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Chapitre 65 - L'industrie des boissons

GÉNÉRALITÉS

David J. Franson

Le secteur des boissons

L’industrie des boissons couvre deux grands groupes et huit sous-groupes. Le groupe des boissons non alcooliques comporte les sirops, les eaux et les boissons sans alcool (bouteilles et canettes), les jus de fruits (bouteilles, canettes et briques), ainsi que le café et le thé. Le groupe des boissons alcooliques comprend les spiritueux, le vin et la bière.

L’évolution de cette industrie

Bien que beaucoup de boissons — bière, vin et thé, entre autres — soient connues depuis des millénaires, l’essor de leur industrie ne remonte qu’à quelques siècles.

Considéré dans son ensemble, le secteur des boissons est très segmenté. En témoignent le grand nombre de fabricants, la multiplicité des méthodes de production et des procédés de conditionnement ainsi que la diversité des produits commercialisés. Fortement concentrée, l’industrie des boissons non alcooliques fait toutefois exception. Malgré cette segmentation, une tendance à la concentration se manifeste depuis les années soixante-dix.

A partir du début du XXe siècle, les entreprises de boissons, qui jusque-là produisaient uniquement pour les marchés locaux, se sont transformées en géants industriels intéressés par le marché mondial. Ce changement a débuté lorsque les firmes ont adopté des techniques de production de masse qui leur ont permis de se développer. Dans le même temps, des progrès en matière de production et de conditionnement ont accru la durée de conservation des produits. Ainsi, le thé est désormais conditionné dans des contenants hermétiques qui le préservent de l’humidité et, de ce fait, évitent toute perte d’arôme. En outre, l’invention de la réfrigération a rendu possible le brassage des bières de fermentation basse pendant les mois d’été.

L’importance économique

L’industrie des boissons emploie plusieurs millions de personnes dans le monde. Chaque catégorie de boisson rapporte, chaque année, des milliards de dollars. En fait, dans certains petits pays en développement, l’économie nationale repose essentiellement sur la production de café.

Les caractéristiques de la main-d’œuvre

Bien que les ingrédients mis en jeu et les méthodes de production varient selon les boissons, la main-d’œuvre présente, en général, des caractéristiques communes. Faiblement rémunérée, la récolte des matières premières, qu’il s’agisse du café, de l’orge, du houblon ou du raisin, est effectuée par des familles ou des individus peu qualifiés. Non seulement elle constitue leur principale source de revenus, mais elle détermine aussi, en grande partie, leur culture et leur mode de vie.

A l’inverse, la fabrication du produit, qui implique des opérations automatisées et mécanisées, requiert une main-d’œuvre semi-qualifiée. Les zones de production et les entrepôts emploient, notamment, des opérateurs de machines pour le conditionnement et l’embouteillage, des caristes et des travailleurs chargés de tâches mécanisées ou manuelles. La formation de ce personnel est complétée, à l’usine, par une formation interne approfondie. Au fur et à mesure de l’évolution des techniques et de l’automatisation, la main-d’œuvre diminue, et la formation technique gagne en importance. Cette main-d’œuvre semi-qualifiée est généralement encadrée par un personnel technique hautement qualifié, composé d’ingénieurs, de directeurs de production, de spécialistes en analyse des coûts et de techniciens responsables à la fois de la qualité et de la sécurité des produits alimentaires.

L’industrie des boissons distribue surtout ses produits par l’intermédiaire de grossistes qui recourent aux transporteurs publics. Cependant, les fabricants de boissons sans alcool emploient eux-mêmes communément des chauffeurs pour livrer leurs produits directement aux détaillants. Ces livreurs-vendeurs représentent environ un septième de la main-d’œuvre du secteur des boissons sans alcool.

La préoccupation d’une vie plus saine qui s’est fait jour dans les années quatre-vingt-dix en Europe et en Amérique du Nord a entraîné une stagnation du marché des boissons alcooliques, en même temps qu’un report de la demande sur des produits non alcooliques. Toutefois, boissons alcooliques comme non alcooliques connaissent une forte expansion dans les pays en développement d’Asie, d’Amérique du Sud et, dans une certaine mesure, d’Afrique. Cette expansion a entraîné la création de nombreux emplois locaux tant pour la production que pour la distribution.

LA PRODUCTION DE CONCENTRÉS POUR LES BOISSONS SANS ALCOOL

Zaida Colon

Le processus de fabrication

La fabrication des concentrés est la première étape de la production d’une boisson gazéifiée sans alcool. Au tout début de cette industrie, au XIXe siècle, les concentrés et les boissons sans alcool étaient produits dans le même lieu. Parfois, le concentré était vendu aux consommateurs qui préparaient eux-mêmes leur boisson. Lorsque l’industrie des boissons gazéifiées a pris de l’ampleur, la production des concentrés et celle des boissons sans alcool ont été séparées. Aujourd’hui, une usine de production de concentrés vend ses produits à divers établissements d’embouteillage.

Les usines de concentrés ne cessent d’améliorer leur production en automatisant leurs équipements. Cette automatisation leur a d’ailleurs permis de répondre à la demande croissante de concentrés sans devoir agrandir leurs installations. La taille des conditionnements a aussi augmenté. Initialement, les contenants de 2 litres, 4 litres ou 20 litres étaient les plus courants. Aujourd’hui, des fûts de 150 et 200 litres et même des camions-citernes d’une capacité de 10 000 à 15 000 litres sont utilisés pour le transport.

Le processus de production des concentrés se fait en cinq grandes étapes:

  1. le traitement de l’eau;
  2. la réception des matières premières;
  3. la fabrication des concentrés;
  4. l’embouteillage des concentrés et de leurs additifs;
  5. l’expédition des produits finis.

Chacune de ces opérations présente des risques qu’il convient d’évaluer et de gérer. Ingrédient majeur du concentré, l’eau doit être d’excellente qualité. Chaque installation de production traite donc l’eau afin qu’elle ait la qualité souhaitée et soit exempte de micro-organismes. Un contrôle est assuré à tous les stades du traitement.

Dès leur réception, les divers ingrédients sont soumis, au sein du service chargé du contrôle de la qualité, à un examen, à un prélèvement et à une analyse. Seules les substances qui ont passé les tests avec succès sont utilisées pour la fabrication des concentrés. Certaines de ces matières premières sont livrées dans des camions-citernes et nécessitent une manipulation spécifique. De la même manière, les matériaux d’emballage réceptionnés sont examinés et analysés.

Pendant la fabrication des concentrés, l’eau traitée et les ingrédients, solides et liquides, sont pompés dans des cuves en acier inoxydable où ils sont mélangés, homogénéisés ou isolés par extraction suivant les directives de fabrication. La capacité des cuves peut aller de 190 à 37 000 litres. Elles sont entièrement nettoyées et désinfectées avant chaque utilisation.

Une fois le concentré obtenu, le soutirage débute. Tous les produits sont acheminés par des conduites vers l’atelier de soutirage. Les soutireuses sont soigneusement nettoyées et désinfectées avant d’être mises en marche. La plupart des machines sont affectées à une taille spécifique de contenants. Le produit est maintenu dans les conduites et les cuves tout au long du soutirage, de façon à éviter toute contamination. Chaque contenant doit porter une étiquette mentionnant le nom du produit et, si nécessaire, les risques liés à sa manipulation. Les contenants sont ensuite acheminés par convoyeurs vers la zone de conditionnement. Ils sont placés sur des palettes et enveloppés dans des films plastiques ou réunis avec un lien avant d’être stockés. Outre les concentrés, les additifs entrant dans la composition des boissons gazéifiées sans alcool sont aussi conditionnés, le plus souvent dans des sacs en plastique, eux-mêmes placés dans des cartons.

A leur arrivée dans l’entrepôt, les produits sont répartis et préparés pour l’expédition aux différentes entreprises d’embouteillage. Ils doivent être étiquetés suivant les normes nationales en vigueur. S’ils sont destinés à l’exportation, l’étiquetage doit être conforme à la réglementation du pays de destination.

La prévention des risques

Dans une usine de production de concentrés, les risques varient selon les produits et la taille de l’établissement.

Le taux de risques encourus par le personnel est faible grâce au niveau élevé d’automatisation et de mécanisation de la manutention. Les matériaux sont soulevés par des chariots élévateurs et, une fois remplis, les contenants sont placés sur des palettes par des palettiseurs automatisés. Bien que le personnel n’ait généralement pas à faire usage d’une force excessive dans ce travail, les lésions dues au soulèvement de charges restent un problème. La plupart des dangers sont liés au déplacement d’engins et d’outillages, à la chute d’objets à partir de conteneurs placés en hauteur, aux risques électriques au cours de la réparation et de l’entretien des machines, au travail dans des espaces confinés lors du nettoyage des cuves de mélange, au bruit, aux accidents causés par les chariots élévateurs et aux produits chimiques dangereux utilisés pour le nettoyage.

Pour plus d’informations sur les risques et leur prévention, voir ci-après l’article «Le conditionnement en bouteilles et en boîtes des boissons sans alcool».

La production des jus de fruits

Les jus de fruits proviennent d’une large gamme de fruits, notamment: oranges et autres agrumes, pommes, raisins, canneberges, ananas ou mangues. Ils résultent souvent de l’assemblage de jus de fruits de plusieurs espèces. Généralement, les fruits sont transformés en concentrés près de leur lieu de récolte, puis expédiés à un conditionneur. Les jus de fruits sont commercialisés sous forme de concentrés, de concentrés surgelés (particulièrement le jus d’orange) ou de jus dilués. Du sucre et des conservateurs leur sont fréquemment ajoutés.

A leur arrivée dans l’usine de transformation, les oranges sont lavées, triées pour éliminer les fruits abîmés et classées selon leur calibre, avant d’être acheminées jusqu’aux extracteurs de jus. Là, les huiles sont extraites de la peau des fruits, et le jus est obtenu par pression. Le jus «pulpeux» est ensuite filtré. Pépins et pulpe sont ainsi rejetés, la seconde étant souvent récupérée comme aliment pour le bétail. Le jus d’orange destiné à être commercialisé comme n’étant pas «à base de jus concentré» subit une pasteurisation. Dans le cas contraire, il passe dans des évaporateurs qui, sous vide et par l’effet de la chaleur, lui retirent la majeure partie de son eau, puis il est réfrigéré. Ainsi obtient-on un jus d’orange concentré et surgelé. Ce traitement permet également de recueillir de nombreux composants aromatiques essentiels, lesquels sont restitués au concentré avant son expédition au conditionneur.

Le concentré surgelé est transporté jusqu’au lieu d’embouteillage dans des camions ou des camions-citernes frigorifiques. Nombre de laiteries conditionnent le jus d’orange avec les mêmes machines que celles utilisées pour le lait (voir l’article «L’industrie des produits laitiers», dans le chapitre no 67, «L’industrie alimentaire»). Le concentré est dilué dans de l’eau pure, puis pasteurisé et conditionné en milieu stérile. Suivant le volume d’eau ajouté, le produit fini se présente sous forme de jus d’orange concentré surgelé ou de jus d’orange prêt à la consommation.

Michael McCann

LE CONDITIONNEMENT EN BOUTEILLES ET EN BOÎTES DES BOISSONS SANS ALCOOL

Matthew Hirsheimer

Dans la plupart des marchés bien établis de par le monde, les boissons sans alcool occupent le premier rang au sein de l’industrie des boissons, dépassant même le lait et le café en termes de consommation individuelle.

