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Chapitre 66 - La pêche

GÉNÉRALITÉS

Ragnar Arnason

Introduction

La pêche est une des activités de production les plus vieilles de l’humanité. D’après les recherches archéologiques et historiques, la pêche — en eau douce et en mer — était très répandue dans les civilisations anciennes. Il semble même que les colonies humaines étaient souvent établies dans des régions où les prises de poisson étaient bonnes. L’importance de cette activité comme moyen de subsistance est confirmée par les études anthropologiques contemporaines sur les sociétés primitives.

Les pêches dans le monde se sont radicalement transformées au cours des derniers siècles. Les méthodes de pêche traditionnelles ont été largement supplantées par des techniques plus modernes issues de la révolution industrielle. Ce changement a été suivi d’un accroissement considérable de l’effort de pêche réalisé, d’une augmentation beaucoup plus faible des niveaux de capture et d’une forte diminution des stocks d’un grand nombre d’espèces. L’industrialisation de la pêche a également entraîné la déstabilisation et le déclin de bien des pêches traditionnelles. Enfin, les pressions croissantes qui s’exercent à l’échelle mondiale dans ce domaine ont engendré des différends internationaux sur les droits de pêche.

En 1993, les prises annuelles mondiales de poisson atteignaient environ 100 millions de tonnes (FAO, 1995). La production piscicole des pêches maritimes (mers et océans) et des pêches continentales (eau douce) représentait approximativement 16 millions de tonnes. Sur les quelque 84 millions de tonnes de poisson capturé par an, 77 millions venaient de la pêche en mer et le reste de la pêche en eau douce. Pour capturer de telles quantités, on disposait d’une flotte de pêche forte de 3,5 millions de bâtiments et représentant une trentaine de millions de tonneaux de jauge bruts (FAO, 1993, 1995). Il existe peu de données précises sur le nombre de pêcheurs, mais l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO, 1993) l’a situé aux alentours de 13 millions. On possède encore moins de renseignements sur les effectifs des travailleurs engagés dans la transformation et la distribution du poisson. On peut considérer sans exagération que ceux-ci sont au moins égaux au nombre de pêcheurs et qu’ils peuvent même en atteindre le double. Cela voudrait dire que, à l’échelle mondiale, entre 25 et 40 millions de personnes travaillent dans le secteur de la pêche.

L’Asie arrive de loin au premier rang, avec une production représentant près de la moitié des captures annuelles totales de poisson (FAO, 1995). L’Amérique du Nord et l’Amérique du Sud viennent en deuxième position (30%), suivies par l’Europe (15%). L’Afrique et l’Océanie occupent une place relativement modeste, avec environ 5% des prises mondiales annuelles.

En 1993, la Chine était le premier pays au monde pour la quantité de poisson pêchée en mer, totalisant 10 millions de tonnes, soit à peu près 12% de la capture mondiale. Le Pérou et le Japon occupaient la deuxième et la troisième place, avec environ 10% chacun de la pêche mondiale. Cette même année, 19 pays capturaient plus de 1 million de tonnes de poisson de mer.

La production mondiale de poisson porte sur un grand nombre d’espèces et de pêches. Très peu de pêches ont un rendement annuel supérieur à 1 million de tonnes. Les principales, en 1993, étaient la pêche à l’anchois au Pérou (8,3 millions de tonnes), la pêche à la goberge en Alaska (4,6 millions de tonnes) et la pêche au chinchard au Chili (3,3 millions de tonnes). Ensemble, ces trois pêches représentent environ un cinquième des prises mondiales totales de poisson marin.

L’évolution et la structure de l’industrie de la pêche

La croissance démographique et le progrès des techniques halieutiques ont entraîné une forte augmentation de l’activité dans ce secteur. Cet accroissement, qui s’est amorcé en Europe il y a plusieurs siècles, a été particulièrement marqué, à l’échelle mondiale, au cours du XXe siècle. D’après les statistiques de la FAO (FAO, 1992, 1995), les prises mondiales totales ont quadruplé depuis 1948; inférieures alors à 20 millions de tonnes, elles atteignent en 1995 quelque 80 millions de tonnes, ce qui correspond à une croissance annuelle de près de 3%. Cependant, depuis quelques années, la récolte marine est stable; elle oscille autour de 80 millions de tonnes par an. Etant donné que l’effort de pêche mondial n’a cessé d’augmenter, le niveau de rendement durable maximal de capture a déjà été atteint, voire dépassé du fait de l’exploitation des réserves mondiales de poisson les plus importantes. Par conséquent, la capture de poissons de mer ne peut plus augmenter à l’avenir, sauf à exploiter de nouvelles réserves.

Une forte expansion s’est également produite dans les secteurs de la transformation et de la commercialisation du poisson. Grâce aux progrès réalisés dans les techniques de transport et de conservation et en raison de l’augmentation du revenu individuel réel, des quantités sans cesse croissantes de poisson sont transformées, conditionnées et commercialisées comme produits alimentaires à fort rapport économique. Cette tendance s’accélérera probable-ment encore à l’avenir, se traduisant par un accroissement important de la valeur ajoutée à l’unité. Par contre, cette évolution entraîne du même coup le remplacement des activités traditionnelles de transformation et de distribution du poisson par des méthodes de production industrielles faisant appel à la haute technologie. Phénomène plus grave, ce processus (que l’on appelle parfois mondialisation des marchés du poisson) risque de priver des collectivités sous-développées de leurs sources d’approvisionnement de base en poisson à cause de la surenchère des pays industriels.

A l’heure actuelle, les pêches mondiales se répartissent en deux secteurs tout à fait distincts: les pêches artisanales et les pêches industrielles. La plupart des pêches artisanales sont le prolongement des pêches locales traditionnelles, qui n’ont guère changé au cours des siècles. Par conséquent, elles font très peu intervenir la technologie, emploient une main-d’œuvre nombreuse et sont confinées à des zones côtières (voir l’encadré intitulé «Les plongeurs indigènes»). Les pêches industrielles, par contre, utilisent des techniques de pointe et des moyens financiers considérables. Les navires de pêche industrielle sont généralement de grande taille et bien équipés et peuvent étendre leur activité à travers les océans.

Les plongeurs indigènes

Les indigènes qui vivent dans les régions côtières dépendent depuis des siècles de la mer pour assurer leur subsistance. Dans les eaux tropicales, ils pêchaient non seulement à bord d’embarcations traditionnelles, mais pratiquaient également la pêche au harpon et la récolte de coquillages, plongeant de la côte ou à partir d’un bateau. Autrefois, les eaux étaient fécondes et il n’était pas nécessaire de plonger longtemps à grande profondeur. Depuis peu, la situation a changé. En raison de la pêche intensive et de la destruction des aires de reproduction, les peuples indigènes se trouvent dans l’impossibilité de subvenir à leurs besoins. Un grand nombre d’entre eux pratiquent aujourd’hui la plongée de plus longue durée en eaux profondes pour ramener une prise suffisante. L’aptitude des êtres humains à rester sous l’eau sans appareil ou instrument étant très limitée, les plongeurs indigènes de plusieurs régions du monde ont commencé à utiliser des compresseurs pour pouvoir respirer l’air de la surface ou, encore, des appareils respiratoires autonomes de plongée pour pouvoir rester plus longtemps sous l’eau (temps de séjour au fond).

Il y a des pêcheurs indigènes dans les pays en développement d’Amérique centrale et d’Amérique du Sud, d’Asie du Sud-Est et du Pacifique. Dans le cadre de l’initiative de l’Ocean Conservation and Environmental Action Network (OCEAN) lancée par le département de géographie de l’Université de Californie à Berkeley, le nombre de plongeurs indigènes actifs en Amérique centrale, en Amérique du Sud et dans les Caraïbes a été évalué à près de 30 000 (chez les Indiens Miskito d’Amérique centrale, ils seraient près de 450.) Les chercheurs du Centre de recherche sur les maladies des plongeurs (Divers Diseases Research Centre) du Royaume-Uni estiment qu’il y aurait de 15 000 à 20 000 plongeurs indigènes aux Philippines; en ce qui concerne l’Indonésie, le nombre de plongeurs reste à déterminer, mais il pourrait atteindre 10 000.

En Asie du Sud-Est, certains plongeurs indigènes utilisent des compresseurs placés sur le bateau, auxquels ils sont reliés par un tuyau d’arrivée d’air. Les compresseurs sont généralement semblables à ceux qui sont employés dans les stations-service, ou il peut aussi s’agir d’appareils récupérés sur de gros camions, qui fonctionnent à l’essence ou au diesel. Les plongeurs indigènes descendent jusqu’à une profondeur de plus de 90 m pendant plus de 2 heures. Ils récoltent des poissons et des coquillages pour la consommation humaine, des poissons pour les aquariums, des coquillages pour l’industrie touristique, des huîtres perlières et, à certains moments de l’année, des concombres de mer. Ils placent des pièges à poisson sous l’eau, pêchent au harpon ou frappent deux pierres l’une contre l’autre pour chasser le poisson vers un filet situé en aval. Les homards, les crabes et les coquillages sont ramassés à la main (voir figure 66.1).

Figure 66.1 Plongeur indigène capturant du poisson

Figure 66.1

Les tsiganes des mers de Thaïlande

Sur la côte ouest de la Thaïlande vivent environ 400 plongeurs utilisant des compresseurs. On les appelle les tsiganes des mers, car ils sont les descendants d’un peuple nomade qui s’est établi dans une dizaine de villages relativement permanents, dans trois provinces. Ils savent lire et écrire et la plupart ont reçu l’instruction obligatoire. Pratiquement tous les plongeurs parlent la langue thaïe et la plupart parlent leur langue maternelle, le Pasa Chaaw Lee , qui est une langue malaise orale.

Seuls les hommes deviennent plongeurs. Ils commencent à plonger parfois dès l’âge de 12 ans pour ne cesser, s’ils sont encore vivants, qu’aux alentours de la cinquantaine. Ils plongent à partir d’embarcations non pontées de 3 à 11 m de long. Les compresseurs dont ils se servent marchent à l’essence ou au diesel et sont rudimentaires; ils envoient de l’air non filtré aux plongeurs par un tuyau d’une centaine de mètres de long, à partir d’un réservoir à pression. L’utilisation de compresseurs à air ordinaires sans système de filtration peut entraîner la contamination de l’air respiré par du monoxyde de carbone, du dioxyde d’azote des moteurs diesel, du plomb provenant de l’essence au plomb et des particules de combustion. Le tuyau est attaché à un masque de plongée normal qui couvre les yeux et le nez. L’inspiration et l’expiration se font par le nez et l’air expiré s’échappe par la jupe du masque. La seule protection qu’ont les plongeurs contre les animaux marins et la température de l’eau sont un col roulé et une chemise à longues manches, une paire de chaussures en plastique et un pantalon du style pantalon d’athlétisme. Une paire de gants en mailles de coton assure une certaine protection des mains (voir figure 66.2).

Figure 66.2 Plongeur se préparant à plonger d'une embarcation non pontée
(au large de Phuket, en Thaïlande)

Figure 66.2

Un projet d’étude a été mis au point avec le concours du ministère de la Santé publique de Thaïlande sur les méthodes de plongée des tsiganes des mers en vue d’élaborer des programmes d’éducation ou d’information destinés à les sensibiliser davantage aux risques auxquels ils sont exposés et aux précautions qu’ils peuvent prendre pour les réduire. Dans le cadre de ce projet, 334 plongeurs ont été interrogés en 1996 et 1997 par des travailleurs de la santé publique qualifiés. Plus de 90% de ces plongeurs ont répondu au questionnaire. Bien que le dépouillement des données récoltées à la suite de cette enquête ne soit pas encore terminé, plusieurs conclusions en ont été tirées pour les besoins de la présente étude de cas.

En ce qui concerne les méthodes de plongée, on a demandé aux participants combien de plongées ils avaient faites au cours de leur dernière journée de travail. Sur les 310 plongeurs ayant répondu à cette question, 54% ont indiqué qu’ils avaient fait moins de 4 plongées, 35% qu’ils avaient fait entre 4 et 6 plongées et 11%, qu’ils avaient fait 7 plongées ou plus.

Interrogés sur la profondeur de leur première plongée de la journée de travail précédente, 51% des 307 plongeurs ayant répondu à cette question ont indiqué qu’elle était égale ou inférieure à 18 m, 38% qu’elle était de 18 à 30 m, 8% qu’elle était de 30 à 40 m, 2% qu’elle était supérieure à 40 m et 1 plongeur a indiqué 80 m. Dans un des villages participants, 1 plongeur âgé de 16 ans a déclaré qu’il avait fait 20 plongées au cours de sa journée de travail précédente, à des profondeurs inférieures à 10 m. Depuis qu’il fait de la plongée, ce jeune homme a souffert à trois reprises de la maladie de décompression.

La fréquence des plongées, la profondeur, la durée des séjours au fond et la brièveté des pauses à la surface sont des facteurs susceptibles d’accroître les risques de maladie de décompression.

Les risques

Un échantillonnage aléatoire fait au début de l’enquête a révélé que les trois risques les plus importants sont l’interruption de l’arrivée d’air, entraînant une remontée d’urgence, les blessures causées par les animaux marins et la maladie de décompression.

Contrairement aux plongeurs sportifs ou professionnels, les plongeurs indigènes n’ont aucun système d’urgence d’alimentation en air. Quand le tuyau d’alimentation est coupé, tordu ou détaché, le pêcheur n’a que deux choix. Le premier consiste à trouver un autre plongeur et à partager l’air d’un seul masque, technique pratiquement inconnue des tsiganes des mers; le deuxième à remonter d’urgence à la surface, ce qui peut causer et cause souvent un barotraumatisme (lésion liée à une décompression rapide) et à la maladie des caissons (provoquée par la formation de bulles d’azote gazeux dans le sang et dans les tissus au moment où le plongeur remonte à la surface). 113 des 331 plongeurs (34%) qui ont répondu à la question concernant la distance entre les plongeurs ont indiqué qu’ils travaillaient à une distance de 10 m ou plus de leurs collègues et 24 autres qu’ils ne se préoccupaient pas des allées et venues de leurs collègues pendant les plongées. Dans le cadre de ce projet de recherche, on apprend aux plongeurs comment partager l’air d’un seul masque tout en les encourageant à rester plus proches les uns des autres pendant les plongées.

Du fait que les plongeurs indigènes manipulent souvent des animaux marins morts ou blessés, ils sont parfois attaqués par un prédateur affamé. Ils risquent également de toucher à l’occasion des animaux marins venimeux, ce qui accroît les risques de maladies ou de lésions.

Quant à la maladie de décompression, 83% des plongeurs ont dit considérer que la douleur faisait partie du métier; 34% ont indiqué qu’ils s’étaient bien rétablis et 44% qu’ils avaient subi cette maladie au moins trois fois.

