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Chapitre 23 - Les ressources institutionnelles, structurelles et juridiques

LES RESSOURCES INSTITUTIONNELLES, STRUCTURELLES ET JURIDIQUES: INTRODUCTION

Simon Pickvance

Depuis vingt-cinq ans, le développement rapide de structures nationales et internationales en matière de sécurité et de santé au travail traduit un souci de plus en plus prononcé pour la santé des travailleurs. Cette évolution s’inscrit dans un contexte de changements économiques, sociaux et politiques.

Sur le plan économique, le pouvoir échappe aux travailleurs et passe aux mains d’entreprises multinationales et d’instances supranationales; dans l’économie mondiale, la compétitivité relative des Etats est sujette à des modifications rapides et les changements technologiques recomposent le processus de production. Sur le plan social, signalons les progrès des sciences médicales et les attentes qu’ils font naître en matière de santé, ainsi que le scepticisme croissant quant aux effets des innovations scientifiques et techniques sur l’environnement à l’intérieur comme à l’extérieur des lieux de travail. Sur le plan politique, les appels à participer plus largement aux affaires publiques se succèdent dans nombre de pays depuis les années soixante; la sécurité sociale est en crise dans plusieurs vieux pays industriels; enfin, les pratiques des multinationales dans les pays en développement sont loin de laisser l’opinion indifférente. Les structures organisationnelles reflètent ces changements.

Les organisations de travailleurs font appel à des techniciens de la sécurité et de la santé pour conseiller leurs membres et négocier en leur nom aux niveaux local et national. Les associations de victimes de maladies professionnelles se sont multipliées rapidement au cours des dix dernières années et l’on peut y voir une réaction aux difficultés particulières que rencontrent ces victimes lorsque les prestations de sécurité sociale sont insuffisantes. Ces deux phénomènes se sont traduits, à l’échelon international, par l’importance accrue que les fédérations syndicales internationales et les conférences internationales de travailleurs de certaines branches de l’industrie accordent à la sécurité et à la santé. Les enjeux structurels et juridiques concernant les organisations de travailleurs, les associations d’employeurs et les relations du travail font l’objet du chapitre no 21 «Les relations professionnelles et la gestion des ressources humaines» de l’Encyclopédie.

On peut dire que les changements apportés récemment aux organisations patronales et aux services officiels relèvent en partie de la réaction et en partie de l’anticipation. La législation adoptée au cours des vingt-cinq dernières années constitue, d’une part, une réponse aux craintes exprimées par les travailleurs depuis la fin des années soixante et, d’autre part, une façon d’encadrer le développement rapide, après la guerre, des nouvelles technologies de production. Les structures constitutionnelles établies par les différents gouvernements reflètent bien évidemment la législation et la culture nationales d’un pays, mais elles n’en ont pas moins des points communs. Ainsi, on attache plus d’importance aux services  de  prévention  et  à  la  formation  des  travailleurs,  des cadres et des spécialistes de la sécurité et de la santé, on instaure des organismes de participation ou de consultation sur les lieux de travail et au niveau national et on réorganise l’inspection du travail et les autres services officiels de contrôle. Des mécanismes distincts ont été établis dans plusieurs Etats pour garantir la protection sociale des travailleurs victimes d’accidents du travail ou d’une maladie professionnelle et pour associer les autres organes étatiques s’occupant de l’emploi et de l’environnement au contrôle de l’application de la législation en matière de sécurité et de santé.

Les changements touchant l’organisation créent de nouveaux besoins de formation pour les inspecteurs, les techniciens de la sécurité, les ergonomes, les hygiénistes et les psychologues du travail, les médecins et le personnel infirmier. La formation fait l’objet de débats au sein des organismes professionnels et aux niveaux national et international; les membres des professions qui jouent un rôle prépondérant en matière de sécurité et de santé au travail se rencontrent dans des congrès internationaux et élaborent des règles communes et des recueils de directives pratiques.

La recherche est un élément essentiel des programmes de prévention des risques anticipés ou encourus. Les gouvernements sont la principale source de financement de la recherche, organisée surtout sous forme de programmes nationaux. Au niveau international, en outre, les départements du Bureau international du Travail (BIT) et de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), des instituts de recherche, tels l’Institut européen de la sécurité et le Centre international de recherche sur le cancer, (CIRC) mènent des programmes internationaux de recherche sur la sécurité et la santé au travail.

La santé au travail est inscrite dans les Constitutions de l’OIT, de l’OMS et d’autres organisations des Nations Unies depuis la seconde guerre mondiale et même avant, mais de nombreux organismes internationaux s’emploient à la protéger depuis moins de vingt-cinq ans. Aujourd’hui, les organisations qui s’occupent du commerce mondial et des zones régionales de libre-échange tiennent compte de la sécurité et de la santé, et les répercussions sociales des accords commerciaux sont souvent débattues au cours des négociations. L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) évalue autant les règles en vigueur en matière de sécurité et de santé que les résultats strictement économiques des différents pays. Le long débat sur l’inscription d’une clause sociale dans les négociations du GATT a mis en évidence la corrélation entre ces deux aspects.

Les organisations nationales et internationales ne peuvent fonctionner efficacement que si leur autorité est reconnue. Quant aux organes législatifs et de contrôle, c’est la loi qui leur confère leur légitimité. L’autorité des instituts de recherche repose sur le respect de méthodes scientifiques reconnues. Néanmoins, ce glissement de l’élaboration de la législation et de la négociation d’accords en matière de sécurité et de santé au travail vers des institutions internationales pose des problèmes d’autorité et de légitimité à des organisations telles que les associations d’employeurs et les organisations de travailleurs.

L’autorité des employeurs découle de la valeur sociale des services ou des produits qu’ils offrent, alors que les organisations de travailleurs doivent la place qu’elles occupent dans les négociations aux structures démocratiques qui leur permettent de parler au nom de leurs membres. Ces formes de légitimité sont plus difficiles à établir pour les organisations internationales. L’intégration croissante de l’économie mondiale risque d’entraîner une coordination de plus en plus importante de la politique suivie dans tous les domaines de la sécurité et de la santé au travail, en ce qui concerne notamment la définition de normes généralement acceptées en matière de prévention, de réparation, de formation professionnelle et d’application. Les organisations créées pour répondre à ces besoins devront asseoir leur autorité en renforçant leur capacité de réaction et en entretenant des relations étroites avec les travailleurs et les lieux de travail.

L’INSPECTION DU TRAVAIL

Wolfgang von Richthofen

La convention (no 150) et la recommandation (no 158) sur l’administration du travail, 1978, sont le fondement de l’organisation et de la mise en œuvre de tout système moderne d’administration du travail. Ces deux instruments internationaux sont une source d’inspiration des plus utiles et un modèle auquel toute administration nationale du travail peut comparer son orientation, son rôle, son champ d’action, ses structures et ses fonctions, ainsi que son efficacité pratique.

L’administration  du  travail  concerne  la  gestion  des  affaires publiques dans le domaine du travail qui, traditionnellement, englobe toutes les questions relatives à la population économiquement active, sans distinction de secteur. C’est une vaste notion, mais elle est étayée par la convention no 150, par laquelle l’administration du travail désigne «les activités de l’administration publique dans le domaine de la politique nationale du travail». Ces activités comprennent d’ordinaire:

Cette définition générale montre bien que l’administration du travail s’étend au-delà des responsabilités et des activités d’un simple ministère du travail (emploi, affaires sociales, etc.), puisque le domaine de la politique du travail peut relever de diverses administrations ministérielles, d’organismes paraétatiques et d’autres institutions publiques.

Il faut donc viser un système d’administration du travail dont les divers organes sont coordonnés et interagissent de façon à créer une synergie. L’élément unificateur est la politique du travail, qui comprend toutes les activités exécutées à ce titre. Le système peut varier d’un pays à l’autre (pour des raisons historiques, politiques, économiques, sociales, etc.), mais il comprend normalement les relations professionnelles, l’inspection du travail, la sécurité au travail, l’hygiène professionnelle, la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles, les services de l’emploi, la promotion de l’emploi, la formation et l’orientation professionnelles, les tests professionnels et l’attribution de certificats d’aptitude professionnelle, la planification du personnel, l’information sur l’emploi et les professions, les travailleurs étrangers et les permis de travail, la sécurité sociale, les groupes vulnérables et défavorisés, les statistiques du travail, etc.

On voit donc qu’un système d’administration du travail est complexe, qu’il exige une coordination à tous les niveaux pour remplir son rôle et qu’il est dynamique puisque, conformément à la convention no 150, il vise «tous les organes de l’administration publique» et «toute structure institutionnelle» s’occupant de la politique nationale du travail. Enfin, cet ensemble de normes internationales démontre à l’évidence que l’inspection du travail doit faire partie intégrante de l’administration du travail et que, dans le domaine de la protection des travailleurs (qui comprend la sécurité et la santé au travail, mais qui est loin de se limiter à ces deux domaines), l’inspection du travail est l’instrument pratique de tout système d’administration du travail pour assurer le respect de la politique et de la législation nationales. Pour reprendre la formule d’un ancien Directeur général dans son rapport à la Conférence internationale du Travail en 1964, «une législation du travail [...] risque en effet de rester lettre morte s’il n’existe pas dans le pays de système d’inspection du travail chargé d’en contrôler l’application».

Les deux niveaux de l’inspection du travail

En règle générale, dans le cadre de l’administration du travail, l’inspection du travail est généralement dotée d’une structure à deux niveaux: les bureaux d’inspection sur le terrain, chargés essentiellement d’assurer l’application des dispositions juridiques, et l’autorité centrale, responsable de la mise au point et du suivi de la politique, ainsi que de la planification et de la gestion du programme. Les services extérieurs et l’autorité centrale doivent évidemment travailler en étroite collaboration.

Les services extérieurs

Le service d’inspection du travail remplit ses fonctions d’inspection et de conseil grâce à ses bureaux extérieurs, qui en sont la cheville ouvrière. Il a ainsi l’avantage, par rapport à d’autres services, d’être en contact direct avec le monde du travail dans l’entreprise — avec les employeurs, les travailleurs, en bref, la population active du pays.

Inversement, le fait de procéder à des inspections dans les entreprises permet aux services d’inspection de fournir à l’administration centrale des informations détaillées, recueillies lors des visites ou des réunions avec les partenaires sociaux et inaccessibles autrement, sur le climat social, les conditions de travail et le milieu de travail, ou encore sur les difficultés d’assurer l’application de la législation, comme l’insuffisance de l’effet dissuasif des sanctions imposées par les tribunaux, les problèmes avec les autorités régionales, les pressions exercées par certaines entreprises en raison de leur rôle économique et le manque de coordination entre les diverses administrations publiques. Les services extérieurs sont également bien placés pour mettre en lumière, comme l’exigent les normes internationales, les déficiences ou les abus qui ne sont pas couverts par les dispositions juridiques.

Aux termes de la convention (no 81) concernant l’inspection du travail dans l’industrie et le commerce, 1947 (en en exemptant éventuellement, en vertu de l’article 2 (2), les entreprises minières et de transport), les inspecteurs ou les bureaux locaux sont «tenus de soumettre à l’autorité centrale d’inspection [...] des rapports périodiques d’un caractère général sur les résultats de leurs activités». Cette disposition (art. 19), que l’on retrouve dans la convention (no 129) sur l’inspection du travail (agriculture), 1969, donne beaucoup de latitude aux Etats quant à la forme, au contenu et à la fréquence des rapports, mais elle est d’une importance capitale. En effet, d’une part, elle assure un contact continu entre les inspecteurs et l’autorité centrale; d’autre part, elle permet à cette dernière d’être au courant de la situation économique et sociale dans les régions, de définir et de mener une politique nationale d’inspection, et de préparer et de publier un rapport annuel sur les activités des services d’inspection, conformément à ses obligations internationales.

L’autorité centrale

L’autorité centrale dirige l’inspection du travail (ou, dans le cas de nombreux Etats fédéraux, l’inspection des Etats constituants) et prend sa place dans le dispositif administratif du ministère chargé de l’administration de la politique du travail et de celle de l’Etat. En fait, l’exécution des tâches d’inspection ne dépend pas seulement de l’initiative personnelle des inspecteurs, bien que celle-ci soit d’une importance fondamentale. Les inspecteurs du travail ne travaillent pas en vase clos; ils font partie d’une administration et proposent des objectifs communs à atteindre dans tout le pays.

La première tâche d’un organe dirigeant consiste à établir un budget, à le faire adopter et à le gérer. Le budget reflète les choix sociaux du gouvernement; son montant détermine l’échelle des moyens accordés aux différents services. Il importe donc de consulter les organisations syndicales, qui ont tout intérêt à ce que l’inspection soit efficace.

Diriger consiste également à définir une politique de protection des travailleurs, à élaborer les principes de fonctionnement de l’inspection, à fixer un ordre de priorité selon les caractéristiques des diverses branches d’activité, la nature et les résultats des entreprises, à rationaliser les activités (politique d’application), à parfaire les méthodes et le programme, à stimuler et à coordonner les différents services, à évaluer les résultats et à proposer des mesures visant à améliorer le fonctionnement de l’inspection.

Il incombe à l’autorité centrale de donner des instructions suffisamment claires aux services extérieurs pour garantir une interprétation cohérente et logique des dispositions juridiques dans tout le pays. Elle le fait habituellement en adoptant une politique générale d’application à l’échelle nationale, conçue souvent (et de préférence) en collaboration avec les organisations les plus représentatives des partenaires sociaux. Enfin, elle doit gérer le personnel, veiller à sa formation et à son perfectionnement (politique de formation), garantir son indépendance et le respect de l’éthique professionnelle et évaluer périodiquement le travail des fonctionnaires.

Les conventions internationales du travail nos 81 et 129 obligent l’autorité centrale à rédiger un rapport annuel sur les services d’inspection; ces rapports doivent porter sur les points essentiels énumérés aux articles 20 et 21. Leur publication dans les douze mois suivant la fin de l’année à laquelle ils ont trait permet aux travailleurs, aux employeurs et aux autorités intéressés de mieux connaître le fonctionnement de l’inspection. Ces rapports, communiqués au Bureau international du Travail dans un délai de trois mois après leur parution, forment la base documentaire d’une étude extrêmement utile des systèmes établis et des résultats obtenus dans les Etats Membres et permettent aux services compétents du BIT de rappeler aux gouvernements, s’il y a lieu, leurs obligations. Malheureusement, cette obligation de publication et de communication est trop souvent négligée dans la pratique, bien qu’elle lie tous les Etats Membres qui ont ratifié la convention.

Il reste à l’autorité centrale à transmettre l’information reçue des services d’inspection aux organes consultatifs établis au sein du ministère (par exemple, le comité national de sécurité et d’hygiène ou le conseil des conventions collectives), aux ministères concernés et aux partenaires sociaux. Elle doit elle-même utiliser les informations reçues et prendre les mesures appropriées, que ce soit à propos du fonctionnement de l’inspection ou de l’élaboration de la législation. Dans l’ensemble, la publication est l’un des moyens les plus utiles dont dispose l’inspection du travail pour présenter ses activités et ses réalisations sur le plan national ou international.

La collaboration technique

Aux termes des conventions internationales du travail nos 81 et 129, des arrangements appropriés doivent être pris pour favoriser la coopération entre les services d’inspection, d’autres services gouvernementaux et les institutions publiques ou privées exerçant des activités analogues.

La collaboration avec d’autres services de l’administration du travail

La collaboration doit d’abord être établie avec les autres services de l’administration du travail, tant au niveau national que local. Les problèmes dont s’occupe l’administration du travail (conditions de travail, sécurité et santé, salaire, emploi, relations professionnelles, sécurité sociale et statistiques) sont souvent liés et doivent être considérés comme un tout.

L’autorité centrale doit assurer l’échange d’informations et contribuer à l’élaboration d’une politique et de directives communes en vue des décisions à prendre par le ou les ministères compétents ou l’organe central de planification. Au niveau local, l’inspection du travail doit notamment entretenir des relations régulières avec les services de l’emploi, les services qui s’occupent des travailleurs étrangers et ceux qui sont chargés des relations professionnelles (lorsque ces tâches sont confiées à des services spécialisés).

Dans les pays où différents services d’inspection du travail relèvent du même ministère (comme en Belgique) ou sont rattachés à des ministères différents, une collaboration très étroite est indispensable pour échanger des informations, définir des méthodes ou des procédés d’intervention et établir des programmes d’action communs. L’efficacité du travail effectué par plusieurs services est directement tributaire de la qualité de leur collaboration, mais l’expérience nous apprend qu’il est très difficile de mettre sur pied et de maintenir une telle collaboration et qu’elle exige temps et ressources, même dans les meilleures conditions. Ce choix est donc presque toujours un pis-aller qui n’est pas propice à une approche globale de la prévention, objectif premier de l’inspection du travail.

La collaboration avec l’administration de la sécurité sociale

Dans nombre de pays, certains services de la sécurité sociale, notamment ceux qui sont chargés de la réparation des accidents du travail et des assurances en cas d’accidents ou de maladies professionnelles, s’occupent de la prévention des risques au travail. D’autres fonctionnaires spécialisés effectuent des contrôles dans les entreprises pour voir quelles sont les mesures relatives à la sécurité et à la santé à y appliquer. Certains pays, comme l’Australie (Nouvelle-Galles du Sud) et le Zimbabwe, confient l’inspection du travail au système de sécurité sociale. L’Allemagne et la France ont toutes deux un système d’inspection distinct et parallèle à celui de la sécurité sociale; ailleurs, comme en Suisse, l’inspection du travail est remboursée au prorata de ses activités consacrées à la prévention des risques pour la sécurité et la santé dans les entreprises. Bien que l’action des agents de la sécurité sociale, contrairement à celle des inspecteurs du travail, ne s’appuie pas directement sur l’autorité de l’Etat — sauf s’ils font partie de la fonction publique, comme c’est le cas en Nouvelle-Galles du Sud et au Zimbabwe — elle est assortie de pénalités financières sous la forme d’une hausse des cotisations des entreprises où la fréquence des accidents est élevée et qui ne donnent pas suite aux recommandations. Par contre, les entreprises qui font un véritable effort de prévention peuvent bénéficier d’une diminution de leurs cotisations ou obtenir des prêts à des conditions spéciales pour poursuivre leur action. Ce maniement de la carotte ou du bâton (bonus/malus) est évidemment un excellent moyen de pression.

Si elle est essentielle, la collaboration entre les services de la sécurité sociale et de l’inspection du travail n’est pas toujours facile à établir: en effet, si les deux services relèvent en général du même ministère, ils tiennent à affirmer leur autonomie et à conserver leurs prérogatives. Cependant, lorsque l’autorité de contrôle est efficace et la coordination des services bien assurée, les résultats, particulièrement sur les plans de la prévention et de la maîtrise des coûts, peuvent être remarquables.

La collaboration avec l’autorité centrale doit se manifester par l’échange d’informations, l’utilisation des données et la préparation conjointe des programmes de prévention. Au niveau local, la collaboration peut prendre diverses formes: enquêtes conjointes (en cas d’accident, par exemple), échange d’informations et possibilité d’utiliser le matériel des services de la sécurité sociale (souvent mieux dotés sur le plan financier) aux fins de l’inspection du travail.

La collaboration avec les instituts de recherche, les organismes techniques et les experts

L’inspection du travail ne peut travailler en vase clos; elle doit établir des liens étroits avec les instituts de recherche ou les universités, afin d’accompagner les changements de la technologie et les progrès des sciences sociales et humaines, de disposer d’informations précises et de suivre les nouvelles tendances. La collaboration ne doit pas être à sens unique. L’inspection du travail joue un rôle important auprès des instituts de recherche: elle peut leur signaler des sujets d’étude intéressants et les aider à vérifier les résultats sur le terrain. Il arrive qu’elle soit invitée à participer à des séminaires ou à des colloques portant sur des questions sociales ou à donner des cours spécialisés. Dans nombre de pays (République fédérale d’Allemagne, Royaume-Uni, Fédération de Russie), cette collaboration, parfois régulière, se révèle d’une très grande utilité.

En ce qui concerne la sécurité et la santé au travail, l’inspection du travail doit soit approuver le contrôle technique de certains types d’installations et de matériel (appareils sous pression, appareils de levage, installations électriques), soit collaborer avec les organismes habilités à le faire. Ailleurs, par exemple en Afrique du Sud, c’est l’inspection du travail qui s’en charge le plus souvent. En faisant appel régulièrement à des organismes externes, elle obtient des avis techniques et peut observer les effets des mesures recommandées.

De nos jours, l’inspection du travail rencontre des problèmes tellement complexes, en particulier dans les domaines techniques et juridiques, qu’elle ne saurait effectuer son travail dans les entreprises sans l’aide de techniciens. La convention no 81 exige que les Etats prennent les mesures nécessaires pour «assurer [...] la collaboration d’experts et de techniciens, y compris des techniciens en médecine, en mécanique, en électricité et en chimie, au fonctionnement de l’inspection, [...] afin d’assurer l’application des dispositions juridiques relatives à l’hygiène et à la sécurité [...] et de s’enquérir des effets des procédés employés, des matières utilisées et des méthodes de travail». La convention no 129 contient une disposition analogue.

Il n’en est pas moins vrai que les multiples aspects des conditions de travail sont étroitement liés — comme le confirment des études récentes — et que les services d’inspection du travail doivent être en mesure de les traiter comme un tout. C’est pourquoi une approche multidisciplinaire, qui permet de combiner les avantages de la spécialisation et de la polyvalence, lorsque les ressources financières sont suffisantes, semble particulièrement prometteuse.

Les autorités régionales ou départementales

Dans presque tous les pays, le territoire national est divisé en circonscriptions dénommées de diverses façons (régions, provinces, cantons, départements), elles-mêmes parfois subdivisées en unités plus petites dans lesquelles l’autorité centrale est représentée par de hauts fonctionnaires (gouverneurs ou préfets). Le plus souvent, le personnel des services extérieurs des divers ministères relève de ces hauts fonctionnaires pour ce qui est des règles de la fonction publique et de l’information politique; ce sont leurs supérieurs qui veillent à l’installation des inspecteurs du travail aux postes auxquels ils sont nommés. Les inspecteurs (ou, s’il y a lieu, les directeurs départementaux, provinciaux ou régionaux du travail) portent à la connaissance de ces hauts fonctionnaires tout événement dont ils devraient être informés. De même, les inspecteurs doivent collaborer avec eux afin de leur fournir, que ce soit directement ou par l’entremise de leurs collaborateurs immédiats, toute  information  demandée.  Néanmoins,  les  inspecteurs devraient toujours relever du ministre, généralement le ministre du travail, par l’intermédiaire de leur supérieur hiérarchique (le directeur départemental, provincial ou régional), pour ce qui touche le contenu de leurs tâches, la façon de s’en acquitter et la communication des résultats obtenus.

Les inspecteurs du travail peuvent se trouver dans une situation délicate du fait que les fonctionnaires représentant l’autorité centrale sont rarement au courant des fonctions de l’inspection du travail et risquent d’être tentés, particulièrement dans certaines affaires controversées, de justifier leurs décisions en invoquant la loi et l’ordre public, ainsi que la paix sociale. Les inspecteurs du travail doivent insister sur l’importance d’une application générale de la législation du travail lorsqu’elle est mise en question et, en cas de difficultés, ne pas hésiter à en référer à leurs supérieurs.

Les autorités judiciaires

Les inspecteurs du travail ont normalement des relations administratives régulières avec les autorités judiciaires, dont l’appui est essentiel à la prévention des infractions. Dans la plupart des pays, les inspecteurs n’intentent pas de poursuites eux-mêmes: c’est la prérogative du ministère public. Lorsqu’ils constatent une infraction et jugent de leur devoir de prendre des mesures contre un employeur, ils rédigent un rapport à l’intention du ministère public. Ce rapport est un document important qui doit établir clairement l’infraction, préciser la disposition enfreinte et les faits observés par l’inspecteur. En général, le ministère public est investi du pouvoir discrétionnaire de donner suite au rapport et d’engager des poursuites ou de classer l’affaire.

On voit qu’il est non seulement important de rédiger un rapport d’infraction, mais encore éminemment souhaitable que les inspecteurs et les fonctionnaires du ministère public se rencontrent, ne fût-ce qu’une fois. Avant de recourir à cette mesure, l’inspecteur du travail qui signale une infraction a généralement essayé d’user de persuasion pour faire respecter les dispositions légales, ce que les fonctionnaires du ministère public et les juges ignorent parfois; souvent, la méconnaissance des méthodes de travail des inspecteurs les amène à imposer des amendes dérisoires ou à classer l’affaire. C’est pourquoi les échanges de vues entre les hauts fonctionnaires des différents ministères sont indispensables.

D’autres circonstances peuvent conduire les inspecteurs du travail à entrer en contact avec le pouvoir judiciaire, par exemple lorsqu’on leur demande un renseignement dans le cadre d’une enquête préliminaire ou s’ils sont cités comme témoins. Le texte intégral des jugements dûment motivés doit leur être communiqué dès le prononcé, afin qu’ils puissent signaler toute récidive. Si l’affaire était classée ou si la sanction paraissait insuffisante, l’inspection du travail serait alors en mesure de demander au ministère public d’interjeter appel. Enfin, la communication du jugement est d’autant plus utile si celui-ci établit un précédent.

Les autres autorités

Les inspecteurs du travail peuvent être appelés à entretenir des relations régulières ou sporadiques avec d’autres autorités publiques. Par exemple, ils peuvent être invités à collaborer avec les services de la planification du développement. Leur rôle consiste alors à porter à l’attention de ces services certains facteurs sociaux et les répercussions possibles de certaines décisions économiques. Quant à leurs rapports avec la classe politique (maires, députés, membres d’un parti), comme dans le cas de demandes de renseignements, il importe que les inspecteurs du travail s’en tiennent à une impartialité rigoureuse, règle de conduite à laquelle ils doivent absolument s’astreindre, et qu’ils fassent preuve de la plus grande prudence. Les relations avec la police doivent également faire l’objet d’une procédure bien établie, notamment lorsqu’il s’agit de contrôler la durée du travail dans les services publics de transport routier (seule la police a le droit d’arrêter un véhicule) ou lorsqu’on soupçonne l’emploi d’immigrants illégaux. Il faut également garantir aux inspecteurs le droit de pénétrer dans les lieux de travail, avec l’aide de la police s’il y a lieu; il n’existe souvent pas de procédure à cet effet.

Les relations avec les organisations d’employeurs et de travailleurs

Bien entendu, les services d’inspection du travail maintiennent des rapports étroits et réguliers avec les employeurs, les travailleurs et leurs organisations. Du reste, les conventions nos 81 et 129 invitent l’autorité compétente à prendre les mesures appropriées pour favoriser cette collaboration.

Les inspecteurs rencontrent les employeurs et les travailleurs tout d’abord dans l’entreprise, que ce soit à l’occasion de visites, de réunions d’organismes tels que les comités de sécurité et de santé ou les comités d’entreprise, ou encore lors de séances de conciliation pour prévenir ou tenter de régler des différends. Ils ont également des contacts fréquents avec des travailleurs et des employeurs en dehors de l’entreprise. Très souvent, ils offrent conseils, informations et points de vue dans leurs bureaux. Quelquefois, ils président des comités conjoints, par exemple lors de la négociation des conventions collectives ou du règlement des conflits. Ils peuvent aussi donner des cours sur des sujets relatifs au travail à l’intention des syndicalistes et des chefs d’entreprise.

L’inspection du travail et les travailleurs

Etant donné que la responsabilité évidente et quotidienne des inspecteurs du travail est d’assurer la protection des travailleurs, des liens très étroits se tissent tout naturellement entre inspecteurs et travailleurs. Le travailleur peut s’adresser personnellement aux inspecteurs pour leur demander conseil ou les consulter sur une question quelconque, mais les organisations syndicales, les délégués syndicaux et les représentants des travailleurs servent le plus souvent d’intermédiaires. Leur raison d’être étant de défendre et de représenter les travailleurs, les syndicats jouent en général un grand rôle dans les relations avec l’inspection du travail.

Ce tissu de relations, dont la forme est fonction du pays et du problème à l’étude, est traité au chapitre no 21 «Les relations professionnelles et la gestion des ressources humaines». Rappelons que les normes internationales du travail, soit les conventions nos 81 et 129 et le Protocole de 1995 relatif à la convention no 81, 1947, établissent le principe de la collaboration tant pour les employeurs que pour les travailleurs: l’autorité compétente doit «prendre les mesures appropriées pour favoriser [...] la collaboration entre les fonctionnaires de l’inspection du travail et les employeurs et les travailleurs ou leurs organisations». Il ne faut pas non plus oublier que les relations entre l’inspection du travail, les employeurs et les travailleurs ne peuvent être séparées de l’ensemble des relations professionnelles et qu’elles portent nécessairement l’empreinte du système socio-économique dans lequel s’inscrit l’inspection du travail et qui diffère d’un pays à l’autre.

La collaboration

La collaboration peut voir le jour de diverses façons, mais elle s’instaure notamment grâce à des relations directes ou par le biais des organismes créés dans l’entreprise aux fins de la représentation ou de la participation. Certains pays pratiquent d’autres formes de collaboration au niveau départemental ou régional, suivant diverses procédures.

Les relations directes

Selon l’article 3 de la convention no 81, une des fonctions fondamentales de l’inspection du travail consiste à fournir des informations et des conseils aux employeurs et aux travailleurs, qui peuvent s’adresser aux inspecteurs pour connaître leur opinion sur les problèmes relevant de leur compétence et leur demander d’intervenir. Les travailleurs peuvent déposer une plainte ou une demande d’avis ou d’intervention (visite d’un lieu de travail, par exemple) au service d’inspection par l’intermédiaire des syndicats; bien que les inspecteurs du travail restent libres d’agir et de choisir la forme de leur intervention, les travailleurs et leurs organisations disposent d’une certaine marge de manœuvre et d’initiative en matière d’inspection.

Les relations entre l’inspection du travail et les organismes représentatifs ou participatifs dans l’entreprise

Cette forme de collaboration est sans doute la plus apparente et la plus répandue. En raison de leur expérience et de leurs connaissances pratiques, les travailleurs sont particulièrement bien placés pour déceler les problèmes liés à leurs conditions de travail, en particulier sur le plan de la sécurité et de la santé, et pour proposer des solutions. Il est normal qu’ils soient consultés et associés à l’étude et à la solution des problèmes, ainsi qu’à la prise de décisions qui les visent. Ces principes appellent au dialogue et à la participation dans l’entreprise et, donc, tout naturellement à un échange d’informations et à la collaboration avec l’inspection du travail.

L’un des organes de participation les plus courants dans l’entreprise est le comité de sécurité et de santé. Ce comité, composé de représentants de l’employeur et des travailleurs, poursuit dans son propre champ d’action le travail de l’inspection du travail. Les représentants des travailleurs y sont habituellement les plus nombreux. Les coordonnateurs étant en général les chefs d’entreprise ou leurs représentants, on peut être pratiquement certain que les décisions du comité seront mises à exécution. Des experts techniques — médecins du travail et agents de sécurité — participent aux travaux du comité dans la mesure du possible. A l’occasion de ses réunions les plus importantes, le comité peut également faire appel à l’inspecteur du travail et au spécialiste des services de la sécurité sociale. Le comité de sécurité et de santé peut et, en fait, devrait faire des tournées et se rendre régulièrement sur les lieux de travail. Ces visites seraient l’occasion de déceler les risques, d’attirer l’attention de la direction sur les problèmes et les plaintes en matière de sécurité et de santé, de proposer des améliorations, de vérifier la suite donnée aux décisions antérieures, de mener des enquêtes sur les accidents du travail et de prendre l’initiative de former les travailleurs à la prévention élémentaire des risques professionnels, d’améliorer leurs connaissances et d’amener l’ensemble du personnel de l’entreprise, du haut en bas de la pyramide, à s’investir dans la lutte contre les accidents du travail et les maladies professionnelles.

Dans nombre de pays, les membres du comité de sécurité et de santé ont le droit d’accompagner les inspecteurs du travail lors de leurs visites. De fait, on constate que la collaboration avec l’inspecteur du travail est monnaie courante là où les comités de sécurité et de santé fonctionnent bien. D’autres organismes de représentation, notamment les comités d’entreprise dont le champ d’action est plus étendu, jouent le même rôle d’appoint ou de relais. Bien des problèmes liés à l’application de la législation du travail peuvent être réglés de cette façon: on trouve des solutions appropriées qui vont au-delà de l’application à la lettre des textes de loi, et ce n’est que dans les cas difficiles que l’on fait appel à l’inspecteur du travail.

La législation de nombreux pays prévoit la nomination dans l’entreprise de représentants du personnel ou de délégués d’atelier qui s’occupent, entre autres, des conditions d’emploi et de travail et maintiennent le dialogue avec l’employeur. Toutes sortes de problèmes qui, autrement, seraient restés dans l’ombre, font l’objet de discussions: ils sont souvent résolus sans l’aide de l’inspecteur du travail qui n’intervient qu’en cas de difficultés. Dans certains pays, les représentants du personnel sont chargés de présenter à l’inspection du travail les plaintes et les constatations concernant l’application de la législation. Les inspecteurs ont souvent le droit et, quelquefois, l’obligation d’être accompagnés par des représentants du personnel durant leur visite. Ailleurs, les représentants des travailleurs doivent être informés de la visite de l’inspecteur ainsi que, parfois, de ses observations ou conclusions.

Une tâche très importante de l’inspection du travail consiste à assurer des conditions qui permettent aux organes de représentation ou de participation de fonctionner normalement, dont le respect des droits syndicaux, la protection des représentants des travailleurs et le bon déroulement des travaux de ces organes, conformément aux dispositions juridiques. Les inspecteurs du travail jouent un rôle de premier plan pour garantir aux organes de représentation et de participation une existence et une utilité réelles, et c’est là l’un des principaux domaines dans lequel les inspecteurs peuvent donner des conseils.

La participation aux tâches d’inspection

Dans certains pays, la législation prescrit expressément la participation des représentants des travailleurs (syndicats, délégués d’atelier ou représentants élus) aux tâches d’inspection du travail dans certaines circonstances.

La consultation obligatoire des syndicats

En Italie, dans certains cas précisés par la loi, l’inspection du travail est tenue de solliciter l’avis des organisations syndicales avant d’adopter une disposition. De plus, il est fréquent que les explications données aux inspecteurs par le ministère du Travail sur l’interprétation et l’application de la législation soient également communiquées aux organisations syndicales au moyen de circulaires, de réunions d’information, etc. Conformément aux instructions ministérielles, les visites des inspecteurs du travail doivent être précédées et suivies de rencontres avec les syndicats qui, de plus, ont le droit de prendre connaissance des rapports sur les visites. Adoptée par un nombre croissant de pays et souvent imposée par la loi, cette pratique s’est révélée un moyen très efficace de remédier aux manquements ou à la négligence de certains inspecteurs.

En Norvège, selon certaines dispositions de la loi du 4 février 1977 sur la protection du travail et le milieu de travail, l’inspection du travail, avant de prendre une décision, doit permettre aux représentants des travailleurs d’exprimer leur opinion.

La participation et l’intervention directe des représentants des travailleurs

La participation des partenaires sociaux à l’inspection du travail a été renforcée dans divers pays, en particulier dans les pays nordiques.

En Suède, la loi sur le milieu de travail du 19 décembre 1977 prévoit la création d’un comité de sécurité chargé de planifier et de suivre les activités en la matière, ainsi que la nomination d’au moins un délégué des travailleurs à la sécurité ayant des pouvoirs étendus d’inspection et d’accès à l’information. Ces personnes sont autorisées à ordonner la suspension du travail lorsqu’elles considèrent qu’une situation est dangereuse, et ce, jusqu’à ce que l’inspection du travail se prononce et sans tenir compte de l’opposition de l’employeur. Un délégué dont la décision de suspendre le travail n’est pas entérinée par l’inspecteur du travail ne peut faire l’objet d’aucune sanction, et l’employeur ne peut réclamer un dédommagement ni au délégué, ni à l’organisation syndicale.

La loi norvégienne de 1977 susmentionnée contient des dispositions analogues relatives à la nomination et aux tâches des délégués à la sécurité. Elle prévoit également l’établissement, dans toutes les entreprises occupant cinquante personnes ou plus, d’un comité sur le milieu de travail qui participe à la planification et à l’organisation de la sécurité et qui est habilité à prendre des décisions; le coordonnateur de ce comité conjoint est élu pour un an, tour à tour par les représentants des employeurs et ceux des travailleurs et il a le droit de vote.

Au Danemark, le fonctionnement de l’inspection de sécurité, qui repose sur la collaboration de l’employeur et des travailleurs dans l’entreprise, a été précisé et renforcé, de façon que les représentants syndicaux y jouent un rôle plus important. Selon le principe fondamental qui inspire la loi du 23 décembre 1975 relative au milieu de travail, la responsabilité d’assurer la sécurité au travail doit être décentralisée et, en définitive, assumée entièrement par l’entreprise; la plupart des problèmes peuvent et doivent être réglés à cet échelon, sans intervention extérieure.

Le rôle des travailleurs dans l’inspection des conditions et du milieu de travail: les tendances internationales

En général, tout porte à croire que la participation des travailleurs à l’inspection des conditions et du milieu de travail continuera à se renforcer, en particulier dans les pays qui ont instauré des «régimes d’auto-inspection» ou un contrôle interne, tels certains pays nordiques. Tout régime de ce type s’appuie sur des organisations de travailleurs fortes et sur leur participation active au processus de contrôle dans l’entreprise, qui est la pièce maîtresse de l’«auto-inspection». C’est vers ce modèle que se dirigent de nombreuses organisations syndicales. Lors de maintes réunions internationales, on a pu juger de la détermination de ces organisations, toutes tendances confondues, à participer à l’examen et à l’application de mesures visant à humaniser les conditions et le milieu de travail.

En particulier, l’élection de délégués à la sécurité pour représenter les travailleurs de l’entreprise dans toutes les affaires touchant la protection de la sécurité et de la santé est d’une importance primordiale. Ces représentants devraient recevoir une formation appropriée aux frais de l’entreprise. Ils devraient disposer du temps nécessaire pour effectuer des inspections et avoir le droit de suspendre toute opération leur paraissant dangereuse jusqu’à vérification par les autorités publiques (en principe, l’inspection du travail).

La participation des syndicats à la définition des critères d’utilisation des substances et produits dangereux est un autre critère essentiel. Les représentants des travailleurs devraient pouvoir influencer la gestion relative à l’utilisation des substances dangereuses, au choix des matériaux, à l’élaboration des méthodes de production et à la protection de l’environnement. De manière générale, les syndicats et les représentants des travailleurs devraient avoir le droit de participer, tant au niveau national que sur les lieux de travail, à la protection de la sécurité et de la santé de leurs membres.

La convention (no 155) et la recommandation (no 164) sur la sécurité et la santé des travailleurs, 1981, vont dans ce sens. Aux termes de cette convention internationale du travail, la sécurité, la santé des travailleurs et le milieu de travail doivent faire l’objet d’une «politique nationale cohérente» définie, mise en application et réexaminée périodiquement «en consultation avec les organisations d’employeurs et de travailleurs les plus représentatives». Les deux instruments, qui établissent les principes de cette politique et indiquent les mesures à prendre au niveau national et dans l’entreprise, demandent aux Etats de garantir l’application de la législation concernant la sécurité, la santé et le milieu de travail au moyen d’un système d’inspection approprié, de fournir des conseils aux employeurs et aux travailleurs et d’imposer des sanctions en cas d’infraction.

Les dispositions qui présentent le plus d’intérêt du point de vue de l’inspection du travail et des dirigeants syndicaux locaux ont trait à l’entreprise. Voici des passages de la convention:

a) les travailleurs [...] coopéreront à l’accomplissement des obligations incombant à l’employeur;

b) les représentants des travailleurs dans l’entreprise coopéreront avec l’employeur dans le domaine de la sécurité et de l’hygiène du travail;

c) les représentants des travailleurs dans l’entreprise recevront une information suffisante concernant les mesures prises par l’employeur pour garantir la sécurité et la santé; ils pourront consulter leurs organisations représentatives à propos de cette information, à condition de ne pas divulguer de secrets commerciaux;

d) les travailleurs et leurs représentants dans l’entreprise recevront une formation appropriée dans le domaine de la sécurité et de l’hygiène du travail;

e) les travailleurs ou leurs représentants et, le cas échéant, leurs organisations représentatives dans l’entreprise seront habilités [...] à examiner tous les aspects de la sécurité et de la santé liés à leur travail et seront consultés à leur sujet par l’employeur; à cette fin, il pourra être fait appel, par accord mutuel, à des conseillers techniques pris en dehors de l’entreprise;

f) le travailleur signalera immédiatement [...] toute situation dont il a un motif raisonnable de penser qu’elle présente un péril imminent et grave pour sa vie ou sa santé et, jusqu’à ce que l’employeur ait pris des mesures pour y remédier, en cas de besoin, celui-ci ne pourra demander aux travailleurs de reprendre le travail [...]

La recommandation no 164 qui accompagne la convention contient naturellement des dispositions plus précises et plus détaillées sur toute la question des conditions et du milieu de travail. Elle spécifie entre autres ce dont les représentants des travailleurs doivent bénéficier pour pouvoir exercer leurs fonctions: formation, information, consultation, temps libre rémunéré pendant les heures de travail, association aux décisions et aux négociations, accès à l’intégralité des lieux de travail, possibilité de communiquer avec les travailleurs et liberté de prendre contact avec les inspecteurs du travail et d’avoir recours à des spécialistes. Les représentants doivent «être protégés contre le congédiement et autres mesures préjudiciables lorsqu’ils accomplissent leurs fonctions dans le domaine de la sécurité et de l’hygiène du travail».

Objet d’un accord général conclu au niveau international par les gouvernements et les partenaires sociaux, la convention et la recommandation considérées comme un tout sont un bon indice de l’orientation générale, non seulement de l’action syndicale dans l’entreprise sur le plan des conditions et du milieu de travail, mais également des activités de l’inspection du travail.

Il est évident que la collaboration entre les chefs d’entreprise et les travailleurs ou leurs représentants évoluera en même temps que le renforcement de la participation des travailleurs à la surveillance de leurs conditions de travail. Le rôle de l’inspection du travail deviendra alors essentiellement consultatif dans un système où les partenaires sociaux seront plus actifs. L’inspection du travail aura également la tâche de contrôler le bon fonctionnement du mécanisme de collaboration dans l’entreprise, sans jamais perdre sa fonction d’inspection dans les situations où les violations l’exigent ou sur les lieux de travail; il ne fait aucun doute qu’il y a moins d’infractions, mais il en restera beaucoup encore durant un certain temps (en particulier dans les petites et moyennes entreprises) tant que cette collaboration ne sera pas solidement établie. Le contrôle extérieur par l’inspection du travail restera indispensable, même dans les pays où le dialogue social est le plus avancé, et la conscience des risques au travail la plus aiguë. Il restera le meilleur moyen d’assurer la protection des travailleurs.

Les objectifs de l’inspection

Il existe de par le monde une grande variété de formes et de systèmes d’inspection du travail qui, au-delà de leurs différences, ont des objectifs fondamentaux communs qui déterminent leurs grandes fonctions. Quels sont ces objectifs? La convention no 81 de l’OIT, qui a acquis un statut quasi universel à la suite de sa ratification par près de 120 Etats Membres, les définit ainsi, à l’article 3:

Le système d’inspection du travail sera chargé:

a) d’assurer l’application des dispositions légales relatives aux conditions du travail et à la protection des travailleurs dans l’exercice de leur profession, telles que les dispositions relatives à la durée du travail, aux salaires, à la sécurité, à l’hygiène et au bien-être, à l’emploi des enfants et des adolescents, et à d’autres matières connexes, dans la mesure où les inspecteurs du travail sont chargés d’assurer l’application desdites dispositions;

b) de fournir des informations et des conseils techniques aux employeurs et aux travailleurs sur les moyens les plus efficaces d’observer les dispositions légales;

c) de porter à l’attention de l’autorité compétente les déficiences ou les abus qui ne sont pas spécifiquement couverts par les dispositions légales existantes.

La formulation, à la fois claire et souple, délimite un vaste champ d’activités. L’inspection du travail doit «assurer l’application des dispositions légales». Les auteurs de la convention ont choisi ces termes avec soin et ne se sont pas contentés d’inviter les services de l’inspection du travail à «contrôler» ou à «promouvoir» l’application des dispositions légales: ils déclarent tout net que ces services sont tenus de faire appliquer la loi.

Quelles sont donc les dispositions légales en question? Selon la convention, et outre la législation, elles comprennent les sentences arbitrales et les conventions collectives qui ont force exécutoire et que les inspecteurs du travail doivent faire appliquer. Ces dispositions constituent la base commune aux activités de tous les inspecteurs dans un pays et protègent les entreprises et les travailleurs de l’arbitraire, de l’iniquité et de l’injustice. Le rôle des inspecteurs n’est pas de faire valoir leurs propres idées, aussi nobles soient-elles, mais bien de s’assurer que la législation en vigueur est respectée (autrement dit, ils sont les instruments fidèles et actifs des autorités législatives compétentes dans le domaine de la protection des travailleurs).

