANTÉ ET LES TYPES DE MALADIES

John J. Svagr

Les effets sur la santé propres à la transformation des aliments s’apparentent à ceux observés dans d’autres opérations de fabrication. Les troubles respiratoires, les affections de la peau, les allergies de contact, les pertes d’audition et les troubles musculo-squelettiques comptent parmi les maladies professionnelles les plus fréquemment rencontrées dans l’industrie des denrées alimentaires et des boissons (Tomoda, 1993; Bureau of Labor Statistics (BLS), 1991; Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés, 1990). Les températures extrêmes auxquelles le personnel est exposé posent également des problèmes. Le tableau 67.2 établit une classification hiérarchique des trois maladies professionnelles les plus courantes dans quelques pays sélectionnés.

Tableau 67.2 Principales maladies professionnelles observées dans les industries
des aliments et des boissons dans des divers pays

Pays

Année

Maladies professionnelles

   

En première position

En deuxième position

En troisième position

Autres

Autriche

1989

Bronchite, asthme

Perte d’audition

Maladies de la peau

Infections transmises par des animaux

Belgique (aliments)

1988

Maladies liées à l’inhalation de substances

Maladies provoquées par des agents physiques

Maladies de la peau

Infections ou parasites transmis par des animaux

Belgique (boissons)

1988

Maladies provoquées par des agents physiques

Maladies provoquées par des agents chimiques

Maladies liées à l’inhalation de substances

Colombie

1989

Perte d’audition

Troubles respiratoires (asthme)

Troubles muscolo-squelettiques

Maladies de la peau

Danemark

1988

Troubles de la coordination des mouvements

Maladies de la peau

Perte d’audition

Infections, allergies

Etats-Unis

1989

Microtraumatismes répétés

Maladies de la peau

Maladies provoquées par des agents physiques

Troubles respiratoires provoqués par des agents toxiques

France

1988

Asthme et autres troubles respiratoires

Usure de diverses parties du corps (genoux, coudes)

Septicémie (empoisonnement du sang) et autres infections

Perte d’audition

Pologne

1989

Troubles respiratoires

Maladies de la peau

Infections

Perte d’audition

Suède

1989

Troubles muscolo-squelettiques

Allergies (contact avec des agents chimiques)

Perte d’audition

Infections

Tchécoslovaquie

1988

Troubles respiratoires

Troubles muscolo-squelettiques

Troubles digestifs

Troubles circulatoires, maladies de la peau

Source: Tomoda, 1993.

L’appareil respiratoire

Les problèmes respiratoires se répartissent en trois types d’affections: la rhinite, qui touche les fosses nasales; la bronchite constrictive, qui affecte les voies respiratoires; et l’alvéolite, localisée au niveau du parenchyme pulmonaire. L’exposition aux poussières en suspension dans l’air issues de divers aliments ou de produits chimiques peut provoquer de l’emphysème et de l’asthme. Une étude finlandaise fait état de cas fréquents de rhinite chronique chez les travailleurs des abattoirs et des usines de denrées précuites (30%), chez ceux de la meunerie et de la boulangerie (26%) et chez ceux des industries de transformation des aliments (23%), lesquels sont également touchés par la toux chronique (14%), l’incidence de cette maladie atteignant 11% dans les abattoirs et les usines de denrées précuites. L’agent responsable de ces affections est la poussière de farine en boulangerie, alors que, dans d’autres branches, ce sont plutôt les variations de température et divers types de poussières (les poussières d’épices, par exemple) qui sont mis en cause.

Deux études menées en ex-Yougoslavie ont mis en évidence une prévalence bien plus grande de symptômes d’affections respiratoires chroniques chez les travailleurs de l’industrie alimentaire que dans un groupe témoin. Une étude consacrée aux travailleurs du secteur des épices a montré que l’affection la plus commune était la dyspnée, caractérisée par des difficultés respiratoires (57,6%), suivie de la rhinite catarrhale (37,0%), de la sinusite (27,2%), de la toux chronique (22,8%) et de la bronchite productive chronique (19,6%). Une étude portant sur les travailleurs de l’industrie de l’alimentation du bétail a permis de constater que, hors les ingrédients entrant dans la composition de cette alimentation, les risques étaient liés aux poussières de coriandre, d’ail, de cannelle, de piment rouge et de diverses autres épices. Les non-fumeurs présentent, de façon significative, un pourcentage supérieur de cas de sécrétions nasales et pharyngées et d’oppressions thoraciques. Les fumeurs, quant à eux, révélaient une prévalence plus élevée significative aux toux chroniques; ils étaient aussi sujets aux sécrétions nasales et pharyngées chroniques, aux bronchites chroniques et aux oppressions thoraciques. La fréquence des symptômes respiratoires aigus associés à la journée de travail était élevée pour le groupe exposé à ces substances, et le débit ventilatoire des fumeurs était incontestablement plus faible que prévu. L’étude a donc conclu à une relation entre l’exposition aux poussières d’aliments destinés aux animaux et le développement de troubles respiratoires.

Au Royaume-Uni, le régime de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles reconnaît, comme maladie professionnelle, l’asthme induit par la manipulation d’enzymes, de céréales, de farines ou d’animaux. L’exposition à l’aldéhyde cinnamique provenant de l’écorce d’arbre, et au dioxyde de soufre, agent de blanchiment et de fumigation, entraîne une forte prévalence de l’asthme chez les personnes travaillant la cannelle au Sri Lanka. L’exposition aux poussières est minime chez ceux qui détachent l’écorce; en revanche, elle est très élevée à la fois pour les poussières et le dioxyde de soufre dans les entrepôts des grossistes locaux. Une étude a établi que 35 travailleurs sur 40 souffraient de toux chronique (37,5%) ou d’asthme (22,5%). Les autres symptômes observés étaient, notamment, un amaigrissement (65%), une irritation cutanée (50%), une chute des cheveux (37,5%), une irritation oculaire (22,5%) et des rougeurs (12,5%). Parmi les travailleurs exposés à des concentrations massives de poussières d’origine végétale, l’asthme est surtout répandu chez ceux qui travaillent la cannelle (22,5%), contre 6,4% chez les travailleurs du thé et 2,5% chez ceux qui traitent le kapok. Le tabagisme ne semble pas avoir de lien direct avec la toux, puisqu’on a mis en évidence des symptômes similaires à la fois chez huit femmes non fumeuses et cinq hommes qui fumaient environ sept cigarettes par jour. La toux est provoquée par une irritation des muqueuses des voies respiratoires, consécutive à l’inhalation de poussières de cannelle.

D’autres études ont recherché une relation possible entre les troubles respiratoires et les allergènes ou antigènes contenus dans les denrées alimentaires, tels que l’albumine de l’œuf ou les produits de la mer. Alors que ces études n’ont pas pu établir de lien de cause à effet entre un type de poussière lié à un poste de travail spécifique et les différents troubles respiratoires, aigus ou chroniques, observés chez les travailleurs exposés, elles ont en revanche montré une corrélation étroite entre les affections et le milieu de travail.

De longue date, la fabrication des aliments s’appuie sur la microbiologie. La plupart des micro-organismes utilisés dans l’industrie alimentaire et dans celle des boissons sont généralement considérés comme inoffensifs. Pour obtenir du vin, du fromage, du yaourt et de la pâte à pain, sous une forme comestible, on fait intervenir certains micro-organismes. La production de protéines et d’enzymes a, de plus en plus, recours à la biotechnologie. Certaines espèces d’aspergillus et de bacilles produisent des amylases qui transforment l’amidon en sucre. Les levures transforment l’amidon en acétone. Tricoderma et Penicillium produisent des cellulases qui dégradent la cellulose. Il en résulte que les spores de champignons et d’actinomycètes sont largement présentes dans la transformation des aliments. L’aspergillus et le pénicillium se retrouvent fréquemment dans l’air des boulangeries. Penicillium est aussi présent dans les laiteries et les usines de transformation de la viande; les fromages en cours d’affinage et les saucisses en phase de maturation sont des terrains propices à son développement à la surface des produits. Les opérations de nettoyage, préalables à la vente, dispersent ces micro-organismes dans l’air, et les travailleurs sont susceptibles de développer des alvéolites d’origine allergique. L’asthme d’origine professionnelle est dû à un grand nombre de ces germes. Certains d’entre eux sont soupçonnés de causer des infections ou de transporter des mycotoxines. Des enzymes telles que la trypsine, la chymotrypsine et la protéase sont responsables de l’hypersensibilité et des affections respiratoires qui touchent surtout le personnel des laboratoires.

Outre les particules dégagées par les aliments et les micro-organismes pathogènes, les substances chimiques dangereuses utilisées comme réactifs, réfrigérants, fumigants et désinfectants peuvent, si elles sont inhalées, entraîner des troubles divers, notamment respiratoires. Ces substances se présentent sous forme solide, liquide ou gazeuse. L’exposition à des doses égales ou supérieures aux limites admissibles entraîne souvent des irritations cutanées ou oculaires et des troubles respiratoires. Une exposition excessive peut aussi provoquer des maux de tête ou de gorge, des réactions de salivation, de sudation, des nausées et des vomissements.

Gaz incolore, doté de propriétés réfrigérantes et détergentes, l’ammoniac est utilisé comme fumigant. L’exposition à l’ammoniac peut causer des brûlures corrosives ou une vésication de la peau. Une exposition excessive et prolongée est susceptible de provoquer une bronchite et une pneumonie.

Le trichloroéthylène, l’hexane, le benzène, le monoxyde de carbone (CO), le dioxyde de carbone (CO2) et le (poly)chlorure de vinyle (PVC) se retrouvent couramment dans les usines de denrées alimentaires et de boissons. Le trichloroéthylène et l’hexane sont employés dans l’extraction de l’huile d’olive.

Incolore et inodore, le CO est difficile à détecter. L’exposition à ce gaz se produit dans les fumoirs mal ventilés ou lors du travail dans les silos à grains, les caves de fermentation du vin ou les locaux de stockage du poisson. La congélation ou la réfrigération par voie sèche, les tunnels de congélation utilisant le CO2 et les installations de combustion exposent les travailleurs à ce gaz. L’intoxication par le CO et le CO2 se traduit notamment par les symptômes ci-après: céphalée, étourdissement, somnolence, nausées et vomissements. Elle peut même, dans des cas extrêmes, entraîner la mort. Le CO peut aussi aggraver les symptômes cardiaques et respiratoires. Les limites d’exposition admissibles, fixées par la loi dans plusieurs pays, autorisent un temps d’exposition cent fois plus important pour le CO2 que pour le CO, et ce pour déclencher la même réponse.

Le PVC est utilisé pour l’emballage des produits alimentaires, soit en contact immédiat avec les aliments, soit comme suremballage. Lorsque le film de PVC est chauffé, les produits issus de la dégradation thermique provoquent une irritation des yeux, du nez et de la gorge. Les travailleurs ont également une respiration sifflante, des douleurs thoraciques, des difficultés respiratoires, des nausées, des douleurs musculaires, des frissons ainsi que de la fièvre.

Les hypochlorites, les acides (phosphorique, nitrique et sulfurique), les produits caustiques et les composés d’ammonium quaternaire sont couramment utilisés dans le nettoyage par voie humide. Les laboratoires de microbiologie se servent de composés du mercure et de formaldéhyde (sous forme de gaz ou de solution de formaline). Leur désinfection se fait avec des dérivés phénoliques, des hypochlorites et du glutaraldéhyde. En cas d’exposition à des doses excessives ou de contact prolongé, des signes d’irritation ou de brûlure oculaires, cutanées ou pulmonaires sont observés. Une manipulation inadéquate peut libérer des substances hautement toxiques, comme le chlore ou des oxydes de soufre.

Aux Etats-Unis, l’Institut national de la sécurité et de la santé au travail (National Institute for Occupational Safety and Health (NIOSH)) a signalé l’apparition de troubles respiratoires chez des travailleurs lavant des volailles dans de l’eau trop javellisée. Ces troubles se sont traduits par des maux de tête et de gorge, une oppression thoracique et une gêne respiratoire. L’agent suspecté est la chloramine. Des chloramines peuvent se former par le contact d’eau traitée à l’ammoniaque ou d’eau de chaudières traitée aux amines avec des solutions d’hypochlorite utilisées à des fins de désinfection. Les grandes villes ajoutent de l’ammoniaque à l’eau pour empêcher la formation de méthane halogéné. Aucune méthode d’échantillonnage des chloramines de l’air ambiant n’est actuellement disponible. Les concentrations en chlore et en ammoniaque ne sont pas des indicateurs d’exposition, les essais ayant révélé des niveaux bien inférieurs aux limites admissibles.

Les fumigants préviennent les infestations qui peuvent se produire pendant le stockage ou le transport des matières premières alimentaires. Certains d’entre eux contiennent du gaz ammoniac, de la phosphine et du bromométhane. Compte tenu de la courte durée du traitement, c’est la protection respiratoire qui se révèle la stratégie la plus rentable. Lors de la manipulation de ces substances, des mesures de protection respiratoire appropriées devraient être appliquées jusqu’à ce que la concentration dans l’air soit inférieure à la limite maximale admissible.

Les employeurs devraient prévoir les équipements nécessaires à l’évaluation du niveau de toxicité sur le lieu de travail et s’assurer que les niveaux d’exposition ne dépassent pas les valeurs maximales fixées par les réglementations de prévention. Les taux de contamination devraient être mesurés fréquemment, surtout après un changement dans les procédés de fabrication ou dans les produits chimiques mis en œuvre.

Les moyens de prévention technique destinés à minimiser les risques d’intoxication ou d’infection sont de deux types. Soit on remplace telle ou telle substance par une autre, moins dangereuse — par exemple on substitue à une poudre un liquide ou un aérosol, soit on limite l’exposition en réduisant le niveau de contamination de l’air. Dans ce cas, on agit au niveau de la conception même des postes de travail et, notamment, on confine totalement ou partiellement les processus, on installe des systèmes de ventilation appropriés et on restreint l’accès à la zone concernée, afin de limiter le nombre de personnes exposées. Le système de ventilation présente l’avantage d’empêcher la dissémination des spores ou la dispersion des aérosols sur l’ensemble du poste de travail. Enfin, plutôt que de nettoyer les machines avec un jet d’air comprimé, qui risque de disséminer les particules dans l’atmosphère, on a avantage à recourir à l’aspiration ou au lavage.

A côté des moyens de prévention technique, on peut aussi faire appel aux mesures administratives au nombre desquelles il faut citer la rotation des tâches (qui permet de diminuer le temps d’exposition) et l’attribution des tâches à risques à un personnel travaillant en dehors des horaires normaux ou en fin de semaine (qui permet de réduire le nombre de personnes exposées). L’équipement de protection individuelle est en fait la solution de dernier recours, car il est coûteux à entretenir, difficile à trouver dans les pays en développement et, quand bien même il est disponible, il n’est pas nécessairement porté par les travailleurs.

L’équipement destiné aux travailleurs manipulant des produits chimiques dangereux se compose de lunettes antiéclaboussures, d’écrans faciaux et de masques respiratoires. Pour qu’il soit efficace, il doit être ajusté à chaque individu et le personnel doit être formé à son utilisation et à ses limites. Il existe plusieurs types de protections respiratoires, qui selon la nature du travail et le niveau de risque, vont du demi-masque protecteur contre les poussières et la vapeur aux divers masques captant par voie chimique les impuretés de l’air, en passant par les appareils de protection respiratoire autonomes et les appareils à adduction d’air. Une sélection appropriée (fondée sur le risque, l’adaptation au visage et la facilité d’entretien) et une information adéquate assurent l’efficacité de la protection tout en limitant l’exposition et en diminuant la fréquence des troubles respiratoires.

La peau

Les problèmes cutanés rencontrés dans les industries des denrées alimentaires et des boissons sont des dermites et des allergies de contact (par exemple, l’eczéma). Conformément aux mesures d’hygiène en vigueur, les travailleurs se lavent sans cesse les mains au savon ou dans des bains contenant des solutions d’ammonium quaternaire. Le fait d’avoir constamment les mains humides a tendance à dégraisser la peau et à provoquer une dermite. La dermite est une affection inflammatoire résultant du contact cutané avec des produits chimiques ou des additifs alimentaires. La manipulation de matières contenant des graisses ou des huiles peut obstruer les pores de la peau et entraîner des lésions acnéiformes. Ces irritants primaires sont responsables de 80% des dermites professionnelles.

Il est de plus en plus à craindre que les travailleurs ne se trouvent fortement sensibilisés à des protéines et à des peptides microbiens, libérés lors de la fermentation et de l’extraction, et ne développent des eczémas ou d’autres allergies. Par allergie, on entend toute réaction d’hypersensibilité plus aiguë que la réaction normale de l’organisme à des antigènes étrangers présents dans l’air ambiant. La dermite de contact, d’origine allergique, se déclare rarement avant le cinquième ou le septième jour d’exposition. La dermite professionnelle d’hypersensibilité est également observée chez des sujets manipulant des enzymes, telles que la trypsine, la chymotrypsine et la protéase.

Les solvants chlorés (voir «L’appareil respiratoire» ci-dessus) déclenchent une croissance anarchique des cellules de l’épiderme. En stimulant la kératine, ils peuvent entraîner la formation de tumeurs. D’autres composés chlorés incorporés aux savons dans un but antibactérien peuvent provoquer des dermites de photosensibilité.

La meilleure prévention des dermites et des allergies de contact reste encore de limiter l’exposition aux agents mis en cause. Un séchage approprié des aliments avant stockage et des conditions hygiéniques de stockage peuvent contribuer à réduire la concentration des spores dans l’air. Des équipements de protection individuelle, tels que gants, masques et combinaisons, préservent les travailleurs d’un contact direct et limitent donc les risques de dermites et d’autres allergies. Les matériaux à base de latex dont sont faits les gants peuvent provoquer des réactions allergiques cutanées et, de ce fait, devraient être écartés. Là où cela est autorisé, l’application adéquate de crèmes isolantes peut aussi minimiser le contact avec les substances irritantes.

Les maladies infectieuses et parasitaires d’origine animale sont les maladies professionnelles les plus caractéristiques des industries des aliments et des boissons. Elles se rencontrent surtout chez les travailleurs des abattoirs et des laiteries, susceptibles les uns comme les autres de se trouver en contact direct avec des animaux contaminés. Les travailleurs agricoles, pour ne citer qu’eux, ne sont pas davantage épargnés. La prévention est particulièrement délicate, car les animaux atteints ne présentent pas toujours de signes extérieurs de maladie. Le tableau 67.3 énumère les différents types d’infections observées.

Tableau 67.3 Types d'infections observées dans les industries des aliments et
des boissons

Infections

Exposition

Symptômes

Brucellose
(Brucella melitensis)

Contact direct avec des bovins, des chèvres ou des moutons contaminés (Europe du Nord, Europe centrale et Amérique du Nord)

Fièvre constante et oscillante, maux de tête, état de faiblesse, douleurs articulaires, sueurs nocturnes et perte d’appétit; éventuellement, manifestations arthritiques, grippe, asthénie et spondylite

Erysipèle

Contamination de plaies ouvertes par des germes transmis par des porcs ou des poissons (Tchécoslovaquie)

Rougeurs localisées, irritation, sensation de brûlure, douleur autour de la zone infectée. L’infection peut gagner la circulation du sang et les ganglions lymphatiques

Leptospirose

Contact direct avec des animaux infectés ou avec leur urine

Maux de tête, douleurs musculaires, infections oculaires, fièvre, vomissements et frissons. Dans les cas graves, troubles rénaux et hépatiques, accompagnés de complications cardio-vasculaires et neurologiques

Epidermomycose

Mycose due à un champignon parasite qui colonise l’épiderme des animaux

Erythèmes et vésicules cutanés

Dermatophytose (teigne)

Mycose provoquée par le contact avec la peau ou les poils d’animaux contaminés

Chute de cheveux localisée et petites croûtes sur le cuir chevelu

Toxoplasmose

Contact direct avec des moutons, des chèvres, des bovins, des porcs ou des volailles contaminés

Stade aigu: fièvre, douleurs musculaires, maux de gorge, céphalée, ganglions lymphatiques enflés et rate dilatée. L’infection chronique induit la formation de kystes cérébraux et musculaires. La transmission fœtale entraîne la naissance d’enfants mort-nés ou prématurés. Les enfants nés à terme peuvent présenter des atteintes cérébrales et cardiaques, souvent de mauvais pronostic

Cancers du poumon à Papillomavirus

Contact régulier avec des animaux vivants ou des tissus animaux, couplé à une exposition à des hydrocarbures aromatiques polycycliques et à des nitrites

Cancers du poumon observés en Angleterre, au pays de Galles, au Danemark et en Suède chez les bouchers et les travailleurs des abattoirs

Le principe fondamental permettant de prévenir la contraction et la propagation des maladies infectieuses et parasitaires de la peau demeure l’hygiène personnelle. Des lavabos, des toilettes et des douches d’une extrême propreté devraient être mis à disposition. Les combinaisons, les équipements de protection individuelle et les serviettes de toilette doivent être lavés et, parfois même, fréquemment stérilisés. Toutes les blessures, même les plus bénignes, devraient être désinfectées, pansées et demeurer protégées jusqu’à leur guérison complète. La propreté et l’hygiène des locaux sont tout aussi importantes; c’est ainsi qu’il faut procéder, à la fin de chaque journée de travail, à un lavage minutieux de tous les équipements et de toutes les surfaces qui ont été en contact avec de la viande, qu’il faut exterminer systématiquement les rongeurs et ne pas tolérer la présence de chiens, de chats et d’autres animaux sur le lieu de travail.