L’intervention des services de santé au travail

Dans le cadre de la partie pratique de ce projet, 16 travailleurs de la santé du village ainsi que 3 tsiganes des mers ont reçu une formation d’instructeur. Leur tâche consiste à passer d’une embarcation à l’autre pour faire de brefs exposés (15 minutes) afin de sensibiliser les pêcheurs aux risques auxquels ils sont exposés, leur permettre d’acquérir les connaissances et les compétences nécessaires pour limiter ces risques et élaborer des mesures d’urgence afin d’aider les plongeurs malades ou blessés. Dans le cadre de l’atelier de formation des instructeurs, 9 règles ont été établies, un plan de cours succinct a été mis au point pour chaque règle et un feuillet d’information a été préparé pour distribution. Ces règles sont les suivantes:

  1. Commencer par la plongée à la plus grande profondeur, en diminuant progressivement celle-ci d’une plongée à l’autre.
  2. Commencer par la partie la plus profonde de chaque plongée, et travailler ensuite en remontant.
  3. Prévoir impérativement une pause de sécurité à 5 m à la remontée après chaque plongée à grande profondeur.
  4. Remonter lentement de chaque plongée.
  5. Rester au moins 1 heure à la surface entre deux plongées à grande profondeur.
  6. Boire de grandes quantités d’eau avant et après chaque plongée.
  7. Rester en vue d’un autre plongeur.
  8. Eviter de retenir son souffle.
  9. Veiller à ce que le pavillon international de plongée soit toujours placé à vue lorsque des plongeurs sont au travail.

Les tsiganes des mers sont nés et ont grandi à proximité ou au bord de la mer. Elle leur fournit leurs moyens de subsistance. Malgré les maladies ou les accidents causés par leurs méthodes de travail, ils continuent à plonger. Les interventions énumérées ci-dessus ne les empêcheront sans doute pas de plonger, mais elles peuvent leur faire prendre mieux conscience des risques auxquels ils s’exposent et leur donner les moyens de les réduire.

David Gold

Du point de vue du nombre des bateaux et des emplois, le secteur artisanal domine la pêche mondiale. Ainsi, près de 85% des navires de pêche et 75% des pêcheurs pratiquent la pêche artisanale. Malgré cela, parce qu’elle emploie une technologie rudimentaire et qu’elle a un rayon d’action limité, la flotte de pêche artisanale n’assure qu’une fraction peu élevée des prises mondiales. En outre, étant donné sa faible productivité, le revenu des pêcheurs artisanaux est généralement maigre et leurs conditions de travail sont difficiles. Le secteur de la pêche industrielle est beaucoup plus rentable. Bien qu’elle ne représente que 15% des navires de pêche et 50% de leur tonnage total, la flotte industrielle assure, à l’échelle mondiale, la capture de plus de 80% des poissons de mer.

Aujourd’hui, l’intensification de la pêche est principalement due au développement des pêches industrielles. La flotte industrielle a réalisé des gains de productivité importants dans les zones de pêche traditionnelles et a étendu l’activité halieutique, qui était confinée aux régions côtières où l’eau est relativement peu profonde, à pratiquement toutes les zones marines poissonneuses. Par contre, en dépit des progrès techniques enregistrés, la pêche artisanale est restée pratiquement stable.

L’importance économique

La valeur des prises de poisson débarquées dans le monde est estimée entre 60 et 70 milliards de dollars E.-U. (FAO, 1993, 1995). Même en admettant que les opérations de transformation et de distribution de poisson permettent de doubler ou de tripler cette valeur, la pêche représente une branche d’activité relativement secondaire, surtout si on la compare à l’agriculture, la principale industrie de production alimentaire au niveau mondial. La pêche demeure capitale pour certains pays et certaines régions, notamment pour de nombreuses collectivités établies le long des côtes de l’Atlantique Nord et du Pacifique Nord. En outre, pour bien des communautés d’Afrique occidentale, d’Amérique du Sud et d’Asie du Sud-Est, elle est la principale source de protéines animales et revêt, de ce fait, une très grande importance économique.

La gestion des pêches

L’effort de pêche mondial s’est considérablement accru au cours du XXe siècle, surtout depuis la fin de la seconde guerre mondiale. C’est pourquoi de nombreuses réserves de poissons comptant parmi les plus précieuses sont réduites à un point tel qu’un effort de pêche accru engendre une réduction des quantités pêchées. La FAO estime que la plupart des grands stocks de poissons sont exploités à pleine capacité, voire surexploités (FAO, 1995). Par conséquent, la capture de la plupart des espèces les plus importantes a en fait diminué et, malgré des progrès constants de la technologie halieutique et les hausses du prix réel du poisson, le rendement économique de la pêche a baissé.

Face à une diminution des stocks et de la rentabilité de l’industrie de la pêche, la plupart des pays où se pratique cette activité se sont efforcés d’apporter des solutions de deux ordres, à savoir l’extension des zones de pêche de compétence nationale à 200 milles nautiques des côtes au minimum et l’imposition de nouveaux systèmes de gestion des pêches à l’intérieur de ces zones.

Diverses méthodes d’aménagement des pêches ont été expérimentées pour accroître la rentabilité de cette industrie. Sachant que la source du problème est la copropriété des stocks de poissons, les systèmes les plus modernes de gestion des pêches tentent d’y remédier en instaurant des droits de quasi-propriété. Il est par exemple courant de fixer le total admissible de capture pour chaque espèce et de le répartir entre les diverses sociétés de pêche sous la forme de quotas individuels. Ces quotas représentent un droit de propriété. Pour autant que ceux-ci soient échangeables, l’industrie de la pêche a tout à gagner à limiter le plus possible l’effort de pêche nécessaire pour atteindre ce total et, s’ils sont permanents de surcroît, il est dans son intérêt d’ajuster la taille de sa flotte en fonction du rendement durable à long terme de la pêche. Cette méthode d’aménagement des pêches (appelée généralement système des quotas individuels transférables (QIT)) est actuellement de plus en plus répandue à l’échelle mondiale et semble être appelée à devenir le modèle de l’avenir en la matière.

L’extension des zones de pêche de compétence nationale et les systèmes de gestion axés sur les droits de propriété appliqués dans ces zones supposent une restructuration en profondeur de l’industrie de la pêche. Le fait de clôturer pour ainsi dire les océans par l’extension des zones de pêche de compétence nationale, phénomène qui est en voie de se généraliser, éliminera en pratique presque complètement la pêche lointaine (grande pêche) en haute mer. Les systèmes d’aménagement des pêches fondés sur les droits de propriété représentent également une incursion accrue des forces du marché dans la pêche. Le rendement de la pêche industrielle est supérieur à celui de la pêche artisanale. En outre, les armements de pêche industrielle sont davantage en mesure que les pêcheurs artisanaux de s’adapter à de nouveaux systèmes de gestion des pêches. Par conséquent, il semble que l’évolution des méthodes d’aménagement des pêches constitue une nouvelle menace pour la pêche artisanale. Compte tenu de cette situation et de la nécessité de réduire l’effort de pêche global, il semble inévitable que le niveau d’emploi dans cette branche soit appelé à chuter radicalement.

LES PRINCIPAUX SECTEURS ET PROCÉDÉS

Hjálmar R. Bárdarson

Les caractéristiques du travail en mer

Le travail en mer sur les bâtiments de pêche diffère à maints égards du travail sur les navires transporteurs de marchandises classiques, bien que les activités liées à la navigation proprement dite soient analogues sinon identiques. La principale différence entre les navires de charge classiques et les bâtiments de pêche vient de ce que les premiers sont chargés dans les ports. Après le chargement, leurs écoutilles doivent être fermées hermétiquement pour n’être généralement ouvertes à nouveau qu’à l’arrivée au port de destination, où s’effectue le déchargement de la cargaison.

Les navires de pêche, par contre, capturent le poisson sur les lieux de pêche et chargent leur cargaison en mer. Un navire de pêche doit donc plus ou moins fréquemment laisser une partie de ses écoutilles ouvertes en mer, ce qui peut comporter des risques de submersion.

D’autres risques sont liés à la capture proprement dite. Les engins de pêche ralentissent souvent beaucoup la progression du navire, même lorsqu’il est de petite taille. En outre, la pêche proprement dite se déroule généralement dans des zones exposées aux vents. De plus, sur la plupart des petits bateaux de pêche, l’équipage doit toujours travailler sur le pont, à découvert.

Les navires de pêche sont par conséquent plus vulnérables que les navires de charge, surtout sur une mer houleuse, et ils nécessitent une architecture particulière et le recours à des méthodes très différentes pour la formation des capitaines et des équipages.

Les méthodes de pêche et les types de navires de pêche

Les navires de pêche sont adaptés aux méthodes de pêche qu’ils pratiquent. Certains d’entre eux sont conçus pour une méthode de pêche en particulier; d’autres sont polyvalents et peuvent être équipés de deux ou trois types d’engins de pêche. Les principales méthodes de pêche sont:

  1. le chalutage par le fond;
  2. le chalutage pélagique;
  3. la pêche à la senne coulissante (filet tournant);
  4. la pêche à la palangre;
  5. la pêche au filet maillant dérivant (filet dérivant);
  6. la pêche à la ligne sur de petites embarcations.

Le chalutage par le fond

Le chalutage latéral était la méthode initiale de chalutage par le fond. Un chalutier à pêche latérale est doté de deux potences, une à l’avant et l’autre à l’arrière, placées généralement à tribord (côté situé à la droite d’une personne regardant vers l’avant (la proue) d’un navire). Le chalut est filé sur le côté par l’équipage et les funes (câbles d’acier) glissent sur des poulies suspendues aux potences. Les panneaux de chalut (servant à maintenir la gueule du chalut ouverte), situés de part et d’autre de celles-ci, sont placés en biais pour le maintenir ouvert lorsqu’il est tiré sur le fond par le navire (voir figure 66.3). Le poisson s’amasse dans ce que l’on appelle le cul-de-chalut. La superstructure d’un chalutier à pêche latérale est la timonerie arrière ou centrale avec un treuil à deux tambours placé généralement en avant de la cabine, sur le pont avant. Les prises sont hissées à bord sur l’extrémité du pont avant au moyen d’un mât de charge. Les chalutiers à pêche latérale encore utilisés de nos jours sont très peu nombreux, ayant pratiquement tous été remplacés par des chalutiers de pêche arrière. Ceux-ci sont dotés d’une passerelle avant et d’un grand portique arrière au lieu de potences (voir figure 66.4). Les gros chalutiers de pêche arrière sont équipés d’un pont-couvert; le treuil du chalut principal est souvent situé au milieu du navire, qui dispose également de plusieurs treuils plus petits, placés sur l’arrière-pont, servant à lever certaines parties du filet. Le chalut est remonté sur une rampe arrière au-dessus du pont-couvert, où le cul-de-chalut est levé et le contenu vidé par une écoutille dans des compartiments se trouvant sur le pont principal, qui est un pont-usine sur les gros chalutiers de pêche arrière.

Figure 66.3 Chalutier de pêche arrière, chalutage de fond

Figure 66.3

Figure 66.4 Chalutier de pêche arrière

Figure 66.4

Le chalutage pélagique

Les chalutiers pélagiques servent à capturer aussi bien des poissons pélagiques que d’autres espèces vivant en bancs à différents niveaux entre le fond marin et la surface. Le chalutage pélagique se pratique avec le même type de navire que le chalutage par le fond, mais les chalutiers sont généralement équipés d’un tambour à filet conçu pour des filets beaucoup plus grands. Ils sont pourvus de panneaux spéciaux, de poids et de flotteurs sur les funes pour régler la profondeur à laquelle le chalut est traîné.

La pêche à la senne coulissante (filet tournant)

Les senneurs sont conçus pour capturer les espèces de poissons qui se rassemblent en bancs autonomes comme le hareng, le capelan et le maquereau. Les prises peuvent être très importantes et la capacité utile du navire doit donc être en rapport. La ralingue supérieure de la senne est munie de flotteurs et le fond est plombé. Comme le bateau doit disposer le filet en cercle autour du banc de poissons, il importe qu’il ait une bonne maniabilité et, surtout, une bonne aptitude à virer. Il existe deux types de senneurs: le modèle hispano-californien et le modèle scandinave (ou nordique). Les deux utilisent des poulies motrices à transmission hydraulique. Sur les navires américains, la passerelle et les locaux d’habitation sont situés à l’avant et les poulies motrices se trouvent sur un mât de charge en arrière du rouf. Les senneurs nordiques étaient à l’origine des chalutiers à pêche latérale, avec le rouf, la timonerie et les logements à l’arrière. La poulie motrice se trouve généralement à tribord de la timonerie; un tambour à transmission hydraulique achemine le filet de la poulie motrice au parc à filet localisé à l’arrière. Lorsque le banc de poissons est encerclé, le bas de la senne est fermé par la traction exercée sur la fune inférieure par le treuil de halage; le poisson est alors pompé du filet puis envoyé dans la cale par un séparateur de poisson et d’eau.

Les modèles récents de senneurs scandinaves (voir figure 66.5) sont généralement de la même taille que les gros chalutiers de pêche arrière; ils sont munis d’un entrepont allant de la proue à la poupe et d’un parc à filet séparé à l’arrière. La disposition du vireur de filet est toujours la même que sur les premiers modèles de navires de ce genre.

Figure 66.5 Senneur scandinave

Figure 66.5

La pêche à la palangre

La pêche à la palangre est une technique de pêche qui consiste à étendre une ligne maîtresse à laquelle plusieurs lignes plus courtes (avançons), munies à leur extrémité d’un hameçon appâté, sont attachées à intervalles de 1 à 2 m. Après un certain temps, le bateau de pêche remonte la ligne et le poisson capturé est décroché. Cette méthode de pêche a longtemps été et est toujours utilisée sur des embarcations relativement petites, à pont découvert (voir figures 66.6 et 66.7). Habituellement, les hameçons sont aichés à terre et les lignes sont lovées dans des bacs. Le bateau de pêche laisse la ligne se dévider à l’arrière et celle-ci est remontée à tribord au moyen d’un haleur de ligne hydraulique.

Figure 66.6 Petit palangrier rapide (à l'arrêt)

Figure 66.6

Figure 66.7 petit palangrier rapide (en route)

Figure 66.7

Un navire moderne de pêche à la palangre, avec système automatique de dévidage et de remontée des lignes, est équipé d’un pont-couvert muni d’une ouverture latérale pour le halage, et d’une ouverture arrière pour le dévidage de la ligne de fond. Les deux ouvertures peuvent être fermées hermétiquement et sont isolées par des cloisons de façon à limiter la superficie du pont de pêche susceptible d’être inondée en cas de vague déferlante. Lorsque la ligne a été remontée sur le navire au moyen du haleur de ligne, elle passe dans un boëtteur automatique et, en une seule opération, la vieille aiche est retirée de l’hameçon et le nouvel appât accroché, juste avant que la ligne ne soit à nouveau dévidée. Les palangriers peuvent avoir environ 60 m de longueur et accueillir de 20 à 40 membres d’équipage. Le système automatique de dévidage et de remontée de lignes comprend de 40 000 à 50 000 hameçons accrochés à une ligne, qui peut atteindre 60 km de long. La ligne se dévide à une vitesse de 7 à 8 nœuds et le haleur de ligne a une puissance de traction de 5 tonnes environ. L’aire de traitement du poisson se trouve sur l’entrepont, où sont installés des bandes transporteuses, des bacs et des tables pour l’éviscération et le filetage manuels. Dans certains cas, ces navires sont aussi équipés pour la congélation du poisson.

La pêche au filet maillant dérivant (filet dérivant)

Avec ce genre de filet, les poissons sont pris par les ouïes. Sur les navires de pêche dotés d’une superstructure arrière et d’un pont de pêche découvert dans la partie centrale, plusieurs filets maillants dérivants sont jetés bout à bout sur le côté. Une boque est attachée à l’extrémité libre des filets et de nombreux flotteurs sont fixés à la ralingue supérieure. La traction exercée par le navire maintient les filets tendus. Dans de nombreux pays, ce type de pêche a été remplacé par le chalutage pélagique et la pêche à la senne coulissante.