La référence aux dispositions légales peut sembler limiter le champ d’action des inspecteurs dans la mesure où ils ne sont pas habilités à imposer toute amélioration des conditions de travail qu’ils jugent souhaitable. En fait, l’une des attributions de l’inspection du travail est «de porter à l’attention de l’autorité compétente les déficiences ou les abus qui ne sont pas spécifiquement couverts par les dispositions légales existantes». Cette attribution a la même importance que celle d’assurer l’application de la législation et fait de l’inspection du travail un instrument de progrès social en lui accordant un droit d’initiative en matière de protection des travailleurs.

Le champ de l’inspection du travail varie d’un pays à l’autre selon la portée et la nature de la législation en vigueur, les pouvoirs que l’Etat confère aux inspecteurs et le domaine couvert par le système. Les pouvoirs des inspecteurs peuvent être généraux et se rapporter à toute législation traitant des conditions et du milieu de travail, ou bien se limiter à certaines questions, par exemple la sécurité et la santé ou les salaires. Le système peut viser tous les secteurs de l’économie ou quelques-uns seulement ou, encore, l’ensemble du territoire national ou uniquement une partie de celui-ci. La convention no 81 traite de toutes ces situations, de sorte que les tâches des services nationaux d’inspection peuvent être étroitement circonscrites ou extrêmement vastes, selon le pays, tout en répondant à la définition internationale des objectifs de l’inspection.

Parmi les normes internationales, celles qui concernent l’inspection du travail paraissent indispensables à la formulation, à l’application et à l’amélioration de la législation du travail. L’inspection du travail est l’une des forces d’impulsion du progrès social, car elle garantit (à condition d’en avoir les moyens) la mise en œuvre des mesures sociales adoptées et met en lumière les améliorations qui pourraient y être apportées.

Les fonctions de l’inspection

On a vu que les objectifs de l’inspection du travail, selon la définition susmentionnée, englobent trois tâches principales: garantir l’application de la législation, principalement en exerçant une surveillance et un contrôle; fournir des informations et des conseils aux employeurs et aux travailleurs; informer l’autorité compétente.

L’inspection

L’inspection consiste essentiellement en visites des lieux de travail et vise, par l’observation et la discussion, à déterminer tout d’abord la situation qui y prévaut, puis à promouvoir et à assurer (par des méthodes dont il sera question ci-après) l’application de la législation aux fins de la prévention.

L’inspection ne doit pas viser la répression systématique des manquements; sa raison d’être est de faire appliquer la législation et non de surprendre les contrevenants. Pourtant, les inspecteurs doivent pouvoir prendre des mesures coercitives, si besoin est, en rédigeant un rapport susceptible d’entraîner des sanctions suffisamment lourdes pour avoir un effet dissuasif. S’il n’y a pas de sanction, ou si les sanctions ne produisent pas le résultat souhaité dans un délai raisonnable, les inspecteurs du travail perdent toute crédibilité et leur travail toute efficacité. C’est le cas en particulier lorsque l’inspection du travail doit s’adresser aux tribunaux civils pour qu’ils formulent des injonctions, ordonnent à une entreprise de remédier à une situation dangereuse ou lui imposent des sanctions.

Le but de l’inspection est d’assurer la protection future des travailleurs en mettant un terme aux situations dangereuses ou irrégulières. Dans le domaine de la sécurité et de la santé, son intervention se fait en trois occasions: au stade de la planche à dessin, c’est-à-dire avant la construction d’une usine, l’aménagement d’une installation ou la fabrication d’une machine, l’inspection veillera au respect de la législation pertinente à l’étape de la planification; cette vérification préliminaire sera suivie de l’inspection ordinaire, effectuée au cours de visites sur les lieux de travail; enfin, en cas d’accident, l’inspection effectuera une enquête visant surtout à éviter un nouvel accident.

L’inspection peut prendre diverses formes selon le système adopté par le pays et l’objectif précis qui est poursuivi. Dans le domaine de la sécurité et de la santé au travail, l’inspection consiste surtout en visites des ateliers et autres lieux de travail. En ce qui concerne la durée du travail, les salaires et le travail des enfants, les inspecteurs doivent exiger les livres et registres de l’entreprise dont la tenue est prescrite par la législation et en vérifier l’exactitude. Quant à la liberté syndicale, les inspecteurs doivent s’assurer, conformément aux dispositions légales, que les élections prévues se déroulent correctement, que le syndicat est en mesure d’exercer ses activités légales et que ses membres ne font pas l’objet de discrimination.

Dans l’exercice de leurs fonctions, les inspecteurs peuvent faire appel à certaines ressources (voir la section précédente sur la collaboration), soit pour mieux comprendre la situation (organes de surveillance, experts désignés, services de la sécurité sociale chargés de la prévention des accidents, organes de l’entreprise, comme le comité de sécurité et de santé), soit pour étendre leur propre champ d’action (représentants du personnel, services de prévention susmentionnés, organisations d’employeurs et de travailleurs). Les inspecteurs n’interviennent que de manière sporadique, et c’est pourquoi un dispositif permanent dans l’entreprise doit assurer le suivi de leur action.

Les informations et les conseils aux employeurs et aux travailleurs

La fonction d’information et de conseil auprès des employeurs et des travailleurs a un dessein évident: indiquer aux intéressés «les moyens les plus efficaces d’observer les dispositions légales», selon le libellé même de la convention no 81. A l’instar de la fonction d’inspection, la fonction d’information et de conseil contribue à l’application effective de la législation. Les informations et les conseils font pendant à l’inspection puisque, répétons-le, la tâche de l’inspecteur du travail n’est pas uniquement coercitive.

Ainsi, les conséquences des interventions nécessairement rapides des inspecteurs peuvent être durables sur les lieux de travail. Les conseils et les informations fournis par les inspecteurs sont donc axés sur l’avenir. Les inspecteurs ne peuvent se limiter à une sorte de surveillance rétrospective pour voir si tout est en ordre; ils doivent donner des conseils sur les mesures à prendre pour: assurer la protection des travailleurs; expliquer les prescriptions légales concernant le paiement des salaires; dire où et comment les examens médicaux peuvent se dérouler; montrer l’importance de limiter la durée de travail; discuter des problèmes existants ou potentiels avec l’employeur. Selon les milieux autorisés, les inspecteurs qui obtiennent les meilleurs résultats sont ceux qui consacrent la majeure partie de leurs efforts à convaincre et à former la direction ou ses agents et les représentants des travailleurs sur les lieux de travail. C’est une pratique courante dans plusieurs pays, dont la République fédérale d’Allemagne, le Royaume-Uni, les pays nordiques et bien d’autres encore.

En raison de son caractère éducatif, la fonction d’information et de conseil peut avoir une incidence qui dépasse l’affaire en cause et jouer un rôle dans la prévention: les effets bénéfiques s’en feront sentir dans des circonstances analogues, voire différentes, et entraîneront éventuellement des améliorations allant au-delà des exigences légales.

Les informations et les conseils pendant les visites des lieux de travail

A plusieurs reprises, nous avons souligné que la fonction d’inspection, remplie principalement en visitant les lieux de travail, devrait nécessairement s’accompagner d’une mission d’information et de conseil. Les inspecteurs du travail doivent répondre à toute question des employeurs, de leurs adjoints ou des représentants des travailleurs: il est tout à fait normal pour eux de donner avis et explications. En fait, la fonction d’information et de conseil est tellement liée à celle d’inspection qu’il est difficile de distinguer l’une de l’autre. Pourtant, le juste équilibre entre elles fait l’objet de vifs débats aux niveaux national et international. Cette question est au cœur de tout énoncé global et cohérent d’une politique nationale d’application de la législation.

Les informations et les conseils dispensés dans les bureaux de l’inspection du travail

Les inspecteurs du travail doivent être faciles à joindre, et la porte de leur bureau grande ouverte à quiconque veut les consulter, leur exposer un problème ou se plaindre de certaines situations. Une seule et même préoccupation doit constamment les guider: favoriser le respect éclairé et toujours plus complet des dispositions légales.

Il faut établir un lien entre ces activités et la gestion des conflits individuels. En règle générale, les conflits portent sur l’application de la législation et, dans certains pays, ils prennent beaucoup de temps au personnel responsable de l’inspection. Le problème que pose ce type d’activités est traité par les conventions nos 81 et 129, qui les permettent uniquement si elles n’entravent pas l’exercice des fonctions principales des inspecteurs et ne portent pas préjudice à leur autorité ou leur impartialité. Plusieurs pays considèrent que c’est là un problème de dotation en personnel et que l’inspection du travail devrait disposer d’un effectif suffisant pour que les inspecteurs puissent aussi s’acquitter correctement des autres fonctions qui leur sont confiées.

Les activités éducatives

Les informations et les conseils sont des tâches éducatives dans la mesure où ils sont dispensés non seulement pour être suivis à la lettre dans une situation donnée, mais encore pour être compris et assimilés, pour convaincre, bref, pour qu’ils portent durablement des fruits. Cette activité peut également prendre la forme de cours, de conférences ou de discussions, comme le suggère du reste la recommandation no 81. Ces activités permettent évidemment de toucher un vaste public, d’expliquer à la fois la lettre et l’esprit de la législation du travail et de s’assurer que cette dernière est mieux comprise, mieux acceptée et, par conséquent, mieux appliquée. En Norvège, par exemple, il existe un comité national de formation composé de représentants de l’inspection du travail, des employeurs et des travailleurs.

La diffusion de l’information

L’ignorance de la législation sociale et le refus d’en reconnaître la raison d’être et l’utilité comptent parmi les principaux obstacles rencontrés par l’inspection du travail, en particulier dans les pays en développement. Il est inutile d’insister sur le mérite de toute mesure qui favorise la diffusion d’informations sur la législation du travail et il ne faut rien négliger dans ce domaine où, d’ailleurs, les organisations d’employeurs et de travailleurs peuvent jouer un rôle important. Signalons ici le travail des services d’information de la Direction de la sécurité et de la santé du Royaume-Uni qui rassemblent et diffusent de très nombreux documents: ils mettent à la disposition des intéressés un service de documentation et de traduction, préparent des émissions de radio et de télévision, organisent des expositions, etc.

L’information de l’autorité compétente

Souvent sous-estimée ou négligée, cette fonction est pourtant mentionnée expressément dans les conventions nos 81 et 129: l’inspection du travail a le devoir «de porter à l’attention de l’autorité compétente les déficiences ou les abus qui ne sont pas spécifiquement couverts par les dispositions légales existantes». Cette obligation imposée à l’ensemble de l’inspection du travail — de l’inspecteur le moins expérimenté au cadre le plus élevé dans la hiérarchie — complète le mandat qui fait de ce service un agent actif du progrès social. En raison de leur connaissance des problèmes et de la situation des travailleurs, notamment en ce qui concerne la protection que leur garantit la législation sociale, les inspecteurs sont très bien placés pour informer les autorités.

Autres fonctions

Dans nombre de pays, on confie d’autres tâches aux services d’inspection du travail. Les conventions nos 81 et 129 admettent cette situation, mais précisent que «si d’autres fonctions sont confiées aux inspecteurs du travail, celles-ci ne devront pas faire obstacle à l’exercice de leurs fonctions principales ni porter préjudice [...] à l’autorité ou à l’impartialité nécessaires aux inspecteurs dans leurs relations avec les employeurs et les travailleurs».

Le domaine économique

Les questions économiques et sociales sont souvent étroitement liées. Les relations que le service de l’inspection du travail entretient avec le monde du travail et les informations qu’il recueille dans le cours normal de ses activités le mettent en possession d’une masse d’informations de nature sociale (sécurité et santé au travail, situation des travailleuses et des jeunes travailleurs, état des relations professionnelles, conclusion et signature des conventions collectives), ou de nature économique (nombre d’entreprises, effectifs, durée du travail, salaires moyens payés dans les différents secteurs, besoins en main-d’œuvre qualifiée dans les diverses branches d’activité ou régions, etc.).

Il n’est donc pas surprenant que, dans maints pays, les autorités aient envisagé d’utiliser une source d’information aussi riche, en particulier pour élaborer des plans de développement. L’inspection du travail, en raison de son caractère objectif et sérieux, peut certainement fournir des informations pertinentes et participer ainsi à l’administration et au développement du pays.

Les relations professionnelles: la conciliation et l’arbitrage

Les conventions internationales du travail ne contiennent aucune disposition prévoyant d’attribuer aux services de l’inspection du travail des fonctions de conciliation ou d’arbitrage. La recommandation (no 81) sur l’inspection du travail, 1947, va même jusqu’à les exclure explicitement parce qu’elles pourraient mettre en danger l’indépendance et l’impartialité des inspecteurs. Nous ne traiterons donc pas ici de ces fonctions de conciliation et d’arbitrage. Néanmoins, de nombreux pays les confient aux services de l’inspection du travail, surtout pour ce qui est de la conciliation. Depuis l’adoption de la recommandation no 81 en 1947, cette question a toujours prêté à controverse. D’ailleurs, la recommandation (no 133) sur l’inspection du travail (agriculture), 1969, est moins rigide à cet égard que la recommandation no 81: elle accepte que les inspecteurs du travail participent au règlement des différends du travail, à titre transitoire, lorsqu’il n’existe pas d’organe spécial chargé de la conciliation.

La protection des représentants des travailleurs

La convention (no 135) concernant les représentants des travailleurs, 1971, que complète la recommandation no 143 de la même année, dispose:

Les représentants des travailleurs dans l’entreprise doivent bénéficier d’une protection efficace contre toutes mesures qui pourraient leur porter préjudice, y compris le licenciement, et qui seraient motivées par leur qualité ou leurs activités de représentants des travailleurs, leur affiliation syndicale ou leur participation à des activités syndicales, pour autant qu’ils agissent conformément aux lois, conventions collectives ou autres arrangements conventionnels en vigueur.

Certains pays exigent que les employeurs obtiennent l’accord du syndicat ou une autorisation d’un tribunal avant de licencier un représentant des travailleurs. Ailleurs, notamment en France et dans les pays dont l’administration est calquée sur le modèle français, le licenciement de délégués d’atelier ou de représentants élus du personnel est soumis à l’autorisation de l’inspection du travail (à moins que le comité d’entreprise ne donne son accord, ce qui arrive très rarement, on s’en doute). Avant de prendre leurs décisions, les inspecteurs doivent essayer d’établir si les fautes imputées aux représentants des travailleurs sont ou non en rapport avec leurs activités syndicales, telles que définies par la loi et la jurisprudence. Dans l’affirmative, ils refusent le licenciement; dans le cas contraire, ils l’autorisent (à condition, bien sûr, que les accusations portées soient suffisamment graves).

Le contrôle dans le domaine de l’emploi

Dans de nombreux pays, en particulier ceux dont l’administration est de tradition française, les services de l’inspection du travail jouent un rôle important dans le domaine de l’emploi, surtout en ce qui concerne le contrôle des licenciements. En France, une demande de licenciement collectif entraîne la vérification, par les fonctionnaires de l’inspection du travail, de la façon dont la procédure de consultation a été appliquée, de la validité des motifs du licenciement et de l’ampleur des mesures prises pour reclasser et dédommager les travailleurs. Après examen de la situation financière de l’entreprise ou du marché du travail, l’inspecteur peut, en théorie, refuser le licenciement (en fait, ces refus ne concernent que 5% des cas).

Toujours dans le domaine de l’emploi, on demande souvent aux inspecteurs du travail de veiller au respect du principe de non-discrimination lors de l’embauche ou du licenciement (toute discrimination fondée sur la race, le sexe, la religion, les idées politiques, la nationalité et la situation familiale, par exemple, est interdite). Ils contrôlent les activités des agences de placement temporaire afin que l’émergence des emplois précaires, en particulier le travail temporaire, n’ait pas de répercussions négatives sur les salariés. Les difficultés économiques et le chômage ont amené bon nombre de pays à être plus vigilants dans la lutte contre l’emploi de travailleurs clandestins, le contrôle de la main-d’œuvre étrangère ou la réglementation des heures supplémentaires, par exemple.

Autres fonctions

L’inspection du travail peut être chargée d’autres tâches encore, par exemple surveiller la protection de l’environnement et lutter contre la pollution industrielle ou prévenir les incendies dans les lieux ouverts au public. Ces fonctions, que le service d’inspection est quelquefois le seul à pouvoir remplir, ne relèvent pas directement de ses attributions et ne doivent pas faire obstacle à l’exercice de ses tâches principales, qui consistent à protéger les travailleurs dans l’entreprise.

Les différents systèmes d’inspection

Les services de l’inspection du travail diffèrent selon le pays, mais on peut les ranger en deux grandes catégories: d’une part, ceux qui englobent tous les secteurs d’activité et, d’autre part, ceux qui sont dotés de services spécialisés par secteur (mines, agriculture, industrie manufacturière, transport, etc.). Leur objet peut également varier: sécurité et santé, conditions de travail, salaires et relations professionnelles. Dans le même ordre d’idées, on peut établir une distinction entre les systèmes dont les fonctionnaires assurent l’application des dispositions légales dans tous les domaines visés et ceux dont les sections sont spécialisées en fonction de l’objet de l’inspection. Dans quelques pays, certaines tâches d’inspection sont confiées aux collectivités locales; quant à ceux qui ont une industrie minière, ils ont d’ordinaire institué un système spécial pour ce secteur.

La structure des systèmes d’inspection

La compétence relative au secteur d’activité

Certains pays ont mis sur pied un seul service d’inspection du travail ayant compétence pour toutes les branches de l’activité économique. Mis à part le secteur des mines qui, dans presque tous les pays, relève du ministère correspondant (à l’exception, par exemple, du Mexique), ce type d’organisation prévaut dans les pays européens tels que l’Espagne, le Luxembourg ou la Suisse. On le trouve également dans de nombreux pays d’Afrique et d’Asie. En Afrique francophone par exemple, les services d’inspection relèvent du ministère du Travail et visent tous les secteurs d’activité.

L’avantage d’un tel système, c’est qu’il donne au service d’inspection et, à l’échelon supérieur, au ministère du Travail une vue d’ensemble des divers secteurs, les problèmes liés à la protection des salariés étant souvent fort semblables. D’ailleurs, ce système permet aux pays dont les ressources sont limitées de réduire le nombre de visites nécessaires pour surveiller différentes activités. Dans d’autres pays, chaque secteur d’activité dispose d’un service d’inspection spécifique qui relève du ministère compétent.

A la fin du XIXe siècle, la plupart des pays européens s’étaient dotés d’un organe chargé de traiter les questions relatives à la législation du travail et habituellement rattaché à un ministère, que ce soit celui de l’intérieur ou celui de l’industrie et du commerce. Un peu avant la première guerre mondiale, des ministères du travail autonomes ont été institués pour faire appliquer la législation du travail par une administration publique spécialisée. C’est ce qui explique que, dans certaines branches d’activité, le contrôle de l’application des lois protégeant les travailleurs incombe encore à l’administration ministérielle anciennement habilitée à le faire.

Entre ces deux extrêmes — un seul et unique service d’inspection sous la houlette d’un ministère habilité à s’occuper de toutes les branches d’activité, d’une part, et de nombreux services sectoriels spécialisés relevant de plusieurs ministères, d’autre part —, il existe des systèmes intermédiaires dans lesquels soit le service d’inspection ne s’occupe que de quelques branches, soit plusieurs services d’inspection relèvent d’un seul ministère.

Depuis plusieurs années, la tendance est au regroupement des services d’inspection sous une seule autorité, d’ordinaire le ministère du Travail, d’une part, parce que les problèmes qui surviennent dans la plupart des secteurs se ressemblent beaucoup, quand ils ne sont pas identiques et, d’autre part, parce que l’on favorise ainsi une administration plus efficace et plus économique. Un système unifié et intégré offre au gouvernement des possibilités d’action accrues en matière de prévention des risques professionnels et de protection légale des travailleurs.

En 1975, la France a unifié les principaux services d’inspection qui relèvent du ministère du Travail et elle a assujetti l’ensemble de l’organe interministériel ainsi créé aux mêmes conditions de service. La même année, le Royaume-Uni a décidé également de regrouper ses services d’inspection dans la direction de la sécurité et de la santé au travail (Health and Safety Executive (HSE)) (auparavant, il y avait sept services relevant de cinq ministères). On a ainsi placé sous la responsabilité du seul ministère de l’Emploi, le service d’inspection des fabriques, les autres services d’inspection (et, l’une après l’autre, l’inspection du travail dans les entreprises d’extraction du pétrole et du gaz en mer et dans les transports publics), le service consultatif de médecine du travail et d’autres organes officiels de prévention (ce ministère, toutefois, a été supprimé en 1995, et l’inspection du travail relève maintenant du ministère de l’Environnement, suivant une tendance que l’on peut constater ailleurs, par exemple en Allemagne.) Le souci de coordonner les efforts de prévention et d’amélioration des conditions de travail dans un contexte juridique de plus en plus complexe a également amené d’autres pays à confier le contrôle de l’application de la législation en matière de protection des travailleurs à un organe d’inspection unique, qui relève habituellement du ministère du travail.

La compétence relative à l’objet de l’inspection

Les services d’inspection du travail sont chargés d’assurer le respect des dispositions légales dans de nombreux domaines: sécurité et santé, conditions de travail, salaires et relations professionnelles.

Dans certains pays, par exemple la Belgique, l’Italie et le Royaume-Uni, l’inspection du travail comprend des unités spécialisées selon leur objet. La Belgique en compte ainsi plusieurs: un service technique, pour la prévention et la sécurité dans l’entreprise; un service médical, qui s’occupe de santé et d’hygiène; un service contrôlant les conditions d’emploi (salaires, durée du travail, etc.); un service de contrôle du versement des cotisations sociales; enfin, des fonctionnaires chargés des questions liées aux relations professionnelles. Dans les systèmes de ce type, les divers services d’inspection sont chacun spécialisés dans des domaines particuliers, mais ils sont généralement habilités à intervenir dans tous les secteurs de l’économie.

La spécialisation des fonctionnaires s’efforce de répondre à la complexité grandissante des tâches de l’inspection. Pour les défenseurs de ce type d’organisation, aucun inspecteur ne saurait avoir les connaissances nécessaires pour régler tous les problèmes liés à la protection des travailleurs. La spécialisation est telle dans certains pays que les conditions de travail, au sens large, peuvent faire l’objet de quatre ou cinq sortes d’inspection dans la même entreprise.

Dans d’autres pays, cependant, il n’y a qu’un seul système dans lequel les fonctionnaires ont compétence pour toutes les questions liées à l’inspection du travail. C’est le cas, par exemple, en Allemagne, en Autriche et dans les pays francophones d’Afrique; pour des raisons évidentes, ces derniers ne se sont pas lancés dans la création — fort onéreuse — de plusieurs organes spécialisés et ne comptent donc qu’un seul service d’inspection qui relève du ministère du Travail. Le service d’inspection est alors chargé de toutes les tâches à exécuter sur place dans l’entreprise, l’inspecteur ou le contrôleur étant le seul représentant du ministère à s’en occuper.

L’avantage de ce système est qu’il donne aux inspecteurs une vue d’ensemble des problèmes du travail, qui sont souvent interdépendants, et qu’il évite la prolifération des inspections et le manque de coordination; on peut toutefois se demander comment les inspecteurs peuvent mener à bien un programme aussi vaste, étant donné la complexité croissante des problèmes juridiques et techniques.

Il existe une solution médiane: le système dans lequel les inspecteurs du travail ont une compétence dans de nombreux domaines, mais possèdent les connaissances techniques nécessaires pour déceler les situations dangereuses et faire appel à des techniciens en médecine, en mécanique et en chimie, comme le prévoit la convention no 81. C’est la solution qui a été adoptée en France. Le Royaume-Uni offre un autre modèle: les inspecteurs généralistes dans le domaine de la sécurité et de la santé font appel à des inspecteurs spécialisés dans des domaines très techniques (électricité, chimie, énergie atomique) lorsque surgissent des problèmes spécifiques. L’inspection du travail tend alors à la pluridisciplinarité; au Danemark et dans d’autres pays nordiques, de même qu’aux Pays-Bas, elle est devenue vraiment multidisciplinaire, les équipes d’inspection dans les districts étant composées d’inspecteurs (qui ont reçu une formation technique), d’ingénieurs, de médecins, de psychologues, de juristes et d’ergonomes. La mise en place d’équipes multidisciplinaires permet aux coordonnateurs d’avoir un aperçu général des divers aspects des conditions de travail et de fonder leurs décisions sur une synthèse des opinions exprimées. Pareille organisation coûte cher, mais elle est très efficace à condition que le travail des divers intervenants soit bien coordonné.

Les relations étroites entre les différents aspects des conditions de travail expliquent qu’un certain nombre de pays aient regroupé leurs services d’inspection ou, à tout le moins, coordonnent plus fortement leurs activités. Ces mesures répondent aux vœux exprimés aussi bien par les fonctionnaires chargés du contrôle que par les travailleurs et les syndicats. Les travailleurs aux prises avec des difficultés comprennent mal pourquoi ils devraient s’adresser à plusieurs fonctionnaires habilités chacun à ne s’occuper que d’un aspect du problème, et recommencer leurs explications au risque de perdre beaucoup d’heures de travail. Pour leur part, les syndicats veulent améliorer l’efficacité de l’inspection du travail et faciliter les relations entre ce service et leurs membres.

Les fonctions des collectivités locales

Quelques Etats demandent encore aux collectivités locales d’aider les services de l’inspection du travail à s’acquitter de leurs tâches d’inspection, voire de se substituer aux services de l’Etat.

La Suède, par exemple, a confié le contrôle de l’application des dispositions de la loi sur le milieu de travail du 19 décembre 1977 et de son règlement d’application au conseil de protection du travailleur et au service d’inspection du travail qui en dépend. La loi exige qu’en collaboration avec le service de l’inspection du travail, chaque commune désigne un ou plusieurs agents de contrôle chargés d’aider le service d’inspection à remplir sa mission, habituellement en veillant au respect de la législation dans les entreprises de moins de dix salariés et n’utilisant pas de machines. Toutes les communes doivent présenter un rapport annuel au service d’inspection, dans lequel elles expliquent la façon dont elles ont exercé ce contrôle.

En Italie, la loi du 23 décembre 1978 portant institution du service national de santé a eu pour effet de décentraliser la responsabilité de la santé publique, y compris la sécurité et la santé au travail, et de la confier aux autorités sanitaires régionales et locales. Les unités sanitaires locales, dont les membres sont nommés par les autorités communales, s’occupent de tout ce qui concerne la santé publique: administration des hôpitaux, organisation des services sanitaires locaux, sécurité et santé dans les entreprises, etc. Ainsi, cette réforme a retiré à l’inspection du travail, service de l’Etat qui relève du ministère du Travail, la fonction pour laquelle elle avait été créée.

Le transfert des fonctions autrefois assumées par l’inspection du travail aux unités sanitaires locales a entraîné la création de deux services d’inspection du travail: l’un relève du ministère du Travail et continue de contrôler l’application de la législation sociale (salaires, durée du travail, congés payés, etc.) et de s’acquitter de quelques tâches liées à la sécurité et à la santé (contrôle des rayonnements ionisants, contrôle des chemins de fer, en collaboration avec les fonctionnaires de ce secteur, etc.); l’autre, habilité à s’occuper de la plupart des questions de sécurité et de santé, fait partie intégrante du service national de santé et s’appuie sur des organes municipaux, à savoir les unités sanitaires locales.

En Ouganda, un grand mouvement de décentralisation a placé l’inspection du travail, à l’exception de l’inspection des fabriques, sous la tutelle directe des autorités des districts. Ces quelques exemples sont cependant l’exception. Ils soulèvent également un doute sérieux quant à leur compatibilité avec les normes importantes figurant dans les conventions internationales du travail pertinentes (notamment l’article 4 de la convention no 81), selon lesquelles l’inspection du travail doit relever d’une autorité centrale.

L’inspection du travail dans les mines

Dans presque tous les pays ayant une industrie minière, l’inspection du travail dans les mines est calquée sur celle qui existe depuis des générations dans les vieux pays miniers d’Europe: République fédérale d’Allemagne, Belgique, France, Royaume-Uni.

Les systèmes en vigueur ont deux grandes caractéristiques communes: le contrôle des conditions de travail en surface est du ressort de l’inspection du travail, tandis que l’inspection de la sécurité et de la santé dans les travaux souterrains, sauf dans quelques pays dont le Mexique, relève des ingénieurs des mines qui forment un corps spécialisé. Tous ces systèmes associent des délégués des mineurs à l’inspection des lieux de travail, et ce, d’une manière plus ou moins étroite et avec des pouvoirs variables.

Les pouvoirs et les obligations des inspecteurs du travail

Les pouvoirs

Le droit de libre entrée et le droit d’enquête

Le premier pouvoir de l’inspecteur, sans lequel il y aurait évidemment fort peu de contrôle, est celui de visiter les entreprises. La convention no 81 et la convention (no 129), sur l’inspection du travail (agriculture, 1969) disposent:

Les inspecteurs du travail munis de pièces justificatives de leurs fonctions seront autorisés:

a) à pénétrer librement sans avertissement préalable à toute heure du jour et de la nuit dans tout établissement assujetti au contrôle de l’inspection;

b) à pénétrer de jour dans tous les locaux qu’ils peuvent avoir un motif raisonnable de supposer être assujettis au contrôle de l’inspection.

Au cours de la rédaction des normes internationales, l’instauration du droit de pénétrer dans les lieux de travail a suscité une très vive controverse. Les obstacles n’ont pas manqué non plus lors de l’inscription de ce droit dans les législations nationales. D’aucuns soutenaient notamment que c’était une atteinte inacceptable au droit de propriété. La possibilité de pénétrer en tout temps dans les établissements a fait l’objet d’une résistance très marquée: or, de toute évidence, les inspecteurs ne peuvent établir l’emploi illégal de travailleurs, le cas échéant, qu’en effectuant des vérifications à des heures inhabituelles. En pratique, le droit de libre accès est entré dans l’ordre des choses dans tous les pays où existent des services d’inspection.

Cette question (et d’autres, liées aux pouvoirs d’inspection) a également suscité d’âpres discussions à la Conférence internationale du Travail, lors de sa 82e session, 1995, lorsqu’on a abordé l’inspection du travail dans le secteur des services non commerciaux. La Conférence a adopté un protocole relatif à l’application de la convention no 81 à ce secteur, qui a essentiellement confirmé les pouvoirs fondamentaux des inspecteurs, tout en prévoyant certaines exceptions et restrictions, par exemple pour des motifs de sécurité nationale ou d’exigences de service précises en ce qui concerne les lieux de travail relevant des forces armées, de la police, des services pénitentiaires, des services de lutte contre l’incendie et de secours, etc. (voir les articles 2 à 4 du protocole de 1995 relatif à la convention (no 81) sur l’inspection du travail, 1947 (BIT, 1996a).

Aux termes des conventions nos 81 et 129, les inspecteurs doivent être autorisés «à procéder à tous examens, contrôles ou enquêtes jugés nécessaires pour s’assurer que les dispositions légales sont effectivement observées», ce qui implique, selon le libellé de ces deux instruments, que les inspecteurs ont le droit d’interroger, seuls ou en présence de témoins, l’employeur ou le personnel, de demander communication de tous livres, registres et documents dont la tenue est prescrite par la législation nationale et de prélever des échantillons aux fins d’analyse. Ces droits sont généralement reconnus, bien que certains pays imposent des restrictions à la consultation des documents financiers.

Il semble donc qu’à de rares exceptions près, les pouvoirs de contrôle des inspecteurs soient acceptés et ne donnent plus lieu à une opposition systématique. La possibilité de faire appel à la police, prévue dans la plupart des législations, exerce sans aucun doute un effet dissuasif suffisant, à condition qu’une procédure efficace à cette fin ait été établie entre les divers ministères intéressés.

Ces pouvoirs ont naturellement des limites, comme tout autre pouvoir. Si on ne les exerce pas judicieusement, le résultat final risque d’être contraire à l’effet recherché. On accorde ces droits aux inspecteurs pour qu’ils les exercent avec discernement et, comme le révèle l’expérience, leur capacité d’agir de la sorte dépend dans une large mesure de la qualité de leur formation.

Les pouvoirs d’injonction

La convention no 81 dispose que «les inspecteurs du travail seront autorisés à provoquer des mesures destinées à éliminer les défectuosités constatées dans une installation, un aménagement ou des méthodes de travail qu’ils peuvent avoir un motif raisonnable de considérer comme une menace à la santé ou à la sécurité des travailleurs».  Cette  disposition  est  reprise  dans  la  convention no 129, qui y ajoute l’utilisation de substances dangereuses, parce que l’agriculture fait de plus en plus usage de produits chimiques.

Si l’inspection du travail était privée des moyens de corriger les irrégularités constatées dans les entreprises, son efficacité serait évidemment limitée. Celle-ci se mesure le plus souvent à l’aune de l’étendue réelle de leurs pouvoirs, de la façon dont ils sont exercés, ainsi que de l’effet de leurs avertissements et de leurs injonctions.

Bien que les deux conventions et le protocole soulignent l’importance de principe des pouvoirs d’injonction, ils laissent aux gouvernements une certaine marge de manœuvre. Ces trois instruments disposent tout d’abord que les inspecteurs «auront le droit d’ordonner ou de faire ordonner» de prendre les mesures qui s’imposent, de faire apporter des modifications dans un délai fixé ou de prendre des mesures immédiatement exécutoires, puis ils précisent qu’en cas d’incompatibilité de la procédure avec la pratique administrative ou judiciaire de l’Etat, les inspecteurs peuvent «saisir l’autorité compétente pour qu’elle formule des injonctions ou fasse prendre des mesures immédiatement exécutoires». Il a fallu tenir compte ici de l’impossibilité, aux termes de la Constitution de certains Etats, de confier de tels pouvoirs à une autorité administrative. Les pouvoirs des inspecteurs varient donc d’un pays à l’autre, même chez ceux qui ont ratifié la convention no 81.

Afin d’«éliminer les défectuosités constatées», l’inspecteur peut soit imposer à un employeur un délai déterminé pour apporter la modification nécessaire, soit, en cas de danger imminent, lui enjoindre de prendre des mesures immédiatement exécutoires. Les pays sont de plus en plus nombreux à conférer aux inspecteurs ce pouvoir d’injonction en cas de danger imminent; c’est notamment le cas en Afrique du Sud, en République fédérale d’Allemagne, en Belgique, au Japon, au Royaume-Uni, dans les pays nordiques et dans beaucoup d’autres pays qui ont modifié leur législation en matière de sécurité et de santé au travail dans les années quatre-vingt et au début des années quatre-ving-dix. Ailleurs, il se peut que seuls les tribunaux soient habilités à faire usage de telles mesures, mais avant qu’ils prennent leur décision et qu’elle soit mise à exécution, un accident risque de se produire. De plus, les juges des tribunaux civils ont rarement reçu la formation nécessaire en matière de protection des travailleurs et se révèlent souvent insensibles aux infractions; les amendes sont plutôt faibles, ce qui, en plus de nombreux autres facteurs, tend à saper l’autorité des services d’inspection. Tout cela renforce la tendance à éviter les procédures judiciaires, même pour des violations mineures qui relèvent du droit pénal et à privilégier la voie administrative, sur laquelle les services d’inspection ont plus d’influence. Afin de réduire les délais, certains pays ont établi une procédure d’urgence qui permet à l’inspecteur de s’adresser au président du tribunal en tout temps, même à son domicile, pour obtenir une ordonnance immédiatement exécutoire.

Le droit d’appel

De toute évidence, les décisions contraignantes d’un inspecteur peuvent d’ordinaire faire l’objet d’un recours de l’employeur; il faut en effet prévenir ou corriger tous les abus possibles. En règle générale, le recours a pour effet de suspendre les ordonnances à exécuter dans un délai déterminé, mais non celles qui sont immédiatement exécutoires en raison de l’imminence du danger qui les justifie.

Les mesures prises en cas d’infraction

«Les personnes qui violeront ou négligeront d’observer les dispositions légales dont l’exécution incombe aux inspecteurs du travail seront passibles de poursuites légales immédiates, sans avertissement préalable». La rigueur de ce principe, énoncé dans la convention no 81 et repris dans la convention no 129, est cependant atténuée par les deux dispositions ci-après: «la législation nationale pourra prévoir des exceptions pour les cas où un avertissement préalable devra être donné afin qu’il soit remédié à la situation ou que des mesures préventives soient prises»; «il est laissé à la libre décision des inspecteurs du travail de donner des avertissements ou des conseils au lieu d’intenter ou de recommander des poursuites».

Cette dernière disposition laisse à l’inspecteur le choix du moyen — conseil, avertissement ou action en justice — qu’il juge être le meilleur pour assurer le respect de la législation. La mesure retenue doit s’inscrire dans un plan adapté à la nature de l’entreprise et être conforme à une série d’objectifs classés par ordre d’importance.

Si l’inspecteur choisit d’intenter des poursuites, il peut soit les engager lui-même (comme c’est le cas dans les pays dont l’administration s’inspire de la tradition britannique), soit recommander au ministère public ou au pouvoir judiciaire de le faire (c’est la situation la plus courante). Il rédige alors un rapport qui est considéré comme faisant foi selon la pratique nationale soit jusqu’à ce qu’il soit infirmé, soit jusqu’à ce que sa véracité soit contestée en justice.

Les conventions nos 81 et 129 précisent que «des sanctions appropriées pour violation des dispositions légales [...] seront prévues par la législation nationale et effectivement appliquées». Bien que toutes les législations nationales prévoient des sanctions en cas de violation, trop souvent ces dernières ne sont pas «appropriées». Les amendes, dont le montant est souvent fixé au moment de l’adoption des dispositions légales, restent inchangées pendant des années et sont tellement légères qu’elles n’ont guère d’effet dissuasif. Si le tribunal prononce une peine d’emprisonnement, elle est habituellement assortie de sursis, bien qu’elle puisse être exécutée en cas de récidive. Les tribunaux ont toujours un plein pouvoir d’appréciation. Il faut bien comprendre que la volonté d’un gouvernement d’appliquer la législation protégeant les travailleurs peut se mesurer à l’importance des peines infligées et à la façon dont les tribunaux les appliquent.

Faire obstruction aux inspecteurs du travail dans l’exercice de leurs fonctions, ou contester l’autorité de l’Etat, font habituellement l’objet de sanctions sévères en vertu des législations nationales qui doivent, en outre, donner la possibilité de faire appel aux forces de police. En fait, il est rare que les chefs d’entreprise usent de tactiques d’obstruction.

Les obligations

L’impartialité

Selon les conventions nos 81 et 129, les inspecteurs du travail «n’auront pas le droit d’avoir un intérêt quelconque direct ou indirect dans les entreprises placées sous leur contrôle». Dans la plupart des pays, cette interdiction figure dans les conditions d’emploi des fonctionnaires et dans des dispositions spéciales.

Le secret professionnel

Les inspecteurs «seront tenus, sous peine de sanctions pénales ou de mesures disciplinaires appropriées, de ne point révéler, même après avoir quitté leur service, les secrets de fabrication ou de commerce ou les procédés d’exploitation dont ils peuvent avoir eu connaissance dans l’exercice de leurs fonctions». Les inspecteurs sont habituellement tenus au secret professionnel, conformément au statut de la fonction publique. Cette obligation est souvent inscrite dans l’engagement écrit qu’ils doivent signer au moment de leur entrée en fonctions ou du serment qu’ils doivent prêter alors. Ils s’engagent à respecter le secret professionnel, non seulement pour la durée de leur emploi, mais pour la vie.

La discrétion concernant la source des plaintes

Les inspecteurs «devront traiter comme absolument confidentielle la source de toute plainte [...] et devront s’abstenir de révéler à l’employeur ou à son représentant qu’il a été procédé à une visite d’inspection comme suite à une plainte». Cette obligation est dictée par la double préoccupation de protéger les travailleurs qui se sont plaints et de rendre le travail de l’inspecteur plus efficace. Elle est impérative. Comme les obligations susmentionnées, celle-ci fait généralement l’objet d’une disposition légale ou d’une clause dans les conditions d’emploi des inspecteurs et figure habituellement dans les engagements qu’ils prennent lors de leur prestation de serment, comme nous venons de le voir.

L’indépendance des inspecteurs

L’indépendance est à la fois une obligation imposée aux inspecteurs et une garantie qui leur est accordée. Les conventions nos 81 et 129 disposent que «le personnel de l’inspection sera composé de fonctionnaires publics dont le statut et les conditions de service leur assurent la stabilité dans leur emploi et les rendent indépendants de tout changement de gouvernement et de toute influence extérieure indue», par exemple celle que certains chefs d’entreprise  sans  scrupule  ou  des  personnalités  politiques  pourraient essayer d’exercer sur eux.

L’inspection préventive du travail

En cette fin du XXe siècle, de nombreuses institutions dans le secteur du travail et de la politique sociale, dont les origines remontent souvent, telle l’inspection du travail, au XIXe siècle et qui s’intéressent de très près à la prévention, subissent des changements profonds, rapides et spectaculaires. Ces changements sont dus à une combinaison de facteurs internes et externes d’ordre politique, social, économique, administratif et technologique. Ils auront une incidence profonde sur le rôle, le champ d’action et les fonctions de ces institutions et sur leurs relations entre elles et avec leurs principaux clients à l’aube du XXIe siècle. Il convient donc de comprendre et d’analyser la nature de ces changements, leur influence sur la capacité, la performance, l’impact et les relations des principaux acteurs et la réalité sociale dans laquelle ils s’inscrivent.

La prévention, dans le contexte de la protection des travailleurs, tout comme le rôle de l’inspection du travail à cet égard, est évoquée dans de nombreuses normes internationales du travail (par exemple, les conventions de l’OIT nos 81, 129, 155 et 174). Toutefois, les instruments portant sur l’inspection du travail (les conventions nos 81 et 129 et les recommandations nos 81, 82 et 133), même s’ils sont généralement favorables aux principes de la prévention et en préconisent l’application, n’abordent spécifiquement cette question qu’avant l’ouverture de nouveaux établissements ou l’adoption de nouveaux procédés de travail (voir les paragraphes 1, 2 et 3 de la recommandation no 81 et le paragraphe 11 de la recommandation no 133).

Depuis l’adoption de ces normes sur l’inspection du travail (en particulier la convention no 81 concernant l’inspection du travail dans l’industrie et le commerce, qui a acquis un caractère universel grâce à sa ratification par près de 120 Etats Membres de l’OIT), la notion de prévention a grandement évolué. Parler de prévention suppose d’abord et avant tout un effort de volonté pour éviter incidents, accidents, différends, conflits, etc. Or, il est plus facile d’étayer par des documents, de mesurer et d’exploiter des faits qui se sont produits et ont entraîné une intervention et des sanctions, que des risques qui ont été évités. Comment dénombrer des accidents qui ne se sont pas produits et en évaluer les effets hypothétiques? A supposer que cela soit possible, comment établir l’efficacité de la prévention, quelle valeur attacher aux données que l’on pourrait en tirer?

De nos jours, l’orientation vers la prévention en tant que modèle de la politique sociale et du travail vise globalement à permettre aux personnes de mener une vie longue, productive et saine et à réduire ainsi la croissance exponentielle du coût des différents éléments de la sécurité sociale pour les personnes, les entreprises et la société. De plus, la prévention dans le monde du travail se définit désormais non seulement par les avantages à court terme qu’elle offre, mais aussi comme un apport à la capacité de travail, à la productivité et à la qualité, à la sécurité de l’emploi, etc.; elle est aussi perçue de plus en plus comme la condition sine qua non de la dignité de l’homme dans la société. La prévention se définit ainsi comme un concept holistique «ouvert», ou pluraliste, visant à éliminer une multitude de risques sociaux, techniques, médicaux, psychologiques, économiques et autres; son efficacité dépend de plus en plus de la reconnaissance, de l’analyse et de l’examen des premiers indices de risque.

La très grande expérience acquise par l’OIT et ses mandants dans le monde au cours des dix dernières années nous a appris que le passage du concept assez rigide du contrôle a posteriori à celui de l’anticipation précoce conduit nécessairement à d’importants progrès des activités de l’administration du travail et des résultats obtenus. Pourtant, cette vaste expérience montre aussi les difficultés rencontrées pour accomplir cette évolution indispensable et maintenir le cap en dépit des obstacles.