La vaccination des animaux et celle du personnel qui travaille à leur contact sont des mesures préventives appliquées dans de nombreux pays. La détection et le traitement précoces des maladies, au moyen d’antibactériens ou d’antiparasitaires, sont essentiels pour leur limitation, voire leur éradication. Les travailleurs devraient être examinés dès l’apparition des symptômes (toux récurrente, fièvre, céphalée, maux de gorge ou troubles intestinaux) et subir, de toute façon, des examens médicaux périodiques, dont des examens de base de pré- et de postembauche. Dans certains pays, il est obligatoire d’avertir les autorités en cas d’infection professionnelle décelée à la faveur d’un de ces examens.

Le bruit et l’audition

La perte d’audition résulte d’une exposition continue et prolongée à un bruit dépassant le seuil maximal admissible. Cette perte est irréversible; elle constitue une entrave à la communication sociale, mais aussi une source de stress si le travail exige de la concentration. Les performances psychologiques et physiologiques peuvent donc s’en trouver diminuées. De plus, il existe des liens entre un niveau élevé d’exposition au bruit et une tension artérielle anormale, un pouls irrégulier, une capacité respiratoire amoindrie, des spasmes gastriques et intestinaux, ou encore des troubles du système nerveux. Pour évaluer le risque de déficit auditif, il faut prendre en compte la sensibilité individuelle, la durée de l’exposition, la fréquence et l’intensité sonores.

Les normes en matière de sécurité et de santé varient selon les pays, mais, d’une façon générale, la limite de l’exposition au bruit se situe entre 85 et 90 dBA pendant huit heures consécutives, période qui doit être suivie d’une pause de seize heures à un niveau sonore inférieur à 80 dBA. Dès 85 dBA, un casque antibruit doit être fourni; cette protection devrait être obligatoirement portée par les travailleurs souffrant d’une perte auditive. Les travailleurs exposés pendant huit heures à un niveau égal ou supérieur à 90 dBA devraient aussi en être équipés. Dans certains pays et pour le personnel exposé, un test audiométrique annuel est recommandé, voire obligatoire. Tous les deux ans au moins, il conviendrait de mesurer le niveau sonore, par exemple avec le sonomètre II de l’Institut américain de normalisation (American National Standards Institute (ANSI)). Ces contrôles devraient être renouvelés chaque fois qu’un changement intervenu dans l’équipement ou dans les méthodes de travail est susceptible d’accroître le niveau sonore.

La première mesure à prendre pour limiter l’impact des nuisances sonores consiste à s’assurer que les niveaux d’exposition au bruit ne sont pas dangereux. Le code des bonnes pratiques de fabrication exige des sonomètres que leur surface extérieure soit facile à nettoyer, qu’ils n’abritent pas d’insectes et qu’ils soient agréés pour se trouver au contact d’aliments ou pour intervenir dans le processus de production alimentaire. Le choix des différentes techniques de contrôle dépend aussi des possibilités financières, de l’équipement, des matières et du personnel qualifié. L’un des principaux facteurs de réduction du bruit est l’aménagement du poste de travail, dont l’équipement devrait être peu bruyant et absorber les vibrations. Le remplacement des parties métalliques par des matériaux plus souples, tels que le caoutchouc, peut réduire le niveau sonore. Lors de l’acquisition d’un nouveau matériel, on devrait veiller à ce qu’il soit insonorisé. Il conviendrait de fixer des silencieux sur les prises d’air et sur les tuyaux d’évacuation. Les machines et les opérations bruyantes devraient être encoffrées de façon à limiter le plus possible le nombre de personnes exposées. Chaque fois que la chose est réalisable, des cloisons insonorisées et des plafonds absorbants devraient être installés, le coût financier de leur démontage et de leur nettoyage étant inclus dans les frais d’entretien. La solution optimale réside généralement dans un panachage de ces mesures, adapté aux besoins de chaque lieu de travail.

Lorsque les moyens de prévention technique ne sont pas envisageables ou qu’il s’avère impossible d’abaisser le bruit à un niveau acceptable, on devrait s’en remettre à un équipement de protection individuelle. La fourniture de cet équipement et la prise de conscience des travailleurs jouent un rôle important dans la prévention de la perte d’audition. En général, la mise à disposition d’un choix de bouchons d’oreille et de coquilles antibruit contribue à sensibiliser le personnel à ce problème et l’incite à s’en servir.

Le système musculo-squelettique

Les troubles musculo-squelettiques ont été signalés dès 1988-89 (voir tableau 67.2). Les données obtenues au début des années quatre-vingt-dix faisaient état d’une forte progression de ce type de pathologies. L’automatisation des équipements et les cadences de travail imposées par une machine ou par une bande transporteuse concernent aujourd’hui plus de travailleurs de l’industrie alimentaire que jamais auparavant. Les installations automatisées rendent les tâches monotones, les travailleurs devant effectuer le même geste tout au long de la journée.

Une étude finlandaise a montré que près de 40% des sujets étudiés effectuaient un travail répétitif toute la journée et que, parmi ceux-ci, 60% se servaient de leurs mains, 3% de leurs pieds et 37% de plus d’une seule partie du corps. Des tâches répétitives étaient effectuées, pendant les deux tiers, ou plus, de leur temps de travail, par 70% des agents de nettoyage, 67% du personnel des abattoirs et des usines d’aliments précuits et d’emballage, 56% des travailleurs des entrepôts et du transport et, enfin, par 54% du personnel des laiteries.

Les contraintes ergonomiques tiennent au fait que la plupart des produits alimentaires sont d’origine naturelle et, par conséquent, non homogènes. Dans la filière de la viande, les carcasses à manipuler sont de tailles très diverses. Dans les années soixante, on commença à vendre les volailles découpées, ce qui se traduisit par une augmentation significative du nombre de volatiles débités en morceaux — de moins de 20 à 40%. Pour cette découpe, les travailleurs utilisent des instruments très tranchants. Le ministère de l’Agriculture américain a modifié certaines normes, et la vitesse moyenne de la chaîne est passée de 56 à 90 volatiles par minute. Lors du conditionnement, le personnel peut être appelé à effectuer des mouvements répétitifs de la main et du poignet pour placer les articles, sans les endommager, dans des barquettes ou d’autres emballages. C’est en particulier le cas de produits nouveaux, vendus en faible quantité. Les ventes promotionnelles, accompagnées notamment de recettes ou de coupons de réduction, exigent parfois qu’un article soit introduit à la main dans l’emballage. Au moment du conditionnement, si l’aménagement du poste n’est pas prévu pour cela, on peut avoir à tendre les bras au-delà de la zone de préhension recommandée par les organismes chargés de la santé au travail.

Les troubles consécutifs à des microtraumatismes répétés se traduisent par l’inflammation d’un tendon (tendinite) et par celle de sa gaine synoviale (ténosynovite); ils affectent principalement les travailleurs qui exécutent des mouvements répétitifs des mains, comme ceux qui emballent la viande. Les tâches qui associent flexions du poignet et mouvements de préhension, de pincement et de torsion peuvent provoquer une inflammation du canal carpien. Caractérisé par une sensation de fourmillement dans les doigts de la main, le syndrome du canal carpien est consécutif à une inflammation de l’articulation du poignet, laquelle produit une compression de l’ensemble des nerfs du poignet. Un mauvais diagnostic — il peut être confondu avec l’arthrite — débouche parfois sur un engourdissement permanent et sur des douleurs intenses aux mains, aux coudes et aux épaules.

Les troubles liés aux vibrations apparaissent aussi là où la mécanisation est poussée. Les travailleurs des industries alimentaires n’échappent pas à la règle, bien que le problème y soit peut-être moins sérieux que dans d’autres branches. Ainsi, les travailleurs qui se servent de machines telles que scies à ruban, mélangeurs ou cutters sont-ils exposés à des vibrations. Les basses températures favorisent le développement de ces pathologies, notamment dans les doigts de la main. Cinq pour cent des sujets sur lesquels a porté l’étude finlandaise mentionnée plus haut étaient exposés à un niveau assez élevé de vibrations, alors que pour 9% d’entre eux, le niveau de vibrations était moyen.

Une exposition excessive aux vibrations cause, entre autres problèmes, des troubles musculo-squelettiques des poignets, des coudes et des épaules. Le type et la gravité de ces troubles dépendent de la machine, de la manière dont elle est utilisée et du degré d’oscillation en jeu. Des niveaux d’exposition élevés peuvent provoquer le développement d’une protubérance sur l’os ou la destruction graduelle de l’os au niveau de l’articulation, ce qui cause des douleurs intenses et a pour effet de limiter la mobilité.

Lorsqu’on répartit la tâche qui pose problème entre tous les travailleurs d’une équipe, en les faisant passer d’un poste à l’autre, on limite les mouvements répétitifs et on minimise du même coup le risque. Cette rotation au sein d’une équipe ou, du moins, le partage entre deux personnes de la manutention de charges lourdes et peu maniables est de nature à atténuer l’effort requis de la part d’un seul travailleur. L’entretien des outils — en particulier, l’affûtage des couteaux — joue aussi un rôle important. Une équipe ergonomique composée de représentants de la direction et de travailleurs de la production reste la meilleure solution pour traiter ces problèmes au cas par cas.

La prévention technique vise à réduire ou à éliminer les trois principales causes des troubles musculo-squelettiques: force, posture et répétition. Le lieu de travail devrait être étudié afin de définir les changements nécessaires, par exemple dans la conception du poste (plus facilement réglable), dans les méthodes de travail, dans l’automatisation des tâches ou l’assistance mécanique, ainsi que dans la conception ergonomique de l’outillage à main.

On devrait apprendre aux travailleurs à aiguiser correctement les couteaux afin qu’ils puissent ménager leurs forces. Les installations doivent comporter des dispositifs d’affûtage, et la découpe manuelle de la viande congelée doit être évitée. La formation aide le personnel à comprendre les causes des troubles musculo-squelettiques et les méthodes pour les prévenir. Elle insiste sur la nécessité d’une utilisation appropriée des outils et des machines. Elle devrait également encourager les travailleurs à signaler des symptômes médicaux dès leur apparition. Des changements dans l’organisation du travail ou d’autres mesures consistant à limiter les tâches dangereuses peuvent éviter que ces pathologies ne réclament une intervention médicale plus lourde.

La chaleur et le froid

Les températures les plus extrêmes coexistent dans la zone de traitement des aliments. Les personnes travaillent dans des chambres de congélation à –18 °C ou moins. Une tenue vestimentaire adaptée contribue, certes, à les isoler du froid, mais elles doivent pouvoir bénéficier en plus de pauses dans des locaux chauffés où des boissons chaudes leur seront fournies. Les installations de traitement de la viande doivent être maintenues à une température comprise entre 7 et 10 °C; ces températures se situent au-dessous de la zone de confort thermique, et le personnel peut avoir besoin de porter des couches de vêtements complémentaires.

Les fours et les cuiseurs à vapeur dégagent une chaleur radiante et humide. Aux changements de saison et durant les vagues de chaleur, les travailleurs peuvent souffrir de stress thermique. L’absorption de grandes quantités de liquides et l’ajout de sel aux aliments peuvent en atténuer les symptômes pendant la période d’acclimatation, qui est généralement de cinq à dix jours. Les comprimés de sel ne sont pas recommandés en raison des risques d’hypertension ou de troubles digestifs qu’ils comportent.

LA PROTECTION DE L’ENVIRONNEMENT ET LES PROBLÈMES DE SANTÉ PUBLIQUE

Jerry Spiegel

Généralités

C’est dans l’environnement naturel que l’industrie alimentaire trouve les éléments qui lui permettent d’offrir au consommateur des produits sains. Le traitement à grande échelle d’un volume important de matières peut avoir un impact considérable sur l’environnement. Cela est également valable pour l’industrie des boissons.

S’agissant de l’industrie alimentaire, la menace pour l’environnement tient plus aux polluants organiques qu’aux substances toxiques. Si les charges de polluants ne font pas l’objet d’une prévention et d’un contrôle suffisants, elles peuvent menacer les infrastructures collectives mises en place pour lutter contre la pollution ou avoir des effets nocifs sur les écosystèmes locaux. Des techniques de production capables de limiter les pertes de produits ont pour double fonction d’améliorer le rendement et de réduire les problèmes potentiels de déchets et de pollution.

Si la fourniture d’eau potable lui est essentielle, l’industrie de transformation des aliments requiert aussi d’importants volumes d’eau qu’elle destine à de nombreuses utilisations non alimentaires, comme le premier lavage des matières premières, l’entraînement des produits dans des rigoles, le blanchiment, la pasteurisation, le nettoyage des équipements et le refroidissement des produits finis. Les eaux doivent répondre à des critères de qualité qui varient selon leur utilisation, et lorsqu’une eau de grande qualité est requise, elle nécessite souvent un traitement particulier de façon à en éliminer l’odeur et le goût désagréables et à lui conférer une qualité constante.

Le traitement de volumes très importants de matières pose, au stade de la production, un grave problème de déchets solides. En phase de postconsommation, le problème des emballages est de plus en plus préoccupant. Dans certains secteurs de l’industrie alimentaire, les opérations de traitement s’accompagnent aussi d’émissions dans l’air et de nuisances olfactives.

En dépit de l’extrême diversité qui caractérise les sous-secteurs de cette industrie, les méthodes de prévention et de lutte contre la pollution présentent de nombreux traits communs.

La lutte contre la pollution de l’eau

Les effluents bruts de l’industrie de transformation des aliments montrent une concentration extrêmement élevée en matières organiques biodégradables. Même des usines de petite taille, qui ne fonctionnent qu’une partie de l’année, peuvent présenter des charges polluantes comparables à celles de populations de 15 000 à 25 000 personnes. Les rejets des grandes usines peuvent égaler ceux de collectivités de 250 000 habitants. Lorsqu’un cours d’eau de faible importance reçoit une quantité massive de polluants organiques, ces polluants puisent dans l’oxygène dissous pour se stabiliser et polluent ou dégradent la masse d’eau en abaissant sa teneur en oxygène de sorte qu’elle n’est plus en mesure d’assurer la survie de la faune et de la flore aquatiques. Or, le plus souvent, les effluents des établissements de transformation des aliments peuvent faire l’objet d’un traitement biologique.

La charge polluante des eaux résiduaires varie considérablement suivant l’installation, le procédé mis en œuvre et les caractéristiques du produit brut. Du point de vue économique, il est généralement moins coûteux de traiter des déchets de faible volume et fortement concentrés que des déchets volumineux et dilués. Pour cette raison, les effluents à demande biologique en oxygène (DBO) élevée, comme le sang des poulets ou la viande, ne devraient pas être déversés dans les eaux usées des abattoirs, car ils en augmenteraient la charge polluante, mais être récupérés dans des conteneurs destinés à des établissements de traitement des sous-produits ou de récupération des graisses.

Les effluents acides, c’est-à-dire à pH très élevé, devraient faire l’objet d’infinies précautions en raison de leur effet sur l’épuration biologique. Le mélange de rejets acides et basiques peut entraîner une neutralisation chimique. Lorsque cela est possible, une coopération avec les industries voisines peut s’avérer extrêmement bénéfique.

En général, les effluents d’une usine de transformation des aliments sont d’abord tamisés, puis on élimine leur partie liquide afin que les déchets solides puissent être traités à l’instar des ordures ménagères ou combinés à d’autres solides dans le cadre d’un programme de recyclage des sous-produits.

Les méthodes de traitement des eaux usées sont variées; elles peuvent être physiques, chimiques ou biologiques. Comme les traitements secondaires sont plus onéreux, il est impératif de recourir le plus possible au traitement primaire. Celui-ci fait appel à des procédés tels que la décantation ou sédimentation simple, la filtration (qui emploie une, deux ou plusieurs matières filtrantes), la floculation, la flottation, l’échange d’ions par centrifugation, l’osmose inverse, l’adsorption des micropolluants par le charbon actif et la précipitation chimique. Les installations de traitement par dépôt des matières vont du simple bassin de décantation aux épurateurs complexes, spécialement adaptés aux caractéristiques des effluents.

Le respect des normes relatives aux eaux usées impose souvent que ce traitement primaire soit suivi d’un traitement biologique secondaire. Etant donné que la majeure partie des eaux usées des industries des aliments et des boissons contient essentiellement des matières organiques biodégradables, le traitement biologique secondaire vise surtout à réduire la DBO des effluents en y ajoutant des boues fortement concentrées en matières organiques et en oxygène qui leur permettent de s’oxyder et de se stabiliser rapidement avant leur rejet dans l’environnement.

Les techniques peuvent être adaptées aux différents cas rencontrés. Pour les effluents laitiers, par exemple, on s’est aperçu qu’il était très efficace d’avoir recours à un traitement anaérobie éliminant la plus grande partie de la charge polluante, puis à un traitement aérobie permettant d’abaisser radicalement la DBO résiduelle et la demande chimique en oxygène (DCO) puis, enfin, à une élimination biologique des substances nutritives. Le mélange de biogaz formé par le méthane (CH4) et le dioxyde de carbone (CO2) lors du traitement anaérobie peut être récupéré et peut remplacer les combustibles fossiles, ou être mis à profit comme source d’énergie électrique (la production normale est de 0,30 m3 de biogaz par kg de DCO éliminé).

Les autres méthodes secondaires couramment utilisées sont le procédé des boues activées, le procédé du lit bactérien aérobie, l’épandage par aspersion et le traitement en bassins et stations d’épuration. Dans le cas des bassins, il est important qu’ils aient une profondeur suffisante pour éviter qu’ils dégagent des odeurs nauséabondes. Les odeurs produites par les traitements anaérobies peuvent être éliminées par passage à travers des terres filtrantes qui oxydent les gaz polaires indésirables.

La lutte contre la pollution de l’air

En règle générale et à quelques exceptions près, la pollution atmosphérique due à l’industrie alimentaire est plus le fait d’odeurs désagréables que d’émissions toxiques dans l’air. C’est notamment pour cette raison que, dans de nombreuses villes, la localisation des abattoirs est régie par des codes sanitaires. Leur éloignement des habitations permet, certes, de réduire les récriminations des citadins contre les odeurs, mais il n’en supprime pas pour autant cette nuisance malodorante. Il est parfois nécessaire de mettre en place des absorbeurs ou des épurateurs.

Les fuites d’ammoniac qui peuvent se produire dans les installations de réfrigération constituent un grave problème de santé publique. Ce gaz irrite fortement les yeux et les voies respiratoires. Un important rejet dans l’atmosphère peut nécessiter l’évacuation des habitants de la zone touchée. Un plan de maîtrise des fuites et des mesures d’urgence s’imposent.

Les industries alimentaires qui utilisent des solvants (par exemple, pour l’extraction des huiles alimentaires) peuvent dégager des vapeurs dans l’atmosphère. La production en circuit fermé et le recyclage des solvants sont les meilleures solutions pour y remédier. Les secteurs qui, comme dans le cas du raffinage du sucre de canne, utilisent de l’acide sulfurique ou d’autres acides peuvent produire des substances contaminantes telles que des oxydes de soufre. Des moyens de lutte, parmi lesquels les épurateurs, devraient être mis en œuvre.

La gestion des déchets solides

La part de déchets solides peut être considérable. Dans la production de tomates en boîtes, elle peut représenter de 15 à 30% de la quantité totale traitée. Dans le cas des petits pois et du maïs, elle atteint 75%. En isolant les déchets solides, on parvient à réduire la concentration des eaux résiduaires en matières organiques biodégradables. Plus secs, ces déchets solides peuvent être alors aussi facilement récupérés comme sous-produits ou à des fins alimentaires, ou encore comme combustible.

Une telle réutilisation, si elle est rentable, diminue le coût total du traitement des rejets et, éventuellement, celui du produit fini. Il est important de se demander s’il est possible de se servir des déchets solides comme base alimentaire pour les végétaux et les animaux. L’accent est de plus en plus mis sur la recherche de marchés pour les sous-produits et sur le compost obtenu par conversion des déchets organiques en humus. Le tableau 67.4 fournit des exemples d’emploi de sous-produits issus de l’industrie alimentaire.