La pêche à la ligne sur de petites embarcations

La pêche côtière à bord de petites embarcations est une activité importante qui a connu un développement considérable dans de nombreux pays. Les petites embarcations en bois non pontées munies d’un moteur hors-bord ou in-bord ont été remplacées, pour la plupart, par des bateaux généralement en fibre de verre à pont ou demi-pont, conçus comme des bateaux de vitesse permettant de gagner des lieux de pêche semi-hauturiers. Ces embarcations mesurent de 8 à 15 m et sont équipées d’un moteur de 250 à 400 chevaux qui leur permet d’atteindre une vitesse de croisière de 24 nœuds. La cabine est généralement équipée de deux couchettes, d’une cuisine et d’une toilette. Certains de ces bateaux disposent d’au moins quatre moulinets de pêche à la turlutte qui sont des machines électroniques de pêche à la ligne. Le moulinet de pêche à la turlutte dévide la ligne et, au moment où le plomb touche le fond, il remonte les hameçons à la distance souhaitée du fond et fait dandiner la ligne. Il détecte les touches et hisse les prises à la surface.

La transformation du poisson à bord et à terre

La taille des navires de pêche ayant augmenté et la grande pêche loin des ports d’attache étant devenue plus courante, la transformation du poisson à bord est également désormais beaucoup plus fréquente. Comme l’espace est plus limité sur un navire que dans les usines à terre, il a fallu concevoir des installations et des lignes de transformation plus compactes, dotées d’un équipement automatique pouvant servir à la fois pour le poisson et pour la crevette.

A l’avant du bord supérieur de la rampe de halage arrière d’un chalutier moderne de pêche arrière, le contenu du cul-de-chalut est vidé et convoyé par des goulottes à commande hydraulique du pont de pêche dans des bacs en acier inoxydable situés sur le pont inférieur, à l’arrière de la salle de transformation du poisson. A travers quatre goulottes à commande hydraulique aménagées dans le compartiment avant des bacs de réception, le poisson est déversé sur un tapis qui l’achemine aux postes de la salle de travail mesurant 520 m2. Celle-ci est aménagée pour la production de filets, de blocs, de hachis de poisson et de poisson étêté et éviscéré. Pour une représentation graphique des différentes étapes de la transformation, se reporter à la figure 66.8.

Figure 66.8 Diverses étapes de la pêche et du traitement du poisson

Figure 66.8

La ligne de transformation, autant que possible automatisée, est équipée de transporteurs, de bacs d’entreposage temporaire et de dérivations, etc. Elle comprend l’équipement ci-après:

La ligne de transformation dispose également d’un poste de filetage manuel à quatre places. Le système de congélation est relié à trois congélateurs automatiques à plaques et à un congélateur à commande manuelle. La capacité de congélation est d’environ 70 tonnes de filets de poisson par vingt-quatre heures.

La taille des caisses de poisson utilisées est standard; les filets et les morceaux sont conditionnés en blocs de poids standard lui aussi. Un élévateur est installé pour le convoyage depuis la ligne de transformation jusqu’à la cale. La cale à poisson, d’un volume total de 925 m3, peut être maintenue, par exemple, à une température de –30 °C, avec une température extérieure de 30 °C et une température de l’eau de mer de 20 °C.

A tribord de l’aire de transformation du poisson se trouve en outre une ligne de traitement de la crevette équipée d’un convoyeur de triage, d’une calibreuse, d’un cuiseur, d’une balance, d’un tunnel de congélation et d’une emballeuse. Une partie du matériel de transformation du poisson blanc est également utilisée pour le traitement de la crevette (par exemple, les bacs de réception, les congélateurs à plaques, la ligne d’emballage, les transporteurs et le stockage dans la cale à poisson).

Certains gros chalutiers congélateurs disposent d’une unité de production de farine de poisson pouvant traiter de 50 à 60 tonnes de matière première et produire de 7 à 9 tonnes de farine de poisson par vingt-quatre heures. Pour obtenir un produit de bonne qualité, cette installation est équipée d’un séchoir à vapeur, produite par une chaudière à gaz d’échappement et à mazout. L’installation comprend les machines ci-après:

La farine est alors acheminée jusqu’à un poste d’ensachage situé dans la cale à farine de poisson où elle est entreposée dans des sacs de papier ou de jute de 35 kg.

Pour les membres d’équipage qui travaillent dans l’aire de transformation, les postes de travail où l’on peut rester debout pendant de longues heures sont munis de plates-formes réglables.

L’équipement de transformation du poisson blanc et des autres fruits de mer sur les navires-usines qui ne participent pas à la pêche est pratiquement identique à celui que l’on trouve à bord de bâtiments comme les chalutiers de pêche arrière sur lesquels s’effectue la transformation des prises. La principale différence tient à ce que ces navires-usines suivent la flotte de pêche jusque sur les bancs, récupèrent les prises, les traitent et les transportent jusqu’au port.

La création de chaînes de congélation et d’équipements de transformation du poisson pour les navires a également exercé une influence considérable sur les installations des usines de transformation du poisson à terre. Le système automatique, mais souple, comporte un certain nombre de postes de travail où la qualité du produit, la performance, la capacité et le rendement sont contrôlés séparément pour une gestion optimale du système. Les filets sont acheminés vers une portionneuse et les portions sont dirigées vers des appareils de surgélation rapide ou des postes d’emballage. Grâce au système de transporteurs à bande dont sont munies les lignes de transformation du poisson et des crevettes, ces lignes ont un rendement remarquable pour un minimum d’effort, car les travailleurs n’ont pas besoin de soulever ou de lancer le poisson.

Les codes internationaux

Trois organisations des Nations Unies — l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), l’Organisation internationale du Travail (OIT) et l’Organisation maritime internationale (OMI) — ont décidé de collaborer à la rédaction d’un recueil de règles de sécurité pour les pêcheurs et les navires de pêche, dans leurs domaines de compétence respectifs:

Un groupe mixte de conseillers des trois organisations a rédigé le Recueil de règles de sécurité pour les pêcheurs et les navires de pêche qui comprend deux parties: la partie A, intitulée «Directives pratiques de sécurité et d’hygiène à l’usage des patrons et des équipages», contenant des directives opérationnelles et professionnelles; et la partie B, intitulée «Dispositions à prévoir en matière de sécurité et d’hygiène pour la construction et l’équipement des navires de pêche». L’objet de ce guide est de réduire les risques de lésions corporelles pour les pêcheurs et d’éviter autant que possible les accidents, tout en diminuant les risques d’avarie au navire. L’OMI a assuré la coordination des projets d’amendement, lesquels ont tous été soumis à l’approbation finale des trois organisations. Des éditions revues et corrigées du Recueil ont été publiées par l’OMI pour son propre compte et pour celui de la FAO et l’OIT.

La partie A contient les renseignements de base nécessaires pour assurer la sécurité des opérations de pêche, notamment celle de la navigation, la navigabilité du navire et son équipement adéquat. Les autres mesures de protection concernent, par exemple, le maintien d’une bonne stabilité du navire; les précautions à prendre contre les risques de tomber à la mer; la sécurité en général sur le pont; la sécurité dans la salle des machines et celle de l’équipement mécanique; et la connaissance des engins de sauvetage, des mesures de prévention des incendies et du contenu de la trousse de premiers secours. L’entretien permanent de tous les dispositifs de sécurité du navire et de son équipement est également essentiel.

La connaissance du fonctionnement et de la manœuvre du navire est indispensable pour en assurer la sécurité. Le patron d’un navire de pêche de plus de 24 m de long naviguant au large doit être au courant de tous les aspects de la navigation, et de la manœuvre de tels bâtiments. Il doit savoir comment ils sont construits et quels sont les critères de stabilité. Il doit être en mesure d’utiliser les courbes de stabilité et d’évaluer l’influence de la charge de poisson, de la quantité d’eau et de carburant dans les réservoirs, de la masse d’eau accumulée sur le pont et de la fermeture des ouvertures du navire, ainsi que de la traction des engins de pêche.

Pour la sécurité des navires de pêche et de leur équipage, il est essentiel que l’éducation, la formation et l’accréditation de toutes les personnes se trouvant à bord répondent à des normes reconnues très strictes. C’est d’ailleurs dans ce but qu’a été signée la Convention internationale de 1995 sur les normes de formation du personnel des navires de pêche, de délivrance des brevets et de veille, au siège de l’OMI, à Londres. Les Etats concernés ont entrepris de promulguer toutes les lois et ordonnances et tous les décrets et règlements nécessaires pour que, du point de vue de la sécurité de la vie et des biens en mer et de la protection de l’environnement marin, le personnel des navires de pêche en mer soit qualifié et apte à remplir ses fonctions. Cette convention devait entrer en vigueur 12 mois après sa ratification par 15 Etats au moins.

Les règlements publiés en annexe de la Convention spécifient les prescriptions minimales obligatoires qui s’appliquent à la délivrance de certificats aux patrons, aux officiers, aux ingénieurs-mécaniciens et aux opérateurs radio, ainsi qu’à la formation aux techniques et aux normes de sécurité de base que doit connaître tout le personnel des navires de pêche; à cela s’ajoutent les règlements concernant les principes de base à observer pour maintenir une veille à bord de ces bâtiments.

Parmi les matières d’examen des candidats au certificat de patron et d’officier de navigation sur les navires de pêche naviguant au large, on peut citer: la navigation, la veille, le calcul électronique de la position, la météorologie, les communications, la prévention des incendies, le sauvetage, la manœuvre, la construction et la stabilité des navires de pêche (y compris la connaissance des effets de carène liquide et d’accumulation de glace), la manutention et l’arrimage des prises, la langue anglaise, les soins médicaux, le droit maritime, la recherche et le sauvetage, la connaissance du Recueil de règles de sécurité pour les pêcheurs et les navires de pêche , partie A, de la FAO/OIT/OMI et la prévention de la pollution marine.

Les locaux d’habitation et l’équipement pour l’équipage des navires de pêche de haute mer

Sur les gros chalutiers-congélateurs à pêche arrière conçus pour la pêche en haute mer, qui restent souvent éloignés pendant des mois de leur port d’attache, les locaux d’habitation et l’équipement pour l’équipage occupent généralement un espace important. A titre d’exemple, un chalutier à pêche arrière islandais de 68 m de long livré en 1994 dispose de locaux suffisants pour loger 37 personnes. Il est doté de 13 cabines d’une personne, et de 12 cabines double, ainsi que d’une infirmerie avec deux couchettes, toilette séparée et lavabo. La superficie totale des locaux d’habitation est de 625 m2. Toutes les cabines sont équipées d’une toilette, d’un lavabo et d’une douche séparés. En plus de la salle à manger et de la cuisine, ce navire comprend deux salons de télévision, un sauna et une salle de culture physique. L’équipement de divertissement se compose de deux téléviseurs couleur grand écran, de deux magnétoscopes, d’une chaîne stéréo et de postes récepteurs radiophoniques. Chaque cabine possède une radio, le pont de transformation du poisson en comptant dix. Sur le pont se trouvent une toilette commune, des vestiaires avec armoires pour l’équipage du pont, des lavabos et des lave-linge et sèche-linge, ainsi qu’une penderie pour les cirés, avec notamment un séchoir à bottes.

Les lieux de pêche

Les lieux de pêche, ainsi que les modèles et la taille des navires de pêche, varient considérablement d’une région à l’autre. La pirogue de pêche en lac intérieur faite d’une seule pièce la plus rudimentaire et le chalutier-usine ultramoderne de haute mer ont tous deux la même fonction: pêcher du poisson. Ils sont pourtant radicalement différents. Du point de vue de la sécurité, les zones maritimes de pêche ont été subdivisées en trois catégories dans la partie B du Recueil:

  1. les zones maritimes illimitées;
  2. les zones maritimes situées jusqu’à 200 milles nautiques d’un port de refuge;
  3. les zones maritimes situées jusqu’à 50 milles nautiques d’un port de refuge.

Les lieux de pêche ou bancs de pêche sont généralement subdivisés en zone de pêche côtière et en zone de pêche en haute mer.

La pêche côtière se pratique dans les eaux du littoral, à une distance de la côte qui peut varier. Dans les fjords et dans les autres lieux abrités, on utilise de petits bateaux à moteur (non pontés ou semi-pontés) pour des sorties en mer d’une journée; pour les campagnes plus longues, on se sert de petits bateaux à moteur pontés dont le modèle diffère considérablement d’une région à l’autre.

La grande pêche est celle qui se pratique le plus loin du rivage. Les navires destinés à la grande pêche sont généralement conçus pour les zones maritimes illimitées, étant donné que, dans bien des pays du littoral, la haute mer (ou l’océan) débute juste au-delà des fjords abrités ou des îles côtières.

Les navires de pêche

Les navires de pêche utilisés pour la pêche en haute mer sont de types et de tailles extrêmement variables — chalutiers de pêche arrière (navires pour le poisson frais avec lignes de transformation), senneurs, palangriers, navires-usines, etc. D’après sa définition internationale, l’expression navire de pêche désigne un navire utilisé à des fins commerciales pour la capture du poisson, des baleines, des phoques, des morses ou autres ressources vivantes de la mer. L’expression navire-usine désigne un navire utilisé exclusivement pour le traitement des prises.

Les navires de pêche sont tellement différents des autres navires de mer que l’on n’est pas parvenu à s’entendre pour que les conventions internationales relatives à la sauvegarde de la vie humaine en mer s’appliquent également à eux. La Convention internationale sur la sécurité des navires de pêche a été préparée à la Conférence internationale de 1977 sur la sécurité des navires de pêche, à Torremolinos (Espagne). Cette convention est basée sur les travaux techniques effectués par l’OMI sur une période de plusieurs années, principalement au sein du Sous-Comité de la sécurité des navires de pêche du Comité de la sécurité maritime. Ce comité avait déjà préparé des recommandations sur la stabilité des navires de pêche, publiées par l’OMI et intégrées à la Convention de 1977 sur la sécurité des navires de pêche. Cette convention précise qu’elle ne s’applique qu’aux navires de pêche neufs d’une longueur égale ou supérieure à 24 m. Les petits navires de pêche sont exclus de cette convention importante parce qu’ils sont de modèles très variables selon les pays et que l’on ne possède que très peu de renseignements techniques à leur sujet. Par conséquent, faute d’informations de base les concernant, il n’a pas été possible d’établir des règlements de sécurité pour cette catégorie. Même sur les navires mesurant légèrement plus de 24 m, la forme de la coque et les méthodes de pêche varient considérablement. Toutes ces caractéristiques sont déterminantes pour la stabilité et la navigabilité en général.