De plus, pour qu’une politique de prévention porte des fruits, elle doit s’assurer la participation de toutes les parties et personnes directement intéressées. Son efficacité passe donc souvent par l’engagement des organisations représentant les partenaires sociaux et leur volonté de soutenir activement toute initiative de cette nature. En outre, les objectifs de prévention visés doivent être complètement intégrés à ceux de chaque entreprise, ce qui suppose la participation active, voire le leadership, de la direction. Ces conditions sont loin d’être réunies partout dans le monde, même dans les économies de marché des pays industriels les plus développés.

S’ajoutent à cela les contraintes budgétaires qui pèsent actuellement sur les gouvernements, pays développés et pays en développement confondus, et qui réduisent les ressources des administrations du travail, de leurs services extérieurs et de l’inspection du travail (souvent même de manière disproportionnée), risquant ainsi de compromettre ou d’affaiblir toute l’orientation ou la réorientation des politiques, puisque ces dernières exigent, du moins au départ, beaucoup de temps et de ressources et peuvent — nous l’avons dit — être difficiles à mesurer et, par conséquent, à justifier.

Dans les pays industriels, les coûts économiques et sociaux de l’absence de prévention augmentent au point de devenir financièrement insupportables et politiquement inacceptables. Ajoutons à cela la reconnaissance de l’insuffisance générale des interventions correctives a posteriori. Une conclusion s’impose: les composantes préventives de tout système de protection sociale et de protection des travailleurs doivent absolument être renforcées. C’est pourquoi un vaste débat s’est ouvert aux niveaux national et international sur l’élaboration de concepts valables et pratiques pour une inspection préventive du travail.

Le rythme de plus en plus rapide du changement et de l’innovation dans le monde du travail (relations sociales, organisation du travail, technologie de production, conditions d’emploi, informatique, nouveaux risques, etc.) lance un grand défi aux services de l’inspection du travail. Ses membres doivent non seulement se tenir au courant des innovations dans les domaines toujours plus complexes, divergents et spécialisés qui relèvent de leur compétence, mais encore effectivement anticiper les tendances et les développements, en imaginer et en prévoir les conséquences pour la protection des travailleurs et, partant, élaborer et mettre en œuvre de nouvelles stratégies de prévention.

Dans le monde du travail, l’inspection est l’un des signes les plus importants, sinon le plus important, de la présence et de l’intervention de l’Etat pour concevoir et promouvoir une culture de la prévention sous tous les aspects relevant de sa compétence et pour contribuer à son essor: relations professionnelles, conditions générales de travail, sécurité et santé au travail, sécurité sociale. Pour remplir avec succès leurs fonctions premières, les services d’inspection doivent redéfinir leur politique, influer sur la réforme de la législation et des méthodes, sur les relations, etc., et s’orienter vers la mise en place d’une capacité de prévention à l’intérieur comme à l’extérieur. Cela s’applique aux politiques et aux procédés que l’autorité centrale de l’inspection doit suivre, ainsi qu’aux méthodes que les inspecteurs doivent adopter sur les lieux de travail.

Dans ce contexte, les principaux facteurs déterminants sont les remises en cause et les pressions économiques, politiques et administratives exercées sur l’inspection du travail. Des concepts tels que la déréglementation, la privatisation, l’ajustement structurel et les expérimentations sur le marché sont généralement évoqués pour les décrire. En pratique, ces politiques tendent à entraver et à compliquer le fonctionnement de l’inspection du travail, bien qu’elles  puissent  également  stimuler  l’innovation.  Néanmoins, elles ont pour résultat d’aggraver le manque de ressources, déjà chronique en général. La protection du travail doit donc chercher d’autres sources pour mieux contribuer à la prévention.

L’objectif final est de créer et de perpétuer une culture globale de la prévention sur les lieux de travail (et dans la société), en tenant compte de la dynamique du changement dans les relations sociales à l’intérieur de l’entreprise, de la remise en question des notions traditionnelles d’autorité et de légitimité à la suite des changements dans les attitudes et l’organisation du travail, des niveaux supérieurs (et qui ne cessent de s’élever), de la formation et de l’éducation des employeurs et des travailleurs en général, des nouvelles formes de participation qui créent un environnement favorable, etc. Tout cela requiert de nouvelles formes de collaboration entre les inspecteurs du travail et les employeurs, les travailleurs et d’autres institutions: il s’agit non seulement de contrôler l’application des normes et de la réglementation sur la protection des travailleurs, mais également de rallier tous les intéressés autour des objectifs de prévention que se proposent la nouvelle politique et la nouvelle législation en matière de protection sociale et de protection du travail.

LA RESPONSABILITÉ CIVILE ET PÉNALE EN MATIÈRE DE SÉCURITÉ ET DE SANTÉ AU TRAVAIL

Felice Morgenstern*

* Le présent article est tiré de Morganstern, F.: Deterrence and Compensation: Legal Liability in Occupational Safety and Health (Genève, BIT, 1982.).

Les obligations en matière de sécurité et de santé

En droit, la responsabilité comporte deux volets: d’une part, l’obligation de faire ou de ne pas faire quelque chose et, d’autre part, l’obligation de répondre de ce qui a été fait, ou de ce qui n’a pas été fait. Avant d’examiner la manière dont différentes catégories de personnes peuvent être amenées à répondre, au niveau national, des causes d’accidents du travail ou de maladies professionnelles, il convient de résumer les obligations qui leur incombent en matière de prévention de ces accidents et maladies. Souvent, ces obligations sont expressément imposées par des normes internationales ou les législations nationales, mais elles peuvent également être définies par la jurisprudence. Certains se sont demandé s’il était vraiment opportun de déterminer, dans une procédure civile ultérieure, quelle aurait dû être la conduite des intéressés avant la survenue de l’accident. Mais il est bien clair que certains arrêts rendus, de même que la publicité qui les a entourés, ont encouragé la prévention.

Les organismes publics

Les organismes publics (ministères, directions de la sécurité et de la santé ou autres, organismes indépendants) jouent un rôle important dans la définition du cadre dans lequel la responsabilité entre en jeu en formulant des règles, tant générales que particulières, relatives aux obligations des différentes catégories de personnes et en participant à leur mise en œuvre.

Les règles générales en matière de sécurité et de santé au travail, ainsi que les prescriptions propres à certaines industries ou visant des risques particuliers, peuvent être imposées par la législation, par des recueils de directives pratiques et par des normes techniques approuvées par les organismes publics. Plusieurs conventions internationales du travail exigent l’adoption de règles portant sur l’ensemble du domaine qu’elles couvrent; d’autres invitent les Etats à imposer des interdictions, ou à définir des critères et des limites d’exposition. La législation nationale, que ce soit sous la forme de codes du travail ou de lois spécifiques touchant la sécurité et la santé des travailleurs, confie souvent à des organismes publics le soin de définir des normes ou des règlements détaillés, qu’ils aient un caractère obligatoire ou qu’il s’agisse de directives dûment approuvées; en règle générale, ces organismes jouissent d’une grande latitude pour ce qui est du choix des domaines à réglementer et de la teneur des règles à adopter. Aux fins du présent article, il est important que ces règles précisent les personnes ou les organismes qui ont l’obligation de les faire respecter. Plusieurs conventions internationales du travail le prévoient, comme par exemple, la convention (no 139) sur le cancer professionnel, 1974.

L’inobservation de dispositions inscrites dans des règles n’ayant pas un caractère obligatoire comme les recueils de directives pratiques ne fournit pas, à elle seule, de motif suffisant à une procédure civile ou pénale. Pourtant, ce manquement peut être pris en compte dans une procédure concernant la non-application d’une règle plus générale de caractère obligatoire, parce qu’il montre que tout le nécessaire n’a pas été fait pour en assurer le respect.

L’absence de règles générales ou le fait que ces règles ne correspondent pas à l’état actuel des connaissances n’exonère pas nécessairement les employeurs, les fabricants et les autres intéressés de leur responsabilité: certains tribunaux ont considéré que les employeurs ne pouvaient pas s’exonérer en arguant de l’inaction des organismes publics. Ainsi, en 1971, la Haute Cour d’Angleterre a conclu, sur une plainte en dommages-intérêts relative à un grave accident de décompression ayant provoqué une ostéonécrose, qu’au moment de l’accident, les personnes qui utilisaient de l’air comprimé lors de travaux de percement d’un tunnel savaient pertinemment que la table de décompression prévue par la loi était inadéquate; le tribunal a déclaré que l’employeur avait le devoir de mettre ses connaissances à jour (Ransom v. Sir Robert McAlpine and Sons Ltd., 1971). Dans certains pays, l’inspection du travail paraît avoir le pouvoir de demander aux employeurs de remédier à une situation dangereuse qui ne fait l’objet d’aucune norme ayant un caractère obligatoire.

Les fabricants, les fournisseurs, etc.

La plupart des pays ont adopté des lois ou des directives concernant les obligations des fabricants, des fournisseurs, etc., en matière de sécurité et de santé au travail. En général, ces règles visent les machines et les matériels, d’une part, et les substances dangereuses, d’autre part. On peut considérer que les normes de sécurité et de santé applicables aux machines et aux matériels avant leur utilisation sur les lieux de travail relèvent de trois catégories: leur conception et leur construction doivent respecter les meilleures conditions possibles de sécurité; elles doivent être soumises à des essais pour s’assurer de la sécurité de leur fonctionnement; elles ne doivent être mises sur le marché (vente, location, importation ou exportation) qu’une fois démontrée la sûreté de leur fonctionnement. A cet égard, l’obligation principale peut incomber au vendeur, au fabricant ou à tous les intéressés.

Si les prescriptions générales concernant les substances utilisées au travail ressemblent parfois à celles qui touchent les machines, il est souvent beaucoup plus difficile de déterminer les effets de telle ou telle substance sur la santé. Aussi certaines lois nationales précisent-elles de la même façon les obligations qui concernent ces substances et celles qui s’appliquent aux machines, tandis que d’autres s’attaquent directement à cette difficulté. Par exemple, le Code du travail français, tel que modifié en 1976, dispose qu’avant toute mise sur le marché d’une substance qui peut faire courir des risques aux travailleurs, les «fabricants, importateurs et vendeurs» doivent fournir aux organismes approuvés les informations nécessaires à l’appréciation des risques encourus (art. L. 231-7); obligation peut en outre leur être faite de participer à cette appréciation. Nombre de pays exigent notamment, à cet égard, l’étiquetage des substances dangereuses, ainsi que des informations sur leur usage correct et les précautions à prendre lors de leur manipulation. Cette obligation ne se limite pas nécessairement à la seule période de lancement du produit: au Royaume-Uni, par exemple, on peut exiger que les intéressés prennent toutes les dispositions raisonnables dans les circonstances afin de se tenir au courant des nouvelles connaissances et de prendre sans délai les mesures qui s’imposent en fonction de celles-ci. Les mesures à prendre dépendent de la gravité des conséquences probables des risques et de celles qu’entraînerait la décision de retirer la substance dangereuse (Wright v. Dunlop Rubber Co. and another, 1971). Il faut relever également que la communauté internationale s’intéresse de plus en plus à l’harmonisation de l’étiquetage des substances dangereuses et qu’elle agit en ce sens. Par exemple, les conventions nos 170 et 174 de l’OIT contiennent des dispositions relatives aux informations exigées des Etats exportateurs.

Le contrôle de l’application des obligations en matière de sécurité et de santé

Le manquement à une obligation peut être sanctionné de deux façons: soit le contrevenant est appelé à répondre de l’infraction proprement dite, qu’elle ait ou non entraîné des conséquences; soit  il  peut  être  tenu  pour  responsable  des  conséquences  de l’infraction.

Les organismes publics

Dans la plupart des pays, il est extrêmement difficile d’obtenir, par une action en justice, que les organismes publics exercent les pouvoirs de réglementation que leur confèrent certaines conventions internationales du travail et la plupart des lois nationales, qui les obligent pourtant à adopter des règlements en matière de sécurité et de santé au travail. Dans certains pays de «common law», la personne directement intéressée peut notamment demander une ordonnance d’injonction, afin d’obliger les fonctionnaires à s’acquitter des obligations que leur impose la «common law» ou la loi (on ne voit toutefois guère de procédures engagées dans ce domaine). Quoi qu’il en soit, il est plus difficile d’engager une action lorsque, comme cela se produit très souvent, la législation en question accorde aux organismes publics une grande marge de manœuvre quant aux domaines à réglementer, aux moyens à utiliser et aux délais pour le faire. Les principaux moyens d’amener les organismes publics à agir se situent en dehors du champ de la législation: il en va ainsi des pressions exercées par les syndicats, les groupes de consommateurs ou l’opinion publique (ces méthodes ne constituent toutefois pas des mesures d’application au sens strict du terme).

D’une manière plus générale, les mesures adoptées par les autorités publiques peuvent être annulées parce qu’elles ne sont pas en conformité avec la loi, ou parce qu’elles constituent un abus de pouvoir (ultra vires), ou encore parce qu’elles sont inopportunes ou déraisonnables. Encore une fois, il ne s’agit pas à proprement parler de l’exécution d’une obligation, mais plutôt d’une définition de ses limites.

Les fabricants et les fournisseurs

Lorsque la législation en matière de sécurité et de santé impose expressément des obligations aux fabricants et aux fournisseurs, elle prévoit le plus souvent des sanctions en cas d’infraction (par exemple, au Danemark, en France, au Royaume-Uni et en Suède). Dans certains pays, la peine ne peut être que d’ordre pécuniaire; cela paraît être le cas au Royaume-Uni, sauf lorsqu’une interdiction n’a pas été respectée. Dans quelques pays, des violations répétées sont susceptibles d’entraîner une peine d’emprisonnement, notamment en France et au Venezuela. Ailleurs encore, les sanctions sont soit l’amende, soit l’emprisonnement; c’est ce que prévoit notamment la loi suédoise de 1978 sur le milieu de travail au chapitre 8, article 1.

Empêcher la distribution des machines et des substances qui ne répondent pas aux prescriptions en matière de sécurité et de santé doit être l’un des premiers objectifs des mesures d’application visant les fabricants et les fournisseurs. Un certain nombre de dispositions législatives expriment directement cette préoccupation (en France, par exemple, le Code du travail prescrit des procédures d’urgence qui permettent d’interrompre la commercialisation de substances dangereuses ou l’utilisation de machines présentant des risques; il autorise également l’annulation de la vente ou de la location de matériels dangereux).

Les employeurs

Les dernières conventions internationales du travail portant sur la sécurité et la santé confient toutes aux services d’inspection appropriés le soin de contrôler l’application de leurs dispositions. On trouvera une analyse approfondie des services de l’inspection du travail dans l’article du présent chapitre intitulé «L’inspection du travail». Toutefois, l’important ici est de savoir si les inspecteurs du travail peuvent eux-mêmes intenter des poursuites, s’ils sont tenus de passer par la voie hiérarchique, ou encore s’ils doivent soumettre  leurs  recommandations  à  d’autres  autorités,  tel  le ministère  public.  Diverses  statistiques  révèlent  que  le  nombre des poursuites est très faible par rapport à celui des violations des dispositions en matière de sécurité.

Les travailleurs

Lorsqu’un employeur peut déléguer sa responsabilité en matière de sécurité et de santé, ou lorsque la loi applicable impose directement certaines obligations au personnel technique ou aux cadres, les tâches des intéressés sont d’ordinaire accomplies d’une manière analogue à celles de l’employeur. Certaines lois autorisent expressément l’inspection du travail à donner des ordres à ces personnes ou prononcer des interdictions (c’est le cas au Royaume-Uni et en Suède). De même, les dispositions légales prévoyant des sanctions visent souvent tant ces personnes que les employeurs; en outre, elles peuvent faire l’objet de mesures qu’il n’est pas possible de prendre contre un employeur.

Plusieurs  juridictions  connaissent  des  pouvoirs  disciplinaires relatifs  aux  obligations  des  travailleurs  en  matière  de  sécurité et de santé au travail. En cas de faute mineure, les sanctions vont de l’avertissement verbal à la retenue d’une journée de salaire; s’il s’agit d’une infraction grave, l’intéressé sera réprimandé publiquement, muté ou suspendu pendant quelques jours, ou encore il sera privé de toute possibilité d’avancement durant une période maximale d’un an; s’il s’agit d’une infraction très grave, il risque de perdre de sept à quinze jours de salaire, d’encourir une suspension maximale de deux mois, d’être privé de toute possibilité d’avancement durant deux ans, voire d’être licencié.

Le travailleur qui manque à ses obligations en matière de sécurité et de santé est aussi passible de poursuites pénales. Dans certains cas, sa responsabilité se limite expressément aux infractions graves (par exemple, en Espagne); dans d’autres, cette responsabilité est limitée à des tâches précises. Ainsi, aux termes de l’article L. 263-2 du Code du travail français, tel que modifié en 1976, la responsabilité pénale d’un simple salarié n’entre en jeu que s’il introduit ou distribue des boissons alcoolisées sur les lieux de travail. Ailleurs, la responsabilité est de nature plus générale (au Danemark, au Royaume-Uni et en Suède, pour ne citer que ces pays), mais le montant de l’amende éventuelle peut néanmoins comporter un plafond (au Mexique, par exemple, l’amende est au maximum d’une semaine de salaire). D’autres pays considèrent que les travailleurs qui n’exercent aucune fonction d’encadrement n’ont pas de responsabilité pénale et n’utilisent pas celle-ci comme un moyen de les inciter à s’acquitter de leurs obligations. Cela paraît être le cas des codes du travail de certains pays de l’Europe orientale. De même, en vertu de la loi de 1970 sur la sécurité et la santé au travail des Etats-Unis, seul l’employeur est passible d’une sanction civile en cas d’inobservation des dispositions en la matière.

Les conséquences des accidents du travail et des maladies professionnelles

La sécurité sociale

Après un accident du travail ou en cas de maladie professionnelle, une des premières préoccupations est d’assurer la subsistance de la victime et de sa famille, principalement grâce aux régimes de réparation des accidents du travail. Un examen de ces régimes sortirait du champ du présent chapitre, mais certains aspects de la question n’en présentent pas moins de l’intérêt.

Premièrement, dans bon nombre de pays, les prestations en cas d’accidents du travail sont versées au titre de régimes fondés sur le principe de la responsabilité individuelle de l’employeur. Dans quelques pays, cette responsabilité fait l’objet d’une assurance obligatoire alors que, dans beaucoup d’autres, il appartient à l’employeur de décider s’il doit ou non s’assurer; même s’il est assuré, il peut être déclaré conjointement et solidairement responsable avec l’assureur. En outre, les régimes nationaux d’assurance sociale de plusieurs pays ne protègent pas tous les travailleurs; ceux qui n’en bénéficient pas sont couverts par un régime fondé sur la responsabilité de l’employeur, donc sur le risque et non sur la faute; en d’autres termes, l’employeur doit répondre des conséquences d’un accident ou d’une maladie liés directement à l’emploi, dans des limites précises et dans les conditions prescrites. Une prestation supplémentaire est parfois prévue en cas de «faute grave» de l’employeur.

Deuxièmement, on peut tenir compte, dans le financement du régime d’assurance contre les accidents du travail, des statistiques des accidents dans certaines industries ou chez un employeur en particulier (ce principe général de financement n’est appliqué que lorsque les accidents du travail forment une branche distincte de la sécurité sociale et encore, tel n’est pas toujours le cas). Dans plusieurs pays, le barème collectif ou individuel des cotisations est établi de manière que leur taux corresponde aux dépenses proba-bles, mais il existe également des systèmes de cotisation individuelle conçus pour couvrir les frais réels durant la période de référence (Etats-Unis, France), ou permettant d’augmenter ou de réduire la cotisation collective d’une entreprise donnée en fonction des dépenses occasionnées par les accidents dans cette entreprise ou de l’efficacité des mesures de prévention adoptées (Allemagne, Canada, Italie, Japon). Quel que soit le principe général de financement, l’employeur qui ne prend pas les mesures de prévention prescrites s’expose à des sanctions qui s’ajoutent à la cotisation; de nombreux pays ont adopté des dispositions spéciales dans leur régime de sécurité sociale qui, là encore, quel que soit le principe général de financement, permettent d’imposer des sanctions pécuniaires aux entreprises dans lesquelles des accidents se produisent à la suite d’une faute grave ou d’une lourde négligence de l’employeur; dans certains pays, l’employeur est alors tenu de rembourser intégralement les dépenses engagées par l’organisme d’assurance. Les opinions divergent quant à la valeur de ces différents régimes. Chacun à sa manière, ou à des titres divers, tous exigent la mise en place d’une infrastructure administrative qui n’est pas à la portée des pays en développement et qui coûte cher partout. En outre, il est difficile de fixer la cotisation des petites entreprises en se fondant sur le nombre des accidents déclarés.

Troisièmement, dans plusieurs pays, les institutions de sécurité sociale jouent un rôle actif dans la promotion de la sécurité et de la santé au travail. Ce rôle comprend parfois non seulement l’établissement de normes de sécurité, mais également le contrôle de leur application, y compris l’imposition de sanctions. Il en est ainsi en Allemagne, au Canada, au Chili, en France et au Luxembourg.

Enfin, la possibilité pour le travailleur ou ses survivants de poursuivre son employeur ou ses collègues de travail est souvent restreinte par l’existence même d’un régime de sécurité sociale. On distingue trois approches principales.

La première approche est celle de certains pays qui ont des régimes de réparation des accidents du travail fondés sur le principe de la responsabilité individuelle de l’employeur et dans lesquels le travailleur peut choisir soit d’invoquer les dispositions législatives relatives à la réparation des accidents du travail (responsabilité sans faute), soit d’intenter un procès en vertu des principes généraux de la responsabilité quasi délictuelle, qui exigent généralement qu’il y ait eu faute. Ce choix est définitif, et l’intéressé ne peut le modifier qu’après avoir présenté une réclamation ou introduit une procédure. Par conséquent, le travailleur qui décide d’engager une action civile dont il attend une prestation plus élevée court également le risque de ne rien obtenir s’il est débouté.

La deuxième approche — que l’on retrouve dans plusieurs pays d’Europe occidentale et de l’Afrique francophone, au Canada, au Mexique et au Pakistan — consiste à interdire toute poursuite contre l’employeur et les collègues de travail dans les situations visées par le régime de réparation des accidents du travail. L’action civile demeure possible — en théorie plus qu’en pratique — lorsque le travailleur peut démontrer que l’employeur ou le collègue de travail a agi délibérément. Dans certains pays, elle est également possible lorsqu’il y a eu une sanction pénale (Italie), négligence grave (Norvège) ou faute grave (Suisse), alors qu’ailleurs, la faute «inexcusable», ou autre faute grave de l’employeur entraîne une augmentation des prestations de la sécurité sociale à la charge de l’employeur (Espagne, France, Mexique et dans plusieurs pays francophones d’Afrique). La notion de faute grave ou inexcusable a été définie par la jurisprudence ou la législation des pays en question; la gravité de la faute est le plus souvent fonction du degré de négligence quant aux conséquences probables d’une action ou d’une omission, ou elle découle du fait que l’employeur n’a pas tenu compte des dangers qui lui ont été signalés expressément à la suite d’accidents antérieurs ou autrement. Dans certains pays qui ont adopté cette approche, la poursuite civile demeure possible afin de demander la réparation d’éléments tels que le pretium doloris, lorsque le régime obligatoire ne la prévoit pas (Autriche, Belgique, Suisse).

La troisième approche consiste à autoriser un recours illimité aux actions en responsabilité civile, afin de compléter les prestations versées au titre de la sécurité sociale. Dans certains pays — Grèce, Japon, Royaume-Uni, Suède — ce recours s’applique tant aux actions en responsabilité pour faute qu’à celles en responsabilité sans faute, le cas échéant; dans d’autres, il ne s’applique qu’à la  responsabilité  pour  faute,  ou  délictuelle  (Chili,  Colombie, Pérou). Les Pays-Bas et certains pays d’Europe occidentale, où les accidents du travail et les maladies professionnelles ne constituent pas une branche distincte de la sécurité sociale, ont également adopté cette approche.

Il faut ajouter que, si les régimes de sécurité sociale relatifs aux accidents du travail tendent à inclure tous ces accidents, ils ne couvrent pas, et de loin, toutes les maladies professionnelles. Il est parfois plus difficile d’établir un lien de causalité dans les cas de maladie professionnelle et la question de la responsabilité se complique encore si la maladie progresse lentement et ne se manifeste que plusieurs années après la cessation de l’emploi. Les règles ordinaires de la responsabilité civile s’appliquent aux maladies qui ne figurent pas, par exemple, dans la liste des maladies professionnelles ouvrant droit à prestations.

La responsabilité civile

La possibilité d’intenter une action civile pour réparer les conséquences des accidents du travail et des maladies professionnelles est loin d’être monnaie courante. Lorsqu’une action contre l’employeur et les collègues de travail est exclue ou strictement limitée, l’intéressé peut se retourner contre le fabricant ou le fournisseur, mais uniquement pour ce qui est des conséquences des défectuosités constatées dans les machines, les matériels ou l’utilisation de substances dangereuses. De plus, dans certains pays qui autorisent le recours à une procédure civile, le nombre des plaintes et la proportion de celles qui vont en justice sont relativement faibles (il en va ainsi des affaires concernant les accidents du travail, les maladies professionnelles, ainsi que la discrimination).

Une action en responsabilité civile peut être fondée sur plusieurs motifs. Elle peut invoquer l’inexécution d’une obligation contractuelle (aux termes d’un contrat d’emploi, de service voire de fourniture). Le plus souvent, il s’agit d’une action en responsabilité quasi délictuelle, fondée sur un délit civil ou sur le manquement à une obligation légale. Ce type d’action peut également se fonder sur l’inexécution d’une obligation née de la «common law» ou des termes généraux d’un code civil ou d’un code du travail, ou encore sur la violation d’une obligation imposée par la législation en matière de sécurité et de santé. Enfin, on peut intenter une action en responsabilité quasi délictuelle pour faute, ou fonder l’action sur la responsabilité «objective» ou sans «faute», c’est-à-dire fondée sur le risque.

Le demandeur

Lorsque le régime de réparation des accidents du travail n’exclut pas une action civile, les victimes d’un accident imputable à la violation d’une obligation, que ce soit à la suite d’une faute ou par la réalisation d’un risque, peuvent avoir recours aux tribunaux. La première personne à pouvoir engager des poursuites est le travailleur qui a subi l’accident à cause de cette infraction. En règle générale, les survivants du travailleur décédé bénéficient du même droit, même si leur nombre se limite parfois aux personnes à la charge du travailleur, que ce soit en fait ou en droit. Quelques décisions judiciaires ont reconnu que, dans certaines circonstances, les syndicats peuvent avoir intérêt à agir dans un procès civil indépendant (cela s’est produit, par exemple, en France et en Italie). Ailleurs, rien n’indique que les syndicats tentent systématiquement d’intenter des actions civiles afin de défendre leurs propres intérêts en la matière; la situation la plus courante est celle de syndicats qui soutiennent, financièrement ou par d’autres moyens, les demandes des intéressés. Dans certains pays, les poursuites intentées aux termes de la législation en matière de sécurité sociale en vue d’obtenir le relèvement d’une prestation au motif d’une faute inexcusable de l’employeur peuvent être engagées par l’organisme de sécurité sociale compétent, de même que par les premiers intéressés. De plus, les organismes de sécurité sociale qui ont servi des prestations peuvent poursuivre la personne civilement responsable de l’accident professionnel aux fins de récupérer le montant versé à l’accidenté.

Le défendeur

Une action civile peut être ouverte contre une série de personnes ou d’organismes qui exercent des responsabilités dans le domaine de la sécurité et de la santé. En pratique, lorsqu’elles ne sont pas interdites par la législation sur la sécurité sociale, les poursuites civiles sont le plus souvent intentées contre l’employeur. Presque partout dans le monde, l’employeur est également tenu de réparer les dommages causés par les actes ou omissions illicites de ses salariés dans l’exercice de leurs fonctions, quel que soit leur rang dans la hiérarchie, bien que le fondement de cette responsabilité varie d’un pays à un autre. Les pays de «common law» ont adopté le principe de «la responsabilité du fait d’autrui»; certains pays de droit civil fondent cette responsabilité sur le rôle de commettant de l’employeur, c’est-à-dire la personne qui a commis l’acte. Ces deux notions sont proches de celle de mandat, et leurs effets pratiques sont très semblables. Ailleurs, la responsabilité de l’employeur découle de la faute qu’il a commise dans le choix de son personnel ou dans son encadrement. En règle générale, la responsabilité de l’employeur n’empêche pas l’ouverture d’une procédure simultanée ou parallèle contre le salarié qui a causé le dommage. Quoi qu’il en soit, la victime préfère le plus souvent poursuivre l’employeur.

La question de savoir dans quelle mesure l’employeur doit répondre des accidents causés par les actes ou les omissions de personnes autres que ses salariés est plus délicate. Dans certains pays, la législation ou la jurisprudence tiennent l’entreprise pour responsable, dans certaines circonstances, du respect des obligations relatives à la sécurité et à la santé sur les lieux de travail placés sous son contrôle, même si les risques en cause ont été causés par des tiers, notamment par des sous-traitants, ou encore, elles lui reconnaissent des obligations à l’égard de ses salariés qui travaillent à l’extérieur de l’établissement, même lorsque c’est une autre entreprise qui contrôle le lieu de travail. A l’exception des cas où les dispositions législatives sont plus contraignantes, la responsabilité semble être fondée sur la notion de faute de l’employeur qui ne s’est pas acquitté des obligations qui lui incombent et dont il ne peut se décharger par des relations contractuelles ou autres conclues avec un tiers; s’il a fait tout ce qu’un employeur raisonnable aurait pu faire, aucune responsabilité ne saurait lui incomber.

Il se pose également la question des recours, plusieurs personnes pouvant être conjointement responsables de la situation qui a conduit à un accident du travail: fabricant et employeur, employeur et entrepreneur, etc., ou encore, l’employeur pouvant avoir été tenu responsable des actes d’autrui. Lorsque le travailleur décide de poursuivre ou est forcé de demander réparation contre un seul des «coauteurs du délit», ou contre l’employeur plutôt que contre ceux dont les actes engagent sa responsabilité, la personne poursuivie est en général en mesure d’exiger une contribution des autres personnes responsables.

Le fardeau de la preuve et la causalité

Dans  une  action  civile,  le  fardeau  de  la  preuve  incombe  au demandeur:  c’est  à  lui  de  démontrer  que  son  action  est fondée. Le demandeur doit tout d’abord établir l’identité du défendeur. En règle générale, dans une procédure engagée contre l’employeur, ce point ne pose pas de problème, mais on peut se heurter à une réelle difficulté — surtout dans le cas d’une maladie à évolution lente — lorsqu’il s’agit de désigner le fabricant de la machine ou le fournisseur des substances prétendument dangereuses. De nos jours, dans certaines affaires liées aux accidents du travail, notamment la fabrication de l’amiante, des poursuites sont engagées conjointement contre tous les principaux fabricants lorsqu’il est impossible, de prime abord, d’imputer la responsabilité à une seule société.

Ensuite, le demandeur doit établir le bien-fondé de sa plainte contre le défendeur. Lorsque la plainte est fondée sur la responsabilité sans faute du défendeur, en ce qui concerne soit les accidents du travail en général, soit les accidents causés par une certaine catégorie d’objets dangereux, il lui suffit d’établir que l’accident a réellement été causé par son travail ou par le risque en question. Lorsqu’une plainte est fondée sur l’inobservation d’une obligation légale et que celle-ci ne laisse aucune latitude quant à ses modalités d’exécution, le demandeur doit apporter la preuve que l’obligation n’a pas été remplie comme elle aurait dû l’être; étant donné qu’il s’agit d’une question de fait, cela ne devrait pas poser de problèmes insurmontables. En revanche, lorsque la loi accorde une certaine latitude — par exemple en utilisant des termes tels que «raisonnablement et pratiquement réalisable» — ou lorsque la plainte est fondée sur une obligation de diligence (en vertu de la «common law» ou des dispositions générales des codes civils ou des codes du travail), il n’est pas toujours facile d’établir que l’obligation n’a pas été remplie. C’est pourquoi les tribunaux sont amenés à déterminer dans quelle mesure le fardeau de la preuve de l’existence ou de l’inexistence d’une faute devrait incomber à l’employeur ou à un autre défendeur plutôt qu’au travailleur.

Si certains pays libèrent le demandeur de l’obligation de démontrer comment un employeur consciencieux aurait pu empêcher l’accident ou la maladie, ils ne garantissent pas pour autant le succès de la procédure engagée. Il arrive parfois que le défendeur soit en mesure d’apporter la preuve qu’en l’occurrence, il a exercé la plus grande diligence possible (c’est-à-dire qu’il n’a pas commis de faute). C’est notamment le cas lorsque la faute doit être d’une gravité particulière pour que le plaignant obtienne gain de cause, à l’instar des actions intentées aux fins d’obtenir une prestation supplémentaire de sécurité sociale en cas de «faute inexcusable» de l’employeur.

Que l’action civile soit fondée sur la faute ou sur le risque, le demandeur doit apporter la preuve que l’accident est le résultat de cette faute ou de ce risque (c’est-à-dire établir un lien de causalité entre les deux). En règle générale, la faute ou le risque n’ont pas à constituer la cause unique ou déterminante de l’accident, mais bien une cause immédiate de celui-ci. Il est particulièrement difficile d’apporter la preuve d’un rapport de causalité dans les cas de maladie dont l’origine n’est pas encore entièrement élucidée, bien que les tribunaux aient quelquefois interprété la loi de manière à accorder le bénéfice du doute au travailleur. Cette difficulté peut être due à plusieurs facteurs, tels l’exposition à une nouvelle technologie ou à une nouvelle substance dont les effets ne sont pas encore connus; la maladie peut avoir une longue période de latence, ou le travailleur peut avoir été exposé à plusieurs substances. Même dans les cas d’accident, il n’est pas toujours possible d’apporter la preuve que, «selon la prépondérance des probabilités» (le degré de preuve requis dans les actions civiles), l’accident est dû à la faute établie. Il existe aussi des cas où le rapport de cause à effet entre une faute établie et un accident soit rompu par l’acte délictuel d’un tiers dont le défendeur n’est pas responsable, bien que cet acte n’ait pas nécessairement cet effet.

Les moyens de défense

Même lorsque la faute ou le risque et le lien de cause à effet avec un accident ont été établis, le défendeur dispose de plusieurs moyens qui lui permettront éventuellement d’atténuer sa responsabilité, voire de s’en décharger.

La faute du travailleur accidenté est le premier de ces moyens de défense: non-respect des consignes de sécurité, imprudence allant au-delà de la simple inattention, comportement déplacé sur le lieu de travail (sans rapport avec l’exécution normale des tâches), violation des instructions, état d’ébriété. Les différents ordres juridiques cherchent à mettre en balance l’importance de la faute du demandeur et de celle du défendeur pour fixer le montant de la réparation.

Certains pays connaissent un autre moyen de défense, le principe volenti non fit injuria, selon lequel le travailleur accidenté a, volontairement et en connaissance de cause, pris le risque qui a conduit à l’accident. Etant donné l’inégalité de statut entre employeur et travailleur, les tribunaux manifestent une certaine réticence à accepter ce moyen dans les cas courants où le travailleur a accompli une tâche, en protestant ou non, alors qu’il savait qu’elle comportait un risque supérieur au risque normal inhérent au travail. Autrefois, une pratique courante consistait à verser aux travailleurs affectés à des opérations reconnues dangereuses, une «prime de risque» en contrepartie du risque encouru, mais on peut douter de la validité de contrats en vertu desquels un travailleur accepte même d’envisager de supporter les conséquences des risques dont l’employeur serait normalement responsable; d’ailleurs, ces contrats peuvent être expressément interdits. D’autre part, la loi considère avec bienveillance un travailleur qui prend volontairement et en toute connaissance de cause des risques afin de sauver des tiers. La loi protège de plus en plus les travailleurs qui se retirent d’une situation présentant un péril imminent ou qui dénoncent les violations des lois relatives à la sécurité et à la santé.

Il est trop tôt pour dire l’effet qu’aura ce moyen de défense sur les dispositions légales qui permettent ou qui exigent que les travailleurs cessent de travailler lorsqu’ils estiment se trouver en péril grave et imminent. Quoi qu’il en soit, la protection des travailleurs qui interrompent le travail (ou qui dénoncent une violation) contre des récriminations et des représailles mérite une attention accrue de toutes les juridictions.

De temps à autre, les défendeurs ont tenté d’invoquer le fait que, dans la branche d’activité en cause, la pratique de travail dangereuse qui a entraîné l’accident était d’usage courant. Cet argument ne semble jamais avoir été retenu pour limiter la responsabilité. En revanche, le fait qu’une branche ait adopté des bonnes pratiques a été considéré comme une preuve de la faute d’un défendeur qui ne les avait pas suivies.

Le délai prescrit pour la présentation des plaintes

Dans la plupart des ordres juridiques, le délai accordé pour intenter une action civile est relativement bref; il court à compter de la date des faits à l’origine de l’action en justice et est, en règle générale, de deux ou trois ans, parfois de douze mois seulement. Les délais servent les intérêts de toutes les parties puisque le temps accroît la difficulté d’établir les faits.

Toutefois, certaines maladies professionnelles ne se manifestent que des années après l’exposition aux substances ou aux agents dangereux; c’est le cas notamment, mais pas exclusivement, des diverses formes de cancer professionnel. Il est donc apparu que, dans des circonstances particulières, le délai prescrit pour la présentation des plaintes ne devait commencer à courir qu’à partir du moment où le travailleur intéressé a eu connaissance de son intérêt à agir. Aujourd’hui, la législation en la matière, ou une disposition spécifique des lois générales sur la prescription en tiennent dûment compte, sans pourtant régler tous les problèmes. En effet, il n’est pas toujours possible de déterminer le moment précis où le demandeur a eu, ou aurait dû avoir connaissance, de tous les éléments lui permettant d’agir. Les choses sont un peu plus faciles lorsque la maladie figure dans une liste ou une classification de maladies professionnelles.

Les catégories de dommages-intérêts

On peut répartir en trois grandes catégories les dommages-intérêts susceptibles d’être obtenus à la suite d’une action civile, même si tous les pays ne prévoient pas d’en accorder: a) le paiement de tous les frais médicaux et de réadaptation non couverts par la sécurité sociale; b) la prestation pour perte de gain qui n’est octroyée, dans la plupart des pays, que dans la mesure où elle n’est pas prise en charge par la sécurité sociale; c) les dommages-intérêts au titre du pretium doloris, pour préjudice esthétique et atteinte à la qualité de la vie et à l’espérance de vie. La principe de la responsabilité quasi délictuelle est la réparation: le demandeur devrait se retrouver dans une situation qui ne serait pas pire qu’elle ne l’aurait été si le délit n’avait pas été commis.

Dans certaines circonstances, la perte de gain est compensée par des versements périodiques qui viennent s’ajouter à ceux de la sécurité sociale et aux gains que le travailleur est en mesure d’obtenir après son accident, de manière à porter son revenu total au niveau de ses gains antérieurs. Le plus souvent, la réparation prend la forme d’une somme forfaitaire. Dans les cas d’invalidité permanente ou de décès, l’évaluation des pertes futures repose forcément sur des conjectures concernant le montant des gains comme aussi l’espérance de vie. Lorsque la réparation est accordée aux survivants, il faut estimer non seulement les gains futurs éventuels du salarié, mais aussi ses moyens d’existence éventuels. Bien que l’on cherche à tenir compte de l’inflation et de la fiscalité, il est extrêmement difficile de faire une estimation réaliste lorsqu’il s’agit d’une somme forfaitaire. Rien d’étonnant donc à ce que les sommes forfaitaires pour perte de gain varient fortement et qu’une prestation périodique leur soit parfois préférable (les versements périodiques tiennent plus facilement compte de la fiscalité et de l’inflation).

La réparation des pertes non pécuniaires (notamment le pretium doloris) ne peut être qu’une estimation de ce qui paraît raisonnable au vu des circonstances. Encore une fois, ce mode de réparation entraîne des variations entre les montants accordés. Certains ordres juridiques autorisent les tribunaux à accorder parfois des dommages-intérêts très élevés, à titre d’exemple.

Les conflits de lois

Il convient d’examiner ce qui se passe en matière de responsabilité civile lorsqu’un accident du travail a lieu dans des circonstances liées éventuellement à plusieurs ordres juridiques. De nos jours, certaines activités dangereuses, telles que la construction de plates-formes pour le forage de pétrole en mer, sont exercées dans un pays par une entreprise ayant la nationalité d’un autre pays et occupant des travailleurs originaires de pays tiers. Si un travailleur subit un accident ou est atteint d’une maladie en pareil cas, les règles relatives aux conflits de lois (dénommées aussi droit international privé) entrent en jeu. Ces règles ne sont pas internationales en ce sens qu’elles ne sont pas universelles, ni même reconnues par tous les ordres juridiques, mais elles constituent une branche propre à tout système de droit privé. Toutefois, sur de nombreux points, il n’existe guère de divergences, et celles qui subsistent tendent à disparaître, en particulier grâce à l’adoption de conventions internationales. Lorsque les règles du droit international privé sont invoquées dans un ordre juridique national donné, elles ne permettent de trancher que trois questions préliminaires. Tout d’abord, il s’agit de savoir si les tribunaux de cet ordre sont compétents et peuvent connaître de l’affaire en question. Dans l’affirmative, ils doivent ensuite déterminer s’il y a lieu d’appliquer leurs propres règles ou celles d’un autre ordre intéressé. Enfin, ils doivent décider de reconnaître ou non un jugement étranger déjà rendu en la matière, ou de faire respecter un droit conféré à une partie en vertu d’un jugement étranger ou, au contraire, de traiter ce jugement et ces droits comme nuls et non avenus. Les liens entre un accident et plusieurs pays peuvent inciter le demandeur à choisir son tribunal (c’est-à-dire à intenter une action dans le pays où il a une chance d’obtenir les dommages-intérêts les plus élevés).

La responsabilité pénale

On peut encourir une responsabilité pénale à la suite d’un accident du travail (au sens large d’un acte punissable) sous quatre chefs.

Premièrement, les dispositions relatives à l’application de la législation en matière de sécurité et de santé au travail s’appliquent dès la survenue d’un accident du travail ou l’incidence apparente d’une maladie professionnelle. Dans la plupart des pays, les services d’inspection ne disposent pas d’un personnel suffisant pour exercer une surveillance constante sur tous les dangers possibles. Par contre, lorsque des accidents ou des maladies sont déclarés, notamment quand leur notification est obligatoire, des inspecteurs visitent les lieux et, le cas échéant, entament des poursuites pénales.

Deuxièmement, certains textes législatifs concernant la sécurité et la santé au travail prévoient des sanctions en cas d’accident ou de maladie, en particulier lorsque cet accident ou cette maladie sont graves. La plupart des systèmes de réparation des accidents du travail tiennent compte aussi de ces facteurs en relevant les cotisations des entreprises où les conditions de sécurité et de santé sont notoirement mauvaises.

Troisièmement, les accidents du travail, surtout s’ils sont graves ou mortels, peuvent déclencher l’application de règles de droit pénal qui ne sont pas spécifiquement liées à la sécurité et à la santé au travail, notamment les dispositions relatives à l’homicide involontaire, aux incendies, aux explosions, etc. Dans certains pays (par exemple, en Italie et aux Pays-Bas), les sanctions ordinaires prévues pour réprimer ces délits sont aggravées s’ils ont été commis sur les lieux de travail.

Enfin, certains codes pénaux contiennent des dispositions précises visant les accidents résultant de violations des prescriptions de sécurité et de santé au travail.

Quelquefois, il est expressément prévu qu’une action intentée sous l’un des quatre chefs susmentionnés n’en exclut pas une autre, fondée sur un chef différent. Dans quelques pays, c’est le contraire qui est vrai. En Suède, par exemple, l’usage par les inspecteurs du travail de leur pouvoir d’imposer des mesures correctrices ou de prononcer des interdictions sous peine d’amende exclut toute poursuite pénale. Dans des cas précis, mais pas toujours, la façon d’envisager la pluralité des sanctions dépend de la nature — civile, administrative ou pénale — de celles qui ont précisément pour objet d’assurer l’application de la loi. Il semble fort probable, même si l’on ne dispose pas de statistiques à l’appui, que la plupart des rares poursuites engagées pour infraction à la sécurité et à la santé au travail résultent d’une violation ayant entraîné un accident. De même, il n’existe pas de données statistiques concernant l’application des règles générales de droit pénal aux accidents du travail. Toutefois, sur ce plan, les différences d’un pays à l’autre paraissent plus marquées en matière pénale que dans d’autres domaines.

Les éléments de l’infraction

Le principe de la légalité de la peine (nulla poena sine lege) est largement admis. Dans une action civile, le tribunal peut reconnaître l’existence d’une obligation qui n’a pas encore été définie mais, en règle générale, cela n’est pas possible dans une affaire pénale. D’autre part, dans une procédure pénale, on peut déterminer les effets concrets d’une obligation imposée par l’autorité: en pratique, la distinction entre responsabilité pénale et responsabilité civile n’est peut-être qu’affaire de degré. Différents ordres juridiques paraissent s’accorder sur le fait que l’intention ou, bien souvent, la négligence coupable est l’élément essentiel de l’infraction, à moins que la loi n’en dispose autrement.