Les boissons sans alcool, qui comprennent, entre autres, les produits conditionnés prêts à boire et les mélanges en vrac pour distributeurs postmix, sont commercialisées dans des contenants de presque toutes les tailles possibles, additionnées de toutes sortes de matières aromatiques et présentes, pour ainsi dire, dans toutes les chaînes de distribution au détail. Outre cette universalité, l’expansion du secteur des boissons sans alcool doit beaucoup à la commodité des conditionnements. En devenant de plus en plus mobiles, les consommateurs ont opté pour des produits conditionnés aisés à emporter. Avec l’apparition de la boîte en aluminium et, plus récemment, de la bouteille en plastique qui se rebouche après usage, les conditionnements de boissons sans alcool ont gagné en légèreté et en facilité de transport.

Grâce à un contrôle de qualité aux normes rigoureuses et à des méthodes de pointe en matière de traitement de l’eau, l’industrie des boissons sans alcool bénéficie d’une immense confiance quant à la pureté des produits. De plus, les installations de production et d’embouteillage des boissons sans alcool ont fortement progressé en automatisation, en rentabilité et en hygiène.

Dès les années soixante, la plupart des embouteilleurs utilisaient des machines dont la cadence était de 150 bouteilles à la minute. Compte tenu de la fulgurante croissance de la demande de boissons sans alcool, les fabricants se tournèrent vers des équipements plus performants. Grâce au progrès technique, les chaînes de soutirage peuvent aujourd’hui traiter jusqu’à 1 200 contenants à la minute, avec des temps d’arrêt minimaux, sauf en cas de changement de produit ou d’arôme. Ce contexte fortement automatisé a permis aux fabricants de boissons sans alcool de réduire la main-d’œuvre affectée à ces chaînes (voir figure 65.1). Néanmoins, l’augmentation considérable de la productivité conserve à la sécurité des installations son caractère crucial.

Figure 65.1 Pupitre de commande dans une entreprise automatiséd de boissons sans
alcool à Novossibirsk, Russie

Figure 65.1

La production et l’embouteillage des boissons sans alcool comportent cinq phases principales, chacune d’elles présentant ses propres problèmes de sécurité, qu’il faut évaluer et gérer. Ce sont:

  1. le traitement de l’eau;
  2. le mélangeage des ingrédients;
  3. la gazéification du produit;
  4. le soutirage du produit;
  5. le conditionnement.

Voir figure 65.2.

Figure 65.2 Diagramme des opérations d'embouteillage

Figure 65.2

La production de boissons sans alcool commence par le traitement et l’épuration de l’eau, de façon qu’elle réponde aux normes strictes du contrôle de qualité; en général, sa qualité est supérieure à celle de l’eau fournie par les collectivités locales. Ces opérations assurent au produit sa haute qualité et la constance de son goût.

Au moment du mélangeage des ingrédients, l’eau traitée est amenée dans de vastes réservoirs en acier inoxydable. A ce stade, les ingrédients lui sont adjoints, et le tout est mélangé. Les boissons diététiques sont additionnées d’édulcorants artificiels non nutritifs, tels que l’aspartame ou la saccharine, les boissons normalement sucrées de sucres liquides comme le fructose ou le saccharose. C’est à ce stade de la production que les colorants alimentaires peuvent être ajoutés. Les eaux gazeuses aromatisées reçoivent alors l’arôme souhaité, tandis que les eaux plates sont stockées dans les cuves de mélange avant d’être acheminées vers la chaîne de soutirage. Les entreprises d’embouteillage achètent couramment le concentré à d’autres entreprises.

Pour leur gazéification (dissolution de dioxyde de carbone (CO2)), les boissons sans alcool sont refroidies dans un important système réfrigérant fonctionnant à l’ammoniac. La gazéification confère aux produits leur effervescence et leur texture. Le CO2 est stocké à l’état liquide, puis dirigé vers les installations de gazéification au fur et à mesure des besoins. L’opération peut être modulée selon le dosage requis. Le taux de CO2 varie, en fonction des produits, de 1,05 kgf/cm2 à 5,25 kgf/cm2. Les boissons sans alcool aromatisées aux fruits ont tendance à être moins gazéifiées que les colas ou les eaux gazeuses de type limonade. Une fois gazéifié, le produit est prêt à être mis en bouteilles ou en boîtes.

L’atelier de soutirage est généralement séparé du reste de l’usine, car le produit, encore en contact avec l’air, doit être protégé de toute contamination. Hautement automatisé, le soutirage fait appel à une main-d’œuvre minimale (voir figure 65.3). Des opérateurs veillent au bon fonctionnement du matériel, alimentant, si nécessaire, la capsuleuse en couvercles ou en capsules en vrac. Les bouteilles et les boîtes vides sont automatiquement acheminées vers la soutireuse par des appareils de manutention spécialisés.

Figure 65.3 Opération de remplissage dans une chaîne de production de cannettes
de boissons sans alcool

Figure 65.3

Les règles rigoureuses du contrôle de la qualité sont appliquées tout au long de la production. Des techniciens mesurent les nombreux paramètres, tels que le CO2, la teneur en sucre et le goût, pour s’assurer que les produits finis répondent aux normes de qualité.

Le conditionnement est le dernier stade avant l’entreposage et la distribution. Aujourd’hui, cette phase est aussi entièrement automatisée. Selon les diverses exigences du marché local, les bouteilles ou les boîtes passent dans l’emballeuse pour y être soit empaquetées en caisses de carton, soit placées sur des plateaux ou des coquilles de plastique réutilisables. Un palettiseur empile ensuite automatiquement les produits conditionnés sur des palettes (voir figure 65.4) qui sont transportées, généralement grâce à un chariot élévateur, dans un entrepôt où elles sont stockées.

Figure 65.4 Acheminement de packs de 8 bouteilles en plastique de 2 litres de
boissons sans alcool vers un paletisseur automatique

Figure 65.4

La prévention des risques

Les lésions — au dos et aux épaules, surtout — provoquées par le soulèvement de charges ne sont pas rares dans la fabrication de boissons. Bien que la manutention de matériaux ait connu d’importantes améliorations techniques au fil du temps, l’industrie continue à chercher des moyens plus sûrs et plus efficaces pour la manutention des charges lourdes.

Il est évident que les travailleurs doivent être formés à travailler en toute sécurité. Les lésions peuvent également être réduites en limitant la nécessité de lever des charges par une meilleure conception des postes de travail. Ainsi, des tables réglables permettent d’élever ou d’abaisser les produits au niveau de la taille des opérateurs, afin que ceux-ci n’aient pas à se pencher et à les soulever. Au lieu d’être supporté par le corps humain, l’effort est, de la sorte, transféré à une machine. Tous les fabricants de boissons devraient mettre en œuvre des programmes ergonomiques d’identification et de prévention des risques professionnels, ce qui suppose de modifier les équipements existants ou d’en développer de meilleurs. Une manière simple de parvenir à cet objectif est l’alternance des travaux qui permet de réduire le temps que les travailleurs consacrent aux tâches à haut risque.

La protection des installations est un autre élément clé de la sécurité industrielle. Des machines comme les soutireuses et les convoyeurs fonctionnent à des vitesses élevées. Si elles ne sont pas protégées, elles peuvent happer un vêtement ou une partie du corps et, éventuellement, occasionner des accidents graves. Les convoyeurs, les poulies, les engrenages et les arbres d’entraînement doivent être munis de chapes appropriées pour empêcher tout contact. Les convoyeurs aériens présentent un risque supplémentaire de chute qu’il convient de prévenir en installant des filets ou des écrans à mailles métalliques. Les programmes de maintenance doivent imposer la remise en place, une fois une réparation achevée, de toutes les protections retirées pour cette opération.

Le soutirage étant effectué dans une atmosphère éminemment humide, un assèchement adéquat s’impose pour éviter l’accumulation de liquide dans les allées. Le sol doit être maintenu aussi sec que possible de façon à éliminer les glissades et les chutes. Si le port de chaussures à embout en acier n’est généralement pas obligatoire dans l’atelier de soutirage, les semelles antidérapantes sont vivement recommandées. Les chaussures doivent être choisies en fonction de l’adhérence de leur semelle. En outre, tous les équipements électriques doivent être convenablement mis à la terre et protégés de la moindre humidité. Le personnel doit veiller à assécher les zones voisines de ces équipements avant d’y effectuer une intervention.

L’ordre et la propreté et des inspections régulières contribuent aussi à rendre le lieu de travail plus sûr. En appliquant ces mesures relativement simples, la direction de l’entreprise sera certaine que tous les équipements sont en bon état de fonctionnement et correctement entreposés. A cette même fin, les équipements d’urgence, comme les extincteurs et les postes de lavage des yeux, doivent également être contrôlés.

Bien que la plupart des produits chimiques employés dans les ateliers de soutirage ne soient pas extrêmement dangereux, il n’est pas d’opération qui n’implique l’usage de matières inflammables, d’acides, de produits caustiques, corrosifs ou comburants. Des méthodes de travail appropriées doivent donc être mises au point afin que les travailleurs sachent utiliser ces produits chimiques en toute sécurité. Ils doivent être formés à leur stockage, à leur manipulation et à leur évacuation, ainsi qu’au port de l’équipement de protection. Leur formation doit aussi couvrir la localisation et l’emploi des matériels d’intervention d’urgence. Les postes de lavage des yeux et les douches peuvent atténuer les lésions causées par une exposition accidentelle à des produits chimiques dangereux.

Il est aussi indispensable d’installer des protections comme les barrières et murs chimiques et de prévoir des matériaux absorbants pour faire face à un écoulement accidentel de produits chimiques. De plus, les installations de stockage de ces produits doivent être bien conçues afin de pallier le risque qu’ils représentent pour le personnel. Les produits inflammables doivent être isolés des produits corrosifs et comburants.

Les grandes cuves où se fait le mélangeage des ingrédients doivent être inspectées et nettoyées régulièrement. Elles sont considérées comme des espaces confinés. Pour plus d’informations sur les risques et sur les précautions à prendre, voir l’encadré ci-contre intitulé «Les risques liés à l’entrée dans les espaces confinés, dans l’industrie des boissons».

Les risques liés à l’entrée dans les espaces confinés, dans l’industrie des boissons

Un espace dit «confiné» est un espace dans lequel, en raison de sa construction, de sa situation, des matières qu’il abrite ou des activités qui y sont exercées, il existe un risque de concentration de gaz, de vapeurs, de poussières ou de fumées, voire un manque d’oxygène dans l’atmosphère. Pénétrer dans un tel espace implique de respecter un ensemble de règles strictes auxquelles tous les travailleurs doivent être initiés et entraînés. Avant d’entrer en ce lieu, il convient de vérifier la teneur de l’air en oxygène et de rechercher la présence éventuelle de gaz inflammables ou toxiques. Il se peut que le personnel soit contraint de porter un appareil de protection respiratoire autonome ou tout autre appareil respiratoire agréé. Un contrôle permanent doit être exercé tant que le personnel se trouve à l’intérieur de l’espace confiné. Ce personnel doit aussi être équipé d’un harnais de sécurité pourvu de sangles d’épaule et de cuisse. Une personne doit être préposée, en permanence, à la surveillance vigilante des travailleurs opérant dans l’espace, et une autre, bien formée à la respiration artificielle, doit être prête à intervenir.