Les renseignements techniques sur lesquels sont fondés les règlements faisant partie de la Convention ont été fournis principalement par les pays industriels d’Europe et d’Amérique du Nord. Peu après la Conférence de 1977, il est apparu que plusieurs autres pays prévoyaient ne pas pouvoir ratifier certaines parties de la Convention à cause des plus petits de leurs bateaux de pêche de plus de 24 m. La Conférence, qui a eu lieu en 1993 à Torremolinos, a débouché sur l’adoption du Protocole de Torremolinos de 1993 relatif à la Convention internationale de Torremolinos sur la sécurité des navires de pêche, 1977, assouplissant les dispositions de chapitres particuliers de la Convention pour certains types de navires de pêche. Le chapitre concernant les machines, les installations électriques et les compartiments machines qui ne sont pas sous surveillance permanente, n’est applicable, depuis le Protocole de 1993, qu’aux nouveaux navires mesurant 45 m ou plus. Le chapitre sur la prévention, la détection et l’extinction de l’incendie et l’équipement de lutte contre l’incendie a été subdivisé en deux parties: la partie A, qui est applicable aux navires de pêche neufs d’une longueur égale ou supérieure à 60 m, et la partie B, qui contient des dispositions moins strictes pour les navires de 45 à 60 m. Les dispositions du chapitre sur les communications radio s’appliquent à la fois aux navires neufs et aux navires existants d’une longueur égale ou supérieure à 45 m. Le Protocole de 1993 relatif à la Convention internationale de Torremolinos de 1977 prévoit également la mise à jour de la Convention et tient compte de l’évolution technologique qui s’est produite entre 1977 et 1993. Le champ d’application du Protocole a été étendu aux navires qui assurent la transformation de leurs prises.

Les participants à la Conférence internationale de Torremolinos de 1977 ont adopté une recommandation portant sur les normes de sécurité pour les navires de pêche pontés de moins de 24 m, étant donné que la grande majorité des navires de pêche dans le monde mesurent moins de 24 m. Ils ont recommandé que l’OMI s’emploie à élaborer des normes de sécurité relatives à la conception, à la construction et à l’armement de ces navires de pêche, dans le but d’accroître leur sécurité et celle de leur équipage. L’OMI a élaboré de telles lignes directrices, en collaboration avec la FAO et l’OIT.

La sécurité des navires de pêche

La construction

La sécurité d’un navire, y compris d’un navire de pêche, dépend de sa construction et de sa robustesse par rapport à l’usage auquel il est destiné. Ses coques et ses superstructures doivent donc lui permettre de résister à toutes les conditions prévisibles de son utilisation. Son étanchéité doit être assurée et toutes les ouvertures par lesquelles l’eau peut pénétrer doivent être munies de dispositifs de fermeture, y compris les orifices situés sur le pont ou sur les flancs qui peuvent être ouverts pendant les opérations de pêche.

Les sabords de décharge sont très importants pour la sécurité des navires de pêche. Ils permettent l’écoulement de l’eau lorsque les pavois se trouvant sur les parties du pont de franc-bord exposées aux intempéries forment des puits susceptibles de retenir l’eau. Sur les petits bateaux de pêche, la hauteur de ces pavois a été augmentée de façon à mieux protéger l’équipage travaillant sur le pont découvert. Le poids de l’eau recouvrant le pont peut être considérable et risque de compromettre la stabilité du navire si elle n’est pas évacuée rapidement. Par conséquent, il est indispensable que les sabords de décharge aient un diamètre suffisant pour assurer un écoulement rapide et efficace de l’eau se trouvant sur le pont.

Dans les modèles récents de navires de pêche, même ceux de petite taille et de taille moyenne, le pont de pêche est protégé par un pont-abri. S’il est possible de maintenir l’entrepont de ces navires complètement fermé pendant la plupart des opérations de pêche, ou si toute ouverture de l’entrepont est située dans un petit compartiment étanche, il est raisonnable d’accepter que les sabords de décharge soient remplacés par des pompes de cale de grande capacité pour vider l’eau du pont de travail. On a considérablement accru la stabilité de forme des navires de pêche en augmentant le franc-bord.

La stabilité et la navigabilité des navires de pêche

Après la robustesse et l’étanchéité, la stabilité et la navigabilité constituent les facteurs de sécurité les plus importants d’un navire de pêche.

Les pays membres ont fourni au Sous-Comité de la sécurité des navires de pêche du Comité de la sécurité maritime de l’OMI des renseignements précieux sur la façon de calculer la stabilité des navires existants, grâce à des données probantes sur le fonctionnement efficace des navires et sur l’état de charge de ceux qui ont chaviré ou gîté dangereusement. Des critères de stabilité minimale ont été établis à partir de ces données.

La stabilité statique peut être calculée, mais les mouvements d’un navire en mer sont gouvernés par des forces dynamiques très difficiles, voire impossibles à calculer, étant donné que l’état des vents et de la mer est à ce point irrégulier. Toutefois, on peut considérer qu’un navire qui a pêché sans accident pendant une quinzaine ou une vingtaine d’années dans toutes les conditions atmosphériques et maritimes normales est relativement sûr. Le recours à des critères atmosphériques, tels que l’action des vents et des vagues, de même que l’influence de l’eau retenue sur le pont pour les calculs de stabilité, est également recommandé. Tous ces calculs et autres renseignements doivent être communiqués au patron qui doit évaluer la stabilité du navire dans diverses conditions d’utilisation.

La stabilité du navire est tributaire du franc-bord. La nécessité de stipuler les marques de franc-bord des navires de pêche a été examinée par la Conférence internationale de 1977 sur la sécurité des navires de pêche, car la Convention internationale de 1966 sur les lignes de charge ne s’applique qu’aux navires de charge. On en a conclu que la solution qui consiste à observer le disque de franc-bord pendant le chargement sur les lieux de pêche n’était pas très pratique. La Convention internationale de Torremolinos sur la sécurité des navires de pêche précise toutefois qu’il appartient à l’administration de chaque pays d’approuver et d’établir le tirant d’eau propre à répondre aux critères de stabilité.

LES CARACTÉRISTIQUES PSYCHOSOCIALES DE LA MAIN-D’ŒUVRE EN MER

Eva Munk-Madsen

Du point de vue psychosocial, le travail des pêcheurs en mer est caractérisé par deux facteurs principaux. Le premier concerne la technologie et l’échelle à laquelle se pratique la pêche. Les pêches peuvent être subdivisées en petite pêche (pêche artisanale ou pêche côtière) et en grande pêche (pêche industrielle ou pêche en haute mer, pêche à grande distance ou pêche hauturière). Les conditions de travail et de vie des membres d’équipage d’un navire qui pratique la petite pêche sont radicalement différentes de celles que connaissent les membres d’équipage des grands navires.

Le deuxième facteur est la composition des équipages. Les navires de pêche sont généralement des milieux de travail exclusivement masculins; ce modèle souffre certaines exceptions selon le type de pêche, mais la plupart des équipages partout dans le monde sont le plus souvent composés uniquement d’individus du même sexe. Ainsi, la composition unisexe des équipages reproduit la ségrégation homme-femme dans la société et la séparation mer-terre.

Les petits bateaux de pêche

Sur les petits bateaux de pêche, les membres d’équipage appartiennent souvent à la même famille: le père, les fils, des frères ou encore des parents proches ou éloignés auxquels viennent parfois s’ajouter certains habitants de la localité dont ils sont issus. Il arrive qu’il inclue aussi des femmes soit parce qu’il n’y a pas assez d’hommes, soit parce que les coutumes locales le veulent ainsi. Dans certains cas, l’épouse exploite un bateau avec son mari ou la fille fait partie de l’équipage de son père.

Les membres d’un équipage sont plus que de simples collègues de travail puisqu’ils sont souvent unis par des liens de parenté et de voisinage. Le navire et l’équipage en mer font partie intégrante de la vie familiale et communautaire et ces liens se nourrissent mutuellement. Le travail d’équipe ainsi que l’appartenance et l’identification à tel ou tel navire renforcent également les autres liens sociaux. Lorsque des membres d’une même famille pêchent ensemble, il n’est pas envisageable de remplacer un membre de l’équipage par un étranger, même s’il s’agit d’un pêcheur plus expérimenté. Dans un réseau aussi fermé, les pêcheurs bénéficient d’une grande sécurité d’emploi; par contre, par esprit de loyauté familiale, ils sont peu enclins à aller travailler sur un autre navire.

L’existence de relations sociales à caractère multidimensionnel tend à atténuer les conflits à bord. Sur les petits bateaux de pêche, les pêcheurs partagent un espace restreint et sont tributaires de circonstances naturelles imprévisibles, voire dangereuses. Dans ces conditions difficiles, il convient d’éviter les conflits ouverts. Le patron quant à lui abuse rarement de son autorité en raison des relations étroites existant entre les membres d’équipage.

D’une manière générale, les petits bateaux de pêche rentrent au port tous les jours, ce qui donne aux membres d’équipage l’occasion d’avoir des contacts réguliers avec d’autres personnes, même si leurs journées de travail sont longues. L’isolement est rare, mais peut être ressenti par les pêcheurs qui travaillent seuls. Cependant, les communications par radio en mer et la tradition, entre navires amis, de pêcher dans les mêmes zones diminuent le sentiment d’isolement dû au fait de travailler seul, comme c’est généralement le cas dans la petite pêche.

Les liens de parenté et de solidarité exercent beaucoup d’influence sur l’apprentissage du métier et sur la sécurité à bord. Les membres d’équipage sont responsables et dépendent les uns des autres. Dans des situations imprévisibles (intempéries ou accidents), il faut faire preuve de compétence et de sens des responsabilités. L’éventail des compétences attendues des pêcheurs qui pratiquent la petite pêche est très large. Plus l’équipage est réduit et le degré de spécialisation faible, plus les pêcheurs doivent avoir des connaissances générales et pouvoir effectuer toutes sortes de tâches.

L’inconscience ou la mauvaise volonté suscitent une vive réprobation. Chaque membre d’équipage doit accomplir les tâches indispensables de bon gré, de préférence sans qu’il soit nécessaire de le lui demander. Les ordres sont jugés inutiles sauf lorsqu’il s’agit de synchroniser une série d’opérations. L’aptitude à travailler ensemble dans le respect mutuel est donc importante. La manifestation d’un intérêt sérieux et d’un sens profond des responsabilités est facilitée par l’interaction sociale qui existe dans une famille ou dans un village de pêcheurs. A quelque poste que ce soit à bord du navire, chacun est appelé à effectuer des tâches diverses; l’expérience commande le respect et l’esprit égalitaire est la norme.

Le fait pour un pêcheur qui pratique la petite pêche d’être à la hauteur de la situation dans des conditions climatiques et saisonnières difficiles — soit parce qu’il sait collaborer et synchroniser les tâches ou simplement à cause de sa seule compétence — lui procure un très haut degré de satisfaction et d’identité professionnelles et lui vaut le respect des membres de la collectivité dans laquelle il vit. Les femmes qui vont à la pêche apprécient la considération dont elles sont l’objet lorsqu’elles accomplissent avec succès des tâches typiquement masculines; elles risquent aussi du même coup de perdre leur féminité. Les hommes qui pêchent avec des femmes courent le risque de perdre de leur supériorité masculine quand des femmes font preuve de leur compétence à la pêche.

Les grands bâtiments de pêche

Dans la grande pêche, les membres d’équipage sont isolés de leur famille et de leur collectivité pendant qu’ils sont en mer et la plupart d’entre eux ne font que de brefs séjours à terre, entre deux campagnes de pêche. La durée d’une campagne varie généralement de dix jours à trois mois. Leur vie sociale se limite donc aux contacts avec les autres membres d’équipage. L’éloignement est pénible à supporter. Il arrive que les pêcheurs, à leur retour, aient de la peine à retrouver leur place au sein de la famille ou de la collectivité; ils peuvent éprouver alors le sentiment d’être sans foyer et peuvent être largement tributaires de leur épouse pour entretenir leurs relations sociales.

Dans un équipage entièrement masculin, l’absence de femmes et le manque d’intimité peut inciter ses membres à avoir des conversations grossières, à se vanter de leurs prouesses sexuelles et à s’intéresser beaucoup aux films pornographiques. Ce genre de culture nautique peut devenir une manière malsaine d’exprimer et de prouver sa masculinité. Depuis les années quatre-vingt, les sociétés norvégiennes recrutent jusqu’à 20% de femmes pour former l’équipage de leurs navires-usines afin de détendre l’atmosphère et de contrer le sexisme et la solitude. On estime qu’un milieu de travail mixte tempère le stress psychologique; les femmes ont la réputation d’adoucir les relations sociales à bord et de les rendre conviviales (Munk-Madsen, 1990).

La mécanisation et la spécialisation du travail sur les navires usines engendrent des tâches très répétitives. Le travail par roulement de deux équipes est courant lorsque la pêche se poursuit jour et nuit. La vie à bord est partagée entre le travail, les repas et le sommeil. Lorsque les prises sont excellentes, les pêcheurs écourtent leur sommeil. L’espace physique est exigu, le travail est monotone et fatigant et les rapports sociaux avec des personnes autres que les compagnons de travail sont impossibles. Pendant tout le temps où le bateau est en mer, on ne peut échapper aux tensions entre les membres de l’équipage, provoquant ainsi un stress psychologique.

Les membres d’équipage des navires de haute mer, dont le nombre oscille entre 20 et 80, ne peuvent être recrutés dans un réseau fermé de personnes unies par des liens de parenté et de voisinage. Pourtant, certaines compagnies japonaises ont modifié leurs pratiques et préfèrent choisir des membres d’équipage qui se connaissent, parce qu’ils ont des liens de parenté ou sont issus de la même communauté ou de localités où la pêche est une activité traditionnelle. Elles procèdent de la sorte pour éviter les comportements violents entre pêcheurs et la consommation excessive d’alcool (Dyer, 1988). En outre, dans l’Atlantique Nord, les compagnies préfèrent engager des pêcheurs de la même localité pour mieux maîtriser les rapports sociaux à bord des bateaux et y créer une atmosphère conviviale.

Les pêcheurs qui partent en haute mer sont surtout intéressés par les salaires offerts. Les femmes y voient aussi la possibilité d’obtenir une promotion sociale en accomplissant des tâches généralement réservées aux hommes et jugées supérieures aux tâches féminines (Husmo et Munk-Madsen, 1994).

La flotte internationale de pêche en haute mer exploitant les eaux internationales a parfois des équipages comprenant des ressortissants de divers pays. C’est le cas de celle de Taiwan (Chine) qui est la plus importante au monde ou encore de celle d’entreprises de pêche commune lorsque des navires de pays industriels pêchent dans les eaux de pays en développement. La communication entre les membres d’équipages composés de représentants de plusieurs nationalités est parfois difficile pour des raisons de langue. Il arrive aussi que la hiérarchie à bord de ces navires soit plus stratifiée en fonction de critères ethniques. Les travailleurs d’origine ethnique et de nationalité différentes de celles du pays d’attache du bateau, surtout si celui-ci pêche dans les eaux nationales, peuvent être traités avec condescendance par les officiers. Cette inégalité de traitement s’applique également aux conditions salariales et au ravitaillement de base à bord. De telles pratiques peuvent créer un climat de travail raciste, exacerber les tensions entre les membres d’équipage et fausser les relations d’autorité avec les officiers.

La pauvreté, l’espoir de gagner un bon salaire et la mondialisation de la pêche hauturière ont engendré des pratiques de recrutement illégales. Il semblerait que des membres d’équipage philippins aient des dettes envers certaines agences de recrutement et travaillent en eaux étrangères sans contrat, dans des conditions précaires sur le plan de la rémunération ou de la sécurité. Le travail dans une flotte de grande pêche très mobile est à l’occasion, pour le pêcheur loin de son foyer et sans le moindre appui de la part des autorités, une source d’insécurité parfois plus grave que les risques auxquels il est exposé en pleine tempête en haute mer (Cura, 1995; Vacher, 1994).