Les dispositions d’application de certaines lois en matière de sécurité et de santé au travail, à l’instar de certains articles des codes pénaux, érigent en infraction le fait de ne pas respecter les exigences légales en la matière, qu’il y ait ou non intention ou négligence coupable, comme le confirme d’ailleurs la jurisprudence. Ainsi, dans une décision du 28 février 1979, la Cour suprême d’Espagne a statué que le seul fait de ne pas observer les mesures de sécurité prescrites dans l’industrie de la construction justifiait l’imposition des sanctions prévues par les dispositions d’application y relatives. A l’occasion, cette responsabilité sans faute n’entraîne que des sanctions administratives ou civiles. Dans de nombreux pays, la différence entre, d’une part, la responsabilité sans faute et, d’autre part, l’exigence d’une action délibérée n’est pas, en pratique, aussi grande qu’il semblerait à première vue. Les différents ordres juridiques n’ont pas les mêmes règles en ce qui concerne le degré de négligence permettant de la qualifier de «coupable» et justifiant des sanctions.

L’ouverture des procédures pénales

En principe, toute procédure pénale est l’affaire des autorités publiques compétentes; les sanctions pénales visent à protéger les intérêts de la collectivité, et non ceux de l’individu. Toutefois, dans des circonstances particulières, les poursuites privées sont autorisées, notamment en Autriche, en Finlande, en France, au Royaume-Uni et en Suisse. Quelquefois, un inspecteur du travail peut intenter des poursuites mais, le plus souvent, l’action est engagée par le ministère public, les procureurs de district ou d’autres autorités. Ils agissent en se fondant sur les renseignements fournis par les inspecteurs, les organismes de sécurité sociale, la victime de l’accident ou les simples citoyens, mais la décision définitive d’intenter des poursuites leur appartient. En principe, ils devraient agir s’ils sont convaincus qu’une infraction paraît avoir été commise.

Deux autres commentaires s’imposent. Premièrement, en ce qui concerne les poursuites pénales, les délais de prescription ne semblent pas avoir posé de problème jusqu’à présent (peut-être en raison de leur longueur). Deuxièmement, la législation pénale est territoriale et ne s’applique qu’aux infractions commises dans son champ d’application. Dans une situation de travail de nature transnationale, cette limitation de la compétence peut poser la question de savoir quelle est l’autorité de contrôle en matière de sécurité et de santé.

Les personnes responsables

En principe, une procédure pénale comme une procédure civile peuvent être ouvertes contre toute personne qui a des obligations dans le domaine de la sécurité et de la santé au travail. Le problème qui se pose est celui de la responsabilité des personnes morales (c’est-à-dire des sociétés qui ont des obligations à titre de fabricant ou d’employeur). Selon un principe largement reconnu en droit pénal, seules les personnes physiques peuvent être tenues pour responsables: il s’agit souvent d’un principe absolu, mais il arrive qu’il ne s’applique qu’à certaines infractions. Certains pays envisagent expressément la possibilité d’une responsabilité pénale des personnes morales en matière de sécurité et de santé au travail. Les principes généraux du droit pénal conduisent certains d’entre eux à n’admettre cette possibilité qu’en ce qui concerne les sanctions pénales imposées par l’inspection du travail ou les sanctions administratives et civiles (c’est le cas notamment de certains pays nordiques, de la Belgique et de l’Espagne), tandis que d’autres pays (Etats-Unis et Royaume-Uni, par exemple) ne font pas cette distinction. Il est quelquefois précisé que la responsabilité des sociétés ne peut être sanctionnée que par des amendes. Au Royaume-Uni, contrairement à ce qui se passe dans beaucoup de pays, les poursuites sont intentées contre la société employeur plutôt que contre une personne quelconque travaillant dans l’entreprise, dans l’idée que la société dispose d’un pouvoir de contrôle bien supérieur à celui de l’individu.

Les individus — qu’il s’agisse d’employeurs qui ne sont pas constitués en personnes morales, d’administrateurs ou de directeurs de sociétés — peuvent être tenus personnellement responsables des violations des obligations qui incombent aux employeurs, les administrateurs ou les directeurs étant tenus pour responsables à la place des sociétés ou avec elles. Il faut, pour cela, que l’individu ait commis une faute personnelle. Compte tenu du caractère général des obligations imposées à l’employeur, les tribunaux n’ont guère de difficulté à conclure à quelque omission de leur part. Néanmoins, il existe des cas d’acquittement au motif qu’il n’y avait pas eu faute personnelle de l’employeur ou du directeur. Dans certaines circonstances, l’employeur peut se décharger de ses obligations en matière de sécurité et de santé au travail (et de la responsabilité pénale correspondante) sur des cadres supérieurs, ou encore sur le personnel technique ou les agents de maîtrise. La jurisprudence montre que la responsabilité pénale ainsi conférée au personnel en question n’est pas simplement théorique. En France, en 1974, un coup de grisou avait coûté la vie à quarante personnes; le 22 janvier 1981, la cour d’assises de Béthune a considéré que l’ingénieur en chef de la mine avait commis une faute grave en omettant d’installer un détecteur de grisou et l’a reconnu coupable d’homicide involontaire. En Italie, dans l’affaire de 1977 concernant l’utilisation de benzène dans une fabrique de colorants, le directeur général, le directeur technique et le médecin de l’entreprise, ainsi que les propriétaires et l’administrateur délégué ont été déclarés coupables d’homicide involontaire. Selon une étude effectuée en Finlande, en 1979, sur la responsabilité pénale, 19% des accusations et 15% des condamnations visaient des directeurs, 36% des administrateurs dans les deux cas, et respectivement 35 et 38% du personnel d’encadrement. Dans un certain nombre de pays, mais la pratique n’est pas universelle, il est possible d’intenter des poursuites pénales contre des travailleurs qui n’ont aucune responsabilité technique ou d’encadrement; on n’y recourt qu’assez rarement, semble-t-il, et seulement dans les cas de faute personnelle grave.

Les moyens de défense

L’ignorance de la loi n’est en général pas considérée comme un moyen de défense recevable. En revanche, on insiste souvent sur l’obligation de s’informer qui incombe à l’employeur, au personnel technique et au personnel d’encadrement.

Dans une procédure pénale, contrairement à ce qui se passe au civil, le fait que la négligence de la victime a contribué à un accident n’est généralement pas un moyen de défense recevable. Ainsi, en 1972, un tribunal suisse a condamné un employeur à la suite de l’électrocution d’un salarié qui chargeait des objets métalliques sur un camion situé près d’un câble électrique sous tension; le tribunal a statué que le travailleur aurait pu avoir pris lui-même la précaution élémentaire de couper le courant, mais qu’il appartenait au surveillant (en l’occurrence, l’employeur) d’assurer la sécurité du travailleur en coupant le courant.

En revanche, les tribunaux tiennent parfois compte, au moment de fixer la peine, de circonstances atténuantes (par exemple, des conditions de travail notoirement satisfaisantes). En Suisse, dans une affaire où une tranchée de drainage avait été mal étayée, ce qui avait provoqué un accident, le tribunal a pris en compte le fait que l’employeur avait voulu écourter les heures de travail de ses employés rémunérés à la pièce, bien que cela ne constituât pas un moyen de défense.

Les peines

La section consacrée au contrôle de l’application contient quelques exemples des sanctions qui peuvent être imposées en matière de sécurité et de santé au travail. Souvent, les amendes imposées sont plus élevées que ne le prévoient les codes et la législation en matière pénale.

Il faut cependant préciser que la gamme des peines d’emprisonnement est souvent beaucoup plus étendue aux termes des codes et de la législation en matière pénale.

Dans quelques circonstances, d’autres types de sanctions sont envisagées comme l’interdiction d’exercer la profession dans laquelle l’homicide a été commis. Qui plus est, l’article L. 263-3-1 du Code du travail français, tel que modifié en 1976, dispose qu’en cas d’accident du travail survenu dans une entreprise où ont été relevés des manquements graves ou répétés aux règles d’hygiène et de sécurité, la juridiction saisie enjoint à l’entreprise de lui présenter, pour approbation, un plan de nature à rétablir des conditions normales, sous peine de se voir imposer l’exécution d’un plan arrêté par le tribunal.

Comme dans d’autres domaines du droit pénal, les tribunaux font rarement usage, semble-t-il, de toutes les possibilités de peines et ne prononcent pas la peine maximale. On connaît des cas de condamnation à des peines d’emprisonnement, mais ils sont rares. Les tribunaux imposent des amendes, mais elles ne se montent qu’exceptionnellement au maximum prévu.

Il est extrêmement difficile, le plus souvent faute de statistiques précises sur ce point et de la rareté des procédures en matière de sécurité et de santé portées devant la justice, d’évaluer les effets dissuasifs respectifs de la responsabilité civile et de la responsabilité pénale, que ce soit en termes absolus ou en termes relatifs. Il est également difficile de déterminer les rôles respectifs, dans la prévention, de la responsabilité civile, des mesures de sécurité sociale et du respect volontaire des prescriptions. Le droit pénal n’en demeure pas moins un facteur de dissuasion, au même titre que les réparations prévues par le droit civil, et ils sont tous deux au service de la prévention des violations en matière de sécurité et de santé au travail.

LA SANTÉ AU TRAVAIL:

Ilise Levy Feitshans*

* Le présent article est fondé sur un texte présenté aux séminaires sur le travail et l'emploi qui ont eu le 13 février 1995 à l'Université de Columbia, sous le patronage du Centre d'études des droits de l'homme.

«La possession du meilleur état de santé qu’il est capable d’atteindre constitue l’un des droits fondamentaux de tout être humain [...] . Les résultats atteints par chaque Etat dans l’amélioration et la protection de la santé sont précieux pour tous» (Préambule de la Constitution de l’Organisation mondiale de la santé (OMS)).

L’universalité est un principe fondamental du droit international. Les questions relatives à la sécurité et à la santé au travail l’illustrent bien, car aucun travail n’est à l’abri des risques professionnels (citons quelques ouvrages dans lesquels sont exposés les risques en matière de sécurité et de santé encourus dans différents types d’emplois: Corn, 1992; Corn, 1985; Faden, 1985; Feitshans, 1993; Nightingale, 1990; Rothstein, 1984; Stellman et Daum, 1973; Weeks, Levy et Wagner, 1991).

Les instruments internationaux relatifs aux droits humains et les normes internationales du travail témoignent de la menace universelle que des conditions de travail insatisfaisantes sur le plan de la santé présentent pour les droits fondamentaux de l’homme à la vie et à la sûreté de sa personne. En vertu de l’article 3 de la Déclaration universelle des droits de l’homme proclamée en 1948 (Nations Unies, 1948), «tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne». Dans son Préambule, la Constitution de l’OIT déclare que «la protection des travailleurs contre les maladies générales ou professionnelles et les accidents résultant du travail» est une condition préalable à «une paix universelle et durable». En conséquence, l’amélioration des conditions de vie et de travail représente pour l’OIT un élément essentiel des droits humains universels.

Comme l’a montré une exposition organisée au Secrétariat des Nations Unies à New York, des membres du personnel des Nations Unies ont été torturés, emprisonnés, kidnappés et même tués par des terroristes. Dans sa résolution 1990/31, la Commission des droits de l’homme des Nations Unies signale ces risques et fait appel aux Etats Membres pour qu’ils respectent et fassent respecter les droits de l’homme des fonctionnaires internationaux. Ces personnes, qui mettent tout en œuvre pour sauver la vie d’autres gens en dénonçant publiquement le sort qui leur est réservé et qui adhèrent pleinement aux principes de leur employeur courent autant, sinon plus, de risques que les autres travailleurs, sans que l’on se préoccupe de leur sécurité et de leur santé au travail lorsqu’ils établissent leur plan d’activités.

Comme le préconisent les instruments internationaux relatifs aux droits humains, tous les travailleurs ont droit à des conditions de travail sûres et saines, qu’ils exercent leur activité dans les champs, les bureaux ou autres lieux de travail, ou qu’ils soient des télétravailleurs. Ce principe de sécurité et de santé au travail, inscrit dans ces instruments internationaux, a été consacré dans la Charte des Nations Unies (Nations Unies, 1944) et dans la Déclaration universelle des droits de l’homme (Nations Unies, 1948), avant d’être développé dans les principaux pactes internationaux relatifs aux droits de l’homme tels que le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (Nations Unies, 1966). Il figure dans les grands traités sur les droits humains, comme la Convention internationale sur l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (Nations Unies, 1979), et il s’inscrit dans les travaux de l’OIT et de l’OMS, ainsi que dans des accords régionaux (voir ci-après).

Définir la santé au travail de façon à saisir l’ampleur des responsabilités des gouvernements et des employeurs aux termes du droit international est tâche difficile; l’énoncé le plus pertinent à cet égard se trouve dans le Préambule de la Constitution de l’OMS: «La santé est un état de complet bien-être physique, mental et social et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité.» Le terme «bien-être» est extrêmement important, car il est constamment employé dans les instruments relatifs aux droits humains et dans les conventions internationales se rapportant à la santé. La définition elle-même est tout aussi importante; en effet, son libellé révèle un consensus: la santé est le résultat d’une interaction de plusieurs facteurs complexes, à savoir le bien-être physique, mental et social, le tout étant évalué en fonction d’un niveau suffisant de bien-être, qui va au-delà de la simple «absence de maladie ou d’infirmité». Le sens même de cette expression ne se rapporte pas à des normes de santé précises, mais elle se prête à une interprétation et à une application souples.

La sécurité de la personne est un aspect de la protection du droit à la santé, et les bases légales de l’application des droits humains à cette protection constituent un solide corpus de normes internationales du travail. Par conséquent, il faut encore déterminer si le droit à la sécurité et à la santé au travail relève des droits humains internationaux et, dans l’affirmative, trouver des mécanismes qui en garantissent l’application. Par la suite, il faudra mettre au point de nouvelles méthodes pour régler les questions touchant au respect des normes, afin de protéger effectivement les droits humains au siècle prochain.

Aperçu des droits internationaux à la protection de la sécurité et de la santé au travail

Les droits de l’homme dans la Charte des Nations Unies

La protection du droit à la santé est l’un des principes constitutionnels fondamentaux de nombreux pays. En outre, chacun s’accorde à penser qu’il importe de garantir des emplois sûrs et sains, comme en témoignent plusieurs instruments internationaux relatifs aux droits humains, faisant ainsi écho aux principes juridiques reconnus, en vertu desquels la législation nationale ou locale ou la constitution garantissent la protection de la santé. Des lois exigeant des inspections en vue de prévenir les accidents du travail ont été adoptées en Belgique en 1810, en France en 1841 et en Allemagne en 1839 (les examens médicaux y ont été rendus obligatoires en 1845). La question «des droits» aux soins médicaux et à des mesures de protection sanitaire a été soulevée lors de l’examen d’une ratification éventuelle, par les Etats-Unis, du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (Grad et Feitshans, 1992). Des questions plus vastes, portant sur le droit de toute personne de préserver sa santé ont été abordées, sans être totalement réglées, dans la Charte des Nations Unies, dans la Déclaration universelle des droits de l’homme, dans le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (art. 7 et 12) et dans le cadre des normes adoptées ultérieurement par l’OIT, l’OMS et d’autres institutions spécialisées des Nations Unies.

Dans la Charte des Nations Unies, les Etats Membres se déclarent résolus «à favoriser» le progrès économique et social et à «instaurer de meilleures conditions de vie», notamment à «faciliter [...] la jouissance des droits de l’homme» (art. 13). Reprenant les termes du mandat constitutionnel donné à l’OIT par le Traité de Versailles, l’article 55 établit expressément un lien entre la création de «conditions de stabilité et de bien-être nécessaires» pour assurer la paix, le «relèvement des niveaux de vie» et le «respect universel et effectif des droits de l’homme et des libertés fondamentales pour tous». Le débat sur l’interprétation de ces expressions, et la question de savoir si elles englobent tout ou une partie des droits constitutionnels reconnus aux Etats Membres des Nations Unies, a été politisé à l’excès durant toute la guerre froide.

Ces documents fondamentaux présentent tous une lacune: ils décrivent en termes vagues ce que sont la protection de la vie, la sûreté de la personne et les droits économiques liés à l’emploi, sans faire explicitement mention de la sécurité et de la santé au travail. Chacun d’entre eux utilise la rhétorique des droits humains garantissant un état de santé «satisfaisant» et des droits connexes, mais il est difficile d’en dégager un consensus sur la qualité des soins ou les «meilleures conditions de vie» nécessaires pour assurer cette protection.

La protection de la sécurité et de la santé au travail aux termes de la Déclaration universelle des droits de l’homme

La sûreté de la personne (art. 3)

Bien qu’aucune interprétation n’en ait été donnée par la jurisprudence, l’article 3 de la Déclaration garantit le droit à la vie de tout individu et, donc, le protège contre les risques professionnels et les conséquences des accidents du travail et des maladies professionnelles.

Les droits relatifs au travail (art. 23, 24 et 25)

La Déclaration universelle des droits de l’homme contient un ensemble restreint, mais important, de droits relatifs à l’emploi et à des «conditions [...] satisfaisantes de travail». Les principes énoncés dans ces trois articles découlent de l’histoire, et l’on en trouve même la trace dans des lois plus anciennes. Qui veut étudier la santé au travail se heurte ici à une difficulté: en effet, la Déclaration est un document très important et très largement accepté par la communauté internationale, mais elle ne traite pas expressément de la sécurité et de la santé au travail. Elle mentionne la sûreté de la personne, la qualité des conditions de travail et la qualité de la vie et l’on peut en déduire que la sécurité et la santé au travail s’inscrivent dans les droits qu’elle proclame. Par exemple, bien qu’elle ne définisse pas le droit à des «conditions [...] satisfaisantes de travail», il ne fait aucun doute que les risques en matière de sécurité et de santé au travail influent sur le respect de ces valeurs sociales. De plus, la protection des droits de la personne sur les lieux de travail doit préserver la «dignité humaine», ce qui a des conséquences non seulement pour la qualité de la vie, mais également pour la mise en œuvre de programmes et de stratégies visant à empêcher la dégradation des conditions de travail. La Déclaration universelle des droits de l’homme ne dessine à grands traits qu’un schéma dont, pourtant, l’utilité pour l’action internationale en matière de sécurité et de santé au travail ne saurait être contestée.

Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC)

Les principes énumérés aux articles 6 et 7 b) du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels qui reconnaissent à tous les travailleurs le droit à des «conditions de travail justes et favorables», renforcent le sens et l’application de ces droits. Aux termes de l’article 7, ce droit comprend la rémunération et la durée du travail (art. 7 (1) a) i)), ainsi que «la sécurité et l’hygiène du travail» (Summers, 1992). La mention de ce dernier point, qui illustre ce qu’il faut entendre par «conditions de travail favorables», donne plus de poids à la protection accordée par la Déclaration universelle des droits de l’homme et montre clairement le lien qui existe entre les principes en la matière et la protection de la sécurité et de la santé au travail, sur laquelle insiste encore l’article 12 du pacte.

L’amélioration de l’hygiène industrielle aux termes de l’article 12 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels

De tous les documents des Nations Unies sur les droits de l’homme, c’est le Pacte qui, à l’article 12, traite le plus clairement et le plus résolument de la santé: il mentionne le droit à la protection de la santé, qui doit être assuré grâce à l’amélioration de l’«hygiène industrielle» et à la prévention des «maladies professionnelles». On peut noter aussi la concordance de l’article 12 sur l’amélioration de l’hygiène industrielle et de l’article 7 b) sur la sécurité et l’hygiène du travail. Pourtant, cette garantie expresse de protection en la matière n’offre aucune explication détaillée de ces droits et n’énumère pas les mesures qui pourraient être prises pour atteindre les objectifs du Pacte. Dans la même ligne que les principes énoncés dans nombre de documents internationaux relatifs aux droits de l’homme, l’article 12 reprend délibérément la notion de santé qui figure dans la Constitution de l’OMS. Il ne fait pas de doute que, selon l’article 12, la sécurité et la santé au travail sont partie intégrante des préoccupations concernant la santé et le bien-être personnel:

1. Les Etats parties au présent Pacte reconnaissent le droit qu’a toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mental qu’elle soit capable d’atteindre [...].

2. Les mesures que les Etats parties au présent Pacte prendront en vue d’assurer le plein exercice de ce droit devront comprendre les mesures nécessaires pour assurer: [...]

b) l’amélioration de tous les aspects de l’hygiène du milieu et de l’hygiène industrielle;

c) la prophylaxie et le traitement des maladies épidémiques, endémiques, professionnelles et autres, ainsi que la lutte contre ces maladies; [...]

Fait révélateur, l’article 12 mentionne les conséquences des maladies professionnelles sur la santé, reconnaissant et justifiant ainsi qu’un domaine quelquefois controversé de la médecine du travail relève de la protection des droits de l’homme. Toujours selon cet article, les Etats parties reconnaissent le droit à la santé physique et mentale indirectement proclamé dans la Déclaration universelle des droits de l’homme (art. 25), dans la Déclaration américaine des droits et des devoirs de l’homme, dans la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, dans la Charte sociale européenne et dans la nouvelle version de la Charte de l’Organisation des Etats américains (OEA) (voir ci-après). De plus, au paragraphe 2, ils s’engagent à prendre au moins quatre «mesures» pour assurer «le plein exercice» de ce droit.

Comme nous l’avons dit, l’article 12 ne donne pas une définition de la «santé», mais utilise en partie celle qui figure dans la Constitution de l’OMS. Selon Grad et Feitshans (1992), le premier paragraphe du projet de pacte préparé sous les auspices de la Commission des droits de l’homme définissait bel et bien le terme en reprenant toute la définition figurant dans la Constitution de l’OMS, soit: «un état de complet bien-être physique, mental et social, et non seulement l’absence de maladie ou d’infirmité». A l’instar de l’OIT, qui a participé à la mise au point des articles 6 à 11 du Pacte, l’OMS a apporté une aide technique à la rédaction de l’article 12. La Troisième Commission des Nations Unies n’a pas accepté, malgré les efforts de l’OMS, d’inclure une définition de la santé, arguant qu’un détail de ce genre n’avait pas sa place dans un texte juridique, qu’aucune autre définition ne figurait dans les autres articles du pacte et, enfin, que la définition proposée était incomplète.

Les expressions «hygiène du milieu» et «hygiène industrielle» figurent dans les travaux préparatoires, mais sans être assorties d’une interprétation. Citant d’autres résolutions adoptées par la 32e Assemblée mondiale de la santé, en 1979, l’OMS se déclare préoccupée de «l’introduction non contrôlée de certains procédés industriels et agricoles comportant des risques sur les plans physique, chimique, biologique et psychosocial» et note que l’Assemblée demande instamment aux Etats Membres de «développer et de renforcer les institutions de médecine du travail et de prendre des mesures pour écarter les risques sur les lieux de travail» (Grad et Feitshans, 1992). Bien qu’il ait été reconnu dans de nombreux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, le «droit qu’a toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale qu’elle soit capable d’atteindre» est un objectif que se proposent manifestement les employeurs, les travailleurs et les gouvernements de nombreux pays, mais qui, malheureusement, est toujours aussi imprécis qu’universel.

La Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes

La Convention sur l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (1979) proclame, à l’article 11 (1) a), le «droit au travail en tant que droit inaliénable de tous les êtres humains» et, à l’alinéa f) du même article, «le droit à la protection de la santé et à la sécurité des conditions de travail, y compris la sauvegarde de la fonction de reproduction».

L’article 11 (2) a) interdit, «sous peine de sanctions, le licenciement pour cause [...] de congé de maternité», sujet qui est, depuis longtemps, source de graves différends et de violations des droits humains dans l’ordre juridique de nombreux Etats Membres des Nations Unies. Ces questions importantes n’ont pas encore été réglées dans la jurisprudence relative à la grossesse. Ainsi, l’article 11 (2) vise clairement à faire disparaître une discrimination institutionnelle qui est ancrée dans la loi depuis des générations et qui est le fruit d’une fausse idée sur la capacité de travail des femmes enceintes ou des mères de famille. La jurisprudence relative à la grossesse montre bien les hésitations de la justice entre protectionnisme et paternalisme pendant tout le XXe siècle. [Les décisions de la Cour suprême des Etats-Unis oscillent entre le désir de limiter la durée de travail des femmes, au motif qu’elles doivent rester au foyer pour élever les enfants (Muller v. the State of Oregon, 208 U.S. 412 (1908)) et l’interdiction de la stérilisation forcée des femmes exposées sur leur lieu de travail à des produits nocifs pour la reproduction (UAW v. Johnson Controls, 499 U.S. 187 (1991)) (Feitshans, 1994)]. Il reste une trace de ces hésitations dans le texte de l’article 11 (2) d) puisque la «protection spéciale», qui est souvent indispensable pour prévenir les effets inégalement dangereux des conditions de travail, est souvent jugée à tort comme étant bénéfique.

Aux termes de l’article 11 (2) d) de la Convention, les Etats Membres s’engagent à «assurer une protection spéciale aux femmes enceintes dont il est prouvé que le travail est nocif». Cette disposition suscite de nombreuses questions: qu’entend-on par «protection spéciale»? Les effets d’un travail nocif s’exercent-ils seulement pendant la grossesse? Que fait-on pour protéger le fœtus? Par ailleurs, la Convention ne précise pas le niveau de preuve exigé pour rendre «la protection spéciale» nécessaire ou acceptable, ni la portée d’un mécanisme de protection approprié.

L’article 11 (3) limite la portée de la «protection spéciale» en spécifiant que la mise en œuvre de mesures visant à protéger la santé et à assurer la sécurité au travail doit être fondée sur des connaissances scientifiques, et non sur des valeurs sociales: «Les lois visant à protéger les femmes dans les domaines visés par le présent article seront revues périodiquement en fonction des connaissances scientifiques et techniques et seront révisées, abrogées ou étendues, selon les besoins.» Il faut également définir des méthodes de contrôle et d’évaluation des risques, afin que les mesures d’exclusion inappropriées, par exemple la stérilisation obligatoire pour conserver ou obtenir un emploi, soient considérées comme des violations graves des droits humains et, donc, condamnées par la Convention. Ces problèmes épineux ont été portés devant la justice et soulèveront des questions de plus en plus délicates sur la mise en œuvre et le respect des principes inscrits dans la Convention, au fur et à mesure que l’épidémiologie professionnelle découvrira d’autres risques pour la reproduction et mettra en lumière la nécessité de mesures de prévention efficaces.

Les auteurs de la Convention ont suivi le modèle établi par l’OIT et prévu un mécanisme détaillé d’examen et de contrôle de son application, à savoir la présentation de rapports périodiques obligatoires au Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes. Conformément à la procédure de celui-ci, telle qu’établie à l’article 18, les Etats parties à la Convention «s’engagent à présenter [...] un rapport sur les mesures d’ordre législatif, judiciaire, administratif ou autre qu’ils ont adoptées pour donner effet [à ces] dispositions» dans l’année suivant leur entrée en vigueur et, par la suite, tous les quatre ans; les difficultés d’application rencontrées peuvent être signalées dans les rapports. La mise au point des normes requises pour définir les stratégies de prévention des risques professionnels concernant la reproduction est une question qui doit trouver sa place dans les rapports, aux fins d’un échange d’informations essentielles sur l’application de la Convention.

Les traités et déclarations régionaux relatifs aux droits humains

La Convention américaine relative aux droits de l’homme

Le préambule de la Convention (adoptée à San José de Costa Rica en novembre 1969) se réfère aux droits économiques et sociaux et, l’article 4, au droit à la vie. Ce texte ne mentionne pas expressément que la santé ou les conditions de travail sont des droits fondamentaux protégés dans d’autres traités. Cependant, point important pour la mise en œuvre des droits de l’homme, la Convention établit une commission et une cour des droits de l’homme; la Commission interaméricaine des droits de l’homme est habilitée à demander des renseignements sur les mesures prises en la matière aux gouvernements des Etats Membres soupçonnés d’avoir violé les droits de l’homme. La Convention ne traite toutefois pas directement des problèmes de sécurité et de santé au travail que rencontrent les travailleurs dans le système interaméricain.

La Charte africaine des droits de l’homme et des peuples

La Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, adoptée le 27 juin 1981 à Banjul (Gambie) (Nations Unies, 1990), a des vues originales sur les concepts établis en matière de droits de l’homme tels qu’ils sont exposés dans les instruments internationaux. Comme Alston (1984) l’a analysée sur le plan théorique — et sans nommer cet instrument — cette charte a manifestement opéré une percée en matière de protection internationale et d’application des droits de l’homme à tout être humain. Cet instrument, de large portée, reconnaît le droit à un environnement sain, les droits politiques et les droits relatifs aux aspects durables du développement. Il est intéressant de noter qu’elle ne traite ni de la protection des conditions de travail ni de la sécurité et de la santé au travail, contrairement à la Charte sociale européenne. Dans la même veine que la Déclaration universelle des droits de l’homme, l’article 4 de la Charte africaine interdit les violations des droits de l’homme, tout être humain ayant «droit au respect de sa vie et à l’intégrité [...] de sa personne». De même, l’article 6 de la Charte garantit la sécurité de la personne, comme le fait l’article 3 de la Déclaration universelle.

Reprenant en partie le libellé de la Constitution de l’OMS, qui est devenue la référence en matière des droits de la personne humaine à la santé, l’article 16 déclare que «toute personne a le droit de jouir du meilleur état de santé physique et mentale qu’elle soit capable d’atteindre» et que les Etats parties à la Charte «s’engagent à prendre les mesures nécessaires en vue de protéger la santé de leurs populations et de leur assurer l’assistance médicale en cas de maladie».

A l’instar de nombreux autres instruments internationaux relatifs aux droits humains, la Charte africaine établit un mécanisme d’examen et de contrôle de son application, la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples. Les Etats peuvent demander l’examen des cas de violation des droits de l’homme par d’autres Etats, à condition d’avoir épuisé tous les recours prescrits. Cette procédure est décrite en détail aux articles 30 à 59 de la Charte.

La Charte sociale européenne

La première partie de la Charte sociale européenne (signée à Turin le 18 octobre 1961 et promulguée en 1965) déclare, aux points 2 et 3, respectivement, que «tous les travailleurs ont droit à des conditions de travail équitables» et que «tous les travailleurs ont droit à la sécurité et à l’hygiène dans le travail». L’article 3 de la partie II de la Charte, qui porte sur «le droit à la sécurité et à l’hygiène dans le travail», précise les engagements des parties contractantes en vue d’assurer l’exercice effectif de ce droit. Contrairement à d’autres instruments internationaux relatifs aux droits humains, la Charte sociale européenne mentionne l’adoption de mesures de contrôle de l’application des règlements de sécurité et d’hygiène, comme aussi la mise en œuvre et le respect des normes internationales. Ainsi, aux termes de l’article 3 (2) et (3), respectivement, les parties contractantes s’engagent «à édicter des mesures de contrôle de l’application de ces règlements» et «à consulter, lorsqu’il y a lieu, les organisations d’employeurs et de travailleurs sur les mesures tendant à améliorer la sécurité et l’hygiène au travail». Cet article capital est renforcé par un mécanisme, défini aux articles 21 et 22, qui prévoit l’examen, par un comité d’experts, des rapports périodiques sur l’application des dispositions acceptées.

En plus de son approche remarquablement générale des mesures de protection des droits humains, en particulier sur le plan de la sécurité et de la santé au travail, il faut relever que la Charte sociale européenne présente de façon claire et concluante le canevas des activités futures en vue de l’application et du respect de ses dispositions. Par exemple, la réglementation et le contrôle mentionnés à l’article 3 sont conciliables avec le contrôle de l’application au niveau international par les parties contractantes et par les organisations non gouvernementales, tant dans le système européen que dans leur domaine de juridiction. Le concept de la consultation entre les employeurs et les travailleurs, énoncé à l’article 3 (3), est plus qu’un simple reflet de la structure tripartite de l’OIT; il laisse présager la généralisation des comités de sécurité réunissant les travailleurs et les directions pour assurer le respect des droits internationaux de l’homme en matière d’emploi.

Les normes internationales du travail

Dans son Préambule, la Constitution de l’OIT déclare que «la protection des travailleurs contre les maladies générales ou professionnelles et les accidents résultant du travail» est une condition préalable à une «paix universelle et durable». L’amélioration des conditions de vie et de travail est donc un élément fondamental des conventions et des recommandations internationales du travail. Selon Johnston (1970), le principe sous-jacent est l’exclusion souhaitable de la concurrence internationale de certains besoins fondamentaux de l’homme, afin d’assurer des normes minimales de solidarité et de dignité humaine. Bien qu’aujourd’hui, l’OIT n’ait pas l’autorité universelle lui permettant d’exclure du marché du travail légitime un employeur qui ne se conforme pas à ses normes, Friedman (1969) envisage un plus grand rôle pour l’Organisation lorsqu’il déclare que le jour n’est pas loin où les normes et les directives de l’OIT lui donneront cette autorité et que la dénonciation de la non-observation des règles entraînera l’exclusion du marché international du travail.

L’OIT a encouragé la création de normes cohérentes sur les problèmes de sécurité qu’une convention ne saurait traiter sans empiéter sur les compétences des Etats souverains. Par exemple, les Recueils de directives pratiques du BIT ont servi de base à la législation nationale dans des domaines tels que les manutentions portuaires, les transferts de technologies dans les pays en développement, la construction et les diverses industries lourdes. Ces recueils, qui servent parfois de modèles, après quelques modifications, à des projets de loi, témoignent des préoccupations exprimées dans plusieurs conventions internationales du travail relatives à la sécurité et à la santé au travail: la convention (no 32) sur la protection des dockers contre les accidents (révisée), 1932, la convention (no 62) concernant les prescriptions de sécurité (bâtiment), 1937, la convention (no 77) sur l’examen médical des adolescents (industrie), 1946, la convention (no 78) sur l’examen médical des adolescents (travaux non industriels), 1946, la convention (no 119) sur la protection des machines, 1963, la convention (no 120) sur l’hygiène (commerce et bureaux), 1964, la convention (no 152) sur la sécurité et l’hygiène dans les manutentions portuaires, 1979, et la convention (no 155) sur la sécurité et la santé des travailleurs, 1981 (cette dernière est discutée plus en détail ci-après).

La convention (no 155) concernant la sécurité, la santé des travailleurs et le milieu de travail, 1981, et les conventions précédentes

Depuis sa création, l’OIT encourage la promotion de meilleures conditions de travail. Au début, ses efforts visaient particulièrement les accidents et les réparations dues aux travailleurs accidentés, comme en témoignent les premières conventions, par exemple la convention (no 32) sur la protection des dockers contre les accidents (révisée), 1932, la convention (no 62) concernant les prescriptions de sécurité (bâtiment), 1937, et les conventions sur les examens médicaux des travailleurs et la protection des machines. En posant des exigences précises aux fins de la prévention des accidents, ces conventions ont servi de précédents à des normes reprises aujourd’hui dans les règlements de sécurité au travail de nombreux pays. Elles reflètent la ferme conviction que la protection contre les accidents du travail est un droit dont jouissent tous les travailleurs.

Conformément  à  ce  principe,  l’article  3 e)  de  la  convention no 155 déclare que «le terme ‘santé’, en relation avec le travail, ne vise pas seulement l’absence de maladie ou d’infirmité; il inclut aussi les éléments physiques et mentaux affectant la santé directement liés à la sécurité et à l’hygiène du travail». Cette définition a l’air simple et complète à la fois, mais elle témoigne de l’interaction complexe entre les expositions dangereuses sur les lieux de travail, le mode de vie de chacun et les facteurs environnementaux qui influent sur les conditions de travail (Mausner et Kramer, 1985). De plus, cette approche est multidimensionnelle, puisqu’elle prend en considération des éléments tant physiques que mentaux de la santé et du bien-être et, donc, les effets du stress professionnel et d’autres problèmes mentaux.

La convention no 155 contient un point essentiel: la création de mécanismes efficaces d’application et de contrôle d’autres normes de l’OIT au niveau national et dans l’entreprise. Telle qu’elle a été adoptée par la Conférence internationale du Travail, à sa 67e session, 1981, la convention no 155 favorise la définition, la mise en application et le réexamen périodique des normes en matière de sécurité et de santé au travail parmi les Etats Membres de l’OIT. Par exemple, l’article 4 (1) expose l’objet de la convention, à savoir définir une «politique nationale cohérente» en matière de sécurité et de santé au travail. A cette fin, la convention oblige les Etats Membres qui la ratifient à favoriser la recherche, à rassembler des données statistiques sur l’exposition à des substances dangereuses (mesures de surveillance médicale, normes techniques) et à encourager l’éducation et la formation des travailleurs. La terminologie est générale de façon que la convention serve de cadre à la réglementation. Un Etat ne peut exclure de l’application de la convention des catégories de travailleurs qu’après avoir consulté les organisations représentatives des travailleurs et des employeurs et, aux termes de l’article 2 (3), cette exclusion entraîne l’obligation de rendre compte de «tout progrès accompli sur la voie d’une plus large application». La convention favorise enfin la formation des «organisations représentatives», ainsi que la participation des travailleurs à l’élaboration et à l’application des règlements en matière de sécurité et de santé au travail dans l’entreprise et au niveau national.

Les conventions internationales du travail sur la réparation des accidents du travail

Le BIT est à l’origine de plusieurs conventions traitant de la réparation des accidents du travail qui ont été adoptées par la Conférence (BIT, 1996a).

Mentionnons la convention (no 12) sur la réparation des accidents du travail (agriculture), 1921, la convention (no 17) sur la réparation des accidents du travail, 1925, la convention (no 18) sur les maladies professionnelles, 1925, la convention (no 24) sur l’assurance-maladie (industrie), 1927, la convention (no 25) sur l’assurance-maladie (agriculture), 1927, et la convention (no 130) concernant les soins médicaux et les indemnités de maladie, 1969. En règle générale, presque tous les Etats Membres de l’OIT ont adopté des mesures législatives sur l’indemnisation des travailleurs. Ces dispositions représentent un compromis, motivé par des considérations économiques, plutôt que par les droits de l’homme; en effet, elles assurent soins et assistance aux travailleurs accidentés, elles remplacent les aléas d’une action en justice par un système de paiement déterminé à l’avance qui n’examine pas la question de la faute, et elles fixent un plafond aux prestations versées aux victimes d’accidents du travail ou de maladies professionnelles (c’est ainsi qu’aux Etats-Unis la loi annotée de 1982 sur les accidents du travail de la Virginie prévoit que les actes volontaires qui ont un lien avec les obligations du contrat de travail ouvrent droit à réparation). Délais, déclarations incomplètes, montant des prestations peu élevé et les conflits sont monnaie courante lorsque les soins médicaux sont couverts par ces systèmes distincts. Malgré ces limites pratiques à son efficacité, l’«universalité» de ces protections aux Etats-Unis et en droit international témoigne d’une volonté de la société de faire payer cher les conditions de travail dangereuses et d’apporter un secours financier aux travailleurs accidentés.

La procédure d’application des normes et la présentation de rapports

Selon Alston (1984), l’OIT est un modèle international pour les exigences en matière de procédure, et c’est ce qui, selon lui, légitime la proclamation de nouvelles normes. Les procédures de l’OIT comprennent notamment: la rédaction d’une étude préliminaire des lois pertinentes dans les Etats Membres, suivie d’une décision du Conseil d’administration d’inscrire la question à l’ordre du jour de la Conférence internationale du Travail qui a lieu une fois l’an, et l’envoi par le BIT d’un questionnaire aux Etats Membres. Une fois le projet confié à une commission technique, un instrument provisoire est présenté, pour observations, aux Etats Membres et aux représentants des travailleurs et des employeurs; une version révisée est ensuite préparée et soumise à la commission technique compétente, examinée en séance plénière, envoyée au comité de rédaction et soumise à la Conférence pour adoption. Cette façon de procéder permet une large discussion entre tous les mandants de l’Organisation. Pour un examen approfondi des mécanismes de présentation des rapports à l’OIT, voir la section du présent chapitre intitulée «L’Organisation internationale du Travail».

Ces procédures, établies en 1926 au moment de la création de la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations, ont éveillé un écho dans le système international. Par exemple, la formule de rapport du BIT a servi de modèle à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes: aux termes de son article 18, les Etats parties doivent présenter au comité constitué à cette fin un rapport sur les mesures prises en vue de la mise en demeure et de l’application des dispositions de la Convention un an après la ratification de cette dernière et, par la suite, tous les quatre ans. D’autres procédures de contrôle de l’application des normes et des conventions internationales du travail comprennent, entre autres, les missions de contacts directs (pour un excellent exposé des fonctions de médiation et de conciliation du BIT dans les missions de contacts directs, voir Samson, 1979), les commissions d’enquête, qui sont chargées de faire la lumière sur les manquements graves aux conventions ratifiées et le contrôle périodique au moyen de rapports à la Conférence et au Conseil d’administration. Les mécanismes de présentation et d’examen des rapports sont lents, mais leur valeur est indiscutable; ils constituent un élément important d’un processus beaucoup plus vaste de mobilisation de l’opinion mondiale en faveur d’un changement d’attitude à l’égard des questions de travail.

Dans un hommage rendu à M. José María Ruda, président de la Commission d’experts pour l’application des conventions et des recommandations, on peut lire dans Travail (BIT, 1994): «Ni la Commission d’experts ni la Commission des normes de la Conférence n’a compétence pour imposer des sanctions quelles qu’elles soient. Il n’en demeure pas moins que leurs conclusions sont considérées le plus souvent comme des sanctions politiques ou morales». Cette observation souligne un fait qui a toujours été une source de frustrations pour la Commission, même si elle s’enorgueillit de sa capacité d’influencer certains gouvernements lorsque les conditions s’y prêtent.

L’Organisation mondiale de la santé

La Déclaration sur les soins de santé primaires (Alma-Ata, 1978)

Dans la Déclaration dite d’Alma-Ata, issue de la Conférence internationale sur les soins de santé primaires organisée par l’OMS et l’UNICEF à Alma-Ata (URSS), du 6 au 12 septembre 1978, l’OMS a lancé un programme international, connu sous le nom de «La santé pour tous d’ici l’an 2000» (OMS, 1978). Il s’agit d’un effort concerté pour améliorer, partout dans le monde, la qualité de la santé et la prestation des services de santé, en particulier en ce qui concerne les soins primaires. Bien que la sécurité et la santé au travail ne figurent pas en toutes lettres dans la déclaration, elles sont mentionnées parmi les questions qui font l’objet de la stratégie adoptée; la mise en place de mesures sanitaires de base a été encouragée par la publicité qui leur a été faite et l’élaboration de programmes visant à ce que la santé pour tous d’ici l’an 2000 devienne une réalité.

En conformité avec la lettre et l’esprit de la Constitution de l’OMS, la Déclaration d’Alma-Ata souligne «la nécessité d’une action urgente de tous les gouvernements, de tous les personnels des secteurs de la santé et du développement ainsi que de la communauté internationale pour protéger et promouvoir la santé de tous les peuples du monde». Il convient de souligner que l’article I de la Déclaration réaffirme que «la santé [...] est un droit fondamental de l’être humain, et que l’accession au niveau de santé le plus élevé possible est un objectif social extrêmement important qui intéresse le monde entier». L’article III déclare que «la promotion et la protection de la santé des peuples sont la condition sine qua non d’un progrès économique et social soutenu en même temps qu’elles contribuent à une meilleure qualité de la vie et à la paix mondiale». De plus, la conférence d’Alma-Ata a jeté les bases de stratégies concrètes permettant d’atteindre ces objectifs et, sur le plan de la sécurité et de la santé au travail, la déclaration a entraîné la mise en place d’équipements de santé au travail dans les stratégies nationales, régionales et internationales. Donnant suite au plan d’action de l’OMS «La santé pour tous d’ici l’an 2000: stratégies», l’Organisation panaméricaine de la santé (OPS) a lancé des activités régionales où les questions de sécurité et de santé au travail sont prises en compte dans la mise en place d’établissements de formation et l’élaboration de programmes de santé (OPS, 1990).