La fabrication industrielle de boissons comporte de nombreux risques, parmi lesquels ceux liés à l’entrée dans les espaces confinés. Ce sont, par exemple:

  • dans la production des boissons sans alcool, le danger que représentent les cuves de mélange, susceptibles de dégager des vapeurs ou des gaz dangereux;
  • en brasserie et dans l’industrie des spiritueux, celui que constituent les réservoirs à grain;
  • en brasserie et en vinification, les risques inhérents aux cuves de fermentation;
  • dans l’industrie des spiritueux, les risques attachés aux cuves de fermentation et aux alambics.

Des travailleurs peuvent être amenés à pénétrer dans les réservoirs à grains, les cuves de fermentation ou d’autres installations, pour procéder à leur nettoyage ou à leur réparation. Ainsi, lorsqu’ils sont mal ventilés, les espaces confinés où s’effectue la fermentation présentent des risques d’asphyxie pour le personnel, en raison des vapeurs d’alcool ou de dioxyde de carbone dégagées (Guillemin et Horisberger, 1994).

R.G. Aldi et Rita Seguin

Le matériel mécanisé est de plus en plus complexe. Il est souvent commandé par ordinateur, par conduites pneumatiques ou même par gravité. Les travailleurs doivent s’assurer qu’il est mis hors tension avant toute opération d’entretien. Il convient d’étudier des procédures de mise hors tension adaptées pour garantir la sécurité du personnel de maintenance. La mise hors tension doit se faire par coupure du circuit et verrouillage à la source de manière à empêcher toute mise sous tension accidentelle d’une installation pendant sa réparation et, par là, éviter que des personnes affectées à cette tâche ou travaillant à proximité ne soient victimes d’un accident mortel.

Une formation du personnel aux mesures de sécurité et aux procédures écrites de mise hors tension est essentielle pour chaque partie d’un équipement. Des boutons d’arrêt d’urgence doivent être placés à des endroits stratégiques sur tous les équipements. Des dispositifs d’interverrouillage sont utilisés pour arrêter automatiquement le fonctionnement de l’équipement dès que les portes sont ouvertes ou que les faisceaux lumineux sont interrompus. Le personnel doit toutefois savoir que ces dispositifs n’assurent pas la mise hors tension totale d’un équipement. Ils ne font qu’en interrompre la marche en cas d’urgence. Pour la maintenance de l’équipement, les boutons d’arrêt d’urgence ne peuvent remplacer une procédure de mise hors tension éprouvée.

Le chlore, utilisé pour le traitement de l’eau, présente des risques s’il est répandu accidentellement. Il est le plus souvent conservé dans des récipients en acier qu’il faut entreposer dans un local isolé, bien ventilé et à l’abri d’un renversement accidentel. Le personnel doit être formé à changer les récipients en toute sécurité, comme à agir vite et efficacement en cas de fuite. A la fin des années quatre-vingt-dix, de nouveaux composés du chlore se sont peu à peu substitués à ce produit. Bien qu’encore dangereux, ces composés sont d’une manipulation plus sûre que le gaz.

L’ammoniac est employé comme réfrigérant lors de l’embouteillage. Généralement, les grands systèmes de refroidissement à l’ammoniac présentent des risques en cas de fuite ou de débord accidentels. Aussi convient-il, dans les installations de mise en bouteilles, d’instaurer des procédures d’intervention rapide afin de définir les responsabilités des travailleurs. Ceux qui sont chargés d’intervenir en urgence doivent être formés à faire face à ce type d’accident et à utiliser les appareils de protection respiratoire. De fait, si une fuite ou un déversement d’ammoniac se produit, de tels appareils devraient aussitôt être mis à disposition et le personnel non indispensable être évacué vers des zones sûres jusqu’à ce que la situation redevienne normale.

Le dioxyde de carbone (CO2), utilisé pour le soutirage, constitue également une menace pour la santé. Si l’atelier de soutirage et les locaux adjacents ne sont pas convenablement ventilés, le gaz accumulé peut remplacer l’oxygène dans l’air que respire le personnel. La concentration en CO2 des installations devrait faire l’objet d’un contrôle régulier et, si elle est trop élevée, l’inspection des systèmes de ventilation devrait permettre de déterminer la cause de l’incident. Une ventilation supplémentaire peut être nécessaire pour remédier à la situation.

Grâce au progrès technique, il existe aujourd’hui des matériaux isolants plus efficaces pour insonoriser les moteurs et les engrenages de la plupart des équipements ou, du moins, pour en atténuer le bruit. Cependant, compte tenu de leur fonction et de leur taille, les installations de soutirage présentent un niveau sonore qui excède généralement 90 dBA. Il est donc impératif que les travailleurs exposés à ce bruit intense pendant huit heures en moyenne soient protégés. Pour être satisfaisants, les programmes de protection auditive devraient comporter certains éléments: recherches de méthodes pour mieux limiter les niveaux sonores, sensibilisation des travailleurs aux effets du bruit sur l’organisme, équipement de protection individuelle contre le bruit et formation au port de cet équipement. Ce programme doit imposer le port de cet équipement dans les zones à haut niveau sonore et prévoir des contrôles réguliers des facultés auditives du personnel.

Utilisés dans tout l’atelier d’embouteillage, les chariots élévateurs doivent être manœuvrés en parfaite sécurité. Pour cela, les opérateurs potentiels doivent prouver à la fois leur aptitude à les conduire et leur connaissance des principes de sécurité. Des permis sont généralement délivrés qui attestent d’un niveau minimal de compétence. Les programmes de sécurité relatifs aux chariots élévateurs devraient inclure une vérification avant usage de la mise en place et du bon fonctionnement de tous leurs équipements de sécurité. La moindre défaillance devrait être aussitôt signalée et corrigée. Les chariots élévateurs à gaz ou à pétrole liquide dégagent, lorsqu’ils sont en marche, du monoxyde de carbone. Ces émissions peuvent être réduites par un réglage conforme aux spécifications du fabricant.

L’équipement de protection individuelle est couramment utilisé dans l’atelier d’embouteillage. Le personnel porte des protecteurs oculaires et des casques antibruit. Les équipes chargées de la désinfection sont pourvues de masques faciaux, de gants et de chaussures de protection adaptés aux produits chimiques auxquels elles sont exposées. Si les chaussures antidérapantes sont recommandées dans l’ensemble de l’atelier, les travailleurs de la maintenance devraient bénéficier de la protection supplémentaire de chaussures à embout en acier. Pour opter pour le bon type d’équipement de protection individuelle, il faut identifier et évaluer les risques potentiels inhérents à chaque emploi et déterminer s’il est possible de les éliminer par des moyens de prévention technique. Si ce n’est pas le cas, il convient de choisir l’équipement de protection individuelle en fonction des risques existants.

La direction de l’entreprise joue un rôle essentiel dans l’identification des risques professionnels, ainsi que dans l’élaboration des pratiques et des procédures permettant de les limiter. Une fois établies, ces pratiques et procédures doivent être connues du personnel de façon qu’il puisse effectuer son travail en toute sécurité.

Au fur et à mesure du progrès technique en matière d’équipement et de protection de cet équipement, les fabricants de boissons sans alcool disposeront de moyens accrus pour assurer la sécurité des travailleurs.

L’INDUSTRIE DU CAFÉ

Jorge da Rocha Gomes et Bernardo Bedrikow

Généralités

Introduite en Europe au XVIe siècle, la consommation du café s’y répandit peu à peu, notamment en France et en Hollande, avant de gagner le reste du monde. Le café ne conservant pas longtemps son parfum et son arôme caractéristiques après la torréfaction et la mouture, les installations industrielles effectuant ces opérations ont dû s’établir là où le café est consommé. Ces établissements, généralement petits ou moyens — il existe aussi de grandes usines —, produisent du café traditionnel et du café instantané (soluble).

La main-d’œuvre employée dans l’industrie du café est difficile à évaluer. En effet, certaines petites entreprises ne tiennent pas de registre, et les chiffres ne sont pas totalement fiables. La consommation mondiale ayant atteint quelque 100 millions de sacs de 60 kg en 1995, on peut estimer le commerce mondial du café à 50 millions de dollars E.-U. Le tableau 65.1 mentionne quelques pays importateurs de café et donne ainsi une idée de la consommation mondiale actuelle.

Tableau 65.1 Quelques pays importateurs de café vert et torréfié (données en tonnes)

Pays

1990

1991

1992

Autriche

108 797

118 935

125 245

Canada

120 955

126 165

117 897

Espagne

177 681

176 344

185 601

Etats-Unis

1 186 244

1 145 916

1 311 986

France

349 306

364 214

368 370

Japon

293 969

302 955

295 502

Royaume-Uni

129 924

119 020

128 702

Source: D’après FAO, 1993.

Le traitement industriel du café est relativement simple. Il comporte le lavage (dans le cas de la méthode «humide»), la torréfaction, la mouture et le conditionnement, comme le montre la figure 65.5. Toutefois, le progrès technique a donné naissance à des méthodes complexes, accompagnées d’une accélération des cadences de production et de la mise en place de laboratoires chargés du contrôle de la qualité des produits.

Figure 65.5 Etapes du traitement du café

Figure 65.5

Les grains de café sont livrés aux usines en sacs de 60 kg, déchargés mécaniquement ou manuellement. Dans le second cas, deux travailleurs prennent un sac et le chargent sur la tête d’un troisième, qui le porte jusqu’au lieu de stockage. Même lorsqu’elle est effectuée à l’aide d’un transporteur à courroie, cette opération nécessite un effort physique intense.

La consommation de café soluble n’a cessé de croître. Elle représente aujourd’hui environ 20% de la consommation mondiale. Le processus de fabrication de ce café est assez complexe: atomisation des extraits de café dans un courant d’air chaud, évaporation, refroidissement, lyophilisation (dessiccation par sublimation). Les opérations varient légèrement d’une usine à l’autre. Pour produire le café décaféiné, qui représente plus de 10% du café consommé aux Etats-Unis et en Europe, certaines installations utilisent encore des solvants chlorés comme le chlorure de méthylène, dont les résidus sont éliminés par jet de vapeur d’eau.

Les risques potentiels et les effets sur la santé

Le traitement du café commence par l’ouverture des sacs, à l’aide d’un petit couteau, et par le déversement des grains dans un bac où ils sont nettoyés. Le lieu de travail est bruyant et une grande quantité de particules résiduelles libérées par l’opération restent en suspension.

La torréfaction expose les travailleurs à des risques de brûlures ou de troubles liés aux températures élevées. Le mélangeage des grains (ou assemblage) et la mouture sont complètement automatisés. Il arrive que les locaux où ils sont effectués manquent de lumière à cause de la présence de poussières de café dans l’air. A la saleté et au bruit peuvent s’ajouter des cadences très rapides du fait de la mécanisation.

Après la mouture, les sacs de diverses matières et tailles sont remplis, puis emballés, généralement dans des cartons. Lorsqu’elles sont manuelles, ces opérations requièrent des mouvements répétitifs et très rapides des mains et des bras. Les cartons sont transportés dans les locaux de stockage, avant d’être acheminés vers leur destination finale.

