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Chapitre 25 - La réparation des lésions professionnelles: les régimes

LES RÉGIMES DE RÉPARATION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES: VUE D’ENSEMBLE

Terence G. Ison

Le présent chapitre traite des régimes de réparation en cas d’incapacité (due à un accident ou à une maladie) ou de décès résultant de l’emploi. Il ne cherche pas à énumérer ou à décrire les régimes en vigueur dans chaque pays, mais bien à expliquer les dispositions les plus courantes en la matière et à en souligner la diversité.

La réparation peut être assurée par:

La plupart des pays industriels recourent à une combinaison de ces différents régimes. La Partie 1 de ce chapitre traite des régimes de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles, et la Partie 2 des autres systèmes.

PARTIE 1: LA RÉPARATION DES ACCIDENTS DU TRAVAIL ET DES MALADIES PROFESSIONNELLES

Bien que l’on trouve des traces de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles dans des civilisations antérieures — notamment dans le droit maritime —, les régimes en place de nos jours ont été créés au cours de la deuxième moitié du XIXe siècle ou au cours du XXe siècle.

La couverture

Les branches d’activité couvertes

La couverture des accidents du travail et des maladies professionnelles par un régime de réparation est en général obligatoire soit dans un certain nombre de branches d’activité bien déterminées, soit dans toutes, à quelques exceptions près. En général, les mines, les industries manufacturières, la sylviculture, la pêche, les transports, le bâtiment et les travaux publics, la distribution, les soins de santé et autres services publics sont couverts par ce type de régime. Certaines législations excluent de leur champ d’application l’agriculture, les services (par exemple, les agences de voyages) et les services domestiques. La responsabilité de l’employeur (décrite dans la Partie 2) peut s’appliquer aux branches exclues. En cas d’exclusion d’une branche, certaines législations autorisent l’application de la couverture à la demande de l’employeur. Dans plusieurs Etats, les employeurs qui occupent un nombre de salariés inférieur à un minimum déterminé (en général entre trois et vingt) sont exclus de la couverture obligatoire.

Les personnes protégées

Lorsqu’une branche d’activité est couverte, toutes les personnes qui y sont occupées bénéficient de cette protection, qu’elles travaillent de manière régulière ou occasionnelle, à temps plein ou à temps partiel, dans la production ou dans les bureaux. Les travailleurs migrants tombent généralement dans la catégorie des personnes dites protégées, mais ils peuvent en être exclus à d’autres titres, par exemple s’ils travaillent dans une branche d’activité non couverte. Il n’y a pas de délai de carence avant la prise en charge. Certaines législations protègent les administrateurs et les membres de la direction des entreprises, d’autres non. Les classifications utilisées dans les lois relatives aux entreprises ou aux relations professionnelles ne s’appliquent généralement pas à la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles. Il est des législations qui excluent les membres de la famille de l’employeur, et d’autres les travailleurs dont les revenus dépassent un certain montant. Il est également courant d’exclure les personnes exécutant des travaux occasionnels étrangers à l’entreprise ou aux affaires de l’employeur. Dans la plupart des législations, le fait qu’un travailleur atteigne l’âge auquel il a droit à une pension de retraite ne l’exclut pas de la protection du régime de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles, mais il n’est pas rare que les prestations soient alors réduites.

Il n’est généralement pas tenu compte de la nationalité du travailleur. Toutes les personnes légalement employées dans une branche d’activité couverte sont généralement incluses, et certaines législations couvrent également les personnes employées illégalement. Ailleurs, l’attribution des prestations est laissée à la discrétion des autorités lorsque le travailleur était occupé aux termes d’un contrat illégal. Certaines législations étendent la protection à tout enfant né avec une incapacité résultant de l’emploi de l’un de ses parents; dans d’autres, la question n’est pas tranchée.

La territorialité

La protection s’étend généralement aux personnes dont le lieu de travail habituel se trouve dans l’Etat intéressé. Dans les branches d’activité mobiles, comme la pêche, les transports routiers et le transport aérien, il existe la plupart du temps un port d’attache ou une base qui sont considérés comme le lieu de travail habituel de l’intéressé. Ne sont pas pris en compte: le lieu choisi par l’employeur comme siège principal de son entreprise; le lieu où sont versés les salaires, encore que, pour les professions mobiles, il puisse faire partie des éléments pris en considération pour déterminer le port d’attache ou la base de certains travailleurs; le lieu de résidence du travailleur ou des personnes à sa charge, sauf dans quelques législations qui le prennent en considération à certaines fins.

Les possibilités d’affiliation

Dans certaines législations, les employeurs non constitués en société et les administrateurs d’entreprise (lorsqu’ils ne tombent pas dans le champ d’application du régime obligatoire) peuvent choisir d’être protégés en qualité de travailleurs. Vis-à-vis de la législation, ils ont alors à la fois les avantages et les obligations des travailleurs et ceux des employeurs.

Les travailleurs indépendants

Ce terme est employé ici pour désigner les personnes qui gagnent leur vie en travaillant, sans être ni employeurs ni salariés.

Les travailleurs indépendants sont:

Certaines législations considèrent les travailleurs indépendants comme des salariés en matière de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles. Les pêcheurs professionnels, par exemple, sont parfois traités comme des salariés et ils entrent dans le champ d’application du régime obligatoire, qu’ils soient ou non considérés comme salariés à d’autres fins.

La distinction entre un salarié et un travailleur indépendant est souvent sujette à controverse en raison de l’intérêt qu’un employeur ou un salarié peut avoir à traiter cette relation comme un accord entre contractants indépendants plutôt que comme un contrat de travail. Le fait de considérer ainsi cette relation peut en effet permettre de se soustraire à l’obligation de cotiser à différentes caisses publiques et de ne pas respecter les autres obligations qui incombent à l’employeur. Il est donc courant de constater qu’une relation qui est à l’évidence une relation d’emploi est présentée dans des documents officiels comme liant des entrepreneurs indépendants. Reconnaître ces documents comme valables aux fins de la réparation d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle est en général incompatible avec les dispositions réglementaires applicables lorsque la couverture est obligatoire. Lorsqu’une personne travaille exclusivement, ou presque exclusivement, pour une autre, il est incontestable que leur relation est une relation d’emploi. De même, un contrat précisant expressément qu’il ne s’agit pas d’une relation d’emploi est habituellement la preuve que c’en est bien une.

Les diverses extensions

Certains Etats utilisent le régime de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles pour l’étendre aux non-salariés, ou à des incapacités de travail qui ne résultent pas de l’emploi. Ces extensions s’appliquent en général aux personnes envers lesquelles le gouvernement a contracté certaines responsabilités, telles que les sapeurs-pompiers bénévoles et les autres catégories de volontaires qui effectuent un travail non lucratif. Les détenus, les étudiants et les enfants sont encore d’autres exemples, mais moins courants. Dans certains pays, la protection s’étend à toute personne victime d’un accident alors qu’elle agissait pour l’intérêt public, comme, par exemple, en sauvant la vie d’une personne en danger, ou en empêchant un crime. Lorsque le régime protège ces catégories, il est d’ordinaire financé par des fonds publics.

Les régimes spéciaux

Certains Etats ont institué des régimes distincts pour telle ou telle branche d’activité particulière, par exemple, les gens de mer, les militaires ou les fonctionnaires. Dans les Etats fédératifs, il existe parfois un régime créé par le gouvernement fédéral et limité à certaines branches d’activité, tandis que les gouvernements des Etats constituants sont chargés d’administrer le régime général.

L’organisation, l’administration et l’attribution des prestations

Les structures de base

La plupart des régimes de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles relèvent de l’un des trois grands types d’organisation suivants:

  1. L’obligation de servir les prestations incombe aux employeurs qui peuvent ou doivent, dans certains Etats, s’assurer. Les compagnies d’assurances sont, en règle générale, soumises à la réglementation et au contrôle d’un organisme public. Certaines législations limitent le nombre des compagnies d’assurances qui peuvent exercer des activités dans ce domaine. La décision d’attribuer des prestations est prise par les tribunaux ordinaires selon une procédure contradictoire, par un tribunal spécialisé ou par un autre tribunal.
  2. Le système est celui d’une assurance sociale administrée par un service public — souvent le ministère du Travail — qui prend les décisions. Il existe habituellement une procédure de recours ou d’appel pour le règlement des différends; les appels peuvent être interjetés auprès d’un organe extérieur.
  3. Le régime relève de l’assurance sociale administrée par un organisme public, parfois dénommé «caisse de compensation des accidents du travail et des maladies professionnelles». Cet organisme est indépendant du ministère (du moins en théorie). Il est responsable de l’attribution des prestations et de l’administration; il est aussi l’assureur. Dans certains pays, cet organisme fournit des soins médicaux et des services de réadaptation et, dans un petit nombre d’entre eux, l’Etat lui délègue ses fonctions de réglementation en matière de sécurité et de santé au travail. Les procédures peuvent être contradictoires ou inquisitoires, voire combiner les deux formules. Un tel régime peut être considéré objectivement comme une assurance sociale puisqu’il s’agit d’une assurance obligatoire administrée par l’Etat, mais il convient de bien le distinguer des systèmes généraux d’assurance sociale décrits dans la Partie 2 du présent chapitre.

Quelques Etats utilisent une combinaison entre des compagnies d’assurances et une caisse publique. Dans certains pays, les gros employeurs sont autorisés à supporter leurs propres risques, de sorte que la compagnie d’assurances ne fait que s’occuper des demandes de réparation, ou que l’organisme gouvernemental a une tâche administrative et décide d’attribuer des prestations, mais ne joue qu’un rôle d’appui en tant qu’assureur.

Dans les trois modèles décrits ci-dessus, le travailleur est tenu de déclarer l’accident ou la maladie à son employeur, du moins lorsque cela lui est possible. Des règles précises doivent être suivies pour cette déclaration, puis pour la présentation du rapport sur l’accident ou la maladie. En général, l’assureur reçoit des rapports de l’employeur, de la victime et des médecins traitants. Dans certains systèmes d’assurance sociale, l’employeur qui ne fournit pas de rapport dans les délais prescrits est frappé d’une amende ou doit verser une cotisation plus élevée. Sinon, il peut être poursuivi devant les tribunaux. Lorsqu’un demandeur ne respecte pas les règles applicables à la présentation de son rapport, le versement des prestations peut être refusé ou suspendu, mais les demandeurs bénéficient souvent de dérogations en la matière, de sorte que le refus du droit à prestations n’est pas automatique. Quant aux médecins traitants qui ne respectent pas les règles applicables à la présentation de leur rapport, le versement de leurs honoraires peut être suspendu.

Jusqu’à ces dernières années, les rapports reçus étaient présentés sur papier, et les fichiers des organismes gestionnaires étaient eux aussi constitués de documents écrits. Aujourd’hui, on recourt aux moyens électroniques de communication et d’enregistrement des données.

La plupart des législations exigent que les demandes de prestations soient présentées dans des délais déterminés; quelques-unes, cependant, autorisent les versements avant réception du formulaire de demande d’indemnités. Les organismes concernés ont habituellement le pouvoir de proroger les délais de présentation des demandes, mais même en ce cas, l’existence de délais légaux peut être source de graves injustices dans certains cas de maladie.

Les décisions initiales

La décision initiale sur la suite à donner à une demande de réparation, bien que prise parfois par l’employeur, est le plus souvent prise par l’assureur. Lorsqu’un régime est administré par des compagnies d’assurances, la décision initiale consiste en l’acceptation ou le rejet par l’assureur d’une demande ou d’une offre présentée par le demandeur, ou inversement, en l’acceptation ou le rejet par le demandeur d’une offre faite par l’assureur. Certaines législations contiennent des dispositions qui empêchent la compagnie d’assurances d’imposer un accord peu favorable au demandeur en différant les versements périodiques. Lorsqu’il n’y a pas d’accord, l’affaire peut être portée devant les tribunaux ou devant un organisme compétent en matière d’attribution des prestations qui prendra la décision initiale.

En général, lorsque le régime relève de l’assurance sociale, l’organisme chargé de prendre la décision d’attribuer des prestations est également l’assureur, de sorte que la décision initiale est définitive. L’un des principes de base de l’assurance sociale est que les travailleurs frappés d’incapacité n’ont pas à négocier en position de faiblesse et doivent pouvoir exiger une décision rapide sur leurs droits statutaires. Lorsqu’une demande est acceptée, mais que le montant des prestations est inférieur à celui auquel le demandeur estime avoir droit, les versements sont effectués au taux fixé pendant la procédure d’appel engagée par le demandeur.

Les décisions initiales sont en général fondées sur le dossier du demandeur. L’administration et l’attribution des prestations sont fortement centralisées dans les régimes qui recourent aux compagnies d’assurances et dans certains de ceux qui relèvent de l’assurance sociale. Le fait que l’administration et l’attribution des prestations aient lieu au niveau local permet au décideur de disposer de preuves et d’arguments de première main et de mieux contrôler la véracité des preuves. C’est là une des raisons pour lesquelles quelques régimes relevant de l’assurance sociale ont décentralisé leurs activités.

Dans les régimes relevant de l’assurance sociale, il n’y a généralement pas de procédure orale pour la prise des décisions initiales, et ce, même lorsque cette procédure est expressément prévue par la loi. Dans certains Etats et dans certains cas, cependant, la procédure orale est appliquée. Lorsqu’un régime est administré par des compagnies d’assurances et qu’il fonctionne officiellement selon le modèle de la procédure contradictoire, le tribunal chargé de prendre la décision initiale entend normalement les parties au cours d’une procédure orale, à moins que l’employeur, ou son assureur, n’accepte les exigences du demandeur, ou que le différend soit réglé autrement. Certaines législations offrent la possibilité de recourir à un médiateur. Toutefois, en exigeant ou en autorisant une médiation alors que l’une des deux parties n’a qu’un pouvoir de négociation réduit et qu’elle a besoin d’un revenu, on risque de porter atteinte au droit du demandeur à une juste décision. Si un régime est censé assurer la continuité du revenu sans qu’il soit besoin de recourir à des avocats, il convient de prendre le plus rapidement possible la décision d’attribuer des prestations, notamment afin d’éviter tout retard dans la réadaptation.

L’un des problèmes les plus couramment rencontrés en matière de décision initiale est celui du renvoi du dossier à d’autres pour examen et décision: l’employé qui reçoit les renseignements du demandeur n’a qu’un pouvoir très limité, si bien que, dès que les questions sont un peu complexes, elles sont soumises à une autre personne qui, elle, ne tient pas de première main les preuves et les arguments. Il est courant que différentes décisions concernant la même demande soient prises par plusieurs personnes, avec tous les risques de malentendus, d’erreurs et d’incohérences que cela implique. Ces systèmes de renvoi sont une source majeure de retards, de gaspillage, de dommages thérapeutiques, d’erreurs et d’injustices et ils peuvent porter atteinte au processus de réadaptation.

Les enquêtes et les preuves

Dans les Etats qui utilisent le système de la procédure contradictoire, c’est aux parties qu’il appartient de fournir les preuves des faits et de présenter les avis médicaux. Dans certains régimes relevant de l’assurance sociale, les parties doivent fournir les preuves dont elles disposent et celles qu’il est en leur pouvoir d’obtenir, mais c’est à l’organisme chargé d’attribuer les prestations qu’incombe la responsabilité de procéder aux enquêtes nécessaires pour produire d’autres preuves. De même, les enquêtes permettant de s’assurer de l’exactitude des preuves fournies relèvent de la responsabilité des parties, de l’assureur ou de l’organisme d’attribution des prestations. Dans les régimes relevant de l’assurance sociale, l’enquête peut faire partie des fonctions normales du service qui prend les décisions d’attribution, ou relever d’un service spécialisé distinct (encore que cette structure soit moins efficace pour des enquêtes ordinaires).

Dans les régimes qui recourent à la procédure contradictoire, et dans quelques régimes relevant de l’assurance sociale qui ne l’utilisent pas, c’est à la victime qu’il revient d’établir les faits qui justifient sa demande, mais, parfois, la charge de la preuve peut incomber à l’employeur pour certaines questions particulières. Dans d’autres, la charge de la preuve n’incombe à personne d’autre qu’à l’organisme d’attribution. Il existe parfois des présomptions légales. Il n’y a habituellement aucune présomption générale en faveur du travailleur ou à son encontre, mais il existe souvent des présomptions applicables à des situations particulières. L’exemple le plus fréquent à cet égard est le fait que, lorsqu’une lésion est due à un accident intervenu pendant la période d’exercice de l’activité professionnelle, elle est présumée due à cette activité et, inversement, lorsque cette blessure est due à l’activité professionnelle, elle est présumée être intervenue pendant la période d’exercice de cette activité, à moins que la preuve du contraire ne soit apportée. Certains Etats considèrent que, lorsqu’un travailleur est trouvé mort sur son lieu de travail, son décès est présumé dû à son activité professionnelle, à moins que l’on n’apporte la preuve du contraire.

En matière de preuve, le niveau généralement requis est le critère de la plus forte probabilité, c’est-à-dire, en d’autres termes, la meilleure des hypothèses possibles. Toutefois, en ce qui concerne l’étiologie de la maladie et certaines autres questions médicales, l’apport de la profession médicale n’est pas toujours contrôlé selon les critères légaux en vigueur, ce qui a pour effet qu’un niveau de preuve plus élevé et illégal est souvent requis pour que la demande soit acceptée. Par exemple, lorsque des médecins sont invités à émettre un avis sur l’étiologie, ils répugnent d’ordinaire à conclure leur rapport sur un constat d’ignorance, même si celui-ci figure clairement dans le corps du rapport. Dès lors, la conclusion négative d’un rapport médical ne reflète parfois rien de plus que le fait que le médecin-conseil, faute d’éléments positifs, a supposé pouvoir émettre un avis négatif. Il s’agit donc d’une conclusion d’ordre juridique (parfois erronée), et non d’une conclusion médicale. Dans certaines législations, il est prévu que, lorsque les différentes possibilités s’équilibrent, la décision prise doit être favorable au travailleur ou aux personnes à sa charge, sauf si l’on apporte une preuve emportant une décision contraire.

Dans d’autres, le niveau minimum requis en matière de preuve dans une affaire mettant en cause l’activité professionnelle de la victime n’est pas le critère de la plus forte probabilité. Une demande doit être rejetée à moins qu’il ne soit prouvé que les éléments positifs présentés à son appui bénéficient d’une probabilité plus forte que les éléments négatifs. Ce type de dispositions ne s’applique parfois qu’aux cas de maladie. Mais, même dans ces pays, la plus forte probabilité reste le niveau minimum requis en matière de preuve pour tous les autres cas, comme lorsqu’il y a incapacité.

Certains régimes disposent d’un service chargé de détecter les abus. Sa compétence peut être limitée aux abus commis par les demandeurs, mais aussi s’étendre à ceux qu’ont commis les administrateurs du régime, les demandeurs, les employeurs, les compagnies d’assurances et les prestataires de soins de santé et de services de réadaptation.

La défense des intérêts

La préparation et le dépôt d’une demande sont généralement des actes simples qui ne nécessitent pas de connaissances juridiques particulières et pour lesquels certains Etats interdisent d’ailleurs le paiement d’honoraires. Le recours à des avocats est en revanche courant lorsqu’une demande fait l’objet d’un différend, et sa fréquence augmente au fur et à mesure que les affaires atteignent les niveaux de décision les plus élevés. En cas d’évaluation des antécédents ou lorsque l’employeur a une assurance personnelle, il peut y avoir un avocat pour le travailleur et un autre pour l’employeur. Sinon, la défense n’est normale que pour le travailleur.

Dans les régimes administrés par des compagnies d’assurances, les défenseurs impliqués dans le processus d’attribution sont généralement des juristes. Dans ceux qui relèvent de l’assurance sociale, le défenseur peut être un avocat, un responsable syndical, ou un défenseur non professionnel spécialisé dans les affaires de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles. Dans certains Etats, le gouvernement ou l’organisme chargé de la réparation mettent à disposition un groupe de défenseurs pour assister les travailleurs et, dans certains autres, un groupe du même type est affecté à la défense des employeurs. Un travailleur peut parfois avoir droit à une assistance juridique aux termes d’un plan mis sur pied par l’Etat.

L’accès aux dossiers

Lorsqu’un régime est administré par des compagnies d’assurances, leurs dossiers ne sont généralement pas accessibles au demandeur; cependant, lorsqu’une affaire fait l’objet d’un litige, certains documents du dossier peuvent être obtenus, et les deux parties ont d’ordinaire accès au dossier du tribunal. Lorsqu’il relève de l’assurance sociale, c’est en général le même organisme qui est à la fois l’assureur et le responsable de l’attribution des prestations et, selon de nombreuses législations, le demandeur peut avoir accès au dossier de cet organisme. Afin de garantir l’impartialité de la procédure, quelques législations autorisent l’accès au dossier et parfois même, dans certaines circonstances, à l’employeur, ce qui peut porter atteinte au caractère confidentiel des informations médicales. L’accès du demandeur au dossier peut aussi être autorisé aux termes des dispositions sur les droits de l’homme ou la liberté d’information. L’employeur n’a généralement pas accès à ce titre au dossier de demande de prestations, mais il peut consulter les pièces relatives à sa classification et à ses contributions.

Les employeurs ont parfois besoin d’informations médicales aux fins de la sécurité et de la santé au travail, ou de la réadaptation, mais il est des moyens plus efficaces de les obtenir que l’accès au dossier de demande de réparation.

L’irrévocabilité

Le règlement des affaires de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles diffère de celui des autres affaires portées devant les tribunaux ordinaires sur le point de l’irrévocabilité des décisions prises. Lorsqu’une demande personnelle de réparation est présentée devant les tribunaux aux termes de la législation générale, la décision de la cour est normalement définitive. Or, en matière de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles, les dispositions prévoient presque toujours que les décisions peuvent être réexaminées lorsque certaines circonstances ont changé. A cet égard, l’exemple le plus fréquent est celui où une pension a été attribuée au titre d’une incapacité permanente partielle et où, quelques années plus tard, l’incapacité a empiré (ou, mais cela est rare, a disparu).