La Déclaration sur la santé pour tous au travail (Beijing, 1994)

Lors de la deuxième réunion des Centres collaborateurs de l’OMS pour la santé des travailleurs (Beijing, octobre 1994), les participants ont approuvé la Déclaration sur la santé pour tous au travail. Cette déclaration, dite de Beijing, s’inspire manifestement de la Déclaration d’Alma-Ata sur les soins primaires et de nombreux instruments de l’OIT concernant la sécurité et la santé au travail. En soulignant que 100 millions de travailleurs sont blessés et que 200 000 meurent chaque année dans des accidents du travail, et qu’entre 68 et 157 millions de cas nouveaux de maladies professionnelles sont dus à «des charges de travail et à des expositions nocives», la Déclaration de Beijing préconise «partout dans le monde des stratégies et des programmes nouveaux en matière de santé des travailleurs» et affirme que les programmes de santé au travail «ne sont pas une charge vaine, mais qu’ils ont un effet positif et productif sur l’économie de l’entreprise et celle du pays», d’où leur lien avec la notion de développement durable. La Déclaration invite également les gouvernements à mettre en place les infrastructures nécessaires, notamment des services de santé au travail avec surveillance médicale et promotion de la santé, et à resserrer les liens entre les activités de santé au travail et autres activités connexes, d’une part, et les politiques et programmes parrainés par l’OMS, d’autre part.

Le Comité mixte OIT/OMS de la santé au travail

L’OMS collabore avec l’OIT dans le Comité mixte OIT/OMS de la santé au travail institué en 1946. Au cours de sa première session (1950), le Comité a adopté la définition suivante: «La médecine du travail a pour but de promouvoir et de maintenir le plus haut degré de bien-être physique, mental et social des travailleurs dans toutes les professions; de prévenir tout dommage causé à la santé de ceux-ci par les conditions de leur travail; de les protéger dans leur emploi contre les risques résultant de la présence d’agents préjudiciables à leur santé; de placer et de maintenir le travailleur dans un emploi convenant à ses aptitudes physiologiques et psychologiques, en somme, d’adapter le travail à l’homme et chaque homme à sa tâche.»

Résumé du droit et de la théorie concernant les droits de l’homme à la protection de sa santé sur les lieux de travail

Etant donné qu’il n’existe aucun mécanisme expressément conçu pour faire respecter les droits en matière de sécurité et de santé au travail, on pourrait soutenir qu’il n’y a aucune jurisprudence concernant le droit qu’a toute personne de protéger sa vie ou sa santé sur les lieux de travail, si ce n’est quelques interprétations inhabituelles — et, au mieux, forcées et contraintes — des principaux instruments concernant les droits de l’homme. Par exemple, l’article 3 de la Déclaration universelle des droits de l’homme affirme que tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne, sans faire mention de l’environnement ou du milieu de travail dans lequel cette protection peut ou devrait s’exercer. En outre, étant donné qu’aucune sanction pénale ou autre n’est prévue en cas de violation des droits de l’homme en général (à moins qu’il ne s’agisse de violations grossières telles que l’esclavage, le génocide, les crimes de guerre et l’apartheid) et qu’aucune norme n’exige des sanctions internationales en cas d’atteintes à la sûreté de la personne provoquées par des risques pour la sécurité et la santé au travail, il faut envisager des solutions de rechange à l’application traditionnelle des lois, si l’on veut que les mesures de protection en matière de sécurité et de santé au travail deviennent réalité.

Comme nous l’avons vu, de nombreux instruments internationaux relatifs aux droits humains expriment l’idée que la sécurité et la santé au travail sont un droit fondamental de la personne humaine, notamment lorsqu’il est question du droit de tout individu à la vie, au bien-être et à la sûreté de sa personne. La protection de ces droits est également prévue dans un ensemble d’instruments internationaux qui ne relèvent pas habituellement des droits de l’homme. Tout bien considéré, on peut donc conclure que le droit à un lieu de travail salubre est une norme acceptée en droit international. Le droit interne des Etats se heurte toutefois au même problème que le système international: la faible protection des conditions de travail en général et de la santé au travail en particulier soulève des questions complexes qui découlent des contradictions entre, d’une part, les stratégies de prévention, qui visent de larges segments d’une population donnée afin de réduire la propagation de la maladie ou les effets de risques précis et, d’autre part, l’opinion populaire, qui s’oppose à l’abrogation provisoire de certains droits individuels de voyager, d’entreprendre certaines activités ou de faire du commerce, afin de protéger le droit qu’a tout individu de bénéficier de mesures de protection de la santé au travail. Il est donc difficile de déterminer avec certitude dans quelle mesure cette gamme de droits en matière de sécurité et de santé au travail pourrait être appliquée au niveau international ou dans chacun des Etats en vue d’améliorer concrètement les conditions de travail de tous. Peut-on tenir la promesse de protéger ces droits de l’homme dans les nouveaux établissements et lieux de travail et dans les règles établies du système international?

La codification de la notion jurisprudentielle de protection en matière de sécurité et de santé au travail se retrouve donc dans le domaine des droits de l’homme. Par conséquent, la mise en œuvre et le contrôle de ces mesures de protection représentent une première étape dans la défense des droits de l’homme au XXIe siècle. Voyons maintenant quelles nouvelles approches permettraient de régler ces problèmes.

Aperçu des questions touchant la mise en œuvre et le respect des normes dans le système international

Dès l’adoption de la Charte des Nations Unies, les sceptiques ont mis en doute la possibilité de faire appliquer le droit international public, en particulier dans les domaines liés à la prévention des graves violations des droits de l’homme. Dans le système international, cette prévention comporte au moins deux étapes: 1) la codification des principes; 2) les mesures touchant la mise en œuvre et le respect des normes. En règle générale, cela suppose une société organisée, disposant des institutions judiciaires traditionnelles et des procédures d’exécution pour réprimer et décourager les «vilains» qui refusent de respecter les objectifs et les valeurs communes du système. Il est difficile de mettre en œuvre et de faire respecter les droits de l’homme en général et la salubrité des lieux de travail en particulier. Cinquante ans après la rédaction de la Charte des Nations Unies, il existe un système international viable et relativement efficace pour mettre des normes par écrit, mais tout reste à faire pour mettre en place des mécanismes de contrôle de leur application. Il faut donc examiner les questions essentielles qui surgissent: quels sont les modèles non coercitifs permettant d’assurer la meilleure protection possible de la sécurité et de la santé au travail? Comment encourager, sans recourir à la loi, le respect des mesures de protection des droits de l’homme en matière de sécurité et de santé au travail?

Les limites inhérentes au système international l’empêcheront d’assurer l’application de tout ensemble de principes ou de normes de protection en matière de sécurité et de santé au travail tant que ce système ne disposera pas de pouvoir d’exécution ou n’encouragera pas le respect des normes par des mesures positives. Il n’est toutefois pas d’usage, au niveau international, de prendre des mesures quantifiables en matière de sécurité et de santé au travail, comme le montre la convention (no 162) sur l’amiante, 1986. L’article 11 (1) de cette convention interdit l’utilisation du crocidolite, mais le paragraphe 2 du même article en restreint la portée. En effet, aucun mécanisme officiel d’inspection n’est institué et chargé de veiller à la suppression des risques ou d’imposer des sanctions; seule est prévue une surveillance limitée par les institutions aux fins de la présentation de rapports. En outre, la convention ne fixe aucune limite d’exposition et laisse le soin à l’autorité compétente du pays de le faire. Par conséquent, en l’absence de pouvoir exécutif et de mesures incitant au respect des normes par les Etats ou les organisations d’employeurs, la présentation des rapports à elle seule limite en pratique l’application des principes et des lois relatifs aux droits de l’homme (Henkin, 1990). Pour cet auteur, «le droit international est toujours en train de s’excuser [...] pour justifier sa propre existence parce qu’il n’a ni gouvernement ni organes exécutifs».

Bien que le système international ait la capacité reconnue de limiter les agressions entre les Etats, comme en témoignent les relations diplomatiques, il est rare qu’il puisse imposer à ceux qu’on appelle les «vilains» les sanctions ou les peines couramment appliquées en vertu des lois nationales. C’est pourquoi on commence à entendre, dans les couloirs des Nations Unies et dans les conférences internationales auxquelles participent des ONG, des plaidoyers en faveur de l’application des mesures internationales de protection des droits de la personne humaine. Faute d’un système prévoyant l’application de sanctions, d’amendes ou de peines pour punir et dissuader, il faut songer à instituer sans tarder des mécanismes efficaces de mise en œuvre et de contrôle de l’application des mesures internationales de protection des droits humains en matière de sécurité et de santé au travail. Ces méthodes, destinées à assurer un contrôle «interactif», permettraient de combler cette lacune, à condition d’être associées avec des stratégies pratiques visant à encourager l’amélioration des conditions de travail dans tout le système international (Feitshans, 1993). Il y a donc une demande réelle de mécanismes de contrôle qui donneront au système de présentation des rapports, fragile et sous-estimé, une dimension allant au-delà du dialogue, pour reprendre les termes de K. T. Samson, ancien chef du Service de l’application des normes du Bureau international du Travail.

Maintenant que le système international a réussi à codifier les normes universelles relatives aux droits humains, d’aucuns suggèrent que le moment est venu de faire porter les efforts de la communauté internationale sur leur mise en œuvre et le contrôle de leur application. Sigler et Murphy (1988), par exemple, ont émis une hypothèse de travail intéressante qu’il conviendrait de développer: la concurrence entre les organismes, qu’il s’agisse des associations d’employeurs ou des Etats Membres des Nations Unies, pourrait être l’instrument d’une protection efficace en matière de sécurité et de santé au travail, à condition d’être nourrie par des mesures positives d’encouragement plutôt que par le modèle traditionnel de sanctions et de dissuasion. Selon Joseph Murphy, avocat et rédacteur adjoint de Corporate Conduct Quarterly, un bulletin sur l’application des normes et l’éthique, on tend désormais à inciter les organisations à exercer elles-mêmes le contrôle nécessaire.

Conclusion

Au cours des cinquante premières années de son existence, l’Organisation des Nations Unies a réussi à codifier les normes internationales concernant le droit de l’être humain à un milieu de travail sain. Les instruments internationaux relatifs aux droits humains ont toutefois une efficacité implicitement limitée: à part le suivi administratif, aucun mécanisme d’application et de dissuasion n’en assure la mise en œuvre. Cette efficacité réduite du système international engendre des frustrations, malgré le nombre impressionnant de documents et de rapports qui s’accumulent sur les bureaux de nombreux organes des Nations Unies, parce que, au-delà de la présentation de rapports, ces efforts n’aboutissent qu’à une surveillance et à un contrôle restreints. Les traités et les conventions sur l’application ou la protection des droits à la santé examinés ici ont une part dans cette frustration, malgré les bons résultats obtenus grâce à l’utilisation appropriée des mécanismes de présentation de rapports.

Les instruments internationaux relatifs aux droits humains considèrent que les maladies professionnelles sont un aspect de l’industrialisation qui pourrait être évité et ils témoignent également d’une conviction partagée, encore que floue, selon laquelle le travail ne devrait ni entraîner la mort ni causer de graves accidents. Conçus pour protéger le droit de toute personne à la sécurité sur les lieux de travail, ces instruments et les principes qui les sous-tendent ne sont pas parfaits. Ils énoncent les droits fondamentaux à la sécurité et à la santé au travail, mais il ne sont pas le nec plus ultra de la qualité de la vie des travailleurs, ni le niveau le plus élevé des améliorations réalisables par des mesures d’encouragement positives. Les normes actuelles représentent plutôt le niveau «minimal» de la protection des droits de l’homme sur les lieux de travail et se proposent d’améliorer la qualité de la vie de tous les travailleurs.

LE NIVEAU COMMUNAUTAIRE

LES ORGANISATIONS COMMUNAUTAIRES

Simon Pickvance

Au cours des vingt dernières années, les groupes communautaires et les organisations bénévoles ont joué un rôle de plus en plus grand dans le domaine de la sécurité et de la santé au travail. Des centaines de groupes dispersés dans une trentaine de pays se portent à la défense des travailleurs et des victimes de maladies professionnelles, en particulier de ceux dont les besoins sur les lieux de travail sont négligés par les syndicats ou les structures administratives. La sécurité et la santé au travail font partie de la mission de nombreuses autres organisations qui luttent pour les droits des travailleurs, ou qui se battent pour des enjeux plus larges comme la santé en général ou les questions féminines.

Parfois, la durée de vie de ces groupes n’est pas longue parce que les besoins auxquels ils ont répondu sont pris en considération par des organisations mieux structurées. Cependant, de nombreuses associations communautaires et bénévoles ont maintenant dix ou vingt ans et adaptent leur ordre de priorité et leurs méthodes à l’évolution du monde du travail et aux besoins de leurs membres.

Ces organisations ne datent pas d’hier. Déjà, au milieu du XIXe siècle, l’association des soins de santé du syndicat des travailleurs berlinois regroupait des médecins et des travailleurs et dispensait des soins médicaux à 10 000 travailleurs. Avant l’essor des syndicats industriels au XIXe siècle, de nombreuses organisations luttaient en faveur d’une réduction de la durée hebdomadaire du travail et défendaient les droits des jeunes travailleurs. Aux Etats-Unis, au milieu des années soixante du XXe siècle, les victimes de certaines maladies professionnelles et leurs ayants droit ne parvenant pas à obtenir réparation se sont constituées en organisations.

Néanmoins, ce sont les changements politiques survenus à la fin des années soixante et soixante-dix qui sont à la base de la prolifération récente des groupes communautaires et des organisations bénévoles. Les conditions de travail et les salaires étaient alors au cœur de conflits de plus en plus nombreux entre travailleurs et employeurs.

Les nouvelles lois sur la sécurité et la santé dans les pays industriels font écho aux préoccupations accrues des travailleurs et des syndicats en la matière et ont amené, à leur tour, une prise de conscience de la population à cet égard. Bien que, dans la plupart des pays, ces textes aient fait de la sécurité et de la santé un sujet de négociation directe entre employeurs, syndicats et gouvernements, les travailleurs et les victimes de maladies professionnelles et d’accidents du travail ont souvent choisi d’exercer des pressions en dehors de ces discussions tripartites: à leurs yeux, il ne saurait y avoir de négociation sur des droits aussi fondamentaux que la sécurité et la santé au travail.

Nombre des nouvelles associations bénévoles ont aussi profité du changement d’attitude vis-à-vis du rôle de la science dans la société; en effet, les scientifiques sont toujours plus conscients de la nécessité de répondre aux besoins des travailleurs et des communautés, et les qualifications scientifiques des travailleurs se sont améliorées. Plusieurs organisations reconnaissent cette communauté d’intérêts dans le nom qu’elles se sont choisi: par exemple, l’Action universitaire et travailleurs (Academics and Workers Action ou AAA, selon le sigle danois), au Danemark, ou la Société pour la recherche participative en Asie (Society for Participatory Research in Asia) dont le siège social est situé en Inde.

Les points forts et les points faibles

Le secteur bénévole lui-même décrit ainsi ses points forts: réaction immédiate aux nouveaux problèmes de sécurité et de santé au travail, structure organisationnelle ouverte, accueil des travailleurs et des victimes de maladies professionnelles et d’accidents du travail marginalisés, absence de contraintes institutionnelles sur le plan de l’action et de l’intervention publiques. La précarité du financement et la difficulté de concilier les manières d’agir des bénévoles et des salariés et d’affronter les innombrables besoins insatisfaits des travailleurs et victimes de maladies professionnelles sont les principaux obstacles que ce secteur doit surmonter.

La nature éphémère de bon nombre de ces associations a déjà été mentionnée: des seize recensées au Royaume-Uni en 1985, sept subsistaient encore en 1995. Par ailleurs, dans la même période, vingt-cinq autres avaient été créées. C’est là une particularité propre à toutes les organisations bénévoles. Sur le plan interne, elles n’ont souvent pas de structure hiérarchique et réunissent des délégués ou des membres de syndicats et autres organisations, aussi bien que des victimes d’accidents ou de maladies professionnelles. Même si elles ne peuvent se passer des syndicats, des partis politiques et des organes gouvernementaux pour réussir à améliorer les conditions de travail, la plupart choisissent d’entretenir avec eux des rapports indirects et de trouver des fonds en puisant à plusieurs sources de financement — en règle générale, l’Etat, les syndicats, les sociétés commerciales ou d’autres sociétés de bienfaisance. De nombreuses autres associations sont entièrement bénévoles, ou font paraître des publications sur abonnements qui ne couvrent que les frais d’impression et de distribution.

Les activités

Les activités des associations bénévoles peuvent être sommairement classées comme suit: intéressées à un risque précis (maladies, multinationales, secteurs d’emploi, groupes ethniques, femmes); centres de consultation; services d’hygiène professionnelle; publication de bulletins et de magazines; instituts de recherche et établissements d’éducation; réseaux supranationaux.

Certaines des plus anciennes associations luttent pour les victimes de maladies professionnelles; voici une liste de leurs principaux sujets d’intérêt: syndrome d’intolérance aux produits chimiques, amiantose, anthracose, byssinose, syndrome de karoshi (mort subite due au surmenage), lésions dues à une hypersollicitation, victimes d’accidents, sensibilité à l’électricité, santé des travailleuses, santé des travailleurs issus de la communauté noire et des minorités ethniques, asbestose, pesticides, fibres minérales artificielles, micro-ondes, terminaux à écran de visualisation, risques inhérents aux métiers artistiques, travaux de construction, Bayer, Union Carbide, Rio Tinto Zinc.

Le fait de concentrer ainsi les efforts peut être particulièrement efficace: les publications du Center for Art Hazards à New York sont des modèles du genre, et des campagnes de sensibilisation aux besoins spéciaux des travailleurs migrants issus des minorités ethniques ont été couronnées de succès aux Etats-Unis, au Japon, au Royaume-Uni et ailleurs.

Une douzaine d’associations dans le monde luttent contre les problèmes de santé propres aux travailleurs des minorités ethniques, notamment les travailleurs latino-américains aux Etats-Unis, les travailleurs bengalis, pakistanais et yéménites en Angleterre, les travailleurs algériens et marocains en France et les travailleurs du Sud-Est asiatique au Japon. Etant donné la gravité des accidents et des maladies dont sont victimes ces travailleurs, l’exigence première consiste dans une réparation suffisante, ce qui veut souvent dire, dans leur cas, la reconnaissance de leur statut légal. La tâche principale consiste cependant à mettre fin à la pratique du deux poids deux mesures, selon laquelle les travailleurs issus des minorités ethniques endurent des conditions de travail que les groupes majoritaires ne toléreraient pas. Ces associations ont fait beaucoup, notamment en diffusant dans les langues minoritaires des informations sur les droits des travailleurs en matière de santé, de sécurité et d’emploi.

Les efforts déployés par le Pesticide Action Network (réseau de lutte contre les pesticides) et ses organisations affiliées pour faire interdire certains pesticides (campagne Dirty Dozen) ont eu un franc succès. Ces problèmes et les abus systématiques du milieu de travail et de l’environnement commis par certaines multinationales sont très difficiles à abolir, mais les associations qui se vouent à cette tâche ont, dans bien des cas, remporté des victoires partielles, qui les ont portées à se fixer de nouveaux objectifs.

Les centres de consultation

La complexité du monde du travail, la faiblesse des syndicats dans certains pays et l’offre insuffisante de conseils en matière de sécurité et de santé sur les lieux de travail ont conduit à ouvrir des centres de consultation dans de nombreux pays. Très denses, les réseaux des pays anglophones reçoivent des dizaines de milliers de demandes de renseignements par année. Ils fonctionnent pour une grande part en réponse aux demandes qui leur sont adressées. Grâce aux changements survenus dans la structure des économies avancées, à savoir la réduction de la taille des lieux de travail, la précarisation de l’emploi et la montée du travail clandestin et à temps partiel (qui soulèvent chacun des problèmes quant à la réglementation des conditions de travail), les centres de consul- tation ont pu obtenir des fonds de l’Etat ou des autorités locales. Le réseau européen sur les risques professionnels, composé de travailleurs et de conseillers en matière de sécurité et de santé au travail, a reçu des subventions de l’Union européenne (UE). En Afrique du Sud, le réseau des centres de consultation a lui aussi reçu des fonds de développement de l’UE et, aux Etats-Unis, des groupes communautaires de sécurité et de santé au travail (Committees on Occupational Safety and Health (COSH)) ont bénéficié à un moment donné de fonds au titre du programme «New Directions» de l’Administration de la sécurité et de la santé au travail (Occupational Safety and Health Administration (OSHA)).

Les services de santé au travail

Les associations bénévoles ont remporté des succès, dont l’un des plus éclatants est le relèvement du niveau de prestation des services de santé professionnelle: des organisations de travailleurs et de personnels ayant reçu une formation médicale et technique en ont montré la nécessité et ont adopté de nouvelles méthodes. Les services sectoriels de santé professionnelle, qui ont progressive-ment été mis sur pied au cours des quinze dernières années au Danemark, ont reçu l’appui massif de l’AAA en faveur, notamment, du rôle des représentants des travailleurs dans la gestion de ces services. Citons d’autres exemples: l’extension des services de soins primaires, au Royaume-Uni, et l’offre de services aux victimes de lésions aux membres supérieurs, en Australie, qui profitent de l’expérience des centres de santé au travail.

La recherche

Les progrès des sciences dans les années soixante et soixante-dix ont permis l’expérimentation de nouvelles méthodes d’enquête décrites comme la recherche-action, la recherche participative ou l’épidémiologie profane. La définition, par les travailleurs et les syndicats, de leurs besoins en matière de recherche a incité un certain nombre de centres spécialisés à tenter d’y répondre; parmi les plus anciens, mentionnons le réseau des ateliers de sciences aux Pays-Bas; le DIESAT (centre syndical de ressources en matière de sécurité et de santé) au Brésil; la Société pour la recherche participative en Asie (SPRIA) en Inde, et le réseau des centres de la République d’Afrique du Sud. Les recherches effectuées par ces centres contribuent à faire admettre le point de vue des travailleurs sur les risques professionnels par la médecine du travail officielle.

Les publications

De nombreuses associations sectorielles bénévoles publient des périodiques dont les plus importants se vendent à des milliers d’exemplaires, paraissent jusqu’à vingt fois par an et sont lus aussi bien par les organes officiels, les organismes de réglementation et les syndicats que par les travailleurs. Ces publications facilitent la mise  en  place  de  réseaux  au  niveau  national  (par  exemple, Hazards, au Royaume-Uni, et Arbeit und Ökologie, en Allemagne). Si les mesures préconisées dans ces périodiques peuvent au départ traduire les différences culturelles par rapport à d’autres organisations, par la suite, elles prennent souvent une bonne place dans l’ordre de priorité des syndicats et des partis politiques. Parmi les thèmes qui reviennent, mentionnons les plaidoyers en faveur de sanctions plus sévères pour les infractions à la législation sur la sécurité et la santé, ainsi que pour les accidents du travail, mortels ou non.

Les réseaux internationaux

La mondialisation rapide de l’économie s’est traduite, dans le mouvement syndical, par l’importance accrue des secrétariats professionnels internationaux, les affiliations syndicales régionales, telle l’Organisation de l’unité syndicale africaine (OUSA), et les assemblées de travailleurs occupés dans des secteurs particuliers. Il arrive souvent que ces nouveaux organismes prennent en main les questions de sécurité et de santé; à titre d’exemple, l’OUSA a élaboré une charte africaine de la sécurité et de la santé au travail. Dans le secteur bénévole, des liens internationaux ont été établis, d’une part, par des groupes qui se concentrent sur les activités de certaines multinationales (comparaison des pratiques en matière de sécurité et des registres de sécurité et de santé des entreprises qu’elles possèdent partout dans le monde, ou comparaison des registres des accidents et maladies dans certaines branches d’activité, telles que la production de cacao ou la fabrication de pneus) et, d’autre part, par des réseaux formés dans les principales zones de libre-échange, à savoir l’ALENA, l’UE, le MERCOSUR et l’Asie de l’Est. Tous ces réseaux internationaux réclament l’harmonisation des normes de protection des travailleurs, la reconnaissance et la réparation des maladies professionnelles et des accidents du travail, ainsi que la présence des travailleurs dans les structures de sécurité et de santé au travail. L’alignement sur la meilleure norme existante est une demande constante.

Beaucoup de ces réseaux internationaux se sont développés dans une culture politique différente de celle des organisations des années soixante-dix: ils établissent un lien direct entre le milieu de travail et l’environnement extérieur. Ils réclament des normes plus élevées pour la protection de l’environnement et forment des alliances entre les travailleurs d’une entreprise et les personnes touchées par les activités de cette dernière, à savoir les consommateurs, les populations indigènes vivant près des exploitations minières et les autres habitants. Le tollé international qui a suivi la catastrophe de Bhopal a débouché sur la création d’un tribunal populaire permanent sur les risques professionnels et les droits de l’homme, qui a demandé que les activités des entreprises internationales soient soumises à réglementation.

L’efficacité des associations bénévoles se mesure de diverses façons, notamment aux services qu’elles offrent aux particuliers et aux groupes de travailleurs, ou aux changements qu’ils réussissent à imposer dans les pratiques et la législation du travail. L’élaboration d’une politique est un processus global, et les propositions émanent rarement d’une seule personne ou d’une seule organisation. Pourtant, le secteur bénévole a réussi à insister sur des revendications qui, au début, paraissaient exorbitantes avant de se faire accepter.

Les associations bénévoles et les groupes communautaires réclament notamment:

Le maintien d’un milieu de travail salubre et de services appropriés, ainsi que l’indemnisation des victimes de mauvaises conditions de travail coûtent cher, et c’est la raison pour laquelle il existe des associations bénévoles dans ce domaine. Même les systèmes de prestations les plus élaborés, comme ceux que l’on trouve  en  Scandinavie,  présentent  des  lacunes  que  le  secteur bénévole s’efforce de combler. Dans les vieux pays industriels, certains plaident pour la déréglementation de la sécurité et de la santé afin de résister à la concurrence que leur livrent les économies en transition; aussi les associations bénévoles ont-elles lancé une nouvelle campagne sur le thème: maintien de normes élevées et alignement sur les meilleures normes existantes.

Bien que les associations bénévoles soient considérées comme des acteurs essentiels dans la préparation de nouvelles lois, elles manifestent une certaine impatience devant la lenteur des progrès. Elles continueront de prendre de l’importance partout où les travailleurs pensent que les dispositions légales et réglementaires ne répondent pas aux besoins.

LE DROIT À L’INFORMATION: LE RÔLE DES ORGANISATIONS COMMUNAUTAIRES

Carolyn Needleman

En matière de sécurité et de santé au travail, le «droit à l’information» renvoie généralement aux lois, règles et règlements disposant que les travailleurs doivent être informés des risques pour la santé que présente leur emploi. En vertu de ce droit, les travailleurs qui manipulent une substance chimique potentiellement toxique dans l’exercice de leurs fonctions ne peuvent pas être tenus dans l’ignorance de ce risque. Leur employeur est obligé par la loi de leur faire savoir quelle est la composition chimique exacte de la substance en question et quels sont les dommages qu’elle peut causer. Parfois, l’avertissement doit aussi inclure des conseils sur la façon d’éviter l’exposition et expliquer le traitement recommandé en cas d’exposition. Cette politique tranche nettement avec la situation que l’on a voulu ainsi redresser et qui, malheureusement, persiste dans de nombreux établissements où les travailleurs ne connaissent les produits chimiques qu’ils utilisent que par leur dénomination commerciale ou leur nom générique (du genre «nettoyant numéro neuf») et n’ont aucun moyen de savoir s’ils courent un risque pour leur santé.

En vertu du droit à l’information, les dangers sont d’ordinaire signalés sur les étiquettes placées sur les récipients et les matériels, et les travailleurs reçoivent une formation à la sécurité et à la santé. Aux Etats-Unis, l’instrument principal du droit des travailleurs à l’information est l’Occupational Safety and Health Administration’s Hazard Communication Standard (norme relative à la communication d’informations sur les matières dangereuses de l’OSHA), établie en 1986. En vertu de cette norme réglementaire fédérale, les produits chimiques dangereux utilisés dans tous les lieux de travail du secteur privé doivent être étiquetés. Les employeurs sont également tenus de garantir aux travailleurs l’accès à une fiche de données de sécurité pour chaque produit chimique étiqueté et d’assurer la formation des travailleurs à la manipulation des produits chimiques dans des conditions de sécurité. La figure 23.1 représente une étiquette de mise en garde typique aux Etats-Unis.

Figure 23.1 Etiquette pour produit chimique (mise en garde demandée en vertu du droit
à l'information)

Figure 23.1

Il convient de relever que cette politique générale d’information sur les risques encourus diffère considérablement du contrôle réglementaire direct du risque lui-même. La stratégie de l’étiquetage témoigne d’une conception fondée sur la responsabilité individuelle, la décision éclairée et le libre jeu des forces du marché. Une fois informés, les travailleurs sont censés agir dans leur meilleur intérêt, c’est-à-dire exiger des conditions de travail sûres ou, le cas échéant, chercher un autre emploi. En comparaison, une réglementation directe des risques professionnels obligerait l’Etat à intervenir plus activement pour parer au déséquilibre des pouvoirs dans la société qui empêche certains travailleurs d’utiliser intelligemment et de leur propre chef les informations sur les risques courus. Etant donné que l’étiquetage laisse entendre que les travailleurs avertis sont en définitive responsables de leur propre sécurité au travail, le droit à l’information est considéré comme lourd d’ambiguïté sur le plan politique: d’un côté, les défenseurs des travailleurs le saluent comme une victoire parce qu’il assure une meilleure protection; d’un autre côté, les intérêts des travailleurs pourraient être menacés si le droit à l’information devait remplacer les autres règlements en matière de sécurité et de santé au travail ou en affaiblir la portée. Ainsi que n’ont pas tardé à le souligner les militants, le «droit à l’information» est un point de départ, il doit être complété par «le droit de comprendre» et «le droit d’agir» et il ne doit pas ralentir les efforts visant à limiter directement les risques professionnels.

Les associations locales ont un rôle important dans la traduction pratique du droit des travailleurs à l’information. D’abord et avant tout, ces droits doivent souvent leur existence à des groupes de défense de l’intérêt public, dont beaucoup ont un caractère communautaire. Ainsi, les Comités de sécurité et de santé au travail (Committees on Occupational Safety and Health (COSH)) ont été au cœur du long processus législatif et des différends qui ont conduit à l’adoption de la norme américaine relative à la communication d’informations sur les matières dangereuses. Pour plus de détails sur les groupes COSH et leurs activités, voir l’encadré.

Le mouvement COSH et le droit à l’information

Créés dans la foulée de la loi américaine de 1970 concernant la sécurité et la santé au travail, les comités de prévention dans l’entreprise (Committees on Occupational Safety and Health (COSH)) étaient au départ des associations locales de partisans de la santé publique, de spécialistes inquiets et de simples militants qui se réunissaient pour essayer de régler les problèmes dus à la présence de substances toxiques sur les lieux de travail. Les premiers COSH se sont constitués à Chicago, à Boston, à Philadelphie et à New York. Dans le Sud des Etats-Unis, ils se sont développés en même temps que les organisations populaires comme la Carolina Brown Lung, un groupe de l’Etat de Caroline du Nord qui représente les travailleurs des usines textiles atteints de byssinose. A l’heure actuelle, on compte vingt-cinq COSH dans tout le pays; ils sont plus ou moins bien organisés, et leurs modes de financement sont divers. Conscients du fait que les travailleurs syndiqués sont les mieux placés pour lutter en vue d’obtenir des conditions de travail sûres, nombre d’entre eux ont décidé de travailler de concert avec les syndicats et par l’entremise de ceux-ci.

Les COSH rassemblent des organisations et des membres de syndicats, des représentants des milieux intéressés par la santé publique et l’environnement, ainsi que de simples militants de la sécurité et de la santé, des universitaires, des avocats, des médecins, des spécialistes de la santé publique et des travailleurs sociaux. Les COSH offrent des lieux d’échanges entre des groupes d’intérêts — travailleurs, universitaires, experts médicaux — qui, d’ordinaire, s’ignorent, mais qui s’y retrouvent pour évoquer les problèmes de sécurité et de santé avec lesquels ils sont aux prises sur leur lieu de travail. Grâce à ces débats, la recherche universitaire et médicale peut se révéler utile aux travailleurs et donner lieu à des applications concrètes.

Les COSH sont très actifs sur le plan politique: ils recourent aussi bien aux moyens habituels (par exemple, les pressions exercées sur les politiciens) qu’à des méthodes plus pittoresques (par exemple, les piquets et les défilés de cercueils devant le domicile des élus hostiles aux revendications ouvrières). Ces comités ont joué un rôle de premier plan dans les luttes pour une législation locale et d’Etat garantissant le droit à l’information; à cet effet, ils ont rassemblé en un large mouvement syndicats, associations écologistes et sociétés d’intérêt public pour défendre leur cause. Par exemple, le COSH de la région de Philadelphie (PHILAPOSH) a mené une campagne qui a abouti à l’adoption de la première loi municipale qui a consacré le droit à l’information. La campagne a atteint son point culminant lorsque des membres de PHILAPOSH ont voulu démontrer la nécessité de l’information sur les risques: lors d’une séance publique, ils ont ouvert un récipient sous pression sur lequel ne figurait aucune indication, épouvantant les membres du conseil municipal qui se précipitèrent sous leur pupitre dès que le gaz (en l’occurrence de l’oxygène) commença à s’échapper.

Les campagnes locales en faveur du droit à l’information ont finalement amené vingt-trois villes et Etats à adopter une loi à cet effet. Les prescriptions étaient tellement différentes d’un endroit à un autre que les sociétés de produits chimiques ont fini par exiger une norme nationale afin d’harmoniser le tout. L’action des COSH pour le droit à l’information illustre à merveille la façon dont un mouvement unitaire de travailleurs et de citoyens peut exercer une influence déterminante sur la politique de leur pays en matière de sécurité et de santé au travail.

Joel Shufro

Les organisations communautaires jouent un autre rôle primordial: elles aident les travailleurs à faire meilleur usage des droits à l’information que leur confère la loi. Par exemple, les groupes COSH conseillent et aident les travailleurs qui craignent des représailles s’ils cherchent à se renseigner sur les risques liés à leur travail, ils leur font prendre conscience de l’importance de lire les étiquettes et d’observer les avertissements et, enfin, ils aident à dénoncer les infractions commises par les employeurs. Cet appui est particulièrement utile aux travailleurs qui ont peur de faire valoir leurs droits en raison de leur faible niveau d’instruction, de la précarité de leur emploi et de l’absence de soutien de leur syndicat. Les groupes COSH aident également les travailleurs à comprendre les informations figurant sur les étiquettes et les fiches de données de sécurité. Les travailleurs quasiment illettrés ont grand besoin de ce genre d’aide; ceux qui savent lire, mais qui n’ont pas les connaissances techniques nécessaires pour comprendre les fiches de données de sécurité, souvent rédigées dans un jargon scientifique difficile à comprendre par un non-initié, peuvent également en profiter.

Le droit des travailleurs à l’information ne donne pas seulement accès à des données factuelles, il a également un côté émotionnel. En effet, les travailleurs risquent de découvrir que les fonctions qu’ils exercent comportent des risques qu’ils ne soupçonnaient pas, de se sentir bernés et d’éprouver alors des sentiments, parfois très forts, d’indignation, d’horreur et d’impuissance. Le troisième rôle important joué par les organisations communautaires consiste donc à apporter un soutien psychologique aux travailleurs qui ont de la difficulté à accepter les conséquences personnelles des risques qu’ils encourent. En participant à des groupes d’auto-assistance ou d’entraide, les travailleurs peuvent exprimer leurs sentiments, se sentent reconnus et appuyés par le groupe et reçoivent des conseils pratiques. Aux Etats-Unis, à part les groupes COSH, mentionnons les associations suivantes: Injured Workers, un réseau national de groupes d’entraide, qui publie un bulletin et organise des rencontres locales de soutien à l’intention des travailleurs qui envisagent de présenter une demande de réparation d’un accident de travail, ou qui l’ont déjà fait; le Centre national de stratégies pour la santé environnementale (National Center for Environmental Health Strategies), une organisation du New Jersey qui défend les intérêts des personnes sensibles à l’action des produits chimiques; et les Victimes américaines de l’amiante (Asbestos Victims of America), un réseau national situé à San Francisco, qui offre informations, conseils et assistance à ces travailleurs.

Une application particulière du droit à l’information consiste à rechercher les travailleurs qui ont été exposés à des risques professionnels dans le passé et à les en informer. Aux Etats-Unis, ce genre d’intervention s’appelle «avis aux travailleurs ayant couru des risques élevés». De nombreux organismes relevant de l’Etat fédéral et des Etats, de certains syndicats et de quelques grandes entreprises ont lancé des programmes avertissant ainsi les travailleurs. L’Institut national de la sécurité et de la santé au travail (National Institute for Occupational Safety and Health (NIOSH)) est, à l’heure actuelle, le principal organisme fédéral d’intervention en la matière. Au début des années quatre-vingt, il a mené à bien plusieurs programmes pilotes ambitieux au niveau communautaire afin de retrouver les travailleurs menacés; aujourd’hui, l’avertissement des travailleurs fait partie intégrante de ses projets de recherches épidémiologiques.

Les résultats ainsi obtenus par le NIOSH sont instructifs. Pour ses programmes pilotes, le NIOSH s’est chargé de dresser la liste exacte des travailleurs ayant probablement été exposés à des produits chimiques dangereux dans une usine en particulier, d’envoyer une lettre à chaque personne inscrite sur la liste, afin de l’informer du risque éventuel qu’elle a couru et, si possible, de lui offrir ou de lui recommander un examen médical. Il est toutefois vite apparu que l’avis ne reste pas longtemps une affaire privée car, à toutes les étapes, le NIOSH a dû composer avec les organisations communautaires et les institutions locales.

L’avis du NIOSH qui a suscité le plus de controverses remonte au début des années quatre-vingt. Il concernait 1 385 travailleurs d’une usine chimique d’Augusta, en Géorgie, qui avaient été exposés à un puissant agent cancérogène (la b-naphtylamine). Ces travailleurs, en majorité des hommes afro-américains, n’étaient pas syndiqués et manquaient de ressources et d’instruction. Selon le personnel chargé du programme, le climat social dans la communauté était «très marqué par la discrimination raciale, la pauvreté et une grande ignorance des risques d’intoxication». Afin d’encourager la participation de tous, le NIOSH a contribué à la formation d’un groupe consultatif local, qui a rapidement volé de ses propres ailes après l’arrivée d’organisations populaires plus militantes de défenseurs des droits des travailleurs, venues lui prêter main forte. Certains des travailleurs ont intenté un procès à la société, compliquant ainsi les controverses entourant le programme. Des organisations locales, comme la chambre de commerce et l’ordre des médecins du comté, s’en sont également mêlées. Bien des années plus tard, on entend encore parler des conflits entre les organisations locales à ce sujet. En définitive, le programme a tout de même permis d’informer les travailleurs concernés du risque permanent de cancer de la vessie, maladie que l’on peut assez facilement traiter si le diagnostic est précoce. Plus de 500 de ces personnes ont subi un examen médical grâce au programme, voire une intervention qui leur a peut-être sauvé la vie.

Fait à souligner dans l’affaire d’Augusta: le rôle joué par les médias locaux. Ceux-ci ont fait grand cas du programme: plus de cinquante articles ont paru dans les quotidiens, et un documentaire Lethal Labour sur l’exposition aux produits chimiques a été diffusé par une station locale de télévision. Cette publicité a touché un vaste public et a eu un impact énorme sur les travailleurs intéressés et sur l’ensemble de la communauté, ce qui a fait dire au directeur du programme du NIOSH que, «en vérité, ce sont les médias qui ont averti les gens». Dans certains cas, il serait peut-être bon de s’assurer le concours des journalistes locaux dans toute affaire concernant le droit à l’information et de leur réserver un rôle officiel dans le lancement des avertissements, afin de favoriser la diffusion de reportages plus exacts et constructifs.

Ces exemples viennent des Etats-Unis, mais le monde entier connaît les mêmes problèmes. L’accès des travailleurs à l’information sur les risques professionnels représente une étape importante vers le respect des droits humains fondamentaux et il occupe une place centrale dans les politiques et les services des organisations communautaires de nombreux pays. Plus les travailleurs jouissent d’une faible protection légale et plus le mouvement syndical est impuissant, plus les organisations communautaires sont importantes pour remplir les trois rôles que nous avons mentionnés: militer pour une législation plus rigoureuse concernant le droit à l’information (et le droit d’agir); aider les travailleurs à utiliser judicieusement les renseignements obtenus en vertu de ce droit; apporter un soutien social et psychologique à ceux qui apprennent qu’ils courent des risques professionnels.

DES EXEMPLES RÉGIONAUX ET NATIONAUX

LA SÉCURITÉ ET LA SANTÉ AU TRAVAIL: L’UNION EUROPÉENNE

Frank B. Wright

L’Union européenne (UE) exerce aujourd’hui une grande influence sur la législation et la politique mondiales en matière de sécurité et de santé. En 1995, l’Union était composée des Etats Membres suivants: Allemagne, Autriche, Belgique, Danemark, Espagne, Finlande, France, Grèce, Irlande, Italie, Luxembourg, Pays-Bas, Portugal, Royaume-Uni et Suède. Elle accueillera vraisemblablement d’autres pays dans les années à venir.

L’Union a succédé à la Communauté européenne, constituée dans les années cinquante aux termes de trois traités: le Traité instituant la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA), signé à Paris en 1951, ainsi que le Traité instituant la Communauté économique européenne (CEE), et le Traité instituant la Communauté européenne de l’énergie atomique (CEEA), signés à Rome en 1957. L’Union européenne est née lors de l’entrée en vigueur du Traité de Maastricht (conclu en 1989) le 1er janvier 1992.

La Communauté comprend quatre institutions: la Commission, le Conseil, le Parlement et la Cour européenne de justice, qui tirent leurs pouvoirs des traités.

Les structures

La Commission

La Commission est l’organe exécutif de la Communauté. Elle est chargée d’établir, de proposer et de mettre en œuvre la politique communautaire. Si un Etat Membre ne s’acquitte pas des obligations que lui imposent les traités, la Commission peut engager une action contre lui devant la Cour européenne de justice.

La Commission se compose de 17 membres nommés par les gouvernements des Etats Membres pour une période renouvelable de quatre ans. Chaque commissaire est responsable d’un portefeuille et exerce son autorité sur une ou plusieurs directions générales. L’une de ces directions générales, la DG V, est chargée de l’emploi, des relations industrielles et des affaires sociales, et c’est de cette direction générale (la DG V/F) qu’émanent les projets de politiques de sécurité et de santé au travail et de santé publique. Dans son rôle de législateur et d’organe directeur en matière de sécurité et de santé, la Commission est secondée par le Comité consultatif pour la sécurité, l’hygiène et la protection de la santé sur le lieu du travail et par la Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail.

Le Comité consultatif pour la sécurité, l’hygiène et la protection de la santé sur le lieu du travail

Créé en 1974, le Comité consultatif est présidé par le commissaire chargé de la direction générale de l’emploi, des relations industrielles et des affaires sociales. Il est composé de 96 membres titulaires: le gouvernement, les organisations d’employeurs et les organisations de travailleurs des Etats Membres ont chacun deux représentants.

Le Comité est chargé «d’assister la Commission dans la préparation et la mise en œuvre des activités dans les domaines de la sécurité, de l’hygiène et de la protection de la santé sur le lieu du travail». En raison de sa constitution et de sa composition, le Comité consultatif est beaucoup plus important et actif que ne le laisserait supposer son titre et il a exercé une influence considérable, au fil des ans, sur l’élaboration de la politique stratégique, de concert avec le Parlement européen et le Comité économique et social. Voici, plus précisément, les fonctions qu’il doit remplir dans le cadre de son mandat général:

Le Comité établit annuellement un rapport d’activités que la Commission transmet ensuite au Conseil, au Parlement et au Comité économique et social.

La Fondation de Dublin

La Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail, qui a son siège à Dublin, a été établie en 1975 en tant qu’organe spécialisé et autonome de la Communauté. Elle s’occupe essentiellement de recherches appliquées dans les domaines liés à la politique sociale, à l’application des nouvelles technologies, ainsi qu’à l’amélioration et à la protection de l’environne- ment, pour déceler, résoudre et prévenir les problèmes en milieu de travail.

L’Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail

C’est à Bilbao, en Espagne, que le Conseil européen a établi l’Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail, qui est chargée de réunir et de diffuser des renseignements dans le champ qui lui est départi. L’Agence devra également organiser des cours de formation, fournir un soutien technique et scientifique à la Commission et nouer des liens étroits avec les organismes nationaux spécialisés. Elle organisera aussi un réseau aux fins de l’échange d’informations et d’expériences entre les Etats Membres.

Le Parlement européen

Le Parlement européen joue un rôle consultatif de plus en plus important  dans  le  processus  législatif  de  la  Communauté;  il contrôle, conjointement avec le Conseil, une partie du budget communautaire, approuve les accords d’association de la Communauté avec des pays tiers et les traités d’adhésion de nouveaux membres, et constitue l’organe de contrôle de la Communauté.