Les pêcheuses

The Entangling Net: Alaska’s Commercial Fishing Women Tell Their Lives, de Leslie Leyland Fields (Urbana, University of Illinois Press, 1996) relate l’histoire, basée sur les expériences personnelles de l’auteur et sur une série d’interviews de certaines femmes ayant pratiqué la pêche commerciale dans les eaux de l’océan Pacifique et du golfe de l’Alaska, autour de l’île Kodiak et des îles Aléoutiennes. Les extraits suivants donnent un aperçu de l’expérience de ces femmes et indiquent les raisons pour lesquelles elles ont choisi ce métier, en précisant ce qu’un tel choix implique.

Theresa Peterson

[...] La dernière saison de la pêche à la morue charbonnière a commencé le 15 mai. Il y avait deux femmes et deux gars. Le patron voulait un équipage capable d’appâter rapidement; c’est ce qu’il voulait [...]. Au début, nous nous contentions d’appâter les hameçons. C’est une question de rendement. Idéalement, il fallait appâter de 18 000 à 20 000 hameçons par jour. Par conséquent, quatre personnes passaient la journée à appâter et une autre relevait les engins. Les membres d’équipage chargés d’appâter les hameçons enroulaient l’équipement à tour de rôle. Nous pêchions selon la méthode traditionnelle. Sur la plupart des embarcations qui servent à la pêche dans la zone de Kodiak, les agrès tombent plus au moins automatiquement dans un bac que l’on récupère pour appâter à nouveau les lignes. Sur les vieilles goélettes de pêche au flétan, on enroule tout à la main et par conséquent les pêcheurs peuvent vérifier chaque hameçon. Ils essaient de les enrouler convenablement pour que l’on puisse les appâter deux fois plus vite. Les deux premiers jours, nous calculions combien de temps il nous fallait pour appâter les jeux de lignes mal enroulées (les palangres auxquelles les hameçons sont attachés). J’ai refusé de continuer à appâter un autre jeu de lignes comme ceux-là et nous nous sommes donc mis à enrouler les lignes à la main nous-mêmes. Cela permet de changer de place. Nous travaillions souvent 24 heures d’affilée et le jour suivant nous enchαînions toute la nuit jusqu’à environ 2 h du matin et le lendemain pendant encore 20 heures. Ensuite, nous nous couchions environ 3 heures. Puis nous nous levions et travaillions encore 24 heures pour nous reposer ensuite 2 heures. La première semaine, la moyenne de sommeil était de 10 heures pour tout l’équipage — nous avons fait le calcul. On disait en plaisantant que l’on travaillait 24 heures et que l’on se reposait 1 heure.

Je n’avais jamais travaillé aussi dur à la pêche. A l’ouverture de la saison, nous pêchions le samedi toute la journée, puis toute la journée du dimanche et la moitié de la journée du lundi. Par conséquent, nous pêchions pendant plus de 56 heures sans dormir. Nous travaillions aussi fort et aussi vite que possible. Ensuite, nous nous couchions environ 3 heures puis nous nous levions; nous étions tout raides. Nous avions ramené un peu moins de 20 tonnes en 4 jours. Nous avions donc été debout pendant pratiquement 4 jours complets. C’était un bon chargement. C’était très encourageant. Je gagnais 1 000 dollars par jour [...]. C’est parce que les saisons de pêche à la palangre ont été écourtées que l’on doit s’imposer à nouveau un tel rythme de travail [...]. Quand la saison dure trois semaines, on est pratiquement obligé de travailler comme cela, à moins de pouvoir établir un roulement pour permettre à chacun de dormir un peu (pp.31-33).

Leslie Smith

J’estime avoir de la chance parce que je suis patronne d’un bateau avec un équipage entièrement féminin et que nos affaires marchent bien. Nous nous en tirons aussi bien que n’importe quel autre équipage de la flotte et je ne me suis donc jamais laissé intimider par des réflexions du genre: «Oh, une femme ne peut pas faire cela, ne peut pas envisager de le faire ou n’en est pas capable». Il faut dire que le premier emploi que j’ai eu, c’était dans un équipage entièrement composé de femmes et que nous nous en tirions très bien. Par conséquent, j’ai pris de l’assurance dès le début de ma carrière, lorsque j’étais simple matelot [...] (p. 35).

Quand on est sur un bateau, on n’a pas de vie personnelle, on n’a pas d’espace physique, on n’a pas de temps à soi. On s’occupe uniquement du bateau, de la pêche, pendant 4 mois d’affilée [...] (p. 36).

[...] Je suis légèrement protégée contre les vents, mais généralement, je les reçois en pleine face [...] Les marées sont très fortes ici. On jette les ancres; il y en a 15 ou 20, dont certaines pèsent plus de 100 Kg, pour essayer de maintenir un filet en place. Chaque fois que l’on sort, le filet se tord d’une façon différente et il faut déplacer ces ancres. En général, le temps n’est pas très clément. On est toujours en train de lutter contre le vent. C’est un défi, un défi physique plutôt que mental [...] (p. 37).

Ce qui était le plus dur, c’était de devoir aller de navire en navire pour essayer de trouver un emploi. Au bout d’un certain temps, je me suis rendu compte que la possibilité de se faire engager se limitait à environ 15% des navires, du fait que la plupart des patrons n’engagent pas de femmes, principalement parce que leur femme ne le leur permet pas ou qu’il y a déjà une autre femme à bord ou encore parce qu’ils sont purement et simplement sexistes — ils ne veulent pas de femmes. Compte tenu de ces trois facteurs, le nombre de navires sur lesquels on avait des chances de travailler était tellement réduit que c’en était décourageant. Encore fallait-il les trouver. Pour cela, il fallait parcourir les docks de long en large [...] (p. 81).

Martha Sutro

Je pensais à la question que vous m’avez posée tout à l’heure. Pourquoi les femmes sont-elles de plus en plus attirées par ce métier? Je l’ignore. On se demande si le nombre de femmes qui vont travailler dans les mines de charbon ou qui font du camionnage augmente. Je ne sais pas si c’est l’Alaska qui nous attire ou si c’est le fait de pouvoir participer à une activité dont les femmes étaient jadis exclues ou si nous appartenons à une race de femmes qui, grâce à leur éducation, ont pris conscience du fait que certaines prétendues barrières n’étaient pas légitimes. Malgré tous les risques, c’est une expérience importante et elle est très viable; elle est profondément satisfaisante, même si je déteste employer cette expression. J’adorais préparer une série de casiers à la perfection sans être obligée de demander de l’aide pour tenir une des portes ou pour manipuler ces gros paquets d’appâts que l’on jette sous le casier, au milieu [...]. Certains aspects de ce métier constituent une expérience absolument unique. C’est pratiquement comme l’agriculture. C’est très élémentaire. Ce genre de métier remonte aux temps bibliques. Le climat qui l’entoure rappelle une époque très ancienne. Le fait de pouvoir vivre une telle expérience a quelque chose de mystique (p. 44).

Lisa Jakubowski

On se sent très seule lorsqu’on est l’unique femme sur un navire. Je me fais un point d’honneur de ne jamais avoir de relations sentimentales avec mes compagnons. Ce sont des amis. Je suis toujours ouverte à l’égard de mes amis, mais il faut constamment être sur ses gardes pour qu’ils ne se figurent pas qu’une relation plus intime est possible. Il existe tellement de types d’hommes différents. Je ne veux me lier d’amitié ni avec des ivrognes ni avec des cocαïnomanes. Par contre, je n’hésite pas à sympathiser avec les gens respectables. J’ai entretenu des liens d’amitié aussi bien avec des hommes qu’avec des femmes. On se sent toutefois souvent seule. J’ai constaté que le rire est un bon remède contre la solitude. Je vais tout simplement sur le pont arrière pour rire toute seule et, après, je me sens mieux (p. 61).

Leslie Leyland Fields

[...] Toutes [les femmes] ne demandaient qu’une seule chose: être traitées de la même façon que les hommes et avoir des chances égales. Ce n’est pas automatique dans un métier où il faut avoir la force de faire descendre un casier à crabes de 60 kg qui se balance, l’endurance nécessaire pour travailler 36 heures d’affilée, l’adresse nécessaire pour guider un skiff de senne de 150 chevaux à pleine vitesse à proximité des récifs; il faut en outre être capable de faire la réparation et l’entretien d’un moteur diesel, de réparer les filets ou d’actionner des engins hydrauliques. Ce sont ces compétences qui permettent de faire une bonne journée et d’attraper du poisson; c’est le genre d’aptitudes dont les pêcheuses doivent faire preuve en présence d’hommes incrédules. Et pour couronner le tout, les femmes se heurtent à un obstacle inattendu: la résistance active des autres femmes, des épouses des pêcheurs (p. 53).

Voilà ce que je sais notamment du métier de capitaine [...]. On tient la vie de deux, trois ou quatre personnes entre ses mains. Le remboursement des emprunts pour le navire et les assurances représentent des dépenses annuelles de plusieurs dizaines de milliers de dollars; il faut donc absolument attraper du poisson. On dirige un groupe de gens aux personnalités et aux habitudes de travail passa-blement différentes. Il faut posséder une connaissance approfondie de la navigation, des conditions météorologiques, des règlements de pêche; il faut être capable de faire fonctionner et de réparer provisoirement les innombrables instruments électroniques ultraperfectionnés qui constituent le cerveau du navire [...]. Il faut encore posséder bien d’autres compétences.

Qu’est-ce qui peut bien pousser quelqu’un à accepter volontairement des charges aussi lourdes? C’est qu’il y a évidemment un autre aspect. Du côté positif, il y a l’indépendance liée au métier de patron de navire, un degré d’autonomie que l’on retrouve rarement dans d’autres métiers. On est le seul maître à bord. On peut décider où l’on va pêcher, quand le bateau démarre, à quelle vitesse il navigue, combien de temps et à quel rythme l’équipage travaillera, combien de temps on peut dormir, dans quelles conditions météorologiques on travaillera, les risques que l’on est disposé à prendre, le genre de nourriture que l’on mange [...] (p. 75).

En 1992, 44 navires ont coulé en Alaska et 87 personnes ont été sauvées du naufrage; 35 sont décédées. Au printemps de 1988, 44 personnes sont mortes des suites de l’apparition d’un brouillard glacé qui a enveloppé les navires et leur équipage. Pour donner un point de comparaison, je signale que, d’après les chiffres publiés par l’Institut national de la sécurité et de la santé au travail (National Institute for Occupational Safety and Health (NIOSH), aux Etats-Unis, le taux de décès pour l’ensemble des professions est de 7 pour 100 000 travailleurs. Dans le secteur de la pêche commerciale en Alaska, le taux grimpe à 200 pour 100 000 travailleurs, et c’est par conséquent le métier où les risques de décès sont les plus élevés. Chez les pêcheurs de crabe, qui continuent à pêcher tout l’hiver, le taux passe à 660 pour 100 000, ce qui représente près de 100 fois plus que la moyenne nationale (p. 98).

Debra Nielsen

Je ne mesure que 1 m 50 et ne pèse que 45 kg et, par conséquent, les hommes ont un instinct protecteur à mon égard. J’ai dû lutter toute ma vie contre cette tendance masculine pour arriver à faire quelque chose par moi-même. Le seul moyen que j’ai trouvé pour m’en tirer a été de travailler plus rapidement et intelligemment. C’est une question d’équilibre [...]. Il faut ralentir. Il faut se servir de sa tête d’une façon différente et de son corps aussi. Je crois qu’il est important d’insister sur le fait que je suis très petite, parce que si j’arrive à travailler dans ce milieu malgré tout, cela signifie que n’importe quelle femme peut en faire autant [...] (p. 86).

Christine Holmes

[...] J’ai vraiment confiance dans la North Pacific Vessel Owner’s Association qui offre d’excellents cours, dont un sur les urgences médicales en mer. J’estime que l’on se rend service à soi-même en suivant un cours portant sur les techniques de la mer (p. 106).

Rebecque Raigoza

J’ai acquis un sentiment d’indépendance et de force très intense. J’ai appris à faire des choses que je n’aurais jamais pensé arriver à faire. De tout nouveaux horizons se sont ouverts à moi quand j’étais jeune. Je crois que cela m’a fait mûrir en quelque sorte. Les possibilités sont désormais quasi illimitées parce que je sais maintenant que je peux faire un «métier d’homme». Il y a beaucoup de pouvoir qui s’associe à cela (p. 129).

Droits réservés. Board of Trustees of the University of Illinois, 1997. Reproduit avec l’autorisation de l’University of Illinois Press.

LES CARACTÉRISTIQUES PSYCHOSOCIALES DES TRAVAILLEURS DANS LES USINES DE TRANSFORMATION DU POISSON À TERRE

Marit Husmo

La transformation du poisson à terre comprend diverses activités qui vont de la petite transformation, faisant peu appel à la technologie, comme le séchage ou le fumage des prises pour le marché local, à la transformation, dans de vastes usines ultramodernes, en produits hautement spécialisés conditionnés pour le marché international. Dans le présent article, il sera uniquement question de la transformation industrielle. Le degré de technologie est un facteur déterminant du milieu psychosocial de ces usines de transformation du poisson. Il a des répercussions sur l’organisation des tâches, les régimes de rémunération, les mécanismes de contrôle et de surveillance, ainsi que sur l’influence que les salariés sont susceptibles d’exercer au sujet de leur travail et de la politique de la société. Un autre aspect important des caractéristiques psychosociales de la main-d’œuvre dans l’industrie de la transformation du poisson à terre est la division du travail en fonction du sexe, très répandue dans ce secteur. Ainsi, les hommes et les femmes sont affectés à des tâches différentes en raison de leur appartenance à l’un ou à l’autre sexe et non pas en fonction de leurs compétences intrinsèques.

Dans les usines de transformation du poisson, certains services recourent beaucoup aux techniques de pointe et sont très spécialisés, tandis que d’autres utilisent peu les innovations technologiques et ont une organisation plus souple. Les services caractérisés par une forte spécialisation sont généralement ceux où les effectifs sont majoritairement féminins. Cette division du travail est fondée sur le principe que certaines tâches conviennent uniquement aux hommes, d’autres exclusivement aux femmes. Les tâches considérées comme typiquement masculines jouissent d’un statut supérieur à celles jugées traditionnellement féminines. Par conséquent, les hommes ne sont pas disposés à faire du «travail de femme», contrairement à la plupart des femmes qui souhaitent beaucoup qu’on leur confie du «travail d’homme», car non seulement ces travaux jouissent d’un statut plus élevé, mais ils sont en général mieux rémunérés et offrent de meilleures chances d’avancement (Husmo et Munk-Madsen, 1994; Skaptadóttir, 1995).