Il est également normal d’autoriser le réexamen des décisions lorsque la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles est confiée à l’assurance sociale, et ce, même si les circonstances n’ont pas changé. Si les dispositions prévoyant la réouverture du dossier ou le réexamen de la décision ont un but parfaitement louable, elles n’en sont pas moins susceptibles d’être employées à mauvais escient par les administrateurs du régime. La pratique courante qui consiste en effet à ouvrir systématiquement une procédure de réexamen pour chaque requête ou chaque recours entraîne un certain nombre de conséquences négatives. La première est de retarder la décision prise en appel, ce qui parfois retarde aussi la réadaptation. Deuxièmement, lorsqu’une demande suscite des doutes lors de la décision initiale, ou que les documents à l’appui sont incomplets, la demande peut être rejetée et la décision réexaminée si le demandeur présente une réclamation ou forme un recours. Une enquête complémentaire peut alors être entreprise aux fins de la procédure de réexamen, alors qu’en fait, elle aurait dû être faite dès le début. Le recours à un réexamen a une influence négative sur la qualité de la décision initiale d’attribution, et il apparaît comme une injustice aux yeux des partisans d’une décision initiale négative.

Les questions médicales

Certaines législations exigent du demandeur ou du médecin traitant qu’ils produisent un «certificat» médical. D’autres demandent au médecin traitant de faire un «rapport». Un «certificat» est parfois considéré comme décisif sur certains points, alors qu’un «rapport» médical est habituellement considéré comme l’une des preuves à prendre en compte au même titre que d’autres.

Les questions médicales sont habituellement traitées de la même façon que les autres points de fait. Certaines juridictions appliquent cependant des dispositions spéciales pour trancher les questions médicales. Les organismes d’attribution des prestations disposent souvent, dans leur personnel, de médecins qui les conseillent ou prennent eux-mêmes les décisions en la matière. Dans de nombreux pays, le demandeur est tenu de se soumettre à tout examen médical exigé par l’organisme chargé de la réparation ou par un autre assureur. Dans certaines juridictions, le demandeur doit se soumettre à un examen médical effectué par un médecin nommé par l’employeur, mais ces dispositions sont controversées en raison du risque de préjudice thérapeutique et d’atteinte à la confidentialité des renseignements médicaux. Dans les cas mortels, les rapports d’autopsie sont habituellement considérés comme faisant partie des preuves relatives aux causes du décès. Les certificats de décès sont parfois pris en considération, mais ils sont souvent peu fiables quant aux causes de celui-ci.

L’interaction médico-légale est à l’origine de certains des problèmes les plus fréquents et les plus difficiles à régler lors de la prise des décisions sur les demandes de réparation présentées par les travailleurs. L’exemple sans doute le plus courant est celui de la présentation de rapports médicaux par des médecins qui n’ont pas été informés des motifs juridiques pour lesquels on a besoin de preuves médicales. Lorsque tel est le cas, le «rapport médical» contient souvent, explicitement ou implicitement, en plus d’un avis médical, des hypothèses concernant le contexte (hypothèses parfois erronées, d’ailleurs) et un avis juridique (la plupart du temps erroné). Pour démêler tous ces éléments du «rapport médical», il faut alors des compétences juridiques dont on ne dispose que rarement lors de la décision initiale. Pour éviter ce problème, certaines législations utilisent une procédure consistant à formuler les questions médicales pertinentes sur le plan juridique avant de demander à obtenir un avis médical.

Dans les régimes administrés par des compagnies d’assurances, il est normal que l’assureur ou l’employeur participent à la décision sur les questions médicales, et donc, qu’ils aient accès aux informations nécessaires. En ce qui concerne ceux qui relèvent de l’assurance sociale, en revanche, l’une de leurs raisons d’être est de préserver la confidentialité des informations médicales. Les employeurs n’ont parfois pas le droit de participer aux décisions portant sur ces questions, ou ne sont pas incités à le faire: c’est le cas lorsque le taux de contribution retenu ne varie pas en fonction du coût de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles survenus. Au contraire, lorsque ce taux varie en fonction des antécédents de l’entreprise, la procédure devient contradictoire, et des informations médicales concernant le travailleur sont d’ordinaire communiquées à l’employeur.

Les dispositions prévoient parfois le recours à un médecin-expert ou à une commission médicale. Dans certains Etats, les conclusions du médecin-expert ou de la commission médicale sont définitives et lient les parties. Dans d’autres, ces conclusions peuvent être remises en cause par de nouvelles preuves ou de nouveaux arguments médicaux avancés dans la procédure ordinaire de recours.

Lorsqu’il existe une structure ou une procédure distincte pour régler les questions médicales, il faut décider quelles sont les questions qui relèvent de ce domaine. Cette responsabilité échoit normalement à ceux qui sont chargés de prendre une décision sur l’ensemble de l’affaire. S’il existe un large consensus sur ce qu’est une question «médicale», il arrive cependant que les avis diffèrent. Par exemple, en cas d’incapacité permanente, les Etats qui utilisent la méthode de l’évaluation en pourcentage de l’atteinte à l’intégrité physique pour le calcul du montant de la pension considèrent parfois cette évaluation comme une question médicale. Ailleurs, l’évaluation est considérée comme une question d’ordre général nécessitant un avis médical.

Les recours

Il est normal de disposer d’un organe de recours. Lorsque le régime relève de l’assurance sociale, cet organe peut être interne. On peut aussi faire appel à un tribunal externe, en général au dernier stade de la procédure, encore que, ici ou là, à un stade intermédiaire. Dans certains pays, les recours sont formés auprès d’un tribunal ordinaire et, dans d’autres, auprès d’un tribunal spécialisé. Ici, la procédure orale est automatique pour les décisions sur les recours. Ailleurs, ce type de procédure n’est utilisé que sur demande, ou lorsque l’organe de recours le juge nécessaire. Dans les régimes relevant de l’assurance sociale, il est normal que l’organe de recours et, aussi, dans certains Etats, les parties elles-mêmes, aient accès au dossier utilisé pour prendre la décision initiale. Cela permet, d’une part, d’éviter le gaspillage qu’implique une double procédure et, d’autre part, de faire en sorte que l’organe de recours examine si la décision initiale est ou non entachée d’irrégularité. Les informations contenues dans le dossier peuvent être complétées ou contredites par les nouvelles preuves ou les nouveaux arguments présentés dans la procédure de recours.

Pour les demandes de prestations en espèces, le droit de former un recours n’est généralement pas limité, mais il peut l’être pour l’aide à la réadaptation. Les recours concernant l’assistance médicale sont habituellement autorisés, bien qu’ils soient rares dans nombre de pays.

Les motifs recevables sont généralement plus restreints lorsque le recours est formé devant un tribunal ordinaire que lorsqu’il l’est devant un tribunal spécialisé. De même, une cour d’appel ordinaire est moins encline qu’un tribunal spécialisé à réexaminer les preuves déjà présentées ou à prendre en considération de nouveaux éléments de preuve.

Dans certains Etats, il est possible de présenter des réclamations à un médiateur. Si elles peuvent porter sur le fond des conclusions retenues, elles sont parfois limitées aux questions de procédure.

Les manuels d’aide à la prise de décisions

Lorsque le régime relève de l’assurance sociale, il existe en général un manuel sur l’attribution des prestations contenant les dispositions y relatives auquel les responsables des décisions peuvent se référer. Il s’agit le plus souvent d’une synthèse du droit écrit, des règlements, de la jurisprudence et des décisions prises par l’organisme chargé de l’administration ou de la prise des décisions, conformément aux pouvoirs qui lui ont été délégués. Ce manuel est le plus souvent intitulé «manuel d’orientation générale», mais ce terme induit en erreur. Seules certaines parties du manuel relatives à l’exercice de pouvoirs discrétionnaires peuvent être considérées à juste titre comme une «orientation générale». Il s’agit en fait, pour l’essentiel, d’un règlement faisant partie intégrante du droit public.

Longtemps, ces manuels ont été considérés et traités comme des documents secrets. Le terme «orientation» utilisé dans le titre visait à dissimuler le fait qu’il s’agissait en réalité de recueils de lois secrètes. Ces dernières années, cependant, cette situation a été largement reconnue, et la publication de ces manuels a été rendue obligatoire soit par la loi, soit par une décision des organismes chargés de l’administration ou de l’attribution des prestations.

Les conditions requises pour l’ouverture du droit à prestations

Les facteurs causals dans les cas d’accidents

Selon le principe général, une réparation est due pour les lésions et les décès résultant d’un événement ou d’une circonstance liés à l’emploi. Dans de nombreux Etats, la législation se réfère à une lésion survenue «du fait et à l’occasion de l’emploi». En fait, il n’y a habituellement aucune obligation que la lésion ou l’accident surviennent en cours d’emploi. La condition essentielle est qu’ils soient dus à l’emploi. Par exemple, supposons qu’un après-midi, un travailleur A place un rat dans le panier-repas de son collègue B, soit dans l’intention de lui nuire, soit tout simplement pour plaisanter. Lorsque B ouvre son panier-repas en arrivant chez lui, le rat le mord, occasionnant une incapacité importante. La lésion n’est pas survenue en cours d’emploi et il n’est absolument pas obligatoire qu’elle l’ait été. Elle résulte de l’emploi (encore que l’on puisse en discuter). Il existe des législations, cependant, qui exigent que l’«accident» soit survenu au cours de l’emploi.

D’autres législations se réfèrent à une lésion survenue «du fait ou à l’occasion de l’emploi», mais il semble qu’il n’y ait que peu de cas où cette différence de terminologie se traduise par une différence de résultats. Certains Etats ne donnent pas de définition générale de ce qu’est une incapacité ouvrant droit à réparation. Ils préfèrent utiliser une liste de circonstances ayant un lien suffisant avec l’emploi pour que l’incapacité ouvre droit à réparation.

La plupart du temps, le lieu où les lésions ont été subies n’est pas déterminant. Il n’est qu’un des éléments de preuve retenus pour établir un lien de causalité avec l’emploi. De même, il n’y a habituellement aucune obligation que les lésions aient été subies pendant la durée normale du travail mais, si tel est le cas, cela fait partie, là aussi, des éléments de preuve retenus pour décider si la lésion résulte ou non de l’emploi. D’autres législations accordent une plus grande importance au lien géographique ou chronologique avec l’emploi, et plusieurs Etats disposent que les lésions doivent avoir été subies sur le lieu de travail, bien que cette expression englobe en fait tout endroit où le travailleur est censé se trouver dans l’exercice de son activité professionnelle.

Certains Etats exigent que l’incapacité de travail soit arrivée sur leur territoire, ce qui n’est pas compatible avec le principe général selon lequel toute incapacité résultant de l’emploi doit être couverte. En général, il suffit que le lieu de travail habituel de l’intéressé se trouve dans l’Etat où il présente sa demande. Ainsi, lorsqu’un emploi implique des déplacements internationaux, une demande de réparation présentée par le travailleur au titre d’une incapacité survenue à l’étranger est normalement payée par le régime en place dans l’Etat où se trouve son lieu de travail habituel.

L’expression «lié au travail» figure souvent dans les publications relatives à la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles, mais elle est généralement inappropriée et trompeuse. La plupart des Etats n’exigent pas, pour que la lésion ouvre droit à réparation, qu’elle résulte du travail lui-même (activité de production). Un petit nombre d’Etats impose cependant cette condition, mais dans la plupart, il suffit que la lésion résulte de l’emploi. Par exemple, une lésion subie lorsque le travailleur entre dans les locaux de l’employeur ou en sort, ou pendant une période de pause, ou au moment où il reçoit son salaire, ouvre droit à réparation dans presque tous les pays.

Certaines législations précisent que toute lésion subie pendant l’entretien ou la préparation de l’outil de travail doit être couverte. Dans de nombreux autres Etats, ce type de dommage est couvert automatiquement, au même titre que ceux qui surviennent en cours d’emploi ou du fait de l’emploi.

Les accidents

L’une des conditions de la réparation a longtemps été que les lésions aient été provoquées par un «accident». Certaines législations l’ont abandonnée. Dans d’autres, ce terme est en général superflu et induit en erreur. Que l’on utilise ou non le terme «accident», la réparation ne se limite pas, en général, aux lésions intervenues à telle ou telle occasion, ou du fait d’un «accident spécifique». La protection s’étend aussi aux incapacités résultant de longues périodes de tension ou de fatigue répétées, ou d’autres causes ayant un effet progressif et cumulatif; elle inclut les incapacités dues au caractère routinier du travail. Lorsque le terme «accident» apparaît dans la législation, il ne fait que semer la confusion et entraîne un surcoût inutile pour la prise des décisions dans les cas limites. Il est cependant vrai que, parfois, un événement inhabituel peut constituer une preuve capitale pour la recherche de la cause des lésions. En cas de crise cardiaque, par exemple, certains Etats recherchent s’il n’y a pas eu de stress ou d’efforts inhabituels pour déterminer si l’emploi a été un facteur contributif à la crise cardiaque, ou si cette crise est seulement due à une dégénérescence naturelle — le fait qu’elle soit intervenue en cours d’emploi n’étant alors que pure coïncidence.

Les trajets

De nombreuses législations couvrent les dommages résultant du trajet entre le domicile et le travail, du moins lorsque le travailleur utilise l’itinéraire le plus direct et lorsqu’il n’y a pas d’interruption significative du déplacement pour des affaires privées n’ayant aucune relation avec le but initial. Elles ont en général adopté des règles précises pour déterminer si la protection s’applique encore dans toutes les circonstances, comme, par exemple, lorsque le travailleur utilise un itinéraire plus long pour son plaisir personnel, ou lorsqu’il s’arrête pour faire des achats. Certaines couvrent aussi les dommages résultant du trajet entre le lieu de travail et le lieu où le travailleur reçoit un traitement médical, si ce traitement doit avoir lieu pendant les heures de travail.

D’autres législations excluent de la protection les lésions résultant du déplacement entre le domicile et un lieu d’emploi fixe. Elles invoquent le principe suivant: puisque le travailleur a choisi à la fois son lieu de travail et son domicile, il a aussi choisi l’itinéraire à suivre et, par conséquent, les risques encourus lors de ce trajet ne peuvent pas être considérés comme des risques professionnels. Si le travailleur n’a pas de lieu de travail fixe, mais se déplace entre son domicile et différents endroits désignés par son employeur, ces déplacements sont considérés comme ayant lieu dans le cadre de l’emploi et les lésions qui sont susceptibles d’en résulter ouvrent droit à réparation. Cette approche est courante dans les transports et les travaux publics. De même, lorsqu’un travailleur est normalement employé dans un lieu de travail déterminé, mais qu’il est temporairement affecté à un autre lieu de travail, toute lésion résultant du déplacement entre son domicile et le lieu de travail auquel il est temporairement affecté ouvre droit à réparation. Même les déplacements entre le domicile et le lieu d’emploi fixe sont parfois couverts dans certains cas, par exemple lorsque l’intéressé ne fait pas partie de l’équipe au travail, mais que son employeur fait appel à lui pour une urgence, ou encore lorsque le travailleur utilise un moyen de transport fourni par son employeur.

Le début et la fin de la protection

Un travailleur peut parfois bénéficier d’une protection qui dure un peu plus que son contrat. Par exemple, lorsqu’un travailleur est victime d’une lésion corporelle en entrant dans les locaux de son employeur pour sa première journée de travail, celle-ci ouvrira droit à réparation dans de nombreux pays, nonobstant le fait que les formalités relatives au contrat de travail n’étaient peut-être même pas encore achevées. De même, dans de nombreux pays, si un travailleur qui a été licencié est blessé en quittant les locaux de son employeur, ou, parfois même avant d’arriver à son domicile, il peut avoir droit à réparation pour le dommage subi, et ce, indépendamment du fait que l’employeur a mis fin à son contrat de travail.

La faute

Les régimes de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles ont été créés pour remédier automatiquement aux incapacités dues à l’emploi et éviter les coûts et les dommages thérapeutiques qu’impliquerait la recherche de preuves pour déterminer qui est coupable, si tant est que quelqu’un doive l’être. Dès lors, il n’y a d’ordinaire pas lieu de déterminer s’il y a eu ou non faute de l’employeur, du travailleur ou de quelqu’un d’autre, à l’exception de certains cas mentionnés ci-après.

Les phénomènes naturels

Les points de vue sur l’ouverture du droit à réparation diffèrent lorsque les lésions ou les décès résultent d’un phénomène naturel. Par exemple, lorsqu’un travailleur est tué par la foudre, son décès ouvre droit à réparation dans certains Etats, mais non dans d’autres. Certaines législations examinent si le type d’emploi exercé par le travailleur l’expose à un risque d’une fréquence plus élevée que celle du même risque auquel la population est normalement exposée. Les phénomènes naturels ainsi visés comprennent aussi les lésions causées par des plantes ou des animaux.

Les maladies

On constate, en revanche, de plus grandes différences entre les Etats en ce qui concerne les critères d’attribution des prestations en cas de maladie. Le terme «maladie professionnelle» est d’usage courant, mais il induit en erreur et est source de confusion. Il tend à impliquer que les prestations ne sont dues que pour une certaine catégorie de maladies qualifiées de «maladies professionnelles», ce qui n’est généralement pas le cas.

Certains Etats limitent étroitement la couverture. Elle peut, par exemple, ne s’appliquer qu’aux maladies qui figurent sur une liste préalablement établie qui ne comprend pas toutes les maladies généralement considérées comme «professionnelles». Dans d’autres, la couverture est définie de manière plus large, de sorte que les maladies sont indemnisées comme le sont les accidents, y compris celles qui sont susceptibles de toucher l’ensemble de la population et qui ne sont pas reconnues comme étant d’origine «professionnelle». Comme pour les accidents, ces Etats retiennent comme critère d’attribution des prestations le fait que la maladie résulte de l’emploi dans le cas particulier, et non pas qu’elle appartient à une catégorie de maladies qui résultent habituellement de l’emploi. Par exemple, une demande de réparation présentée par un membre du personnel de santé atteint de tuberculose peut être acceptée s’il est prouvé qu’en l’espèce la maladie résulte de l’emploi, indépendamment de sa prévalence dans la population en général.

Quelques Etats adoptent une position intermédiaire. La couverture n’est alors pas confinée à une liste de maladies préétablie, mais elle est plus limitée que pour les accidents. Par exemple, certains d’entre eux exigent que la maladie soit «particulière ou spécifique à l’emploi», ou encore qu’elle soit «due à la nature de» l’emploi. D’autres n’offrent que des soins médicaux en cas de maladie, sauf lorsqu’il y a à la fois atteinte à l’intégrité physique et perte de gain, et ce, même quand une pension serait versée en cas d’incapacité permanente due à un accident sans qu’il soit tenu compte d’une perte de gain. Certains Etats imposent des conditions ou des délais de déclaration qui ne s’appliquent qu’aux cas de maladie. Ces délais sont parfois peu réalistes, compte tenu des périodes de latence communes à certaines des maladies les plus graves.

Lorsque la maladie résulte prétendument d’une contamination, la preuve que l’exposition du travailleur au contaminant a été supérieure au niveau maximum fixé par la réglementation est une preuve de causalité, mais elle ne permet pas de tirer une conclusion certaine et définitive. Quant à la preuve que l’exposition du travailleur a toujours été inférieure à la limite prescrite, elle a habituellement beaucoup moins de poids, le principe général qui s’applique alors étant qu’il est plus difficile de faire valoir une preuve négative. Les relevés d’exposition des années précédentes n’ont parfois pas grande signification; il arrive qu’ils se rapportent au milieu de travail plutôt qu’à l’exposition du demandeur, et celle-ci pourrait très bien être supérieure à la moyenne de celui-là. De toute façon, les variations de la sensibilité individuelle à un contaminant et les incertitudes scientifiques quant à la plupart des limites d’exposition sont telles que la maladie du demandeur peut fort bien résulter de son exposition au contaminant, quand bien même elle aurait toujours été inférieure aux limites prescrites. La preuve de ce que l’exposition du travailleur n’a jamais dépassé les limites prescrites n’est donc pas forcément convaincante et n’interdit pas la recevabilité d’une demande de réparation.

De tout temps, les maladies pulmonaires des mineurs et autres travailleurs de l’industrie lourde ont figuré aux premiers rangs des demandes de réparation pour maladie grave et mortelle. Ces dernières années, cependant, les législations ont eu tendance à reconnaître plus souvent les maladies des travailleurs de l’industrie légère et des employés de bureau, dont beaucoup ont des effets plus insidieux sur le fonctionnement du corps humain. Par exemple, certaines d’entre elles reconnaissent aujourd’hui qu’une demande peut aboutir en cas de syndrome des bâtiments malsains.

Dans de nombreux Etats, la législation établit une liste de maladies professionnelles qui comprend deux colonnes: la première énumère les maladies et, dans la seconde, en face de chacune de ces maladies, figurent la branche d’activité, le type de travail ou le procédé de travail connu pour exposer à ce risque. La liste n’a pas la même importance et la même signification dans tous les Etats. Elle peut être:

  1. Exclusive et limitative. Seules les maladies figurant sur la liste ouvrent droit à réparation. Si les conditions indiquées dans la seconde colonne sont applicables à un cas particulier, la demande est acceptée, sinon elle est rejetée. La preuve de l’étiologie dans le cas particulier concerné n’est ni prise en compte ni admissible.
  2. Exclusive et indicative. Seules les maladies figurant sur la liste ouvrent droit à réparation. Lorsque les conditions indiquées dans la seconde colonne sont applicables, la maladie est présumée résulter de l’emploi. Toutefois, la preuve que, dans le cas particulier, la maladie ne résulte pas de l’emploi est admissible, de même qu’une preuve à l’appui de la présomption selon laquelle elle en résulte. Lorsque la preuve est suffisante pour l’emporter sur la présomption, la demande est rejetée, sinon la présomption est maintenue et la demande est admise.
  3. Indicative, mais pas exclusive. Pour les maladies qui figurent sur la liste, la situation est la même que celle qui est décrite au point 2 ci-dessus. Pour une maladie qui ne figure pas sur la liste, il n’y a pas de présomption, mais la maladie peut quand même donner droit à réparation. Dans de nombreuses législations, les maladies qui ne figurent pas sur la liste ouvrent ce droit si la causalité entre la maladie et l’emploi est établie et si les conditions d’attribution sont remplies. Dans d’autres législations, une maladie qui ne figure pas sur la liste doit, pour ouvrir droit à réparation, être reconnue comme maladie professionnelle par l’organisme chargé de l’attribution des prestations ou de l’administration, mais il n’existe pas de restrictions quant aux maladies susceptibles d’être ainsi reconnues. La reconnaissance peut être générale ou ne s’appliquer qu’à un seul cas en particulier. Il ne s’agit pas de reconnaître que la maladie appartient à une catégorie prédéterminée de maladies professionnelles, mais simplement de reconnaître qu’aucune raison majeure n’interdit l’ouverture d’un droit à réparation. Dans certains Etats, les maladies ne figurant pas sur la liste n’ouvrent droit à réparation qu’à condition que l’incapacité atteigne un degré prescrit.
  4. Limitative, mais pas exclusive. Lorsqu’une maladie figure sur la liste et que les conditions de la seconde colonne sont applicables, la demande doit être admise. La preuve de l’étiologie dans le cas particulier n’est ni prise en compte ni admissible. Pour les maladies qui ne figurent pas sur la liste, la situation est la même que celle qui est décrite au point 3.