Tableau 67.4 Exemples de valorisation de sous-produits des industries alimentaires

Méthode

Exemples

Digestion anaérobie

Digestion par des populations mélangées de bactéries dégageant du méthane et du CO2

  • Marc de pommes, pulpe d’abricots, déchets de pêches et de poires, pelures d’oranges

Alimentation animale

Utilisation directe, à l’état pressé ou desséché, comme fourrage (ensilage) ou comme complément alimentaire

  • Grande variété de déchets issus du traitement des fruits et des légumes
  • Pailles de céréales additionnées d’une substance caustique destinée à en améliorer la digestibilité

Compostage

Procédé microbiologique naturel permettant la décomposition de matières organiques dans des conditions aérobies contrôlées

  • Résidus de brasserie déshydratés
  • Grande variété de déchets de fruits et de légumes
  • Résidus gélatineux

Fibres alimentaires

Valorisation des déchets organiques solides par filtration et hydratation

  • Fibres de marc de pommes ou de poires utilisées en boulangerie et dans l’industrie pharmaceutique
  • Balles d’avoine et d’autres céréales

Fermentation

Mélange d’amidon, de sucre et de substances alcoolisées

  • Biomasse (déchets agricoles, bois, ordures ménagères) destinée à la production d’éthanol
  • Résidus de pommes de terre destinés à la production de méthane
  • Sucre provenant de l’amidon de maïs destiné à la production de matières plastiques biodégradables

Incinération

Utilisation de la biomasse en tant que combustible

  • Noyaux, feuilles, noix, coquilles et branches élaguées destinés à la combustion ou à la production combinée d’électricité et de chaleur

Pyrolyse

Transformation des coquilles de fruits secs et des noyaux de fruits en briquettes de charbon de bois

  • Noyaux de pêches, d’abricots et d’olives, coques d’amandes et coquilles de noix

Amendement des sols

Application sur les sols de fertilisants pauvres en nutriments et en matières organiques

  • Pêches, poires, tomates

Source: d’après Merlo et Rose, 1992.

Le recyclage de l’eau et la réduction des effluents

La très grande dépendance des industries alimentaires vis-à-vis de l’eau a favorisé la mise au point de programmes de conservation et de recyclage, notamment dans des sites où l’eau est rare. Le recyclage des eaux industrielles peut entraîner des diminutions substantielles de la consommation d’eau et de la charge polluante. Il peut permettre la réutilisation d’une eau de moindre qualité pour des applications ne nécessitant pas de traitement biologique. Toutefois, l’eau ne doit présenter aucun risque de fermentation anaérobie de matières organiques solides afin qu’aucun produit de décomposition, corrosif et malodorant, ne puisse endommager l’équipement et nuire au milieu de travail ou à la qualité du produit. La désinfection de l’eau et la modification de certains facteurs qui influent sur l’environnement, comme le pH ou la température, sont de nature à limiter la prolifération bactérienne.

Le tableau 67.5 présente les principaux coefficients de réutilisation de l’eau. Des éléments tels que l’emplacement des pulvérisateurs, la température de l’eau et la pression interviennent fortement sur le volume d’eau nécessaire au traitement des produits. Ainsi, l’eau servant au refroidissement des boîtes de conserve et à la climatisation peut être ensuite réemployée pour le tout premier lavage des légumes ou d’autres produits, puis pour l’évacuation des déchets. Enfin, une partie de cette même eau peut servir à refroidir les cendres des appareils de chauffe.

Tableau 67.5 Coefficients de réutilisation de l'eau caractéristiques de divers
sous-secteurs des industries alimentaires

Sous-secteurs

Coefficients de réutilisation

Fabrication du sucre de betterave

1,48

Fabrication du sucre de canne

1,26

Mouture du blé et du maïs

1,22

Distillation

1,51

Transformation des aliments

1,19

Traitement de la viande

4,03

Traitement des volailles

7,56

Les techniques visant à la conservation de l’eau et à la prévention des déchets incluent notamment le nettoyage par jets à haute pression, l’élimination du surplus des cuves de lavage et de trempage, le remplacement des canalisations d’entraînement des matières par des convoyeurs mécaniques, l’installation de vannes d’arrêt automatique sur les tuyaux d’arrosage, la récupération, à partir des eaux chargées de déchets composites, de l’eau destinée au refroidissement des boîtes de conserve et la remise en circulation de cette eau de refroidissement.

Il est possible de réduire les charges polluantes des établissements industriels en modifiant les méthodes de traitement. Ainsi, dans le cas des fruits et des légumes, la pollution tient essentiellement aux opérations d’épluchage et de blanchiment. Le remplacement du blanchiment traditionnel, à l’eau ou à la vapeur, par un blanchiment dans un gaz chaud permet de diminuer la charge polluante de 99,9%. De même, l’épluchage à sec à la soude caustique peut abaisser la DBO de plus de 90% par rapport aux procédés classiques d’épluchage.

Les économies d’énergie

La complexification sans cesse croissante qui caractérise l’industrie alimentaire s’est accompagnée d’une augmentation de ses besoins énergétiques. De fait, elle a besoin d’énergie pour beaucoup de ses équipements: les fours à gaz, les séchoirs, les chaudières à vapeur, les moteurs électriques, les installations de réfrigération ou les systèmes de chauffage, de ventilation et de climatisation.

L’augmentation du coût de l’énergie a motivé la mise en place d’installations de récupération de la chaleur et a favorisé les recherches sur l’emploi de nouvelles sources d’énergie dans certaines opérations comme l’affinage des fromages, la déshydratation des aliments ou le chauffage de l’eau. Les stratégies d’économie d’énergie, de réduction des déchets et de conservation de l’eau sont en fait complémentaires.

Les conséquences sur la santé du consommateur

L’urbanisation a de plus en plus éloigné le consommateur du producteur. Dès lors, privé des moyens classiques dont il disposait jusque-là pour s’assurer de la qualité et de la salubrité des aliments, le consommateur est devenu tributaire d’une industrie alimentaire consciente de sa fonction et de sa responsabilité. Cette dépendance accrue s’est accompagnée du risque de mise sur le marché de denrées contaminées. Pour y faire face, un ensemble de dispositions a été instauré, surtout dans les pays industriels, afin de protéger la santé de la population et de réglementer l’emploi des additifs et d’autres substances chimiques. L’harmonisation des règlements et des normes par-delà les frontières semble s’imposer pour garantir la libre circulation des denrées alimentaires dans le monde.

Traitement des eaux usées de l’industrie laitière

L’industrie laitière se compose d’un grand nombre d’entreprises relativement petites qui produisent du lait, du fromage, du caillé, de la crème aigre, des crèmes glacées, des produits à base de petit lait concentré et du lactose.

L’industrie laitière pratique depuis longtemps le traitement biologique aérobie de ses eaux usées. Nombre de laiteries ont consacré d’importants budgets à la construction d’installations réservées au procédé des boues activées, de tours d’épuration biologique, de réacteurs à fonctionnement discontinu et de systèmes intégrés de traitement des eaux. L’intérêt porté aujourd’hui à la préservation des ressources en eau et en énergie a incité de nombreuses laiteries à réduire leur consommation d’eau. Cette tendance, confortée par la présence d’une forte concentration de polluants dans les eaux usées de ces établissements, a débouché sur la conception et la mise en place d’innombrables installations anaérobies de traitement des eaux.

LA TRANSFORMATION DES ALIMENTS

L’INDUSTRIE DE TRANSFORMATION DE LA VIANDE

Deborah E. Berkowitz et Michael J. Fagel

La viande destinée à la consommation humaine est principalement fournie par les bovins, les porcs, les moutons, les agneaux et, dans certains pays, par les chevaux et les chameaux. La taille et la capacité de production des abattoirs varient considérablement. A l’exception des zones rurales où ces opérations se font à très petite échelle, les animaux sont abattus et traités dans des entreprises industrielles. Celles-ci sont généralement soumises à des contrôles sanitaires vétérinaires effectués par les autorités locales dans le souci de prévenir toute contamination bactérienne susceptible de porter atteinte à la santé du consommateur. Les agents pathogènes les plus courants sont, notamment, les salmonelles et Escherichia coli . Dans ces établissements, le travail, désormais très spécialisé, est presque entièrement effectué sur des chaînes de production où la viande progresse à l’aide de tapis roulants et de convoyeurs, chaque travailleur n’ayant en charge qu’une seule opération. La quasi-totalité de la découpe et du traitement est encore effectuée par le personnel. Un poste de production peut exiger entre 10 000 et 20 000 découpes par jour. Dans quelques grands abattoirs des Etats-Unis, par exemple, certains postes de travail, tels que ceux spécialisés dans la fente des carcasses et le tranchage du lard, sont aujourd’hui automatisés.

L’abattage

Les animaux sont rassemblés dans un enclos d’attente avant d’être conduits à la halle d’abattage (voir figure 67.2). Il est obligatoire de les étourdir avant de les saigner, sauf dans le cas des abattages rituels juif ou musulman. A cette fin, on emploie généralement un pistolet spécial soit à culasse mobile, soit à air comprimé qui percute un projectile dans le crâne de l’animal, au niveau du bulbe rachidien (medulla oblongata) . Une fois étourdi ou «assommé», l’animal est hissé en l’air par l’une des pattes arrière et tiré par une chaîne accrochée à un convoyeur aérien qui l’achemine jusqu’au local voisin, où il est saigné par section de la veine jugulaire avec un couteau effilé. Le sang s’écoule dans des rigoles qui le dirigent vers les étages inférieurs où il est traité.

Figure 67.2 Diagramme fonctionnel de l'abattage des bovidés

Figure 67.2

L’animal est dépouillé de sa peau (cuir) par une série de parfentes pratiquées au couteau — de nouveaux couteaux pneumatiques sont utilisés dans les grands abattoirs pour effectuer certaines opérations de dépouille. Il est ensuite pendu par les deux pattes postérieures à un convoyeur aérien à chaîne. Pour le porc, la dépouille n’intervient pas toujours à ce stade. Les soies sont enlevées par échaudage de la carcasse dans un bain d’eau chauffée à 58 °C, puis dans une machine à épiler. Les soies restantes sont éliminées par brûlage et, enfin, par rasage.

Les pattes antérieures sont alors coupées, et les viscères (intestins) retirés. La tête est tranchée et jetée dans un bac. La carcasse est fendue verticalement en deux parties, selon l’axe vertébral; des scies à ruban hydrauliques sont généralement utilisées pour cette opération. La carcasse est ensuite lavée à l’eau chaude et, éventuellement, désinfectée à la vapeur, sous vide, voire soumise à un procédé de pasteurisation récemment introduit dans un certain nombre de pays.

Le plus souvent, les vétérinaires-inspecteurs sanitaires interviennent à l’issue des opérations de tranchage de la tête, d’éviscération, de fente de la carcasse et de lavage final.

Enfin, les carcasses, toujours suspendues au convoyeur aérien, sont placées pendant 24 à 36 heures dans un refroidisseur où la température est d’environ 2 °C, ce qui ralentit la prolifération bactérienne et évite la détérioration de la viande.

La transformation

Une fois refroidies, les demi-carcasses sont découpées en quartier avant et quartier arrière, lesquels sont ensuite débités en coupes de gros, variables selon les exigences de l’acheteur. Les quartiers avant et arrière sont parfois traités tels quels et vendus sans être parés; ces pièces peuvent peser entre 70 et 125 kg. De nombreux abattoirs (aux Etats-Unis, c’est la majorité) poursuivent le traitement de la viande — certains établissements sont spécialisés dans la découpe de la viande, qu’ils reçoivent des abattoirs. Les produits proviennent de ces abattoirs en cartons d’environ 30 kg.

La découpe se fait à la main ou à la scie pneumatique, suivant le type de coupe, et a généralement lieu après le parage qui consiste à retirer la peau. Il est fréquent qu’on utilise de grands hachoirs pour les hamburgers et d’autres viandes hachées. Des transformations ultérieures peuvent nécessiter l’emploi de presses et de tranchoirs à lard, de tambours et d’extrudeuses à jambon, d’attendrisseurs de viande électriques et de fumoirs. Souvent, des bandes transporteuses assurent le déplacement des produits. Les locaux de traitement doivent être réfrigérés, à une température de l’ordre de 4 °C.

Les abats, tels que le foie, le cœur, le thymus, la langue et les glandes, sont traités dans un lieu séparé.

De nombreux établissements préparent aussi les peaux avant de les expédier à la tannerie.

Les risques et leur prévention

La transformation de la viande est une des branches qui présente le plus de risques d’accidents. Les travailleurs peuvent être blessés lors du déplacement des animaux de l’enclos vers la halle d’abattage. Le personnel doit recevoir une formation sérieuse à la manipulation des animaux vivants et doit être protégé au maximum. Il arrive aussi que les pistolets utilisés pour l’étourdissement partent de façon intempestive ou qu’ils soient déclenchés par inadvertance alors que les travailleurs essaient de calmer les bêtes. Celles-ci, en tombant, peuvent constituer un danger pour les personnes qui se trouvent à proximité, tout comme sont dangereux les soubresauts produits par la réaction du système nerveux après l’étourdissement. En outre, les carcasses et produits divers suspendus par des crochets aux convoyeurs aériens à chaîne qui circulent d’un poste à l’autre sont susceptibles de se détacher.

Une bonne maintenance de tout l’équipement est nécessaire, surtout en ce qui concerne les dispositifs employés pour le transport de la viande, qui doivent être régulièrement contrôlés et réparés si besoin est. Des systèmes de sécurité appropriés doivent être prévus pour les pistolets d’abattage, tels que des crans d’arrêt et des mécanismes empêchant tout retour du projectile. Les travailleurs chargés d’assommer et de saigner les animaux doivent être informés des dangers auxquels ils sont exposés et ils doivent être équipés de couteaux dotés d’une garde ainsi que d’un équipement de protection pour éviter qu’ils ne se blessent. Lors de la saignée, par exemple, il leur faut porter des manchettes et des gants en maille d’acier et se servir de couteaux spéciaux munis d’une garde.

Pendant l’abattage comme au cours des transformations ultérieures, on se sert de couteaux et de machines à découper: machines à trancher la tête, machines à fendre les os, scies à ruban et scies circulaires, machines électriques ou pneumatiques équipées de couteaux à lame circulaire, hachoirs et, enfin, tranchoirs à lard. Ces opérations présentent de multiples risques qui vont de l’entaille occasionnée par un couteau à l’amputation. Ces risques ont des causes diverses: cadence imposée aux travailleurs, danger propre aux outils utilisés et caractère souvent glissant des produits qui ont subi des traitements gras ou humides. Les travailleurs peuvent se couper avec leurs propres couteaux ou être blessés par ceux de leurs collègues pendant le travail de boucherie (voir figure 67.3).

Figure 67.3 Découpe et tri de pièces de viande sans équipement de protection dans une
usine thaîlandaise de conditionnement de la viande

Figure 67.3

Les opérations qui ont été mentionnées requièrent un équipement de protection comportant un casque, des chaussures, des gants et un tablier en maille d’acier, des protège-poignets et des protège-bras, ainsi qu’un tablier imperméable. Des lunettes de protection peuvent aussi être nécessaires lors du désossage, du parage et de la découpe, afin d’éviter toute projection de corps étrangers dans les yeux. Les gants en maille d’acier ne doivent pas être portés pendant l’utilisation de scies pneumatiques ou électriques. Les scies et les outils pneumatiques doivent être pourvus de protections adéquates, telles que pare-lame et interrupteur marche-arrêt. Les engrenages, chaînes, bandes transporteuses et autres équipements non protégés peuvent être dangereux et doivent, pour cette raison, être munis de dispositifs de protection appropriés. Les couteaux à main devraient aussi comporter une garde qui empêche la main de glisser sur la lame. La formation du personnel et le maintien d’un espacement suffisant entre les travailleurs sont essentiels pour que les opérations s’effectuent en toute sécurité.

Les travailleurs chargés de la maintenance, du nettoyage ou du débourrage d’installations telles que les convoyeurs, les dispositifs de traitement du lard ou les hachoirs à viande sont exposés au risque d’un démarrage intempestif des machines, qui peut entraîner une amputation, voire la mort. Certains équipements sont nettoyés alors qu’ils sont en service, et les travailleurs courent le risque d’être happés dans les mécanismes.

Les travailleurs doivent être formés aux procédures d’interdiction d’accès par verrouillage/affichage. La mise en œuvre de dispositifs qui les empêchent de réparer, de nettoyer ou de débourrer un équipement avant que celui-ci n’ait cessé de fonctionner et ne soit verrouillé peut prévenir les accidents. Les travailleurs chargés d’interrompre la marche de certaines parties de l’équipement doivent être entraînés aux méthodes de neutralisation de toutes les sources d’énergie.

Dans l’entreprise, les planchers et les escaliers mouillés et fortement glissants représentent un sérieux danger pour les travailleurs, de même que les plates-formes de travail surélevées d’où ils peuvent tomber. Il convient de leur fournir des chaussures de sécurité à semelles antidérapantes. On trouve aussi dans le commerce des revêtements antidérapants et rugueux agréés par les services d’hygiène locaux qui conviennent pour les sols et les escaliers. On doit veiller à bien drainer les zones humides et à assurer le dégagement et le nettoyage des sols pendant les heures de production, de façon à réduire les surfaces humides et glissantes. Toutes les surfaces situées en hauteur doivent être équipées de barrières de sécurité pour prévenir les chutes accidentelles et empêcher le contact avec les convoyeurs et la chute de pièces de viande accrochées à ces convoyeurs. En cas de nécessité, des barres de protection pour les pieds devraient être prévues sur les plates-formes surélevées. Des rampes devraient aussi être installées dans les cages d’escalier à l’étage de la production pour éviter les risques de glissade.

La présence d’un réseau électrique complexe dans une atmosphère humide crée un danger d’électrocution pour les travailleurs. Tous les équipements devraient donc être soigneusement mis à la terre, et les prises de courant protégées par des clapets. Il faudrait contrôler régulièrement le réseau électrique afin de pouvoir détecter la moindre anomalie, et mettre l’équipement électrique scrupuleusement à la terre. Des disjoncteurs différentiels devraient être installés là où la chose est possible.

Le fait de tirer des carcasses, qui peuvent peser jusqu’à 140 kg, et de soulever de façon répétitive des cartons de 30 kg remplis de viande et prêts à l’expédition, expose les travailleurs à un risque de lombalgies. Des troubles consécutifs à des microtraumatismes répétés, comme le syndrome du canal carpien, la tendinite et la ténosynovite, sont fréquents dans cette filière. Aux Etats-Unis, par exemple, le secteur du traitement de la viande est plus fortement frappé que tout autre par ces pathologies, qui siègent, en particulier, au poignet, au coude et à l’épaule. Les troubles peuvent naître du travail sur la chaîne de production, hautement répétitif et physiquement pénible, de l’utilisation de machines vibrantes, de l’emploi de couteaux émoussés, du tranchage de viande congelée et du maniement de jets à haute pression lors des opérations de nettoyage. La prévention de tous ces risques passe par un réaménagement ergonomique de l’équipement, le recours à des aides mécaniques, un entretien scrupuleux du matériel produisant des vibrations (de façon à les réduire), une meilleure formation du personnel et par l’amélioration des programmes médicaux. Parmi les mesures ergonomiques possibles, il faut citer:

Figure 67.6 L'utilisation de palans pneumatiques pour soulever les cartons permet au
travailleur de guider les pièces, au lieu de les charger à la main

Figure 67.6

Les voies de circulation devraient être sèches et libres de tout obstacle afin que le transport des lourdes charges, qu’il soit manuel ou mécanique, s’effectue en toute sécurité.

Il conviendrait que les travailleurs soient formés à la manipulation correcte des couteaux et que le tranchage de la viande congelée soit entièrement éliminé.

L’examen médical et le traitement précoces des travailleurs présentant des symptômes sont souhaitables. Les contraintes étant les mêmes dans tous les secteurs de cette filière, il y a moins à attendre de la rotation des tâches. Toutefois, si c’est la solution retenue, il convient d’analyser ces dernières afin de ne pas solliciter les mêmes groupes de muscles et de tendons d’un poste à l’autre. Il est important aussi que les travailleurs soient parfaitement formés à exercer chacune d’elles.

Les machines et les équipements utilisés dans les installations de conditionnement de la viande sont très bruyants. Les travailleurs doivent donc disposer de bouchons d’oreille et avoir la possibilité de passer des examens audiométriques visant à détecter une éventuelle perte d’audition. De plus, le matériel devrait être insonorisé dans la mesure du possible. Un entretien correct des convoyeurs permet de supprimer les bruits inutiles.