La forte odeur caractéristique des fabriques de café est susceptible d’incommoder le personnel qui y travaille, tout comme la population du voisinage. Il n’a pas été établi si ce problème constitue un risque important pour la santé. Le parfum du café est dû à un mélange de substances. Des recherches sont en cours pour tenter d’identifier les effets individuels de ces composants chimiques. Certains constituants des poussières de café et certaines substances responsables de son odeur sont des allergènes connus.

Dans les établissements produisant le café soluble, les risques potentiels sont similaires à ceux rencontrés dans la fabrication du café traditionnel. S’y ajoutent, toutefois, des risques liés à la présence de vapeur chaude et à l’explosion des chaudières. Dans le cas du café décaféiné, l’élimination de la caféine, même si elle est automatisée, s’accompagne d’un risque d’exposition aux solvants.

Les autres dangers menaçant la santé des travailleurs sont communs à tout le secteur alimentaire: coupures dues aux couteaux servant à ouvrir les sacs, brûlures possibles au cours de la torréfaction et écrasements pouvant intervenir pendant la mouture, surtout lorsque les machines sont vétustes et dépourvues de protections automatiques. Les grandes quantités de poussières, les installations électriques peu sûres et le gaz utilisé pour chauffer les torréfacteurs peuvent être à l’origine d’un incendie ou d’une explosion.

L’industrie du café comporte d’autres risques, tels que la perte d’audition provoquée par l’excès de bruit, la contrainte thermique associée à la torréfaction, l’intoxication que peut entraîner l’inhalation de produits antiparasitaires et les troubles musculo-squelettiques, qui affectent surtout le dos des travailleurs appelés à soulever et à transporter des sacs lourds.

Dans l’ensemble de la fabrique de café, le personnel peut souffrir de troubles allergiques au niveau des yeux, de la peau ou de l’appareil respiratoire. Les poussières de café sont la cause de bronchites et d’altérations de la fonction pulmonaire. Rhinites et conjonctivites sont aussi fréquentes (Sekimpi et coll., 1996). On a également observé des réactions allergiques à des substances contaminantes transmises par des sacs ayant antérieurement contenu d’autres matières, comme des graines de ricin (Romano et coll., 1995).

Les opérations de conditionnement peuvent occasionner des microtraumatismes liés à la répétition d’un même geste à une cadence élevée, particulièrement chez les travailleurs non avertis du risque.

Dans les pays moins développés, les effets des risques professionnels se manifestent souvent très tôt par suite des mauvaises conditions de travail et de l’incidence d’autres facteurs, sociaux et sanitaires, sur l’apparition de maladies. Ces autres facteurs sont la faible rémunération des travailleurs, la difficulté d’accès aux soins médicaux, l’insalubrité de l’habitat et du système sanitaire, le bas niveau d’instruction, l’analphabétisme, les maladies endémiques et la malnutrition.

Les mesures préventives

La protection des machines, une bonne ventilation générale, pourvue de systèmes d’aspiration localisée, l’abaissement des niveaux sonores, l’ordre et la propreté, la diminution du poids des sacs, le remplacement des solvants par d’autres substances dans la production du café décaféiné, l’inspection régulière et l’entretien préventif des chaudières constituent quelques-unes des mesures qui garantissent un niveau satisfaisant d’hygiène et de sécurité dans les installations industrielles. Il est possible de limiter la nuisance olfactive par une modification des méthodes de torréfaction. Il est également possible de revoir l’organisation du travail afin d’éviter les microtraumatismes dus à des mouvements répétés grâce à un changement des postures de travail et des cadences, ainsi que par l’aménagement de pauses systématiques et, notamment, la pratique régulière de certains exercices.

Les examens de dépistage sanitaire périodiques devraient être axés sur l’évaluation de l’exposition aux herbicides et aux pesticides, des troubles vertébraux et des signes précoces de pathologie d’hypersollicitation. Bien qu’ils ne fassent pas l’unanimité sur leur totale fiabilité, les tests cutanés consistant à appliquer de l’extrait de café sur la peau préalablement scarifiée peuvent permettre d’identifier les sujets hypersensibles. Les tests d’exploration de la fonction respiratoire sont, quant à eux, de nature à aider à l’établissement d’un diagnostic précoce de l’obstruction respiratoire chronique.

L’éducation à la santé est l’un des principaux outils dont on dispose pour permettre aux travailleurs d’identifier les risques qui les menacent, pour cerner leurs conséquences et pour leur faire prendre conscience de leur droit à disposer d’une ambiance de travail saine.

L’Etat a le devoir d’intervenir à travers la législation et son application. Les chefs d’entreprise sont tenus d’y participer en offrant et en maintenant des conditions de travail satisfaisantes.

L’INDUSTRIE DU THÉ

Lou Piombino

La légende veut que le thé ait été découvert en Chine par l’empereur Shen-Nung, «le divin guérisseur». Ayant constaté l’effet bénéfique de l’eau bouillie sur la santé, le sage empereur ordonna à ses sujets de faire bouillir l’eau avant de la boire. Un jour, alors qu’un serviteur ajoutait des branches au feu, quelques feuilles de théier tombèrent par hasard dans l’eau frémissante. L’empereur apprécia l’arôme délicat et le goût délicieux du breuvage. Le thé était né.

De Chine, le thé se répandit dans toute l’Asie, devenant bientôt la boisson nationale de ce pays et aussi du Japon. L’Europe ne se familiarisa avec sa consommation qu’au XVIIe siècle. Peu après, le thé fut introduit en Amérique du Nord. Au tout début du XXe siècle, un grossiste de New York, Thomas Sullivan, décida de le conditionner dans des petits sacs de soie plutôt que dans des boîtes de fer. Les consommateurs commencèrent à faire infuser le thé directement dans le sac de soie plutôt que de l’en extraire. C’est ainsi que le sachet de thé vit le jour.

Le thé est la deuxième boisson au monde, après l’eau. Ses consommateurs ont le choix entre un grand nombre de produits: le thé soluble, les mélanges pour thé glacé, les thés spéciaux et les thés parfumés, les tisanes prêtes à consommer, le thé déthéiné et le thé en sachets. Le conditionnement des produits a considérablement évolué. Autrefois, la plupart des petites boutiques vendaient dans des boîtes individuelles le thé qui leur était livré en caisses de bois. Aujourd’hui, des chaînes de production rapides et sophistiquées traitent, emballent ou embouteillent, chaque heure, des milliers de kilogrammes de thés et de mélanges prêts à consommer.

Le processus de fabrication

Les sachets de thé renferment un assemblage de feuilles de thé découpées et desséchées provenant de diverses régions du monde. Le thé est généralement réceptionné dans des caisses en bois ou de grands sacs. Il est mélangé, puis dirigé vers les emballeuses qui le conditionnent dans des sachets individuels ou en vrac dans divers emballages. Le thé soluble, en poudre, est obtenu à partir d’une infusion de feuilles de thé découpées dans de l’eau chaude; ce concentré de thé liquide est ensuite soumis à une dessiccation qui donne une poudre fine. Versée dans des tambours, celle-ci est soit acheminée vers des chaînes de conditionnement pour y être mise dans des boîtes en fer ou des pots, soit mélangée à d’autres ingrédients tels que du sucre ou des édulcorants artificiels avant son conditionnement. L’ajout éventuel d’arômes — citrons ou autres fruits, par exemple — intervient à ce stade.

Les risques

Les opérations de mélangeage, de traitement et de conditionnement du thé sont, chacune, à l’origine d’un certain nombre de risques pour la sécurité et la santé. Ces risques, tels que le manque de protection des machines, le bruit, les glissades, les chutes et les lésions causées par le port de charges lourdes, se rencontrent communément dans l’industrie des boissons. En revanche, d’autres dangers, comme ceux associés aux poussières dans les locaux de mélangeage et de conditionnement, sont généralement absents des opérations de soutirage, en bouteilles et en canettes, qui se font dans un contexte éminemment humide.

Les risques mécaniques

Les machines et les équipements utilisés pour le mélangeage et le conditionnement du thé exposent les travailleurs à des chaînes et des pignons d’entraînement, des courroies et des poulies, des arbres et autres outillages rotatifs, ainsi qu’à des chaînes de conditionnement à cadence élevée, tous matériels dangereux en raison des nombreux risques de pincement qu’ils présentent. La plupart des lésions consistent en des lacérations et des contusions des doigts, des mains ou des bras. Il est essentiel de protéger ces équipements pour éviter que les travailleurs ne soient happés dans, sous ou entre des pièces mobiles. Des protections ou des interverrouillages devraient être installés pour préserver ceux-ci des éléments mobiles qui constituent une menace potentielle. Lorsqu’un protecteur est déplacé, par exemple lors de la maintenance, le matériel devrait être mis hors tension. L’entretien et les réparations ne devraient être effectués qu’après application de procédures adéquates d’interdiction d’accès par verrouillage et affichage.

Les risques liés aux poussières

C’est surtout au stade du mélangeage et du conditionnement que des poussières de thé se dégagent dans l’atmosphère, bien qu’on en trouve aussi de fortes concentrations pendant les opérations de nettoyage ou de vidange. D’une granulométrie supérieure à 10 µm, ces poussières sont considérées comme peu délétères. Elles sont peu nocives pour les poumons et n’occasionnent en principe ni troubles organiques importants ni effets toxiques si les travailleurs y sont exposés dans des limites raisonnables. Toutefois, une concentration excessive de poussières dans l’atmosphère de l’atelier peut provoquer des dépôts gênants dans les yeux, les oreilles et les voies nasales. Les particules inhalées peuvent être retenues dans les zones nasale et pharyngienne jusqu’à ce qu’elles en soient expulsées naturellement, par exemple par la toux ou l’éternuement.

D’une granulométrie inférieure à 10 µm, les poussières respirables sont, en revanche, assez petites pour franchir les barrières nasale et pharyngienne et pénétrer dans les voies aériennes inférieures. Une fois dans les poumons, elles peuvent se loger dans les alvéoles où du tissu cicatriciel peut se former. Ces particules respirables peuvent constituer un irritant respiratoire, particulièrement chez les sujets asthmatiques. Des dispositifs d’étanchéité et des fermetures efficaces contribuent à en limiter la concentration.

Une ventilation par extraction et d’autres systèmes de lutte contre les poussières doivent être installés afin de maintenir la concentration à un niveau inférieur à la limite généralement autorisée (10 mg/m3 d’air) ou à celle relevant de la réglementation nationale. Des masques doivent être portés par les travailleurs qui sont très sensibles aux poussières ou qui se trouvent, à un moment ou à un autre, exposés à de fortes concentrations de poussières. Les personnes souffrant de bronchite chronique ou d’asthme sont les plus menacées. Il convient de proposer une autre affectation aux travailleurs hypersensibles exposés aux poussières de thé.

Les informations dont on dispose sur les explosions réellement dues aux poussières de thé sont rares. Pour autant, les tests montrent que ce risque est relativement faible. Il est maximal dans les réservoirs de stockage et les collecteurs de poussières, là où la concentration et la taille des particules sont les plus élevées. Une réduction de la concentration de poussières dans un local, ou au cours d’un travail, peut limiter le risque d’explosion. Certaines opérations peuvent aussi exiger des équipements électriques spécialement conçus pour les atmosphères explosibles.

Le thé et les poussières de thé ne s’enflamment pas systématiquement à la suite d’une explosion, mais si du thé prend feu, presque toujours de grandes quantités brûlent sans flamme. On peut alors pulvériser de l’eau, abondamment et en fin brouillard, pour ramener le thé au-dessous de sa température d’ignition.