A l’origine, les situations exposées aux points 1 et 2 étaient courantes, mais, au cours des quarante dernières années, la situation indiquée au point 3 est devenue de plus en plus fréquente. La situation décrite au point 4 est rare. Dans de nombreux Etats, les listes sont trop restrictives et trop obsolètes pour être d’une grande utilité dans le traitement administratif des incapacités observées aujourd’hui.

L’un des risques inhérents aux listes qui ne sont pas conçues, au départ, pour être exclusives, est qu’elles ont parfois tendance, dans la pratique, à le devenir quand même. En théorie, lorsqu’une demande est présentée au titre d’une maladie qui ne figure pas sur la liste, on recherche les preuves permettant de déterminer si elle résulte ou non de l’emploi. Mais pour éviter que cela ne soit pas fait, on limite, dans la pratique, la couverture aux maladies qui figurent sur la liste. Certaines législations cherchent à pallier ce risque en n’utilisant pas de liste du tout.

On part parfois du principe qu’un diagnostic est nécessaire pour traiter une demande de reconnaissance d’une maladie; or, cela n’est généralement vrai que dans les Etats où la réparation est limitée aux maladies qui figurent sur une liste exclusive, ou sur toute autre liste dite «close». Dans la plupart des autres Etats, un diagnostic est nécessaire en cas d’application d’une liste indicative, mais non lorsque l’étiologie professionnelle peut être établie sans diagnostic. Les conditions d’attribution sont habituellement liées à l’étiologie et, lorsque celle-ci peut être prouvée, la maladie peut ouvrir droit à réparation en fonction des probabilités, sans qu’il soit besoin d’établir un diagnostic.

La distinction entre accident et maladie

De nombreux Etats appliquent des critères d’attribution différents selon qu’il s’agit d’une maladie ou d’un accident, et il faut donc parfois déterminer si l’incapacité peut être considérée comme résultant d’une maladie ou d’un accident. La distinction est généralement faite de manière pragmatique, sans référence à un principe quelconque. Il n’existe par conséquent aucune règle préétablie pour distinguer un accident d’une maladie, mais la pratique courante peut se résumer comme suit.

Les incapacités qui résultent d’un traumatisme sont généralement classées comme des accidents, et toute maladie résultant d’un accident (comme, par exemple, l’infection d’une plaie) est considérée comme faisant partie dudit accident. Lorsqu’une maladie figure sur la liste des maladies professionnelles, ou qu’elle est spécifiquement mentionnée d’une autre manière par la législation, elle est classée dans la catégorie «maladies». Dans les autres cas, les incapacités résultant d’un événement particulier sont habituellement classées dans la catégorie «accidents», alors que celles qui résultent d’une exposition de plus longue durée sont généralement classées dans la catégorie «maladies», sans toutefois que ce soit toujours le cas, d’autant plus qu’il n’existe aucune règle préétablie à cet effet. Par exemple, les entorses et les déchirures musculaires sont habituellement classées comme résultant d’un accident, qu’elles soient dues à un phénomène brutal et unique ou à l’usure. De même, les dermatoses sont en général classées comme des «maladies», qu’elles résultent ou non d’une exposition unique ou d’une exposition répétée, alors que les brûlures causées par un incident unique ayant impliqué une exposition à des produits chimiques peuvent être classées comme des accidents. Les pertes d’audition dues à une exposition au bruit sont classées comme des accidents si elles résultent d’une explosion, mais comme des maladies si elles sont dues à une exposition d’une certaine durée. Les incapacités dues à l’absorption progressive de produits chimiques ou biologiques sont classées comme des maladies. Les réactions allergiques sont généralement classées comme des maladies, qu’elles résultent ou non d’un incident unique ou d’une exposition d’une certaine durée.

Les troubles mentaux — le stress

La réparation d’une incapacité physique porte en général aussi sur tous ses aspects et conséquences psychiques. De même, lorsqu’un trouble mental résultant de l’emploi entraîne une incapacité physique, celle-ci est généralement reconnue comme ouvrant droit à réparation. Les textes de lois ne se limitent d’ordinaire pas aux incapacités physiques, de sorte qu’il n’existe aucune raison de principe de ne pas attribuer des prestations pour des troubles mentaux résultant de l’emploi sans qu’ils soient accompagnés d’une incapacité physique. Dans bon nombre de pays, ces cas sont couverts par la législation, mais les autorités font souvent preuve d’une certaine réticence lorsqu’il s’agit de reconnaître les droits aux prestations. Ces dernières années, le nombre des demandes de réparation au titre du stress professionnel s’est accru, et de nombreuses législations classent le stress soit parmi les accidents, soit parmi les maladies. Parmi les demandes de réparation admises à ce titre figurent celles qui sont dues au milieu de travail — par exemple, la température —, à l’attitude des collègues et des supérieurs hiérarchiques — par exemple, le harcèlement sexuel —, ou encore au mode de travail — y compris les cas de karoshi (décès dû à un excès de travail). Les législations qui attribuent des prestations pour incapacité résultant du trajet tiennent compte des effets combinés du trajet et de ce qui se passe au cours du travail pour décider si le travailleur est frappé d’incapacité ou s’il est décédé du fait du stress professionnel.

L’évolution politique contemporaine, qui met l’accent sur la «compétitivité» et la «déréglementation», notamment la déréglementation des heures supplémentaires, suscite des appréhensions quant à l’incidence croissante du stress professionnel. Certains Etats ont réagi en adoptant de nouvelles dispositions législatives qui restreignent considérablement les possibilités de réparation au titre du stress psychologique.

Les dorsalgies

Dans de nombreux pays, une grande partie des demandes de réparation controversées concerne des cas de dorsalgies. La plupart du temps, le travailleur souffre de fortes douleurs à la suite de mouvements de levage ou de rotation effectués dans l’exercice de son activité professionnelle. Ces douleurs deviennent parfois chroniques.

Les demandes de réparation pour dorsalgies sont généralement traitées de l’une des trois façons suivantes:

  1. La demande est acceptée, et les prestations sont servies de façon normale pendant la durée de l’incapacité. C’est le cas le plus courant, parce que la plupart des dorsalgies régressent en un mois.
  2. La demande est refusée.
  3. La demande est acceptée pendant une période initiale, mais le versement des prestations cesse ensuite au motif que toute période d’incapacité qui continue au-delà de cette période résulte d’une maladie sous-jacente plutôt que de l’emploi. La plupart du temps, les rapports médicaux font état d’une maladie dégénérative de la colonne vertébrale, chose courante dans l’ensemble de la population.

Le dilemme auquel on est le plus souvent confronté dans les dorsalgies tient au fait qu’en général, il n’existe aucune méthode scientifique permettant de déterminer une relation de cause à effet significative et à long terme entre les douleurs et tel ou tel événement particulier intervenu pendant le travail, ou entre les douleurs et l’exercice normal de l’activité professionnelle, par rapport à une dégénérescence naturelle ou à d’autres facteurs. Les cas de dorsalgies illustrent bien toute la difficulté qu’il y a à décider d’indemniser ou non en se fondant sur la cause d’une incapacité.

Les décès

Dans les cas mortels, il n’existe généralement pas de condition selon laquelle le décès doit être intervenu au cours d’une période donnée après l’accident ou la maladie, et la demande de réparation peut ouvrir droit à réparation même si le décès intervient de nombreuses années après la cessation de l’emploi qui en a été la cause. Un décès résultant d’une lésion que le défunt s’est infligée volontairement n’ouvre en général pas droit à réparation, encore que les cas de suicide puissent donner lieu à réparation dans certaines circonstances; par exemple, lorsque l’intéressé a subi involontairement une lésion ouvrant droit à réparation et que celle-ci a entraîné chez lui des troubles dépressifs graves qui l’ont conduit à se suicider. Quelques demandes ont également été admises pour des suicides résultant du processus de négociation avec les autorités chargées de la décision d’attribution.

Les causes multiples d’incapacité

Des controverses se font fréquemment jour lorsqu’une incapacité résulte des effets combinés d’un événement ou de circonstances liés à l’emploi et d’un autre événement ou d’autres circonstances étrangers à l’emploi. Le cancer du poumon constitue un bon exemple de ce genre de situation lorsqu’il résulte des effets combinés d’une contamination industrielle et de la consommation de tabac. Dans de nombreux pays, le demandeur a droit à une réparation si son emploi est un facteur contributif important de son incapacité et l’on ne tient pas compte du fait que d’autres facteurs non liés à l’emploi puissent éventuellement aussi avoir été à l’origine de l’incapacité. Certaines législations demandent à l’organisme qui décide de l’attribution de déterminer la cause prédominante ou première; mais le résultat relève parfois d’un choix arbitraire lorsque, en réalité, il n’y aurait pas eu incapacité sans l’intervention de l’un ou de l’autre facteur, ou lorsqu’on ne sait pas s’il y aurait eu incapacité en l’absence de l’un ou de l’autre facteur.

Certains droits nationaux contiennent des dispositions prévoyant une réparation proportionnelle: le demandeur a droit à des prestations, mais à un taux réduit. L’application de ces dispositions est difficile, notamment parce qu’aucune méthode scientifique ne permet de déterminer la part des différentes causes dans l’incapacité. Une autre difficulté tient au fait que les prestations résultant de l’application de ces dispositions peuvent être d’un montant inférieur à celles de la sécurité sociale (assistance) auxquelles le demandeur aurait droit s’il ne demandait pas réparation d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle. Pour éviter les inconvénients d’un différend sur la demande de réparation, la victime est alors autorisée à demander et à recevoir les prestations de la sécurité sociale (assistance). En pareil cas, le coût de l’incapacité professionnelle est alors transféré du régime de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles au budget de l’Etat.

Lorsque l’une des causes ayant contribué à l’incapacité est la prédisposition du demandeur ou un état préexistant propre au demandeur, il n’en est pas plus tenu compte pour déterminer le montant de la réparation que pour décider de l’attribution des droits. Cela semble juste lorsque l’intéressé fonde sa demande sur le taux de salaire qu’il était en mesure de gagner dans sa situation antérieure. Toutefois, la prédisposition ou l’état préexistant peuvent avoir une influence sur la durée de versement des prestations. Lorsqu’un état préexistant est aggravé par un événement ou une exposition intervenus du fait de l’emploi, cette aggravation peut entraîner une incapacité ouvrant droit à réparation, mais si elle est temporaire, ce droit expirera lorsque l’aggravation elle-même prendra fin.

Dans les cas d’allergie, lorsqu’un facteur lié à l’emploi a contribué de manière significative à une incapacité, celle-ci ouvre généralement droit à réparation, que le demandeur ait ou non déjà été allergique à ce facteur avant d’occuper l’emploi incriminé. Lorsqu’un facteur lié à l’une des conditions de l’emploi provoque chez le travailleur une allergie dont il n’était pas atteint auparavant, toute période ultérieure d’incapacité causée par des réactions allergiques ouvre d’ordinaire droit à réparation, que ces réactions aient été déclenchées ou non par l’emploi. Ainsi, dans les législations qui exigent que l’emploi ait constitué un facteur allergène important, il suffit, pour avoir droit aux prestations, que l’emploi ait causé l’allergie ou déclenché une réaction.

Les incapacités ultérieures consécutives à une première incapacité

Lorsqu’une incapacité ouvre droit à réparation, toute autre incapacité qui intervient ultérieurement et qui est une conséquence de la première y ouvre également droit. Par exemple, si une plaie ouvrant droit à réparation s’infecte, toute maladie qui en résulte est couverte. Quand un travailleur est victime d’une incapacité ouvrant droit à réparation pour laquelle il doit entreprendre un traitement médical lequel entraîne une autre incapacité, celle-ci ouvre, elle aussi, droit à réparation. Si, par exemple, un demandeur tombe dans les escaliers d’un établissement de réadaptation alors qu’il y suivait un traitement, tout dommage résultant de cette chute est habituellement considéré comme ouvrant droit à réparation. Cependant, les avis divergent lorsque le lien entre l’incapacité initiale et les incapacités ultérieures est indirect. Par exemple, une seconde blessure due à un accident de voiture intervenu lors du transport de la victime vers un établissement de réadaptation ouvre droit à réparation dans certains pays, mais non dans d’autres.

Lorsqu’une incapacité ultérieure est plus distante dans le temps ou dans l’espace, ou lorsqu’elle a un plus faible lien de cause à effet, elle peut être considérée comme trop éloignée pour ouvrir droit à réparation. Supposons qu’un demandeur subisse l’amputation d’une jambe et que cette amputation ouvre droit à réparation. Dix ans plus tard, il est renversé par une voiture alors qu’il était en vacances. On peut soutenir que l’intéressé aurait pu éviter le second accident s’il n’avait pas porté de prothèse et que le second accident est la conséquence du premier. Or, même si on parvient effectivement à démontrer qu’en l’espèce, il existe un lien de cause à effet, on conclura probablement que toute incapacité résultant du premier accident est à présent trop «éloignée» pour être considérée comme une conséquence de l’amputation ouvrant droit à réparation. De même, si l’amputation de la jambe a donné lieu au versement d’une pension d’un montant calculé en fonction du degré d’incapacité physique constaté après l’accident, l’un des facteurs pris en compte pour déterminer ce degré est la limitation de la fonction motrice. Dès lors, si celle-ci devait donner lieu à une autre réparation parce qu’elle entraîne une perte financière reconnue, on pourrait soutenir que le demandeur reçoit deux fois réparation au titre du même dommage.

La réparation des préjudices

Les plus courants des préjudices ouvrant droit à réparation sont ceux d’ordre économique. Les prestations les plus fréquentes sont donc les soins médicaux et les indemnités pour perte de revenu ou de capacité de gain; de nombreuses législations prévoient également des prestations en espèces en cas d’atteinte à l’intégrité physique ou mentale, ou de préjudice esthétique, qu’elles qu’en soient les conséquences économiques pour l’intéressé. Les dommages à la propriété sont généralement exclus de réparation, mais des indemnités sont couramment payées pour les lunettes, les appareils dentaires ou les prothèses détériorés. Quelques juridictions versent également des indemnités pour les vêtements endommagés.

Les incapacités multiples

Lorsqu’un demandeur souffre de deux ou de plusieurs incapacités ouvrant droit à réparation qui ont commencé à la même date, celles-ci sont généralement confondues aux fins du calcul de la réparation, mais le montant total payable ne peut pas dépasser ce qu’il aurait été en cas d’invalidité totale. Quand plusieurs incapacités ouvrant droit à réparation sont intervenues en différentes occasions, elles sont habituellement traitées comme des demandes distinctes. Les prestations sont calculées séparément pour chacune d’elles, et des montants de salaires différents peuvent être pris en compte. Un travailleur peut, par exemple, avoir droit à plusieurs prestations en même temps au titre de deux ou de plusieurs demandes. Cela est parfaitement normal lorsqu’un travailleur reçoit une pension calculée en fonction du degré de son handicap physique en cas d’incapacité permanente partielle, qu’il reprend ensuite son travail et qu’il est victime d’un nouvel accident qui le place en état d’incapacité temporaire totale. Dans certaines législations, le montant total combiné des prestations payables à n’importe quel moment au titre de toutes les demandes déposées est plafonné, alors que dans d’autres il ne l’est pas.

Lorsqu’un demandeur est atteint de deux où de plusieurs incapacités, qui n’ouvrent pas toutes droit à réparation, il peut s’avérer difficile de déterminer les préjudices attribuables à chacune d’elles. Les choses sont plus simples quand l’incapacité ouvrant droit à réparation est la plus récente. Selon les principes généraux de la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles, des prestations sont versées en cas de perte de gain, à condition qu’avant que ne survienne l’incapacité ouvrant droit à réparation, le demandeur ait travaillé avec celle qui ne lui ouvre pas de droit. Lorsque des indemnités sont censées être versées au titre d’une perte de gain effective et que l’incapacité n’ouvrant aucun droit est la plus récente, il peut être difficile de déterminer si c’est bien en raison de celle qui ouvre droit à réparation que le demandeur est absent de son travail.

Les exceptions d’irrecevabilité

Les exceptions d’irrecevabilité les plus courantes s’appuient d’ordinaire sur le fait que le demandeur ne remplit pas une, ou plusieurs, des conditions d’attribution. Même lorsqu’il les remplit, il reste encore un certain nombre de motifs de rejet. Les régimes de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles ont en général été institués afin d’éviter d’avoir à rechercher des preuves de la faute, et une allégation selon laquelle une incapacité est due à la négligence du demandeur n’entre d’ordinaire pas en ligne de compte, de même, d’ailleurs, qu’une allégation selon laquelle la cause de l’incapacité du travailleur échappait au contrôle de l’employeur.

Une lésion que le demandeur s’est lui-même infligée n’ouvre pas droit à réparation. Elle est habituellement exclue de la définition légale des accidents du travail ou des maladies professionnelles, et sa réparation est parfois expressément interdite. Pour être exclue, la lésion doit avoir été délibérément infligée par le demandeur lui-même. Le fait que l’intéressé ait délibérément pris le risque de subir une lésion ne constitue pas une exception d’irrecevabilité.

Certaines législations considèrent qu’une faute du demandeur entraîne ou peut entraîner le rejet de sa demande mais, dans la plupart d’entre elles, cette exception ne peut être soulevée que dans des cas exceptionnels. Pour éviter d’avoir à établir une faute dans la procédure habituelle, cette exception est réservée à des cas sortant de l’ordinaire. Certains Etats ne l’admettent que si la faute relève du droit pénal ou si elle est flagrante, d’autres, si elle est grave et volontaire. Quelques droits nationaux disposent que l’exception est irrecevable dans les cas d’accidents mortels ou lorsque l’incapacité est grave ou permanente. Ailleurs encore, pour que l’exception puisse être admise, la faute doit avoir été la «cause unique» de l’incapacité; or, très peu de lésions ne sont causées que par un seul facteur.

Lorsqu’une faute entraîne le rejet d’une demande, les prestations sont refusées, encore que, dans certaines législations, elles puissent être versées, mais à un taux réduit.

La réticence à prendre en compte les allégations de faute s’explique notamment par le fait que, dans les cas graves ou mortels, des ayants droit innocents pourraient en souffrir. Dans les cas de lésions mineures, admettre de telles allégations irait à l’encontre des efforts déployés pour réduire les coûts liés à la décision d’attribution. D’ailleurs, la plupart des régimes ne sont pas organisés pour rechercher les preuves sur la base desquelles prendre leur décision initiale, et il ne serait pas opportun de permettre la prise en considération d’allégations de faute si le régime n’est pas conçu de manière à pouvoir trancher équitablement.

Il arrive parfois qu’une demande soit rejetée au motif que la faute commise par le travailleur l’a amené à sortir du champ de son emploi, mais il est très difficile de soulever une exception à ce titre. A moins de prendre toutes les précautions utiles, une telle exception pourrait en effet faire rejeter une demande au motif de faute grave, alors que les limites légales à cette exception ne sont pas applicables. Prenons l’exemple de lésions subies à l’occasion d’un chahut. Un travailleur blessé lors d’un chahut n’est pas considéré comme blessé hors de l’exercice de son emploi s’il y a participé involontairement, ou s’il ne s’est pas distrait de manière importante de son activité de production, ou si le chahut faisait partie des habitudes dans le cours ordinaire de l’emploi, ou encore s’il s’agissait simplement d’une façon plus amusante d’effectuer le travail. En revanche, si le travailleur a été entièrement détourné de son activité productive, et s’il est l’initiateur du chahut ou y a participé volontairement, il peut sembler légitime de décider que les lésions n’ont pas été subies au cours de l’emploi. Dans d’autres cas, une demande ne peut être rejetée au motif de chahut que si les critères légaux relatifs à ce type de faute sont remplis.

Dans certaines législations, la demande est rejetée lorsque l’incapacité a été causée par une intoxication du travailleur due à la consommation d’alcool ou de drogue. Cette exception n’est pas forcément opposable à toutes les demandes et n’est pas admise, par exemple, en cas de décès. Dans d’autres pays, l’intoxication n’est généralement pas prise en considération, sauf lorsqu’elle constitue un type de faute, auquel cas le rejet est soumis aux limites qui s’appliquent à toute allégation de faute.

Dans certains Etats, une demande peut être rejetée si l’incapacité résulte d’une non-observation, par le travailleur, des règles générales relatives à la sécurité et à la santé au travail, ou des règles de sécurité imposées par l’employeur. Toutefois, pareil rejet peut aller à l’encontre des dispositions visant à encourager les employeurs à établir des plans de sécurité et de santé adéquats. Un employeur qui a la possibilité d’imposer des règles qui lui sont propres, ou de chercher à faire adopter une réglementation exigeant des salariés qu’ils se protègent eux-mêmes des risques en adoptant un comportement approprié, peut être moins disposé à éviter ou à réduire au minimum les situations potentiellement dangereuses par une bonne planification. Un autre problème, lié à celui-ci, tient au fait que le comportement des travailleurs dépend d’eux-mêmes, dans une certaine mesure, mais qu’il est également conditionné par les décisions des employeurs. Il serait donc difficile de légiférer sur le rejet des demandes sans s’engager dans une recherche de preuves pour déterminer à qui incombe la faute. Ces raisons expliquent sans doute la rareté de ces rejets.