Les travailleurs peuvent être exposés à des produits chimiques toxiques pendant le nettoyage et la désinfection de l’équipement. Les composés utilisés sont des alcalis caustiques et des nettoyants acides; ils sont susceptibles de provoquer sécheresse, rougeurs allergiques et autres troubles cutanés. Les liquides peuvent gicler et brûler les yeux. Suivant le type de détergent utilisé, un équipement de protection individuelle (masque oculaire ou masque facial, protège-bras, tablier et chaussures de protection) doit être fourni. Des sanitaires devraient être prévus pour le rinçage des mains et des yeux. Les tuyaux à haute pression amenant l’eau chaude nécessaire à la désinfection de l’équipement peuvent aussi causer des brûlures; il est primordial que les travailleurs soient parfaitement mis au courant de leur mode d’emploi. Le chlore présent dans l’eau qui sert à laver les carcasses peut aussi causer des irritations des yeux, de la gorge et de la peau. De nouvelles solutions antiseptiques sont utilisées dans le secteur de l’abattage pour diminuer le nombre de bactéries susceptibles de transmettre des maladies à l’humain. Par ailleurs, une ventilation convenable doit être mise en place. Enfin, il faut veiller tout particulièrement à ce que les concentrations de produits chimiques n’excèdent pas celles recommandées par les fabricants.

L’ammoniac est employé comme réfrigérant dans l’industrie et les fuites dans les conduites ne sont pas rares. Ce gaz est irritant pour les yeux et la peau. Une exposition faible à modérée peut provoquer céphalées, irritations de la gorge, sudation, nausées et vomissements. S’il n’est pas possible d’évacuer le personnel, le gaz peut entraîner une irritation grave de l’appareil respiratoire, qui se traduit par une toux, un œdème pulmonaire ou un arrêt respiratoire. La meilleure manière de prévenir de telles fuites demeure encore de bien entretenir les circuits de réfrigération. En outre, dès qu’une fuite est détectée, des procédures de monitorage et d’évacuation doivent être appliquées pour prévenir tout risque d’exposition.

Le dioxyde de carbone (CO2) est utilisé sous forme de neige carbonique dans le secteur du conditionnement. Au cours de cette opération, le gaz peut s’échapper des réservoirs et se répandre dans le local. L’exposition peut causer maux de tête, étourdissements, nausées, vomissements et, à des doses élevées, l’issue est fatale. Une ventilation appropriée doit être assurée.

Les cuves où est recueilli le sang présentent des risques liés aux espaces confinés si l’entreprise ne dispose pas d’un système de conduites et de traitement parfaitement étanche. En effet, les substances toxiques résultant de la décomposition du sang et du manque d’oxygène entraînent des risques graves pour ceux qui doivent entrer dans ces cuves ou les nettoyer ou qui doivent travailler à proximité. Avant d’autoriser le personnel à y pénétrer, on doit rechercher la présence d’éventuels produits toxiques, mais aussi vérifier si l’oxygène y est présent en quantité suffisante.

Les travailleurs peuvent contracter des maladies infectieuses comme la brucellose, l’érysipèle, la leptospirose, les dermatomycoses et les verrues.

D’origine bactérienne, la brucellose est transmise par le contact avec des bovins ou des porcs infectés. Les sujets infectés présentent une fièvre constante ou récurrente, des maux de tête, un état de faiblesse, des douleurs articulaires, des sudations nocturnes et une perte d’appétit. La limitation de l’abattage d’animaux infectés est l’un des moyens de prévention de cette maladie.

L’érysipèle et la leptospirose sont aussi causés par des bactéries. L’érysipèle est lié à l’infection, par le germe, d’une plaie provoquée par une perforation, une égratignure ou une abrasion. Cette infection se manifeste par une rougeur et une irritation à la périphérie de la zone infectée; elle peut passer dans le sang et s’étendre aux ganglions lymphatiques. La leptospirose est transmise soit par contact direct avec des animaux infectés, soit par l’eau, le sol humide ou la végétation souillés par l’urine d’animaux infectés. Elle se traduit par des douleurs musculaires, des infections oculaires, de la fièvre, des vomissements, des frissons, des céphalées et, parfois, par des troubles rénaux et hépatiques.

La dermatomycose, quant à elle, est une maladie fongique qui s’attrape au contact des cheveux ou des poils et de la peau de personnes ou d’animaux infectés. Egalement connue sous le nom de teigne, elle entraîne l’alopécie et la formation de petites croûtes jaunâtres cratériformes sur le cuir chevelu.

Les verrues vulgaires, d’origine virale, peuvent être propagées par des travailleurs infectés qui ont contaminé des serviettes de toilette, de la viande, des couteaux à poisson, des tables de travail ou d’autres objets.

D’autres maladies présentes dans les usines de conditionnement de la viande de certains pays incluent la fièvre Q et la tuberculose. Les principaux porteurs de la fièvre Q sont les bovins, les moutons, les chèvres et les tiques. L’humain est généralement infecté par l’inhalation d’aérosols contaminés; les symptômes caractéristiques associant fièvre, malaises, céphalées sévères, douleurs musculaires et abdominales. Le nombre de travailleurs des abattoirs porteurs d’anticorps antitoxoplasmiques est élevé dans certains pays.

La dermite est également répandue dans les usines de conditionnement de la viande. L’exposition au sang et à d’autres fluides animaux, à l’humidité et aux détergents utilisés pour le nettoyage ou la désinfection des installations est susceptible de provoquer des irritations cutanées.

Il est possible de prévenir les maladies infectieuses et la dermite grâce à l’hygiène corporelle. Pour cela, il faut garantir un accès immédiat et aisé à des installations sanitaires et à des lavabos; mettre à disposition du savon et des essuie-mains; fournir un équipement de protection individuelle (des gants de protection et, là où des fluides corporels animaux se sont répandus dans l’air ambiant, des protections oculaire et respiratoire); appliquer des crèmes-écran assurant une protection limitée contre les agents irritants et, enfin, assurer l’éducation des travailleurs et leur dispenser des soins médicaux précoces.

La halle d’abattage, où sont effectués l’abattage proprement dit, la saignée et la fente des carcasses, peut être particulièrement chaude et humide. Cette aire devrait donc disposer d’une ventilation efficace, qui évacue l’air chaud et humide et prévient la contrainte thermique. Les ventilateurs, placés de préférence en hauteur ou sur le toit, favorisent le mouvement de l’air. Les travailleurs devraient pouvoir prendre des boissons pour compenser les liquides et les sels absorbés par la transpiration et faire des pauses fréquentes dans un local frais.

L’odeur qui règne dans les abattoirs est caractéristique; elle associe diverses émanations de cuir mouillé, de sang, de vomissure, d’urine et d’excréments animaux. Elle est omniprésente dans la halle d’abattage, ainsi que dans les zones de traitement des déchets, des graisses et des peaux. Des extracteurs d’air sont nécessaires pour son évacuation.

En boucherie industrielle, le froid est essentiel. La transformation et le transport des produits carnés exigent généralement des températures inférieures ou égales à 9 °C. Des lieux tels que les congélateurs peuvent être réfrigérés jusqu’à –40 °C. Les risques les plus fréquents dans cet environnement sont la gelure des pieds, les engelures, le pied d’immersion et le pied des tranchées, dont le siège est bien localisé dans le corps. L’hypothermie est une grave conséquence de la charge thermique froide. L’appareil respiratoire, l’appareil circulatoire et le système ostéoarticulaire sont également sensibles à une exposition excessive au froid.

Pour prévenir les conséquences de la contrainte thermique froide et diminuer les risques du travail dans le froid, les travailleurs devraient porter une tenue appropriée et le lieu de travail devrait être équipé en conséquence. A cela doit s’ajouter la mise en œuvre de mesures administratives et de moyens de prévention technique. Plusieurs couches de vêtements protègent mieux qu’un seul vêtement épais. Les équipements de réfrigération et les systèmes de distribution d’air devraient permettre de réduire la vitesse de l’air. Les refroidisseurs devraient être placés aussi loin que possible des travailleurs, et des déflecteurs et écrans pare-vent devraient être prévus pour les protéger du courant d’air froid.

LA TRANSFORMATION DE LA VOLAILLE

Tony Ashdown

L’importance économique

La production de poulets et de dindes a considérablement augmenté aux Etats-Unis depuis les années quatre-vingt. Selon un rapport du ministère américain du Travail, ce phénomène s’explique par un changement dans les habitudes alimentaires des consommateurs (Hetrick, 1994). Un report de la consommation de la viande rouge et de porc vers la volaille est, en partie, dû à des études médicales antérieures.

Cette hausse de la consommation de volailles a entraîné un accroissement du nombre d’élevages et d’installations de transformation, en même temps qu’un important essor de l’emploi dans ce secteur. Aux Etats-Unis, par exemple, les emplois de l’industrie de la volaille ont connu entre 1980 et 1992 une augmentation de 64%. En termes de rendement par travailleur, la productivité a progressé de 3,1% par suite de la mécanisation et de l’automatisation, ainsi que d’une cadence de production et d’un rendement horaire plus grands. Cependant, par rapport à la filière de la viande rouge, celle de la volaille emploie encore une main-d’œuvre très importante.

Cette industrie a également été touchée par le phénomène de la mondialisation. Certaines installations de production et de transformation appartiennent conjointement à des investisseurs américains et à la Chine. En Chine, des établissements effectuant la sélection, l’élevage et la transformation exportent vers le Japon.

Bien souvent, les travailleurs des chaînes de transformation des volailles ont un faible niveau de qualifications, ils sont relativement moins instruits et appartiennent à des groupes sociaux minoritaires. Ils sont bien moins rémunérés que les travailleurs du secteur de la viande rouge et des industries manufacturières. Dans certaines opérations, le taux de rotation des effectifs est exceptionnellement élevé. C’est le cas des travaux particulièrement pénibles, tels que l’accrochage des volailles vivantes, leur désossage et leur traitement sanitaire. De par sa nature même, l’industrie de transformation de la volaille est surtout implantée en milieu rural et plus particulièrement dans les zones économiquement faibles et en butte à un fort taux de chômage. Aux Etats-Unis, de nombreuses usines de transformation emploient de plus en plus de travailleurs hispanophones. Cette main-d’œuvre est en quelque sorte temporaire, travaillant une partie de l’année en usine et, au moment des récoltes, dans les champs.

La transformation

Tout au long de la transformation de la volaille, les exigences sanitaires doivent être respectées. Les sols doivent être lavés régulièrement et souvent; il est impératif de les débarrasser des déchets, des débris et des graisses. Il en va de même pour les convoyeurs et le matériel de transformation, facilement accessibles, qui doivent en plus être désinfectés. Il faut veiller à ce que la condensation ne s’accumule pas au plafond ou sur les équipements placés au-dessus des volailles; elle doit être essuyée avec des balais-éponges à long manche. Situés en hauteur, des ventilateurs à ailettes radiales non protégés assurent la circulation de l’air dans les zones de traitement.

Compte tenu de ces obligations sanitaires, il est souvent impossible d’insonoriser les équipements rotatifs munis de protections. De ce fait, la plupart des ateliers de production sont spécialement bruyants. Un programme de protection de l’audition adéquat et efficace est donc nécessaire. On devrait non seulement pratiquer des audiogrammes à l’embauche et renouveler ensuite ces examens tous les ans, mais aussi effectuer des mesurages périodiques pour surveiller l’exposition au bruit. Lorsqu’on envisage d’acheter une machine, il faut opter pour la plus silencieuse. Enfin, il convient d’éduquer et de former les travailleurs au problème du bruit.

La réception et l’accrochage des animaux vivants

La première étape de la transformation comprend le déchargement des caisses et le désempilage des plateaux, puis leur placement sur un convoyeur qui les dirige vers la zone d’accrochage à vif. Là, le travail se fait dans une obscurité presque totale, apaisante pour les volailles. Le convoyeur, pourvu d’un plateau, est situé à peu près à hauteur de taille. Les mains gantées, le travailleur chargé de l’accrochage saisit le volatile par les cuisses et le suspend par les pattes à un crochet fixé à un convoyeur aérien qui circule en sens inverse.

Les dangers inhérents à l’opération sont variables. Au niveau sonore qui est généralement élevé, à l’obscurité ambiante et à l’effet déroutant des convoyeurs avançant à contre-courant s’ajoutent les poussières que dégagent les battements d’ailes des volatiles, les projections subites d’urine ou de fèces et le risque de se coincer un doigt ganté dans un crochet. Les convoyeurs à chaîne doivent être équipés de dispositifs d’arrêt d’urgence. Les travailleurs qui procèdent à l’accrochage heurtent constamment du dos de la main les crochets voisins lorsqu’ils passent au-dessus de leur tête.

Il n’est pas rare qu’un travailleur doive accrocher, en moyenne, 23 volatiles (ou plus) à la minute (certains postes, sur la chaîne d’accrochage, requièrent même une cadence pouvant atteindre quelque 26 volatiles à la minute). Il en ressort que, sur une seule chaîne, sept ouvriers peuvent accrocher 38 640 volailles en quatre heures avant de prendre une pause. Si un volatile pèse environ 1,9 kg, chaque travailleur est appelé à soulever un poids total de quelque 1 048 kg pendant les quatre premières heures de son poste de travail, et ce avant la pause réglementaire. Ce travail est donc extrêmement pénible tant physiquement que psychologiquement. Une réduction de la charge de travail pourrait amoindrir le stress. Il est en effet particulièrement pénible pour la partie supérieure de l’épaule et pour le cou de devoir saisir de façon répétée des deux mains, de tirer et de soulever simultanément une volaille qui bat des ailes et griffe au niveau de l’épaule ou de la tête.

Dans la mesure où ils ne sont pas protégés, les travailleurs peuvent aussi être facilement égratignés aux bras par des plumes ou des ergots de volatiles. En outre, ils doivent rester debout durant de longues périodes sur des sols durs, ce qui peut être très inconfortable et causer des douleurs au niveau de la région lombaire. Il apparaît donc indispensable qu’ils disposent de chaussures adaptées, d’un appui dorsal, d’une protection oculaire, d’un masque respiratoire à usage unique et de manchettes, ainsi que d’installations leur permettant de se rincer les yeux.

Si l’on veut assurer la protection de la santé des travailleurs, il est extrêmement important de mettre en place un programme d’adaptation à l’emploi. Ainsi, pendant une période maximale de deux semaines, toute nouvelle recrue doit pouvoir s’habituer progressivement à ses conditions de travail pour, finalement, occuper son poste à plein temps. Autre élément clé: la rotation du travail. Après avoir accroché des poulets pendant deux heures, le travailleur doit se voir confier une tâche avec des gestes et des postures moins contraignantes. Il se peut que la division du travail au sein de ce type de personnel exige des pauses courtes, mais fréquentes, dans un lieu climatisé. Afin de diminuer les contraintes de nature ergonomique, certains établissements ont essayé de doubler les équipes et proposé un régime faisant alterner vingt minutes de travail et vingt minutes de pause.

Les conditions sanitaires et le confort du travail sont également tributaires des facteurs météorologiques et de l’état des animaux. Par temps sec et chaud, les volailles transportent avec elles de la poussière et des acariens qui passent facilement dans l’air ambiant. Par temps humide, les volatiles sont plus difficiles à manipuler, les gants sont rapidement mouillés, et il faut déployer plus de force pour les saisir. Des gants réutilisables et rembourrés sur le dessus ont été mis au point.

L’impact des particules aériennes, des plumes, des acariens, etc. peut être atténué par l’installation d’une ventilation efficace par aspiration localisée. Un système équilibré de prise et d’extraction d’air («push-pull»), comportant un refroidissement ou un chauffage à extraction basse, est bénéfique pour le personnel. Des ventilateurs de refroidissement supplémentaires ne pourraient que nuire à l’efficacité de ce système.

Une fois suspendues aux crochets, les volailles sont anesthésiées par électrocution. Le voltage élevé ne les tue pas mais les rend flasques tandis qu’une roue en rotation (un pneu de bicyclette) guide leur cou vers une lame circulaire en contre-rotation. Le cou est partiellement tranché, alors que le cœur bat encore et expulse le reste de sang; la carcasse doit être entièrement vidée de son sang. Un travailleur expérimenté se tient prêt à tuer les volatiles que la machine a manqués. En raison de l’importante quantité de sang, il doit être protégé par une combinaison imperméable et une protection oculaire. Des installations de lavage ou de rinçage sous jet continu doivent être aussi prévues.

Le parage

Le convoyeur transportant les carcasses passe ensuite à travers une série de bacs ou de cuves d’eau chaude en circulation, les échaudoirs. La température de l’eau est généralement entretenue par des serpentins chauffés à la vapeur. L’eau est traitée au chlore, de façon à éliminer les bactéries. Cet échaudage facilite le plumage. Des précautions doivent être prises autour des échaudoirs. Il arrive en effet que les conduites et les vannes ne soient pas protégées ou, du moins, qu’elles soient mal isolées, et l’on peut donc se brûler à leur contact.

Au sortir des échaudoirs, les carcasses passent par un dispositif en forme de U qui détache les têtes. Celles-ci sont généralement entraînées par un flux d’eau courante vers la zone de récupération des graisses (ou de traitement des sous-produits).

La file de carcasses passe ensuite entre des tambours rotatifs sur lesquels sont fixés des doigts de caoutchouc qui retirent les plumes, lesquelles tombent dans une tranchée où un courant d’eau les entraîne vers la zone réservée aux sous-produits.

Pour la facilité du traitement des carcasses, il est essentiel que le poids des volatiles soit homogène. S’il varie d’un volatile à l’autre, les secteurs de production sont contraints d’ajuster leur matériel en conséquence. Par exemple, si des volatiles plus légers suivent des oiseaux plus lourds dans les plumeuses, les tambours rotatifs risquent de ne pas parvenir à enlever la totalité des plumes. Il faut alors recommencer le travail, ce qui fait augmenter les coûts de production. De plus, les travailleurs doivent faire un effort supplémentaire puisqu’ils sont tenus d’enlever les plumes restantes à la main, en s’aidant d’une pince.

Après le plumage, les volailles sont dirigées vers un dispositif de flambage chauffé au gaz et composé de trois brûleurs de chaque côté; ce passage à la flamme a pour but d’éliminer le duvet et les plumes fines. Il convient de surveiller l’état des conduites de gaz que peut corroder l’humidité de la zone de plumage et de parage.

Les volailles sont ensuite traitées par une machine à couper les pattes. Celles-ci sont acheminées séparément vers une zone particulière où elles sont nettoyées, calibrées, triées, refroidies et conditionnées pour le marché asiatique.

Les volailles doivent être, à nouveau, suspendues à des crochets avant d’entrer dans la section d’éviscération. Les crochets ont une forme légèrement différente, généralement plus allongée. L’automatisation est facile à réaliser à ce stade des opérations (voir figure 67.7). Toutefois, les travailleurs doivent pouvoir faire reculer la machine si elle se bloque, de façon à raccrocher les volailles tombées ou à couper manuellement les pattes à la cisaille si la machine ne l’a pas fait correctement. Du point de vue du traitement et du coût, il est important que chaque crochet soit occupé. Les postes de raccrochage impliquent des mouvements extrêmement répétitifs et des positions inconfortables (coudes et épaules levés). La main-d’œuvre qui y est assignée est exposée à un risque augmenté de troubles consécutifs à des microtraumatismes répétés.

Figure 67.7 Les machines permettant d'effecturer plusieurs types de coupe réduisent
le travail manuel répétitif

Figure 67.7

Si une machine tombe en panne ou se dérègle, il faut que le travailleur déploie des efforts importants pour remettre la chaîne en marche, et ce alors même qu’il n’opère pas toujours dans des conditions optimales de sécurité. Lorsqu’il doit grimper pour accéder à certaines parties d’une machine, le préposé à la maintenance ne prend pas systématiquement le temps de se procurer une échelle et court le risque de mettre les pieds sur une machine mouillée et glissante. Les chutes constituent un danger. Lorsqu’on installe de tels équipements, il faut s’assurer qu’il est facile d’y accéder et de les entretenir. Des dispositifs de verrouillage et des boutons d’arrêt doivent être prévus sur chaque pièce. Le constructeur doit prendre en compte l’environnement et les conditions dangereuses dans lesquelles s’effectue l’entretien de ces machines.

L’éviscération

Au sortir de l’opération de parage et avant d’entrer dans l’unité de transformation suivante, nettement séparée du reste de l’installation, le convoyeur conduit généralement les volailles vers un autre dispositif de flambage, puis sous une lame circulaire qui enlève la glande uropygienne, à la base du croupion. Souvent, les lames d’un tel équipement tournent librement et exigent donc d’être convenablement protégées. Là encore, si la machine n’est pas réglée suivant le poids du volatile, les travailleurs sont tenus de retirer la glande avec un couteau.

Le convoyeur amène ensuite les volailles à une fendeuse automatique qui soulève légèrement l’abdomen, tandis qu’une lame ouvre la carcasse sans toucher aux intestins. La machine suivante pénètre dans la cavité et enlève les viscères, gardés intacts pour permettre l’inspection de salubrité. Aux Etats-Unis, les quelques opérations suivantes peuvent faire l’objet d’un contrôle mené par des inspecteurs gouvernementaux qui détectent d’éventuelles anomalies, telles que grosseurs et signes d’aérosacculite ou de contamination des fèces. En général, un inspecteur ne contrôle qu’une ou deux volailles. Si le taux d’anomalies est élevé, les inspecteurs font ralentir la cadence de la chaîne. Le plus souvent, les anomalies n’entraînent pas un rejet total; certaines parties des volailles sont lavées ou détachées de la carcasse et récupérées pour éviter une trop forte baisse du rendement.