La production est l’un des secteurs où la technologie de pointe est très développée. Les travailleurs se tiennent côte à côte le long d’une bande transporteuse et découpent ou emballent les filets de poisson. Les tâches sont monotones et répétitives et les échanges entre collègues très limités. Les travailleurs sont rémunérés au rendement individuel (système de salaire à primes) et ils sont surveillés à la fois par des systèmes informatiques et par leurs contremaîtres. De telles conditions de travail entraînent un degré de stress élevé et accroissent les risques de syndromes dus à des efforts répétés. Le fait que les travailleurs restent placés le long de la bande transporteuse leur donne peu l’occasion de discuter avec leurs supérieurs hiérarchiques, que ce soit pour parler de la politique de l’entreprise ou pour obtenir une augmentation de salaire ou une promotion (Husmo et Munk-Madsen, 1994). Etant donné que les travailleurs des services ultraspécialisés ne savent effectuer qu’un nombre très limité de tâches, ils sont généralement les premiers à être renvoyés lorsque la production diminue, en raison d’une pénurie temporaire de matières premières ou pour cause de mévente. Ce sont aussi eux qui sont les plus susceptibles d’être remplacés par des machines ou des robots industriels (Husmo et Søvik, 1995).

Le département des matières premières est un exemple de secteur où l’on fait moins appel à la technologie. Les travailleurs conduisent des camions et des chariots élévateurs à fourche au quai, déchargent le poisson, le trient et le lavent. L’organisation du travail y est généralement très souple et les tâches alternent tout au long de la journée. Les travailleurs sont rémunérés sur la base d’un tarif horaire et leur rendement individuel n’est pas contrôlé par des ordinateurs. Ils sont donc moins en butte au stress et l’atmosphère est plus détendue. En outre, la diversité des tâches stimule le travail d’équipe et améliore à maints égards le climat psychosocial. Les échanges entre collègues sont plus fréquents et les risques de syndromes liés à des efforts répétés sont réduits. Les possibilités de promotion sont accrues car, grâce à cette polyvalence, les travailleurs sont plus qualifiés pour accéder à des postes plus élevés. La souplesse dont ils jouissent dans leur travail leur permet d’avoir des conversations informelles avec leur direction et avec leur supérieur, d’exercer une influence sur la gestion de l’entreprise ou de négocier une promotion (Husmo, 1993; Husmo et Munk-Madsen, 1994).

Dans la transformation du poisson, par contre, on assiste à un accroissement du recours à la technologie, entraînant une spécialisation et une automatisation plus poussées. Pour les travailleurs, ce changement a les répercussions signalées plus haut. La division du travail selon le sexe rend le climat psychosocial plus mauvais pour les femmes que pour les hommes. Le fait que les femmes restent cantonnées aux tâches les plus susceptibles d’être exécutées par des robots limite les débouchés qui leur sont ouverts. Dans certains cas, ces conséquences visent non seulement les travailleurs de sexe féminin, mais aussi celles et ceux qui appartiennent aux classes inférieures de la société, voire qui sont d’origine différente (Husmo, 1995).

LES EFFETS SOCIAUX DES VILLAGES DE PÊCHE MONO-INDUSTRIELS

Barbara Neis

A l’époque où la transformation du poisson s’est industrialisée, au cours des XIXe et XXe siècles, les femmes de pêcheurs et les familles qui assuraient la transformation et la vente à domicile ont dû rechercher du travail ailleurs (au risque de se retrouver finalement au chômage) ou travailler pour le compte d’entreprises de transformation du poisson. L’apparition de chalutiers appartenant à l’entreprise et l’instauration, plus récente, des quotas de pêche d’entreprise (c’est-à-dire des contingents d’entreprise et des quotas individuels transférables) ont entraîné une délocalisation des pêcheurs. Ces changements ont transformé de nombreuses collectivités de pêcheurs en villages mono-industriels.

Il existe différentes sortes de villages de pêche mono-industriels; tous sont tributaires d’un seul et même employeur et de l’emprise qu’il exerce sur la collectivité, voire sur la vie privée des travailleurs. Dans les cas les plus extrêmes, les villages de pêche mono-industriels sont en réalité des villages d’entreprise où la société possède non seulement l’usine et les navires, mais également les logements, les magasins, les services médicaux et autres infrastructures, et exerce une forte influence sur les élus ou les fonctionnaires locaux, les médias et les institutions sociales.

Les villages où l’emploi local est dominé par un seul employeur — généralement une entreprise intégrée verticalement —, qui profite de cette situation et de sa mainmise sur l’emploi et sur les marchés pour influencer indirectement la politique locale et les institutions sociales associées à la vie familiale et communautaire des travailleurs, sont un peu plus courants. La définition «villages de pêche mono-industriels» peut inclure des entreprises de transformation du poisson qui jouissent d’une grande autonomie, malgré leur implantation dans une collectivité plus large non dépendante de la pêche. Cette structure est courante dans le secteur de la transformation de la crevette en Inde, où l’on fait systématiquement appel à des jeunes travailleuses migrantes, généralement recrutées par des entrepreneurs dans les Etats voisins. Ces travailleuses vivent le plus souvent dans des camps situés dans l’enceinte du terrain occupé par la société qui les emploie. Elles n’ont aucun contact avec la communauté locale à cause de la durée de leur journée de travail, de l’absence de liens de parenté et des obstacles linguistiques. Ces lieux de travail sont pour ainsi dire des villes d’entreprise en ce sens qu’elles exercent une forte influence sur la vie privée des individus et que ceux-ci ne peuvent guère compter sur le soutien des autorités locales et de la collectivité.

L’incertitude économique, le chômage, la marginalisation dans les processus décisionnels, la modicité des salaires et l’accès limité et contrôlé aux services sont des facteurs dont l’importance est déterminante pour la santé. On les retrouve systématiquement, à des degrés divers, dans les villages de pêche mono-industriels. La fluctuation des marchés du poisson et celle des ressources halieutiques disponibles, que ce soit en raison de causes naturelles ou de leur exploitation, sont le lot habituel des habitants des villages de pêcheurs. Ces fluctuations engendrent une insécurité économique et sociale. Les collectivités et les ménages de pêcheurs se regroupent souvent en associations qui les aident à passer le cap de ces périodes d’incertitude. Ces fluctuations semblent toutefois être devenues plus fréquentes depuis quelques années. Etant donné la surpêche mondiale des espèces commerciales, l’exploitation de nouvelles espèces et de nouvelles régions, la mondialisation des marchés et la création de produits issus de l’aquaculture qui font concurrence aux poissons sauvages, la déstabilisation de l’emploi, les fermetures d’usines et la faiblesse des salaires sont courants. En outre, les fermetures d’usines ont davantage tendance à devenir permanentes parce qu’il n’y a plus de ressources à exploiter ou à traiter et que le travail a été délocalisé.

L’insécurité de l’emploi et le chômage sont des sources importantes de stress psychosocial qui peuvent affecter différemment les hommes et les femmes. Le travailleur ou le pêcheur délocalisé a moins confiance en lui, gagne moins d’argent et est en butte au stress; il arrive même qu’il ait perdu une partie du patrimoine familial. Les autres membres de la famille doivent s’adapter aux conséquences de cette délocalisation sur leur foyer et sur leur vie professionnelle. Par exemple, il faut repenser complètement l’organisation de la famille lorsque le mari se retrouve au chômage et vient revivre à plein temps au foyer alors que sa femme s’est adaptée à ses absences prolongées et doit soudain renoncer à l’autonomie et aux habitudes qui lui ont permis de faire face à la situation lorsqu’elle était seule. Dans les petites exploitations familiales, les épouses sont obligées de s’habituer à des absences plus longues et à un certain isolement social, lorsque les membres de leur famille doivent aller plus loin pour trouver du poisson et du travail. Quand elles travaillent aussi dans le secteur de la pêche, il leur arrive également de perdre leur emploi et d’être confrontées aux répercussions de cette situation sur leur santé.

Dans les localités mono-industrielles où les fermetures d’usines menacent l’avenir de toute la collectivité et font chuter la valeur des biens personnels comme les maisons, le stress dû au chômage est très important. Il est encore plus vivement ressenti lorsque, comme c’est souvent le cas, le travailleur doit déplacer toute sa famille pour aller travailler ailleurs. Lorsque les fermetures d’usines sont accompagnées du transfert des quotas de pêche à d’autres collectivités, on assiste à une dégradation des services éducatifs, médicaux et autres, consécutive à la migration vers d’autres lieux et à l’effondrement des économies locales; les risques pour la santé s’en trouvent accrus.

La dépendance envers un seul employeur peut compliquer la participation des travailleurs aux processus décisionnels. Dans la pêche, comme dans d’autres branches, certaines entreprises ont utilisé le modèle mono-industriel pour imposer leur domination aux travailleurs, s’opposer à leur syndicalisation et exercer une certaine manipulation sur la compréhension du public concernant les problèmes et les changements qui surviennent sur le lieu de travail et en dehors. Dans le cas de l’industrie indienne de la transformation de la crevette, les travailleuses migrantes vivent dans des conditions extrêmement éprouvantes, ont des journées de travail très longues et font des heures supplémentaires au mépris des clauses de leur contrat de travail. Dans les pays occidentaux, des entreprises peuvent profiter du rôle déterminant qu’elles jouent dans l’admissibilité des travailleurs saisonniers à des programmes tels que l’assurance chômage pour exercer des pressions sur eux dans le cadre de négociations relatives à leur syndicalisation et à leurs conditions de travail. Dans certaines villes mono-industrielles, les travailleurs sont syndiqués, mais leur influence sur les décisions n’est parfois que théorique en raison du manque d’alternative d’emploi, parce qu’ils souhaitent trouver un travail dans la région pour leur épouse et leurs enfants ou encore à cause d’aléas écologiques et économiques. Les travailleurs peuvent avoir un sentiment d’impuissance et se sentir obligés de continuer à travailler malgré la maladie, quand l’accès aux programmes de travail et de logement et aux programmes sociaux est contrôlé par un seul employeur.

Les difficultés d’accès à des services médicaux adéquats sont également un facteur de stress psychologique. Dans les villes d’entreprise, les professionnels de la santé sont parfois employés par l’entreprise, comme c’est parfois le cas dans l’industrie minière ou dans d’autres branches; cela entrave l’accès des travailleurs à des conseils médicaux indépendants. Dans tous les types de villages mono-industriels, les différences de culture, de classe et autres entre le personnel médical et les travailleurs, ainsi que le taux de rotation élevé chez les professionnels de la santé, peuvent se répercuter sur la qualité des services médicaux locaux. Le personnel médical est rarement originaire de localités de pêcheurs et ne connaît donc pas très bien les risques professionnels qu’encourent les travailleurs, ni les tensions associées à la vie dans des cités de ce type. La forte rotation de ces professionnels s’explique sans doute par la faiblesse de leur rémunération, leur inadaptation au style de vie rural et leur méconnaissance de la culture des gens de mer. En outre, le personnel médical peut avoir tendance à s’associer davantage avec l’élite locale, notamment avec les directeurs de l’usine, plutôt qu’avec les travailleurs et leur famille. Ce genre de comportement peut avoir une incidence sur les relations médecin-patient, sur la pérennité des soins et sur les compétences médicales utiles pour soigner les travailleurs de l’industrie de la pêche. L’accès à des services de diagnostic efficaces en cas de troubles liés à des mouvements répétés ou d’asthme professionnel, qui sont fréquents chez les pêcheurs, est parfois très limité dans ces collectivités. Le fait de perdre son emploi peut également compliquer l’accès aux services médicaux, puisque le travailleur n’a plus droit aux programmes de distribution de médicaments et à d’autres services médicaux assurés.

Un soutien solide de l’entourage peut contribuer à atténuer les effets pathologiques du chômage, des délocalisations et de l’incertitude économique. Les villages mono-industriels peuvent aussi contribuer à resserrer les liens sociaux et familiaux et les relations entre les travailleurs et leurs employeurs, surtout si les usines appartiennent à des entrepreneurs locaux. Ces soutiens sociaux peuvent atténuer les effets de la précarité économique, des conditions de travail difficiles et de l’incertitude écologique. Les membres de la famille peuvent veiller mutuellement à leur sécurité et parfois s’entraider en cas de difficultés financières. Lorsque les travailleurs de la pêche sont en mesure de garder certaines activités de subsistance, ils jouissent d’une plus grande indépendance sur les plans personnel et professionnel. Le manque croissant de sécurité d’emploi, les fermetures d’usines et la concurrence locale pour les emplois et pour l’inscription aux programmes d’adaptation gouvernementaux peuvent miner ces réseaux locaux, attisant ainsi les conflits et l’isolement dans ces collectivités.

Lorsque les fermetures d’usines les obligent à déménager, les travailleurs risquent de ne plus pouvoir compter sur ces réseaux sociaux de soutien et ces activités de subsistance qui étaient pour eux le gage d’une certaine indépendance.

LES PROBLÈMES DE SANTÉ ET LES TYPES DE MALADIES

Vilhjálmur Rafnsson

La nature du travail dans l’industrie de la pêche et dans celle de la transformation du poisson varie nettement selon le sexe: les hommes pratiquent généralement la pêche proprement dite, tandis que les femmes travaillent dans les usines de transformation côtières. La plupart des personnes qui travaillent à bord de navires de pêche peuvent être considérées comme des manœuvres; les hommes de pont, par exemple, sont formés sur le tas. Les navigateurs (capitaine, patron de pêche et second), le personnel de la salle des machines (ingénieur, machiniste et soutier), les opérateurs radio et les cuisiniers ont une formation différente. La tâche principale est la pêche; les autres tâches sont le chargement du bateau, qui se fait en pleine mer, et la transformation du poisson, à des degrés très variables. Les seuls contacts entre ces diverses catégories de travailleurs ont lieu pendant leur séjour à bord du navire qui est en mouvement jour et nuit. La transformation du poisson à terre fait l’objet d’un article dans le présent chapitre.

Les accidents

Les tâches les plus dangereuses pour les pêcheurs sont celles associées à la mise à l’eau et au halage de l’équipement de pêche. Dans la pêche au chalut, par exemple, le chalut est mis à l’eau grâce à une série d’opérations complexes, qui nécessitent une grande coordination dans le maniement des treuils (voir l’article «Les principaux secteurs et procédés» dans le présent chapitre). Toutes les opérations se déroulent à grande vitesse et le travail d’équipe est absolument essentiel. Pendant la mise à l’eau du chalut, la connexion des panneaux de chalut aux funes (câbles d’acier) est une des manœuvres les plus dangereuses, car ces panneaux pèsent plusieurs centaines de kilos. D’autres parties de l’équipement de pêche sont également trop lourdes pour être manipulées sans mâts de charge et sans treuils pendant la mise à l’eau du chalut (des engins lourds et des diabolos bougent dans tous les sens avant de glisser par-dessus bord).

La mise à l’eau et le halage du chalut, de la senne et des autres filets se fait au moyen de câbles d’acier qui traversent souvent l’aire de travail. Les câbles sont soumis la plupart du temps à une tension extrême due à la traction exercée par l’équipement de pêche dans le sens opposé de celui de la progression du navire. Les travailleurs courent le risque grave de s’empêtrer dans l’équipement de pêche ou de tomber puis d’être entraînés ou de passer par-dessus bord pendant la mise à l’eau. Ils risquent de se faire écraser ou coincer les doigts, les mains et les bras ou encore d’être heurtés aux jambes et aux pieds et d’être écrasés par l’équipement lourd.

Le saignage et l’éviscération du poisson se font en général à la main, sur le pont ou sur un pont-couvert. A cause du tangage et du roulis du navire, les lésions aux mains et aux doigts provoquées par des coupures ou par des arêtes et des épines de poisson sont courantes. Les blessures s’infectent fréquemment. Ceux qui pêchent à la ligne de fond et à la palangre à main risquent de se blesser aux doigts et aux mains avec les hameçons. Etant donné que cette méthode de pêche s’automatise de plus en plus, ce sont maintenant les vire-lignes et les treuils qui posent problème.