Dans certaines législations, une demande de réparation au titre d’une maladie peut être rejetée au motif de fausses déclarations antérieures du travailleur. Ces dispositions posent des problèmes d’ordre pratique, car il serait notamment difficile de prouver qu’une déclaration a été faite de façon frauduleuse si le travailleur s’est borné à signer un formulaire imprimé sans qu’on lui ait laissé l’occasion de le lire et d’y réfléchir.

On allègue parfois que le travailleur était prédisposé au type d’incapacité dont il a été victime, mais ce genre d’argument n’est généralement pas retenu.

Dans certaines législations, les parents d’un enfant qui a été tué n’ont droit à aucune réparation si leur enfant était employé en violation des lois relatives au travail des enfants.

Le fait d’être au bénéfice d’autres prestations est d’ordinaire sans effet. Les régimes de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles se trouvent généralement en position de premier payeur, de sorte que le droit à des prestations d’une autre source n’a pas d’effet sur la recevabilité d’une demande de réparation. Certaines juridictions contiennent cependant des dispositions qui prévoient de réduire les prestations en cas d’accident du travail et de maladie professionnelle lorsque l’intéressé a droit à des prestations servies par une autre source.

Le non-paiement des contributions par l’employeur n’entraîne généralement pas le rejet d’une demande par les régimes relevant de l’assurance sociale. En revanche, dans ceux qui sont gérés par des compagnies d’assurances, le non-paiement de la prime par l’employeur peut inciter l’assureur à décliner toute responsabilité, ce qui ne laisse au demandeur que la possibilité de se retourner contre l’employeur.

Lorsqu’une exception opposée à une demande est considérée comme valable, elle constitue généralement une fin de non-recevoir définitive. Plusieurs législations estiment cependant que certaines exceptions peuvent avoir pour effet de réduire les prestations. Un petit nombre d’entre elles considèrent, par exemple, que la faute commise par le travailleur peut avoir pour effet de supprimer ses droits aux prestations en espèces pendant une période initiale de une ou deux semaines.

La faute de l’employeur

La plupart des législations ne prennent pas la faute de l’employeur en considération pour déterminer la validité d’une demande, sauf lorsque cette faute fait partie des preuves sur la base desquelles sera tranchée la question plus générale de savoir si l’incapacité résulte ou non de l’emploi. Dans certains pays, toutefois, des prestations supplémentaires ou d’un montant plus élevé, sont payables lorsque l’incapacité résulte de la faute de l’employeur. Quelques-unes de ces dispositions sont relativement restrictives dans leur application, puisqu’elles ne concernent que les fautes qui constituent un délit, les négligences «graves», ou les fautes graves et volontaires. D’autres sont d’une application plus large et se réfèrent à toute négligence ou violation de la réglementation relative à la sécurité et à la santé au travail. Ces dispositions sont celles des régimes de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles et n’ont pas de rapport avec la «responsabilité de l’employeur» (examinée dans la Partie 2). On peut leur opposer les mêmes exceptions qu’aux dispositions relatives aux fautes des travailleurs, c’est-à-dire qu’elles peuvent appeler une enquête ou des recherches de preuves dans un système conçu pour fonctionner dans la mesure du possible sans ce type d’enquête. C’est pourquoi certaines législations restreignent ce genre de dispositions aux cas dans lesquels l’employeur a été reconnu coupable par un tribunal pénal.

D’après certaines législations, une demande de réparation peut être rejetée si le travailleur était en état d’ébriété ou s’il a commis délibérément une faute grave. Néanmoins, cette disposition ne s’appliquera pas si la faute peut être reportée sur l’employeur.

L’assistance médicale

Certaines législations traitent les incapacités résultant de l’emploi de la même façon que les autres incapacités reconnues aux termes d’un régime public de soins médicaux. Dans d’autres pays, c’est le régime de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles qui fournit une assistance médicale en cas d’incapacité y ouvrant droit. Cette assistance peut être extrêmement complète et comprendre, notamment, les soins des médecins praticiens et autres professionnels de la santé, les soins hospitaliers, la chirurgie, les prothèses, les appareils, les médicaments, les soins dentaires, les chaussures orthopédiques et les diverses thérapies de réadaptation. Lorsqu’un demandeur a droit à une prothèse ou à un autre appareil en cas d’incapacité permanente, le régime lui fournit également les services d’entretien et l’appareil de remplacement dont il aura besoin ultérieurement. L’assistance médicale est souvent fournie sur la base d’une prise en charge à 100% de tous les services nécessaires, et ce, même lorsque les prestations en espèces pour pertes économiques sont inférieures à une indemnisation pleine et entière. Ainsi, dans certains Etats, la couverture offerte en matière d’assistance médicale par les régimes de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles est plus complète que celle du régime public général. Dans les pays qui ne disposent pas d’un régime public de soins médicaux, l’assistance médicale fournie en cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle constitue un contraste frappant avec les soins médicaux dispensés par d’autres sources et avec les prestations d’assurance médicale offertes par ailleurs aux travailleurs. Certains pays imposent toutefois des restrictions à l’assistance médicale susceptible d’être fournie. Par exemple, les traitements considérés comme «expérimentaux» sont parfois exclus.

Les frais de déplacement et autres dépenses encourues par un demandeur pour recevoir une assistance médicale sont habituellement couverts, mais de nombreux régimes plafonnent le montant du remboursement au coût d’utilisation des transports publics, à moins que ceux-ci soient inexistants ou insuffisants.

Dans certaines législations, les régimes de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles disposent de leurs propres hôpitaux, cliniques de réadaptation et autres établissements de santé. Lorsque tel n’est pas le cas, les victimes d’accidents du travail et de maladies professionnelles sont traitées dans les mêmes hôpitaux et autres établissements et par le même personnel que les patients ordinaires. En général, la seule différence entre les victimes d’accidents du travail et de maladies professionnelles et les autres patients tient aux sources de paiement. Mais il existe parfois d’autres différences encore. Par exemple, un organisme de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles peut conclure un contrat avec un hôpital général afin que les personnes dont il s’occupe bénéficient de services supplémentaires.

Le droit à une assistance médicale ne dépend pas d’ordinaire de l’incapacité de travail ou de la perception de prestations en espèces. Aussi une grande partie des demandes de réparation des accidents du travail ou des maladies professionnelles ne concerne-t-elle que l’assistance médicale. Dans les Etats où l’on tient compte des antécédents de l’entreprise en matière d’accidents du travail et de maladies professionnelles, les pressions exercées afin que ces accidents et maladies ne soient pas déclarés à l’organisme chargé de la réparation ou à l’assureur aboutissent à ce que, parfois, les soins médicaux aux victimes soient dispensés par le régime général de soins de santé, alors qu’ils devraient l’être par celui de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles.

C’est en général à l’assureur que revient l’obligation de fournir une assistance médicale (et ce, qu’il soit un organisme public ou une compagnie privée), mais l’employeur est tenu, lui aussi, la plupart du temps, de fournir une assistance médicale au moment de l’accident, notamment les premiers secours et le transport en ambulance. Habituellement, l’assureur paie directement au prestataire le service ou le traitement dispensé. Presque toutes les législations considèrent inapproprié d’exiger de l’intéressé qu’il paie avant de demander à être remboursé. En effet, ce système pourrait poser des problèmes financiers à des personnes dont le revenu est déjà réduit du fait de leur incapacité et faciliter également une surfacturation des services par les prestataires, le demandeur se retrouvant alors pris entre deux feux et se voyant contraint de supporter les coûts supplémentaires.

Les régimes gérés par des compagnies d’assurances traitent les soins médicaux comme des produits soumis à la loi du marché et n’exercent aucun contrôle sur la prestation de services qui ne sont pas indispensables; les personnes qui demandent la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles sont parfois tenues de recevoir des soins dans un petit nombre d’hôpitaux et autres établissements de santé, et leur liberté de choisir leur médecin traitant peut être limitée.

Certaines législations prévoient que les prestations peuvent ou doivent être suspendues ou supprimées lorsque le demandeur refuse sans raison valable d’accepter le traitement médical qui lui est proposé; mais ces dispositions ne s’appliquent en fait que dans des cas très exceptionnels où le refus équivaut pour l’intéressé à s’infliger lui-même des lésions. En général, la législation sur la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles n’avait pas l’intention de limiter les choix du patient en matière de soins médicaux, ou de nier ce droit fondamental qu’est la liberté d’accepter ou de refuser un traitement. Il faut dire aussi que, du moins dans certains Etats, les autorités responsables de la réparation se soucient plus d’empêcher une surconsommation de médicaments et d’opérations chirurgicales que d’en éviter la sous-utilisation.

Quelques législations imposent des limites temporelles ou territoriales à la fourniture de l’assistance médicale. Dans d’autres, l’assistance médicale en cas d’incapacité ouvrant droit à réparation est fournie à l’intéressé en fonction de ses besoins et pendant sa vie entière, quels que soient ses changements de résidence; cette caractéristique distingue l’assistance médicale fournie au titre de la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles de celle qu’assure le régime public général de soins médicaux.

Les prestations en espèces

Le taux de salaire

Le calcul du montant des prestations en espèces commence généralement par la détermination du montant des gains ou du taux de salaire à prendre en considération dans le traitement de la demande. Il s’agit habituellement du montant brut des gains du travailleur (y compris la rémunération des heures supplémentaires) au moment où est intervenue l’incapacité, ou des gains moyens au cours d’une période de référence antérieure, qui va en général de quatre semaines à trois ans. Le taux des prestations est alors fixé en fonction du taux de salaire. Il existe parfois des dispositions prévoyant que le taux de salaire doit être déterminé en fonction du salaire moyen dans telle ou telle branche d’activité, ou du salaire moyen national, mais elles ne s’appliquent que dans des circonstances exceptionnelles.

Contrairement à ce qui se passe pour l’évolution des dommages-intérêts dans les systèmes fondés sur la responsabilité de l’employeur, le processus qui permet de déterminer le taux de salaire ne conjecture en rien sur l’évolution future qu’auraient connue les gains de l’intéressé s’il n’avait pas été victime de l’accident du travail ou de la maladie professionnelle ouvrant droit à réparation. Pour les cas d’invalidité permanente et de longue durée, cependant, il existe en général des dispositions prévoyant que, lorsqu’un travailleur a été frappé d’incapacité alors qu’il était débutant, apprenti ou étudiant, c’est-à-dire au cours des premières phases de sa carrière, le taux de salaire doit être majoré et porté au niveau des gains de base offerts dans sa branche.

Chaque Etat établit en général ses propres règles pour le calcul des gains antérieurs et décide, par exemple, si on doit attribuer ou non des gains théoriques au demandeur parce que celui-ci était logé et nourri par son employeur, s’il faut exclure ou intégrer partiellement les gains tirés d’un autre emploi ou d’une activité indépendante, ou si les gains provenant d’un emploi saisonnier doivent ou non être ajustés à une moyenne annuelle.

Certaines maladies ont parfois pour conséquence une diminution progressive de la capacité de gain de l’intéressé, car elles l’obligent à prendre un emploi moins contraignant, mais aussi moins bien rémunéré. En pareil cas, si la demande de prestations n’est pas déposée avant l’arrêt total du travail, elle ne permet pas de compenser la perte réelle lorsque le niveau de gains immédiatement antérieur est utilisé comme taux de salaire dans la demande. Pour éviter ce problème, certaines législations prévoient que le taux de salaire est fixé en fonction des gains des membres de la profession qu’exerçait le demandeur au moment où il a contracté sa maladie.

Lorsqu’il s’agit d’un travailleur indépendant, le taux de salaire est habituellement fixé au moment de son affiliation au régime de réparation. Dans les Etats où les travailleurs indépendants ne sont protégés que s’ils s’affilient au régime de réparation, le travailleur candidat peut être autorisé à déclarer lui-même le taux de salaire, avec un plancher et un plafond, étant entendu que sa demande d’affiliation est susceptible d’être rejetée si le taux indiqué semble hors de proportion avec ses gains potentiels. Le taux fixé au moment de l’affiliation est alors utilisé pour calculer la cotisation (la prime), ainsi que les prestations en cas d’incapacité ouvrant droit à réparation.

Dans certaines législations, le taux de salaire reste fixe pendant toute la durée de la demande. Dans d’autres, il peut changer après une période déterminée. Pareil changement se justifie par le fait qu’il faut modifier le taux de salaire pour les incapacités permanentes et de longue durée afin de tenir compte d’une plus longue période de gains moyens avant l’incapacité. Il est ainsi plus facile d’inclure les gains de toutes provenances et de tenir compte de l’évolution du nombre des heures supplémentaires et des variations saisonnières et autres dans la continuité de l’emploi.

Habituellement, le taux de salaire reflète les gains bruts moyens de l’intéressé (à l’exclusion des contributions de l’employeur aux prestations) mais, dans certains Etats où les prestations du régime de réparation ne sont pas soumises à l’impôt sur le revenu, il est ajusté aux gains «nets» de principe ou théoriques avant d’être utilisé pour calculer le taux de réparation. Par «nets», il faut entendre le montant brut moins l’impôt sur le revenu et les autres versements aux caisses publiques déductibles des gains.

Le taux de réparation

En général, il existe une formule qui permet de tirer du taux de salaire celui de la prestation payable en cas d’incapacité totale. Celui-ci est habituellement fixé en pourcentage du taux de salaire ou des gains «nets» théoriques dérivés du taux de salaire. Il est en général inférieur à une compensation totale de la perte de gain, conformément à la théorie selon laquelle la différence entre le taux de salaire et celui des prestations représente la contribution du travailleur au coût de son incapacité professionnelle. C’est là un raisonnement boiteux, car la contribution (prime) représente, dans une certaine mesure, un coût d’opportunité de la main-d’œuvre. Un autre argument, plus réaliste celui-ci, est que cette différence entre le taux de salaire et celui des prestations incite le travailleur à reprendre un travail. Une différence de 10% est considérée comme suffisamment motivante à cette fin. Ce raisonnement n’est pas fondé en cas d’incapacité grave ou permanente.

Le plafond

En général, le taux de salaire et celui de la prestation sont plafonnés (c’est-à-dire qu’ils ne peuvent pas dépasser un maximum déterminé). Historiquement, l’une des raisons de l’existence de ces plafonds est que les travailleurs dont les gains leur étaient supérieurs pouvaient, s’ils le désiraient, les assurer en souscrivant leurs propres polices d’assurance accident et maladie. En fait, il n’en a jamais été ainsi. Il n’existait sur le marché aucune police d’assurance susceptible de donner lieu ensuite aux versements de prestations pour pertes de gains supérieures au plafond pendant toute la durée de l’incapacité.

Lorsque le taux de salaire est plafonné et que le travailleur est atteint d’une incapacité ouvrant droit à réparation, mais qu’il a encore des gains supérieurs au plafond, il peut paraître injuste qu’il subisse une perte de gain du fait de son incapacité professionnelle et qu’il ne soit pas indemnisé. On peut éviter ce problème en plafonnant le taux des prestations, en calculant leur taux en fonction du degré d’incapacité physique, quelle que soit la perte de gain, ou en n’établissant aucun plafond.

Le plafonnement du taux de salaire pose également un autre problème: en général, c’est en effet le même plafond que l’on utilise pour calculer le niveau des gains aux fins du paiement des contributions (primes). Par exemple, si le plafond est de 50 000 unités monétaires par an, cela signifie que le niveau maximum des prestations sera un certain pourcentage de 50 000 unités monétaires par an. La contribution versée par l’employeur correspondra à un certain pourcentage de la masse salariale plafonnée à 50 000 unités monétaires par an et par travailleur. Ce plafonnement est sans doute l’un des facteurs qui incitent les employeurs à demander à leurs salariés de faire régulièrement des heures supplémentaires plutôt qu’à augmenter leurs effectifs. Il peut donc être considéré comme contre-productif en termes de politique sociale, de stress au travail et de réadaptation des travailleurs frappés d’incapacité.

La classification des incapacités

Certaines législations classent les incapacités en plusieurs catégories: les incapacités temporaires totales, les incapacités permanentes totales, les incapacités temporaires partielles, les incapacités permanentes partielles; il est fréquent que la même incapacité change de catégorie. Quelques pays n’utilisent pas toutes ces catégories, tandis que d’autres y recourent, mais sous des appellations différentes, ou appliquent des principes similaires sans pour autant les classer ainsi. Ces dernières années, certains Etats censés réparer les lésions professionnelles en fonction de la perte de gain réelle ont abandonné toute classification.

L’incapacité temporaire totale

La plupart des Etats versent des prestations en cas d’incapacité temporaire totale. En plus des incapacités passagères, cette catégorie comprend la phase initiale de la plupart des incapacités permanentes. Dans certains pays, la durée de versement de ces prestations est limitée, mais la plupart du temps, ce n’est pas le cas. Les prestations continuent d’être versées jusqu’à ce que le demandeur soit totalement, ou partiellement rétabli, jusqu’à ce que l’incapacité soit classée comme permanente, ou jusqu’au décès du demandeur. Dans des cas exceptionnels, le versement des prestations peut cesser pour perte de droit, par exemple, lorsque le demandeur a quitté le pays pendant le temps où il devait recevoir une assistance médicale.

Etant donné que la grande majorité des incapacités professionnelles sont mineures et temporaires, ces prestations ne sont versées dans la plupart des cas que pendant quelques jours, ce qui est bien souvent trop court pour qu’il vaille la peine d’examiner si le cas doit être traité comme une incapacité temporaire partielle. Dans certaines législations, le montant de la prestation est réduit après une certaine période, ou réduit progressivement au bout de deux ou trois périodes prédéterminées, par exemple trois et six mois. Ces réductions ne sont pas courantes dans les pays industriels.

Le paiement de la prestation commence le lendemain du jour où est intervenue l’incapacité, mais quelques Etats imposent un délai de carence de trois jours. Dans certains régimes, c’est l’employeur qui est tenu de payer la prestation pendant une brève période initiale, puis c’est à l’assureur que revient cette obligation. Ces dispositions posent parfois des problèmes dans les régimes de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles: elles peuvent, par exemple, retarder le rassemblement, par l’assureur, des preuves sur la cause de l’incapacité.

Outre la réparation, certaines législations exigent de l’employeur qu’il continue à payer le salaire du travailleur pendant une très brève période initiale correspondant habituellement à la journée au cours de laquelle est intervenu l’accident.

L’incapacité temporaire partielle

Il est des législations qui ne retiennent pas cette catégorie. D’autres l’utilisent lorsqu’un demandeur est suffisamment rétabli pour pouvoir exercer une certaine activité, mais pas assez pour reprendre son emploi normal. Dans la plupart des cas, il ne vaut pas la peine de la prendre en compte et d’en payer le coût sur le plan de l’administration et de l’attribution, parce que le demandeur sera de toute façon capable de reprendre son emploi normal au bout de quelques jours.

Dans les Etats où les entreprises paient des contributions calculées en fonction de leurs antécédents en matière d’accidents du travail et de maladies professionnelles, ou qui ont adopté des mesures d’ordre financier pour encourager les employeurs à se prévaloir de cette classification, il est relativement difficile, tant au niveau de l’administration qu’à celui de l’attribution des prestations, de déterminer le type de travail qui convient à l’état actuel du demandeur. La crainte des abus fait que l’on hésite à laisser à l’intéressé le soin de décider lui-même du travail qui lui convient et l’on pressent des difficultés comparables si c’était à l’employeur de prendre cette décision. Confier la décision à l’organisme chargé de l’attribution des prestations ne va pas non plus sans poser quelques problèmes, car, sans une enquête préalable permettant de recueillir des preuves, il est impossible de régler de manière juste et efficace les différends relatifs au type de travail qui convient à tel ou tel état de santé. La plupart des régimes ne sont pas conçus pour mener rapidement ce genre d’enquête, et certains n’en effectuent même pas du tout, sauf en cas de recours. Les décisions prises à l’emporte-pièce sont sources de dommages thérapeutiques, d’injustice et de gaspillage. Elles peuvent également créer dans la relation d’emploi des tensions qui font obstacle à la réadaptation. C’est notamment pourquoi certaines législations préfèrent, dans la mesure du possible, éviter d’utiliser cette catégorie.

Dans les cas d’incapacité temporaire partielle, le montant de la prestation correspond habituellement à un pourcentage de la différence entre les gains antérieurs et les gains actuels du demandeur, ou à ce qu’il aurait pu gagner (gains «estimés»). Dans un petit nombre de pays, le montant de la prestation doit être calculé en fonction du degré d’incapacité physique, mais ce système n’est pas réaliste. La période pendant laquelle cette classification peut s’appliquer est en général trop brève, et la gravité de l’incapacité peut évoluer trop rapidement pour que le montant de la prestation puisse être calculé de cette façon. Certaines législations excluent toute compensation en cas d’incapacité temporaire partielle lorsque l’effet de la lésion sur la capacité de gain ou sur les gains est mineur.

Certains Etats exigent du demandeur qu’il soit présent sur leur territoire afin de continuer à avoir droit aux prestations temporaires. D’autres ne l’exigent que pour les périodes au cours desquelles le demandeur a besoin d’un traitement médical.

L’incapacité permanente totale

De nombreuses législations classent les incapacités graves dans la catégorie des incapacités totales, indépendamment de leur effet sur les gains ou la capacité de gain. Par exemple, la cécité totale, la paraplégie ou la perte de deux membres sont considérées d’ordinaire comme des incapacités permanentes totales, et cela pour plusieurs raisons: tout d’abord, la réparation est versée pour l’incapacité elle-même, sans égard à ses conséquences économiques; ensuite, l’incapacité a en général un coût financier pour l’intéressé: qu’elle se répercute ou non sur ses gains, elle signifie pour lui une perte économique; enfin, et c’est sans doute là la raison la plus importante, le paiement d’une pension fixe sans enquête sur les pertes économiques subies permet de préserver la liberté de l’individu, d’atténuer son angoisse et de l’inciter plus efficacement à entreprendre une réadaptation. Un petit nombre d’Etats versent une somme forfaitaire en plus de la pension.