Plus les rebuts sont importants, plus le travail manuel nécessitant des gestes répétitifs comme coupage et tranchage est considérable. Les inspecteurs officiels, généralement assis sur des plates-formes spéciales à hauteur réglable, sont assistés par des travailleurs de la production, placés à droite et à gauche et debout sur un caillebotis, sauf s’ils disposent d’un siège ajustable. Pour réduire la fatigue physique et psychologique liée à cette phase du traitement des volailles, divers moyens sont envisageables: les plates-formes à hauteur réglable, les sièges, les repose-pieds, ainsi que la rotation des tâches.

Après l’inspection, les viscères sont triés par une machine qui récupère le cœur et le foie, ou les abattis. Intestins, estomac, rate, rognons et vésicule biliaire sont rejetés dans une tranchée où un courant d’eau les emporte. Le cœur et le foie sont aspirés, et des convoyeurs spécialisés dans le tri les prennent en charge; des travailleurs les inspectent et les sélectionnent à la main. Ceux qui passent l’épreuve, parfaitement intacts, sont aspirés ou transférés dans une zone spécifique de l’établissement; ils y sont emballés en vrac, manuellement, ou, ultérieurement, à nouveau réunis avec d’autres abattis pour farcir une volaille éviscérée destinée à la vente — cette dernière opération se fait aussi à la main.

Lorsque la carcasse sort du collecteur, le jabot est recueilli. Chaque cavité de la carcasse est tâtée à la main afin d’être débarrassée d’éventuels restes de viscères et de gésier. Le travailleur traite deux volailles à la fois, chacune d’une main, à leur passage sur le convoyeur. Un dispositif d’aspiration est souvent utilisé pour éliminer le restant de poumons ou de rognons. Il est fréquent que les petits cailloux ou les fragments de litière que les volailles ont pu ingérer blessent le travailleur au bout des doigts ou sous les ongles, lorsqu’il introduit sa main dans la cavité abdominale.

Pour n’être pas traitées correctement, ces petites blessures risquent de s’infecter sérieusement, la cavité abdominale des volailles n’étant pas débarrassée des bactéries. La sensibilité tactile est indispensable pour effectuer ce travail, mais à ce jour aucun modèle de gant ne permet de prévenir ces incidents courants. Les gants de chirurgien, qui épousent la main, ont été testés avec un certain succès. La cadence de la chaîne est telle que le travailleur n’a pas la possibilité d’être précautionneux quand il procède à l’examen de l’abdomen des volatiles.

Enfin, le cou des volailles est tranché mécaniquement et récupéré. Celles-ci passent ensuite dans un dispositif de lavage à jet d’eau chlorée, ce qui permet d’éliminer des restes de viscères adhérant encore à la carcasse, intérieurement comme extérieurement.

Lors de l’ensemble des opérations de parage et d’éviscération, la main-d’œuvre se trouve exposée à des niveaux sonores élevés, à des sols glissants et à des contraintes ergonomiques importantes, spécifiques aux travaux d’abattage, de découpe et de conditionnement. Selon une étude de l’Institut national de la sécurité et de la santé au travail (National Institute of Occupational Safety and Health (NIOSH)), aux Etats-Unis, le syndrome du canal carpien peut toucher de 20 à 30% de la main-d’œuvre des abattoirs de volaille (Kiken et coll., 1990).

Les opérations de refroidissement

Selon le procédé utilisé, les cous sont aspirés vers des bacs de refroidissement non couverts et équipés de bras rotatifs, de pales ou d’aubes. Ces bacs ouverts constituent une grave menace pour la sécurité des travailleurs au cours de l’opération et, de ce fait, doivent être convenablement protégés par des couvercles ou des grilles amovibles. Cette protection ne doit toutefois pas empêcher la surveillance visuelle du bac. Si une protection est retirée ou soulevée, des interrupteurs doivent permettre d’arrêter les bras rotatifs ou les aubes. Au sortir de ces refroidisseurs, les cous sont soit immédiatement emballés en vrac en vue d’un traitement ultérieur, soit dirigés vers la zone réservée à l’emballage des abattis pour y être emballés avec d’autres articles.

Après l’éviscération, les volailles que transporte le convoyeur tombent dans des bacs de refroidissement, horizontaux et non couverts, ou plutôt, comme en Europe, passent dans un courant d’air réfrigéré. Les refroidisseurs, munis de pales qui tournent lentement, abaissent la température des carcasses. L’eau de refroidissement est fortement chlorée (20 ppm ou plus) et agitée par un passage d’air. Le séjour des carcasses peut y atteindre une heure.

En raison des grandes quantités de chlore libre dégagées, les travailleurs sont fortement exposés et peuvent souffrir d’irritation des yeux et de la gorge, de toux et de gêne respiratoire. Le NIOSH a réalisé plusieurs études sur l’irritation des yeux et des voies aériennes supérieures dans les abattoirs de volailles, ce qui l’a amené à recommander une surveillance et une limitation rigoureuse des taux de chlore, l’usage de rideaux pour contenir le chlore libéré (ou l’emploi d’un autre type d’isolation pour la surface découverte de la cuve), ainsi que l’installation d’un système de ventilation à extraction d’air (Sanderson, Weber et Echt, 1995).

Le temps de séjour des carcasses dans la cuve est un élément important et est controversé. Une fois éviscérée, la carcasse n’est pas totalement propre; les pores de la peau et les follicules pileux sont ouverts et logent des germes pathogènes. Le principal objectif du passage dans les refroidisseurs est de refroidir les volailles rapidement pour réduire les pertes; cette réfrigération primaire ne tue cependant pas les bactéries, et le risque de contamination croisée pose un sérieux problème de santé publique. Des esprits critiques ont qualifié ce bain refroidissant de «soupe fécale». D’un point de vue strictement financier, la méthode est avantageuse, car la viande absorbe l’eau de refroidissement comme une éponge, et le poids commercial du produit s’en trouve augmenté de presque 8% (Linder, 1996).

Après la réfrigération primaire, les carcasses sont déposées sur un convoyeur ou une table vibrante. Des travailleurs spécialisés, les «classeurs de volailles», inspectent les volailles pour y déceler d’éventuelles contusions, déchirures de la peau, etc., et les suspendent une nouvelle fois à des crochets qui défilent devant eux. Il arrive que les volailles de deuxième choix soient expédiées vers d’autres postes où certains morceaux sont récupérés. Les classeurs passent de longues heures, debout, à manipuler les volailles réfrigérées. Aussi, leurs mains sont-elles menacées d’engourdissement ou de douleurs. Les gants fourrés sont destinés à la fois à les protéger des résidus chlorés et à les réchauffer un peu.

La découpe

Après le tri, les volailles toujours suspendues subissent différentes opérations, à travers machines et chaînes, dans une zone de l’installation réservée à la seconde transformation. Certaines machines sont alimentées manuellement, avec les deux mains. En Europe, d’autres matériels plus modernes, installés sur différents postes, ôtent les cuisses et les ailes et fendent la poitrine, sans que le travailleur n’ait à intervenir. Avec cet équipement automatisé, l’homogénéité de poids et de taille des volailles est déterminante pour le succès de l’opération. Les lames rotatives circulaires doivent être changées quotidiennement.

Techniciens de maintenance ou travailleurs, tous doivent prêter attention aux équipements. Un réglage, l’entretien ou le nettoyage étant souvent nécessaires, l’accès à ces équipements requiert des escaliers, et non pas de simples échelles, ainsi que des échafaudages solides. Pendant le changement de lames, la manipulation doit être prudente du fait qu’elles sont rendues glissantes par les dépôts de graisse. Des mitaines spéciales, antidérapantes, laissent les doigts libres pour utiliser les outils ou serrer les boulons et les écrous, tout en protégeant largement la main.

L’évolution du goût des consommateurs s’est répercutée sur les processus de production. Dans certains cas, les morceaux séparés (par exemple, le pilon, la cuisse et le blanc) doivent être commercialisés sans peau. De nouveaux matériels de traitement ont été mis au point qui retirent la peau mécaniquement; ainsi les travailleurs sont-ils libérés de cette tâche. Toutefois, au fur et à mesure qu’on ajoute du matériel automatisé et qu’on modifie la chaîne de production, l’espace est de plus en plus encombré. Le mouvement et le déplacement, sur des sols mouillés et glissants, des travailleurs, des chariots, des caisses ou des bacs en plastique contenant plus de 27 kg de produits réfrigérés s’en trouvent considérablement compliqués.

Liés à la demande du consommateur et aux ventes d’assortiments de produits, les préposés, debout face aux convoyeurs aériens, sélectionnent au passage différents morceaux et les disposent sur des barquettes en plastique. Les pièces de viande avancent dans une direction fixée ou tombent d’un toboggan. Les plateaux sont apportés par les convoyeurs aériens et descendus jusqu’aux travailleurs pour qu’ils puissent en saisir un certain nombre et les empiler devant eux, à portée de main. Les produits défectueux peuvent être soit placés sur un convoyeur circulant en sens inverse et situé en contrebas, soit suspendus à un crochet fixé à un convoyeur aérien progressant dans la direction opposée. Les travailleurs se tiennent, pendant de longues périodes, côte à côte, parfois séparés seulement par un chariot dans lequel ils jettent les rebuts ou les déchets. Ils doivent porter des gants, des tabliers et des bottes.

Certains produits peuvent être emballés en vrac dans des cartons et recouverts de glace. Les travailleurs remplissent les cartons à la main jusqu’au poids voulu et les transportent ensuite eux-mêmes jusqu’à des convoyeurs en mouvement. Plus tard, dans la salle d’emballage des cartons, de la glace est ajoutée, puis les cartons sont fermés et empilés manuellement sur des palettes prêtes à être expédiées.

Parfois, les travailleurs de la découpe sont aussi exposés à des niveaux sonores élevés.

Le désossage

Les carcasses destinées à être désossées sont entreposées dans de grands conteneurs en aluminium ou dans des boîtes en carton (ou des unités de charge «gaylords») placés sur des palettes. Les blancs de volaille attendent quelques heures avant d’être traités mécaniquement ou manuellement. La viande fraîche est difficile à couper et à parer à la main. D’un point de vue ergonomique, le vieillissement de la viande contribue à réduire les risques que comportent pour les mains les mouvements répétitifs.

Il existe deux méthodes de désossage. Avec la méthode manuelle, les carcasses, une fois prêtes (la seule viande restante est le blanc), sont jetées dans une trémie qui les livre à un convoyeur. Les travailleurs de cette partie de la chaîne doivent manipuler les carcasses et passer chacune d’elles sur deux rouleaux horizontaux en marche, qui retirent la peau. La carcasse est entraînée sur ces rouleaux en même temps que la peau est enlevée et tombe sur un convoyeur situé en contrebas. La moindre inattention ou distraction peut valoir aux travailleurs de se coincer les doigts dans les rouleaux. Le poste doit donc être équipé de boutons d’arrêt d’urgence à portée de la main libre ou du genou. Les gants et les vêtements larges ne conviennent pas pour un tel travail. Indispensables, des tabliers, portés près du corps, et des protections oculaires permettent de se protéger contre d’éventuelles projections d’esquilles ou de fragments d’os.

L’opération suivante est effectuée par des travailleurs entailleurs. Ceux-ci tiennent la carcasse d’une main et, de l’autre, incisent le bréchet sur sa longueur, généralement à l’aide de couteaux à courte lame, très acérés. Sur leurs gants en latex ou en nitrile, ils portent d’ordinaire des gants à maille d’acier. Les couteaux utilisés pour l’opération n’exigent pas d’être pointus. Une protection oculaire est aussi nécessaire.

La troisième opération est effectuée par les travailleurs qui ôtent le bréchet. Elle se fait manuellement ou à l’aide d’un dispositif composé d’un support en Y peu coûteux (usiné à partir d’une barre à section ronde en acier inoxydable) vers lequel la carcasse est guidée et qui la tire vers l’opérateur. Celui-ci doit régler la hauteur du support à sa taille. De sa main gantée, il a pour simple tâche de retirer l’os du bréchet avec une pince. Une protection oculaire lui est essentielle, comme dans le cas de l’opération précédente.

La quatrième opération consiste à prélever les blancs de volaille à la main. Les travailleurs, alignés côte à côte et debout, les saisissent dans des balancelles qui passent devant eux. Certaines techniques doivent être observées à ce stade. Une formation appropriée et une correction immédiate des erreurs sont indispensables. Une main protégée par un gant métallique, les travailleurs tiennent, dans l’autre, un couteau extrêmement acéré (dont l’extrémité peut également être très pointue).

Pour ce travail, la cadence est rapide. S’ils prennent tant soit peu de retard, les travailleurs sont contraints d’user de raccourcis, comme d’essayer de rattraper une pièce qui défile déjà devant un collègue ou de couper une pièce qui a dépassé leur poste. De tels gestes peuvent non seulement nuire à la qualité de la viande, marquée d’entailles malvenues, mais aussi occasionner des blessures graves à leurs camarades, blessures qui souvent s’infectent par la suite. Des manchettes en plastique protègent les bras contre ce type d’accident fréquent.

Le blanc de volaille est ensuite replacé sur la balancelle du convoyeur et dirigé vers les travailleurs chargés de parer la viande. Il s’agit alors de retirer l’excès de graisse, la peau et les os restants à l’aide de ciseaux acérés et ajustés. Une fois paré, le produit fini est emballé soit manuellement dans une barquette, soit automatiquement dans des sacs de vrac qui sont regroupés dans des cartons destinés à la restauration.

La seconde méthode de désossage met en jeu un équipement automatique développé en Europe. Comme pour la méthode manuelle, les cartons ou autres contenants de carcasses en vrac (certaines possèdent encore leurs ailes) sont vidés dans une trémie. Les carcasses sont alors saisies à la main et placées sur des convoyeurs à casiers; chacune d’elles peut aussi être déposée à la main dans le sabot d’une machine. Celle-ci avance rapidement et fait passer la carcasse par une série de doigts (qui en retirent la peau), de lames et de couteaux. La carcasse en ressort débarrassée de la viande, laquelle est évacuée en vrac et utilisée ailleurs. Sur cette chaîne, la plupart des mouvements manuels sont supprimés, à l’exception de ceux du parage aux ciseaux.

Les travailleurs désosseurs sont exposés à des risques ergonomiques graves du fait du caractère physique et répétitif de leur travail. Pour chacune des tâches du poste de désossage, surtout pour le prélèvement des filets et le parage, la rotation du personnel peut contribuer largement à réduire les contraintes ergonomiques. Il est important que la nouvelle tâche à laquelle un travailleur est affecté, du fait de la rotation, ne sollicite pas le même groupe de muscles. Il a été préconisé que les travailleurs chargés du prélèvement des filets et ceux qui effectuent le parage permutent régulièrement. Cette solution est à rejeter, car les deux tâches impliquent les mêmes mouvements de préhension, de torsion et de rotation de la main qui ne tient pas l’outil (couteau ou ciseaux). On peut certes arguer que le fait de tenir un couteau sans grand effort, en effectuant un mouvement de torsion ou de rotation, lors de la découpe des filets, ne fait pas appel aux muscles de la même manière que le mouvement d’ouverture et de fermeture des ciseaux. Toutefois, ces mouvements de torsion et de rotation de la main sont aussi requis dans le second cas. La cadence de la chaîne est, en grande partie, responsable des troubles biomécaniques observés chez les travailleurs effectuant ces tâches.

L’emballage et la réfrigération

Au sortir de la découpe ou du désossage, les produits sont placés dans des barquettes qui sont dirigées vers le poste d’emballage. Les travailleurs identifient les morceaux et introduisent les barquettes dans des machines qui appliquent un film plastique étiqueté, replient ce film en dessous, puis passent les barquettes dans un appareil de scellage à chaud. Il arrive que celles-ci traversent ensuite une installation de lavage avant d’être réidentifiées et placées dans un panier. Chaque panier contenant un produit spécifique est chargé sur un convoyeur qui l’achemine vers une salle frigorifique. Les barquettes y sont alors triées et empilées à la main ou automatiquement.

Les travailleurs chargés de l’emballage des barquettes se tiennent debout, à leur poste, durant de longues heures. Pour éviter que ce ne soit pas toujours la même main qui saisisse la marchandise, on procède à des rotations. Généralement, la zone d’emballage est relativement sèche. Des paillassons rembourrés peuvent contribuer à réduire la fatigue des jambes et du dos.

Les demandes des consommateurs, la nature des ventes et les exigences du marketing sont susceptibles de créer des risques ergonomiques particuliers. Ainsi, à certaines périodes de l’année, pour des «raisons de commodité et d’économie», on commercialise des barquettes plus lourdes, de plusieurs kilos. Cette surcharge provoque des lésions de la main liées à la répétitivité accrue du mouvement, du fait que le processus de travail, à la chaîne, est prévu pour que les barquettes soient saisies d’une seule main. Comment peut-on attendre d’un travailleur qu’il ait la force de soulever, d’une seule main, une barquette d’un tel poids?

Le film plastique transparent utilisé pour l’emballage peut libérer de faibles quantités de monomères ou d’autres produits de dégradation lorsqu’il est scellé à chaud. Si les travailleurs se plaignent des fumées, le fabricant ou le fournisseur du film devraient être invités à participer à l’évaluation du problème. Un dispositif de ventilation par aspiration localisée peut s’avérer nécessaire. Le matériel de scellage à chaud doit être correctement entretenu, et le bon fonctionnement des boutons d’arrêt d’urgence vérifié au début de chaque poste.

La salle frigorifique, ou zone de réfrigération, présente divers risques liés à l’incendie, à la sécurité et à la santé. Du point de vue des incendies, le conditionnement des produits présente un risque puisque l’emballage est en polystyrène, matière hautement combustible. De plus, l’isolation des murs est généralement à base de mousse de polystyrène. Les appareils de réfrigération devraient donc, par mesure préventive, être équipés de systèmes d’extincteurs d’alerte à sec, conçus pour les risques exceptionnels (les systèmes d’alerte se composent de sprinklers à déclenchement automatique, reliés à des conduites contenant de l’air sec ou de l’azote, et d’un dispositif de détection placé dans le même lieu que les sprinklers).

Lorsque les paniers contenant les barquettes sont introduits dans la salle frigorifique, les travailleurs doivent les empiler à la main sur un chariot en les soulevant à hauteur d’épaule ou plus haut encore. Lorsque la pile est élevée, les travailleurs ne peuvent atteindre le sommet sans s’entraider.

Dans la salle frigorifique, la température peut descendre jusqu’à –2 °C. Les travailleurs devraient porter plusieurs couches de vêtements ou des combinaisons isolantes, ainsi que des chaussures de sécurité à embout protégé. Chariots et piles de paniers doivent être manipulés à la main et poussés dans différentes parties de la salle dans l’attente d’une utilisation ultérieure. Les travailleurs tentent souvent de gagner du temps en poussant plusieurs piles à la fois, ce qui peut leur causer des douleurs musculaires ou lombaires.

La qualité du produit, de même que la sécurité des travailleurs, sont directement tributaires de l’état des paniers. Lorsqu’on place des paniers endommagés sous des paniers pleins, toute la pile, rendue instable, peut facilement basculer. Les produits emballés tombent sur le sol, se salissent ou se détériorent; il faut refaire le travail et donc effectuer une manipulation supplémentaire. Sans compter que les piles de paniers peuvent aussi s’effondrer sur d’autres travailleurs.

Lorsqu’un mélange particulier de produits est demandé, les paniers peuvent être désempilés à la main. Les barquettes sont chargées sur un convoyeur équipé d’une balance qui les pèse et leur appose des étiquettes indiquant leur poids et les codes nécessaires au suivi commercial du produit. Les barquettes sont emballées à la main dans des cartons ou des boîtes, parfois garnis intérieurement d’un film imperméable. Les travailleurs doivent souvent étendre les bras pour saisir les barquettes. Comme dans le cas de l’emballage, les conditionnements plus grands et plus lourds peuvent être sources de tension au niveau des mains, des bras et des épaules. Les travailleurs restent debout à la même place pendant de longues périodes. Des paillassons antifatigue peuvent réduire les tensions dans les jambes et la région lombaire.