Le bruit

Comme dans la plupart des chaînes de conditionnement à cadence rapide, le bruit est souvent important dans l’industrie du thé. Il provient des vibrations des malaxeurs, des machines de conditionnement, notamment celles à air comprimé, des convoyeurs pneumatiques, des collecteurs de poussières et des machines à découper les cartons. Au voisinage de ces équipements, les niveaux sonores varient de 85 à 90 dBA et plus. L’exposition au bruit peut se traduire par une perte irréversible d’audition dont la gravité est fonction du niveau sonore en milieu de travail, de la durée de l’exposition et de la sensibilité individuelle. On trouve dans le chapitre no 47, «Le bruit», de la présente Encyclopédie des informations sur les programmes de lutte contre les niveaux sonores excessifs et de protection de l’audition.

Les risques chimiques

La majeure partie des opérations de production et de conditionnement n’expose pas les travailleurs à des produits chimiques dangereux, au contraire de celles de nettoyage et d’entretien sanitaire du matériel. Certains de ces produits sont acheminés en vrac par des conduites fixes. D’autres, qui sont des mélanges prêts à l’emploi, sont appliqués à la main. L’exposition à ces produits peut entraîner des troubles respiratoires, des dermatoses ou des irritations cutanées, ainsi que des brûlures de la peau. La manipulation de produits chimiques de nettoyage peut aussi causer des brûlures oculaires graves pouvant aller jusqu’à la cécité. Il est essentiel d’évaluer précisément les risques que comportent ces produits. La sélection judicieuse et le port d’un équipement de protection individuelle devraient faire partie de la procédure de routine. L’équipement de protection individuelle recommandé comporte des lunettes antiprojections ou un écran facial, des gants résistant aux produits chimiques, un tablier, des bottes et un masque filtrant. Des postes d’urgence de lavage des yeux et des douches devraient être installés là où des produits chimiques dangereux sont stockés, mélangés ou mis en œuvre.

La manutention

Le thé, en sacs ou en caisses en bois, arrive sur des palettes. Il est stocké dans des entrepôts avant d’être mélangé et conditionné. Sacs et caisses sont déplacés manuellement ou à l’aide de dispositifs de manutention tels que les chariots élévateurs ou les bras de chargement à ventouse. Une fois le mélange effectué, le thé est dirigé vers des trémies pour être conditionné. Les opérations de conditionnement varient selon qu’elles sont effectuées par un matériel hautement automatisé ou à la main, auquel cas elles nécessitent une main-d’œuvre importante (voir figure 65.6). Les lésions lombaires liées au soulèvement de charges sont fréquentes lorsque le poids des sacs excède 45,5 kg. Le caractère répétitif des mouvements sur la chaîne d’emballage peut être à l’origine de microtraumatismes du poignet, du bras ou de l’épaule.

Figure 65.6 Conditionnement du thé à l'usine de thé et de café Brooke Bond à
Dar es-Salaam, République-Unie de Tanzanie

Figure 65.6

Les dispositifs mécaniques comme les bras de chargement à ventouse permettent de limiter le nombre de tâches faisant intervenir de lourdes charges. Le fait de confier de telles tâches à deux travailleurs plutôt qu’à un seul contribue également à limiter le risque de lésion lombaire grave. Un aménagement plus ergonomique des postes de travail ou une automatisation des installations de conditionnement peuvent réduire les tâches répétitives et les risques qui en découlent. S’il est affecté, en alternance, à des tâches légères, le travailleur encourt moins ce type de risques.

Certains travailleurs portent aussi des ceintures lombaires ou des poignets de soutien pour lever des poids ou se protéger lorsqu’ils ont des affections mineures. Cependant, loin d’être efficaces, ces dispositifs se sont parfois révélés dangereux.

Dans les entrepôts, la plupart des opérations se font avec des chariots élévateurs à fourche. La conduite à une vitesse trop élevée, la prise de virages serrés, le maintien de la fourche en position haute pendant le déplacement du véhicule, le manque d’attention accordée aux piétons, voire le refus de leur céder le passage, ainsi que les accidents de chargement ou de déchargement constituent les principales causes des lésions provoquées ou subies par les conducteurs. Seul un personnel formé et compétent devrait être autorisé à conduire ces véhicules. La formation devrait comprendre un enseignement théorique classique assorti d’un examen de conduite au cours duquel les opérateurs peuvent démontrer leurs capacités techniques. De plus, un entretien scrupuleux et des inspections quotidiennes des chariots avant chaque utilisation sont de nature à favoriser la sécurité.

Les glissades, les trébuchements et les chutes

Les glissades, trébuchements et chutes sont fréquents. Lors des opérations de mélangeage à sec et de conditionnement, la fine poussière de thé s’accumule sur les voies de circulation et dans les aires de travail. D’où l’importance de l’entretien. Le sol devrait être régulièrement débarrassé de la poussière de thé et les débris et autres déchets devraient être immédiatement ramassés. Les chaussures antidérapantes à semelle de caoutchouc semblent offrir la meilleure adhérence. Les zones où s’effectuent les opérations par voie humide présentent également des risques de glissades et de chutes. Le sol doit être maintenu aussi sec que possible. Il est dont impératif qu’il soit bien drainé. L’eau ne devant pas s’accumuler, toute eau stagnante devrait être entraînée vers des évacuations aménagées dans le sol.

L’exposition à des températures élevées

Les installations de traitement du thé, l’eau chaude et la vapeur dont on se sert à cette étape peuvent provoquer de graves brûlures, surtout aux mains, aux bras et au visage. L’eau chaude servant au nettoyage ou au lavage peut également causer des brûlures aux pieds et aux jambes.

Sur les chaînes de conditionnement, les opérations de scellage à chaud et de collage peuvent aussi occasionner ce même type d’accident. Aussi est-il important de s’assurer que les machines sont équipées de protections en leurs points dangereux. Une juste évaluation des risques, un choix réfléchi de l’équipement de protection individuelle et son utilisation contribuent à réduire, voire à écarter totalement les risques de brûlures, en évitant au personnel d’être exposé à des températures élevées. La mise en œuvre de procédures d’arrêt et de verrouillage des conduites peut protéger les travailleurs d’une fuite accidentelle de liquide bouillant ou de vapeur.

Les pratiques de sécurité

Un programme général de sécurité doit être intégré au déroulement du travail. Il doit porter, notamment, sur l’utilisation et la sélection de l’équipement de protection individuelle, l’entrée dans les espaces confinés, la neutralisation des sources d’énergie, l’identification des produits chimiques dangereux et l’information s’y rapportant, la gestion des matières contaminées, ainsi que sur les programmes d’auto-inspection, de protection de l’audition, de gestion des procédés et d’intervention d’urgence. La formation du personnel à des pratiques de travail sûres peut largement contribuer à réduire les risques d’accidents et de lésions.

L’INDUSTRIE DES SPIRITUEUX

R.G. Aldi et Rita Seguin

Les spiritueux sont obtenus par distillation de diverses matières tels le moût fermenté de grains de céréales, un jus de fruits fermenté, le jus de la canne à sucre, la mélasse, le miel ou le suc de l’agave. La fermentation en vue de la production de vin et de bière remonte au VIe millénaire avant J.-C. En revanche, l’histoire de la distillation est bien plus récente. Ses origines demeurent mystérieuses, mais on sait qu’elle était connue des alchimistes et que son usage s’est répandu aux XIIIe et XIVe siècles. A ses débuts, elle fut pratiquée à des fins essentiellement pharmaceutiques.

Le processus de fabrication

Les boissons alcooliques se répartissent en deux groupes, selon leur mode de fabrication: les boissons fermentées, comme le vin et la bière, et les boissons issues de la distillation, comme le whisky et le cognac. Les liqueurs sont généralement fabriquées à partir d’un mélange de jus ou d’extraits de fruits, de noix ou d’autres ingrédients. Le vin et la bière font l’objet d’articles distincts dans ce chapitre.

La production des spiritueux comporte plusieurs étapes, dont la réception des céréales, la mouture, la cuisson, la fermentation, la distillation, le stockage, l’assemblage et l’embouteillage (voir figure 65.7).

Figure 65.7 Diagramme de production des spritueux

Figure 65.7

A leur arrivée dans le silo, les céréales sont pesées, puis versées dans des contenants appropriés. La mouture consiste à broyer les grains requis par la formule de brassage, c’est-à-dire la recette permettant le démarrage de la fermentation. La farine est versée dans les cuves-matière, où se trouvent de l’eau et de l’ammoniaque à un pH (acidité) et à une température déterminés. L’amidon est libéré et rendu soluble par cuisson dans un jet de vapeur. L’addition d’enzymes divise les molécules d’amidon en particules plus petites, ce qui a pour effet de réduire la viscosité du moût. Celui-ci est alors refroidi à la température exigée par la fermentation.

L’objet de la fermentation est de transformer les sucres en alcool et en dioxyde de carbone sous l’action de la levure. Les cuves de fermentation sont refroidies de façon que la température y soit optimale pour la levure, puisque les réactions qui s’y produisent sont exothermiques. L’hygiène est essentielle: les ferments biologiques sont en concurrence constante avec des bactéries indésirables, susceptibles d’affecter désagréablement le goût du produit.

Le mode de distillation varie selon les alcools. Les alambics à chauffe directe («pot stills») sont traditionnellement utilisés pour les produits affichant une «personnalité» particulière, comme le cognac et le whisky écossais. De leur côté, les alambics à colonne interviennent généralement dans la fabrication d’alcools de grain au goût plus neutre, qui sont commercialisés tels quels ou servent pour le coupage et l’assemblage.

La récupération des sous-produits occupe une place très importante dans l’activité d’une distillerie moderne. Les résidus insolubles du malt (fermentés et désalcoolisés) sont riches en protéines, vitamines, fibres et lipides. De ce fait, ils constituent un excellent complément alimentaire pour les animaux. Pour leur recyclage, on procède le plus souvent à leur centrifugation, évaporation, séchage et malaxage.

Les whiskys, les eaux-de-vie de vin et les rhums vieillissent — on dit qu’ils «mûrissent» — dans des fûts de chêne dont la paroi interne a subi un brûlage. Le vieillissement dure plusieurs années et confère aux produits ses caractéristiques. Avant d’être proposés aux consommateurs, ils doivent encore subir un assemblage et une filtration. Ils sont ensuite conditionnés.

Le local d’embouteillage est séparé du reste de l’installation, afin d’éviter toute contamination éventuelle. Fortement automatisé, l’embouteillage doit faire l’objet de contrôles constants. Les bouteilles vides sont dirigées vers les embouteilleuses par des bandes transporteuses.

Le conditionnement est l’ultime phase avant l’entreposage. S’il est aujourd’hui automatisé, il comporte encore un certain nombre d’opérations manuelles, liées à la taille de la bouteille et au type d’emballage. Le produit conditionné pénètre ensuite dans un palettiseur qui empile automatiquement les cartons sur des palettes, lesquelles sont acheminées par des chariots élévateurs vers les entrepôts de stockage.