Dans d’autres législations, les prestations pour incapacité permanente totale sont payables en fonction de la perte de gain, de sorte qu’elles ne sont versées que si l’on estime que cette perte sera totale et permanente. Dans certains cas, notamment pour les travailleurs âgés, on prend en compte l’importance économique de l’incapacité, même si l’atteinte à l’intégrité physique est faible, car on hésite alors, en général, à reconnaître que la perte de gain résultant de l’incapacité sera vraisemblablement permanente et totale.

Lorsqu’un cas a été classé dans la catégorie des incapacités permanentes totales, la pension peut être payée à vie ou jusqu’à l’âge normal de la retraite, mais dans certains pays, elle ne l’est que pendant une période limitée. La formule de calcul de la pension est souvent la même que pour les prestations en cas d’incapacité temporaire totale, sauf dans certains Etats. Le taux de salaire, notamment, peut être ajusté comme nous l’avons indiqué plus haut, sous le titre «Le taux de salaire».

Dans les régimes gérés par des compagnies d’assurances, les versements périodiques en cas d’incapacité permanente sont souvent convertis en une somme forfaitaire, mais certaines législations imposent le paiement de rentes annuelles.

L’incapacité permanente partielle

Cette catégorie regroupe toutes les incapacités permanentes qui ne sont pas classées comme totales. Les méthodes (décrites ci-après) utilisées pour évaluer le degré d’incapacité partielle permettent aussi de distinguer une incapacité totale d’une incapacité partielle. La compensation d’une incapacité permanente partielle est généralement versée sous la forme d’une somme forfaitaire lorsque l’incapacité est mineure ou bénigne et sous forme de pension pour les incapacités plus graves. Une pension peut être versée à vie ou jusqu’à l’âge normal de la retraite, mais dans certaines législations, elle ne l’est que pendant une période limitée.

Sauf en cas d’incapacité mineure, une pension fixe présente beaucoup plus d’avantages qu’une somme forfaitaire. Lorsque l’indemnisation vise avant tout à compenser toute perte future de gain et certains des coûts futurs liés à l’incapacité, la pension a le grand avantage de pouvoir être versée pendant toute la durée de cette perte. Le paiement d’une somme forfaitaire exigerait une estimation de l’espérance de vie qui, dans presque tous les cas, serait erronée. Les sommes forfaitaires ont également tendance à être dépensées assez rapidement, et le demandeur peut ensuite devoir être aidé financièrement par l’Etat. Une pension fixe est la meilleure protection pour le budget de la sécurité sociale.

Le mode de calcul des prestations versées en cas d’incapacité permanente partielle a été le problème le plus difficile à résoudre de toute l’histoire de la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles. Il existe pour cela trois méthodes.

La méthode d’évaluation de l’atteinte à l’intégrité physique

Cette méthode de calcul d’une pension fixe est traditionnellement utilisée aux fins de la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles, ainsi que du calcul des pensions militaires. Les prestations sont calculées en fonction du degré estimé de l’atteinte à l’intégrité physique et mentale qui résulte de l’incapacité. Des barèmes sont généralement utilisés pour assigner un taux à chaque incapacité. Certains Etats respectent le barème à la lettre, d’autres l’utilisent comme un guide. Des variations sont parfois autorisées ou prescrites, par exemple en cas de facteur aggravant.

Le contenu de ces barèmes est souvent critiqué pour leur orientation trop orthopédique. Par exemple, les amputations sont en général affectées d’un taux qui semble relativement élevé au regard des prothèses qui existent aujourd’hui. Or, un certain nombre de troubles moins apparents de la fonction motrice sont habituellement affectés d’un faible taux, alors qu’ils pèsent lourdement sur la vie des demandeurs. L’Association médicale américaine (American Medical Association (AMA)) publie un barème plus complet que certains Etats considèrent comme le seul applicable, ou comme une référence lorsque le barème initial ne couvre pas une incapacité particulière.

Quel que soit le mode de détermination du taux d’incapacité, la pension est ensuite calculée en l’appliquant à la prestation qui aurait été versée si le demandeur avait été reconnu comme atteint d’une incapacité totale. Dans les Etats qui recourent à cette méthode, il est courant d’utiliser aussi le barème pour distinguer une incapacité totale d’une incapacité partielle. Lorsque l’incapacité est affectée d’un taux inférieur à un certain minimum (en général 10%), c’est habituellement une somme forfaitaire qui est versée au lieu d’une pension. Cette somme peut être calculée en utilisant la même formule que pour une pension, puis en convertissant la pension obtenue en somme forfaitaire; elle peut aussi l’être selon une autre méthode. Etant donné que la plupart des incapacités permanentes sont mineures, la majorité des indemnités versées en cas d’incapacité permanente partielle prennent la forme d’une somme forfaitaire. Quelques pays considèrent que les incapacités minimes ne peuvent faire l’objet de réparation.

Le fait de verser une somme forfaitaire, plutôt qu’une pension, en cas d’incapacité mineure a l’avantage d’éviter des coûts administratifs, mais aussi l’inconvénient de créer des difficultés dans certains cas, par exemple lorsque le travailleur est frappé successivement de plusieurs incapacités mineures dont les effets sont cumulatifs. Il existe alors un risque que l’invalidité s’aggrave sérieusement sans pour autant ouvrir droit à une pension. Un problème du même type se pose lorsqu’une somme forfaitaire a été versée pour une incapacité mineure qui s’aggrave ensuite. Si la détérioration est progressive, plusieurs sommes forfaitaires peuvent successivement être octroyées à l’intéressé au titre de la même incapacité, mais, là encore, une incapacité relativement importante n’ouvre pas droit à pension. Afin d’éviter ce problème, certaines législations insistent pour que l’intéressé reçoive une pension plutôt qu’une somme forfaitaire, et ce, même en cas d’incapacité mineure si l’état du patient n’est pas stabilisé et risque de s’aggraver ultérieurement.

S’agissant des incapacités qui ne figurent pas dans le barème, la plupart des Etats adoptent l’une des quatre positions ci-après.

  1. Le taux d’incapacité est déterminé par extrapolation à partir du barème, dont les rubriques servent de points de repère.
  2. Les incapacités permanentes ne figurant pas dans le barème ne font pas l’objet d’une réparation calculée selon l’un des autres modes décrits ci-après.
  3. Les incapacités permanentes ne figurant pas dans le barème ne font pas l’objet d’autres prestations que celles qui sont servies en cas d’incapacité temporaire, encore que des prestations temporaires puissent continuer d’être versées.
  4. Les versements périodiques cessent après un certain temps, même si l’incapacité et les préjudices qu’elle entraîne demeurent.

Le grand avantage de la méthode du degré d’atteinte à l’intégrité physique est qu’elle maximise l’incitation à la réadaptation tout en préservant le caractère volontaire et en respectant la liberté individuelle du demandeur. Dans les Etats qui plafonnent le taux de salaire pris en compte lors de l’examen de la demande, cette méthode présente également l’avantage d’autoriser le versement d’une pension, même lorsqu’il n’y a pas de perte de gain inférieure au plafond.

Etant donné que cette méthode n’exige pas que l’on apporte la preuve d’une perte réelle de gain, la pension est versée de toute façon, qu’il y ait ou non perte de gain. On considère qu’il vaut la peine de payer ce prix pour maximiser l’incitation à la réadaptation et éviter les autres inconvénients (décrits ci-après) qu’il peut y avoir à calculer la réparation en fonction de la perte réelle de gain. A noter également que les cas dans lesquels il n’y a pas de perte apparente de gain sont habituellement ceux dans lesquels le demandeur continue de travailler pour le même employeur. L’effet économique de l’incapacité peut être plus grave lorsque le demandeur doit par la suite chercher un emploi sur le marché du travail. De plus, la pension versée selon cette méthode est en général la seule réparation des préjudices non monétaires subis par la victime; or, la véritable raison d’être d’une pension est indépendante d’une perte de gain réelle.

Les pensions ainsi attribuées peuvent faire l’objet d’un réexamen si l’intéressé en fait la demande en raison d’une aggravation de son état. Dans certains pays, la pension peut également être réexaminée à l’initiative de l’organisme chargé de l’attribution, de l’assureur ou de l’employeur en cas de guérison. Le cas est rare, car les incapacités ne sont généralement pas reconnues comme permanentes tant qu’il existe une perspective sérieuse d’amélioration. Mais cela peut arriver à l’occasion, lorsque les progrès de la recherche médicale permettent un traitement révolutionnaire.

Cette méthode est parfois abandonnée au profit de celle de la perte de gain réelle (voir ci-après), mais il arrive que la première soit reprise après la découverte des difficultés d’application et du caractère injuste de la seconde.

La méthode de la perte prévisible de gain

Cette méthode est utilisée par un petit nombre d’Etats pour le calcul d’une pension fixe. Il s’agit de déterminer dans quelle mesure les gains du demandeur risquent de diminuer avec le temps, du fait de l’incapacité ouvrant droit à réparation. Dans la plupart des cas, le demandeur reprend son emploi avant que le calcul ne soit effectué, de sorte que ce sont ses gains actuels qui sont utilisés comme base. Il convient alors de déterminer si ces gains sont inférieurs ou supérieurs au potentiel de gains à long terme. Lorsque le demandeur n’a pas repris un emploi, le calcul est plus difficile, mais, comme on ne doit le faire qu’une fois, on peut se fonder sur une recherche de preuves lorsque cela est obligatoire ou paraît approprié. Les statistiques ne sont généralement pas d’une grande utilité dans ce type de calcul. On ne peut les utiliser ni de manière exclusive, ni comme preuve principale et, lorsqu’on le fait, elles risquent de détourner l’enquête des faits propres au cas particulier.

Tout comme la méthode du degré d’atteinte à l’intégrité physique, cette méthode n’affaiblit pas les mesures d’incitation à la réadaptation et en préserve le caractère volontaire, comme aussi la liberté individuelle du demandeur. De même, une pension attribuée selon cette méthode peut faire l’objet d’un nouvel examen en cas d’aggravation de l’état du demandeur, mais non en cas de changement dans la perte réelle de gain. Cette méthode permet donc d’éviter la plupart des problèmes (voir ci-après) de la méthode de la perte réelle de gain. Comme elle ne prend en considération ni les dépenses dues à l’incapacité, ni les préjudices non monétaires, elle peut être servie conjointement avec d’autres prestations.

La méthode de la perte réelle de gain

Cette méthode de réparation des incapacités permanentes, qui est utilisée dans certains pays, ne permet pas le versement d’une pension fixe. Les versements périodiques sont supposés correspondre à la perte réelle de gain que l’on estime due à l’incapacité. Ils sont sujets à des variations en fonction des changements dans l’appréciation de la perte réelle de gain. Dans certains Etats, les paiements font de temps en temps l’objet d’un réexamen, lorsqu’il y a un changement dans les gains réels. Dans d’autres, ils sont revus à intervalles réguliers, parfois chaque année.

L’un des inconvénients de cette méthode est la difficulté d’apprécier, au fur et à mesure que le temps passe, l’impact de l’incapacité ouvrant droit à réparation sur les gains du demandeur par rapport à celui des autres facteurs, tels que les incapacités ultérieures, le vieillissement, les progrès technologiques, ou encore les changements économiques ou politiques qui ont une influence sur le marché du travail.

Un autre problème majeur de cette méthode tient à la façon dont elle permet de réagir au risque de voir le demandeur gagner moins qu’il ne pourrait le faire. La réponse habituelle est de considérer que chaque demandeur gagne ce qu’il est censé être capable de gagner. Or, l’application des dispositions relatives à cette «appréciation» a été l’une des causes d’injustice et de mécontentement les plus importantes dans l’histoire de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles. L’intention initiale était, le plus souvent, de ne recourir qu’exceptionnellement à l’appréciation, mais celle-ci est devenue la norme avec le recours à la méthode de la perte réelle de gain. Les demandeurs sont «censés» être capables de gagner leur vie en occupant un «emploi fantôme», c’est-à-dire un emploi auquel ils n’ont pas accès dans la réalité. L’«appréciation» s’applique également dans le cas où le demandeur refuse d’accepter un emploi pour des raisons morales ou de santé. Le versement des prestations est en général suspendu, alors même que l’incapacité et les préjudices économiques qu’elle entraîne demeurent. Dans les Etats qui utilisent cette méthode, les versements périodiques sont habituellement la seule réparation dont le demandeur bénéficie pour les préjudices économiques qui résultent d’une incapacité permanente. Bien que la législation ne dispose pas que ces versements périodiques devraient être temporaires, c’est pourtant le résultat pratique de l’«appréciation».

Une autre injustice tient à la façon dont cette méthode tient compte de l’avancement dans la carrière. Dans le système de pensions fixes, le demandeur perd le bénéfice d’un avancement dans l’emploi qu’il occupait avant l’incapacité, mais il profite de toute promotion dans ses emplois ultérieurs. Avec la méthode de la perte de gain réelle, il perd le bénéfice de toute promotion à la fois dans l’emploi qu’il occupait avant l’incapacité et dans ses emplois ultérieurs éventuels.

L’application des dispositions laissant le champ libre à l’«appréciation» n’est pas sans exercer une pression sur le demandeur, incité à se réadapter comme l’organisme de réparation le lui recommande (ou l’exige), que cela corresponde ou non à ses aspirations; la réadaptation perd ainsi son caractère volontaire, et cette façon de procéder est susceptible de porter atteinte à la liberté de l’individu. Cette méthode peut même faire perdre au demandeur son droit fondamental de libre circulation d’un pays à un autre ou, en tout cas, le restreindre fortement et, dans le cas d’un travailleur migrant frappé d’une incapacité, se révéler très injuste.

La méthode de la perte réelle de gain provoque, en outre, des appréhensions inutiles quant à la réadaptation et décourage l’intéressé de faire usage des services mis à sa disposition. Lorsqu’ils ne sont pas certains de réussir dans le nouvel emploi qui leur est proposé, les demandeurs ont parfois peur de l’accepter. Il existe alors un risque d’attribuer la cessation de l’emploi à des raisons autres que l’incapacité et, en pareil cas, le versement des prestations périodiques n’est pas rétabli.

Autre inconvénient de cette méthode, l’impossibilité, dans de nombreux cas, de prendre des décisions justes et appropriées sans rechercher des preuves. De toute façon, ce type d’enquête n’est généralement pas considéré comme réalisable, vu le nombre de décisions qu’il faudrait prendre lorsque le montant des prestations périodiques est appelé à changer dans le temps.

Les variantes et les méthodes hybrides

Il existe de nombreuses variantes de ces méthodes, et quelques Etats vont jusqu’à les combiner. Certains recourent à une méthode hybride qui tire ses caractéristiques des trois méthodes décrites ci-dessus. L’une d’elles consiste à attribuer une pension en utilisant la méthode de la perte de gain prévisible, assortie de deux réexamens, par exemple deux ans après l’évaluation initiale, puis cinq ans plus tard. Elle présente l’avantage de permettre la correction de toute erreur de prévision, mais elle a également de graves inconvénients. Elle prolonge l’insécurité et, si le demandeur a une propension à une névrose compensatoire ou à toute autre forme d’anxiété, ces affections pourraient s’enraciner. Cette méthode fait également perdurer les facteurs qui font obstacle à ce que le demandeur s’engage dans une réadaptation professionnelle et la réussisse. Elle prête enfin le flanc à certaines des critiques que l’on peut adresser à la méthode de la perte réelle de gain, par exemple, l’atteinte au droit fondamental à la libre circulation.

Les personnes à charge

Etant donné que, dans les cas non mortels, le montant des prestations est d’ordinaire lié aux gains, il n’est pas courant de faire varier celles qui sont dues pour les personnes à charge; des prestations supplémentaires pour personnes à charge sont cependant versées dans certains Etats.

Dans les pays qui soumettent les prestations à l’impôt sur le revenu, l’existence de personnes à charge peut avoir une influence sur le montant net des prestations reçues, de la même façon qu’elle peut en avoir une sur le montant net des salaires. Dans les Etats où les prestations ne sont pas soumises à l’impôt sur le revenu, mais où le taux de réparation correspond à un pourcentage des gains «nets» estimés, le nombre des personnes à charge est parfois pris en compte lors du calcul de l’impôt sur le revenu qui aurait été dû sur les salaires; ainsi, l’existence de personnes à charge a, là aussi, une influence sur le taux de réparation.

Le préjudice esthétique

De nombreux Etats prévoient réparation en cas de préjudice esthétique. Dans certains pays, cette réparation prend la forme d’une somme forfaitaire et elle est distincte de la prestation pour perte de gain. Dans d’autres, le préjudice esthétique est pris en compte dans le calcul de la somme forfaitaire ou de la pension pour incapacité permanente partielle.

Le pretium doloris

Contrairement à ce qui se passe avec la responsabilité civile de l’employeur, les régimes de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles ne prévoient habituellement pas de prestations spéciales au titre de la douleur, de la souffrance, de la diminution de l’espérance de vie, de la perte de la qualité de vie, ou de la perte de vie sociale. Ces pertes sont cependant réparées dans une certaine mesure. Lorsque pour calculer une pension pour incapacité permanente, on évalue le degré d’atteinte à l’intégrité physique, la pension est payable normalement sans égard à la perte de gain. On peut donc considérer qu’il s’agit là d’une compensation aussi bien des préjudices non économiques que des pertes financières. Dans les Etats où les prestations payables en cas d’incapacité permanente sont censées être calculées en fonction de la perte réelle de gain, il existe parfois une prestation distincte pour l’incapacité elle-même, c’est-à-dire pour les préjudices non économiques. Cette prestation est habituellement une somme forfaitaire, mais certains Etats la servent sous forme de pension dans les cas très graves.

Les pertes économiques indirectes

En général, aucune prestation n’est prévue au titre des pertes économiques qui résultent indirectement de l’incapacité ou de l’accident. Par exemple, lorsque le travailleur a payé ses vacances d’avance et qu’il se trouve ensuite dans l’impossibilité de partir parce qu’il a été entre-temps victime d’un dommage corporel ouvrant droit à réparation, la perte financière qu’il a ainsi subie ne donne pas lieu à réparation.

Les dépenses et les allocations

Il est normal qu’un régime couvre les dépenses qui résultent d’une incapacité ouvrant droit à réparation ou, du moins, certaines d’entre elles. Par exemple, les demandeurs sont habituellement remboursés des dépenses encourues pour examens médicaux ou engagées pour faire valoir leur droit à réparation. Les dépenses occasionnelles sont en général remboursées sur la base du coût réel, de même, parfois, que les dépenses récurrentes. Ces dernières peuvent également être couvertes par une allocation comme celle qui sert à rémunérer la personne qui dispense soins et assistance; cette allocation est sans doute la plus fréquente et la plus importante de toutes. Autres exemples courants, l’allocation pour les frais supplémentaires d’habillement qu’entraîne le port d’une prothèse, le supplément de pension pour les personnes incapables de se déplacer et des «allocations pour la gêne et les désagréments occasionnés» par toute une série d’incapacités. Exemple encore plus spécifique de prestation versée au niveau local, celui de l’allocation pour carburant non polluant.

Le cumul ou le non-cumul des prestations

Lorsque des prestations sont payables à un demandeur en application de plusieurs articles de la loi sur la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles, la règle générale est que ces prestations peuvent être cumulées, que ce soit au titre d’une même demande ou de demandes distinctes. Il n’y a aucune interdiction de cumul à moins que la législation n’en dispose autrement. Néanmoins, il arrive de temps en temps que le montant des prestations cumulées soit plafonné. L’exception de cumul est parfois implicite lorsque d’autres prestations sont payables au titre du même dommage, par exemple lorsqu’une pension pour incapacité permanente partielle a été attribuée à un demandeur qui est ensuite victime d’une rechute entraînant une incapacité permanente totale due au même accident. Si un nouveau taux de salaire n’est pas utilisé pour calculer les prestations temporaires, il serait normal de suspendre le versement de la pension pendant que la prestation pour perte de salaire est versée au titre de l’incapacité temporaire totale, ou de continuer à verser la pension et d’en déduire le montant de la prestation due pour perte temporaire de salaire.

Une même personne peut avoir droit à des prestations pour une incapacité ouvrant droit à réparation et à des prestations pour conjoint à charge survivant d’un travailleur décédé. Il s’agit là de deux demandes distinctes. Il n’existe généralement pas de dispositions interdisant ce type de cumul ou plafonnant le montant total des deux prestations.

Par rapport aux prestations servies par d’autres régimes (en général, par l’assurance), l’organisme de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles est en règle générale le premier payeur; il n’y a donc ni interdiction de cumul, ni réduction des prestations du fait des sommes reçues d’un autre régime. Parfois les autres régimes peuvent suspendre ou réduire leurs prestations lorsque le demandeur en reçoit au titre d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle. Dans certains Etats, cependant, l’organisme de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles déduit de ses prestations toute autre somme versée au demandeur par d’autres systèmes comme la sécurité sociale ou l’assurance sociale, ou payée en application de dispositions prises par l’employeur.

Les dommages à la propriété

La règle veut qu’aucune indemnité ne soit payable au titre des dommages à la propriété subis par le travailleur, mais elle souffre des exceptions. De nombreux Etats versent des indemnités pour les dommages aux appareils dentaires, aux lunettes, aux appareils de correction auditive ou aux prothèses. Quelques-uns le font aussi pour les vêtements endommagés. Lorsque des indemnités sont payables en cas de dommages matériels, les critères d’attribution sont d’ordinaire les mêmes que pour les dommages corporels, encore que pour les demandes d’indemnisation de dommages matériels, certains Etats exigent qu’ils soient dus à un «accident», alors qu’ils n’imposent pas cette condition pour les demandes d’indemnisation de réparation des dommages corporels.