Quand les cartons passent par un convoyeur, les revêtements intérieurs peuvent être scellés à chaud, tandis que du dioxyde de carbone (CO2) est injecté. Cette opération, accompagnée d’une réfrigération continue, prolonge la durée de stockage du produit. Lorsque le carton ou la boîte poursuivent leur progression, une poignée de neige carbonique y est introduite afin que le produit se conserve mieux pendant leur transport en camion réfrigérant jusqu’au client. Toutefois, le CO2 comporte des risques en milieu clos. Les flocons de neige carbonique peuvent soit tomber d’une trémie, soit être extraits d’une grande cuve partiellement couverte. Bien que la limite d’exposition au CO2 soit relativement élevée et qu’il existe des moniteurs en continu, il est impératif que le personnel soit averti des risques, qu’il en connaisse les symptômes et qu’il se protège à l’aide de gants et de lunettes. Des panneaux signalant le danger doivent aussi être placés dans la zone visée.

Les cartons ou les boîtes de produits en barquettes sont généralement scellés par application d’un adhésif thermofusible. De douloureuses brûlures sont possibles en cas de mauvais réglage, de capteurs défectueux ou de pressions trop hautes. Les travailleurs doivent porter des lunettes de protection, munies de caches latéraux. Avant tout réglage ou toute réparation, il faut arrêter la machine à sceller, en coupant le courant, et faire tomber la pression à zéro.

Une fois que les cartons sont scellés, ils sont soit retirés manuellement du convoyeur, soit dirigés vers un palettiseur automatique ou tout autre matériel télécommandé. La cadence de production élevée peut être source d’accidents dorsalgiques. De plus, l’ambiance généralement froide dans laquelle s’effectue ce travail donne naissance à des pathologies d’usure.

D’un point de vue ergonomique, l’enlèvement des cartons et leur empilement sont faciles à automatiser, mais les coûts d’investissement et d’entretien sont élevés.

Le désossage des cuisses et le poulet haché

Dans les installations modernes de transformation de la volaille, rien ne se perd. Les cuisses sont emballées en vrac, stockées à la température de congélation ou, du moins, à une température voisine, puis traitées, c’est-à-dire désossées, avec des ciseaux ou à l’aide de machines à parer pneumatiques, actionnées à la main. Comme pour le désossage des blancs, les travailleurs qui désossent les cuisses doivent retirer la graisse en excès et la peau avec des ciseaux à main. La température de la zone de travail peut aller de 4 à 7 °C. Même si les travailleurs portent des gants fourrés, les mains sont suffisamment refroidies pour que la circulation du sang s’en trouve ralentie, ce qui renforce la contrainte ergonomique.

Une fois réfrigérées, les cuisses sont additionnées d’arômes et hachées sous atmosphère de CO2. Elles sont ensuite extrudées pour être transformées en pâtés de poulet haché ou vendues en vrac.

La préparation de produits d’épicerie fine

Après le désossage de la poitrine, le cou, le dos et le reste de la carcasse ne sont pas perdus; ils passent dans de grands hachoirs ou mixeurs à pâles, sont pompés vers des mixeurs réfrigérés, puis sont extrudés et placés dans des conteneurs de vrac. La viande est généralement vendue ou envoyée dans des fabriques de hot-dogs de poulet ou de saucisses de Francfort, pour y subir d’autres transformations.

Le développement des aliments prêts à l’emploi, qui requièrent peu de préparation de la part du consommateur, a entraîné, dans l’industrie des volailles, la production d’aliments à haute valeur ajoutée. Des morceaux de viande sélectionnés, issus du désossage de la poitrine, sont placés dans une cuve rotative. Des solutions d’arômes et d’épices leur sont apportées, puis le tout est mélangé sous vide pendant une durée déterminée. La viande y gagne en saveur, mais aussi en poids, ce qui élève la marge bénéficiaire. Les morceaux sont ensuite emballés séparément dans des barquettes, lesquelles sont scellées sous vide et réunies dans des petites boîtes prêtes à l’expédition. Le délai d’exécution pour cette opération est moins contraignant, et les travailleurs ne sont pas soumis aux mêmes cadences que celles imposées à l’atelier de découpe. Le produit fini doit être manipulé, inspecté et emballé soigneusement de façon à être bien présentable dans les magasins.

Résumé

Dans l’ensemble des installations de transformation des volailles, les procédés humides et les graisses peuvent rendre les sols très dangereux; les risques de glissades et de chutes y sont élevés. Un lavage approprié des sols, un drainage adéquat (avec des barrières protectrices isolant les trous), la fourniture de chaussures adaptées, imperméables et antidérapantes, et des sols antidérapants, tels sont les moyens de prévenir ces risques.

En outre, les installations de transformation des volailles sont bruyantes. Une vigilance particulière s’impose quant aux mesures de prévention technique devant être mises en place pour limiter les niveaux sonores. Des bouchons d’oreille et des tampons de rechange doivent être prévus, ainsi qu’un programme complet de protection de l’audition, assorti d’examens audiométriques annuels.

La filière de la volaille offre un intéressant mélange d’activités manuelles réclamant une importante main-d’œuvre et d’opérations hautement automatisées. C’est pourquoi sueur et angoisse font encore partie de son décor. L’exigence d’un rendement toujours plus important et la vitesse toujours plus grande de la chaîne de production viennent souvent contrecarrer les efforts entrepris pour former et protéger le personnel. Les progrès techniques contribuant à supprimer les atteintes musculo-squelettiques dues aux mouvements répétitifs, une attention accrue doit désormais être portée à l’entretien et au réglage des machines, confiés à des spécialistes compétents. En raison du bas niveau de rémunération et des conditions de travail extrêmement pénibles qui la caractérisent, cette industrie n’attire guère les techniciens les plus qualifiés. L’attitude souvent autoritaire de ses dirigeants est, en outre, peu propice au développement des améliorations que peuvent apporter les programmes de promotion de la sécurité et de la santé.

L’INDUSTRIE DES PRODUITS LAITIERS

Marianne Smukowski et Norman Brusk

Depuis les débuts de la domestication des animaux, les produits laitiers ont été un élément essentiel de l’alimentation humaine. A l’origine, l’activité laitière se déroulait à la maison ou à la ferme. Elle demeure souvent, aujourd’hui encore, le fait de petites entreprises, même si les grandes usines sont de plus en plus nombreuses. Les coopératives ont largement contribué au développement de cette branche et à l’amélioration qualitative de ses produits.

Dans de nombreux pays, des dispositions réglementaires rigoureuses président à la fabrication des produits laitiers — l’une d’elles, par exemple, exige que tous les liquides soient pasteurisés. Dans la plupart des laiteries, le lait est pasteurisé; il est quelquefois plutôt stérilisé, ou encore homogénéisé. Fournir des produits laitiers sains et de haute qualité est l’objectif de toutes les installations de production actuelles. Pourtant, alors que les progrès techniques conduisent à une complexité et à une automatisation toujours plus grandes des opérations, la sécurité demeure un problème.

Les laits de consommation constituent la matière première de base de l’industrie laitière. Le lait cru est livré par des camions-citernes (ou, parfois, en bidons), puis est déchargé. L’inspection des citernes vise à détecter d’éventuels résidus médicamenteux et à contrôler la température. Le lait est filtré, puis stocké dans des citernes. Il devrait être maintenu à une température inférieure à 7 °C et son stockage ne devrait pas excéder 72 heures. Au terme de celui-ci, on procédera à l’écrémage. La crème crue est stockée sur place ou expédiée ailleurs. Elle devrait aussi être gardée à une température inférieure à 7 °C; de même, son stockage ne devrait pas dépasser 72 heures. Quant au lait, plus ou moins écrémé, il est pasteurisé, c’est-à-dire chauffé à 72 °C pendant 15 secondes. Avant ou après la pasteurisation, des vitamines peuvent lui être ajoutées selon des concentrations réglementées. La pasteurisation terminée, le lait est placé dans une citerne, avant d’être conditionné, réfrigéré et commercialisé.

Dans le cas de la production du fromage cheddar, le lait cru, dès son arrivée, est filtré, stocké et écrémé comme cela a été expliqué. Des ingrédients non laitiers, en poudre, lui sont ensuite ajoutés. Puis le mélange est pasteurisé à une température supérieure à 72 °C, pendant plus de 15 secondes. Après la pasteurisation, le ferment (qui, de son côté, a été pasteurisé) lui est incorporé. Le lait caillé est ensuite déposé dans la cuve à fromage. A ce stade, l’addition d’une matière colorante, de sel (NaCl), de ferment et de chlorure de calcium (CaCl2) peut intervenir. Le fromage est ensuite placé sur la table d’égouttage. Du sel peut encore lui être ajouté. Le lactosérum, qui est alors extrait du caillé, est récupéré dans une citerne de stockage. Puis le fromage est mis en moule et pressé. Il est, enfin, conditionné, stocké et commercialisé. Un détecteur de métaux peut être utilisé avant le moulage pour déceler d’éventuelles traces de métal dans la pâte.

Le beurre est fabriqué avec de la crème crue obtenue par écrémage du lait. Celle-ci est soit stockée sur place, soit livrée par camion, soit achetée en boîtes. Elle est pasteurisée à une température supérieure à 85 °C, pendant plus de 25 secondes, puis placée dans des citernes de stockage. Elle est ensuite préchauffée et aspirée dans le butyrateur. De l’eau, une substance colorante, du sel ou un distillat coagulant peuvent lui être ajoutés au cours du barattage. Après cette opération, le babeurre séparé du beurre est stocké dans des citernes, tandis que le beurre est pompé dans une cuve, puis conditionné. Un détecteur de métaux peut être mis en œuvre avant ou après le conditionnement pour déceler d’éventuelles traces de métal. Après le conditionnement, le beurre est palettisé, stocké et commercialisé.

En ce qui concerne la fabrication du lait en poudre, le lait cru est réceptionné, filtré et stocké selon le processus décrit plus haut. Puis, il subit un préchauffage et est écrémé. La crème crue est stockée sur place ou expédiée ailleurs. Comme le lait écrémé cru, elle doit être conservée à moins de 7 °C, et son stockage ne peut excéder 72 heures. Le lait écrémé est, quant à lui, pasteurisé à une température supérieure à 72 °C pendant plus de 15 secondes. Puis, soumis à une concentration préliminaire, il subit une dessiccation, soit par séchage sur des rouleaux métalliques chauffés à la vapeur, soit par pulvérisation dans un courant d’air chaud au sein d’une tour de séchage. Il est ensuite stocké en vrac dans des cuves, avant d’être tamisé et conditionné. Un aimant peut permettre, avant le conditionnement, de détecter dans le lait en poudre d’éventuelles particules de métaux ferreux, de plus de 0,5 mm. Un détecteur de métaux peut être aussi mis en œuvre avant ou après le conditionnement. Une fois conditionné, le lait en poudre est stocké, puis expédié.

Les bonnes pratiques de fabrication

Les bonnes pratiques de fabrication guident les établissements laitiers dans leur activité quotidienne et contribuent à leur assurer une production irréprochable. Elles ont trait, notamment, aux locaux de réception et de stockage, au rendement et à l’entretien du matériel, à la formation du personnel, ainsi qu’aux dispositions relatives à l’hygiène et au rappel des produits.

Les contaminations microbiologique, physique et chimique des produits laitiers constituent un problème industriel majeur. Les principaux micro-organismes pathogènes sont Brucella, Clostridium botulinum, Listeria monocytogenes , les agents des hépatites A et E, la salmonelle, Escherichia coli 0157:H7, Bacillus cereus,Staphylococcus aureus et les parasites. Le consommateur est aussi à la merci du danger physique que constitue la présence de corps étrangers dans le lait, tels que des fragments de métal, de verre, de plastique, de bois, des insectes, des poussières et des effets personnels des travailleurs. Le risque chimique tient, quant à lui, à la présence possible de toxines naturelles, de certains métaux, de résidus médicamenteux, d’additifs alimentaires et de produits chimiques introduits par inadvertance dans le lait. De ce fait, les laiteries effectuent de nombreux tests pharmacologiques, bactériologiques et autres pour garantir la pureté du produit. Le nettoyage correct du matériel, à l’aide de détergents et de vapeur, est nécessaire pour maintenir de bonnes conditions de salubrité.

Les risques et leur prévention

Les risques pour la sécurité dans cette filière sont les glissades et les chutes possibles d’une échelle ou sur un sol mouillé ou savonneux, l’absence de protection des machines — dispositifs à pinces, convoyeurs, emballeuses, remplisseuses et machines à trancher — ou encore la possibilité de chocs électriques, surtout dans les locaux humides.

Les voies de circulation devraient être dégagées. Toute matière renversée devrait être immédiatement nettoyée. Le sol devrait être habillé d’un revêtement antidérapant. Les machines devraient être correctement protégées et mises à la terre. Des disjoncteurs différentiels devraient être installés dans les zones humides. Des procédures d’interdiction d’accès par verrouillage/affichage s’imposent pour empêcher la mise en marche intempestive de machines ou d’équipements susceptibles de causer des dommages corporels.

Des brûlures thermiques peuvent être occasionnées par des conduites de vapeur, des installations de nettoyage à la vapeur ou par une fuite, voire une rupture, survenue dans l’équipement hydraulique à haute pression. Les «brûlures» par le froid peuvent être causées par une exposition à un réfrigérant utilisant de l’ammoniac liquide. Un bon entretien, des procédures de traitement des matières renversées et des fuites, ainsi qu’une formation adéquate du personnel peuvent réduire les risques de brûlures.

Incendie et explosion. Des fuites dans les systèmes de réfrigération à l’ammoniac (les limites d’explosivité inférieure et supérieure de l’ammoniac sont respectivement de 16 et 25%), dans le matériel de soudage et dans les équipements hydrauliques à haute pression, le lait en poudre et d’autres matières inflammables et combustibles constituent autant de risques d’incendie ou d’explosion. Un détecteur de fuites devrait être installé là où fonctionne un réfrigérant à l’ammoniac. Les matières inflammables et combustibles seront stockées dans des contenants métalliques hermétiquement fermés. La pulvérisation du lait en poudre devrait être effectuée conformément aux normes antiexplosion. Seul un personnel autorisé devrait effectuer les soudages. Il conviendrait de contrôler régulièrement les bouteilles de gaz comprimé et de prendre des précautions pour éviter tout contact de l’oxygène avec des gaz inflammables. Les bouteilles devraient être tenues à l’écart des sources de chaleur.

Les gelures et le stress physiologique dû au froid peuvent résulter d’un séjour dans les installations de réfrigération et de refroidissement. Une tenue de protection adéquate, une rotation du personnel lui permettant de se retrouver dans des espaces plus chauds, des cantines chauffées et la fourniture de boissons chaudes sont au nombre des mesures de précaution recommandées.

L’exposition à des niveaux sonores élevés se produit lors du traitement, du conditionnement, du broyage et du moulage par soufflage de bouteilles en plastique. Les mesures préventives comprennent l’isolation du matériel bruyant, un entretien adéquat, le port d’un casque antibruit, ainsi que la mise en place d’un programme de protection de l’audition.

Lorsque le personnel pénètre dans les espaces confinés — par exemple, les fosses d’égout, ou les citernes au moment de leur nettoyage —, la ventilation doit être assurée. Ces zones ne devraient contenir aucun matériel, produit, gaz, et les travailleurs ne devraient pas s’y attarder. Turbines, agitateurs et autres équipements devraient être verrouillés.

Le soulèvement de matières premières, le déplacement manuel de caisses de produits et le conditionnement des produits est à l’origine de problèmes de nature ergonomiques auxquels on peut remédier grâce à la mécanisation des opérations manuelles et à leur automatisation.

Dans l’industrie des produits laitiers, les travailleurs sont exposés à un large éventail de produits chimiques , parmi lesquels:

Le personnel devrait être formé et sensibilisé à la manipulation des produits chimiques dangereux, lesquels doivent être correctement étiquetés. Il conviendrait d’adopter et d’appliquer des procédures pour le nettoyage des sols où se sont déversés des déchets toxiques. Une ventilation par aspiration localisée devrait être prévue là où elle s’impose. Des vêtements et des lunettes de protection, des écrans faciaux, des gants etc. doivent être mis à disposition et faire l’objet d’un entretien vigilant. Une installation consacrée au lavage des yeux et une douche permettant un rinçage rapide devraient être accessibles aux personnes appelées à mettre en œuvre des matières corrosives.

Risques biologiques. Le personnel peut être en contact avec un grand nombre de bactéries et autres microbes pathogènes présents dans le lait cru non traité et dans les fromages à pâte non cuite. Les mesures préventives comprennent le port de gants appropriés, une bonne hygiène corporelle et l’accès à des installations sanitaires adéquates.

LA PRODUCTION DE CACAO ET L’INDUSTRIE DU CHOCOLAT

Anaide Vilasboas de Andrade

Le cacaoyer est un arbre extrêmement répandu dans la région amazonienne. Au cours des premières années du XXe siècle, la région au sud de l’Etat de Bahia jouissait de conditions idéales pour sa culture, d’où l’essor des plantations. Ce territoire sur lequel règne le cacao regroupe 92 municipalités; Ilhéus et Itabuna en sont les principaux centres. Sa production représente aujourd’hui 87% de celle du Brésil, lequel s’inscrit parmi les principaux producteurs mondiaux de fèves de cacao. Le cacao se trouve, en fait, dans une cinquantaine de pays, dont les plus importants sont la Côte d’Ivoire, le Ghana et l’Indonésie, tous trois aux premiers rangs mondiaux.

La majeure partie de cette production est exportée vers des pays comme le Japon, la Fédération de Russie, la Suisse et les Etats-Unis. La moitié est vendue sous forme de produits transformés (chocolat, graisse végétale, cacao liquide, pâte de cacao, cacao en poudre et beurre de cacao), le reste étant exporté sous forme de fèves.

Le traitement des fèves

La transformation du cacao à l’échelle industrielle comporte plusieurs étapes. La matière première est, d’abord, stockée dans des locaux appropriés, où elle subit une fumigation destinée à éviter la prolifération des rongeurs et des insectes. Puis, les fèves sont débarrassées des corps étrangers ou impuretés qui s’y trouvent par vannage, nettoyage et courant d’air. Elles sont ensuite torréfiées pour amener leur teneur en eau au niveau souhaité. Au stade suivant, on procède au concassage des fèves, qui a pour but de séparer la coque du cotylédon. Suit le broyage à chaud des cotylédons concassés, appelés «nibs»; il en résulte une pâte fluide qui est refroidie, solidifiée et conditionnée avant d’être commercialisée comme pâte de cacao.

La plupart des entreprises de traitement soumettent généralement la pâte de cacao à une pression pour en extraire la matière grasse, le beurre de cacao. La matière sèche restante, qu’on appelle le tourteau, est transformée, après pulvérisation, en cacao en poudre. Quant au beurre de cacao, il est filtré, raffiné, refroidi, moulé en pains et conditionné.

Les risques et leur prévention

La transformation du cacao est communément automatisée. Les interventions manuelles s’en trouvent donc limitées et les installations bénéficient d’un niveau d’hygiène élevé. Pourtant, la majorité des travailleurs de cette industrie reste exposée à un certain nombre de risques professionnels.

Sur toute la chaîne de production, le bruit et les vibrations sont très élevés; en effet, pour éloigner rongeurs et insectes, les ateliers sont clos et les machines installées sur des plates-formes métalliques suspendues. Un entretien adéquat et un réglage régulier du matériel s’imposent et des dispositifs antivibrations devraient être prévus. Enfin, il conviendrait d’isoler les machines bruyantes ou, à défaut, de prévoir des écrans antibruit.

Durant le processus de fumigation, on utilise des comprimés de phosphate d’aluminium qui, au contact de l’air humide, libèrent de la phosphine. Pour cela, il est recommandé de maintenir les fèves couvertes de 48 à 72 heures pendant et après les fumigations. Des contrôles d’ambiance devraient être réalisés avant d’autoriser l’entrée du personnel.

Les concasseurs, les presses hydrauliques et les torréfacteurs produisent une chaleur considérable et un bruit important lorsqu’ils sont en marche; la configuration des bâtiments ne fait parfois qu’amplifier la chaleur. De nombreuses mesures sont, cependant, envisageables pour pallier ces nuisances: installation d’écrans antibruit, aménagement des horaires de travail avec des pauses suffisantes, fourniture de boissons, port de vêtements appropriés et acclimatation du personnel à la chaleur.

Dans les ateliers de traitement des produits finis, où la température moyenne est de 10 °C, les travailleurs devraient porter des vêtements adaptés et leurs périodes de travail devraient varier de vingt à quarante minutes. L’acclimatation est, là aussi, essentielle. Il faut prévoir des pauses dans des locaux plus chauds.

Quant aux secteurs où se fait la réception des produits et où sont stockés les matières premières et les produits finis, il n’est pas rare que les méthodes de travail et les équipements ne respectent pas les principes de l’ergonomie. Lorsque cela est possible, il convient d’éviter la manutention manuelle. Le levage et le déplacement de charges pesantes peuvent être dangereux, les articles lourds risquent de heurter les travailleurs, et l’utilisation du matériel sans dispositif de protection adéquat présente des dangers.