La sécurité et la santé

Les installations où sont traitées les céréales sont essentiellement menacées par les incendies et les explosions en raison de la présence de poussières de grain. Si leur concentration dépasse un certain niveau, elles peuvent, en effet, déclencher une explosion, et seul un bon entretien des locaux est de nature à réduire ce risque. S’ils sont humides ou stockés longtemps, certains grains dégagent de la chaleur et présentent un risque d’incendie auquel on peut remédier en les transvasant de cuve en cuve ou en ne les livrant qu’au moment de leur utilisation (gestion à flux tendus).

Les dégagements de vapeurs et de gaz au cours de toutes les étapes de la fabrication des alcools sont à surveiller. Pendant la fermentation, les gaz réfrigérants peuvent causer des intoxications ou des explosions. Une ventilation adéquate, une maintenance rigoureuse et l’utilisation d’équipements parfaitement sûrs comme les outils pneumatiques s’imposent donc. Les risques d’asphyxie due aux vapeurs d’alcool et au dioxyde de carbone libérés pendant la fermentation sont particulièrement importants, surtout lors du transport et du transvasement des liquides, ainsi que dans les espaces confinés où la ventilation est insuffisante. Les travailleurs doivent porter des appareils de protection respiratoire dans ce dernier cas. Les emballages de ces appareils informent des risques liés à la pénétration dans les espaces confinés — ce sujet est traité dans un autre chapitre de l’Encyclopédie.

Des matières dangereuses comme le varsol (essence minérale), des substances caustiques, des acides et de nombreux autres solvants et produits de nettoyage sont utilisés tout au long des opérations de production. Aussi le personnel doit-il être formé à manipuler ces produits en toute sécurité. Le rapport annuel d’un système d’information sur les matières dangereuses utilisées au travail, tel le SIMDUT canadien, permet une formation continue de ce type. On doit apprendre aux travailleurs à consulter les fiches de données de sécurité sur les substances qu’ils sont appelés à manipuler. Ces fiches, disponibles chez les fournisseurs, renseignent notamment sur la composition du produit dangereux et les risques qu’il présente pour la santé, sur les mesures d’urgence à prendre et les premiers soins à prodiguer. Tout travailleur exposé ou susceptible d’être exposé à une substance dangereuse doit être formé; un rapport annuel sur la manipulation des matières dangereuses doit lui être fourni. Dans de nombreux pays, les fiches de données de sécurité sont obligatoirement mises à la disposition du personnel sur le lieu même de l’emploi des matières contrôlées et sont accessibles à tous. Outre la formation des travailleurs, il est impératif de prévoir, dans toute la fabrique, des postes de lavage des yeux, des douches et des postes de premiers secours afin de limiter au minimum les lésions corporelles que les travailleurs peuvent subir en étant exposés accidentellement à un produit chimique dangereux.

Les chariots élévateurs sont utilisés pour de nombreuses opérations, mais surtout pour le transport des fûts de vieillissement et la manipulation des produits finis. Il convient d’établir un programme préventif de maintenance des chariots élévateurs, ainsi qu’un programme de sécurité qui permette de s’assurer que tous les conducteurs connaissent les principes d’une manipulation sécuritaire de ces engins. De plus, ces opérateurs doivent tous détenir un permis leur en autorisant la conduite.

Les risques professionnels liés à l’embouteillage sont similaires à ceux rencontrés dans la plupart des ateliers d’embouteillage. Les microtraumatismes répétés, comme les tendinites et le syndrome du canal carpien, sont les plus fréquents. Ils résultent du caractère répétitif des travaux d’étiquetage et d’emballage des bouteilles. Toutefois, ce type de lésion a régressé, ce qui s’explique, semble-t-il, par le progrès technique, grâce auquel les tâches sont moins difficiles, notamment en raison de l’automatisation du conditionnement et de l’emploi d’équipements informatisés.

L’équipement de protection individuelle est couramment utilisé pour toutes les opérations d’embouteillage. Il est obligatoire que le personnel de cet atelier porte des lunettes protectrices, voire des casques antibruit s’il est exposé à des niveaux sonores élevés. Il faut aussi que l’entreprise impose le port de chaussures à embout en acier. Si un risque ne peut être éliminé à sa source (par un changement technologique) ou au cours du processus (au moyen de dispositifs de sécurité), un équipement de protection individuelle doit être prévu.

Nombre de méthodes éprouvées assurent un environnement professionnel exempt de risques. Toute entreprise doit avoir une politique de sécurité et de santé qu’elle doit faire connaître par le biais d’un manuel de sécurité fixant les procédures à mettre en œuvre. Des inspections mensuelles des installations permettent aussi d’éviter les risques et de minimiser les lésions. L’information du personnel sur les consignes de sécurité à suivre est l’un des éléments clés d’un programme de sécurité efficace.

L’INDUSTRIE DU VIN

Alvaro Durão*

* Adapté de la 3e édition de l'Encyclopaedia of Occupational Health and Safety.

Le vin est obtenu à partir du raisin. Après le foulage du raisin mûr, le moût obtenu est soumis à une fermentation naturelle, totale ou partielle, qui le change en vin. Au cours de cette fermentation, qui est d’abord rapide et turbulente, avant de s’apaiser peu à peu, le sucre se transforme en alcool et en dioxyde de carbone. De nombreux composants des raisins se retrouvent dans le vin. Les différentes phases de la production du vin sont la vinification, le stockage et l’embouteillage.

La vinification

La vinification couvre un certain nombre d’opérations qui varient selon les méthodes pratiquées, celles-ci allant de la production artisanale traditionnelle, au sein de l’exploitation, à la fabrication industrielle moderne. La méthode classique suivant laquelle les vendangeurs foulent aux pieds, la nuit, les raisins qu’ils ont récoltés dans la journée se fait rare de nos jours. Le vin est aujourd’hui produit dans des installations appartenant à des groupements de viticulteurs ou à des entreprises commerciales. Les techniques de fabrication assurent une plus grande stabilité au type de vin produit et permettent de limiter les pertes, notamment celles inhérentes à l’acidification qui fait tourner le vin en vinaigre.

A leur arrivée dans les caves, les raisins sont écrasés dans des pressoirs classiques ou dans de grands appareils, tels que le fouloir centrifuge, le fouloir à cylindre ou d’autres machines comportant des éléments en rotation. Pendant tout ce processus, au cours duquel d’importantes quantités de moût sont traitées, les risques mécaniques et le bruit sont omniprésents. Le magma de raisins écrasés est ensuite dirigé, par pompage ou par un autre moyen, vers de vastes cuves où il est pressé pour séparer le moût des rafles et des peaux. Puis le moût est placé dans les cuves de fermentation. Une fois la fermentation achevée, le vin est soutiré et écoulé dans des cuves ou des réservoirs de stockage. Les corps étrangers et les impuretés sont éliminés par filtration. Dans certains pays, comme les Etats-Unis, le filtre à amiante a été remplacé par un filtre à diatomées. Les grosses impuretés peuvent être rejetées par centrifugation.

La qualité du vin peut être améliorée par une réfrigération dans des appareils à flux continu et des cuves de refroidissement à double paroi. Tout au long de ces opérations, il ne faut pas perdre de vue le danger que représente l’exposition aux vapeurs et aux gaz libérés aux différents stades de la production, notamment pendant l’égrappage et la fermentation, ainsi que lors de l’emploi de désinfectants et d’autres produits qui garantissent l’asepsie et la qualité du vin. Les gaz réfrigérants, tel l’ammoniac, comportent des risques d’intoxication et d’explosion. Une ventilation adéquate et un entretien rigoureux sont essentiels pour prévenir les fuites. Une détection automatique des fuites et un équipement de protection respiratoire, fréquemment testé, doivent être disponibles en cas d’urgence. Par ailleurs, le personnel doit faire face aux risques habituels qu’impliquent les sols mouillés et glissants, le désordre propre au travail saisonnier et la mauvaise qualité de l’éclairage et de la ventilation (les locaux de vinification sont aussi souvent utilisés pour le stockage et, de ce fait, sont conçus pour entretenir une température uniforme, relativement basse).

Au cours de la fermentation, les risques d’asphyxie par les vapeurs d’alcool et par le dioxyde de carbone sont particulièrement importants, surtout lorsque les jus sont transportés et versés dans des cuves ou des espaces confinés insuffisamment aérés.

D’autres substances nocives sont utilisées au cours de la vinification. Le métabisulfite en solution concentrée est un irritant de la peau et des muqueuses. Considéré comme non toxique, l’acide tartrique peut être légèrement irritant à de très fortes concentrations. Le dioxyde de soufre provoque une irritation intense des yeux et des voies respiratoires. Les tanins peuvent dessécher la peau et causer sa dépigmentation. L’emploi de désinfectants et de détergents pour le lavage des cuves de stockage est à l’origine de dermatoses. Le bitartrate de potassium, l’acide ascorbique, les enzymes protéolytiques, etc., qui entrent parfois dans la fabrication des boissons alcooliques, peuvent déclencher des diarrhées ou des réactions allergiques.

La modernisation des méthodes de production suppose l’octroi éventuel d’une assistance au personnel pour lui permettre de s’adapter. Les grandes caves de production devraient prendre en compte les critères ergonomiques pour le choix de leur équipement. Les fouloirs et les pressoirs devraient être d’un accès aisé, de façon à faciliter le versement des raisins et des résidus. Dans la mesure du possible, il est recommandé d’installer des pompes appropriées, faciles à inspecter et solidement ancrées dans le sol, qui n’obstruent pas le passage, ne sont pas trop bruyantes et ne vibrent pas.

L’organisation générale de la cave de production doit permettre d’éviter tout risque inutile et empêcher qu’un danger ne menace d’autres parties de l’établissement. La ventilation doit être conforme aux normes. Un contrôle de la température peut s’avérer nécessaire. Les compresseurs, les condenseurs, les équipements électriques, etc., ne devraient présenter aucun danger. Du fait de la présence d’une certaine humidité lors de plusieurs opérations, une protection des équipements électriques est indispensable. Là où la chose est possible, les basses tensions devraient être utilisées, surtout dans le cas des appareils portatifs et des lampes d’inspection. Des disjoncteurs différentiels seront installés, si nécessaire. Les équipements électriques se trouvant à proximité des installations de distillation devraient être ignifugés.

Les cuves en bois sont de moins en moins courantes, bien qu’elles subsistent encore parfois dans les caves pratiquant une production artisanale, au sein de l’exploitation. Dans les installations modernes, pour des raisons d’hygiène et de contrôle, les cuves sont en acier vitrifié ou en acier inoxydable. Le ciment et, parfois, le plastique sont également utilisés. Elles doivent avoir des dimensions réglementaires et être assez résistantes pour permettre la fermentation et le soutirage (jusqu’au fond de la cuve), pour contenir les volumes stockés aussi longtemps que nécessaire et pour faciliter un transfert de contenus, si cela s’impose. Le nettoyage des cuves entraîne des risques particulièrement importants. Aussi un programme concernant l’intervention dans les espaces confinés doit-il être mis en œuvre. Les gaz doivent être évacués par des ventilateurs mobiles avant que quiconque ne pénètre dans ces endroits. Tout travailleur appelé à y entrer doit être équipé de baudriers, de cordes et d’un équipement de protection individuelle. A l’extérieur, une personne qualifiée doit le surveiller pour lui porter secours en cas de besoin. Pour plus d’information, se reporter à l’encadré intitulé «Les risques liés à l’entrée dans les espaces confinés, dans l’industrie des boissons».