Les dispositions susmentionnées concernent les dommages matériels intervenus en cours d’emploi. Il existe aussi un certain nombre de dispositions concernant les dommages matériels qui résultent d’une incapacité ouvrant droit à réparation. A cet égard, l’exemple le plus courant est l’allocation pour vêtements (précédemment mentionnée sous le titre «Les dépenses et les allocations») versée pour aider l’intéressé à payer les dépenses entraînées par le port d’une prothèse.

Les éventualités ultérieures

En général, lorsqu’un demandeur au bénéfice de prestations pour incapacité temporaire reprend un emploi régulier, le versement de ces prestations cesse, mais il peut continuer de recevoir une pension et d’autres prestations au titre d’une éventuelle incapacité résiduelle. En cas d’une seconde incapacité temporaire totale, le demandeur peut avoir droit à une reprise du versement des prestations temporaires, mais il est possible, entre-temps, que ses gains se soient établis à un niveau différent. Certains Etats considèrent que, si cet élément nouveau implique une situation plus favorable pour le demandeur parce que les gains sont supérieurs à ceux qui avaient été pris en compte antérieurement, il doit ou peut être retenu pour calculer le montant des prestations à verser après la seconde incapacité. Ces dispositions sont particulièrement importantes dans les Etats où le taux de salaire pris en compte pour l’examen de la demande n’est pas indexé sur l’inflation, mais elles ne s’appliquent le plus souvent qu’après un nombre déterminé d’années après l’incapacité initiale.

Le décès d’un demandeur de prestations pour incapacité n’ouvrant pas droit à réparation

Lorsqu’une personne qui recevait une pension pour incapacité permanente, ou qui y avait droit, décède sans que sa mort ouvre droit à réparation parce qu’elle ne résulte ni de l’incapacité, ni de l’emploi, la règle veut que le versement des prestations cesse à la date du décès (ou à la fin du mois au cours duquel il est intervenu), mais elle souffre des exceptions.

  1. Lorsque le demandeur décédé recevait des prestations au titre d’une incapacité totale ou très sévère, certains Etats considèrent que ses ayants droit doivent recevoir les mêmes prestations que si l’incapacité indemnisée avait été la cause du décès (ces prestations sont décrites au point 2 ci-après).
  2. Dans d’autres Etats, la pension pour incapacité que percevait le défunt continue d’être servie au conjoint à charge survivant pendant une brève période — par exemple, trois mois — ou une somme forfaitaire équivalant au montant de la pension pendant cette période est versée au conjoint survivant.
  3. Lorsqu’une pension est versée au titre d’une incapacité permanente, certains Etats disposent que, dans des conditions précises, le droit acquis peut être converti en une pension versée aux deux conjoints leur vie durant, auquel cas le montant de la pension est inférieur à celui de la pension normale.
  4. Un petit nombre d’Etats versent une prestation de survivant — sous la forme d’une pension ou d’une somme forfaitaire — quelle que soit la cause du décès.

Les cas mortels

Pour ouvrir droit à réparation, un décès doit être dû à l’emploi ou résulter d’une incapacité ouvrant droit à réparation. Dans la plupart des Etats, le fait que le décès est intervenu à tel ou tel moment particulier après la date de l’incapacité est sans effet mais, parfois, la période écoulée entre l’incapacité et le décès peut constituer un des éléments de preuve permettant de déterminer si le décès résulte de l’incapacité.

Les prestations pour frais funéraires sont d’usage courant. Certains Etats versent une somme forfaitaire sans égard au coût réel des obsèques. D’autres remboursent le coût réel sous réserve qu’il ne dépasse pas un certain plafond. La législation ne précise généralement pas le bénéficiaire de cette prestation qui peut donc être demandée par quiconque a payé les obsèques.

Dans les cas mortels, les prestations les plus importantes sont celles qui sont payées aux survivants à charge. Il peut s’agir de montants forfaitaires, de versements périodiques, ou des deux à la fois. Certains Etats versent un montant forfaitaire à chaque personne à charge, par exemple, une certaine somme par mois pour le conjoint à charge survivant et une autre pour chaque enfant. D’autres versent des sommes calculées en fonction des gains antérieurs du travailleur décédé. On calcule généralement les pensions des survivants à charge en pourcentage de la prestation pour incapacité totale. Certains Etats utilisent une formule mixte fondée à la fois sur un montant forfaitaire et sur un montant qui varie en fonction des gains antérieurs du travailleur décédé.

Lorsque les prestations correspondent à un montant forfaitaire pour chaque survivant à charge qui n’est généralement pas plafonné, il peut arriver que le total des sommes versées soit supérieur à celle qui aurait été attribuée au travailleur décédé en cas d’incapacité totale. Lorsque les prestations sont calculées en fonction des gains, elles sont parfois plafonnées pour correspondre au montant qui aurait été versé au défunt en cas d’incapacité totale, ou à un pourcentage de cette somme; il arrive parfois que ce plafond soit moins élevé lorsqu’il n’y a pas de conjoint survivant. Certains Etats qui utilisent une formule mixte imposent un plafond, d’autres non.

A l’origine, les prestations de décès étaient versées aux veuves ou aux veufs handicapés. C’est encore le cas aujourd’hui dans de nombreux pays. Dans d’autres, l’évolution vers l’égalité des sexes a abouti à la suppression de cette distinction; la plupart du temps, les prestations payables aux veuves ont été réduites et, parfois même, complètement supprimées. Les pensions de veuves n’étaient en général plus servies après le remariage de l’intéressée qui, souvent, recevait alors une somme forfaitaire. Certaines législations ont aboli ces dispositions mais, lorsqu’elles s’appliquent encore, les allocations pour enfants continuent d’être versées. Dans les Etats où la pension de veuve cesse d’être versée dès le remariage de l’intéressée, cette disposition ne s’applique que s’il n’y a pas d’enfants. Lorsqu’une pension de veuve cesse d’être servie au motif de remariage, elle peut être rétablie en cas de divorce aux termes de certaines législations. Dans quelques pays, la pension d’un conjoint survivant peut également être suspendue en cas d’abandon des enfants.

Les prestations sont parfois payables par simple référence à un lien familial. Dans d’autres cas, il faut prouver l’existence d’un lien familial et d’un lien de dépendance. Pour apporter la preuve d’un lien de dépendance, il suffit habituellement que le demandeur ait vécu sous le même toit que le travailleur défunt, ou qu’il en ait reçu un soutien financier. Le fait que le demandeur ait exercé lui-même une activité rémunérée n’est en général pas un motif de lui refuser un droit à prestations, mais, s’il ne vivait pas sous le même toit que le défunt et ne recevait de lui aucune aide financière, cela peut suffire pour prouver qu’il n’était pas à sa charge.

Certains Etats reconnaissent les cas de dépendance partielle, généralement lorsque le demandeur et le défunt ne faisaient pas ménage commun. S’ils considèrent que le demandeur était partiellement à la charge du travailleur décédé, ils servent des prestations dont le montant est un pourcentage de la somme qu’ils auraient versée si le demandeur avait été reconnu comme étant entièrement à la charge du défunt. D’autres Etats ne reconnaissent pas la dépendance partielle, de sorte qu’ils ont simplement à décider si le demandeur était ou non à la charge du travailleur décédé.

Les prestations pour personnes à charge sont payables directement aux intéressés (ou à la personne qui élève l’enfant ou les enfants à charge), et non aux héritiers du défunt. Dans certaines législations, les prestations de survivants à charge sont réservées au conjoint et aux enfants. Dans d’autres, elles peuvent être versées aux frères et sœurs, aux parents, aux grands-parents, aux petits-enfants et à d’autres membres de la famille. En pareil cas, le conjoint et les enfants du défunt, s’il en avait, sont généralement prioritaires. Cela étant, des prestations peuvent également être versées à d’autres membres de la famille qui étaient, ou qui auraient probablement été ultérieurement à la charge du travailleur décédé.

Les pensions pour conjoint survivant sont en général payées à vie. Certains Etats ne les servent que pendant un nombre d’années prédéterminé, ou jusqu’à ce que le bénéficiaire atteigne l’âge de la retraite. Les versements périodiques au titre d’un enfant cessent généralement lorsqu’il atteint un certain âge. Des dispositions sont prises pour maintenir ces versements au-delà de l’âge limite si l’enfant est élève ou étudiant à plein temps, et toute la vie si l’enfant est handicapé.

Lorsqu’il y a des enfants survivants, mais pas de conjoint survivant, une allocation est généralement versée au parent nourricier. Son montant est souvent le même que celui qui aurait été payé au conjoint survivant à charge, mais sa durée varie. L’allocation pour parent nourricier cesse habituellement d’être versée lorsque le dernier enfant atteint un certain âge, ou plus tôt si les soins nourriciers prennent fin.

Le droit aux prestations pour conjoint ne dépend pas d’ordinaire d’un mariage en bonne et due forme. Les membres d’un couple qui cohabitait au moment du décès et pendant une certaine période avant le décès sont considérés comme des conjoints. Si un enfant est né de leur union, aucune période minimale n’est généralement applicable, ou alors sa durée est réduite.

Un conjoint marié légalement, mais séparé au moment du décès du travailleur peut, dans certains Etats, perdre ses droits aux prestations ou, en tout cas, n’avoir droit qu’à des prestations réduites. Lorsque le travailleur décédé avait à sa charge un conjoint dont il était séparé, et qu’il avait un concubin, certaines législations prévoient de partager les prestations entre eux sans pour autant augmenter le montant total des prestations. En ce qui concerne les modalités de ce partage, si le conjoint légalement marié a longtemps eu la priorité, la tendance actuelle l’accorde au concubin.

La plupart des Etats considèrent que le fait que le mariage ait eu lieu (ou que la cohabitation ait commencé) après l’incapacité qui est la cause du décès n’est pas un motif de perte du droit à prestations.

Les ajustements à l’évolution du coût de la vie

Dans certains pays, les prestations en espèces ne sont pas ajustées automatiquement à l’évolution du coût de la vie; aussi, leur valeur se détériore-t-elle avec le temps, en dépit des variations épisodiques imposées par la législation. Dans d’autres, les prestations gardent leur valeur grâce à la compensation de l’inflation. Cette indexation peut prendre deux formes: premièrement, l’indexation des prestations correspondant aux nouvelles demandes, y compris celle du plafond; deuxièmement, l’indexation des versements périodiques en cours correspondant aux demandes antérieures. L’indexation peut s’appliquer directement aux prestations, ou indirectement au taux de salaire, avec des ajustements ultérieurs des prestations elles-mêmes.

L’imposition des prestations

Certaines législations assujettissent toutes les prestations, ou quelques-unes d’entre elles seulement, à l’impôt sur le revenu et le prélèvent d’ordinaire à la source. D’autres ne les considèrent pas comme un revenu imposable. En pareil cas, on utilise le plafonnement du taux de salaire ou du montant des prestations pour que le travailleur ne reçoive pas des prestations d’un montant plus élevé que celui des gains tirés de son activité professionnelle. Le même résultat peut être obtenu en calculant les prestations en pourcentage du taux de salaire et en appliquant aux tranches de revenu plus élevées un barème décroissant.

La protection des prestations

Pour s’assurer que les prestations sont bien utilisées pour subvenir aux besoins du travailleur handicapé et des personnes à sa charge, certaines législations interdisent leur saisie au bénéfice de créanciers ou d’autres personnes et les soustraient à toute exécution forcée. Forts de ce principe, certains organismes de réparation refusent d’accéder à la demande d’un bénéficiaire qui souhaiterait que ses prestations soient versées à un avocat.

Cette règle souffre plusieurs exceptions. Lorsque l’employeur a continué à payer un salaire ou a versé d’autres prestations au travailleur atteint d’une incapacité ouvrant droit à réparation, certains Etats demandent à l’organisme de réparation de rembourser à l’employeur soit les sommes qu’il a versées au travailleur, soit les prestations auxquelles le travailleur a droit, le plus faible de ces deux montants étant retenu. Quand un demandeur a reçu des prestations de la sécurité sociale en attendant le résultat de l’examen de sa demande de réparation d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, certaines législations considèrent que le régime de réparation (ou l’assureur) doit rembourser la sécurité sociale (ou l’assurance sociale). Lorsqu’un demandeur victime d’une incapacité ouvrant droit à réparation ne subvient pas aux besoins des personnes à sa charge, certains Etats considèrent qu’une partie des prestations dues doit être versée directement à ces personnes.

La suspension des prestations

Diverses dispositions prévoient la suspension des versements périodiques. Cette suspension intervient, par exemple, lorsque le demandeur d’une prestation d’invalidité s’absente du pays pendant une période où il a besoin d’un traitement médical ou refuse sans motif valable de recevoir des soins médicaux, lorsque le conjoint survivant à charge cohabite avec une autre personne, ou lorsque le bénéficiaire est placé en détention. La législation ne donne pas toujours une définition claire du terme «suspension». Lorsque ce mot est utilisé seul, sans indication d’une perte du droit à prestation, il peut s’agir d’un simple report des versements, le droit restant alors entier de sorte que les arriérés sont payables à la fin de la période de suspension. Parfois, les textes mentionnent expressément la perte du droit à prestation, ou encore il ressort du contexte qu’aucune prestation n’est payable au titre de la période de suspension.

Le trop-perçu

Le terme «trop-perçu» se réfère aux paiements auxquels le bénéficiaire n’avait pas droit, ou aux paiements dont le montant dépasse celui qui était effectivement dû. Un trop-perçu peut résulter d’une erreur de l’assureur, du bénéficiaire ou d’un tiers, ou encore d’une fraude du bénéficiaire ou d’un tiers. L’obligation de remboursement dépend parfois des circonstances et, en particulier, de la culpabilité du bénéficiaire. Ce dernier peut:

Aux termes du règlement de certains régimes de réparation, l’assureur est fondé à demander le remboursement du trop-perçu, encore que ce ne soit pas toujours le cas. Lorsque le législateur n’a pas envisagé la question, les trop-perçus peuvent être recouvrés en application des principes juridiques généraux, mais cela dépend des circonstances. Dans certains Etats, par exemple, le remboursement du trop-perçu ne peut pas être exigé lorsque l’assureur a commis une erreur de droit et que celle-ci n’a pas été provoquée par le bénéficiaire.

Lorsqu’un trop-perçu est recouvrable légalement, les méthodes de recouvrement utilisées sont généralement celles auxquelles peut avoir recours n’importe quel autre créancier dans la juridiction concernée. Il peut s’agir, par exemple, d’une procédure pour dettes engagée devant les tribunaux, l’exécution du jugement pouvant alors donner lieu à une saisie des biens du bénéficiaire. L’organisme de réparation peut ne pas avoir le droit — ou n’avoir qu’un droit limité — de recouvrer un trop-perçu en le déduisant des prestations futures. Compte tenu du fait que celles-ci sont habituellement dépensées par le bénéficiaire au fur et à mesure de leur paiement, et qu’elles visent à satisfaire les besoins de demain, la législation relative à la réparation précise parfois que tous les paiements futurs doivent être effectués à l’échéance prévue, sans déduction des éventuels trop-perçus antérieurs. Dans ce cas, ceux-ci ne sont récupérables que par les autres méthodes de recouvrement.

Dans la réalité, les pratiques diffèrent. Si l’on s’aperçoit que le trop-perçu a été obtenu par fraude, il est normal de chercher à le recouvrer par toutes les méthodes légales de recouvrement à disposition, y compris les poursuites judiciaires. Si le trop-perçu est dû à une erreur, il peut être passé par pertes et profits, surtout s’il a été obtenu en toute innocence. Sinon, il peut être recouvré par les voies juridiques ordinaires et, dans les Etats où il est légal de le faire, en les déduisant des prestations futures; cette déduction peut s’effectuer en plusieurs fois. Les organismes de réparation s’efforcent toutefois d’éviter toute déduction sur les prestations futures, même lorsque la loi l’autorise.

Lorsque le bénéficiaire du trop-perçu est un médecin ou un autre prestataire de services, la situation légale est généralement la même que celle d’un travailleur frappé d’incapacité, mais la compensation est beaucoup plus courante, et le recouvrement des sommes dues se fait alors normalement par des déductions sur les factures ultérieures.

Lorsque le bénéficiaire du trop-perçu est un travailleur invalide décédé par la suite, les sommes dues peuvent être réclamées aux héritiers du défunt, mais il n’est en général pas permis d’opérer des déductions sur les prestations dues aux personnes à charge.

Les conversions (rachats)

Certaines législations autorisent la conversion de la totalité ou d’une partie de la pension en une somme forfaitaire. Cette conversion peut prendre diverses formes:

Les Etats qui autorisent la conversion sont nombreux à ne pas en admettre toutes les formes. La forme de conversion la plus courante est la première de la liste ci-dessus.

Les dispositions relatives à la conversion laissent la porte ouverte à des abus de la part des administrateurs qui, pour calculer la somme forfaitaire, peuvent utiliser une formule qui aboutit à un montant beaucoup moins élevé que la valeur réelle de la pension en capital. Les possibilités de conversion rendent, en outre, le demandeur beaucoup plus vulnérable à la rapacité de certains prestataires de services. Par ailleurs, il ne faut pas oublier qu’en empêchant les demandeurs de dépenser rapidement une somme forfaitaire et, donc, de tomber à la charge de la collectivité, les régimes de réparation cherchent aussi à protéger le contribuable.

Pour éviter ces difficultés, certains Etats ont interdit les conversions ou n’ont pas adopté de dispositions les autorisant. D’autres considèrent que les autorisations de conversion relèvent du pouvoir discrétionnaire de l’organisme de réparation, et ce pouvoir peut être défini par la législation ou par l’organisme lui-même de manière à ne permettre les conversions qu’à des fins bien précises. Dans certains pays, même lorsque la décision relève d’un pouvoir discrétionnaire, le rejet de la demande de conversion peut faire l’objet d’un recours. Dans ce cas, le coût administratif et le coût lié à l’attribution de la prestation de ces pouvoirs discrétionnaires peuvent être excessivement élevés par rapport aux montants en jeu.

Dans les Etats où le régime est géré par des compagnies d’assurances, l’assureur (ou l’employeur) ou le travailleur, ou les deux à la fois, peuvent demander, après une période initiale (par exemple, douze mois) la conversion de tous les versements périodiques futurs en une somme forfaitaire. Lorsque les parties ne parviennent pas à un accord, le montant de cette somme peut être fixé par le tribunal. Toutefois, on peut objecter à ce système que, dans la pratique, le travailleur recevra nettement moins que la pleine valeur en capital des versements périodiques dont il aurait bénéficié par la suite et que, pour satisfaire ses besoins futurs, il tombera à la charge de la collectivité.

La réadaptation et les soins

Les établissements de réadaptation, les services des médecins et ceux des autres thérapeutes sont généralement fournis au titre de l’assistance médicale. Les dispositions, dans les règlements des régimes de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles, traitent de la réadaptation à des titres différents: ainsi, certains articles, comme les prothèses, sont fournis au titre de la réadaptation dans certains Etats et de l’assistance médicale (ou des soins de santé) dans d’autres.

L’aide à la réadaptation fait partie des prestations offertes par de nombreux régimes de réparation des accidents du travail et maladies professionnelles, de même que les soins permanents. Les personnes qui demandent réparation d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle peuvent y avoir droit au titre du système général de sécurité sociale qui couvre l’ensemble des handicapés. Dans certains Etats, la sécurité sociale exclut les cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle mais, dans d’autres, il ne les exclut pas, si bien qu’il peut y avoir chevauchement des deux couvertures et que l’intéressé peut recevoir une aide de l’une ou de l’autre.

Il est rare que les objectifs de l’aide à la réadaptation soient définis. On trouve bien de telles définitions dans les publications sur la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles, mais elles sont rarement utilisées dans la pratique quotidienne. De nombreuses législations entretiennent l’ambiguïté sur le point de savoir si un programme de réadaptation professionnelle devrait avoir pour objectif de maximiser ou d’améliorer les possibilités d’emploi des demandeurs, ou de les obliger à retourner au travail.

Dans une certaine mesure, cependant, les objectifs de la réadaptation professionnelle ressortent implicitement de la méthode choisie pour attribuer les prestations en cas d’incapacité permanente. Une pension versée selon la méthode du degré d’atteinte à l’intégrité physique est tout à fait compatible avec le caractère volontaire de la réadaptation, tout programme d’aide à la réadaptation devant dès lors avoir pour but principal d’élargir l’éventail des possibilités offertes au demandeur, de telle sorte que, dans chaque cas particulier, l’objectif puisse être le même que celui de l’intéressé. Le recours à la méthode de la perte réelle de gain implique que la réadaptation est obligatoire, que l’on ne saurait la distinguer du contrôle des prestations et que, dans chaque cas, le programme a pour objectif de faire reprendre un emploi au demandeur ou d’apporter la preuve qui permettra de justifier la cessation des prestations.

Lorsque l’aide à la réadaptation est fournie par un régime de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles, les services sont habituellement discrétionnaires, notamment lorsqu’il en existe un large éventail. On a pu observer ces dernières années une certaine tendance à faire reconnaître par la législation un «droit» théorique à la réadaptation, mais il est difficile, dans ce contexte, de définir un «droit» susceptible d’être imposé. Les tentatives pour y parvenir ont en général été accompagnées d’une réduction des prestations en espèces et de l’imposition de nouvelles limites à l’aide à la réadaptation.

En ce qui concerne la réadaptation professionnelle, l’aide offerte peut comprendre des conseils, une préparation aux entretiens d’embauche, un service de placement, un soutien pendant la période de recherche d’emploi, un recyclage, une formation complémentaire et, parfois, des indemnités de déménagement. Outre une aide à la réadaptation professionnelle, certains Etats offrent une aide à la réinsertion sociale, par exemple, sous forme d’équipements pour le sport ou les loisirs, de cours de maquillage, d’aide à l’adaptation sociale ou de services de conseil conjugal. La réinsertion sociale peut être un but en soi, ou une aide à la réadaptation professionnelle. Les soins permanents peuvent prendre la forme d’une aide à domicile, ou d’appareils électroniques, pneumatiques ou mécaniques. Ces aides sont habituellement fournies au titre de la «réadaptation», alors que, dans bien des cas, il s’agit en réalité de soins permanents.