Le Comité économique et social

Le Comité économique et social est un organe consultatif qui est appelé à donner son avis sur une série de questions sociales et professionnelles, dont la sécurité et la santé au travail. Ses membres proviennent de trois groupes principaux: les employeurs, les travailleurs et un groupe indépendant dont les membres représentent les intérêts des milieux professionnels, du monde des affaires, de l’agriculture, du mouvement coopératif et des associations de consommateurs.

Les instruments juridiques

Le législateur de la Communauté dispose de quatre instruments principaux. L’article 189, tel que modifié, du Traité instituant la CEE dispose que «pour l’accomplissement de leur mission et dans les conditions prévues au présent Traité, le Parlement européen conjointement avec le Conseil, le Conseil et la Commission arrêtent des règlements et des directives, prennent des décisions et formulent des recommandations ou des avis».

La réglementation

«Le règlement a une portée générale. Il est obligatoire dans tous ses éléments et il est directement applicable dans tout Etat Membre.» La réglementation est immédiatement exécutoire dans les Etats Membres. Il n’y a pas d’autres étapes à franchir avant sa mise en application et même, il n’est pas permis aux organes législatifs d’envisager une mise en œuvre ultérieure. Les règlements dans le domaine de la sécurité et de la santé au travail sont rares, et ceux qui ont été arrêtés sont d’ordre administratif.

Les directives et les décisions

«La directive lie tout Etat Membre destinataire quant au résultat à atteindre, tout en laissant aux instances nationales la compétence quant à la forme et aux moyens.» Les directives sont des instructions aux Etats Membres pour qu’ils adoptent des lois visant un but précis. Dans la pratique, elles servent principalement à assurer l’harmonisation ou le rapprochement des législations nationales avec l’article 100. Elles sont donc les instruments les plus appropriés et d’usage le plus courant en matière de sécurité et de santé au travail. Par ailleurs, «la décision est obligatoire dans tous ses éléments pour les destinataires qu’elle désigne».

Les recommandations et les avis

Les recommandations et les avis ne lient pas, ils expriment simplement des positions de principe.

La politique

Au milieu des années quatre-vingt, la Communauté européenne a décidé d’accélérer sa démarche vers l’harmonisation dans le domaine de la sécurité et de la santé. La nouvelle importance que prend ce secteur s’explique par plusieurs raisons, dont quatre peuvent être considérées comme décisives.

Premièrement, les normes communes en matière de sécurité et de santé favorisent l’intégration économique, car les produits ne peuvent circuler librement dans la Communauté si les prix d’articles semblables varient d’un Etat Membre à un autre en raison de la disparité des coûts entraînés par les mesures de protection de la sécurité et de la santé. Deuxièmement, les accidents du travail font chaque année 10 millions de victimes et entraînent 8 000 décès (sur une population active évaluée à 138 millions de personnes en 1994). Ces sombres statistiques se traduisent par une note annuelle évaluée à 26 milliards d’écus pour la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles. Au Royaume-Uni seulement, d’après le bilan qu’en a fait la Cour des comptes dans son rapport sur les mesures d’application en matière de sécurité et de santé au travail, les accidents du travail coûteraient 10 milliards de livres par année à l’industrie et aux contribuables. Une réduction des coûts humains, sociaux et économiques des accidents du travail et des maladies professionnelles permettrait non seulement de réaliser d’énormes économies, mais aussi d’améliorer grandement la qualité de la vie dans l’ensemble de l’Union. Troisièmement, l’adoption de meilleures pratiques de travail entraînerait des gains de productivité, une baisse des coûts d’exploitation et une amélioration des relations professionnelles.

Enfin, la réglementation visant certains risques, tels ceux que présentent les explosions, devrait être harmonisée au niveau supranational en raison de l’ampleur du coût des ressources et, en écho au premier argument susmentionné, parce que toute disparité quant au fond et à l’application de telles dispositions provoque des distorsions de concurrence et se répercute sur le prix des produits.

La campagne menée par la Commission, en collaboration avec les douze Etats Membres, à l’occasion de l’Année européenne de la sécurité et de la santé, inaugurée le 1er mars 1992, a vivement encouragé ce programme. La campagne visait l’ensemble de la population active de l’Union et, tout particulièrement, les industries présentant des risques élevés, ainsi que les petites et moyennes entreprises.

Chacun des traités fondateurs a jeté les bases d’une nouvelle législation en matière de sécurité et de santé. Le traité de la CEE, par exemple, renferme deux dispositions — les articles 117 et 118 — qui sont consacrées, du moins en partie, à la promotion de la sécurité et de la santé.

La Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs

Pour relever le défi, la Commission proposa en 1987 un vaste programme, adopté par le Conseil l’année suivante, qui prévoyait un train de mesures en matière de sécurité et de santé groupées sous les rubriques sécurité et ergonomie, santé et hygiène, information et formation, initiatives concernant les petites et moyennes entreprises, dialogue social. La Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, adoptée à Strasbourg en décembre 1989 par onze des douze Etats Membres (le Royaume-Uni s’est abstenu), a donné une nouvelle impulsion à ces mesures.

La Charte, adoptée en décembre 1989, porte sur douze catégories de «droits sociaux fondamentaux», dont plusieurs ont une pertinence pratique:

Il incombe aux Etats Membres, selon leurs pratiques nationales, de protéger les droits garantis dans la Charte et de prendre les mesures nécessaires à cette fin. Quant à la Commission, elle est appelée à présenter les initiatives qui relèvent de ses compétences.

Depuis 1989, la Charte recueille manifestement une très large adhésion dans l’ensemble de l’Union. Nul doute que les Etats Membres tiennent à montrer que l’Union devrait profiter aux travailleurs, aux enfants et aux travailleurs âgés aussi bien qu’aux détenteurs d’actions et aux dirigeants d’entreprise.

La directive-cadre de 1989

Les principes du programme de la Commission en matière de sécurité et de santé ont été énoncés dans une autre directive-cadre (89/391/CEE) concernant la mise en œuvre de mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail. Cette orientation marque un grand progrès par rapport à l’approche recommandée dans la directive-cadre précédente, qui date de 1980. Il est à noter que, si la directive de 1989 préconise «l’auto-évaluation» des risques et adopte cette approche, elle énumère également les obligations générales de tous, en particulier de l’employeur. En outre, la promotion du «dialogue social» dans le domaine de la sécurité et de la santé au travail est inscrite expressément dans les dispositions détaillées de cette directive: elle pose des exigences en matière d’information, de consultation et de participation des travailleurs et de leurs représentants sur les lieux de travail. Les Etats Membres ont dû s’y conformer au plus tard le 31 décembre 1992.

La directive réaffirme les principes généraux concernant, en particulier, la prévention des risques professionnels, la protection de la sécurité et de la santé, l’information, la consultation et la formation des travailleurs et de leurs représentants, ainsi que les règles générales pour la mise en œuvre desdits principes. C’était là une première tentative pour apporter un complément global aux directives d’harmonisation technique en vue du parachèvement du marché intérieur. La directive de 1989 reprend également les dispositions de la directive de 1980 sur les risques qui découlent de l’utilisation, pendant le travail, d’agents chimiques, physiques et biologiques. Elle fait pendant à la convention (no 155) et à la recommandation (no 161) sur la sécurité et la santé des travailleurs, 1981.

Les objectifs généraux de la directive de 1989 peuvent se résumer comme suit:

Les obligations générales imposées à l’employeur comprennent l’évaluation des risques, la prise de mesures directes pour assurer la sécurité et protéger la santé, la planification de la prévention des risques pour la sécurité et la santé, la formation et l’orientation de la main-d’œuvre, l’information, la consultation et la participation du personnel, l’enregistrement et la déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles.

La directive prévoit des mesures de protection analogues pour les petites et moyennes entreprises, tout en déclarant, par exemple, que la taille de l’entreprise ou de l’établissement est un facteur pertinent dans la détermination de la quantité de ressources nécessaires à l’organisation de mesures de protection et de prévention. La taille est également un facteur à prendre en considération pour l’organisation des premiers secours, de lutte contre l’incendie et de l’évacuation des travailleurs. En ce qui concerne les renseignements à fournir, la directive autorise l’imposition d’exigences différentes selon la taille de l’entreprise. Enfin, elle précise que les mesures nationales sur l’information peuvent tenir compte, en particulier, de la taille de l’entreprise ou de l’établissement.

La directive de 1989 a servi de cadre à nombre de directives particulières relatives, notamment, aux prescriptions minimales concernant la sécurité et la santé en milieu de travail, l’utilisation des matériels et de l’équipement de protection individuelle, la manutention des charges et le travail sur des équipements à écran de visualisation.

D’autres directives ont été adoptées, comme:

Parmi les autres mesures adoptées après la signature du Traité de Maastricht, signalons une recommandation concernant une liste européenne des maladies professionnelles; une directive sur l’amiante; une directive sur la signalisation de la sécurité et de la santé en milieu de travail; une directive sur l’assistance médicale à bord des navires; des directives sur la protection de la sécurité et de la santé dans les industries extractives; une directive introduisant des mesures visant à promouvoir l’amélioration des conditions de déplacement des travailleurs à mobilité réduite.

Le marché unique

L’article 100 initial a été remplacé par une nouvelle disposition dans le Traité instituant l’Union européenne. Le nouvel article 100 dispose que le Parlement européen et le Comité économique et social sont consultés sur toutes les directives et non seulement sur celles qui comporteraient, dans un ou plusieurs Etats Membres, une modification des dispositions législatives.

LA LÉGISLATION GARANTISSANT DES PRESTATIONS AUX TRAVAILLEURS EN CHINE

Su Zhi

La sécurité et la santé des travailleurs constituent un élément important de la loi du travail promulguée en juillet 1994. Pour inciter les entreprises à s’engager dans l’économie de marché et pour protéger entre-temps les droits des travailleurs, le gouvernement a mis certaines réformes en bonne place dans son ordre de priorité; les contrats de travail et la répartition des salaires, de même que le régime de la sécurité sociale appelaient des changements en profondeur. L’établissement d’une couverture sociale uniforme pour tous les travailleurs, quels que soient les propriétaires des entreprises, fait partie des objectifs visés, tout comme la mise en place de régimes de protection contre le chômage, de pension et de réparation des maladies professionnelles et des accidents du travail. La loi du travail impose à tous les employeurs le versement d’une contribution à la sécurité sociale pour leur personnel. Le projet de loi sur la prévention des maladies professionnelles et la réduction de leur incidence est un aspect de la législation du travail qui a retenu l’attention, afin d’inspirer la conduite et de définir les responsabilités des employeurs dans la réduction des risques professionnels, tout en élargissant les droits des travailleurs à la protection de leur propre santé.

Les organismes gouvernementaux et la Fédération des syndicats de Chine (FSC) collaborent aux fins de l’élaboration des politiques et de l’application des lois.

Le ministère de la Santé publique (MSP), le ministère du Travail (MT) et la FSC ont une longue expérience de la collaboration. Leurs efforts concertés ont abouti à l’adoption de nombreuses mesures et au lancement d’activités importantes.

Les attributions en matière de sécurité et de santé au travail se répartissent comme suit entre le MSP et le MT:

Figure 23.2 Organisation gouvernementale et répartition des responsabilités en matière de
sécurité et de santé au travail

Figure 23.2

Il est difficile de faire une distinction nette entre les attributions du ministère de la Santé publique et celles du ministère du Travail. On s’attend à ce qu’à l’avenir, la coopération soit axée sur une application plus stricte de la réglementation en matière de sécurité et de santé au travail.

La FSC participe de plus en plus activement à la protection des droits des travailleurs. Promouvoir l’établissement de syndicats dans les entreprises financées par des capitaux étrangers est l’une de ses tâches importantes, car les travailleurs ne sont syndiqués que dans 12% d’entre elles.

ÉTUDE DE CAS: LES NORMES D’EXPOSITION EN RUSSIE

Nikolai F. Izmerov

Comparaison des principes qui président à la détermination des concentrations maximales admissibles (PDK) et des valeurs seuils (TLV)

Le développement rapide de la chimie et l’utilisation généralisée des produits chimiques appellent des études toxicologiques précises et l’évaluation des risques, notamment en ce qui concerne les effets à long terme et les effets combinés des substances chimiques. Dans de nombreux pays, l’établissement de normes visant l’utilisation des produits chimiques au travail est une tâche confiée aux hygiénistes industriels. L’expérience dans ce domaine s’est accumulée grâce aux organisations internationales et multilatérales, comme l’Organisation internationale du Travail, l’Organisation mondiale de la santé, le Programme des Nations Unies pour l’environnement, l’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture et l’Union européenne.

Les scientifiques russes et américains ont fait beaucoup dans ce domaine. En 1922, des études ont été menées en Russie pour établir des normes visant les produits chimiques en suspension dans l’air des espaces de travail clos, et la première norme adoptée portait sur la concentration maximale admissible (PDK) pour les gaz contenant du soufre. En 1930, il n’existait que 12 PDK; en 1960, leur nombre avait atteint 181.

La Conférence américaine des hygiénistes gouvernementaux du travail (American Conference of Governmental Industrial Hygienists (ACGIH)) a entrepris ses travaux en 1938 et a publié en 1946 la première liste des valeurs-seuils (Threshold limit values (TLV)) à 144 substances. Les TLV sont destinées uniquement à l’interprétation et à l’usage des spécialistes en ce domaine. Si une TLV est intégrée dans les normes de sécurité (dites nationales) et dans les normes fédérales, elle devient norme légale.

Présentement, plus de 1 500 PDK sur les aérocontaminants en milieu de travail ont été adoptées en Russie, et plus de 550 TLV pour les substances chimiques ont été recommandées aux Etats-Unis.

L’examen des normes d’hygiène effectué en 1980-81 a montré que 220 substances chimiques figurant sur la liste des PDK (Russie) et sur celle des TLV (Etats-Unis) présentaient les différences suivantes: un écart de deux à cinq fois les valeurs pour 48 substances (22%), de cinq à dix fois les valeurs pour 42 substances et de plus de dix fois les valeurs pour 69 substances (31%). Dix pour cent des TLV étaient 50 fois plus élevées que les CMA pour les mêmes substances. Les PDK, par contre, étaient plus élevées que les TLV pour 16 substances.

La divergence la plus importante concerne la classe des hydrocarbures chlorés. L’analyse de la liste des TLV effectuée en 1989-90 indique, en comparaison avec les PDK, une tendance à la réduction de celles qui avaient été recommandées auparavant pour les hydrocarbures chlorés et pour certains solvants. Les écarts entre les valeurs TLV et PDK pour la majorité des aérosols métalliques, des métalloïdes et de leurs composés étaient minimes, comme pour les gaz irritants. Les PDK pour le plomb, le manganèse et le tellure n’étaient pas les mêmes que les TLV dans 15, 16 et 10 cas, respectivement. Les plus grands écarts concernaient l’aldéhyde acétique et le formaldéhyde, soit 36 fois et 6 fois, respectivement. En général, les valeurs PDK adoptées en Russie sont inférieures aux TLV recommandées aux Etats-Unis.

Ces divergences s’expliquent par les principes qui servent à l’établissement des normes dans les deux pays et par la façon dont ces normes sont appliquées pour protéger la santé des travailleurs.

La PDK est une norme d’hygiène utilisée en Russie pour désigner la concentration d’une substance nocive en suspension dans l’air d’un lieu de travail qui, pour une journée de travail de huit heures ou pour toute autre période (mais au plus pour 41 heures par semaine durant la vie active d’une personne), ne provoquera pas, pendant ou après la vie active des générations actuelles et futures, de maladie ou de problème de santé que les méthodes de diagnostic existantes permettent de mettre en évidence. Ainsi, le critère utilisé pour définir la PDK n’autorise aucun effet nocif pour un travailleur ou pour sa descendance. La PDK est une concentration sûre.

La TLV désigne la concentration dans l’air d’une substance à laquelle la plupart des travailleurs peuvent être exposés, jour après jour, sans en subir d’effet nocif. Ces valeurs sont établies (et revues annuellement) par l’ACGIH et expriment des concentrations, pondérées en fonction du temps, pour une journée de travail normale de sept ou huit heures et pour une semaine de travail de 40 heures. Pour la plupart des substances, la valeur peut être dépassée jusqu’à un certain point, à condition qu’il y ait des périodes compensatoires d’exposition à des valeurs inférieures à la TLV au cours de la journée de travail (ou, dans certains cas, au cours de la semaine). Pour certaines substances, surtout celles qui provoquent une réaction rapide, la limite est une valeur plafond (c’est-à-dire une concentration maximale admissible) qui ne devrait jamais être dépassée. L’ACGIH déclare que les TLV devraient être utilisées comme des principes directeurs pour l’élimination des risques pour la santé, qu’elles ne constituent pas une ligne de démarcation précise entre les concentrations sûres et celles qui sont dangereuses et qu’elles ne sont pas non plus un indice relatif de toxicité.

La définition d’une TLV repose aussi sur le principe de l’inadmissibilité d’un effet nocif. Cependant, elle ne couvre pas toute la population active et il est admis qu’un faible pourcentage de travailleurs puissent subir des effets nocifs, voire être atteints de maladies professionnelles. C’est pourquoi les TLV ne sont pas sûres pour tous les travailleurs.

Selon les experts du BIT et de l’OMS, ces divergences résultent d’approches scientifiques différentes d’un certain nombre de facteurs interdépendants, y compris la définition d’un effet nocif sur la santé. En conséquence, les approches initiales distinctes pour limiter les risques chimiques conduisent à des principes métho- dologiques différents, dont les points essentiels sont présentés ci-après.

Les grands principes de la définition de normes d’hygiène concernant les substances dangereuses en suspension dans l’air des lieux de travail en Russie et aux Etats-Unis sont exposés, pour comparaison, au tableau 23.1. Le concept théorique du seuil est particulièrement important, car il représente la différence fondamentale entre les approches des spécialistes russes et américains pour l’établissement des normes. La Russie admet le concept du seuil pour tous les types d’effets dangereux des substances chimiques.

Tableau 23.1 Comparaison des principes présidant à l'établissement des normes russes
et américaines

Russie (PDK)

Etats-Unis (TLV)

Le seuil vaut pour tous les types d’effets nocifs. On évalue les changements dans les facteurs spécifiques et non spécifiques concernant les critères d’effet nocif.

Aucune reconnaissance d’un seuil pour les mutagènes et certaines substances cancérogènes. On évalue les change-ments dans les facteurs spécifiques et non spécifiques en fonction de la relation «dose-effet» et «dose-réponse».

Priorité des facteurs médicaux et biologiques sur les critères technologiques et économiques.

Priorité aux critères technologiques et économiques.

Evaluation toxicologique prospective et interprétation des normes avant la commercialisation des produits chimiques.

Etablissement rétrospectif des normes.

Par contre, la reconnaissance d’un seuil pour certains types d’effets appelle une distinction entre les effets toxiques et les effets non toxiques des substances chimiques. En conséquence, le seuil des effets nocifs pour la santé établi en Russie est la concentration (dose) minimale d’un produit chimique qui provoque des changements allant au-delà des réponses adaptives physiologiques ou qui engendre des pathologies latentes, c’est-à-dire dont les effets ne se feront sentir qu’ultérieurement (temporairement compensées). De plus, divers critères statistiques, métaboliques et cinétiques de toxicité des substances chimiques servent à établir la différence entre les réponses adaptives physiologiques et la compensation pathologique. Aux Etats-Unis, on a préconisé d’utiliser les changements pathomorphologiques et les symptômes narcotiques d’une lésion précoce pour établir les effets toxiques et non toxiques. Cela signifie que les méthodes choisies pour évaluer la toxicité sont plus sensibles en Russie qu’aux Etats-Unis, et c’est ce qui explique que les niveaux des PDK soient généralement inférieurs à ceux des TLV. Lorsque les critères de détection des effets toxiques et des effets non toxiques des produits chimiques sont très proches ou qu’ils coïncident presque, comme dans le cas des gaz irritants, les écarts entre les normes ne sont pas aussi importants.

Les progrès de la toxicologie ont conduit à de nouvelles méthodes de détection de changements mineurs dans les tissus: l’induction enzymatique dans le tissu hépatique réticulaire endoplas- mique lisse et l’hypertrophie réversible du foie. Ces changements peuvent apparaître après l’exposition à de faibles concentrations de nombreuses substances chimiques. Certains chercheurs considèrent qu’il s’agit là de réponses adaptives, tandis que d’autres les interprètent comme des lésions précoces. Aujourd’hui, l’une des tâches les plus difficiles de la toxicologie est d’obtenir des données montrant que les troubles enzymatiques ou du système nerveux et les changements dans les réactions comportementales sont le résultat de la détérioration des fonctions physiologiques, ce qui permettrait de prévoir des détériorations plus graves, voire irréversibles dans les cas d’exposition prolongée à des substances dangereuses.

Il faut souligner les différences dans la sensibilité des méthodes utilisées pour établir les PDK et les TLV. En Russie, les méthodes très sensibles des réflexes conditionnés ont été utilisées dans les études sur le système nerveux: c’est ce qui explique les écarts entre les deux types de valeurs. Cependant, l’utilisation de cette méthode n’est pas obligatoire pour établir des normes d’hygiène. De nombreuses méthodes ayant des degrés différents de sensibilité servent normalement à mettre au point les normes d’hygiène.

Un grand nombre d’études menées aux Etats-Unis en rapport avec l’établissement des limites d’exposition portent sur la transformation des composés industriels dans le corps humain (voies de pénétration, circulation, métabolisme, retrait, etc.). Les méthodes d’analyse chimique utilisées pour établir les valeurs PDK et TLV sont également la cause d’écarts dus aux différences de sélectivité, de précision et de sensibilité. L’OSHA tient compte d’un élément important dans le processus américain de normalisation, à savoir la «possibilité technique», pour l’industrie, de s’y conformer. C’est la raison pour laquelle certaines normes sont recommandées en fonction des concentrations les plus basses qui existent actuellement.

En Russie, les PDK sont établies selon la prévalence des caractéristiques biomédicales, et la possibilité technique de conformité est en fait ignorée. C’est ce qui explique en partie qu’elles soient inférieures aux TLV pour certaines substances chimiques.

Les PDK sont évaluées au moyen d’études toxicologiques avant que l’introduction d’une substance dans l’industrie ne soit autorisée. Un niveau préliminaire d’exposition sans danger est fixé durant la synthèse d’un produit chimique en laboratoire. Au stade de la conception du processus industriel, la valeur PDK est établie à la suite d’expériences concluantes sur des animaux. La PDK est corrigée après évaluation des conditions de travail et de la santé des travailleurs lorsque la substance est utilisée dans l’industrie. La plupart des niveaux d’exposition sans risque sont recommandés à l’issue d’expériences sur des animaux.

Aux Etats-Unis, la norme définitive est établie après l’introduction du produit chimique dans l’industrie, parce que la valeur des niveaux admissibles d’exposition est fondée sur l’évaluation de la santé. Tant que les différences entre les principes qui sous-tendent les PDK et les TLV existeront, il est peu probable que ces normes se rapprochent dans un avenir prévisible. On note cependant une tendance à l’abaissement de certaines TLV, ce qui permet de croire que le rapprochement n’est pas aussi impossible qu’il pourrait paraître.

LES ORGANISATIONS INTERNATIONALES GOUVERNEMENTALES ET NON GOUVERNEMENTALES

LA COOPÉRATION INTERNATIONALE EN MATIÈRE DE SANTÉ AU TRAVAIL: LE RÔLE DES ORGANISATIONS INTERNATIONALES

Georges H. Coppée

Le rôle des organisations internationales consiste essentiellement à offrir à la coopération internationale un cadre de travail organisé. Au cours des siècles, les peuples ont trouvé de nombreux moyens d’échanger des informations et des expériences. La coopération entre les pays, les scientifiques et les groupes professionnels s’est développée progressivement avec le temps, mais, dès le début du XXe siècle, il était devenu évident que certaines questions ne pouvaient être réglées que collectivement.

En général, on établit une distinction entre les organisations internationales, selon qu’elles soient intergouvernementales ou non gouvernementales. Les organisations intergouvernementales comprennent l’Organisation des Nations Unies (ONU) et ses institutions spécialisées. Il existe aussi de nombreuses autres organisations intergouvernementales, comme l’Organisation de coopé- ration et de développement économiques (OCDE), et des orga-nismes régionaux ou sous-régionaux comme l’Organisation de l’unité africaine (OUA) et l’Organisation des Etats américains (OEA), l’Union européenne (UE) (anciennement les Communautés européennes), le MERCOSUR (Marché commun du Sud — Mercado Común del Sur), la Communauté des Caraïbes (CARICOM), l’Association européenne de libre-échange (AELE) et l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) signé entre le Canada, les Etats-Unis et le Mexique.

Certaines organisations internationales non gouvernementales, comme la Commission internationale de la santé au travail (CIST) et l’Association internationale de la sécurité sociale (AISS), s’intéressent à tous les aspects de la sécurité et de la santé au travail. De nombreuses autres les inscrivent dans leurs activités, comme les organisations d’employeurs et de travailleurs et les associations internationales de diverses catégories professionnelles. Certaines organisations non gouvernementales, comme l’Organisation internationale de normalisation (ISO), s’occupent de mettre au point des normes techniques, et d’autres s’attachent à des domaines précis ou à des secteurs particuliers de l’activité économique.

De nombreuses organisations intergouvernementales et non gouvernementales s’intéressent à la sécurité et à la santé au travail, sous leurs aspects techniques, médicaux, sociaux et juridiques, qui rassemblent une variété de disciplines, de professions et de groupes sociaux. Il existe un réseau complet d’organisations dont les connaissances et les compétences peuvent servir à promouvoir l’échange d’informations et d’expériences entre les pays.

Les buts et les objectifs des organisations intergouvernementales

L’un des rôles importants des organisations internationales est de transposer les valeurs acceptées de tous en droits et en obligations. La Charte des Nations Unies (Nations Unies, 1944) décrit bien le rôle d’une organisation internationale qui fait partie du système des Nations Unies: «réaliser la coopération internationale en résolvant les problèmes internationaux d’ordre économique, social, intellectuel ou humanitaire, en développant et en encourageant le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales pour tous, sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion». Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels rappelle les principes établis dans la Charte des Nations Unies et reconnaît à chacun le droit à des conditions de travail saines et sûres.

Les buts et les objectifs des organisations internationales sont définis dans leur charte, leur constitution, leurs statuts ou autres documents de base. Par exemple, la Constitution de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) de 1978 déclare avoir pour but «l’admission de tous les peuples [...] [au] plus haut degré de santé». La protection des travailleurs contre les maladies générales ou professionnelles et les accidents du travail est l’une des tâches confiées à l’Organisation internationale du Travail (OIT) dans le Préambule de sa Constitution (voir ci-après et BIT, 1992). La Déclaration concernant les buts et objectifs de l’OIT, adoptée par la Conférence internationale du Travail à sa 26e session (Philadelphie, 1944), reconnaît l’obligation pour l’OIT de «seconder la mise en œuvre, parmi les différentes nations du monde, de programmes propres à réaliser [...] une protection adéquate de la vie et de la santé des travailleurs dans toutes les occupations».

La communauté internationale reconnaît l’interdépendance des pays dans certains domaines. L’un des rôles principaux des organisations intergouvernementales est de s’occuper des questions qui en relèvent. Le Préambule de la Constitution de l’OIT, adoptée en 1919, déclare que «la non-adoption par une nation quelconque d’un régime de travail réellement humain fait obstacle aux efforts des autres nations désireuses d’améliorer le sort des travailleurs dans leurs propres pays» et considère qu’«une paix universelle et durable ne peut être fondée que sur la base de la justice sociale». La Déclaration de Philadelphie proclame que «la pauvreté, où qu’elle existe, constitue un danger pour la prospérité de tous». Selon la Constitution de l’OMS, «l’inégalité des divers pays en ce qui concerne l’amélioration de la santé et la lutte contre les maladies, en particulier les maladies transmissibles, est un péril pour tous», et «les résultats atteints par chaque Etat dans l’amélioration et la protection de la santé sont précieux pour tous». Le rôle des organisations internationales est d’assurer une continuité et de créer une stabilité dans le temps pour atteindre des objectifs de politique à long terme, alors que ce sont souvent les mesures à court et à moyen terme qui sont la règle au niveau national, en raison des conditions économiques et sociales et des circonstances politiques propres à chaque pays.

Chaque organisation internationale se voit confier par ses membres un mandat dans lequel figurent des questions particulières, comme la sécurité et la santé au travail. Les organisations intergouvernementales ont en commun d’offrir des orientations, de formuler des recommandations et de mettre au point des normes. Les instruments internationaux créés dans le système des Nations Unies et applicables au niveau national se classent en deux catégories: les instruments non contraignants, qui prennent habituellement la forme de recommandations ou de résolutions et peuvent servir de base à l’adoption de lois nationales; les instruments de caractère obligatoire, qui comportent l’engagement d’aligner les lois et les pratiques nationales sur les décisions prises au niveau international. La plupart des instruments contraignants prennent la forme de conventions internationales qui exigent une ratification, un acte d’approbation ou une adhésion par lesquels l’Etat accepte les obligations qui en découlent.

Les organisations internationales constituent un forum où leurs membres arrêtent des politiques et des stratégies communes dans de nombreux domaines, dont celui qui nous préoccupe ici, la sécurité et la santé au travail. Les pays y confrontent leurs valeurs et leurs opinions, échangent des informations et des expériences, discutent, proposent des solutions et déterminent les façons de travailler ensemble pour atteindre des objectifs, afin de dégager un consensus, de trouver un accord ou d’adopter des conventions internationales qui définissent ce qu’il est bon de faire et ce qu’il ne faudrait pas faire.

Une organisation internationale présente l’avantage de fournir aux débats internationaux un cadre défini, régi par des règles et une procédure sur lesquelles les parties se sont entendues au préalable; elle permet aussi de nouer des contacts à la fois officieux et diplomatiques beaucoup plus larges qu’il n’est possible de le faire au niveau national. Différents groupes ou pays qui rencontrent les mêmes problèmes peuvent comparer leurs approches et affiner leurs stratégies. Dans une perspective internationale, il est plus facile d’être objectif sur des questions difficiles, mais précises, liées aux dispositions institutionnelles nationales ou à des conditions historiques particulières. Des partenaires sociaux qui se rencontrent rarement dans leur pays s’assoient à la même table, le dialogue est renouvelé, et l’espoir d’un consensus peut renaître, alors qu’il était parfois impossible au niveau national. Les groupes de pression peuvent jouer le rôle de catalyseur dans l’élaboration d’un consensus, sans avoir à déployer des stratégies agressives. Des échanges d’informations et d’expériences peuvent non seulement avoir lieu dans des conférences internationales, mais encore les divers groupes peuvent y mesurer l’accueil réservé dans le monde à leurs idées, à leurs valeurs et à leurs politiques.

Dans la pratique, les organisations intergouvernementales sont associées à des activités très variées — échange d’informations, transfert de connaissances, harmonisation de la terminologie et des concepts, recherche de consensus, adoption de codes de conduite et de directives pratiques, promotion et coordination de la recherche. La plupart des organisations internationales exécutent aussi des programmes et activités destinés à aider leurs Etats Membres à atteindre les objectifs liés à leur mandat, y compris par la coopération technique. Les organisations internationales disposent de très nombreux moyens d’action — rapports et études, réunions d’experts, séminaires, ateliers, symposiums, conférences, services consultatifs techniques, échanges d’informations, centres de documentation. Au fil du temps, les mandats des organisations internationales ont été élargis et précisés dans les résolutions et les programmes approuvés par leurs membres réunis en assemblée générale, comme la Conférence internationale du Travail ou l’Assemblée mondiale de la santé.

L’Organisation des Nations Unies et ses institutions spécialisées

Dans le système des Nations Unies, deux institutions s’occupent directement de la sécurité et de la santé au travail: l’Organisation internationale du Travail (OIT) et l’Organisation mondiale de la santé (OMS). L’OIT présente un caractère unique, le tripartisme: ses mandants sont des gouvernements, des employeurs et des travailleurs. Elle se caractérise aussi par ses activités de normalisation; en effet, la Conférence internationale du Travail adopte des conventions et des recommandations internationales. Puisque le milieu de travail est considéré comme faisant partie intégrante de l’environnement humain (OIT/PNUE/OMS, 1977), le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) s’occupe aussi de cette question, particulièrement en ce qui concerne les produits chimiques. Son Registre international des substances chimiques potentiellement toxiques (RISCPT) est établi en collaboration étroite avec l’OIT et l’OMS et s’insère dans le Programme international sur la sécurité des substances chimiques (PISSC).

Outre leur siège social, les organisations internationales ont des structures et des institutions ou des organes spécialisés sur le terrain, comme le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), de l’OMS, et le Centre panaméricain d’écologie et de santé (Pan-American Centre for Human Ecology and Health (ECO)), qui contribue à la mise en œuvre du programme régional de santé au travail de l’Organisation panaméricaine de la santé (OPS). Le Centre international de formation de l’OIT, à Turin (Italie), exerce des activités de formation à la sécurité et à la santé au travail et met au point du matériel didactique pour différentes catégories  professionnelles,  et  l’Institut  international  d’études sociales (IIES) se penche de temps à autre sur ces questions. L’OIT et l’OMS ont des bureaux régionaux, des bureaux de zone et des correspondants nationaux. Des conférences régionales de l’OIT et de l’OMS ont lieu périodiquement. L’OPS, fondée en 1902, est aussi le Bureau régional de l’OMS pour les Amériques. En 1990, la Conférence sanitaire panaméricaine a adopté une résolution sur la santé au travail (OPS, 1990), qui a défini les principes directeurs du programme de l’OPS et désigné 1992 comme «l’Année de la santé des travailleurs des Amériques» («The Year of Workers’ Health in the Americas»).

Le siège et les bureaux extérieurs de l’OIT soutiennent l’engagement et les activités de ses Etats Membres en matière de sécurité et de santé au travail dans le cadre de son Programme international pour l’amélioration des conditions et du milieu de travail (PIACT) (BIT, 1984). Ce programme comprend une grande variété de services de consultation et de coopération technique dans le monde entier. L’OIT a adopté une politique de partenariat actif (PPA) afin de se rapprocher de ses mandants dans les Etats Membres; elle a pour cela renforcé ses structures extérieures, le plus souvent en créant des équipes multidisciplinaires (EMD).

De nombreuses institutions spécialisées des Nations Unies jouent un rôle important pour des aspects précis de la sécurité et de la santé au travail, par exemple l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), qui s’intéresse à la sécurité nucléaire, à la protection des travailleurs contre les rayonnements et à la sécurité des sources de rayonnement. L’Organisation des Nations Unies pour le développement industriel (ONUDI) s’occupe de la sécurité et de la santé au travail dans des secteurs précis de l’industrie et elle s’engage aussi, avec le PNUE et la Banque mondiale, dans la préparation de directives pour la prévention et la lutte contre la pollution industrielle, qui englobent les questions de sécurité et de santé au travail. L’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) s’efforce de promouvoir la sécurité dans l’utilisation des pesticides (FAO, 1985), ainsi que la sécurité et la santé du travail en forêt; elle a conclu des accords de coopération avec l’OIT et la Commission économique des Nations Unies pour l’Europe.

Le Comité d’experts en matière de transport des marchandises dangereuses du Conseil économique et social des Nations Unies a préparé des recommandations qui servent de guide pour la rédaction des lois nationales et l’uniformisation des diverses méthodes de transport dans le monde. L’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) a établi des normes internationales pour la conduite des aéronefs et elle a publié un manuel de médecine pour l’aéronautique civile qui traite des aspects liés à la santé du personnel navigant. L’Organisation maritime internationale (OMI) a adopté en 1974 une convention internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer (convention SOLAS). L’OMS, l’OIT et l’OMI ont rédigé un Guide médical international de bord comprenant, outre la section consacrée à la pharmacie de bord, la section médicale du Code international des signaux. Ces trois organisations ont aussi rédigé conjointement un Guide des soins médicaux d’urgence à donner en cas d’accidents dus à des substances dangereuses.

Les organismes de financement, comme le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), soutiennent financièrement, depuis vingt-cinq ans, un grand nombre de projets de sécurité et de santé au travail dans plusieurs pays, notamment pour l’établissement d’instituts nationaux. Les agents d’exécution de ces projets sont l’OIT, l’OMS ou les deux conjointement. Dans ses projets de développement économique, la Banque mondiale prend en compte l’environnement, la santé et l’écologie humaine (Banque mondiale, 1985), dont la sécurité et la santé au travail. En 1987, la Banque mondiale a entrepris un grand effort pour intégrer les enjeux environnementaux dans tous les aspects de ses activités. Cet engagement vise à renforcer sur le plan local les capacités institutionnelles aux fins de la gestion de l’environnement, à mieux reconnaître la nécessité d’inscrire les questions d’environnement dans le travail sectoriel, et à mettre l’accent sur les aspects sociaux du développement durable (Banque mondiale, 1993a). De plus, le Rapport Investir dans la santé examine les relations entre la santé humaine, la politique de santé et le développement économique (Banque mondiale, 1993b).

Les autres organisations intergouvernementales

Les activités de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) sont particulièrement importantes dans les domaines de l’hygiène du milieu, de la sécurité chimique, des méthodes d’évaluation des risques chimiques et de la protection contre les rayonnements. Le Conseil de l’Europe a adopté un certain nombre de résolutions en matière de sécurité et de santé au travail concernant, par exemple, les services de sécurité dans les entreprises. La Charte sociale européenne, adoptée par le Conseil de l’Europe en 1961, reconnaît le droit de tous les travailleurs à la sécurité et à l’hygiène dans le travail. Le Conseil nordique se préoccupe des problèmes de sécurité et de santé au travail et de l’environnement; il formule des recommandations concernant les substances toxiques et dangereuses, la sûreté nucléaire et la protection contre les rayonnements, ainsi que des plans d’action visant le milieu de travail. L’Organisation arabe du travail, créée en 1965, est une institution spécialisée de la Ligue arabe; elle effectue des études et mène des recherches sur la sécurité industrielle et la santé au travail. Les pays du MERCOSUR ont créé une commission spéciale pour l’harmonisation des lois relatives à la sécurité et à la santé au travail.

L’Union européenne adopte des directives qui ont force exécutoire dans ses Etats membres et qui doivent être transformées en lois nationales. Les directives européennes visent l’ensemble du domaine de la sécurité et de la santé au travail afin de rapprocher les législations nationales, compte tenu du principe de la subsidiarité. Il y a trois niveaux de directives: les directives-cadres, telle la directive concernant la mise en œuvre de mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail (89/391), les directives traitant des risques professionnels (plomb, amiante, bruit, rayonnements ionisants, etc.) et, enfin, celles qui établissent les règles de conception du matériel de travail. Des normes techniques sont élaborées par le Comité européen de normalisation (CEN) et le Comité européen de normalisation électrotechnique (CENELEC). La Commission de l’Union européenne (l’ancienne Commission des Communautés européennes) établit des directives et exécute un important programme de sécurité et de santé au travail (Commission des Communautés européennes, 1989). La Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail, ou Fondation de Dublin, mène des activités relatives à la sécurité et à la santé au travail; un groupe de travail étudie les stratégies européennes de santé professionnelle. L’année 1992 a été désignée l’Année européenne de la sécurité, de l’hygiène et de la protection de la santé au travail, et un grand nombre d’activités ont été organisées à cette occasion dans les pays de l’Union européenne. Une Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail a été constituée en organisme spécialisé de l’Union européenne à Bilbao (Espagne).

Les organisations internationales non gouvernementales

Des scientifiques, des spécialistes et d’autres groupes ont aussi ressenti le besoin d’une coopération internationale et ont créé des organisations internationales non gouvernementales. Ces dernières peuvent être composées de spécialistes, d’associations nationales de spécialistes ou encore d’institutions. La Commission internationale de la santé au travail (CIST) a été fondée en 1906 sous le nom de Commission internationale permanente pour la médecine du travail. Il en est question dans un autre article du présent chapitre.

L’Association internationale de la sécurité sociale (AISS) est une organisation internationale d’organismes officiels chargés d’administrer la sécurité sociale; elle offre depuis 1954 un programme de prévention des risques professionnels. Il en est question ci-après dans le présent chapitre.

Si la CIST et l’AISS s’intéressent à tout le domaine de la sécurité et de la santé au travail, bon nombre d’organisations non gouvernementales s’occupent de secteurs précis de l’activité économique, comme l’agriculture, ou de domaines particuliers aussi variés que la technologie, la toxicologie, la psychologie, l’organisation du travail, la sûreté des procédés, l’ergonomie, l’épidémiologie, la médecine sociale, les appareils de levage, la manutention des marchandises, les appareils sous pression, le transport des conteneurs et des matières dangereuses, la signalisation de sécurité, la sécurité routière et la sûreté nucléaire. De nombreuses organisations non gouvernementales s’occupent de l’environnement et de la protection des consommateurs, entre autres l’Union internationale pour la conservation de la nature et de ses ressources (International Union for Conservation of Nature and Natural Resources), l’ Union mondiale pour la nature (World Conservation Union (IUCN)) et l’Organisation internationale des unions de consommateurs (International Organization of Consumers Unions (IOCU)). Elles s’intéressent à l’hygiène du milieu et, jusqu’à un certain point, à l’hygiène au travail, en particulier à la sécurité dans l’utilisation des produits chimiques et des pesticides.

Dans le domaine de la protection des travailleurs, des patients et de la population contre les effets nocifs des rayonnements ionisants, les travaux de la Commission internationale de protection radiologique (CIPR) sont reconnus dans le monde entier et servent de base aux recommandations des organisations intergouvernementales. La CIPR a créé une Commission internationale de protection contre les rayonnements non ionisants, qui publie des directives sur les limites d’exposition et contribue aux publications du BIT et de l’OMS sur la question. De nombreuses autres organisations ou associations internationales non gouvernementales pourraient être mentionnées pour leur rôle dans le secteur de la sécurité et de la santé au travail ou leurs travaux sur des aspects particuliers, notamment l’Association internationale d’ergonomie, la Société d’ergonomie de langue française (SELF), le Conseil international des infirmières (CII), le Conseil interaméricain de sécurité, l’Association internationale de l’inspection du travail (AIIT), l’Association internationale d’hygiène du travail, l’Association internationale de médecine agricole et de santé rurale, l’Association internationale d’hygiène publique et rurale, l’Association latino-américaine de la santé et de l’hygiène du travail (ALASEHT), la Fédération internationale des associations de spécialistes de la sécurité et de l’hygiène du travail, l’Association européenne des écoles de médecine du travail, la Fédération mondiale des associations des centres de toxicologie clinique et des centres antipoison et le Conseil international de la sécurité, une filiale mondiale du Conseil national de la sécurité (National Safety Council (NSC)) des Etats-Unis.

Un autre groupe d’organisations non gouvernementales se propose d’élaborer des normes techniques, par exemple l’Organisation internationale de normalisation (ISO) et la Commission électrotechnique internationale (CEI). Un article du présent chapitre est consacré à l’ISO.

Les organisations internationales d’employeurs et de travailleurs jouent un grand rôle dans la définition des politiques et de l’ordre de priorité en matière de sécurité et de santé au travail au niveau international. Leur participation est importante parce que les législations nationales rendent les employeurs responsables de la protection contre les risques professionnels et que les principaux intéressés sont les travailleurs eux-mêmes, puisque c’est leur santé et leur sécurité qui sont en jeu. Un bon nombre d’organisations internationales d’employeurs et de travailleurs s’occupent de la sécurité et de la santé au travail en général, et notamment l’Organisation internationale des employeurs (OIE), l’Union des confédérations de l’industrie et des employeurs d’Europe (UNICE), la Confédération internationale des syndicats libres (CISL), la Confédération mondiale du travail (CMT) et la Fédération syndicale mondiale (FSM). Il existe de nombreuses organisations de syndicats internationaux qui traitent des risques propres à leur branche d’activité, par exemple la Fédération internationale des syndicats des travailleurs de la chimie, de l’énergie, des mines et des industries diverses, la Fédération internationale des organisations de travailleurs de la métallurgie (FIOM), la Fédération internationale des travailleurs du bâtiment et du bois (FITBB), la Fédération internationale des travailleurs des plantations, de l’agriculture et des secteurs connexes (FITPASC) et la Fédération internationale des employés, techniciens et cadres (FIET). Il existe aussi des organisations régionales, comme l’Organisation de l’unité syndicale africaine (OUSA) et la Confédération européenne des syndicats (CES) qui a institué un Bureau technique syndical européen pour la sécurité et la santé au travail (BTS). Leurs activités sont très variées: diffusion d’informations, conseils techniques et formation en matière de sécurité et de santé au travail.