Le stockage du vin

Le stockage comporte à la fois la conservation de grands volumes de liquide et un certain nombre d’activités, telles que le nettoyage et la désinfection des cuves ou des fûts, leur entretien et leur conservation, l’addition de dioxyde de soufre, d’acide ascorbique, d’acide tartrique, de gaz inertes, de tanins et d’albumine, ainsi que d’autres activités comme le mélangeage, le collage, la filtration et la centrifugation. Certains traitements des vins font intervenir la chaleur ou le froid pour détruire levures et bactéries. D’autres mettent en œuvre du carbone ou d’autres produits désodorisants, du dioxyde de carbone (CO2), etc. Un exemple de ce type d’installation est le système de réfrigération instantanée, qui stabilise les vins à une température proche du point de congélation. Ce procédé facilite l’élimination des colloïdes, micro-organismes et autres substances, tel le bitartrate de potassium, qui crée un dépôt dans les bouteilles. Il est évident que ces installations présentent des risques qui n’existaient pas autrefois à ce stade du stockage. Leur prévention repose essentiellement sur une conception ergonomique du processus et sur une bonne maintenance.

L’embouteillage

Le vin est généralement commercialisé en bouteilles de verre d’une contenance de 1 litre, 80 cl, 75 cl ou 30 cl. Des bonbonnes en verre de 5 litres sont parfois utilisées. Les contenants en plastique sont moins courants. Dans les ateliers d’embouteillage, les bouteilles sont successivement lavées, remplies, bouchées et étiquetées. Les bandes transporteuses y sont largement répandues.

Les risques relevant de l’embouteillage viennent surtout de la manipulation du verre. Ils varient selon que les bouteilles destinées au lavage sont neuves ou recyclées. Ils dépendent aussi des produits utilisés (eau et détergents) et des techniques mises en œuvre (lavage à la main ou mécanique, voire une combinaison des deux). Ils sont déterminés par la forme de la bouteille, la méthode de remplissage (manuelle ou sophistiquée, avec addition de dioxyde de carbone), le procédé de bouchage, la complexité du système d’empilement ou d’emballage dans des cartons ou des caisses après l’étiquetage, et enfin par les dernières opérations effectuées.

Les risques sont ceux généralement associés au remplissage de contenants avec des liquides. Les mains sont constamment humides. Si les bouteilles se brisent, la projection de débris de verre et de liquide peut entraîner des blessures corporelles. La mécanisation de l’installation peut supprimer, tout au moins partiellement, l’effort physique nécessaire au transport des cartons de bouteilles — le plus souvent, elles y sont contenues par douze. Voir l’article «Le conditionnement en bouteilles et en boîtes des boissons sans alcool».

Remerciements: l’auteur tient à remercier la Junta Nacional dos Vinhos (Lisbonne) pour son aide sur l’aspect technique.

LA BRASSERIE

J.F. Eustace*

* Adapté de la 3e édition de l'Encyclopaedia of Occupational Health and Safety.

La brasserie est l’une des plus vieilles industries: les anciens buvaient déjà diverses sortes de bières et les Romains introduisirent cette boisson dans toutes leurs colonies. De nos jours, la bière est brassée et consommée dans la plupart des pays, notamment en Europe et dans les contrées où se sont établis des Européens.

Le processus de fabrication

La bière est généralement fabriquée avec de l’orge, mais elle peut l’être aussi à partir de seigle, de maïs, de riz ou de farine d’avoine. En premier lieu, le grain est malté par germination contrôlée ou artificiellement. Le maltage désagrège les glucides en dextrine, puis en maltose. Ces sucres sont extraits du grain grâce à l’hydratation du malt dans une cuve de brassage, puis par passage dans une cuve-filtre. Le jus sucré obtenu, que l’on appelle moût, est ensuite porté à ébullition dans des brassins de cuivre, avec du houblon, lequel confère à la bière son amertume et contribue à sa conservation. Le moût est ensuite refroidi et filtré dans des cuves de fermentation, où la levure lui est ajoutée — c’est la mise en levain. La transformation du sucre en alcool s’effectue alors (pour de plus amples informations sur la fermentation, voir le chapitre no 79, «L’industrie pharmaceutique», de la présente Encyclopédie ). La bière est ensuite refroidie à 0 °C et filtrée par centrifugeuse. Elle peut, dès lors, être soutirée en fûts, en bouteilles ou en boîtes d’aluminium.

La figure 65.8 décrit schématiquement les principales étapes du brassage de la bière.

Figure 65.8 Etapes du brassage

Figure 65.8

Les risques et leur prévention

La manutention manuelle

La manutention manuelle est responsable de la plupart des accidents dans les brasseries. Les cerclages de fûts ébréchés, les échardes de bois et les éclats de verre sont à l’origine de contusions, de coupures ou de perforations aux mains. Les fûts qui tombent ou roulent provoquent des contusions aux pieds, voire leur écrasement. Le port de gants et de chaussures de protection adéquats contribuent largement à prévenir ces accidents. Une automatisation plus poussée et l’uniformisation des fûts (par exemple, à 50 litres) permettent de restreindre les risques liés à leur soulèvement. La formation du personnel aux techniques de levage peut considérablement réduire le nombre de lombalgies causées par le soulèvement et le port de fûts ou autres charges. En outre, la manutention mécanique par palettes favorise la diminution de ces problèmes de nature ergonomique. Les chutes sur des surfaces mouillées et glissantes sont fréquentes. Les chaussures et les sols antidérapants, ainsi qu’un nettoyage régulier, constituent les meilleures précautions.

La manipulation des grains peut provoquer le «prurit de l’orge», dû à un acarien qui parasite le grain. La maladie des travailleurs du malt, parfois appelée «fièvre du malt», se rencontre aussi chez les personnes qui manipulent le grain. Il s’agit d’une réaction allergique au charançon du blé (Sitophilus granarius) . Les travailleurs dont les mains sont en contact avec du houblon peuvent contracter une dermatose consécutive à la pénétration d’huiles essentielles résineuses à travers la peau excoriée ou gercée. Pour prévenir ces affections, il convient, notamment, d’installer des sanitaires corrects et un système de ventilation efficace dans les ateliers, mais aussi d’organiser une surveillance médicale du personnel.

Lorsque l’orge est maltée selon la méthode classique, qui consiste à tremper les grains dans l’eau, puis à les étaler sur des aires appropriées pour leur germination, il arrive qu’elle soit contaminée par un parasite, Aspergillus clavatus , qui s’y développe et forme des spores. Ces spores peuvent être inhalés, lors du retournement de l’orge, pratiqué pour éviter l’enracinement des pousses, ou lors de son transfert dans les tourailles. En résultent des alvéolites allergiques extrinsèques, dont les symptômes ne se distinguent guère de ceux du poumon de fermier. Chez un sujet sensibilisé, l’inhalation est suivie d’une élévation de sa température interne et d’une gêne respiratoire. Une baisse de la fonction pulmonaire et du facteur de transfert du monoxyde de carbone est également observée.

Une étude effectuée dans deux brasseries au Portugal sur l’exposition aux poussières organiques à forte teneur en endotoxines a révélé que 18% des travailleurs présentaient un syndrome d’intoxication par ces poussières organiques, affection qui se distingue de l’alvéolite ou de la pneumopathie par hypersensibilité. De plus, 39% des travailleurs souffraient d’une irritation des muqueuses (Carvalheiro et coll., 1994).

Dans une population exposée, la fréquence de la maladie est d’environ 5% et, en cas d’exposition continue, on observe une insuffisance respiratoire grave. Depuis l’introduction de l’automatisation en malterie, les travailleurs ne sont plus en butte à ce risque, et la maladie a, pour ainsi dire, été éliminée.

Les machines

L’entrée des silos de stockage du malt exige d’être protégée. Des consignes doivent être données au personnel à ce sujet, comme le précise l’encadré intitulé «Les risques liés à l’entrée dans les espaces confinés, dans l’industrie des boissons». La chaîne automatisée est très utilisée dans les ateliers d’embouteillage. La mise en place de protections adaptées peut éviter le danger que présente le mécanisme d’entraînement entre les courroies et les tambours. Un système efficace d’interdiction d’accès par verrouillage et affichage est nécessaire pendant les opérations d’entretien et les réparations. Si des allées de circulation traversent ou dominent la chaîne, il convient de prévoir de nombreux boutons d’arrêt. Lors du remplissage, l’éclatement de bouteilles peut occasionner de très graves blessures. Une protection des machines par des dispositifs adéquats et la fourniture aux travailleurs de masques, de gants, de tabliers caoutchoutés ainsi que de bottes antidérapantes permettent de prévenir de tels accidents.

L’électricité

En raison de l’humidité ambiante, les installations et l’équipement électriques requièrent une protection spécifique. Tel est notamment le cas du matériel mobile. Des disjoncteurs différentiels seront installés là où la chose est nécessaire. Dans la mesure du possible, on aura recours à la basse tension, surtout pour les lampes portatives d’inspection. Un usage considérable étant fait de la vapeur, il est fréquent que des travailleurs soient brûlés ou ébouillantés. Les conduites seront donc isolées et protégées, tandis que des dispositifs de verrouillage des vannes éviteront toute fuite accidentelle de vapeur.

Le dioxyde de carbone

Le dioxyde de carbone (CO2) qui se forme au cours de la fermentation reste présent dans les cuves, tout comme dans les citernes et autres contenants ayant renfermé de la bière. A la concentration de 10%, son inhalation, si courte soit-elle, provoque une perte de connaissance, l’asphyxie, voire la mort. Ce gaz étant plus lourd que l’air, il est indispensable que toutes les salles de fermentation à cuves ouvertes soient dotées d’une ventilation efficace, à extraction basse. D’autre part, puisqu’il n’est pas perceptible, il est impératif qu’une alarme se déclenche instantanément en cas de panne de la ventilation. Le nettoyage des espaces confinés présente de sérieux risques: les émanations de gaz doivent être dissipées par des ventilateurs mobiles avant que les travailleurs ne soient admis à y pénétrer. Ceux-ci doivent, par ailleurs, disposer de baudriers, de cordes et d’un équipement de protection respiratoire, autonome ou à adduction d’air. L’un d’eux sera préposé à la surveillance, à l’extérieur, afin de porter secours en cas d’urgence.

L’intoxication par le gaz

Une intoxication peut se produire lors de l’application, sur les parois des cuves, d’un revêtement protecteur contenant des substances toxiques telles que le trichloroéthylène. Il convient alors de prendre les mêmes précautions que pour le dioxyde de carbone (voir ci-dessus).

Les gaz réfrigérants

Le refroidissement permet d’amener le moût chaud à la température de fermentation; il intervient aussi avant la garde. Une fuite accidentelle de fluide réfrigérant peut être très toxique ou irritante. On utilisait autrefois du chlorométhane, du bromométhane, du dioxyde de soufre ou de l’ammoniac. C’est aujourd’hui ce dernier qui est le plus couramment employé. Une ventilation satisfaisante et un entretien vigilant éliminent la plupart des risques. Il est néanmoins opportun de prévoir, pour les cas d’urgence, des détecteurs de fuite et des appareils de respiration autonome, que l’on aura soin de tester fréquemment. Des précautions contre les risques d’explosion s’imposent également. Pour cela, on optera, entre autres, pour des installations électriques antidéflagrantes et on éliminera les flammes nues.