La méthode de gestion de la pêche par la limitation de la quantité de prises dans une zone d’exploitation restreinte a également une incidence sur le nombre d’accidents. Dans certaines zones, le système de contingents limite la pêche à un certain nombre de jours et les pêcheurs se sentent obligés de sortir en mer pendant ces journées-là, quel que soit le temps.

Les accidents mortels

Il est facile de dresser le bilan des accidents mortels qui se produisent en mer. Il suffit de consulter les registres de décès et de se reporter à la rubrique «accidents de transport maritime», conformément à la Classification internationale des maladies (CIM). On y trouve également précisé s’ils sont survenus à bord. Le taux de mortalité par accident du travail est élevé dans l’industrie de la pêche, plus que dans la plupart des autres catégories professionnelles à terre. Le tableau 66.1 indique le nombre d’accidents mortels pour 100 000 pêcheurs, dans divers pays. Les accidents mortels sont traditionnellement répertoriés sous les rubriques suivantes: 1) accidents individuels (personnes qui tombent par-dessus bord, qui sont entraînées par-dessus bord lorsque la mer est houleuse ou qui sont mortellement blessées par la machinerie); et 2) personnes perdues à la suite d’avaries (naufrages, chavirements, navires perdus en mer, explosions et incendies). Ces deux catégories sont liées aux conditions atmosphériques. Les accidents individuels sont plus nombreux que les autres. La sécurité d’un navire dépend de son architecture, de sa taille et de son type; elle dépend également de facteurs tels que la stabilité, le franc-bord, l’étanchéité aux intempéries et la protection structurelle contre les incendies. Des erreurs de navigation ou de jugement peuvent causer des fortunes de mer et la fatigue due à de longues heures de service peut également être une cause majeure d’accidents corporels.

Tableau 66.1 Données sur les lésions mortelles chez les pêcheurs signalées dans le
cadre des études effectuées dans divers pays

Pays

Période d’étude

Fréquence pour 100 000 pêcheurs

Royaume-Uni

1958-1967

140-230

Royaume-Uni

1969

180

Royaume-Uni

1971-1980

93

Canada

1975-1983

45,8

Nouvelle-Zélande

1975-1984

260

Australie

1982-1984

143

Alaska

1980-1988

414,6

Alaska

1991-1992

200

Etats-Unis (Californie)

1983

84,4

Danemark

1982-1985

156

Islande

1966-1986

89,4

Les meilleurs résultats obtenus en matière de sécurité par les navires modernes peuvent être le fruit des effets conjugués d’une plus grande efficacité humaine et technique. La formation du personnel, l’utilisation adéquate de dispositifs de flottaison, le port de vêtements adaptés aux conditions et de combinaisons flottantes contribuent à accroître les chances de sauvetage en cas d’accident. Le recours plus systématique à d’autres mesures de sécurité et, notamment, à des lignes de sécurité, et à des chaussures et casques de protection s’avère nécessaire dans l’industrie de la pêche en général, comme on le signale ailleurs dans la présente Encyclopédie.

Les lésions non mortelles

Les lésions non mortelles sont également assez courantes dans l’industrie de la pêche (voir tableau 66.2). Les sièges les plus fréquents sont, par ordre décroissant, les mains, les membres inférieurs, la tête et la nuque et les membres supérieurs, puis la poitrine, la colonne vertébrale et l’abdomen. Les types de traumatismes les plus courants sont les plaies ouvertes, les fractures, les foulures, les entorses et les contusions. Les lésions non mortelles sont souvent graves et peuvent nécessiter l’amputation des doigts, des mains, des bras ou des jambes; il peut s’agir également de blessures à la tête et à la nuque. Les infections, les déchirures et les traumatismes mineurs des mains et des doigts sont fréquents et leur traitement aux antibiotiques est souvent recommandé par le médecin de bord.

Tableau 66.2 Tâches ou lieux comportant le plus de risques d’accidents

Tâches

Accidents à bord des navires

Accidents à terre

Mise à l’eau et halage des chaluts, des sennes et de l’équipement de pêche en général

Lésions dues au fait de s’empêtrer dans l’équipement de pêche ou dans les câbles d’acier, lésions par écrasement, chutes par-dessus bord

 

Amarrages des panneaux

Lésions par écrasement, chutes par-dessus bord

 

Saignage et éviscération

Coupures dues aux couteaux ou aux machines, troubles musculo-squelettiques

Coupures dues aux couteaux ou aux machines, troubles musculo-squelettiques

Lignes de fond et lignes à main

Blessures causées par les hameçons ou en s’empêtrant dans la ligne

 

Manipulation de lourdes charges

Troubles musculo-squelettiques

Troubles musculo-squelettiques

Filetage

Coupures, amputations causées par les couteaux ou les machines, troubles musculo-squelettiques

Coupures, amputations causées par les couteaux ou les machines, troubles musculo-squelettiques

Parage des filets

Coupures causées par les couteaux, troubles musculo-squelettiques

Coupures causées par les couteaux, troubles musculo-squelettiques

Travail dans des espaces exigus, chargement et déchargement

Intoxication, asphyxie

Intoxication, asphyxie

La morbidité

On peut trouver des renseignements sur l’état de santé général des pêcheurs et une brève description des maladies inhérentes à leur métier principalement dans deux types de documents: le journal du médecin de bord et les rapports de consultations médicales concernant les évacuations, les hospitalisations et les rapatriements. Malheureusement, la plupart, sinon la totalité, de ces rapports sont avant tout quantitatifs (nombre de malades et pourcentages).

Les états non traumatiques signalés le plus fréquemment, qui entraînent des consultations et l’hospitalisation, sont principalement dus à des maux de dents, des maladies gastro-intestinales, des troubles musculo-squelettiques, psychiatriques ou neurologiques, respiratoires, cardio-vasculaires et cutanés. Dans une série de cas signalés par un médecin de bord, les troubles psychiatriques étaient le principal motif d’évacuation de travailleurs des chalutiers en voyage de pêche de longue durée, les lésions corporelles ne venant qu’en deuxième position. Dans une autre série de cas signalés, les maladies les plus courantes nécessitant le rapatriement étaient les troubles cardio-vasculaires et les troubles psychiatriques.

L’asthme professionnel

L’asthme professionnel est fréquent chez les travailleurs de l’industrie halieutique. Il est associé à plusieurs types de poissons, mais il est le plus souvent dû au contact avec les crustacés et les mollusques comme la crevette, le crabe, les coquillages. La transformation du poisson en farine est souvent considérée comme une cause d’asthme, de même que d’autres processus analogues comme le broyage des carapaces (celles des crevettes en particulier).

La perte d’audition

Le bruit excessif est généralement considéré par les travailleurs comme une cause de la perte de l’acuité auditive dans l’industrie de la transformation du poisson. Les travailleurs de la salle des machines des navires courent des risques extrêmes, de même que ceux de la transformation qui utilisent du matériel ancien. Des programmes pour la protection de l’ouïe sont nécessaires dans de nombreux cas.

Le suicide

Dans certaines études sur les pêcheurs et les marins de la flotte marchande, on a signalé un taux élevé de suicides. Un très grand nombre de décès pour lesquels les médecins n’ont pas été en mesure de déterminer si l’accident était accidentel ou délibéré ont également été recensés. On estime généralement que le nombre de suicides signalés est probablement inférieur à la réalité et, selon certains, il serait plus élevé dans l’industrie de la pêche que dans les autres branches. La littérature psychiatrique fournit la description de la paraphrosyne (calenture), phénomène comportemental dont le symptôme prédominant observé chez les marins est une impulsion irrésistible de se jeter à la mer. Les causes sous-jacentes des risques de suicide n’ont pas été étudiées pour les pêcheurs en particulier; compte tenu de la situation psychosociale des gens de mer, dont il est question dans un autre article du présent chapitre, il semblerait judicieux qu’elles le soient. Il semblerait que les risques de suicide augmentent lorsque les travailleurs arrêtent de pêcher et retournent à terre, que ce soit provisoirement ou définitivement.

L’intoxication mortelle et l’asphyxie

Des cas d’intoxication mortelle se produisent lors d’incendies accidentels à bord des navires de pêche par l’inhalation de fumées toxiques. Des intoxications mortelles et non mortelles résultent aussi de fuites de frigorigènes ou de l’utilisation de produits chimiques pour la conservation des crevettes ou du poisson, ainsi que de l’inhalation de gaz toxiques provenant de la décomposition anaérobie de matières organiques dans les cales non ventilées. Les frigorigènes en cause vont du chlorure de méthyle, qui est extrêmement toxique, à l’ammoniac. Certains décès, qui rappellent les cas de pneumopathie des ensileurs exposés à des oxydes d’azote, ont été attribués à l’inhalation de dioxyde de soufre dans des espaces confinés. Des études ont également montré que des mélanges de gaz toxiques (dioxyde de carbone, ammoniac, sulfure d’hydrogène et monoxyde de carbone), ainsi que la basse pression partielle d’oxygène dans les cales des navires et à terre, ont causé des accidents mortels ou non, souvent liés à des poissons à usage industriel comme le hareng et le capelan. Dans le secteur de la pêche commerciale, des cas d’intoxication lors du déchargement du poisson ont été signalés. Ces intoxications provoquées par la triméthylamine ou par des endotoxines causent des symptômes s’apparentant à ceux de la grippe et peuvent être mortelles. On s’est efforcé de réduire ces risques grâce à une meilleure formation et en apportant certaines modifications à l’équipement.

Les affections cutanées

Les affections cutanées aux mains sont courantes. Elles peuvent être liées au contact avec les protéines de poisson ou avec le caoutchouc des gants. Lorsqu’on ne porte pas de gants, les mains sont constamment humides, ce qui peut rendre la peau plus sensible. La plupart des affections cutanées sont donc des dermites de contact, allergiques ou non, et elles sont généralement persistantes. Les furoncles et les abcès sont également des problèmes récurrents qui touchent les mains et les doigts.

La mortalité

Certaines études, mais pas toutes, indiquent un faible taux de mortalité, toutes causes confondues, chez les pêcheurs, par rapport au reste de la population masculine. Cette faible mortalité au sein d’un groupe de travailleurs en particulier est appelée «l’effet du travailleur en bonne santé», qui est dû au fait que la mortalité a toujours tendance à être moins élevée au sein d’une population professionnellement active que dans la population en général. En raison de la forte mortalité résultant des accidents en mer, bien des études sur la mortalité chez les pêcheurs font toutefois état de taux de décès élevés, toutes causes confondues.

La mortalité par cardiopathie ischémique est en augmentation ou en diminution, selon les études. Celle due à des maladies cérébro-vasculaires et respiratoires est moyenne chez les pêcheurs.

Les causes inconnues

D’après plusieurs études, la mortalité due à des causes inconnues est plus forte chez les pêcheurs que chez les autres travailleurs. Par «causes inconnues», on entend les événements correspondant aux numéros spéciaux de la CIM qu’inscrit le médecin sur le certificat de décès lorsqu’il n’est pas en mesure de déterminer la cause exacte de la maladie ou de l’accident ayant provoqué la mort. Parfois, les décès signalés dans la catégorie «cause inconnue» sont dus à des accidents à la suite desquels le corps n’a jamais été retrouvé; il s’agit la plupart du temps d’accidents de transport maritime ou de suicides survenus en mer. Quoi qu’il en soit, un nombre excessif de décès de cause inconnue peut indiquer que la pêche est non seulement un métier dangereux, mais aussi un mode de vie dangereux.

Les accidents survenant ailleurs qu’en mer

On a constaté un nombre excessif d’accidents mortels de la circulation, d’intoxications diverses et d’autres types d’accidents, de suicides et d’homicides chez les pêcheurs (Rafnsson et Gunnars-dóttir, 1993). Certains auteurs présument que, étant donné les risques inhérents à leur métier, les marins auraient tendance à avoir un comportement ou un mode de vie dangereux. Les pêcheurs expliquent eux-mêmes qu’ils perdent l’habitude de conduire, ce qui pourrait expliquer le nombre élevé d’accidents de la circulation dans lesquels ils sont impliqués. D’après d’autres témoignages, cette situation serait due aux efforts de rattrapage, sur le plan social, que font les pêcheurs au retour des longs voyages pendant lesquels ils ont été éloignés de leur famille et de leurs amis. Parfois, ils ne passent qu’un ou deux jours à terre, avant de reprendre la mer pour longtemps. Le nombre excessif de décès à la suite d’accidents survenus ailleurs qu’en mer indique qu’il s’agit d’un mode de vie hors du commun.

Le cancer

Le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) qui a notamment pour mission d’évaluer les risques de cancer chez les travailleurs, selon la branche d’activité, n’a pas inclus la pêche et la transformation du poisson dans celles où les risques de cancer sont manifestes. Cependant, plusieurs études sur la mortalité et la morbidité par cancer examinent les risques propres au métier de pêcheur (Hagmar et coll., 1992; Rafnsson et Gunnarsdóttir, 1994, 1995). Certaines d’entre elles ont mis en évidence un risque accru de diverses formes de cancer, suggérant que des facteurs d’ordre professionnel et le mode de vie pourraient en être la cause. Les types de cancers examinés ci-dessous sont le cancer des lèvres, du poumon et de l’estomac.

Le cancer des lèvres

La pêche a toujours été associée au cancer des lèvres. On pensait autrefois qu’il était dû à l’exposition aux goudrons utilisés pour préserver les filets, étant donné que les pêcheurs se servaient de leur bouche comme d’une «troisième main» pour les manipuler. On estime de nos jours que le cancer des lèvres chez les pêcheurs est dû à l’effet conjugué du tabagisme et de l’exposition aux rayons ultraviolets pendant le travail à l’extérieur.

Le cancer du poumon

Les conclusions des études sur le cancer du poumon ne sont pas unanimes. Certaines n’ont pas mis en évidence de risque accru de cancer du poumon dans la branche. D’autres, effectuées sur des pêcheurs suédois, indiquent une proportion de cancers du poumon inférieure à la moyenne (Hagmar et coll., 1992). Une étude italienne attribue le risque de cancer du poumon au tabagisme et non à la profession. D’autres études sur les pêcheurs indiquent un risque accru de cancer du poumon, qui n’est toutefois pas confirmé. Sans information sur les habitudes tabagiques, il est difficile d’évaluer l’importance du rôle du tabac par rapport aux facteurs professionnels dans les cas relevés. Il serait nécessaire d’effectuer une étude distincte sur les divers groupes professionnels représentés sur les navires de pêche, étant donné que les risques de cancer du poumon sont particulièrement élevés chez les travailleurs de la salle des machines, probablement à cause de l’exposition à l’amiante ou à des hydrocarbures aromatiques polycycliques. Des études plus poussées sont donc nécessaires pour établir plus clairement le lien de cause à effet entre le cancer du poumon et la pêche.

Le cancer de l’estomac

De nombreuses études font état d’un risque élevé de cancer de l’estomac chez les pêcheurs. Les études suédoises semblent indiquer que ce risque est dû à la forte consommation de poisson gras contaminé par des composés organochlorés (Svensson et coll., 1995). Dans l’état actuel des connaissances, on ne sait pas encore exactement quel rôle les habitudes alimentaires, le mode de vie et les facteurs professionnels jouent dans l’association qui existe entre le cancer de l’estomac et la pêche.