Les producteurs, les fabricants et les entrepreneurs jouent aussi un rôle actif dans le secteur de la sécurité et de la santé au travail, soit par l’entremise de leurs associations, soit dans les instituts et organes qu’ils ont créés, comme le Conseil international des associations de chimie, le Conseil européen des fédérations de l’industrie chimique (CEFIC), le Groupement international des associations nationales de fabricants de produits agrochimiques (GIFAP), l’Association internationale pour le transport aérien (IATA), l’Association mondiale des exploitants de centrales nucléaires, la Société de génie en éclairagisme, l’Association internationale de l’amiante (AIA), le Groupe international sur la sécurité dans l’utilisation des fibres, et le Conseil pour la prévention de l’hépatite virale (l’hépatite B en tant que risque professionnel). De plus, un certain nombre d’institutions et d’organismes internationaux créés par des producteurs, des fabricants et leurs organisations élaborent des activités liées à la protection de l’environnement et à l’hygiène du milieu, ce qui peut à l’occasion toucher la santé professionnelle: le Centre international pour l’industrie et l’environnement, le Conseil international des métaux et de l’environnement, l’Institut international d’aluminium primaire, et l’Organisation européenne des compagnies pétrolières pour la protection de l’environnement et de la santé.

Enfin, il existe de nombreuses organisations internationales non gouvernementales créées par des scientifiques, des associations professionnelles ou des groupes unis par un même intérêt pour les sciences, les questions humanitaires ou économiques qui, sans traiter directement de la santé au travail, s’occupent de questions scientifiques, techniques, médicales ou sociales connexes: l’Association médicale mondiale (AMM), le Conseil des organisations internationales des sciences médicales, l’Union internationale de chimie pure et appliquée (UICPA), le Conseil international du bâtiment pour la recherche, l’étude et la documentation (CIB), l’Association internationale d’épidémiologie, la Société internationale de droit du travail et de la sécurité sociale et le Bureau international pour l’épilepsie, qui a rédigé un recueil de directives pratiques pour l’emploi d’épileptiques.

Les programmes conjoints de collaboration internationale

Il est intéressant de voir comment les organisations internationales se complètent les unes les autres et mobilisent leurs moyens d’intervention pour lutter contre des risques professionnels précis. En ce qui concerne le bruit et les vibrations, par exemple, la CEI établit des normes pour les instruments de mesure, l’ISO définit les méthodes de mesure, l’OMS fixe les critères sanitaires. Le BIT recommande des limites d’exposition dans son Recueil de directives pratiques sur la protection des travailleurs contre le bruit et les vibrations et définit une approche et une stratégie globales dans la convention (no 148) et la recommandation (no 156) sur le milieu de travail (pollution de l’air, bruit et vibrations), 1977.

Le rôle des organisations internationales prend de plus en plus la forme d’une collaboration dans des programmes internationaux ou des opérations conjointes auxquels participent des pays et des organisations intergouvernementales et non gouvernementales. La coopération internationale en matière de protection contre les rayonnements ionisants et de promotion de la sécurité chimique ne sont que deux exemples de ces activités.

Dans le domaine de la protection contre les rayonnements ionisants, la Commission internationale de protection radiologique (CIPR) et le Comité scientifique des Nations Unies pour l’étude des effets des rayonnements ionisants (UNSCEAR) fournissent les données scientifiques. L’OIT a adopté en 1960 la convention (no 115) et la recommandation (no 114) sur la protection contre les radiations, qui renvoient expressément aux directives de la CIPR. D’autres orientations sont données dans différents codes de bonne pratique de l’AIEA coparrainés par l’OIT et l’OMS, le cas échéant, et dans le Recueil de directives pratiques en matière de protection contre les radiations (rayonnements ionisants) publié en 1987 par le BIT. A ces documents s’ajoutent des guides, des manuels, du matériel de formation et des documents techniques publiés surtout par l’AIEA et par l’Agence de l’OCDE pour l’énergie nucléaire (AEN). La coopération technique dans ce domaine est assurée principalement par l’AIEA; d’autres organisations y participent, s’il y a lieu.

En 1990, un pas important a été franchi vers l’harmonisation, au niveau international, des mesures de protection contre les rayonnements: le Comité interorganisations de sûreté radiologique (CISR) a été créé pour servir de lieu de consultation et de collaboration entre les organisations internationales. Un secrétariat commun a été mis sur pied afin de réviser l’édition de 1982 des Normes fondamentales de protection contre les rayonnements ionisants et de sûreté des sources de rayonnements de l’AIEA, de l’OIT, de l’OMS et de l’AEN (OCDE). Six organisations internationales, soit la FAO, l’AIEA, l’OIT, l’AEN (OCDE), la PAHO et l’OMS, ont conjugué leurs efforts pour élaborer des normes internationales aux fins d’aider les Etats Membres à rédiger leur propre législation. Sous la direction de l’AIEA, une grande consultation des pays et des organisations intergouvernementales et non gouvernementales, y compris les organisations d’employeurs et de travailleurs, a abouti à l’élaboration des Normes fondamentales internationales de protection contre les rayonnements ionisants et de sûreté des sources de rayonnements (AIEA, 1994), qui peuvent être considérées comme les normes communes du système des Nations Unies.

La coopération internationale en vue de promouvoir la sécurité chimique illustre la façon dont les organisations internationales interagissent et répondent aux préoccupations exprimées par la communauté internationale; elle montre comment les déclarations générales de principes adoptées lors de conférences intergouvernementales se traduisent en programmes d’action et en travaux pratiques fondés sur des connaissances scientifiques. De l’avis général, l’évaluation des produits chimiques devrait se préoccuper des risques d’exposition pour les travailleurs, pour la population et pour l’environnement. Le fait que l’évaluation des risques soit effectuée dans un cadre international permet de mobiliser les compétences et les ressources disponibles, qui ne sont pas illimitées. C’est pourquoi le Programme international sur la sécurité des substances chimiques (PISSC) a été lancé en 1980 par l’OMS, le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) et l’OIT. L’engagement de ces trois organisations à collaborer a fait l’objet d’un mémorandum d’accord, conclu en 1988, qui définit les objectifs du PISSC. Le côté technique du PISSC s’appuie sur un réseau d’institutions nationales et internationales qui participent aux travaux et sont responsables de tâches particulières. Le programme maintient des relations de travail étroites et efficaces avec plusieurs autres organisations et associations intergouvernementales et non gouvernementales, ainsi qu’avec des organismes professionnels qui exercent des activités importantes dans le domaine de la sécurité chimique.

La Conférence des Nations Unies sur l’environnement et le développement (CNUED), réunie à Rio de Janeiro en 1992, a reconnu la nécessité d’assurer une gestion écologiquement rationnelle des substances chimiques toxiques et elle a établi six domaines ouverts à la coopération internationale:

  1. l’élargissement et l’accélération de l’évaluation internationale des risques chimiques;
  2. l’harmonisation de la classification et de l’étiquetage des produits chimiques;
  3. l’échange d’informations sur les produits chimiques toxiques et les risques chimiques;
  4. la mise en place de programmes de réduction des risques;
  5. le renforcement des moyens et du potentiel dont dispose chaque pays pour gérer les produits chimiques;
  6. la prévention du trafic international illicite de produits toxiques et dangereux.

Cet événement a été suivi en 1994 par la Conférence internationale sur la sécurité chimique (Stockholm), qui a créé le Forum intergouvernemental sur la sécurité chimique, déterminé un certain nombre d’actions prioritaires et invité les organisations intergouvernementales à participer à un vaste programme commun sur cette question. Le Programme interorganisations pour la gestion écologiquement rationnelle des produits chimiques, bénéficie de la participation de l’OMS, de l’OIT, du PNUE, de la FAO, de l’ONUDI et de l’OCDE. Il a mis sur pied un comité de coordination des travaux réalisés, soit seules, soit conjointement par les organisations participantes et assure le suivi de l’application des recommandations de la CNUED.

On constate une tendance de plus en plus forte à mobiliser les compétences et les ressources dans des activités conjointes. C’est le cas, par exemple, dans le domaine de la formation et de l’échange d’informations sur la sécurité et la santé au travail. Pour ce qui a trait à la biosécurité, une coopération s’est instaurée entre l’ONUDI, le PNUE, l’OMS et la FAO, et certaines activités ont été menées dans le cadre du PISSC. L’ONUDI a été désignée pour assurer le suivi concernant le chapitre 16 d’Action 21 (la gestion écologiquement rationnelle des biotechniques) de la Conférence de Rio, pour servir de catalyseur aux activités et aux programmes conjoints et élaborer pour l’ensemble du système des Nations Unies des stratégies concernant les biotechniques. L’OCDE mène un programme sur les aspects environnementaux de la biotechnologie. Une directive européenne concernant la protection des travailleurs contre les risques liés à l’exposition pendant le travail à des agents biologiques (90/679/CEE et 93/88/CEE) a été adoptée en 1990 et modifiée en 1993. En 1993, la Conférence internationale du Travail a adopté une résolution concernant l’exposition aux agents biologiques en milieu de travail et sur la sécurité dans l’utilisation de ces agents; elle préconise l’étude de cette question et l’adoption de nouveaux instruments internationaux (une recommandation, une convention, voire les deux) afin de réduire au minimum les risques pour les travailleurs, la population et l’environnement.

Deux autres exemples ont trait à la protection des travailleurs contre les rayonnements non ionisants et à l’harmonisation des systèmes de classification et d’étiquetage des produits chimiques. L’OMS, le PNUE et la Commission internationale de protection contre les rayonnements non ionisants ont préparé des documents sur les critères à respecter. Une collaboration plus large dans ce domaine, y compris l’exposition en milieu de travail, est en train de s’établir notamment entre l’OIT, la Commission de l’Union européenne, la Commission électrotechnique internationale (CEI), le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) et le Comité scientifique de la CIST sur les rayonnements en milieu de travail. L’harmonisation des systèmes de classification et d’étiquetage des produits chimiques est un domaine où l’OIT encourage et mène une vaste coopération entre les pays, les organisations intergouvernementales (par exemple, l’OCDE et l’Union européenne), les organisations non gouvernementales (organisations d’employeurs et de travailleurs, associations internationales de protection des consommateurs et de l’environnement), le Comité d’experts des Nations Unies en matière de transport des marchandises dangereuses, la FAO, le PNUE, l’OMS, l’OMI et l’OACI.

Dans beaucoup d’autres domaines, de nouvelles formules flexibles de coopération internationale voient le jour ou pourraient être adoptées par les pays et les organisations internationales, par exemple le stress en milieu de travail et la lutte contre les pneumoconioses professionnelles, en particulier la silicose. Le réseau international de sécurité et de santé au travail est en plein développement et vise, par exemple, la coordination des recherches. On aurait avantage à établir un réseau international pour la sécurité et la santé au travail à partir des structures existantes dans les organisations internationales, tels les Centres collaborateurs de l’OMS, les comités scientifiques de la CIST, les sections internationales de l’AISS, les correspondants nationaux du RISCPT, les centres de liaison de la procédure d’information complémentaire de l’OCDE, les institutions participant au PISSC, les centres nationaux et de collaboration du Centre international d’information de sécurité et de santé au travail (CIS) du BIT et les organes désignés du Système international d’alerte pour la sécurité et la santé des travailleurs du BIT.

Les objectifs communs et les approches complémentaires en matière de santé au travail

Dans ce domaine, les objectifs ultimes de l’OMS et de l’OIT sont les mêmes: protéger et promouvoir la santé des travailleurs de toutes les professions. Les principes directeurs sont établis par l’OIT, dans les conventions et les recommandations sur la sécurité et la santé au travail, et par l’OMS, dont l’Assemblée adopte des résolutions concernant la santé professionnelle et les soins de santé primaires.

Depuis la Conférence sur les soins de santé primaires réunie à Alma-Ata en 1978, le programme de santé professionnelle de l’OMS a tenté d’étendre ses activités de protection et de promotion de la santé à tous les travailleurs, en particulier aux populations laborieuses sous-desservies et vulnérables. La 40e Assemblée mondiale de la santé a demandé au Directeur général de l’OMS:

  1. de promouvoir l’exécution du programme de santé des travailleurs en étroite collaboration avec les autres programmes connexes, dans le cadre de systèmes nationaux de santé fondés sur les soins de santé primaires;
  2. d’élaborer des lignes directrices pour les soins de santé primaires dispensés sur les lieux de travail, en particulier à l’intention des populations laborieuses sous-desservies et vulnérables, y compris les matériels éducatifs nécessaires aux différents niveaux;
  3. d’établir des lignes directrices pour la promotion de la santé sur les lieux de travail avec le concours des Centres collaborateurs de l’OMS;
  4. de promouvoir, selon les besoins, des activités régionales concernant la santé des travailleurs.

La deuxième réunion des Centres collaborateurs de l’OMS pour la santé des travailleurs (52 instituts de recherche et organismes spécialisés, répartis dans 35 pays), qui a eu lieu à Beijing, en octobre 1994, a adopté une «Stratégie mondiale de la santé pour tous au travail» et elle a recommandé que ce document soit présenté à l’OMS pour qu’elle en fasse sa propre stratégie, ce qui fut fait en mai 1996, avec le soutien de l’OIT.

Les conventions et les recommandations internationales du travail sur la sécurité et la santé au travail définissent les droits des travailleurs ainsi que les devoirs et responsabilités qui incombent aux autorités compétentes, aux employeurs et aux travailleurs à cet égard. Les conventions et les recommandations adoptées par la Conférence internationale du Travail forment ensemble le Code international du travail, qui définit les normes minimales dans ce domaine. La politique de l’OIT concernant la sécurité et la santé au travail est exposée, pour l’essentiel, dans deux conventions et dans les recommandations qui les accompagnent, soit la convention (no 155) et la recommandation (no 164) sur la sécurité et la santé des travailleurs, 1981, qui prévoient l’adoption d’une politique nationale en matière de sécurité et de santé au travail et décrivent les mesures à prendre au niveau national et dans l’entreprise afin de favoriser la sécurité et la santé au travail et d’améliorer le milieu de travail, et la convention (no 161) et la recommandation (no 171) sur les services de santé au travail, 1985, qui prévoient la création de services de santé au travail qui contribueront à la mise en œuvre de la politique et exerceront leurs fonctions dans l’entreprise.

En 1984, la Conférence internationale du Travail a adopté une résolution concernant l’amélioration des conditions et du milieu de travail dans laquelle elle rappelle que c’est là une composante essentielle de la promotion de la justice sociale. Elle souligne que l’amélioration des conditions et du milieu de travail favorise le développement national et permet de mesurer le succès de toute politique économique et sociale. Elle pose trois principes fondamentaux:

La stratégie de l’OIT pour l’amélioration des conditions et du milieu de travail et le programme de l’OMS concernant les soins de santé primaires ont de nombreux points communs. Ils reposent en effet tous deux sur des principes fondamentaux analogues:

  1. ils visent toutes les personnes intéressées, tant les travailleurs que la population;
  2. ils définissent les politiques, les stratégies et les moyens d’action;
  3. ils soulignent la responsabilité de chaque employeur d’assurer la sécurité et la santé des travailleurs;
  4. ils insistent sur la prévention primaire, sur la limitation des risques à la source et sur l’éducation à la santé;
  5. ils accordent une importance particulière à l’information et à la formation;
  6. ils indiquent la nécessité de mettre sur pied des services de santé au travail accessibles à tous et disponibles sur les lieux de travail;
  7. ils reconnaissent que la participation est essentielle: la participation des collectivités aux programmes de santé et la participation des travailleurs à l’amélioration des conditions et du milieu de travail;
  8. ils mettent en lumière les liens entre la santé, l’environnement et le développement et entre la santé professionnelle, la sécurité au travail et l’emploi productif.

La tendance actuelle à la mondialisation de l’économie et à l’intégration régionale accroît l’interdépendance et la nécessité de la coopération entre les pays. Le présent aperçu montre bien qu’il existe des approches, des politiques et des objectifs communs en matière de sécurité et de santé au travail. Il existe également une structure sur laquelle édifier une collaboration mondiale. Tel est l’objectif du Programme mondial sur la sécurité et la santé au travail et l’environnement que l’OIT a lancé en 1998.

L’ORGANISATION DES NATIONS UNIES ET LES INSTITUTIONS SPÉCIALISÉES*

* Cet article est tiré de l'ouvrage intitulé ABC des Nations Unies (Nations Unies, 1994).

L’origine des Nations Unies

En 1992, l’Organisation des Nations Unies était composée de 179 Etats qui ont pris l’engagement juridique de coopérer à l’application des principes et à la réalisation des objectifs inscrits dans sa Charte, à savoir: éliminer la guerre, promouvoir les droits de l’homme, faire respecter la justice et le droit international, promouvoir le progrès social et les bonnes relations entre les nations, et utiliser l’Organisation pour harmoniser les actions qu’elle mène à cette fin.

La Charte des Nations Unies a été rédigée aux derniers jours de la deuxième guerre mondiale par les représentants de cinquante gouvernements à la Conférence des Nations Unies sur l’organisation internationale (1945). Elle a été élaborée à partir des propositions mises au point par les représentants de la Chine, des Etats-Unis, de la France, du Royaume-Uni et de l’Union soviétique. Elle a été adoptée et signée le 26 juin 1945.

L’ONU a fourni un toit et des secours à des millions de réfugiés victimes de la guerre et de la persécution. Elle a servi de catalyseur important dans le passage d’une centaine de millions de personnes du régime colonial à l’indépendance et la souveraineté. Elle a mis en place des opérations de maintien de la paix pour contenir les hostilités et favoriser le règlement des conflits. Elle a développé et codifié le droit international. Elle a fait disparaître la variole de la surface du globe. En cinquante ans d’existence, elle a adopté quelque soixante-dix instruments juridiques destinés à favoriser ou à imposer le respect des droits de l’homme, accompagnant ainsi l’humanité dans son évolution historique vers une liberté plus grande à laquelle le monde aspire.

La composition

Aux termes de la Charte, peuvent devenir Membres des Nations Unies tous les Etats pacifiques qui en acceptent les obligations et, au jugement de l’Organisation, sont capables de les remplir et disposés à le faire. Les nouveaux Etats Membres sont admis par décision de l’Assemblée générale sur recommandation du Conseil de sécurité. La Charte prévoit aussi la suspension ou l’expulsion d’un Membre qui enfreindrait ses principes, mais une mesure de cet ordre n’a jamais été prise jusqu’à ce jour.

Les langues officielles

Aux termes de la Charte, les langues officielles des Nations Unies sont l’anglais, le chinois, l’espagnol, le français et le russe. L’arabe a été ajouté comme langue officielle de l’Assemblée générale, du Conseil de sécurité et du Conseil économique et social.

La structure

Les Nations Unies constituent un réseau complexe formé de six organes principaux et d’un grand nombre de programmes, institutions, commissions, etc. Ces organes subsidiaires ont chacun leur propre statut (certains sont autonomes, d’autres relèvent directement de l’autorité des Nations Unies), leurs objectifs et leur domaine de compétence, mais le système affiche un niveau très élevé de coopération et de collaboration. La figure 23.3 présente un schéma de la structure du système et d’une partie des liens entre les divers organes. Pour en savoir davantage, consulter l’ouvrage intitulé ABC des Nations Unies (Nations Unies, 1994).

Figure 23.3 Les six organes principaux des Nations Unies établis en vertu de la Charte

Figure 23.3

Centres et services d’information des organisations des Nations Unies

Siège de l’OMS:
20, avenue Appia
CH-1211 Genève 27
Suisse
Tél.: +41-22-791 21 11
Télécopie: +41-22-791 07 46
Télex: 845 415 416
Câble: UNISANTE GENEVE

Siège du CIRC:
150, cours Albert Thomas
F-69372 Lyon Cedex 08
France
Tél.: +33-7 273 84 85
Télécopie: +33-7 273 85 75
Télex: 380023

Siège du PNUE:
P. O. Box 30552
Nairobi
Kenya
Tél.: 2-23 08 00
Télécopie: 2-22 68 31
Télex: 22068 KNEPKE
Câble: UNITERRA NAIROBI

Siège de l’AIEA:
Centre international de Vienne
Wagramerstrasse 5
P. O. Box 100
A-1400 Vienne
Autriche
Tél.: +43-1-23 60
Télécopie: +43-1-23 45 64
Télex: 112645 ATOM A
Câble: INATOM VIENNA

Siège du PNUD:
1 United Nations Plaza
New York, NY 10017
Etats-Unis
Tél.: +1-212-906 5000
Télécopie: +1-212-906 5778

Siège de la FAO:
Viale delle Terme de Caracalla
1-00100 Rome
Italie
Tél.: +39-6-522 51
Télécopie: +39-6-522 53 152
Télex: 610181 FAO I
Câble: FOODAGRI ROME

Siège de l’OMI:
4 Albert Embarnkment
Londres SE1 7SR
Royaume-Uni
Tél.: +44-171-735 7611
Télécopie: +44-171-587 3210
Télex: 23588

Siège de la CNUCED:
Palais des Nations,
CH-1211 Genève 10
Suisse
Tél.: +41-22-917 12 34
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La Cour internationale de Justice

La Cour internationale de Justice est l’organe judiciaire principal de l’ONU. Tous les Etats Membres de l’Organisation sont automatiquement parties au statut de la Cour. Les Etats non membres peuvent soumettre à la Cour des affaires auxquelles ils sont parties, dans les conditions déterminées par le Conseil de sécurité. De plus, le Conseil de sécurité peut recommander qu’un différend d’ordre juridique soit soumis à la Cour. Seuls des Etats peuvent être parties à des affaires dont la Cour est saisie (autrement dit, un particulier ne peut saisir la Cour). L’Assemblée générale et le Conseil de sécurité peuvent demander à la Cour un avis consultatif sur toute question juridique. Les autres organes des Nations Unies, ainsi que les institutions spécialisées peuvent, avec l’autorisation de l’Assemblée générale, demander un avis consultatif sur des questions juridiques relevant de leur champ d’action (par exemple, l’Organisation internationale du Travail pourrait solliciter un avis consultatif sur une norme internationale du travail).

La Cour a compétence sur tous les sujets prévus dans la Charte des Nations Unies ou dans les traités ou conventions en vigueur, ainsi que sur toutes les questions qui lui sont soumises par les Etats. Pour se prononcer, la Cour ne se limite pas aux principes de droit figurant dans les traités ou conventions, elle peut se fonder sur tout le droit international (y compris le droit coutumier).

L’Assemblée générale

L’Assemblée générale est le principal organe de délibération. Elle se compose des représentants de tous les Etats Membres, qui disposent chacun d’une voix. Les décisions sur des questions importantes telles que la paix et la sécurité internationales, l’admission de nouveaux membres et les questions budgétaires sont prises à la majorité des deux tiers. Les décisions sur les autres sujets sont prises à la majorité simple.

Au nombre des fonctions et des pouvoirs de l’Assemblée générale figurent, d’une part, l’étude des principes de coopération pour le maintien de la paix et de la sécurité internationales, dont le désarmement et la réglementation des armements et, d’autre part, la formulation de recommandations y relatives. De plus, l’Assemblée générale fait procéder à des études et émet des recommandations en vue de promouvoir la coopération internationale dans le domaine politique, d’encourager le développement et la codification du droit international, de faciliter pour tous la jouissance des droits de l’homme et des libertés fondamentales, et de favoriser la coopération internationale dans les domaines économique, social, culturel, de l’éducation et de la santé publique. Elle reçoit et étudie les rapports du Conseil de sécurité et des autres organes de l’Organisation; elle examine et approuve le budget de l’Organisation et répartit les contributions entre les Etats Membres; elle élit les membres non permanents du Conseil de sécurité, les membres du Conseil économique et social et ceux des membres du Conseil de tutelle qui doivent l’être. De concert avec le Conseil de sécurité, l’Assemblée générale élit aussi les membres de la Cour internationale de justice; sur recommandation du Conseil de sécurité, elle nomme le Secrétaire général.

Au début de chaque session ordinaire, l’Assemblée procède à un débat général, au cours duquel les Etats Membres expriment leur point de vue sur toute une série de questions d’intérêt international. En raison du grand nombre de questions qu’elle doit examiner (plus de 150 points à l’ordre du jour de la session de 1992, par exemple), l’Assemblée renvoie la plupart des questions à ses sept grandes commissions:

Le Conseil économique et social

Aux termes de la Charte, le Conseil économique et social (ECOSOC) est l’organe principal de coordination des activités économiques et sociales de l’ONU et de ses organismes et institutions spécialisés. L’ECOSOC sert d’instance principale pour l’examen des questions économiques et sociales internationales qui revêtent un caractère mondial ou interdisciplinaire et pour l’élaboration de recommandations pratiques sur ces questions; il veille à la promotion et au respect effectif des droits de l’homme et des libertés fondamentales pour tous. Il peut préparer ou faire établir des études et des rapports et formuler des recommandations sur des questions internationales dans les domaines économique, social, culturel, éducatif, de la santé publique et dans d’autres domaines apparentés; il peut convoquer des conférences internationales et préparer des projets de convention pour les soumettre à l’Assemblée générale. Les autres fonctions et pouvoirs de l’ECOSOC comprennent la conclusion d’accords avec les institutions spécialisées afin de définir leurs rapports avec l’ONU et de coordonner leurs activités, ainsi que la consultation des organisations non gouvernementales intéressées sur les questions dont il s’occupe.

Les organes subsidiaires

Les organes subsidiaires du Conseil économique et social comprennent des commissions techniques et régionales, six comités permanents (dont le Comité chargé des organisations non gouvernementales) et un certain nombre d’organes permanents composés d’experts, qui sont chargés de questions telles que la prévention du crime et la lutte contre la délinquance, la planification du développement et le transport des marchandises dangereuses.

Les relations avec les organisations non gouvernementales

Plus de neuf cents organisations non gouvernementales (ONG) sont dotées du statut consultatif auprès de l’ECOSOC, aux travaux duquel elles participent à des degrés divers. Ces organisations non gouvernementales peuvent envoyer des observateurs aux réunions publiques du Conseil et de ses organes subsidiaires et soumettre des communications écrites intéressant les travaux du Conseil. Elles peuvent aussi consulter le Secrétariat de l’ONU sur des sujets d’intérêt commun.

Le Conseil de sécurité

Aux termes de la Charte, le Conseil de sécurité a la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationales. Alors que les autres organes de l’Organisation n’adressent aux gouvernements que des recommandations, le Conseil est le seul à pouvoir prendre des décisions que les Etats Membres sont tenus d’appliquer, conformément à la Charte.

Le Secrétariat

Composé de fonctionnaires recrutés au niveau international et travaillant au siège (à New York) et dans le monde entier, le Secrétariat s’acquitte des diverses tâches quotidiennes de l’Organisation. Il est au service des autres organes principaux de l’ONU, dont il administre les politiques et les programmes. Il a à sa tête le Secrétaire général, nommé par l’Assemblée générale pour une durée de cinq ans, sur recommandation du Conseil de sécurité.

Le Conseil de tutelle

En instituant un régime international de tutelle, la Charte a établi le Conseil de tutelle comme l’un des principaux organes de l’ONU et lui a assigné la tâche de surveiller l’administration des territoires placés sous ce régime, qui avait essentiellement pour objet de faire progresser la condition des habitants des onze territoires initialement placés sous ce régime et de favoriser leur évolution progressive vers l’autonomie ou l’indépendance.

Le rôle des Nations Unies dans le domaine de la sécurité et de la santé au travail

Bien que l’amélioration des conditions et du milieu de travail relève normalement de la politique nationale de chaque pays visant à faire avancer le développement économique et le progrès social conformément aux priorités et aux objectifs de celui-ci, une certaine harmonisation internationale s’impose, d’une part, pour que la qualité du milieu de travail permette partout d’assurer la santé et le bien-être des travailleurs et, d’autre part, pour faciliter la tâche des Etats Membres à cet effet. Tel est, pour l’essentiel, le rôle du système des Nations Unies dans ce domaine.

Dans le système des Nations Unies, nombreux sont les organisations et les organes qui jouent un rôle dans l’amélioration des conditions de travail et du milieu de travail. Conformément à sa Constitution, l’Organisation internationale du Travail (OIT) est chargée d’améliorer les conditions et le milieu dans lesquels les travailleurs exercent leurs activités aux fins d’humaniser le travail; grâce à sa structure tripartite, l’OIT est en mesure de s’assurer que ses normes internationales ont une incidence directe sur la législation, la politique et les pratiques nationales. La question de la structure tripartite de l’OIT est examinée dans un autre article du présent chapitre.

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a aussi pour mandat de s’occuper d’hygiène du travail, car, aux termes de sa Constitution, elle est l’«autorité directrice et coordonnatrice, dans le domaine de la santé, des travaux ayant un caractère international», et elle a notamment pour fonction de «favoriser [...] l’amélioration [...] des conditions économiques et de travail, ainsi que de tous autres facteurs de l’hygiène du milieu». D’autres mandats découlent des diverses résolutions adoptées par l’Assemblée mondiale de la santé et le Conseil exécutif. Le programme de santé au travail de l’OMS vise à promouvoir la connaissance et le contrôle des problèmes de santé des travailleurs, y compris les maladies professionnelles, et à coopérer avec les pays pour mettre en œuvre des programmes de soins de santé pour les travailleurs, notamment à l’intention de ceux qui sont le moins bien desservis. En collaboration avec l’OIT, le PNUE et d’autres organisations, l’OMS s’occupe de coopération technique avec les Etats Membres, élabore des directives, effectue des études sur le terrain, et offre une formation en santé au travail et en perfectionnement du personnel. L’OMS a mis en place le Réseau mondial d’écotechnologie (The Global Environmental Epidemiology Network (GEENET)) qui regroupe des institutions et des spécialistes du monde entier participant activement à la recherche épidémiologique et à la formation en médecine de l’environnement et en médecine du travail. Le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) est un institut de recherche indépendant, mais inscrit dans le cadre de l’OMS. Les statuts du CIRC en énoncent la mission: planifier, promouvoir et développer la recherche sur les causes, le traitement et la prévention du cancer. Depuis le début de ses activités, le CIRC s’est consacré à l’étude des causes de cancer dans certains milieux, dans l’idée que le dépistage d’un agent cancérogène constitue la première étape indispensable pour le réduire ou l’éliminer de l’environnement, afin de prévenir le cancer que cet agent est susceptible de provoquer. Les activités de recherche sont réparties en deux catégories principales, l’épidémiologie et l’expérimentation en laboratoire, mais les deux sont étroitement liées et interagissent dans les projets de recherche en cours.

Outre ces deux organisations qui sont respectivement axées sur le travail et la santé, plusieurs organes de l’ONU s’occupent aussi de questions de sécurité et de santé dans l’exercice de leurs fonctions sectorielles ou géographiques précises:

Le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) est chargé de sauvegarder et d’améliorer l’environnement, y compris le milieu de travail, dans l’intérêt des générations actuelles et futures. Sa fonction première dans le système des Nations Unies est de servir de catalyseur et de coordonnateur des efforts en faveur de l’environnement en général. Il s’acquitte de cette fonction en coordonnant des programmes et en finançant des activités par le Fonds pour l’environnement. En plus de son mandat général, la mission précise du PNUE en ce qui concerne le milieu du travail découle des recommandations nos 81 et 83 de la Conférence des Nations Unies sur l’environnement, et des décisions du Conseil d’administration du PNUE demandant au Directeur exécutif d’intégrer les principes et les objectifs liés à l’amélioration du milieu de travail dans ledit programme. Le PNUE est également tenu de collaborer à la mise en place d’un programme d’action coordonné dans tout le système des Nations Unies sur le milieu de travail et les conditions de vie des travailleurs, avec les organisations appropriées de travailleurs et d’employeurs, ainsi qu’avec les institutions spécialisées (par exemple, le PNUE coopère avec l’OMS et l’OIT dans le cadre du Programme international sur la sécurité des substances chimique (PISSC)).

Le PNUE tient à jour le Registre international des substances chimiques potentiellement toxiques (RISCPT), sorte de pont jeté entre ceux qui détiennent le savoir en la matière et ceux qui en ont besoin pour effectuer leur travail en sécurité. Le réseau d’accords sur l’environnement du PNUE exerce aussi une influence croissante au niveau international et ne cesse de s’étendre (voir, par exemple, la Convention de Vienne et le Protocole de Montréal, instruments historiques visant à réduire les dommages causés à la couche d’ozone).

L’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) s’occupe des risques résultant des rayonnements ionisants liés au cycle du combustible nucléaire. Elle encourage et guide la mise au point d’utilisations pacifiques de l’énergie nucléaire, fixe des normes de sûreté nucléaire et de protection de l’environnement, aide les Etats Membres grâce à une coopération technique et favorise l’échange de renseignements scientifiques et techniques. Les activités de l’Agence dans le domaine de la radioprotection des travailleurs appellent: une définition de ces normes; la préparation de guides de sécurité, de codes de bonne pratique et de manuels; la tenue de réunions scientifiques en vue d’échanger des informations ou de rédiger des manuels ou guides techniques; l’organisation de cours de formation, de séminaires et de voyages d’études; le perfectionnement du savoir-faire technique dans les Etats Membres en développement par l’attribution de contrats de recherche et de bourses d’études; l’aide à apporter aux pays en développement pour mettre sur pied des programmes de radioprotection en leur offrant de l’assistance technique, des services d’experts, des missions conseils et des services consultatifs dans le domaine du droit nucléaire.

Le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) et la Banque mondiale ont inclus, dans les accords d’aide au développement, des dispositions portant sur des garanties en matière de sécurité et santé au travail. Le PNUD a mis en chantier un très grand nombre de projets destinés à aider les pays en développement à construire leurs économies naissantes et à relever le niveau de vie de leur population. Plusieurs milliers d’experts recrutés dans le monde entier travaillent constamment sur le terrain. Un certain nombre de projets sont consacrés à l’amélioration des normes de sécurité et de santé au travail dans l’industrie et dans d’autres branches de l’activité économique, et leur exécution est confiée à l’OIT et à l’OMS. Ces projets vont de la prestation de services consultatifs de courte durée à une aide beaucoup plus soutenue, durant plusieurs années, pour créer des instituts de sécurité et de santé au travail conçus pour assurer la formation, effectuer des recherches sur le terrain et offrir des services directs sur les lieux de travail.

L’Organisation maritime internationale (OMI) s’occupe également de la sécurité des travailleurs à bord des navires. Elle constitue une instance où les gouvernements et les organisations intéressés échangent des informations et s’efforcent de résoudre des problèmes d’ordre technique, juridique et autres intéressant la navigation maritime et la prévention de la pollution marine. L’OMI a rédigé des propositions de conventions et de recommandations internationales qui ont été adoptées par les gouvernements et qui sont entrées en vigueur. Il existe ainsi des conventions internationales sur la sécurité de la vie humaine en mer, la prévention de la pollution marine par les navires, la formation des gens de mer et la délivrance des certificats, et la prévention des abordages en mer, ainsi que plusieurs instruments relatifs aux questions de responsabilité et de réparation, etc. L’OMI a également adopté plusieurs centaines de recommandations sur des questions telles que le transport par mer des marchandises dangereuses, les signaux, la sécurité des pêcheurs et des bateaux de pêche, et la sécurité des navires marchands nucléaires.

L’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) joue un rôle dans la protection des travailleurs agricoles contre les risques résultant de l’usage des pesticides et des outils et machines agricoles. Plusieurs activités de la FAO touchent directement ou indirectement la sécurité et la santé au travail ainsi que l’ergonomie dans l’agriculture, la foresterie et la pêche. Pour ce qui est des activités liées à la pêche, la FAO participe, au niveau des secrétariats, avec l’OIT et l’OMI, aux travaux du Sous-Comité de l’OMI chargé de la sécurité des bateaux de pêche et du Sous-Comité de l’OMI chargé des normes de formation et de veille. La FAO travaille avec l’OIT à l’amélioration des conditions de travail dans l’industrie de la pêche. Le Comité mixte FAO/CEE/OIT des techniques de travail en forêt et de la formation des ouvriers forestiers traite des questions de sécurité et de santé. Des projets sur le terrain et des publications dans ce domaine portent sur certains aspects comme la sécurité dans l’exploitation et l’industrie du bois ainsi que la contrainte thermique en foresterie.

Dans le domaine agricole, plusieurs maladies du bétail qui ont des conséquences économiques importantes présentent aussi des dangers pour les personnes qui s’en occupent et qui sont en contact avec des produits animaux (par exemple, la brucellose, la tuberculose, la leptospirose, le charbon, la rage, la fièvre de la vallée du Rift). Aussi la FAO se tient-elle en liaison étroite avec l’OMS avec laquelle elle travaille dans des comités mixtes. La FAO s’occupe aussi de l’harmonisation des exigences en matière d’enregistrement des pesticides et de l’évaluation des résidus dans les aliments et dans l’environnement. En ce qui concerne l’énergie atomique appliquée à l’agriculture et à l’alimentation, la FAO coordonne ses programmes avec l’AIEA afin d’aider le personnel scientifique des pays en développement à utiliser en toute sécurité et avec efficacité les techniques isotopiques pertinentes (par exemple, le zymogramme ou l’utilisation de substrats enzymatiques radiomarqués pour détecter une exposition d’origine professionnelle à des insecticides).

L’Organisation des Nations Unies pour le développement industriel (ONUDI) est l’institution spécialisée dans la promotion et l’accélération de l’industrialisation des pays en développement. Elle s’occupe, entre autres, des risques pour la sécurité et la santé au travail, des questions liées à l’environnement et de la gestion des déchets dangereux en relation avec l’industrialisation.

Les Commissions économiques régionales de l’ONU jouent un rôle dans la promotion d’une action plus concertée et efficace dans leurs régions.

La Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED) étudie notamment les aspects liés au travail des échanges internationaux de marchandises, de services et de technologie.

L’ORGANISATION INTERNATIONALE DU TRAVAIL

Georg R. Kliesch

L’Organisation internationale du Travail (OIT) est l’une des dix-huit institutions spécialisées des Nations Unies. C’est la plus ancienne organisation internationale de la famille des Nations Unies. Elle a été créée aux termes du Traité de Versailles signé en 1919 après la première guerre mondiale.

La création de l’OIT

Sur le plan historique, l’OIT est née de la pensée sociale du XIXe siècle. Les conditions des travailleurs à l’aube de la révolution industrielle étaient jugées de plus en plus intolérables par les économistes et les sociologues. Les réformateurs sociaux pensaient que tout pays (ou industrie) qui instaurerait des mesures pour améliorer les conditions de travail ferait face à une hausse du coût de la main-d’œuvre et serait donc désavantagé sur le plan économique par rapport à ses concurrents. C’est pourquoi ils se sont employés sans relâche à convaincre les puissances européennes de faire de l’amélioration des conditions de travail et de la réduction de la durée du travail l’objet d’accords internationaux. Après 1890, trois conférences internationales se sont réunies pour étudier la question. La première s’est tenue à Berlin en 1890, sur l’initiative conjointe de l’empereur d’Allemagne et du pape; la deuxième a eu lieu en 1897 à Bruxelles sur l’invitation des autorités belges; et la troisième s’est réunie en 1906 à Berne (Suisse) où, pour la première fois, deux accords internationaux ont été conclus, l’un sur l’utilisation du phosphore blanc (pour la fabrication des allumettes), et l’autre sur l’interdiction du travail de nuit des femmes dans l’industrie. La première guerre mondiale ayant interrompu les travaux sur l’internationalisation des conditions de travail, la Conférence de la paix de Paris, désireuse d’éliminer les causes de toute guerre future, a repris à son compte les objectifs d’avant-guerre et a créé une Commission de la législation internationale du travail. Cette commission a présenté une proposition visant à la création d’un organe international pour la protection des travailleurs; cette proposition est devenue la partie XIII du Traité de Versailles, et demeure jusqu’à ce jour la charte constitutive de l’OIT.

La première Conférence internationale du Travail s’est réunie à Washington, en octobre 1919; le secrétariat permanent de l’Organisation, c’est-à-dire le Bureau international du Travail, s’est installé à Genève (Suisse).

La Constitution de l’Organisation internationale du Travail

Assurer une paix mondiale durable, la justice sociale et le respect de la dignité de l’homme, voilà les raisons d’être de l’Organisation internationale du Travail. C’est le Préambule de la Constitution qui exprime le mieux ces motivations:

«Attendu qu’une paix universelle et durable ne peut être fondée que sur la base de la justice sociale;

Attendu qu’il existe des conditions de travail impliquant pour un grand nombre de personnes l’injustice, la misère et les privations, ce qui engendre un tel mécontentement que la paix et l’harmonie universelles sont mises en danger, et attendu qu’il est urgent d’améliorer ces conditions: par exemple, en ce qui concerne la réglementation des heures de travail, la fixation d’une durée maximum de la journée et de la semaine de travail, le recrutement de la main-d’œuvre, la lutte contre le chômage, la garantie d’un salaire assurant des conditions d’existence convenables, la protection des travailleurs contre les maladies générales ou professionnelles et les accidents résultant du travail, la protection des enfants, des adolescents et des femmes, les pensions de vieillesse et d’invalidité, la défense des intérêts des travailleurs occupés à l’étranger, l’affirmation du principe ‘à travail égal, salaire égal’, l’affirmation du principe de la liberté syndicale, l’organisation de l’enseignement professionnel et technique et autres mesures analogues;

Attendu que la non-adoption par une nation quelconque d’un régime de travail réellement humain fait obstacle aux efforts des autres nations désireuses d’améliorer le sort des travailleurs dans leurs propres pays;

Les Hautes Parties Contractantes, mues par des sentiments de justice et d’humanité aussi bien que par le désir d’assurer une paix mondiale durable, et en vue d’atteindre les buts énoncés dans ce préambule, approuvent la présente Constitution de l’Organisation internationale du Travail [...]

Sous une forme modernisée, les buts et objectifs de l’Organisation internationale du Travail sont inscrits dans la Déclaration de Philadelphie, adoptée en 1944 par la Conférence internationale du Travail réunie dans cette ville. La Déclaration est à présent annexée à la Constitution de l’OIT. Elle proclame que «tous les êtres humains, quels que soient leur race, leur croyance ou leur sexe, ont le droit de poursuivre leur progrès matériel et leur développement spirituel dans la liberté et la dignité, dans la sécurité économique et avec des chances égales». Elle précise que «la pauvreté, où qu’elle existe, constitue un danger pour la prospérité de tous».

Définie à l’article 1 de la Constitution, la tâche de l’OIT consiste à travailler à la réalisation du programme exposé dans le Préambule de la Constitution et dans la Déclaration de Philadelphie.

La structure de l’Organisation internationale du Travail

L’Organisation internationale du Travail (OIT) compte 173 Etats Membres. Tout Etat Membre des Nations Unies peut devenir Membre de l’OIT en faisant part au Directeur général de l’OIT de son acceptation formelle des obligations découlant de la Constitution. Les Etats qui ne sont pas Membres de l’ONU peuvent être admis à l’OIT par un vote de la Conférence internationale du Travail (par exemple, la Suisse est Membre de l’OIT, mais non de l’Organisation des Nations Unies) (Constitution de l’OIT, art. 1). La représentation des Etats Membres à l’OIT est dotée d’une structure unique dans la famille des Nations Unies. A l’ONU et dans toutes les autres institutions spécialisées, seul le personnel gouvernemental représente les Etats Membres: ministres, ministres adjoints ou représentants autorisés, alors que, à l’OIT, les groupes sociaux intéressés font partie de la représentation des Etats Membres. Les représentants comprennent des délégués gouvernementaux (en général du ministère du travail), et des délégués représentant les employeurs et les travailleurs de chaque Etat Membre (Constitution de l’OIT, art. 3). Tel est donc le concept fondamental du tripartisme à l’OIT.

L’Organisation internationale du Travail comprend les trois organes suivants:

Appelée parfois parlement mondial du travail, la Conférence internationale du Travail se réunit régulièrement au mois de juin de chaque année; environ 2 000 délégués et conseillers y participent. L’ordre du jour de la Conférence comprend la discussion et l’adoption de conventions et de recommandations internationales du travail, des délibérations sur les politiques futures, l’adoption de résolutions orientées vers l’action dans les Etats Membres et d’instructions sur l’action du Bureau à l’intention du Directeur général de l’Organisation, un débat général et des échanges d’information et, tous les deux ans, l’adoption du programme et du budget du Bureau international du Travail.

Le Conseil d’administration constitue le lien entre la Conférence internationale du Travail de tous les Etats Membres et le Bureau international du Travail. Il se réunit trois fois par an et exerce son contrôle sur le Bureau en suivant l’état d’avancement des travaux; en donnant des instructions au Directeur général; en approuvant le résultat des activités du Bureau, par exemple, les recueils de directives pratiques; en contrôlant la situation financière; en préparant l’ordre du jour des prochaines Conférences internationales du Travail. Les membres du Conseil d’administration sont élus pour un mandat de trois ans par les trois groupes représentatifs à la Conférence — gouvernements, employeurs et travailleurs. Dix membres gouvernementaux du Conseil d’administration sont nommés à titre permanent, en tant que représentants des Etats dont l’importance industrielle est la plus considérable.