Dans certains Etats, les services de réadaptation ont atteint leur niveau de développement record dans les années soixante-dix avant de décliner. Les services de placement, notamment, se sont faits plus rares, et des retards ont affecté l’offre de bon nombre d’autres services. Lorsqu’il existe encore des services de placement, on assiste à une érosion du principe traditionnel selon lequel les travailleurs handicapés devraient être placés dans des emplois productifs. De nos jours, par exemple, ils sont parfois contraints ou incités à travailler dans la télécommercialisation (qui consiste à téléphoner aux gens chez eux pour faire de la publicité non sollicitée), en dépit des critiques selon lesquelles il s’agit là d’une forme de nuisance publique et d’intrusion dans la sphère privée par un moyen électronique. Cette détérioration s’explique notamment par l’image de l’aide à la réadaptation, perçue aujourd’hui comme un travail d’employé de bureau non qualifié et non comme celui d’un enquêteur professionnel qualifié et bien formé.

La réadaptation est habituellement envisagée après que l’incapacité de travail s’est installée. Certains Etats, néanmoins, reconnaissent la valeur de la rééducation préventive qui entre en jeu avant que le handicap soit manifeste. Par exemple, les dorsalgies et certaines maladies dues à l’exposition à des produits toxiques sont souvent prévisibles, et l’aide apportée à un travailleur pour trouver un autre emploi peut parfois constituer une bonne mesure de prévention. Il est rare que l’on accorde une aide à la réadaptation à cette fin, mais c’est pourtant le cas dans certains pays et dans certaines circonstances. L’aide à la réadaptation peut alors être un remède mis à la disposition des salariés par un programme de sécurité et de santé au travail. Un petit nombre d’Etats ont adopté des mesures de réadaptation aux fins de la protection du fœtus, ou du nouveau-né nourri au sein par la travailleuse, lorsque l’exposition de la mère à une contamination ou à d’autres risques professionnels pourrait mettre en danger la santé de l’enfant.

Dans certains pays, les décisions en matière de réadaptation et de réparation sont prises de la même façon. Dans d’autres, le processus met l’accent sur la discussion et le consensus, et les décisions d’attribution et les recours y jouent un rôle moins important.

Certains Etats financent les coûts de l’aide à la réadaptation de la même façon que les prestations en espèces. D’autres les imputent au régime général qui répartit ensuite les coûts entre les différentes catégories de prestations, encore qu’une classification en fonction des antécédents des entreprises soit parfois prise en compte pour le financement des prestations en espèces. En général, les cas qui appellent une aide à la réadaptation professionnelle sont habituellement les mêmes que ceux dans lesquels l’employeur ne continue pas à occuper la victime de l’accident; ainsi, cette méthode de financement des coûts permet de prendre les décisions concernant la réadaptation sans que l’employeur chez lequel l’accident est survenu soit impliqué comme partie prenante. De cette façon, on évite les dommages thérapeutiques qu’entraîne souvent une procédure contradictoire. Lorsque le coût de l’aide à la réadaptation est financé par le régime général, celui de la réparation des lésions subies au cours de la réadaptation peut l’être de la même façon.

L’obligation de maintenir l’emploi

Ces dernières années, certains Etats ont décidé de contraindre l’employeur à maintenir en emploi un travailleur qui a subi une incapacité de travail suite à un accident ou à une maladie professionnelle indemnisables. En général, cette obligation commence lorsque le travailleur s’est suffisamment rétabli pour pouvoir reprendre un type de travail auquel l’employeur peut l’affecter et elle est maintenue pendant un ou deux ans. L’application de ces dispositions est habituellement accompagnée ou suivie d’une réduction des prestations pour incapacité permanente.

Dans les pays où l’économie de marché est très déréglementée et où la plupart des emplois ne sont pas couverts par des conventions collectives, ces dispositions peuvent aller à l’encontre du but recherché. Elles portent atteinte aux véritables services de réadaptation et tendent à en saper l’efficacité. Un travailleur atteint d’une incapacité permanente ne trouve d’ordinaire aucune aide dans un droit temporaire à l’emploi. De plus, l’image du travailleur frappé d’incapacité s’en trouve modifiée: une personne dont on aurait pu attendre qu’elle continue de travailler avec le même employeur si rien ne lui était arrivé se transforme en une autre, qui tombe à la charge de l’employeur. Ce changement d’image ne se limite pas aux cas où, de toute façon, un problème de réadaptation se serait posé, et ces dispositions peuvent en créer un.

Etant donné que ce prétendu «droit» ne peut être invoqué que dans les cas où l’employeur souhaiterait mettre fin à la relation d’emploi, il est inévitable qu’il soit fragile. Dans la plupart des législations, on peut mettre fin à une relation d’emploi pour toutes sortes de motifs qui ne sont habituellement pas appelés à s’effacer devant le «droit» du travailleur à rester en emploi. Même si la cessation d’emploi est illégale, les mesures de réparation peuvent être difficiles à mettre en œuvre. Ce «droit» est donc particulièrement fragile et, malgré cette fragilité, son exercice par le travailleur, ou son refus de l’exercer, sont deux motifs de cessation de versement des prestations.

En cas d’incapacité résiduelle, les différends sur ce qui constitue un emploi convenable sont légion et sont difficiles à régler sans une enquête permettant de recueillir des preuves. Même lorsqu’une enquête a permis de prendre une décision solidement fondée, elle peut n’avoir qu’une importance limitée, notamment si l’état de l’intéressé a changé, ou si l’obligation de l’employeur prend fin. Lorsqu’un différend sur l’obligation de l’employeur est réglé en faveur du travailleur, cette décision n’implique pas forcément un maintien en emploi. En fait, les parties s’accordent généralement sur le versement d’une somme en espèces. Ainsi, même lorsque le résultat de l’enquête et la décision sont «favorables» au travailleur, le résultat final est le versement d’une prestation en espèces au terme d’un processus très inefficace qui peut entraîner des dommages thérapeutiques.

La promulgation de ce «droit» détourne aussi le travailleur d’une véritable réadaptation. Le bénéfice d’un prétendu «droit» à retourner chez le même employeur tend à être perçu comme ce qui doit arriver, si bien que l’on sera moins enclin à envisager une aide pour d’autres formes de réadaptation. Ainsi, une législation conçue pour imposer une obligation à l’employeur et offrir un choix au travailleur revient en fait à imposer une obligation au travailleur et à offrir un choix à l’employeur.

Certaines législations exigent le maintien en emploi d’un travailleur frappé d’une incapacité, quelle qu’en soit la cause. Ces dispositions ne sont probablement applicables que dans le cadre de la négociation collective ou d’un marché du travail fortement réglementé.

Quelques Etats interdisent tout licenciement d’un salarié qui a cessé de travailler pour cause d’incapacité ouvrant droit à réparation, mais elles ne l’interdisent pas une fois le salarié rétabli.

Les questions financières

La répartition des coûts

La réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles est généralement financée par les primes ou les contributions payées par les employeurs. On en déduit souvent que ce sont ces derniers qui supportent la charge financière du régime, ce qui est manifestement inexact. En fait, la charge de toute cotisation peut être transférée de la partie qui avait au départ l’obligation de la verser à une autre partie, et une abondante littérature économique explique qu’une contribution sur la masse salariale n’est rien d’autre que le coût d’opportunité de la main-d’œuvre. Une partie du coût des contributions (primes) qui financent le régime de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles est bien à la charge de l’employeur, mais une autre partie est reportée sur la main-d’œuvre sous forme de salaires plus faibles ou d’avantages sociaux limités, et une autre partie encore peut l’être sur les consommateurs. En outre, les prestations servies en cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle ne permettent pas de compenser complètement les pertes économiques des travailleurs qui en sont victimes. La différence entre ces pertes et les prestations représente un coût de l’incapacité professionnelle qui n’est pas pris en compte par le régime de réparation. Ce coût est pour l’essentiel supporté par les travailleurs, encore qu’il puisse, dans une certaine mesure, être transféré à d’autres personnes, tels les membres de la famille ou les créanciers.

L’équilibre des comptes

La première étape dans l’architecture financière d’un régime est l’adoption d’un critère permettant d’équilibrer les comptes, afin qu’avec le temps, les recettes totales soient à peu près égales aux dépenses totales. Dans les régimes gérés par des compagnies d’assurances, cet équilibre est censé être obtenu en ajustant les primes de telle sorte que les recettes reflètent le coût des dépenses engagées pour le financement des prestations. Dans les régimes d’assurance sociale, la législation exige habituellement que les comptes soient équilibrés de la même façon, mais des pressions politiques s’exercent souvent en faveur d’une réduction des contributions, puis d’un ajustement des dépenses aux décisions prises en ce qui concerne les contributions. A moins que le gouvernement ne refuse de céder à ces pressions, le conflit entre la législation et les pressions politiques est source d’incessantes frictions dans l’administration du régime et les décisions d’attribution. Il peut en résulter également un passif non consolidé.

Les recettes et la classification

La plupart des régimes de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles utilisent un système de classification des activités industrielles et fixent le taux des primes ou des contributions à un niveau donné pour chaque catégorie ou sous-catégorie d’activité. Cette classification se fonde soit sur le produit final, soit sur les fonctions exercées par les salariés. La première est plus facile à utiliser du point de vue de l’administration et de l’attribution des prestations. La seconde risque de rendre les vérifications plus complexes, notamment lorsque certains salariés exercent des fonctions multiples.

Une fois déterminé le taux de contribution à la charge de l’employeur, il est généralement appliqué à la masse salariale. Dans les Etats où le taux de salaire pris en compte lors d’une demande de prestations est plafonné, le même plafond s’applique la plupart du temps à la rémunération par travailleur utilisée comme base de calcul des contributions. Par exemple, un employeur peut être tenu de payer 2 unités monétaires par tranche de 100 unités monétaires de salaire, jusqu’à un plafond de 50 000 unités par travailleur et par an. Les taux sont normalement révisés chaque année. La méthode consistant à calculer les contributions en pourcentage de la masse salariale est la plus courante, mais il existe parfois d’autres méthodes, comme, par exemple, le calcul en fonction de la valeur estimée des actifs, ou du prix des produits vendus. Certains régimes sont également subventionnés en partie par l’Etat.

Le taux variable en fonction des antécédents

Dans de nombreux régimes, la prime ou la contribution exigible de l’employeur s’écarte du taux normal fixé pour la catégorie ou la sous-catégorie à laquelle il appartient en fonction de ses antécédents — c’est-à-dire les demandes de réparation pour les accidents du travail et les maladies professionnelles survenus dans son entreprise — comparés à ceux des autres employeurs. C’est ce que l’on appelle le «taux calculé en fonction des antécédents». On l’appelle aussi parfois «taux au mérite», mais cette dénomination est impropre, car les variations du taux n’ont rien à voir avec quelque mérite que ce soit. En général, la formule utilisée pour le calcul des variations du taux repose essentiellement sur les antécédents en matière de coût des demandes de réparation, mais elle peut aussi se référer à d’autres facteurs, tels que la fréquence de ces demandes. Pour les cas mortels, on tient parfois compte d’un coût minimum estimé. Les petits employeurs sont généralement exclus du système de prise en compte des antécédents ou, dans le cas contraire, les variations du taux qui leur sont appliquées sont plus limitées.

Les régimes gérés par des compagnies d’assurances appliquent couramment ce système de prise en compte des antécédents de l’employeur. Les régimes de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles de l’assurance sociale y ont eu de plus en plus fréquemment recours ces dernières années, bien qu’il soit dans une large mesure incompatible avec les raisons mêmes de leur création. En effet, l’un des principaux avantages d’un régime d’assurance sociale est que, pour décider de l’attribution des prestations, il n’y a pas besoin de s’engager dans une procédure contradictoire. Or, la prise en compte des antécédents de l’employeur prive l’assurance sociale de cet avantage.

Dans les régimes gérés par des compagnies d’assurances, la prise en compte des antécédents de l’employeur s’applique habituellement à toutes les dépenses engagées au titre d’une demande. Il en va parfois de même pour les régimes d’assurance sociale, mais, dans certains d’entre eux, ce système ne s’applique qu’aux prestations en espèces, et non aux dépenses d’assistance médicale ou de réadaptation. Cela permet de réduire le nombre de cas où l’on doit recourir à une procédure contradictoire pour prendre une décision concernant l’engagement des dépenses.

L’un des motifs les plus fréquemment invoqués pour justifier l’application du système de prise en compte des antécédents est le fait qu’il incite l’employeur à réduire la fréquence et la gravité des incapacités professionnelles dans son entreprise; mais rien ne prouve de manière convaincante que les choses se passent ainsi. Les seules «études» visant à démontrer l’effet bénéfique sur la sécurité et la santé au travail de ce système utilisent, pour le mesurer, les statistiques relatives aux demandes de réparation. Or, ces données ne sauraient être interprétées dans ce sens, et ce, pour plusieurs raisons. Le système de la prise en compte des antécédents de l’employeur encourage en effet les employeurs, pour des motifs d’ordre économique, à empêcher ou à décourager le dépôt des demandes de réparation, à ne pas divulguer certaines informations favorables au demandeur, à rejeter les demandes, à former un recours lorsque la décision leur est défavorable, à faire pression sur les travailleurs afin qu’ils reprennent prématurément leur activité, à chercher à obtenir des renseignements médicaux personnels sur les demandeurs et à exiger que ces derniers passent de nouveaux examens médicaux. Bien que certaines de ces pratiques soient légitimes, les employeurs y ont parfois si systématiquement recours qu’il est impossible d’utiliser le nombre des demandes pour déterminer dans quelle mesure le système de prise en compte des antécédents permet d’améliorer la sécurité et la santé au travail. Ces pratiques augmentent aussi les coûts liés à l’administration et à l’attribution des prestations et, du fait des retards et des dommages thérapeutiques qu’elles entraînent, elles augmentent probablement aussi le coût de la réparation.

Dans certains cas, le système de la prise en compte des antécédents de l’employeur peut effectivement inciter ce dernier à faciliter la réadaptation d’un travailleur frappé d’incapacité, mais, dans l’ensemble, son influence est probablement négative sur cet aspect. L’une des conséquences de ce système est que toutes les lésions des tissus mous sont considérées avec suspicion. Pareille attitude est source d’angoisse et constitue un obstacle à la réadaptation. Le système peut également dissuader l’employeur d’embaucher des travailleurs handicapés et de maintenir en emploi les travailleurs frappés d’une incapacité. En effet, la réparation de toute nouvelle incapacité peut coûter plus cher si son effet est aggravé par la première. Pour pallier ce défaut, certains Etats ont institué une «caisse de réparation de la seconde incapacité». Une partie du coût de cette réparation peut alors être payée par cette caisse, et non portée au compte des antécédents de l’employeur. Cette caisse est financée par l’ensemble des employeurs, quelle que soit la classe de contribution à laquelle ils appartiennent. Le règlement de la caisse varie d’un Etat à un autre, mais, en principe, lorsque l’incapacité ou une condition préexistante a contribué à la cause d’une incapacité ouvrant droit à réparation, a aggravé cette incapacité ou en a accru les effets sur la réparation, la caisse prend à sa charge une partie du coût de la réparation de la seconde incapacité.

Ces caisses n’atteignent pas leurs objectifs, notamment parce que, pour diverses autres raisons (réelles ou perçues comme telles), de nombreux employeurs évitent d’employer des travailleurs handicapés et que le transfert des coûts à une caisse de réparation de la seconde incapacité dépend du sort de la demande relative à l’incapacité ultérieure. Le coût de l’examen des demandes de prise en charge par la caisse explique lui aussi que le système de prise en compte des antécédents de l’employeur alourdit le coût total du régime.

A première vue, le système de prise en compte des antécédents est un facteur d’équité dans la répartition des coûts entre les employeurs. Il l’est effectivement dans une certaine mesure, mais non sans créer aussi de nouvelles inégalités. On observe, par exemple, que les demandes de transfert des coûts à la caisse de réparation de la seconde incapacité ou à d’autres caisses générales sont, la plupart du temps, présentées par les plus gros employeurs qui, pour ce faire, disposent du personnel nécessaire, ou ont les moyens d’engager des consultants. Ces transferts ont pour effet de relever le taux type de contribution pour la catégorie ou la sous-catégorie concernée, ce qui revient à faire subventionner les plus grands employeurs par les plus petits.

Le financement

Du point de vue du temps, le financement de la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles peut se faire de deux façons:

  1. Par capitalisation. Les recettes totales nécessaires pour une année donnée sont déterminées en estimant les coûts totaux présents et futurs de toutes les incapacités ouvrant droit à réparation qui interviennent au cours de cette année (ou de toutes les demandes reçues au cours de cette année).
  2. Par répartition. Les recettes totales nécessaires pour une année donnée sont déterminées en estimant le coût total des prestations qui seront versées au cours de cette année au titre de toutes les demandes présentes et passées.

Il existe différentes variantes de ces systèmes, et certains régimes recourent à un moyen terme. La capitalisation nécessite la constitution d’importantes réserves dont il faut, en général, vérifier chaque année l’adéquation. Le système de répartition exige de pouvoir compter sur certaines réserves pour parer à toute éventualité, mais sans appeler des calculs actuariels répétés.

Lorsque le régime est géré par des compagnies d’assurances, les principes généraux du droit des assurances exigent qu’il soit financé par capitalisation. Un régime d’assurance sociale constitue une situation différente parce que l’Etat peut, en légiférant, imposer le futur taux de contribution. Dans la pratique, certains régimes relevant de l’assurance sociale sont tenus par la loi d’être entièrement capitalisés; d’autres fonctionnent selon le système de répartition. Quelques Etats ont adopté un système différent — capitalisation partielle, ou capitalisation pour certains coûts futurs, mais non pour d’autres.

A long terme, le système de répartition est légèrement moins onéreux, mais la capitalisation est essentielle pour de nombreux pays, notamment les plus petits et ceux qui dépendent lourdement de la production de matières premières.

Le non-paiement des contributions ou des primes

Dans les régimes gérés par des compagnies d’assurances, l’assureur peut être autorisé à mettre fin à la couverture si la prime n’est pas versée. C’est alors à l’employeur qu’il revient de payer les prestations relatives aux futures demandes dont le sort dépend de la solvabilité de l’employeur. Lorsque la législation rend obligatoire l’assurance contre les accidents du travail et les maladies professionnelles et que l’employeur n’a pas payé une prime, il existe habituellement des dispositions prévoyant des sanctions pénales, en général une amende ou une peine d’emprisonnement, qui viennent s’ajouter aux obligations découlant de la responsabilité civile. Certains Etats peuvent également ordonner la fermeture de l’entreprise.

Lorsque le régime de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles est un régime relevant de l’assurance sociale, certains Etats exigent ou autorisent la fin du bénéfice de l’assurance lorsque l’employeur n’a pas payé ses contributions. Toutefois, la plupart du temps, le versement des prestations ne dépend pas du paiement ou du non-paiement des contributions, et il est interdit de mettre fin à la protection de l’assurance au motif que celles-ci n’ont pas été payées. Chaque demande est imputable à la caisse correspondant à la catégorie concernée et, dans certains Etats, au régime général.

Différents mécanismes sont utilisés pour imposer le paiement d’une contribution. Ils sont en général semblables à ceux qui sont mis en œuvre pour recouvrer d’autres taxes ou impôts, notamment la saisie des biens de l’employeur (y compris ses terrains et ses marchandises), la saisie de ses comptes bancaires et l’ordre de fermeture de son entreprise. Pour certaines législations, le non-paiement des contributions est un délit. Des amendes peuvent être infligées en plus du paiement des sommes dues, et l’employeur peut également être contraint de rembourser à l’organisme gestionnaire le montant des demandes déposées au cours de la période de non-paiement. Lorsque l’employeur est constitué en société, les directeurs de la société peuvent aussi être rendus responsables sur leurs biens personnels.

La responsabilité d’un tiers

Ce terme désigne les cas où une personne peut être tenue pour responsable des obligations d’un tiers. Quand les salariés d’un employeur sont mis à la disposition d’un autre pour effectuer un travail, il est des Etats pour considérer que, dans certains cas, ce second employeur est en fait le garant des obligations du premier en matière de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles. Ces dispositions s’appliquent habituellement aux chantiers de construction, mais parfois aussi à d’autres situations.

La sécurité et la santé

Dans les régimes gérés par des compagnies d’assurances, le rôle joué par l’assureur en matière de sécurité et de santé au travail — si tant est qu’il en joue un — varie selon les Etats et les compagnies. Parfois, l’assureur ne s’intéresse guère, voire pas du tout à cette question, parfois il se borne à étudier une série d’éventualités types, ou encore il procède plus sérieusement à une étude des risques. C’est souvent le cas dans les branches d’activité où l’assureur fournit également d’autres types de couverture que la réparation des accidents du travail et des risques professionnels. Lorsque de telles études sont effectuées, elles peuvent être répétées ou n’être utilisées qu’aux fins de la détermination du montant de la prime initiale, l’assureur se fondant ensuite sur les antécédents de l’employeur pour procéder à des ajustements ultérieurs.

Lorsque le régime de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles relève de l’assurance sociale, il est courant qu’il apporte son soutien à l’organisme public responsable de la sécurité et de la santé au travail. Ce soutien consiste le plus souvent à transmettre des données statistiques et à envoyer aux employeurs, aux syndicats et aux travailleurs des messages relatifs à la sécurité et à la santé au travail. Le régime de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles peut également fournir directement aux employeurs certains autres services liés à la sécurité et à la santé au travail, par exemple des conseils techniques, ou financer la fourniture de services par des associations professionnelles (encore que cette activité soit controversée).