LES TROUBLES MUSCULO-SQUELETTIQUES CHEZ LES PÊCHEURS ET LES TRAVAILLEURS DE L’INDUSTRIE DE LA TRANSFORMATION DU POISSON

Hulda Ólafsdóttir

L’expression troubles musculo-squelettiques (TMS) désigne l’ensemble des symptômes et des maladies des muscles, des tendons ou des articulations. Ces troubles sont souvent diffus et de durée variable. Les principaux facteurs de risque de troubles musculo-squelettiques liés aux activités professionnelles sont le soulèvement de lourdes charges, les mauvaises postures, les tâches répétitives, le stress psychologique et la mauvaise organisation du travail (voir figure 66.9).

Figure 66.9 Manutention du poisson à la main dans une usine de transformation
du poisson en Thaïlande

Figure 66.9

En 1985, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a publié le communiqué suivant: «Les maladies liées aux activités professionnelles sont dues à de nombreux facteurs parmi lesquels le milieu de travail et l’exécution proprement dite des tâches occupent une place importante; ce n’est cependant qu’un facteur parmi d’autres» (OMS, 1985). Il n’existe toutefois pas de critère internationalement reconnu déterminant les causes des troubles musculo-squelettiques liés au travail. Il faut ajouter que ces troubles se manifestent à la fois dans les pays en développement et dans les pays développés et qu’ils n’ont pas disparu en dépit de l’avènement des innovations technologiques qui permettent de faire exécuter par des machines et des ordinateurs des tâches autrefois manuelles (Kolare, 1993).

A bord des navires, le travail est astreignant, physiquement et mentalement. On y retrouve souvent la plupart des facteurs de risque mentionnés ci-dessus et connus pour provoquer des troubles musculo-squelettiques, et ce aussi bien au niveau du poste qu’à celui de l’organisation du travail.

Depuis toujours, la majorité des travailleurs de l’industrie de la pêche sont des hommes. Des études suédoises sur le sujet montrent que les symptômes de troubles musculo-squelettiques sont courants dans cette catégorie professionnelle et qu’ils suivent un modèle logique selon le genre de pêche et le type de tâches. Au total, 74% des pêcheurs ont présenté des symptômes de troubles musculo-squelettiques au cours des douze mois précédant la réalisation de ces études. La plupart des sujets estiment que le mouvement permanent du navire impose un effort important non seulement au système musculo-squelettique, mais aussi au corps tout entier (Törner et coll., 1988).

S’agissant des troubles musculo-squelettiques chez les travail-leurs de la transformation du poisson, les études publiées sont peu nombreuses. Depuis bien longtemps, la majorité des travailleurs qui préparent les filets de poisson sont des femmes. Les résultats d’études islandaises, suédoises et taiwanaises montrent que les troubles musculo-squelettiques au niveau de la nuque ou des épaules sont plus courants chez les femmes qui travaillent dans cette filière que chez celles qui accomplissent des tâches plus variées (Ólafsdóttir et Rafnsson, 1998; Ohlsson et coll., 1994; Chiang et coll., 1993). On pense qu’il existe un lien causal entre ces symptômes et les tâches très répétitives effectuées en moins de 30 secondes. Le fait d’exécuter des tâches de ce type sans pouvoir en accomplir d’autres en alternance est un facteur de risque élevé. Chiang et coll. (1993) ont étudié les travailleurs de la transformation du poisson (hommes et femmes) et ont constaté une plus forte prévalence de troubles des membres supérieurs chez les sujets préposés à des tâches nécessitant des mouvements très répétitifs ou très vigoureux que chez ceux accomplissant des tâches moins répétitives et faisant des mouvements moins énergiques.

Comme mentionné, les troubles musculo-squelettiques n’ont pas disparu avec l’avènement des nouvelles technologies. La ligne de production continue est l’une des nouvelles techniques implantées dans l’industrie de la transformation du poisson, à terre comme à bord des grands navires-usines. Elle comprend un système de transporteurs à bande qui acheminent le poisson vers des machines d’étêtage et de filetage, puis le font défiler devant les travailleurs qui saisissent chaque filet, le coupent et le parent avec un couteau. D’autres transporteurs à bande dirigent le poisson vers le poste d’emballage, après quoi il est surgelé. Ce mode de production a eu des répercussions sur le type de troubles musculo-squelettiques que présentent les femmes travaillant dans les usines de filetage. La prévalence des troubles musculo-squelettiques des membres supérieurs a augmenté, tandis que celles des membres inférieurs a diminué (Ólafsdóttir et Rafnsson, 1998).

Si l’on veut élaborer une stratégie de prévention des troubles musculo-squelettiques, il importe de bien en comprendre les causes et les mécanismes de survenue, le pronostic et les moyens de prévention (Hagberg, M., Kilbon, Å. et Kolare, S., 1993). Il ne suffit pas d’implanter des nouvelles techniques pour les prévenir; encore faut-il tenir compte de l’environnement professionnel dans son ensemble, y compris l’organisation du travail.

LA PÊCHE COMMERCIALE: LES PROBLÈMES ENVIRONNEMENTAUX ET DE SANTÉ PUBLIQUE

Bruce McKay et Kieran Mulvaney

Les prises accessoires et les prises rejetées en mer

La capture d’espèces non recherchées — appelées prises accessoires — est l’une des principales conséquences de l’industrie de la pêche maritime mondiale sur l’environnement. Parmi les prises accessoires, qui sont pour la plupart rejetées par-dessus bord, il faut citer:

Dans le cadre d’une grande étude faite pour le compte de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) (Alverson et coll., 1994), on a estimé provisoirement et prudemment que 27 millions de tonnes de poisson et d’invertébrés (ne comprenant donc ni les mammifères, ni les oiseaux marins, ni les tortues de mer) sont capturés chaque année dans les filets puis rejetés à la mer — morts ou mourants pour la plupart — par les pêcheurs commerciaux. C’est l’équivalent de plus d’un tiers du poids de la totalité des poissons et fruits de mer débarqués, estimée à environ 77 millions de tonnes à l’échelle mondiale.

Sans même parler des problèmes d’éthique que pose un tel gaspillage, l’opinion publique s’alarme beaucoup des conséquences que de telles pratiques ont sur l’environnement et, notamment, sur la diminution éventuelle de la biodiversité et sur la réduction des réserves de poisson. Pas moins de 200 000 mammifères marins périraient chaque année dans les engins de pêche (Alverson et coll., 1994). La pêche au filet maillant est peut-être la plus lourde menace qui pèse sur les colonies de dauphins; au moins une espèce (le marsouin du Pacifique) et plusieurs colonies de marsouins sont en voie d’extinction à cause de ce type de pêche. La capture fortuite et la mortalité des tortues de mer, généralement associées à la pêche au chalut à crevettes et à certains types de pêche à la ligne de fond, mettent en danger, de manière constante, diverses populations dans tous les océans (Dayton et coll., 1995). Un grand nombre d’oiseaux marins périssent également dans certains types de pêche: la pêche à la ligne de fond tue des dizaines de milliers d’albatros chaque année et est considérée comme le principal danger qui menace la survie des colonies d’albatros et de bien d’autres espèces (Gales, 1993).

Les prises accessoires sont les principales responsables de la perception négative que le public a de la pêche maritime commerciale. Par conséquent, de nombreuses recherches ont été effectuées dans le but d’améliorer la sélectivité des engins et des méthodes de pêche. En fait, la FAO (1995) estimait que les quantités rejetées pourraient diminuer de 60% en l’an 2000 si les pouvoirs publics et l’industrie faisaient des efforts concertés.

Les déchets de poisson et de fruits de mer et le rejet des prises accessoires

Les déchets de poisson et de fruits de mer peuvent comprendre les organes internes (viscères), les têtes, les queues, le sang, les écailles et les eaux usées ou les boues (liquides des cuiseurs, coagulants chimiques utilisés dans les systèmes de traitement primaire, huiles, graisses, solides en suspension, par exemple). Dans bien des régions, la plupart des résidus de la transformation des fruits de mer provenant des usines côtières sont convertis en farine de poisson ou en engrais, et tous les résidus excédentaires sont rejetés à la mer, dans les eaux côtières, épandus directement sur le sol ou jetés dans des décharges. Les déchets de la transformation à bord des navires (du nettoyage du poisson, par exemple) sont composés de morceaux de poisson (issues) et sont invariablement rejetés à la mer.

L’incidence des déchets de la transformation du poisson sur les systèmes aquatiques peut varier considérablement selon leur type et leur quantité ou la fréquence des rejets, la sensibilité écologique du milieu récepteur et certains facteurs physiques qui exercent une influence sur le mélange et la dispersion des déchets. Le problème le plus crucial est le déversement des déchets des usines de transformation dans les environnements côtiers; le rejet de quantités excessives de nutriments peut causer l’eutrophisation et, par conséquent, la diminution de certaines populations locales de plantes aquatiques et d’animaux.

Le déversement en mer des issues et des prises accessoires peut entraîner une raréfaction de l’oxygène des habitats benthiques (de fond) lorsqu’une certaine quantité s’accumule sur le fond marin. Les prises rejetées et les issues sont toutefois considérées comme des éléments contribuant à la croissance rapide de certaines populations d’oiseaux marins, bien que cela se fasse peut-être au détriment d’espèces moins concurrentielles (Alverson et coll., 1994).

La pêche commerciale à la baleine

La pêche commerciale à la baleine continue de retenir l’attention du public et des milieux politiques pour trois raisons: 1) le caractère exceptionnel attribué aux baleines, 2) l’aspect cruel des techniques de chasse; et 3) le fait que la plupart des populations de baleines — notamment les rorquals bleus, les rorquals communs et les baleines franches — aient considérablement diminué. La cible actuelle de la chasse à la baleine est le rorqual rostré (petit rorqual) qui avait été épargné par les flottes baleinières traditionnelles en raison de sa petite taille (de 7 à 10 m) par rapport à la plupart des grandes baleines.

En 1982, la Commission baleinière internationale (International Whaling Commission (IWC)) a voté en faveur d’un moratoire mondial sur la pêche commerciale à la baleine. Ce moratoire est entré en vigueur au début de la campagne de chasse à la baleine de 1985-86 et doit le rester pour une période indéterminée. Cependant, deux pays — la Norvège et la Russie — continuent de protester officiellement contre ce moratoire, et la Norvège en profite pour poursuivre ce type de pêche dans l’Atlantique du Nord-Est. Bien qu’il ne s’oppose pas officiellement au moratoire, le Japon continue de pratiquer la chasse à la baleine dans le Pacifique Nord et dans l’océan Austral, invoquant un article de la Convention internationale pour la réglementation de la chasse à la baleine qui permet aux Etats membres de tuer des baleines à des fins de recherche scientifique. Les flottes japonaises et norvégiennes tuent moins de 1 000 baleines par an; la quasi-totalité de la viande qui en est issue est vendue sur le marché japonais pour l’alimentation humaine (Stroud, 1996).

La salubrité des fruits de mer: agents pathogènes, polluants chimiques et toxines naturelles

Chez l’être humain, des affections peuvent être causées par l’ingestion de fruits de mer contaminés essentiellement pour les trois raisons ci-après:

  1. Poissons, mollusques et crustacés crus, insuffisamment cuits ou transformés dans de mauvaises conditions, qui sont contaminés par des agents pathogènes susceptibles de causer des maladies comme l’hépatite A, le choléra ou la typhoïde. Les rejets d’eaux usées domestiques, non traitées ou insuffisamment traitées, sont la principale cause de la présence d’agents pathogènes microbiens tels que des virus et des bactéries dans les fruits de mer; certains organismes pathogènes peuvent persister des mois dans ou sur les poissons, mollusques et crustacés, ou encore dans le tube digestif ou les branchies. Les risques pour la santé dus à ces agents pathogènes peuvent être quasiment supprimés grâce à un traitement et à une élimination adéquats des eaux d’égout, à des programmes de contrôle, par le recours à des techniques adaptées de transformation et de préparation des aliments et surtout par la cuisson à cœur des produits de la mer (Food and Nutrition Board, 1991).
  2. Consommation de fruits de mer contaminés par des produits chimiques industriels tels que le mercure, le plomb et les pesticides . Du fait que la pollution environnementale est un problème planétaire généralisé, il n’est pas rare de trouver dans les fruits de mer toute une série de produits chimiques industriels — tels que des pesticides et des métaux lourds (plomb et mercure, par exemple). Le degré de contamination varie toutefois considérablement d’une région à l’autre et d’une espèce à l’autre. Les produits chimiques les plus préoccupants sont ceux qui peuvent s’accumuler dans l’organisme humain, tels que les byphényles polychlorés (PCB), les dioxines et le mercure. Dans ces cas, la charge d’agents contaminants (originaires de toute une série de sources, y compris des fruits de mer) finit par dépasser le seuil de toxicité. Les effets de l’exposition chronique aux agents contaminants sur la santé humaine sont loin d’être parfaitement connus, mais on dispose toutefois d’une série impressionnante d’études mettant nettement en évidence des possibilités d’accroissement des risques de cancer, d’immunosuppression, d’effets génésiques et de déficiences du développement neurologique chez le fœtus et les enfants. Dans un important rapport sur la salubrité des fruits de mer, l’Institut de médecine de l’Académie nationale des sciences (Institute of Medicine of the US Academy of Sciences), aux Etats-Unis (Food and Nutrition Board, 1991) a recommandé — à l’instar de nombreuses organisations de protection de l’environnement et de la santé humaine — l’adoption d’une stratégie environnementale active axée sur la prévention de la pollution, estimant qu’il s’agissait en définitive du meilleur moyen d’éviter des problèmes de santé persistants et des catastrophes écologiques dues à la pollution causée par les produits chimiques industriels.
  3. Consommation de fruits de mer contaminés par des toxines naturelles présentes dans les algues, comme l’acide domoïque, la ciguatoxine et la saxitoxine. Diverses espèces d’algues produisent toutes sortes de toxines qui peuvent s’accumuler dans de nombreux produits de la mer, notamment dans les mollusques et les crustacés (à l’exception de la ciguatoxine que l’on retrouve uniquement chez les poissons de récifs). La consommation de mollusques et de crustacés contaminés peut être à l’origine de diverses formes d’intoxication: paralysante (paralytic shellfish poison-ing (PSP), amnésique (ASP), diarrhéique (DSP) ou neurotoxique (NSP) et intoxication de type ciguatera. La PSP et l’intoxication de type ciguatera continuent de tuer, mais aucun décès n’a été signalé des suites de l’ASP depuis sa découverte en 1987, année où trois personnes en sont mortes. Depuis les années soixante-dix, les algues toxiques prolifèrent; en outre, la répartition et l’intensité de la toxicité des poissons et des coquillages évoluent également. Bien que la prolifération d’algues soit un phénomène naturel, de nombreux indices portent à croire que la pollution côtière par des nutriments, surtout en provenance d’engrais et d’eaux usées, accentue la prolifération ou accroît la durée de vie des algues, et augmente, par conséquent, les risques de toxicité épisodique des fruits de mer (Anderson, 1994). Il importe de signaler que, si la cuisson à cœur réduit la toxicité des fruits de mer contaminés par des agents pathogènes, il n’en va pas de même pour ceux qui sont contaminés par ces poisons naturels.

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