Les méthodes et les équipements devraient donc faire l’objet d’une évaluation ergonomique. Les chutes dues aux sols glissants constituent aussi un problème. En outre, d’autres activités, comme le concassage des fèves ou le broyage des tourteaux et la fabrication du cacao en poudre, dégagent de fortes quantités de poussières organiques; celles-ci devraient être dispersées par une ventilation appropriée ou évacuées par des extracteurs locaux. Une isolation ou une séparation judicieuses des postes de production est également à envisager.

Il est vivement conseillé d’observer un programme de protection contre les risques environnementaux très rigoureux. Ce programme s’ajouterait aux mesures classiques de prévention et de sécurité en matière d’incendie, à la protection adéquate des machines et au respect d’une bonne hygiène. Des panneaux et des bulletins d’information devraient être placés de façon visible, et des équipements et dispositifs de protection individuelle distribués à chaque travailleur. Lors de l’entretien des machines, une procédure d’interdiction d’accès par verrouillage/affichage devrait être appliquée afin de prévenir les lésions corporelles.

LES CÉRÉALES, LA MEUNERIE ET LES DENRÉES À BASE DE CÉRÉALES

Thomas E. Hawkinson, James J. Collins et Gary W. Olmstead

La transformation des céréales en denrées alimentaires implique de nombreuses opérations. Les principales étapes sont: la récolte, le nettoyage des grains et leur stockage dans les silos à élévateur pneumatique; la meunerie, qui donne des produits intermédiaires tels que l’amidon et la farine; et, enfin, la transformation en produits finis comme le pain, les céréales en flocons ou d’autres produits de collation.

La récolte, le nettoyage et le stockage

Les céréales sont cultivées dans des exploitations agricoles et, une fois la récolte effectuée, stockées dans des silos à élévateur pneumatique. Elles y sont transportées par camion, train, péniche ou bateau, suivant la localisation de la ferme et le type ou la taille du silo. Dans ces silos à élévateur pneumatique, on amasse les céréales, on les trie et on les stocke. Les grains sont triés en fonction de leur qualité, de leur teneur en protéines, de leur taux d’humidité, etc. Les silos se présentent comme des bacs, des citernes ou des silo-cathédrales équipés de convoyeurs continus, verticaux et horizontaux. Les convoyeurs verticaux sont munis de godets qui montent les céréales jusqu’aux balances, tandis que les convoyeurs horizontaux déversent les grains dans les bacs. Les bacs comportent, en leur fond, une trémie qui décharge les grains sur un convoyeur horizontal, lequel les transporte jusqu’à un convoyeur vertical, pour en effectuer la pesée. De là, les grains sont acheminés en un autre lieu ou ils retournent au stockage. La capacité des silos à élévateur pneumatique varie de quelques milliers de boisseaux pour un silo de collecte régionale à plusieurs millions de boisseaux pour un silo terminal. Au fil de leur traitement, les grains peuvent passer dans de nombreux silos, de taille et de capacité croissantes; leur transport vers un autre silo ou vers une autre unité de traitement se fait par camion, wagon, péniche ou bateau.

La meunerie

La meunerie englobe l’ensemble des opérations liées à la mouture des grains de céréales, principalement le blé, l’avoine, le maïs, le seigle, l’orge et le riz, destinés à la production d’amidon et de farine. Les grains sont moulus et tamisés jusqu’à ce qu’ils présentent la taille souhaitée. Les principales étapes de traitement sont: le déchargement des grains bruts dans un élévateur de minoterie; leur nettoyage et leur préparation pour la mouture; la mouture proprement dite et le classement des particules selon la taille; le conditionnement de la farine, de l’amidon et des sous-produits pour la vente au détail, ou leur transport en vrac pour leur emploi dans diverses applications industrielles.

La fabrication des denrées alimentaires d’origine céréalière

La fabrication du pain, des céréales et des autres produits de boulangerie se fait en plusieurs phases, notamment le toasting, le mélangeage des ingrédients, la préparation et le travail de la pâte, le façonnage, la cuisson, l’enrobage ou le glaçage, l’emballage, la mise en cartons, la palettisation et l’expédition.

Les matières premières sont souvent stockées dans des bacs ou des citernes; certaines sont fournies dans de grands sacs ou d’autres contenants. Elles sont transportées vers les unités de traitement par des convoyeurs pneumatiques, des systèmes de pompage ou déplacées suivant des méthodes de manutention manuelle.

La confection de la pâte à pain consiste à réunir, dans un cuiseur, les ingrédients bruts, comme la farine, le sucre, les corps gras ou les huiles, et les ingrédients secondaires, comme les arômes, les épices et les vitamines. Des ingrédients particulaires peuvent être ajoutés ensuite, notamment de la purée ou de la pulpe de fruits. Les noix sont généralement décortiquées et hachées. Les appareils de cuisson fonctionnent en continu ou par fournées. Le travail de la pâte fait intervenir des opérations telles que l’extrusion, le façonnage, le pétrissage et la mise en forme, puis le laminage, le façonnage, le chauffage, le séchage et la fermentation.

Des machines conditionnent le produit fini en emballage individuel, de papier ou de plastique, l’enferment avec d’autres dans une boîte et chargent les boîtes sur une palette en vue de l’expédition. L’empilement des palettes et la manutention des produits s’effectuent manuellement ou à l’aide de chariots élévateurs à fourche.

Les risques mécaniques

Le manque de sécurité des équipements peut exposer les opérateurs à des risques de blessures par abrasion, de coupures, de contusions, de fractures ou d’amputations. Ces risques peuvent être évités par la protection ou l’isolation du matériel, par la neutralisation des sources d’énergie avant tout travail d’entretien ou de réglage sur ce matériel, ainsi que par la formation du personnel à son utilisation.

Les machines utilisées pour moudre et transporter les produits peuvent être particulièrement dangereuses. Le système pneumatique, avec ses cylindres rotatifs, peut être à l’origine d’amputations de doigts ou de la main. Il doit être verrouillé pendant l’entretien ou le nettoyage. Une protection appropriée de cet équipement s’impose, et tous les travailleurs doivent impérativement recevoir une formation quant à son fonctionnement.

Sous commande automatique, les pièces mécaniques mobiles des installations de traitement peuvent provoquer des lésions graves, principalement aux doigts et aux mains. Les appareils de cuisson sont chauds et bruyants; ils fonctionnent généralement à la vapeur et sous pression. Les matrices utilisées pour l’extrusion peuvent comporter des éléments mobiles dangereux, notamment des lames opérant à grande vitesse. Mélangeurs et mixeurs peuvent aussi entraîner des dommages graves et sont surtout dangereux pendant leur nettoyage, entre les fournées; des procédures d’interdiction d’accès par verrouillage/affichage permettent de limiter les risques. Les lames des équipements et les couteaux hydrauliques peuvent causer des lacérations profondes et sont spécialement dangereux au moment de leur changement ou de leur réglage. D’autres traitements mettent en œuvre des laminoirs, des façonneuses, des appareils de chauffage, des séchoirs et des fermenteurs, qui présentent des risques supplémentaires d’écrasement ou de brûlure des extrémités. Aux manipulations manuelles et à l’ouverture des sacs sont liés des risques de coupures et de contusions.

Les systèmes de conditionnement présentent des parties mobiles susceptibles d’occasionner des lésions par écrasement ou par déchirure. Les procédures d’entretien et de réglage sont particulièrement redoutables. Le chargement manuel des palettes ou la manipulation des produits peuvent générer des pathologies consécutives à des microtraumatismes répétés. Les chariots élévateurs à fourche et les palettiseurs fonctionnant manuellement sont également dangereux; les charges mal empilées ou mal assujetties risquent de tomber sur le personnel se tenant à proximité.

Les incendies et les explosions

Les incendies et les explosions peuvent détruire les locaux de traitement des céréales et blesser ou tuer des travailleurs et toute autre personne se trouvant à cet endroit ou à proximité. Le risque d’explosion naît, dans un lieu clos (ce qui permet à la pression de s’élever), de la présence d’oxygène (air) et d’un combustible (poussière de céréales), ainsi que d’une source d’inflammation d’une énergie et d’une durée suffisantes (étincelle, flamme ou surface chaude). Généralement, dans les installations de transformation des céréales, il ne se produit pas qu’une explosion, mais une série d’explosions. La première explosion, même si elle est faible et localisée, soulève de la poussière à de telles concentrations que de nouvelles explosions éclatent, de forte amplitude. La limite inférieure d’explosivité des poussières de céréales est d’environ 20 000 mg/m3. Les risques d’incendie et d’explosion peuvent être réduits par un aménagement des locaux limitant le plus possible le confinement (sauf dans le cas des bacs, citernes et silos), par un contrôle des émissions de poussières dans l’air et de leur dépôt sur le sol et à la surface du matériel (acheminement des produits en vase clos, ventilation par aspiration localisée, nettoyage, aspersion des céréales avec des huiles minérales de qualité «alimentation animale» ou avec de l’eau) et par la maîtrise des explosions (systèmes de détection des incendies et des explosions, prévention des explosions par effet de souffle). Des issues de secours adéquates ou d’autres systèmes d’évacuation du personnel devraient être prévus. L’équipement anti-incendie devrait être placé en des points stratégiques. Il conviendrait que les travailleurs soient entraînés à réagir dans l’urgence, mais qu’ils n’interviennent que pour les très petits incendies, en raison du risque d’explosions.

Les risques pour la santé

C’est pendant le transport et la manipulation des céréales que des poussières peuvent se former. Bien que la plupart des poussières de grains soient de simples irritants respiratoires, celles provenant de grains non traités peuvent contenir des moisissures ou d’autres agents susceptibles de déclencher une fièvre ou un asthme d’origine allergique chez les sujets sensibles. Habituellement, les travailleurs ne séjournent pas de manière prolongée dans des zones où se pose le problème des poussières. Ils portent un masque respiratoire en cas de besoin. Les concentrations de poussières sont les plus fortes durant les opérations de chargement et de déchargement, ainsi que pendant les grands nettoyages. Des études ont montré des dysfonctionnements pulmonaires liés à l’exposition aux poussières. Les concentrations maximales autorisées par la Conférence américaine des hygiénistes gouvernementaux du travail (American Conference of Governmental Industrial Hygienists (ACGIH)) en cas d’exposition professionnelle aux poussières de céréales sont de 4 mg/m3 pour l’avoine, le blé et l’orge, et de 10 mg/m3 pour les autres céréales (des particules, non définies autrement).

Une protection respiratoire est souvent portée pour minimiser l’exposition aux poussières. Les masques antipoussières agréés sont très efficaces s’ils sont portés correctement. Les travailleurs doivent recevoir une formation pour apprendre à bien les porter et à les entretenir, mais aussi pour en connaître les limites. L’ordre et la propreté sont essentiels.

L’industrie céréalière a recours aux produits de lutte antiparasitaire pour se débarrasser des insectes, des rongeurs, des oiseaux et des moisissures, entre autres. Les plus courants, notamment la phosphine, les produits organophosphorés et les pyréthrines peuvent être à l’origine de dermatoses, d’étourdissements, de nausées et de troubles chroniques, hépatiques, rénaux ou nerveux. Ces effets ne se manifestent toutefois que chez les travailleurs qui ont subi une exposition excessive. Pour pallier ce risque, on veillera à bien utiliser l’équipement de protection individuelle et à respecter les consignes de sécurité.

Dans la plupart des installations de transformation des céréales, les produits de lutte antiparasitaire sont appliqués pendant les périodes d’arrêt des machines, au moment où les travailleurs sont peu nombreux dans les locaux. Seul le personnel chargé de mettre en œuvre ces produits est autorisé à être présent sur les lieux et il doit être spécialement formé à cette tâche. Cette opération terminée, on doit veiller à laisser s’écouler un laps de temps suffisant avant de permettre aux travailleurs d’y pénétrer à nouveau. Dans de nombreuses entreprises, on préfère — plutôt que d’employer des produits chimiques et de risquer d’exposer les travailleurs — porter la température des locaux à 60 °C, pendant vingt-quatre à quarante-huit heures. Il peut aussi arriver que le personnel soit exposé aux pesticides qui ont servi à traiter les grains pendant leur acheminement par camion ou par wagon jusqu’au poste de chargement.

Le bruit est un problème commun à la plupart des établissements de transformation des céréales. Le niveau sonore est en principe compris entre 83 et 95 dBA, mais il peut excéder les 100 dBA à certains endroits. Cependant, seule une isolation phonique légère peut y être installée en raison de la nécessité de nettoyer les équipements. Les sols et les murs sont généralement en ciment, en carrelage et en acier inoxydable, ce qui facilite l’entretien et empêche que l’installation ne devienne un refuge pour les insectes. De nombreux travailleurs circulent d’un lieu à l’autre et passent en fait peu de temps dans les parties les plus bruyantes. Leur exposition au bruit s’en trouve considérablement réduite. Néanmoins, le port d’une protection antibruit devrait être impératif pour ramener cette exposition au niveau admissible.

Les espaces confinés comme les bacs, les réservoirs ou les silos présentent des risques physiques et sanitaires pour les travailleurs appelés à y pénétrer. Le danger le plus grave est le manque d’oxygène. L’air de ces lieux hermétiquement clos peut, en effet, être pauvre en oxygène, par suite de la présence de gaz inertes (azote et dioxyde de carbone utilisés pour lutter contre les insectes) et de produits biologiques (employés pour détruire les insectes et les moisissures). Avant de pénétrer dans un espace confiné de ce type, il faut s’assurer que la concentration de l’air en oxygène y est suffisante. Si elle est inférieure à 19,5%, l’espace doit être ventilé. On devrait aussi vérifier si on y a appliqué récemment un traitement de lutte antiparasitaire ou s’il contient d’autres substances toxiques. Les risques physiques les plus importants sont l’ensevelissement sous le stock de grains et l’enfermement accidentel par suite de la configuration du lieu (danger que constitue la partie conique du silo ou claustration dans un équipement intérieur). Aucun travailleur ne devrait se trouver là lorsqu’on enlève des grains. Pour éviter de graves accidents, voire la mort de travailleurs, on doit neutraliser et verrouiller tous les équipements liés à cet espace, s’assurer que les travailleurs présents portent un harnais de sécurité et des cordes d’assurance et maintenir un apport d’air frais. Avant d’entrer dans un espace confiné, on doit voir si l’air contient des gaz combustibles toxiques, des vapeurs ou des agent toxiques et s’assurer que sa teneur en oxygène y est suffisante. Aucun travailleur ne doit pénétrer dans un silo lorsque les grains y forment une voûte ou lorsqu’il risque d’être enseveli par une chute des grains amassés sur les côtés.

Les examens médicaux de dépistage

Les candidats à un emploi devraient être soumis à un examen médical visant à déceler des antécédents d’allergies et à contrôler les fonctions hépatique, rénale et pulmonaire. Des examens spéciaux peuvent être exigés pour ceux qui seront amenés à mettre en œuvre des produits de lutte antiparasitaire et à porter un dispositif de protection des voies respiratoires. Une évaluation des facultés auditives peut permettre de déceler un déficit auditif éventuel. Un suivi régulier doit mettre en évidence tout changement éventuel.

LES PRODUITS DE BOULANGERIE

R.F. Villard*

* Adapté de la 3e édition de l'Encyclopaedia of Occupational Health and Safety.

La fabrication de denrées alimentaires à partir des amidons et des sucres se fait dans les boulangeries et les biscotteries, les biscuiteries et les pâtisseries. Dans tous ces établissements, les risques que présentent les matières premières pour la sécurité et la santé sont identiques, dans la mesure où les installations, les équipements et les méthodes de production sont similaires. Cet article, qui se limite aux boulangeries de petite taille, traite du pain et de divers produits apparentés.

La production

La fabrication du pain s’effectue en trois grandes étapes: le mélangeage et le pétrissage, la fermentation, la cuisson. Ces traitements sont réalisés dans différents locaux: le lieu de stockage des matières premières, la salle de pétrissage, la chambre froide et la chambre de fermentation, le four, le local de refroidissement, la salle d’emballage et de conditionnement. Les lieux de vente sont souvent attenants aux installations de production.

La farine, l’eau, le sel et la levure sont mélangés jusqu’à obtention de la pâte; aujourd’hui, le pétrissage manuel a été bien souvent remplacé par l’emploi de pétrins mécaniques. Des batteurs sont utilisés pour la fabrication d’autres produits. La pâte est ensuite entreposée dans un local chaud et humide où elle fermente, puis elle est divisée en pâtons, pesée, façonnée et cuite (voir figure 67.8).

Figure 67.8 Fabrication du pain dans une chaîne de supermarchés en Suisse

Figure 67.8

Dans les petites entreprises, les fours comportent un foyer fixe, à chauffage direct ou indirect. Dans le four à chauffage direct, la paroi réfractaire est chauffée par intermittence ou en continu, avant chaque fournée. Les fumées chaudes du gaz brûlé dans un foyer séparé pénètrent à travers les orifices réglables situés à l’arrière de l’enceinte et s’échappent par la cheminée. Dans le four à chauffage indirect, l’enceinte est chauffée par de la vapeur contenue dans des tubes inclus dans la paroi de la chambre de cuisson ou par une circulation d’air chaud sous pression. Le four peut être chauffé au bois, au charbon, à l’huile, au gaz de ville, au mazout ou à l’électricité. Dans les campagnes, on trouve encore des foyers chauffés à même le sol par un feu de bois. Le pain est enfourné sur des pelles ou des plateaux. L’intérieur du four peut être éclairé de façon à pouvoir surveiller la cuisson à travers les ouvertures de l’enceinte. Pendant cette cuisson, l’air de la chambre se charge en vapeur d’eau, dégagée par le pain ou introduite volontairement. L’excès de vapeur est généralement évacué par la cheminée, mais il est aussi possible de laisser la porte du four ouverte.

Les risques et leur prévention

Les conditions de travail

Dans les boulangeries artisanales, les conditions de travail présentent souvent les caractéristiques suivantes: un travail de nuit commençant à 2 ou 3 heures du matin, notamment dans les pays méditerranéens où la pâte est confectionnée dans la soirée; des lieux infestés d’animaux parasites, tels que cafards, souris et rats, qui peuvent être porteurs de micro-organismes pathogènes (on veillera à utiliser des matériaux de construction appropriés afin d’assurer l’hygiène des locaux); la livraison du pain à domicile, service qui n’est pas toujours assuré dans des conditions d’hygiène convenables et qui peut occasionner une surcharge de travail; pour les salariés, une faible rémunération, complétée par des avantages en nature comme le gîte et le couvert.

Les locaux

Les locaux, souvent vieux et délabrés, sont dangereux pour la sécurité et la santé. Le problème est particulièrement aigu dans le cas d’une location, car ni le propriétaire ni le locataire n’ont les moyens de faire des travaux de rénovation. Bien que relativement sûr lorsqu’il est sec, le sol peut être extrêmement glissant quand il est humide; un revêtement antidérapant devrait être installé là où cela est possible. Les installations sanitaires sont souvent insuffisantes, d’où une hygiène générale laissant à désirer. Les risques d’intoxication, d’explosion et d’incendie sont accrus du fait qu’il est difficile de moderniser la lourde installation de boulangerie en raison des termes du bail. Les locaux exigus ne peuvent être aménagés convenablement; dès lors, les passages sont bloqués ou encombrés, l’espace autour des machines n’est pas suffisant, la manutention est difficile et, du fait du surmenage, les risques de glissades, de chutes, de collisions avec l’équipement, de brûlures et de blessures s’en trouvent multipliés. Quand les locaux sont répartis sur deux étages, ou plus, intervient aussi le risque de chutes d’un point élevé. Souvent, les locaux en sous-sol manquent d’issues de secours, ne sont accessibles que par un escalier étroit, en spirale ou raide et, éclairés artificiellement, ils ne sont équipés que d’une faible lumière. Ils sont généralement mal aérés et, par là, présentent une température et un taux d’humidité excessifs; les ventilateurs de cave installés au niveau de la rue ne font que polluer l’air de la boulangerie par la poussière de l’extérieur et les gaz d’échappement des véhicules à moteur.

Les accidents

Dans les boulangeries artisanales, on utilise beaucoup les couteaux et les aiguilles, ce qui va de pair avec des risques de coupures, de piqûres et, par conséquent, d’infection. Les objets lourds ou contondants, comme les poids et les plateaux, peuvent causer des blessures par écrasement s’ils tombent sur les pieds.

Les fours comportent également un certain nombre de risques. Les dangers d’incendie et d’explosion dépendent du combustible employé. Retours de flammes, vapeur, cendres, produits cuits ou manque d’isolation constituent autant de possibilités de se brûler ou de s’ébouillanter. Si le matériel de chauffage est mal adapté ou si son tirage est insuffisant, ou encore si les cheminées sont défectueuses, les vapeurs de combustible, les gaz non brûlés et les produits de combustion, parmi lesquels le monoxyde de carbone, peuvent s’accumuler dans l’atmosphère et être la cause d’une intoxication ou d’une asphyxie. Les installations et les équipements électriques défectueux, particulièrement du type portable ou mobile, peuvent être à l’origine de chocs électriques. A tous ces risques s’ajoutent ceux de coupures et d’écorchures que les boulangers qui chauffent leur four au bois peuvent s’infliger en le sciant ou en le coupant.