Le travail à la chaleur

Lors de certaines opérations comme le nettoyage des cuves-matière, les travailleurs effectuent des travaux lourds dans une atmosphère chaude et humide. Crampes et coups de chaleur ne sont pas rares, surtout chez les nouveaux venus. Une ingestion accrue de sel, des temps de pause appropriés et l’utilisation des douches mises à disposition permettent d’éviter ces troubles. Une surveillance médicale doit être assurée pour prévenir les mycoses des pieds (par exemple, le pied de l’athlète), qui se propagent rapidement dans des conditions de température et d’humidité élevées.

Dans tous les secteurs de cette industrie, la maîtrise de la température et de la ventilation, la suppression de la vapeur, tout particulièrement, et la fourniture d’un équipement de protection individuelle constituent d’importantes précautions, tant contre les accidents et les blessures que contre les risques plus généraux présentés par l’humidité, la chaleur et le froid. Ainsi en est-il des vêtements chauds destinés aux personnes travaillant dans des locaux réfrigérés.

Il convient, par ailleurs, de veiller à ce que chez les travailleurs la consommation de bière reste modérée et, à cette fin, de leur proposer aussi des boissons chaudes pendant les pauses consacrées aux repas.

Le bruit

Quand les fûts métalliques ont remplacé les tonneaux en bois, les brasseries ont dû faire face à un grave problème de bruit. En effet, si le bruit lié au roulement, au chargement ou à la manipulation des tonneaux en bois était faible, voire inexistant, celui des fûts métalliques vides est, quant à lui, très élevé. Le volume sonore atteint dans les installations modernes d’embouteillage automatisées est également considérable. Le bruit peut être réduit grâce à la manutention mécanique par palettes. Dans les ateliers d’embouteillage, le remplacement du métal des roues et des guide-courroies par du Nylon ou du néoprène contribue grandement à abaisser le niveau sonore.

LA PROTECTION DE L’ENVIRONNEMENT ET LA SANTÉ PUBLIQUE

Lance A. Ward

La fabrication des boissons, qu’elles soient alcooliques ou sans alcool, est généralement soumise à des normes d’hygiène rigoureuses, fixées par les réglementations nationales. Ces règles imposent que les équipements des installations de production soient en permanence nettoyés et désinfectés à l’aide de détergents puissants. A lui seul, l’usage abondant de ces détergents peut présenter des risques pour la santé des travailleurs qui y sont exposés. Le contact des yeux et de la peau avec des détergents caustiques peut provoquer des dermatoses graves. De plus, l’inhalation des émanations ou des aérosols, lors de l’emploi des détergents, peut affecter les poumons, le nez, la bouche ou la gorge. De l’eau ou d’autres liquides sont souvent présents dans les locaux de production ou autour de ceux-ci, provoquant glissades et chutes, ainsi que de nombreuses autres lésions dues simplement à des mouvements de traction mal exécutés.

Les contenants en verre, les remplisseuses à cadence rapide et les tapis roulants placés en hauteur peuvent combiner leurs effets et causer des accidents graves par projection de verre. Les coupures et les lésions aux yeux dues à des éclats de verre sont courantes. L’industrie des boissons utilise de plus en plus les canettes en aluminium et les contenants en plastique, ce qui diminue la fréquence des blessures dues au verre. Ce n’est toutefois pas le cas dans certains pays et dans des domaines industriels spécifiques tels que le vin et les spiritueux.

Quelle que soit la branche, les installations électriques constituent une source de dangers potentiels. Dans le secteur des boissons, où l’eau est omniprésente, le danger d’électrocution est très élevé. Aussi les équipements électriques sont-ils constamment révisés en fonction de la rapide évolution des techniques, laquelle se traduit par des installations à cadence rapide et donc par des risques accrus.

La fabrication industrielle de boissons implique la manutention de volumes considérables: matières premières, en sacs ou en fûts, sur palettes en bois ou en plastique; chargements de bouteilles et de canettes vides; produits finis en divers contenants. Les boissons, qui sont des liquides, sont naturellement lourdes. Les accidents liés au caractère répétitif du travail de tri et de contrôle des bouteilles de verre ainsi qu’à certaines opérations d’emballage sont nombreux. Ce mouvement continu d’objets légers et lourds représente un défi ergonomique pour l’industrie des boissons, tout autant que pour les autres branches. Ainsi l’incidence des troubles consécutifs à des microtraumatismes répétés a augmenté aux Etats-Unis de presque 400% depuis 1980. Les pays progressent inégalement dans la mise au point des mesures de prévention permettant de réduire ce type de traumatismes.

La mécanisation du travail a fortement fait régresser le nombre de travailleurs nécessaire au fonctionnement des chaînes de remplissage des bouteilles et des boîtes faisant diminuer du même coup les risques d’accidents. Toutefois, les convoyeurs à cadence rapide et les appareillages automatisés de palettisation et de dépalettisation sont cause d’accidents graves, bien que plus rares. Quiconque tente de redresser une bouteille ou une boîte sur un convoyeur en mouvement risque de voir son vêtement happé et entraîné par le mécanisme. Il arrive que les dispositifs servant à charger et à décharger les palettes se coincent; le travailleur qui essaie de les débloquer risque alors de se faire briser des membres.

Les machines modernes à cadence rapide ont, dans la plupart des cas, occasionné une hausse des niveaux sonores, surtout aux fréquences les plus élevées. La perte d’audition due au bruit sur le lieu de travail est considérée comme une maladie, puisqu’elle apparaît insidieusement, au fil du temps, et qu’elle est irréversible. Le taux de pertes d’audition est en augmentation. Des réglages techniques visant à abaisser les niveaux sonores sont actuellement testés et utilisés, mais l’obligation du port du casque antibruit demeure la méthode privilégiée par les chefs d’entreprise. On voit se profiler à l’horizon des recherches sur le stress que fait subir au personnel la combinaison de niveaux sonores élevés, du système des trois-huit et des cadences.

Les espaces confinés, tels les citernes, les fûts, les cuves, les fosses de récupération des eaux usées et les contenants de garde ou d’assemblage couramment utilisés dans les installations de production de boissons, sont susceptibles d’entraîner des accidents corporels extrêmement graves. Ce problème a peu suscité l’intérêt des dirigeants de cette industrie dans la mesure où la plupart des cuves sont considérées comme «propres» et que les accidents y sont peu fréquents. Pourtant, bien que les lésions liées aux types de contenants utilisés dans les usines des boissons soient rares, il peut se produire, par suite de l’introduction de matières dangereuses lors du nettoyage ou de conditions atmosphériques anormales, un accident dont l’issue peut être grave, sinon fatale (voir l’encadré intitulé «Les risques liés à l’entrée dans les espaces confinés, dans l’industrie des boissons).

La plupart des installations de production de boissons disposent de locaux de stockage des matières premières et des produits finis. Les engins de manutention autopropulsés y posent des problèmes sérieux analogues à ceux que connaît tout entrepôt. En se renversant, les chariots élévateurs et autres machines similaires blessent souvent par écrasement leur opérateur ou les employés circulant à pied dans les allées. Par suite de l’accroissement de leur capacité de production, les fabriques pâtissent fréquemment d’un manque de place, qui favorise les accidents graves causés par les engins de manutention.

La production de boissons nécessite généralement de l’eau pure et la présence d’installations de réfrigération. Les produits chimiques les plus couramment employés pour répondre à ces impératifs sont le chlore et l’ammoniac, tous deux extrêmement dangereux. Le chlore est souvent acheté et stocké dans des bouteilles en acier sous pression, de différentes tailles. Le personnel peut être blessé lors d’un changement de bouteille ou en cas de fuite ou de défectuosité d’une valve. Un dégagement accidentel d’ammoniac peut provoquer des brûlures en cas de contact avec la peau et les voies respiratoires. Une fuite importante et non maîtrisée d’ammoniac peut produire une concentration de gaz dans l’air qui suffit à provoquer une explosion violente. Des systèmes de détection de fuites, une ventilation automatique et des dispositifs d’arrêt sont fréquemment utilisés, parallèlement à des mesures d’évacuation et d’intervention d’urgence. Le chlore et l’ammoniac se caractérisent par leur odeur forte. Cette propriété permet aux travailleurs de déceler facilement leur présence dans l’atmosphère.

On trouve dans l’air de la plupart des usines de boissons du dioxyde de carbone, couramment utilisé pour la mise en pression et la gazéification, et du monoxyde de carbone, émis par les moteurs à combustion interne. Ce sont les salles de soutirage qui présentent généralement la plus forte concentration en dioxyde de carbone, surtout lorsque le produit change de contenant. Les entreprises ayant élargi la gamme des boissons qu’elles commercialisent, ces changements se sont multipliés, et le besoin de ventilation pour évacuer le dioxyde de carbone en est accru. L’utilisation de chariots élévateurs ou d’autres machines similaires dégage du monoxyde de carbone. Sa concentration devient dangereuse si les engins ne sont pas manœuvrés conformément aux stipulations du fabricant.

La main-d’œuvre employée dans l’industrie des boissons est souvent saisonnière. Ce phénomène est plus répandu dans les contrées septentrionales ou jouissant de saisons marquées. La combinaison de tendances de production mondiales, telles que la gestion des stocks à flux tendus et l’emploi d’une main-d’œuvre temporaire et contractuelle, peut avoir une incidence importante sur la sécurité et la santé. Souvent le personnel temporaire ne bénéficie pas d’une formation à la sécurité aussi poussée que celle accordée au personnel permanent. Dans certains cas, les coûts qui résultent des préjudices physiques subis par le personnel temporaire ne sont pas supportés par l’employeur, mais par l’agence lui fournissant cette main-d’œuvre, ce qui crée, pour l’employeur, une situation apparente de «gain absolu» et a l’effet contraire pour le travailleur employé dans de telles conditions. Des gouvernements, des employeurs et des associations professionnelles plus avertis commencent à examiner attentivement ce problème et s’efforcent de trouver les moyens d’améliorer, en quantité et en qualité, la formation à la sécurité dispensée aux travailleurs de ce secteur.

Les problèmes d’environnement ne sont pas souvent associés à la production des boissons, car celle-ci n’est pas considérée comme une industrie à rejets atmosphériques polluants. Hormis le risque d’une fuite accidentelle de produits chimiques dangereux comme l’ammoniac ou le chlore, le principal rejet est constitué par les eaux usées. D’ordinaire, ces eaux résiduaires sont traitées avant de pénétrer dans le système d’évacuation des effluents. Il est donc rare qu’elles soient à l’origine de problèmes. Parfois, un lot défectueux de produits est mis au rebut. Suivant les ingrédients qu’ils contiennent, ces produits sont soit dirigés vers un centre de traitement, soit fortement dilués avant d’être évacués avec les effluents. Le déversement d’une grande quantité de boissons acides dans une rivière ou dans un lac peut tuer une quantité considérable de poissons et, de ce fait, doit être évité.

Le recours croissant à des additifs de synthèse, tels que les exhausteurs de goût, les conservateurs ou les sucres de substitution, pose divers problèmes de santé publique. Quelques édulcorants artificiels sont interdits dans certains pays, car ils sont réputés cancérogènes. Cependant, la plupart ne présentent aucun risque apparent pour le consommateur. La manipulation de ces matières premières chimiques et leur présence sur le lieu de travail n’ont pas fait l’objet d’études assez approfondies pour que l’on puisse établir d’éventuels risques pour les travailleurs.

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