Dans certains Etats, l’organisme de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles a également des pouvoirs réglementaires en matière de sécurité et de santé au travail. Il peut alors être utilisé — et il l’est d’ailleurs parfois largement — pour améliorer la sécurité et la santé au travail, notamment par la divulgation de renseignements tirés des dossiers de demandes de réparation qui peuvent être utiles lors des inspections ou à d’autres fins, le partage de ses ressources techniques et professionnelles et la mise à disposition de ses services d’appui. Le gros avantage du lien entre ces deux fonctions du régime est de pouvoir utiliser les ajustements de contributions comme moyen de pression pour faire appliquer la réglementation et les décisions en matière de sécurité et de santé au travail. La contribution payable par un employeur peut être majorée lorsqu’une inspection dans son entreprise (sans référence à ses antécédents) révèle des installations ou des pratiques dangereuses. C’est la seule sanction appropriée dont on dispose pour faire appliquer les normes de sécurité et de santé au travail; et cela dans les situations les plus diverses, alors que les sanctions pénales sont parfois inadéquates ou insuffisantes (même dans les cas d’exposition à des concentrations élevées de substances toxiques).

Le régime de réparation peut également être utilisé de plusieurs autres façons pour sanctionner le non-respect de la réglementation en matière de sécurité et de santé au travail. Par exemple, lorsqu’une incapacité est la conséquence d’une inobservation flagrante de la réglementation par l’employeur, ou d’une autre négligence grave, l’employeur peut être contraint de payer tout ou partie du coût de la réparation. Ainsi, alors qu’une faute de l’employeur n’a généralement pas d’effet administratif ou juridique en ce qui concerne la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles, elle peut être invoquée, dans certains Etats et dans certains cas exceptionnels et graves, pour réprimer une violation de la réglementation relative à la sécurité et à la santé au travail. L’ajustement des contributions sur la base d’un rapport défavorable de l’inspecteur de sécurité et de santé au travail n’a pas beaucoup d’effet à grande échelle, mais il peut être efficace dans certains cas particuliers.

Les procédures engagées contre des tiers

Cette rubrique traite des procédures civiles qu’un travailleur frappé d’incapacité peut engager contre quiconque est présumé en être la cause, à l’exception de l’employeur. Dans quelques Etats, la législation relative à la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles en exclut certaines. Lorsqu’elles ne sont pas exclues, certains pays considèrent que le travailleur a le droit de les engager, mais que les prestations en espèces qu’il a reçues, ou qu’il recevra, du régime de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles doivent être déduites des dommages-intérêts payables par la partie défenderesse.

D’autres législations considèrent que l’assureur (l’organisme de réparation, la compagnie d’assurances ou l’employeur, selon les cas) peut reprendre le droit de poursuivre le tiers incriminé. Ce système est appelé «subrogation». Dans certains Etats, ce droit de subrogation est entier. L’assureur reprend l’ensemble de la procédure mais, s’il recouvre un montant supérieur aux prestations qui ont été versées ou le seront, il doit le verser au travailleur. Dans d’autres Etats, le droit de subrogation est partiel. La législation peut, par exemple, disposer que l’assureur a le droit de poursuivre un tiers afin d’obtenir le montant des prestations payées ou dues, et que le travailleur peut poursuivre celui-ci pour obtenir l’excédent. Elle peut aussi prévoir que l’assureur peut poursuivre le tiers incriminé pour obtenir réparation des pertes financières subies, et que le travailleur peut le poursuivre pour obtenir réparation des pertes autres que financières.

PARTIE 2: LES AUTRES SYSTÈMES

L’assurance sociale et la sécurité sociale

Le terme «assurance sociale» se réfère habituellement à un système d’assurance obligatoire administré par l’Etat et financé par les cotisations payées par les employeurs, les salariés ou les deux à la fois, voire sur le budget de l’Etat. Ce type de régime couvre en général les salariés et, parfois aussi, les travailleurs indépendants, du moins dans une certaine mesure. Il peut être spécifique, comme, par exemple, un régime d’assurance sociale chargé exclusivement de la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles; sa portée peut être plus vaste, avec des prestations payables en cas de chômage, de maladie, d’invalidité, de maternité, de retraite et de décès. Les systèmes examinés ici sont les systèmes généraux d’assurance sociale. Leurs prestations peuvent être forfaitaires ou liées aux gains. Certaines branches d’activité, ou certaines catégories de salariés, peuvent être exclues de la couverture, mais ces exclusions sont en général moins étendues que dans les régimes de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles.

Il existe plusieurs acceptions du terme «sécurité sociale». Dans la plus étroite, il s’agit le plus souvent d’un système financé sur le budget de l’Etat, qui fournit des prestations aux ayants droit en cas d’invalidité, de vieillesse, de chômage, etc. Ces prestations sont habituellement versées sous condition de ressources. La couverture s’étend en général à toutes les personnes qui résident habituellement sur le territoire de l’Etat. Les prestations sont la plupart du temps forfaitaires, bien qu’elles puissent varier en fonction des personnes à charge. Le terme «sécurité sociale» est également utilisé dans un sens beaucoup plus large, auquel cas il inclut les prestations susmentionnées, plus l’assurance sociale, les soins médicaux et les services sociaux. Ce terme est utilisé ici dans son acception la plus étroite et se réfère donc aux prestations en espèces autres que celles de l’assurance sociale.

De nombreux pays ne disposent pas d’un régime distinct de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles. Les incapacités et les décès résultant de l’emploi sont couverts par un système général de sécurité sociale ou d’assurance sociale qui couvre également les incapacités et les décès dus à d’autres causes. Dans ces pays, l’assistance médicale en cas d’incapacité résultant de l’emploi est d’ordinaire fournie par le même régime public de soins médicaux que celui qui s’applique aux incapacités dues à d’autres causes. Dans certains Etats, des soins médicaux supplémentaires (autres types de soins ou soins de niveau plus élevé) sont parfois dispensés lorsque l’incapacité résulte de l’emploi; certains services ou traitements peuvent aussi être gratuits alors qu’ils ne le sont pas lorsque l’incapacité n’est pas d’origine professionnelle.

En ce qui concerne les prestations en espèces, les incapacités et les décès résultant de l’emploi peuvent être traités de la même façon que ceux qui sont dus à d’autres causes, et c’est très souvent le cas pour les prestations de courte durée. De nombreux Etats accordent cependant une prestation supplémentaire ou majorent la prestation ordinaire lorsque l’incapacité est d’origine professionnelle. Cette pratique, qui est courante pour les incapacités permanentes, est parfois suivie aussi pour les cas mortels. Cela tient souvent au fait que, dans de nombreux pays, le système général d’assurance sociale est venu remplacer un régime ancien de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles. C’est aussi, parfois, une façon de se conformer aux conventions internationales du travail. Certains régimes servent aussi des prestations spéciales, ou majorent les prestations existantes, pour les personnes qui exercent des professions particulières.

La couverture offerte par les systèmes généraux d’assurance sociale est en général universelle et s’applique à tous ceux qui vivent ou travaillent dans le pays, encore qu’il existe souvent des exceptions pour les ressortissants étrangers.

Les cotisations qui permettent de financer le système sont le plus souvent payées par les salariés et par les employeurs au titre de leurs salariés. Leur taux peut être fixe (ce qui est généralement le cas lorsque les prestations sont forfaitaires) ou lié aux gains (lorsque les prestations sont elles-mêmes liées aux gains). Le droit aux prestations est parfois assorti d’une période de stage, et les cotisations des travailleurs et des employeurs peuvent avoir une influence sur le montant des prestations. Lorsque des prestations supplémentaires ou majorées sont payables en cas d’incapacité ou de décès résultant de l’emploi, ce surcoût est financé d’ordinaire par les contributions des employeurs.

Lorsque les cotisations et les prestations sont liées aux gains, elles sont habituellement plafonnées. La couverture de l’assurance ne s’applique donc qu’aux revenus les plus faibles, et le coût du système est en général entièrement ou essentiellement à la charge des revenus les plus faibles. Les prestations d’un système général d’assurance sociale sont habituellement d’un montant moins élevé que celles des régimes de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles, mais elles sont très souvent complétées, par exemple, par des prestations pour personnes à charge.

L’administration et l’attribution des prestations relèvent généralement d’un service public. Les différends mettent en présence le demandeur et ce service. Les antécédents de l’employeur ne sont généralement pas pris en compte par les systèmes d’assurance sociale. De ce fait, l’employeur n’est normalement pas considéré comme ayant un intérêt direct dans le traitement d’une demande et comme partie prenante, encore qu’il soit parfois invité à fournir des informations. Les recours peuvent être formés auprès du service compétent ou auprès d’un tribunal spécialisé. Les recours formés auprès d’un tribunal de droit commun sont parfois possibles, mais ces tribunaux ne sont pas prêts à statuer rapidement sur un nombre très important d’affaires concernant l’assurance sociale.

Les systèmes généraux d’assurance sociale imposent souvent un délai de carence de trois jours. Des versements périodiques sont effectués en cas d’incapacité temporaire et pendant la phase initiale des incapacités permanentes. Ces «indemnités de maladie», comme on les appelle, sont également servies en cas d’accident. La cause de l’incapacité n’est généralement pas recherchée, mais la prestation n’est la plupart du temps payable que si l’incapacité contraint l’intéressé à s’absenter de son travail.

En cas d’incapacité permanente totale, le demandeur reçoit généralement une pension. Dans de nombreux Etats, une pension est également payée en cas d’incapacité permanente partielle, encore que dans certains d’entre eux, cette pension soit limitée aux incapacités résultant de l’emploi. Les incapacités partielles classées comme mineures peuvent faire l’objet d’une réparation sous forme de versement d’une somme forfaitaire, ou ne pas donner lieu à indemnisation. La distinction entre incapacité totale et incapacité partielle, ainsi que le montant de la pension en cas d’incapacité partielle, dépendent, selon certaines législations, de l’effet probable que l’incapacité du demandeur aura sur sa capacité de gain. D’autres pays l’évaluent à proportion de la diminution de l’intégrité physique ou mentale. Il existe parfois une formule mixte qui tient compte de ces deux facteurs. Dans certaines juridictions, une incapacité partielle est classée comme totale au cours de toute période d’hospitalisation nécessaire à son traitement. En général, des prestations supplémentaires sont servies en cas de besoins particuliers, par exemple, lorsque l’état de l’intéressé nécessite la présence d’une personne pour lui donner des soins.

Les prestations en cas de décès comprennent généralement une somme forfaitaire pour le paiement des obsèques, une pension pour l’éventuel conjoint survivant ou, dans certains Etats, pour les veuves seulement, ainsi que des versements périodiques pour les enfants survivants.

De nombreuses caractéristiques que l’on retrouve fréquemment dans les régimes de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles ne sont pas courantes, ou même inexistantes dans les systèmes généraux d’assurance sociale. C’est le cas, notamment, de la couverture facultative, des conversions des pensions en sommes forfaitaires, des classifications par branche d’activité, de la prise en compte des antécédents de l’employeur et de la participation à la sécurité et à la santé au travail.

Dans certains Etats qui disposent d’un régime distinct de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles, les personnes qui déposent une demande de réparation auprès de ce régime perdent le droit de recevoir les prestations pour incapacité du système général d’assurance sociale ou de sécurité sociale. D’autres, qui disposent, eux aussi, d’un régime de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles, autorisent le cumul total ou partiel des prestations. Dans quelques-uns de ces Etats, le système général d’assurance sociale est le premier payeur, tant en ce qui concerne les soins médicaux que les prestations en espèces, et le régime de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles complète ces prestations et va parfois jusqu’à compenser totalement tous les préjudices.

L’aide à la réadaptation est d’ordinaire fournie aux termes de programmes de l’assurance sociale et de la sécurité sociale. Comme dans les régimes de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles, cette aide prend des formes diverses. On constate aujourd’hui, dans certains pays, une tendance à réduire l’importance des pensions pour incapacité et à mettre l’accent sur l’aide à la réadaptation professionnelle. Cette évolution a un défaut: en effet la réduction des prestations en espèces peut être réelle, alors que leur remplacement par une aide à la réadaptation est parfois illusoire, compte tenu de la situation économique et politique qui la rende plus difficile. De plus, la viabilité des systèmes d’assurance sociale est actuellement menacée dans certains pays par l’affaiblissement de l’Etat et de l’emploi structuré, ainsi que par l’extension de l’«économie parallèle», du travail indépendant et des très petites entreprises.

Ces systèmes sont étudiés de manière approfondie dans les ouvrages consacrés à la sécurité sociale et à l’assurance sociale.

La réparation des accidents

Un petit nombre de pays disposent d’un système de réparation ou d’une assurance accidents administrés par l’Etat, qui diffèrent des régimes habituels en ce sens qu’ils couvrent tous les accidents, quelle qu’en soit la cause, et toutes les maladies dues à l’emploi. Ils tiennent lieu à la fois de régime de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles et d’assurance automobile (dommages corporels) et ils couvrent également les accidents qui surviennent à domicile, lors de la pratique d’un sport, ou dans d’autres circonstances. Leurs prestations sont celles que servent habituellement les régimes de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles, comme l’assistance médicale, les prestations en espèces et l’aide à la réadaptation. Ces programmes diffèrent aussi des systèmes généraux d’assurance sociale: en effet, ils ne couvrent pas la plupart des incapacités et des décès dus à des maladies dont il n’a pas été prouvé qu’elles résultent de l’emploi, donc la majorité de ces éventualités.

Les prestations en cas de maladie

Certaines législations du travail exigent de tous les employeurs, ou de quelques-uns d’entre eux, qu’ils continuent à verser le salaire du travailleur, du moins dans une certaine mesure, lorsque l’intéressé se trouve dans l’incapacité de travailler pour cause de maladie ou d’accident. Il est d’ailleurs courant que, quelles que soient ses obligations légales, l’employeur continue à verser pendant une certaine période le salaire d’un travailleur incapable de travailler. Ces versements sont souvent appelés indemnités de maladie, mais, en général, ils s’appliquent aux absences résultant tant d’un accident que d’une maladie. Ces arrangements relèvent la plupart du temps de l’usage, notamment dans les petites entreprises. Les entreprises plus importantes disposent de régimes contractuels d’indemnités de maladie qui sont souvent le fruit de négociations collectives. Certains Etats ont adopté un programme obligatoire d’indemnités de maladie.

Un régime de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles est en général en position de premier payeur, de sorte que les indemnités de maladie ne sont pas dues dans les cas déjà couverts par ledit régime, ou alors elles constituent un revenu complémentaire. L’employeur peut aussi continuer à verser le salaire de l’intéressé et être totalement ou partiellement remboursé par l’organisme de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles. Dans un petit nombre de pays, les indemnités de maladie couvrent une période initiale pour toutes les incapacités et, après cette période, le régime de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles verse des prestations pour les incapacités qui y ouvrent droit.

Dans les Etats qui ne disposent pas d’un régime de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles, les indemnités de maladie sont généralement versées aussi bien au titre des incapacités qui résultent de l’emploi qu’à celui des incapacités dues à d’autres causes. Elles peuvent alors soit constituer la totalité des revenus du travailleur, soit venir compléter une prestation de l’assurance sociale.

L’assurance invalidité

Au lieu de verser directement des indemnités de maladie, les employeurs de certains pays mettent en place une assurance pour incapacité de courte durée (appelée aussi «assurance indemnités hebdomadaires»). Cet arrangement est semblable au précédent (indemnités de maladie), mais il est géré par des compagnies d’assurances.

Dans de nombreux Etats, un grand nombre d’employeurs offrent à leurs salariés une assurance en cas d’incapacité de longue durée en souscrivant une police de groupe auprès d’une compagnie d’assurances. Dans le secteur structuré, c’est là souvent le résultat de négociations collectives. Dans le secteur non structuré, cette assurance est parfois souscrite à l’initiative de l’employeur. Les primes sont habituellement payées par l’employeur, mais quelquefois aussi par les salariés, totalement ou partiellement.

Dans les pays qui disposent d’un régime de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles, ces polices de groupe excluent généralement les incapacités couvertes par ce régime. Dans d’autres, elles peuvent inclure les incapacités qui résultent de l’emploi. Les prestations sont habituellement servies sous forme de versements périodiques, bien qu’elles puissent être converties en une somme forfaitaire.

Ces polices ne couvrent en général que les cas d’incapacité totale et, lorsqu’elles incluent certains cas d’incapacité partielle, ce n’est que pour une période limitée. A bien d’autres égards aussi, leur couverture est plus restreinte que celle des régimes de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles. Par exemple, le paiement des prestations peut cesser au bout de deux ans si le demandeur est capable d’exercer une activité quelconque, même lorsqu’elle est nettement moins bien rémunérée et même si le demandeur ne peut l’exercer que quelques heures par semaine. En général, le paiement des prestations cesse aussi après une période initiale, lorsque le demandeur est considéré comme capable d’exercer un certain type de travail, même si ce type de travail ne lui est pas offert.

La responsabilité civile de l’employeur

La plupart des Etats ont, ou ont eu, une législation qui, dans certaines circonstances, rend l’employeur civilement responsable des incapacités subies par ses salariés. Habituellement, les critères de responsabilité retenus sont la négligence de l’employeur, du personnel d’encadrement ou d’un collègue de l’intéressé, ou une violation de la loi ou de la réglementation relative à la sécurité et à la santé au travail. Cette responsabilité peut être retenue par les tribunaux sur la base de la jurisprudence, inscrite dans la loi ou dans le code civil.

La réparation prend la forme d’une somme forfaitaire, les «dommages-intérêts». Son montant correspond en général à une estimation des pertes économiques (habituellement la perte de gain) à laquelle vient s’ajouter une indemnité, fixée par appréciation, pour les pertes autres qu’économiques (comme, par exemple, le pretium doloris, le préjudice esthétique, le dysfonctionnement sexuel, la difficulté d’avoir des activités sociales et la diminution de l’espérance de vie). Cette somme forfaitaire couvre les pertes estimatives futures et passées. Dans les cas mortels, les dommages-intérêts attribuables aux personnes à la charge du défunt comprennent la perte de la participation aux gains futurs du travailleur décédé. Dans certains Etats, les personnes à charge peuvent être indemnisées pour des pertes non économiques. Lorsque l’accident ou la maladie est dû à la négligence du travailleur, les demandes de réparation présentées par les personnes à la charge du défunt ne sont parfois pas admises ou aboutissent au versement de dommages-intérêts moins importants.

Dans les Etats qui n’ont pas de régime de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles, la législation relative à la responsabilité de l’employeur demeure pleinement applicable, mais le montant des dommages-intérêts est parfois réduit lorsque l’intéressé reçoit des prestations d’un système général d’assurance sociale ou de sécurité sociale. Ailleurs, la législation relative à la responsabilité de l’employeur demeure applicable, mais sa portée est plus limitée. Lorsqu’un travailleur frappé d’incapacité reçoit des prestations d’un système général d’assurance sociale, celui-ci se substitue par subrogation au travailleur dans la demande de dommages-intérêts à l’employeur.

Dans les Etats dont le régime de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles ne couvre pas toutes les branches d’activité ou toutes les professions, la législation relative à la responsabilité de l’employeur reste d’ordinaire pleinement applicable aux personnes non protégées par ledit régime.

La couverture d’une incapacité ou d’un décès par un régime de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles entraîne généralement l’une des conséquences ci-après pour la responsabilité de l’employeur:

  1. La responsabilité de l’employeur peut être invoquée, mais l’intéressé doit choisir entre une demande auprès du régime de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles et une action en responsabilité civile contre l’employeur. Si l’intéressé choisit cette deuxième solution, certains Etats considèrent que cela met fin à son droit de déposer une demande auprès du régime de réparation. D’autres admettent que la demande de réparation pour accident du travail ou maladie professionnelle soit reconsidérée si la demande de dommages-intérêts n’aboutit pas.
  2. La responsabilité de l’employeur peut être invoquée, mais les dommages-intérêts ne peuvent être perçus que pour les pertes qui dépassent le montant des prestations versées par le régime de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles.
  3. La responsabilité de l’employeur peut être invoquée, mais elle est limitée au versement de dommages-intérêts pour pertes non économiques.
  4. La responsabilité de l’employeur ne peut pas être invoquée par les travailleurs protégés par le régime de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles, à quelques exceptions près, comme, par exemple, lorsque les dommages corporels sont causés «intentionnellement» par l’employeur ou résultent d’un accident de trajet. En pareil cas, les points 1, 2 et 3 peuvent être applicables.
  5. La responsabilité de l’employeur ne peut pas être invoquée par les travailleurs protégés par le régime de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles. Dans certains pays, cette exclusion s’étend aussi aux demandes de dommages-intérêts pour lésions corporelles formées contre des collègues de travail, contre tout autre employeur couvert par le régime de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles, ou contre tout travailleur de cet autre employeur, à condition que la demande soit fondée sur le comportement de la partie défenderesse au cours de l’emploi ou de l’activité.

Dans les Etats où la responsabilité de l’employeur reste engagée, même lorsque le travailleur est protégé par un régime de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles, les prestations de ce régime paraissent être plus réduites, comme on peut sans doute s’y attendre.

Lorsque le travailleur n’a pas le droit d’invoquer la responsabilité civile de l’employeur, cette interdiction s’applique uniquement aux demandes de dommages-intérêts pour l’accident ou la maladie eux-mêmes. Ainsi, dans certaines législations, la demande peut se fonder sur d’autres motifs. Par exemple, une demande de dommages-intérêts peut être formée contre un employeur qui empêche le traitement administratif normal de la demande déposée par son salarié auprès du régime de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles, notamment en ne respectant pas son obligation de tenir à jour et de fournir les informations relatives à l’exposition du salarié à une contamination. L’interdiction de présenter une demande de dommages-intérêts au titre de la responsabilité civile de l’employeur ne s’applique en général qu’aux incapacités ouvrant droit à réparation par le régime. Ainsi, lorsqu’un travailleur subit une incapacité par suite d’une négligence de l’employeur, mais qu’il n’a pas droit aux prestations du régime de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles, on ne peut pas lui interdire de poursuivre son employeur devant les tribunaux afin d’obtenir des dommages-intérêts. Par exemple, certains régimes ne paient pas d’indemnités en cas de stress professionnel, ou lorsque l’incapacité dont est atteint un enfant est due au fait qu’avant sa naissance sa mère a été blessée ou exposée à des substances dangereuses. En pareils cas, la législation relative à la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles n’interdit pas d’ouvrir une action en dommages-intérêts contre l’employeur.

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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