La farine est livrée dans des sacs pouvant peser jusqu’à 100 kg; les travailleurs doivent les soulever et les porter jusqu’aux salles de stockage, en empruntant un circuit souvent tortueux, comportant des plans inclinés et des escaliers très raides. Le risque de chute est omniprésent lors du déplacement de ces lourdes charges. De plus, cette manutention manuelle pénible peut causer des dorsalgies et des lésions des disques intervertébraux. Pour prévenir la survenue de tels risques, un certain nombre de mesures sont envisageables: aménagement d’accès corrects aux locaux; fixation d’un poids maximal admissible pour les sacs de farine; emploi d’un matériel de manutention mécanique adapté aux petites entreprises et d’un coût abordable pour les artisans; enfin, recours plus généralisé à la livraison de la farine en vrac, ce qui n’est toutefois possible que pour les boulangeries d’une certaine taille.

Les poussières de farine présentent un risque d’incendie et d’explosion. Aussi, des précautions devraient-elles être prises, telles que la mise en place de dispositifs de lutte contre l’incendie et de matériels antidéflagrants.

Dans les boulangeries mécanisées, la pâte en phase active de fermentation peut dégager des quantités de dioxyde de carbone fort dangereuses; une ventilation très étudiée devrait être installée dans les espaces confinés où le gaz risque de s’accumuler (là où se trouvent les conduits qui entraînent la pâte, par exemple). Les travailleurs devraient être formés aux procédures applicables au travail dans ce type d’espace.

Pour la panification, on emploie de très nombreuses machines, notamment dans les boulangeries industrielles. Or, la mécanisation est source de graves accidents. Aujourd’hui, le matériel de boulangerie est généralement équipé de protections incorporées, dont le bon fonctionnement est souvent lié à celui des disjoncteurs électriques et des dispositifs d’enclenchement solidarisé. Les trémies d’alimentation et les cylindres qui entraînent la pâte comportent des risques spécifiques que l’on peut éliminer en éloignant l’orifice de la trémie au-delà de la longueur du bras, de façon que l’opérateur ne risque pas d’être en contact avec les parties en mouvement; des doubles vannes basculantes ou des soupapes pivotantes sont parfois utilisées comme systèmes d’alimentation. Les zones de resserrement des diviseuses peuvent être dotées de protections fixes ou automatiques. Sur les pétrins, il existe diverses sortes de protection (couvercles, grilles, etc.) empêchant d’accéder à la partie mobile et dangereuse de ces appareils, tout en permettant l’ajout d’ingrédients et le raclage de la cuve. On se sert de plus en plus de machines qui tranchent le pain et l’enveloppent; ces machines sont pourvues de lames de scie alternatives ou de couteaux rotatifs. Toutes leurs parties mobiles devraient être parfaitement mises hors d’atteinte; des protections qui s’emboîtent laissent la possibilité d’intervenir sur les machines là où cela est nécessaire. Enfin, pour l’ensemble de l’équipement, un programme d’interdiction d’accès par verrouillage et affichage devrait être mis en place en prévision des opérations d’entretien et de réparation.

Les risques pour la santé

Les travailleurs des boulangeries portent, en général, des vêtements légers et transpirent profusément. Ils sont exposés aux courants d’air et à de forts écarts de température, par exemple, lorsque venant de charger le four, ils passent à un travail en un lieu plus frais. Les poussières de farine en suspension dans l’air peuvent provoquer des rhinites, des maux de gorge, de l’asthme bronchique («asthme du boulanger») et des maladies des yeux; les poussières de sucre peuvent causer des caries dentaires. La dissémination de poussières végétales dans l’air devrait être maîtrisée par une ventilation adéquate. Des dermites allergiques peuvent affecter les personnes prédisposées à ce type d’affection. Les risques pour la santé qui viennent d’être recensés et l’incidence de la tuberculose pulmonaire rencontrée chez les boulangers mettent clairement en évidence la nécessité d’une surveillance médicale attentive et, pour cela, d’examens réguliers et nombreux. En outre, une hygiène corporelle rigoureuse s’avère essentielle, tant dans l’intérêt des travailleurs que dans celui du public en général.

L’INDUSTRIE DE LA BETTERAVE À SUCRE

Carol J. Lehtola*

* Le présent texte est une mise à jour de l'article préparé par le Comité européen des fabricants de sucre (CEFS) pour la 3e édition de l'Encyclopaedia of occupational Health and Safety.

L’extraction

La production de sucre à partir de betteraves s’effectue en plusieurs étapes; ses techniques ont été constamment améliorées au cours de l’histoire de cette industrie, apparue au début du XIXe siècle. Les établissements d’extraction ont suivi les progrès et mettent aujourd’hui en œuvre les technologies et les mesures de sécurité les plus récentes. La main-d’œuvre est désormais formée au fonctionnement d’installations modernes et très complexes.

La proportion de sucre contenue dans la betterave varie de 15 à 18%. Les betteraves sont d’abord nettoyées dans un lavoir puis découpées en fines lamelles, les «cossettes». Celles-ci subissent un échaudage avant de passer dans un diffuseur où, dans une circulation d’eau chaude, elles libèrent la quasi-totalité du sucre qu’elles renferment. Vidées de leur sucre, les cossettes sont appelées «pulpes»; elles sont surpressées, puis séchées, le plus souvent à la vapeur. Les pulpes contiennent de nombreux éléments nutritifs et sont utilisées pour l’alimentation du bétail.

Le jus de diffusion brut se compose, en plus du sucre, d’impuretés qu’il convient d’éliminer. Cette opération se fait par addition au jus sucré de chaux, puis de dioxyde de carbone, le jus carbonaté étant ensuite filtré. Le jus brut est devenu un jus épuré, clair, qui contient de 12 à 14% de sucre. Il est réduit dans des évaporateurs jusqu’à une concentration de 65 à 70% de matière sèche. Puis, ce jus dense est porté à ébullition dans une chaudière (ou cuite), fonctionnant sous vide partiel, à une température d’environ 70 °C, jusqu’à ce qu’il cristallise. Il est alors déversé dans des bacs de malaxage pour y refroidir. Le liquide (eau mère) qui entoure les cristaux est séparé de ceux-ci grâce au turbinage auquel est ensuite soumise la masse cuite, dans des essoreuses centrifuges. Ce sirop impur contient encore du sucre qui peut être cristallisé. Le processus d’extraction du sucre est donc renouvelé jusqu’à ce qu’il ne soit plus économiquement rentable. La mélasse est l’égout résultant de la dernière cristallisation.

Après séchage et refroidissement, le sucre est stocké dans des silos où il peut être conservé indéfiniment s’il bénéficie d’une climatisation adéquate et d’une hygrométrie contrôlée.

La mélasse contient environ 60% de sucre et une forte quantité d’impuretés. Elle constitue une nourriture animale intéressante, mais aussi un substrat idéal pour de nombreux micro-organismes. En alimentation animale, une partie de la mélasse est ajoutée aux pulpes avant séchage. La mélasse est aussi utilisée pour la production de levure de boulangerie et d’alcool.

Associée à d’autres micro-organismes, la mélasse permet d’obtenir des produits tels que l’acide lactique, très utilisé dans les industries alimentaire et pharmaceutique, ou l’acide citrique, auquel l’industrie alimentaire a recours en grandes quantités. La mélasse intervient aussi dans la production d’antibiotiques, comme la pénicilline ou la streptomycine, et d’acides aminés tel que le glutamate de sodium.

Les conditions de travail

Dans l’industrie fortement mécanisée de la betterave à sucre, l’extraction du sucre s’effectue le temps de ce qu’on appelle la «campagne», qui s’échelonne sur trois à quatre mois. Durant cette période, les machines fonctionnent en continu. Le personnel travaille jour et nuit, par roulement. Il arrive que des travailleurs temporaires soient embauchés pendant les périodes de pointe. Une fois le traitement des betteraves achevé, on procède à la réparation, à l’entretien et au renouvellement des installations.

Les risques et leur prévention

La transformation de la betterave à sucre ne produit ou n’implique aucune émission de gaz toxiques, ni de poussières. Certaines zones de l’installation peuvent être par contre extrêmement bruyantes. Là où le niveau sonore ne peut être ramené au-dessous du seuil admissible, il convient de fournir aux travailleurs un équipement antibruit et de mettre en place un programme de protection auditive. Cependant, les affections d’origine professionnelle sont généralement rares dans les usines de traitement de la betterave à sucre, ce qui s’explique, en partie, par le fait que la campagne ne dure que trois à quatre mois par an.

Comme dans la plupart des industries alimentaires, des dermites de contact et des allergies cutanées peuvent être provoquées par les produits de nettoyage des cuves et des équipements; le port de gants s’impose donc. Le personnel appelé à pénétrer dans les cuves pour les nettoyer ou pour d’autres motifs doit par ailleurs respecter les mesures relatives au travail dans les espaces confinés.

En raison du risque d’ensevelissement, des précautions doivent être prises par les personnes qui pénètrent dans les silos de stockage du sucre cristallisé; le danger auquel elles sont exposées est similaire à celui que présentent les silos à grains (pour des précisions sur la question, voir l’article «Les céréales, la meunerie et les denrées à base de céréales», dans ce même chapitre.)

Les brûlures dues à l’eau bouillante ou au contact avec les tuyaux de vapeur sont fréquentes. Un entretien approprié, le port d’un équipement de protection individuelle et la formation des travailleurs contribuent à prévenir efficacement ce risque.

Dans l’industrie betteravière, la mécanisation et l’automatisation limitent les risques de troubles ergonomiques.

Les machines doivent être régulièrement contrôlées, entretenues et réparées, au besoin, selon une périodicité établie. Des dispositifs et des mécanismes de protection doivent être mis en place. Le personnel devrait avoir accès à des équipements et à des appareils de protection et être invité à participer à une formation en matière de sécurité.

LES HUILES ET LES GRAISSES

N.M. Pant*

* Adapté de la 3e édition de l'Encyclopaedia of Occupational Health and Safety.

Les termes huiles et graisses désignent, en général, les triglycérides des acides gras présents dans les graines végétales et les tissus animaux. Ces corps gras constituent l’un des principaux groupes de matières organiques essentielles à la construction des êtres vivants, les deux autres groupes étant composés des protéines et des glucides.

Plus de cent espèces de plantes et d’animaux sont exploitées pour les matières grasses qu’elles renferment. Les sources végétales de corps gras sont, notamment, l’olive, la noix de coco, l’arachide, la graine de coton, la fève de soja, la graine de colza, la graine de moutarde, la graine de lin, le fruit du palmier, le sésame, le tournesol, le palmiste, la graine de ricin, le chènevis, l’abrasin, le cacao, le mowra, le maïs et le babassu. Les corps gras animaux proviennent surtout des bovins, des porcins et des ovins, ainsi que de la baleine, de la morue et du flétan.

Les huiles et les graisses comestibles se caractérisent par leur haute valeur énergétique, leur teneur en vitamines liposolubles et leur apport en acides gras essentiels, indispensables au métabolisme. Ce sont, par ailleurs, les principales matières premières employées dans la fabrication des savons et des détergents, des peintures, des laques et des vernis, des lubrifiants et des articles d’éclairage tels que les bougies. On les utilise également dans l’industrie du linoléum et des toiles cirées, pour la production de fixatifs et de mordants en usage dans le tannage des peaux, et aussi comme produit de charge dans plusieurs synthèses chimiques.

La transformation

Le processus initial dépend de la matière brute. Ainsi, les tissus adipeux animaux sont-ils traités dans des fondoirs à chemise de vapeur, les graines oléagineuses sont-elles nettoyées, broyées, déshuilées, et la chair des noix est-elle extraite de la coque et taillée en lamelles. Les huiles et les graisses sont obtenues par pression ou par extraction au solvant grâce à un traitement qui est fonction de l’emploi visé. Les olives peuvent subir plusieurs pressions, mais aucune opération ultérieure n’est généralement nécessaire. En revanche, pour d’autres huiles et graines comestibles, la transformation peut se poursuivre par un certain nombre d’opérations, parmi lesquelles le raffinage (qui comporte, entre autres étapes, la désodorisation), l’hydrogénation, la solidification et l’émulsification.

Les huiles et les graisses brutes contiennent des impuretés. Quelques-unes sont indésirables, car elles troublent l’huile, la font mousser et fumer à la chaleur, lui confèrent un goût ou une odeur désagréables, voire nuisent à sa transformation. Le raffinage, qui procède à une démucilagination, une neutralisation et une décoloration, élimine la plupart de ces impuretés. La démucilagination évacue les phosphatides mucilagineux. Puis, par addition de soude, la neutralisation chasse les acides gras libres. L’huile est ensuite débarrassée de sa couleur par des terres décolorantes, naturelles ou activées, ou encore par recours au procédé de décoloration par la chaleur. La désodorisation, quant à elle, élimine les substances malodorantes, qui sont entraînées, sous vide, par la vapeur d’eau surchauffée. Tout au long du raffinage, la température de l’huile n’excède pas 100 °C.

Les huiles fluides et les graisses onctueuses sont rendues solides et plastiques par hydrogénation, procédé qui permet aussi d’éviter le rancissement dû à l’oxydation. Cette opération consiste à faire réagir l’huile avec l’hydrogène à une température de 180 °C ou plus, en présence d’un catalyseur, le plus souvent du nickel finement divisé. L’hydrogène est introduit sous une pression variant de 2 à 30 atm selon le produit final désiré.

Si l’huile, ou la graisse, doit être commercialisée sous la forme d’une émulsion plastique, un traitement complémentaire s’impose. De nombreuses spécialités produites par des marques sont constituées de mélanges d’huiles et de graisses, dont la solidification partielle est réalisée par fractionnement. Cette opération se traduit par un lent refroidissement maîtrisé, jusqu’à ce qu’une fraction se cristallise — la cristallisation intervient à différentes températures suivant le point de fusion des corps gras mis en jeu. Une autre méthode permet d’obtenir la texture souhaitée par refroidissement rapide dans un appareil spécial, le votator.

Les risques et leur prévention

Lors de l’hydrogénation, l’hydrogène présente un risque élevé d’explosion et d’incendie. Les huiles et les graisses brûlantes peuvent dégager des émanations très irritantes, comme l’acroléine. Les solvants, tels que l’hexane, utilisés pour l’extraction des huiles sont extrêmement inflammables, bien que l’opération s’effectue généralement en circuit fermé. Les précautions à prendre contre les risques d’incendie et d’explosion comprennent:

Les installations électriques présentent un risque de choc électrique lorsque l’environnement est humide et imprégné de vapeur. L’ensemble des machines et des conducteurs devrait donc être convenablement protégé, une attention spéciale étant portée aux lampes et matériels portatifs. Des disjoncteurs différentiels devraient être installés sur l’équipement électrique dans les locaux humides ou baignés de vapeur.

Les accidents dus aux organes mobiles peuvent être évités en équipant ces machines d’une protection efficace, régulièrement contrôlée. Une attention particulière devrait être apportée à l’égard du matériel de broyage, des machines à remplir et à souder les fûts, comme à l’égard des angles rentrants des courroies, tambours et poulies des convoyeurs. Des dispositifs d’interdiction d’accès par verrouillage et affichage seront utilisés pendant les opérations d’entretien et de réparation des installations. Dans les locaux où domine la vapeur, une surveillance régulière et des procédures d’entretien devraient permettre de prévenir les risques d’explosion et de fuite.

Le bruit excessif que produit l’équipement devrait, là où la chose est possible, être réduit par des moyens de prévention technique. Il conviendrait de demander aux travailleurs exposés de porter des protecteurs auditifs appropriés, et de mettre en place un programme de protection de l’audition.

La manutention manuelle des fûts peut provoquer des troubles musculaires ainsi que des lésions des mains et des doigts de pied. Aussi, on devrait avoir recours, dans la mesure du possible, à la manutention mécanique. Le personnel devrait être dûment formé aux méthodes de manutention et de soulèvement des charges, à la protection des pieds et des mains, ainsi qu’au repérage des angles saillants sur les conteneurs. Il arrive aussi que des fûts mal empilés tombent et causent des accidents graves; ce danger peut être limité grâce à une surveillance attentive et à la formation des travailleurs au montage et au démontage de ces piles.

Les surfaces et les escaliers glissants peuvent occasionner des chutes. Pour les prévenir, il suffit d’installer des revêtements de sol antidérapants dont on assurera régulièrement l’entretien et le nettoyage, ainsi que de porter des chaussures à semelles antidérapantes.

Lors de la manipulation des fûts, au cours du raffinage, la soude caustique est susceptible de provoquer des brûlures; un même accident peut être dû à des giclées de ce liquide corrosif quand les fûts sont ouverts. Autres causes de brûlures: l’huile chaude ou le catalyseur épuisé pendant le nettoyage des filtres-presses, les acides, les conduites de vapeur et les fuites de vapeur. Nombre de blessures de ce type peuvent être évitées par le port d’une tenue protectrice, de bottes, de tabliers et de gants; des protections oculaires doivent préserver les yeux des éventuelles projections de substances caustiques ou brûlantes.

Les huiles sont traitées à des températures élevées, et une gêne physique peut être ressentie, notamment dans les pays tropicaux, sauf si des mesures efficaces sont prises. Les travailleurs peuvent souffrir de crampes musculaires, d’épuisement et de coups de chaleur. La chaleur radiante devrait donc être réduite en calorifugeant ou en isolant les contenants et les conduites de vapeur. Une installation de ventilation mécanique efficace devrait assurer le renouvellement fréquent de l’air. Il conviendrait que les travailleurs puissent se désaltérer souvent et faire de nombreuses pauses dans des locaux frais.

Pénétrer dans les cuves de chargement pour les réparer ou les nettoyer constitue un risque spécifique aux espaces confinés. Les travailleurs devraient donc être formés aux procédures propres à ce type d’espaces: analyse de l’air et sauvetage d’urgence. Les travailleurs intervenant en ce lieu devraient être au moins deux.

Les solvants employés pour l’extraction des huiles et des graisses peuvent présenter des risques de toxicité. Le benzène devrait être banni au profit du solvant applicable le moins toxique (par exemple, remplacement de l’heptane par l’hexane). Les vapeurs de solvants seront captées à la source grâce à une ventilation par aspiration localisée. Une autre solution consiste à utiliser des circuits fermés.

La manipulation des huiles, graisses et solvants peut provoquer des dermatoses. Il est impératif que le personnel dispose d’installations sanitaires et puisse se laver, quand cela est nécessaire. Des crèmes protectrices et un vêtement isolant contribuent aussi à prévenir ce risque.

Dans les établissements produisant l’huile d’arachide, si les conditions d’humidité et de température sont réunies, la moisissure Aspergillus flavus , qui sécrète des aflatoxines, peut se développer sur les tourteaux. On a pu constater que des travailleurs exposés à une forte concentration d’aflatoxines dans l’air du local de travail étaient sujets à des pathologies du foie, aiguës ou subaiguës, et que, chez eux, la prévalence des tumeurs était accrue.

La fonte des tissus adipeux animaux pour obtenir à la fois des corps gras et des produits destinés à l’alimentation animale n’est pas davantage exempte de danger pour la santé humaine. Bien que la plupart des animaux et des matières animales soumis à cette transformation soient parfaitement sains, un faible pourcentage de tissus provient de bêtes tuées accidentellement sur la route ou mortes dans des circonstances méconnues ou parce qu’elles étaient malades. Certaines maladies animales, comme le charbon bactéridien et la brucellose sont transmissibles à l’humain. Les travailleurs des abattoirs et des fondoirs courent un risque. Au Royaume-Uni, des équarrisseurs se sont fait une spécialité de la récupération des animaux morts, qu’ils recherchent dans tout le pays, et qu’ils traitent par la fonte dans leur arrière-cours. Le danger encouru par ces personnes est d’autant plus grand que la probabilité de leur exposition à des animaux malades est élevée; à cela s’ajoutent les conditions rudimentaires dans lesquelles ils travaillent.

Au Royaume-Uni, la fonte d’organes de mouton, y compris la cervelle, dans le but de produire un aliment pour le bétail a généré une encéphalopathie bovine spongiforme, la «maladie de la vache folle», lorsque ces moutons étaient atteints d’une affection du cerveau connue sous le nom de «tremblante du mouton». Il est avéré que la consommation de la viande de bœuf provenant d’animaux contaminés est à l’origine d’une forme atypique de la maladie diagnostiquée chez certains sujets.

Des contrôles médicaux réguliers, une sélection et une formation du personnel, ainsi qu’une surveillance constante participent positivement à la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles.

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