Le tripartisme

Tous les mécanismes de prise de décisions de l’OIT ressortissent à une structure unique. Les décisions sont prises par les trois groupes représentatifs, à savoir les représentants des gouvernements, des employeurs et des travailleurs de chaque Etat Membre. Ce sont les membres des commissions et comités, composés pour un tiers de représentants des gouvernements, des employeurs et des travailleurs, qui prennent les décisions de fond sur les travaux de la Commission de l’application des normes de la Conférence, des réunions d’experts pour les recueils de directives pratiques et des commissions consultatives appelées à se prononcer sur les conclusions concernant les futures conditions de travail. Toutes les décisions politiques, financières et structurelles sont prises par la Conférence internationale du Travail ou par le Conseil d’administration, où les représentants gouvernementaux (à la Conférence, deux par Etat Membre) détiennent 50% des votes, tandis que les représentants des employeurs et ceux des travailleurs en détiennent 25% chacun (ces deux groupes étant représentés respectivement par une personne dans la délégation de chaque Etat Membre à la Conférence). Les contributions financières n’étant versées que par les gouvernements, à l’exclusion des deux groupes non gouvernementaux, seuls les gouvernements siègent à la Commission des finances.

Les conventions

De 1919 à 1997, la Conférence internationale du Travail a adopté 181 conventions et 188 recommandations.

Les conditions de travail sont l’objet d’environ 74 conventions sur 176, dont 47 traitent des conditions de travail en général et 27 de la sécurité et de la santé au sens strict.

Les conventions concernant les conditions de travail générales portent sur les questions suivantes: durée du travail; âge minimal d’admission à l’emploi (travail des enfants); travail de nuit; examen médical des travailleurs; protection de la maternité; travailleurs ayant des responsabilités familiales; travail à temps partiel; travail à domicile. Par ailleurs, ressortissent aussi à la sécurité et à la santé les conventions visant à éliminer la discrimination contre les travailleurs pour divers motifs (race, sexe, invalidité), à les protéger de tout licenciement injustifié et à réparer les accidents du travail et les maladies professionnelles.

Dix-huit des vingt-sept conventions relatives à la sécurité et à la santé ont été adoptées après 1960 (époque à laquelle la décolonisation a donné lieu à l’arrivée d’un nombre important de nouveaux membres), alors qu’il n’y en a eu que neuf de 1919 à 1959. La convention (no 81) sur l’inspection du travail, 1947, a été ratifiée par plus de cent Etats Membres (trente-trois ont ratifié la convention équivalente dans le domaine agricole).

Le nombre d’Etats qui ratifient les conventions constitue un indicateur de la volonté d’améliorer les conditions de travail. Par exemple, la Finlande, la Norvège et la Suède, qui ont, en matière de sécurité et de santé, un bilan exemplaire renommé dans le monde entier, ont ratifié presque toutes les conventions adoptées dans ce domaine après 1960.

Les conventions sur l’inspection du travail ont été complétées par deux autres normes fondamentales, soit la convention (no 155) sur la sécurité et la santé des travailleurs, 1981, et la convention (no 161) sur les services de santé au travail, 1985.

La convention sur la sécurité et la santé des travailleurs établit les grands principes qui doivent inspirer la politique et la législation nationales en la matière. La directive-cadre de l’Union européenne sur la sécurité et la santé reprend la structure et le contenu de la convention internationale du travail; elle doit être transformée en législation nationale dans les quinze Etats Membres de l’Union européenne.

La convention sur les services de santé au travail demande aux Etats Membres d’instituer de tels services dans les entreprises afin de faire appliquer la législation en la matière.

Plusieurs conventions concernent des branches particulières de l’activité économique ou l’utilisation de substances dangereuses: convention (no 176) sur la sécurité et la santé dans les mines, 1995; convention (no 167) sur la sécurité et la santé dans la construction, 1988; convention (no 152) sur la sécurité et l’hygiène dans les manutentions portuaires, 1979; convention (no 13) sur la céruse (peinture), 1921; convention (no 136) sur le benzène, 1971; convention (no 162) sur l’amiante, 1986; convention (no 170) sur les produits chimiques, 1990; convention (no 174) sur la prévention des accidents industriels majeurs, 1993.

Ces normes peuvent se lire conjointement avec la convention (no 148) sur le milieu de travail (pollution de l’air, bruit et vibrations), 1977; la convention (no 139) sur le cancer professionnel, 1974, ainsi qu’avec la liste des maladies professionnelles qui fait partie de la convention (no 121) sur les prestations en cas d’accidents du travail et de maladies professionnelles, 1964. La dernière révision de la liste, adoptée par la Conférence en 1980, est étudiée dans le chapitre no 26 «La réparation des lésions professionnelles: la problématique».

Signalons encore, parmi les conventions relatives à la sécurité et à la santé, la convention (no 27) sur l’indication du poids sur les colis transportés par bateau, 1929; la convention (no 127) sur le poids maximum, 1967; la convention (no 115) sur la protection contre les radiations, 1960; la convention (no 119) sur la protection des machines, 1963; et la convention (no 120) sur l’hygiène (commerce et bureaux), 1964.

On constate qu’au cours de ses premières années d’existence l’OIT s’est bornée à adopter des recommandations plutôt que des conventions: ce fut notamment le cas pour la prévention du charbon, le phosphore blanc et le saturnisme. De nos jours, les recommandations servent généralement à compléter les conventions dont elles spécifient les modalités d’application.

Le contenu des conventions sur la sécurité et la santé

Une convention sur la sécurité et la santé suit le plan suivant:

Une convention définit l’action du gouvernement (ou des autorités gouvernementales) qui doit réglementer le domaine sur lequel elle porte, met en évidence les responsabilités des propriétaires d’entreprises, précise le rôle des travailleurs et de leurs organisations en définissant leurs devoirs et leurs droits, contient des dispositions en matière d’inspection et prescrit des mesures à prendre en cas d’infraction à la loi. La convention doit évidemment délimiter son champ d’application, y compris les exemptions et les exclusions éventuelles.

Le plan des conventions sur la sécurité et la santé au travail

Le préambule

Chaque convention commence par un préambule mentionnant la date et la question inscrite à l’ordre du jour de la Conférence internationale du Travail; les autres conventions ou documents se rapportant au sujet discuté; les préoccupations justifiant l’adoption de l’instrument; les motifs sous-jacents; la coopération avec d’autres organisations internationales comme l’OMS et le PNUE; la forme que prendra l’instrument international (convention ou recommandation); la date d’adoption de la convention et son titre courant.

Le champ d’application

La délimitation du champ d’application est régie par la souplesse requise pour la mise en œuvre de la convention. En principe, la convention s’applique à tous les travailleurs et à toutes les branches d’activité économique. Toutefois, pour faciliter la ratification de la convention par tous les Etats Membres, la rigueur du principe directeur est souvent atténuée par la possibilité d’exclure de l’application de la convention, soit en partie, soit en totalité, des branches particulières d’activité économique ou des entreprises particulières en raison des problèmes de fond qui se posent. Les dispositions sur le champ d’application peuvent également prévoir une application progressive, de manière à tenir compte des conditions qui prévalent dans un pays. Les exclusions sont un bon indicateur des ressources nationales dont un pays dispose pour mettre en œuvre une nouvelle législation nationale en matière de sécurité et de santé. Toute décision d’exclusion est soumise aux conditions ci-après: elle doit être prise après consultation des employeurs et des travailleurs, et les branches ou entreprises exclues doivent bénéficier, par d’autres moyens, d’un milieu de travail salubre et sûr. Cette partie de la convention comprend également la définition des termes employés dans l’instrument international (par exemple: branches d’activité économique, travailleurs, lieu de travail, employeur, réglementation, représentation des travailleurs, santé, produits chimiques dangereux, installations présentant des risques élevés, rapports de sécurité, etc.).

Les obligations des gouvernements

Les conventions sur la sécurité et la santé précisent tout d’abord les dispositions qu’un gouvernement doit prendre pour définir, mettre en application et réexaminer une politique nationale sur la question. Les organisations de travailleurs et d’employeurs doivent participer à l’établissement de la politique et à la définition des buts et des objectifs. Les conventions traitent ensuite de l’adoption des lois ou des règlements qui donneront effet à leurs dispositions et de la mise en application de la loi; elles portent aussi sur l’emploi de personnel qualifié et sur le soutien à apporter aux membres des services d’inspection et des services consultatifs. En vertu des articles 19 et 22 de la Constitution de l’OIT, les gouvernements doivent également, de façon périodique ou sur demande, présenter des rapports au Bureau international du Travail précisant les mesures prises pour mettre en œuvre la convention ou la recommandation. Ces obligations sont à la base des procédures de contrôle de l’OIT.

La consultation des organisations représentatives de travailleurs et d’employeurs

L’importance de la participation des personnes directement associées à la mise en application des règlements et aux conséquences des accidents ne saurait être mise en doute. Le succès des mesures en matière de sécurité et de santé dépend de la collaboration des intéressés et de la prise en compte de leur opinion et de leur bonne volonté. La convention dispose donc que les autorités gouvernementales doivent consulter les employeurs et les travailleurs lorsqu’elles envisagent d’exclure certaines installations de la législation concernant la mise en œuvre graduelle des dispositions et lorsqu’elles élaborent une politique nationale sur l’objet de la convention.

Les obligations des employeurs

La responsabilité de l’application de dispositions légales dans une entreprise incombe au propriétaire de celle-ci ou à son représentant. Les droits relatifs à la participation des travailleurs à la prise de décisions ne changent rien à la responsabilité première de l’employeur. Les obligations des employeurs, telles que définies dans les conventions, comprennent l’instauration de méthodes de travail saines et sûres; l’achat de machines et de matériels et l’utilisation de produits ne présentant pas de danger pour la sécurité et la santé; le contrôle et l’évaluation des produits chimiques en suspension dans l’air des lieux de travail; la surveillance de l’état de santé des travailleurs et l’administration des premiers secours; la déclaration des accidents et des maladies à l’autorité compétente; la formation des travailleurs; la diffusion d’informations sur les risques inhérents au travail et leur prévention; la coopération avec les travailleurs et leurs représentants dans l’exécution de ces obligations.

Les devoirs des travailleurs

Depuis les années quatre-vingt, les conventions disposent que les travailleurs doivent collaborer avec leur employeur dans l’application des mesures sur la sécurité et la santé et se conformer à toutes les procédures et pratiques y relatives. Les devoirs des travailleurs peuvent comprendre l’obligation de signaler à leur supérieur toute situation susceptible de présenter un risque, ou leur décision de quitter leur lieu de travail en cas de danger grave et imminent pour leur santé ou leur vie.

Les droits des travailleurs

De nombreux droits des travailleurs sont énoncés dans les conventions internationales du travail concernant la sécurité et la santé. En général, un travailleur a le droit d’être informé des risques inhérents à son travail, de connaître la nature des produits chimiques utilisés sur le lieu de travail et de recevoir les fiches de données de sécurité; le droit d’être formé à des méthodes de travail sûres; le droit d’être consulté par l’employeur sur tous les aspects de la sécurité et de la santé associés à son travail; le droit de bénéficier d’un suivi médical gratuit et sans perte de salaire. Certaines conventions reconnaissent également les droits des représentants des travailleurs, particulièrement en matière d’information et de consultation. Ces droits sont renforcés dans d’autres conventions portant sur la liberté syndicale, la négociation collective, la représentation des travailleurs et la protection contre le licenciement.

Plusieurs articles précis des conventions adoptées en 1981 et par la suite traitent du droit du travailleur d’interrompre l’activité s’il se croit exposé à un danger. La convention (no 174) sur la prévention des accidents industriels majeurs, 1993, reconnaît le droit du travailleur de notifier à l’autorité compétente tout danger potentiel susceptible de causer un accident majeur.

L’inspection

Les conventions sur la sécurité et la santé au travail soulignent la nécessité, pour les gouvernements, de disposer de services d’inspection appropriés pour surveiller l’application des mesures prises afin de les mettre en œuvre. Cette exigence est assortie de l’obligation de doter les services d’inspection des ressources nécessaires pour accomplir leur tâche.

Les sanctions

Les conventions sur la sécurité et la santé exigent souvent l’adoption d’une réglementation nationale concernant les sanctions à imposer en cas d’inexécution des obligations légales. L’article 9 (2) de la convention (no 155) sur la sécurité et la santé des travailleurs, 1981, déclare: «Le système de contrôle devra prévoir des sanctions appropriées en cas d’infraction aux lois ou aux prescriptions.» Ces sanctions peuvent être de nature administrative, civile ou pénale.

La convention (no 81) sur l’inspection du travail, 1947

La convention (no 81) sur l’inspection du travail, 1947, impose aux Etats Membres le maintien d’un système d’inspection du travail dans les établissements industriels. Elle précise les obligations du gouvernement en matière d’inspection, ainsi que les droits, les devoirs et les pouvoirs des inspecteurs. Cet instrument est complété par deux recommandations (nos 81 et 82) et par le protocole de 1995, qui en étend le champ d’application aux services non commerciaux (comme la fonction publique ou les entreprises gérées par l’Etat). La convention (no 129) sur l’inspection du travail (agriculture), 1969, contient des dispositions pour le secteur agricole qui sont presque les mêmes que celles de la convention no 81. Les conventions et les recommandations se rapportant au secteur maritime traitent également de l’inspection des conditions de travail et des conditions de vie des gens de mer.

Le gouvernement doit établir un service d’inspection indépendant composé d’un nombre suffisant d’inspecteurs qualifiés et doté de tout ce qu’il faut pour exercer efficacement ses fonctions. Il lui appartient de prendre des dispositions sur les sanctions à imposer en cas d’infraction à la réglementation sur la sécurité et la santé. Les inspecteurs ont l’obligation de faire respecter la loi et de fournir des informations et des conseils techniques aux employeurs et aux travailleurs sur les moyens les plus efficaces d’observer les dispositions légales.

Les inspecteurs doivent signaler aux autorités toute lacune de la réglementation et présenter des rapports annuels sur leur travail. Les gouvernements sont appelés à préparer un rapport annuel contenant des données statistiques sur les inspections effectuées.

Les droits et les pouvoirs des inspecteurs sont définis dans la convention et comprennent notamment le droit de pénétrer dans tout établissement ou lieu de travail, de procéder à des examens et à des contrôles, de proposer des mesures correctives, d’ordonner que des modifications soient apportées aux installations et que des mesures immédiatement exécutoires soient prises en cas de danger imminent. Ils sont également habilités à formuler des injonctions et à intenter des poursuites en cas de violation des obligations de l’employeur.

La convention contient des dispositions concernant la conduite des inspecteurs: ils ne doivent pas avoir d’intérêt dans l’entreprise placée sous leur contrôle; il leur est interdit de divulguer des secrets de fabrication ou de commerce; ils doivent surtout garantir la confidentialité des plaintes présentées par les travailleurs, ce qui signifie qu’ils ne doivent révéler aucun indice qui permettrait à l’employeur d’identifier le plaignant.

La promotion d’un développement progressif au moyen des conventions

Les travaux d’élaboration de toute convention reflètent autant que possible les lois et pratiques des Etats Membres de l’Organisation. Toutefois, il arrive que des éléments nouveaux proposés au cours des travaux n’aient pas encore fait l’objet d’une réglementation nationale. L’initiative peut être lancée par des délégués lors de la discussion d’une norme dans une commission de la Conférence; s’il y a lieu, le Bureau international du Travail peut y donner suite et rédiger la première ébauche d’un nouvel instrument. Voici deux exemples:

1) Le droit d’un travailleur de se retirer d’une situation de travail qui présente un danger imminent et grave pour sa vie ou sa santé.

Généralement, les gens considèrent comme un droit naturel l’abandon d’un poste de travail où l’on court un danger de mort. Pourtant, cet acte peut causer des dommages aux matériels, aux machines ou aux produits, ce qui peut coûter très cher. Les installations devenant plus perfectionnées et plus coûteuses, on peut reprocher au travailleur d’avoir quitté le lieu de travail sans raison valable, et tenter de le rendre responsable des dommages. Pendant la discussion de la commission de la Conférence chargée d’élaborer la convention sur la sécurité et la santé, il a été proposé de protéger les travailleurs contre des poursuites éventuelles. La commission a débattu de la proposition pendant des heures et a fini par trouver une formule qui protège les travailleurs tout en étant acceptable par la majorité de ses membres.

L’article 13 de la convention no 155 se lit donc comme suit: «Un travailleur qui s’est retiré d’une situation de travail dont il avait un motif raisonnable de penser qu’elle présentait un péril imminent et grave pour sa vie ou sa santé devra être protégé contre des conséquences injustifiées, conformément aux conditions et à la pratique nationales.» Par «conséquences injustifiées», il faut naturellement entendre le licenciement et les mesures disciplinaires, de même que la responsabilité. Plusieurs années plus tard, la situation a été réexaminée à l’occasion des discussions de la commission de la Conférence chargée, en 1987-88, d’élaborer la convention sur la sécurité et la santé dans la construction. Le groupe des travailleurs a présenté un amendement visant à inclure le droit de tout travailleur de se retirer d’une situation présentant un danger grave ou imminent. La proposition a finalement été acceptée par la majorité des membres de la commission, à la condition d’être assortie de l’obligation du travailleur d’en informer immédiatement son supérieur.

La même disposition a été insérée dans la convention (no 170) sur les produits chimiques, 1990, et dans la convention (no 176) sur la sécurité et la santé dans les mines, 1995. Par conséquent, les Etats qui ont ratifié les conventions sur la sécurité et la santé, sur la construction, sur les produits chimiques ou sur la sécurité et la santé dans les mines doivent inscrire dans leur législation nationale le droit des travailleurs de se retirer d’une situation de travail présentant un danger pour leur santé ou leur vie, et d’être protégés contre des «conséquences injustifiées». Ces dispositions mèneront tôt ou tard à l’application de ce droit aux travailleurs de toutes les branches de l’activité économique. Ce droit nouvellement reconnu a été introduit en 1989 dans la directive-cadre de l’Union européenne (UE) sur l’organisation de la sécurité et de la santé. Tous les Etats Membres de l’UE ont dû intégrer ce droit dans leur législation à la fin de 1992.

2) Le droit d’un travailleur de demander une évaluation de son état de santé au lieu de subir des examens médicaux obligatoires.

Pendant de nombreuses années, la législation nationale exigeait que les travailleurs exerçant des occupations particulières subissent des examens médicaux préalables à toute affectation ou maintien à un poste de travail. Au fil des ans, la liste des examens médicaux à subir obligatoirement avant une affectation, puis à intervalles réguliers, s’est allongée. Pourtant, ce qui partait d’une bonne intention est en train de devenir un fardeau parce que l’on fait passer beaucoup trop d’examens médicaux à une même personne. Si ces examens étaient inscrits dans un carnet de santé accompagnant le travailleur tout au long de sa vie et attestant son bon ou mauvais état de santé, comme c’est le cas dans certains pays, ils pourraient servir à éliminer des candidats à l’emploi et, partant, à les condamner au chômage. Un jeune travailleur ayant subi de nombreux examens médicaux au cours de sa vie professionnelle pour cause d’exposition à des produits dangereux risque alors de ne trouver que portes closes, aucun employeur n’étant disposé à l’embaucher par crainte de le voir s’absenter trop souvent pour cause de maladie.

De plus, tout examen médical constitue une intrusion dans la vie privée d’une personne et, partant, c’est au travailleur d’en décider.

Le Bureau international du Travail a donc proposé d’inscrire dans la convention (no 171) sur le travail de nuit, 1990, le droit pour un travailleur de demander une évaluation de son état de santé au lieu de subir des contrôles obligatoires. Cette idée a été bien accueillie et elle a finalement trouvé son expression dans l’article 4 de la convention sur le travail de nuit, adoptée par la Conférence internationale du Travail en 1990. Cet article se lit comme suit:

1. A leur demande, les travailleurs auront le droit d’obtenir sans frais une évaluation de leur état de santé et de recevoir des conseils sur la façon de réduire ou d’éviter les problèmes de santé associés à leur travail: a) avant d’être affectés à un travail de nuit; b) à intervalles réguliers au cours de cette affectation; c) s’ils éprouvent au cours de cette affectation des problèmes de santé qui ne sont pas dus à des facteurs autres que le travail de nuit.

2. Sauf pour ce qui est de la constatation de l’inaptitude au travail de nuit, le contenu de ces évaluations ne doit pas être transmis à des tiers sans l’accord des travailleurs ni être utilisé à leur détriment.

Nombre de professionnels de la santé éprouvent de la difficulté à accepter cette idée. Ils devraient pourtant comprendre que le droit d’une personne de décider de faire évaluer son état de santé correspond à l’idée que l’on se fait aujourd’hui des droits humains. Cette disposition a déjà été reprise dans certaines législations nationales. En Allemagne, par exemple, le gouvernement l’a inscrite dans la loi de 1994 sur la durée du travail qui fait référence à la convention. Fait encore plus significatif, les dispositions de la directive-cadre de l’UE sur la sécurité et la santé des travailleurs concernant la surveillance de l’état de santé sont calquées sur ce modèle.

Les conventions internationales du travail — Les procédures d’exécution

Tout Etat qui ratifie une convention de l’OIT s’engage à prendre «telles mesures qui seront nécessaires pour rendre effectives les dispositions de ladite convention» [Constitution de l’OIT, art. 19 (5)]. Les autres pays et les organisations représentatives d’employeurs et de travailleurs (mais non les particuliers) disposent de plusieurs moyens pour encourager un gouvernement à respecter les obligations qu’il a acceptées. Il suffit à une organisation d’adresser une lettre circonstanciée au Directeur général, Bureau international du Travail, 4, route des Morillons, CH-1211 Genève 22, Suisse (télécopie: +41-22-798 86 85). Les procédures décrites ici sont complétées par les activités de l’OIT visant à promouvoir les normes internationales du travail, entre autres par la tenue de séminaires et de colloques animés par les conseillers régionaux.

Procédures définies à l’article 22. Les gouvernements doivent présenter au Bureau international du Travail un rapport annuel sur les mesures qu’ils ont prises pour mettre à exécution les conventions auxquelles ils ont adhéré (art. 22). Ils sont également tenus de remettre une copie du rapport aux principales organisations représentatives des employeurs et des travailleurs de leur pays (art. 23). Ces organisations peuvent commenter les rapports et donner un complément d’information sur l’application d’un instrument. La Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations (CEACR) examine les rapports et les commentaires reçus. Elle peut alors présenter ses propres observations aux gouvernements et recommander telle ou telle modification de la législation ou de la pratique, ou encore relever les progrès accomplis. A son tour, la CEACR présente un rapport annuel à la Conférence internationale du Travail. La Commission de l’application des normes examine des cas choisis, avant d’en rendre compte à Conférence réunie en séance plénière. Le rapport de la Conférence appelle les gouvernements à respecter les obligations qu’ils ont acceptées en ratifiant les conventions internationales du travail et, parfois, les invite à accepter des missions de contacts directs pendant lesquelles les membres des missions, le gouvernement et les organisations représentatives des travailleurs et des employeurs cherchent ensemble des solutions.

Procédures définies à l’article 24. Selon cet article de la Constitution de l’OIT, toute organisation professionnelle des travailleurs ou des employeurs peut déposer une réclamation pour faire valoir qu’un Etat Membre n’aurait pas assuré d’une manière satisfaisante l’exécution d’une convention qu’il a ratifiée. Pour être admissible, la réclamation doit provenir d’une telle organisation, être présentée par écrit, se référer à l’article 24 de la Constitution de l’OIT et indiquer sur quel point l’Etat mis en cause n’a pas veillé de façon satisfaisante à l’application des dispositions de la convention qu’il a ratifiée (désignée par son titre ou son numéro). Le Conseil d’administration peut alors former une commission d’enquête qui aura pour mission d’étudier la question, de transmettre ses constatations au gouvernement pour commentaires et d’établir un rapport, que le Conseil d’administration pourra faire publier. La réclamation peut également donner lieu à une mission de contacts directs. Lorsqu’un gouvernement ne donne pas suite à un rapport découlant d’une réclamation présentée aux termes de l’article 24, le Conseil d’administration peut engager une procédure de plainte, conformément à l’article 26 de la Constitution de l’OIT.

Procédures définies à l’article 26. Cet article de la Constitution de l’OIT permet d’engager des procédures de plainte auprès du Bureau international du Travail contre un Etat Membre qui n’assurerait pas d’une manière satisfaisante l’exécution d’une convention qu’il a ratifiée. Les plaintes peuvent être déposées par un autre Etat Membre qui a, lui aussi, ratifié la même convention, par un délégué à la Conférence internationale du Travail (gouvernemental, employeur ou travailleur), ou par le Conseil d’administration. Le Conseil d’administration peut former une commission d’enquête qui a pour mission d’étudier la plainte et de déposer un rapport à ce sujet. Les conclusions et les recommandations de la commission d’enquête sont alors publiées. Les recommandations peuvent inclure une mission de contacts directs. En cas de désaccord sur les recommandations de la commission d’enquête, une plainte peut être déposée auprès de la Cour internationale de Justice, dont la décision n’est pas susceptible d’appel.

Procédures relatives à la liberté syndicale. La liberté syndicale et le droit à la négociation collective étant au cœur même de toute participation à l’OIT, des procédures particulières ont été établies pour traiter les plaintes alléguant des infractions à ces droits. Le Comité de la liberté syndicale, qui relève du Conseil d’administration, examine les plaintes que les organisations nationales ou internationales d’employeurs ou de travailleurs ont déposées contre un Etat Membre de l’OIT, même lorsque cet Etat n’a pas ratifié les deux grandes conventions internationales du travail sur la liberté syndicale et la négociation collective. Le Comité peut également recommander qu’un gouvernement accepte une mission de contacts directs pour l’aider à assurer le respect de ces principes fondamentaux.

Effet. Certes, l’OIT ne dispose pas de forces de police ou d’une inspection du travail qui peut ordonner de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité d’un lieu de travail, mais les gouvernements sont sensibles aux demandes pressantes qu’elle leur adresse au sujet du respect des obligations qu’ils ont acceptées en ratifiant certaines conventions. Pour nombre de cas, la pression publique qui s’exerce par le recours aux procédures de l’OIT a abouti à des changements dans la législation et la pratique nationales et, par conséquent, à l’amélioration des conditions de travail.

Anne Trebilcock

Les fonctions du Bureau international du Travail

Les fonctions du Bureau international du Travail, telles que définies à l’article 10 de la Constitution, comprennent la centralisation et la distribution de toutes les informations concernant la réglementation internationale de la condition des travailleurs et du régime de travail et, en particulier, les futures normes internationales du travail; la préparation de la documentation sur les divers points à l’ordre du jour des sessions de la Conférence (notamment les études préparatoires concernant le contenu et le libellé des conventions et des recommandations); la prestation de services consultatifs aux gouvernements, aux organisations de travailleurs et d’employeurs des Etats Membres pour l’élaboration de la législation du travail et l’amélioration pratique administrative et des services d’inspection; la rédaction de publications traitant des questions concernant l’industrie et le travail qui présentent un intérêt international.

Comme tout ministère du travail, le Bureau international du Travail est composé de départements, services et unités chargés des divers domaines de la politique du travail. Deux instituts ont été créés spécialement pour venir en aide au Bureau et aux Etats Membres: l’Institut international d’études sociales, au siège social de l’OIT, à Genève, et le Centre international de formation de l’OIT, à Turin (Italie).

Le Directeur général, élu par le Conseil d’administration pour un mandat de cinq ans, et trois directeurs généraux adjoints nommés par le Directeur général (depuis 1996) sont à la tête de treize départements, onze bureaux au siège social à Genève (Suisse), deux bureaux de liaison avec les organisations internationales, cinq départements régionaux (Afrique, Amériques, Asie et Pacifique, Etats arabes, Europe) comptant trente-cinq bureaux de zone et de correspondance et treize équipes multidisciplinaires (groupe de spécialistes qui offrent des services consultatifs dans les Etats Membres d’une sous-région).

Le Département des conditions et du milieu de travail est chargé de l’essentiel des activités en matière de sécurité et de santé. Les experts formant les équipes multidisciplinaires font partie de ce département, qui est composé de quelque soixante-dix fonctionnaires de la catégorie des services organiques et de celle des services généraux de vingt-cinq nationalités différentes. Depuis 1996, il compte deux services: les conditions de travail et les activités de bien-être (CONDI/T), et la sécurité et santé au travail (SEC/HYG).

Les services d’information sur la sécurité et l’hygiène au travail du service SEC/HYG administrent le Centre international d’informations de sécurité et santé au travail (CIS) et la section des systèmes de soutien en matière d’information sur la sécurité et la santé au travail. Les travaux d’édition de l’Encyclopédie sont confiés à la section des systèmes de soutien.

Une unité spéciale du Département a été créée en 1991: le Programme international pour l’abolition du travail des enfants (IPEC, d’après le sigle anglais), qui élabore, avec les Etats Membres de toutes les régions du monde, des programmes nationaux de lutte contre le travail des enfants. L’IPEC est financé par des contributions spéciales de plusieurs Etats Membres, notamment l’Allemagne, l’Australie, la Belgique, l’Espagne, les Etats-Unis, la France et la Norvège.

A la suite de la révision du grand programme sur la sécurité et la santé de l’OIT établi dans les années soixante-dix sous le nom de Programme international pour l’amélioration des conditions et du milieu de travail (PIACT), la Conférence internationale du Travail a adopté en 1984 une résolution sur cette question. En principe, cette résolution sert de schéma directeur pour toutes les actions de l’OIT et des Etats Membres de l’Organisation dans le domaine de la sécurité et de la santé et s’inspire des principes suivants:

Des publications concernant la santé des travailleurs sont parues dans la série Sécurité et hygiène au travail, notamment Exposition professionnelle à des substances nocives en suspension dans l’air, une liste des limites d’exposition établies par quinze Etats Membres (BIT, 1981); International Directory of Occupational Safety and Health Services and Institutions, répertoire des services de sécurité et de santé au travail des Etats Membres (BIT, 1990); Protection of Workers from Power Frequency Electric and Magnetic Fields, guide pratique sur les effets possibles des champs électriques et des champs magnétiques sur la santé, ainsi que sur les procédures à suivre pour établir des normes de sécurité plus élevées (BIT, 1993).

Les réalisations de l’OIT dans le domaine de la sécurité et de la santé sont généralement des recueils de directives pratiques, qui constituent une sorte de modèle de réglementation sur la sécurité et la santé dans de nombreux domaines du travail. Ces recueils sont souvent élaborés en vue de faciliter la ratification et l’application des conventions internationales du travail. Par exemple, le Recueil de directives pratiques Prévention des accidents industriels majeurs (BIT, 1991), donne des lignes directrices pour l’établissement d’un système administratif, juridique et technique devant assurer le contrôle des installations à risques d’accident majeur et éviter des catastrophes, tandis que le Recueil de directives pratiques Enregistrement et déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles (BIT, 1996b) vise à harmoniser les méthodes de collecte des données et l’établissement de statistiques sur les accidents et les maladies, ainsi que sur les événements et les circonstances les entourant, afin de favoriser une action préventive et de faciliter les analyses comparatives entre Etats Membres (ces recueils ne sont que deux exemples tirés d’une longue liste). Dans le domaine de l’échange d’informations, le Service de la sécurité et de la santé au travail du BIT organise deux activités majeures: le Congrès mondial sur la sécurité et la santé au travail, et la Conférence internationale de l’OIT sur les pneumoconioses (dénommée aujourd’hui Conférence internationale sur les maladies respiratoires professionnelles).

Depuis les années cinquante, le Congrès mondial a lieu dans un des Etats Membres de l’OIT tous les trois ou quatre ans. Il est organisé en collaboration avec l’Association internationale de la sécurité sociale (AISS) et l’organisation nationale de l’Etat hôte chargée de la sécurité et de la santé. Deux à trois mille experts d’une centaine de pays se réunissent pour échanger des informations sur les bonnes pratiques dans le domaine de la sécurité et de la santé et sur les nouvelles orientations, ainsi que pour établir des relations avec des collègues d’autres pays ou d’autres parties du monde. Le Congrès de 1999 à eu lieu à São Paulo au Brésil.

L’OIT organise la Conférence sur les pneumoconioses depuis les années trente. Celle de 1997 s’est déroulée à Kyoto (Japon). Ces conférences ont abouti à une grande réalisation, la Classification internationale du BIT des radiographies de pneumoconioses.

La coopération technique de l’OIT dans le domaine de la sécurité et de la santé comporte de nombreux volets. Plusieurs projets ont aidé les Etats Membres à élaborer une nouvelle législation en la matière et à renforcer leurs services d’inspection. D’autres pays ont reçu de l’aide pour mettre sur pied des instituts de sécurité et de santé afin de promouvoir les recherches et de mettre au point des programmes et des activités de formation. Des projets spéciaux sur la sécurité dans les mines et dans l’utilisation des produits chimiques au travail ont été conçus et mis en œuvre; par exemple, on a établi des systèmes de contrôle des risques majeurs. Ces projets peuvent viser un Etat Membre en particulier ou un groupe de pays d’une région donnée. Les tâches accomplies au BIT portent sur l’évaluation des besoins, l’élaboration et la conception des projets, l’identification du soutien financier provenant de fonds internationaux et de programmes d’aide nationaux, la sélection des experts techniques et la prestation des services sur ce plan, l’achat de matériel et la planification, ainsi que l’organisation et la mise en œuvre de voyages d’études et de programmes de bourses.

Les activités normatives, la recherche, la collecte et la diffusion d’informations, ainsi que la coopération technique constituent les moyens d’action de l’OIT. Les activités, menées avec la participation des membres tripartites de l’Organisation, renforcent le combat pour la justice sociale et la paix dans le monde.

C’est la raison pour laquelle en 1969, année du cinquantième anniversaire de l’Organisation, le travail et les réalisations de l’Organisation internationale du Travail ont été récompensés par le prix Nobel de la paix.

L’ORGANISATION INTERNATIONALE DE NORMALISATION (ISO)

Lawrence D. Eicher

L’Organisation  internationale  de  normalisation  (ISO)  est  une fédération mondiale de cent vingt organismes nationaux de normalisation (1996). L’ISO se propose de promouvoir la mise au point de normes en vue de faciliter les échanges de biens et de services dans le monde et de stimuler la coopération dans les domaines intellectuel, scientifique, technique et économique. Les résultats des travaux techniques de l’ISO sont publiés sous la forme de Normes internationales.

Le champ d’action de l’ISO ne se limite pas à une branche d’activité en particulier; il s’étend à tous les domaines de la normalisation, à l’exception de la technologie électrique et électrotechnique qui relève de la Commission électrotechnique internationale (CEI).

Pour préparer les normes internationales, l’ISO concilie les intérêts des fabricants, des usagers (y compris les consommateurs), des gouvernements et des milieux scientifiques.

Les travaux de l’ISO sont effectués par quelque 2 800 organes techniques. Plus de 100 000 experts de toutes les régions du monde participent à ces travaux qui ont donné lieu à la publication de plus de 10 000 normes internationales, ce qui représente quelque  188 000  pages  de  données  de  référence  concises  en anglais et en français.

L’origine et la composition

La normalisation internationale a commencé dans le domaine de l’électrotechnique, il y environ quatre-vingt-dix ans. Malgré les tentatives amorcées dans les années trente en vue d’instituer des normes internationales dans d’autres domaines techniques, ce n’est qu’avec la création de l’ISO que l’on vit naître une organisation internationale entièrement vouée à la normalisation.

A la suite d’une réunion tenue à Londres en 1946, les délégués de vingt-cinq pays décidèrent d’instituer une nouvelle organisation «dont l’objet serait de faciliter la coordination et l’unification internationales des normes industrielles». La nouvelle organisation, l’ISO, a commencé officiellement ses travaux le 23 février 1947.

Un comité membre de l’ISO est l’organisme national «le plus représentatif de la normalisation dans son pays». Il en résulte qu’un seul organisme par pays peut être admis en qualité de membre de l’ISO. Les comités membres sont habilités à participer et à exercer leur plein droit de vote dans tout comité technique de l’ISO, sont éligibles comme membres du Conseil et ont le droit de siéger à l’Assemblée générale. En septembre 1995, le nombre de comités membres s’élevait à quatre-vingt-trois. Plus de 70% des comités membres de l’ISO sont des institutions gouvernementales ou des organisations de droit public. Les autres sont en relation étroite avec l’administration publique de leur pays.

Un membre correspondant est en général une organisation d’un pays en développement qui ne dispose pas encore de son propre organisme de normalisation. Les membres correspondants ne prennent pas une part active aux travaux techniques, mais ils en sont tenus pleinement informés. Généralement, un membre correspondant accède au statut de comité membre au bout de quelques années. Presque tous les membres correspondants actuels sont des institutions gouvernementales. En septembre 1995, on comptait vingt-quatre membres correspondants.

Une troisième catégorie de membres, les membres abonnés, a été créée pour les petits pays. Ils versent une contribution réduite qui leur permet de rester en contact avec la normalisation internationale. En septembre 1995, il y avait huit membres abonnés.

D’autres renseignements sur les comités membres de l’ISO figurent dans la publication Comités membres ISO.

Les activités techniques

Les activités techniques de l’ISO sont confiées à des comités techniques (CT). La décision de créer un comité technique relève du Bureau technique, qui approuve également le champ d’action du comité. Le comité technique détermine alors son propre programme de travail dans les limites du champ d’action approuvé.

Les comités techniques peuvent à leur tour créer des sous-comités (SC) et des groupes de travail (GT) chargés de différents aspects des travaux. Chaque comité ou sous-comité technique dispose d’un secrétariat confié à un comité membre de l’ISO. A la fin de 1995, il existait 185 comités techniques, 611 sous-comités et 2 022 groupes de travail.

Une demande visant à ouvrir un nouveau domaine d’activité technique dans le programme de travail de l’ISO émane habituellement d’un comité membre, mais peut être présentée par une autre organisation internationale. Comme les ressources sont limitées, il faut établir un ordre de priorité. En conséquence, toutes les nouvelles demandes sont soumises à l’examen des comités membres de l’ISO. En cas d’acceptation, les nouveaux travaux sont confiés au comité technique compétent ou, le cas échéant, à un nouveau comité créé à cet effet.

Chaque  comité  membre  intéressé  par  une  étude  a  le  droit de faire partie du comité technique correspondant. Les règles détaillées de procédure figurent dans les Directives ISO/CEI.

Les normes internationales

Une norme internationale est le résultat d’un accord intervenu entre les comités membres de l’ISO. Elle peut être utilisée telle quelle ou être incorporée dans les normes nationales.

Un premier pas important vers l’élaboration d’une norme internationale est le projet de comité (PC), document distribué pour étude par le comité technique. Ce document doit franchir un certain nombre d’étapes avant d’être accepté comme norme internationale. La procédure en vigueur est destinée à garantir que le résultat final soit acceptable par le plus grand nombre possible de pays. Lorsque les membres du comité technique parviennent à un accord, le projet de comité est envoyé au secrétariat central pour être enregistré comme projet de norme internationale (Draft International Standard (DIS)), en vue de sa soumission au vote de tous les comités membres. Dans beaucoup de pays, le DIS est soumis à enquête publique, ce qui permet une très vaste consul-tation. Si le DIS est approuvé par 75% des votes, il passe à l’étape de projet final de norme internationale (Final Draft International Standard (FDIS)) et est envoyé à tous les comités membres pour adoption formelle par l’ISO. Une fois encore, le projet final doit obtenir 75% des votes avant d’être publié comme norme internationale. Habituellement, les questions techniques fondamentales sont résolues au niveau du comité technique; toutefois, la procédure du vote des comités membres permet d’assurer qu’aucune objection importante n’a été laissée de côté.

La plus grande partie du travail se fait par correspondance et les réunions ne sont convoquées qu’en cas d’absolue nécessité. Chaque année, quelque 10 000 documents de travail sont distribués. La plupart des normes appellent une révision périodique. Plusieurs facteurs concourent à rendre une norme caduque: l’évolution des techniques, des méthodes nouvelles, des matériaux nouveaux et des prescriptions nouvelles en matière de qualité et de sécurité. Pour tenir compte de ces facteurs, l’ISO s’est fixé pour règle de réviser toutes les normes ISO tous les cinq ans au moins. Il est parfois même nécessaire de les réviser plus tôt.

La liste de toutes les normes ISO figure dans le Catalogue ISO.

Les activités de l’ISO dans le domaine de la sécurité au travail

Chaque norme internationale de l’ISO est préparée en tenant compte de la sécurité, facteur qui fait partie intégrante du travail de l’Organisation.

Les quelque 10 000 normes internationales déjà publiées par l’ISO couvrent des domaines très divers: aérospatiale, aéronautique, agriculture, construction, essais au feu sur les matériaux de construction, conteneurs, matériel médical, matériel pour l’exploitation minière, langages informatiques, environnement, sécurité individuelle, ergonomie, pesticides, énergie nucléaire.

Bon nombre de normes internationales sont naturellement considérées comme importantes pour la prévention des risques professionnels. Par exemple, on reconnaît facilement le symbole de base pour les rayonnements ionisants ou les substances radio- actives (ISO 361), les couleurs et les signaux de sécurité (ISO 3864) et les casques de protection pour l’industrie (ISO 3873) recommandés pour assurer une protection moyenne dans les domaines de l’exploitation minière, l’exploitation des carrières, la construction de navires, les ponts et chaussées, la foresterie, etc. Si la pertinence, pour la protection de la sécurité, d’autres normes internationales n’est pas aussi évidente, il n’en reste pas moins qu’elles ont un effet tout aussi important sur la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles. Par exemple, la norme ISO 2631 — Evaluation de l’exposition des individus à des vibrations globales du corps, publiée en deux parties mesure la «limite de confort réduit», la «limite de capacité réduite par fatigue» et la «limite d’exposition» établies selon les différentes intensités de vibration, l’ampleur de l’accélération et la durée d’exposition, et selon la direction des vibrations par rapport aux axes basicentriques du corps humain. Comme toutes les autres, cette norme est constamment mise à jour en fonction des recherches et des expériences. Elle s’applique aux véhicules comme les camions-bennes, les tracteurs et les excavatrices, ainsi qu’à d’autres types de véhicules et lieux de travail.

Les comités techniques de l’ISO énumérés dans le tableau 23.2 sont parmi les plus renommés pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles.

Tableau 23.2 Comités techniques de l'ISO les plus intéressés à la prévention des accidents du
travail et des maladies professionnelles

No

Titre

Exemple d’une norme de l’ISO

10

Dessins techniques, définition du produit et documentation connexe

ISO/DIS 11604

Documentation technique de produits — Micrographie des dessins techniques et autres documents de bureau d’études

21

Equipement de protection et de lutte contre l’incendie

ISO 3941

Classes de feux

23

Tracteurs et matériels agricoles et forestiers

ISO 3776

Tracteurs agricoles — Ancrages pour ceintures de sécurité

35

Peintures et vernis

ISO 3679

Peintures, vernis, produits pétroliers et assimilés — Détermination du point d’éclair — Méthode rapide à l’équilibre

43

Acoustique

ISO 4872

Acoustique — Mesure du bruit aérien émis par les engins de construction destinés à être utilisés à l’air libre — Méthode de vérification de la conformité en ce qui concerne les limites de bruit

44

Soudage et techniques connexes

ISO/DIS 10882-2

Hygiène et sécurité en soudage et techniques connexes — Echantillonnage de particules en suspension et gaz dans la zone de respiration des opérateurs — Partie 2: Echantillonnage des gaz

59

Construction immobilière

ISO/TR 9527

Construction immobilière — Besoins des handicapés dans les bâtiments — Lignes directrices pour la conception

67

Matériels, équipements et plates-formes en mer pour l’industrie du pétrole et du gaz naturel

ISO 10418

Industries du pétrole et du gaz naturel — Plates-formes de production en mer — Analyse, conception, installation et essais des systèmes essentiels de sécurité de surface

82

Exploitation minière

ISO 3155

Câbles d’extraction toronnés utilisés dans les mines — Composants textiles — Caractéristiques et essais

85

Energie nucléaire

ISO 1709

Energie nucléaire — Matières fissiles — Principes de sécurité, criticité lors du stockage, de la manipulation et du traitement

86

Réfrigération

ISO 5149

Systèmes frigorifiques mécaniques utilisés pour le refroidissement et le chauffage — Prescriptions de sécurité

92

Matériaux de construction

ISO 1716

Matériaux de construction — Détermination du potentiel calorifique

94

Sécurité — Vêtements et équipement de protection

ISO 2801

Vêtements de protection contre la chaleur et le feu — Recommandations générales pour les utilisateurs et les responsables

96

Grues

ISO 10245-1

Appareils de levage à charge suspendue — Limiteurs et indicateurs — Partie 1: Généralités

98

Structures de construction en général

ISO 2394

Principes généraux de la fiabilité des constructions

101

Engins de manutention continue

ISO 1819

Engins de manutention continue — Code de sécurité — Règles générales

108

Vibrations et chocs mécaniques

ISO 2631-1

Evaluation de l’exposition des individus à des vibrations globales du corps — Partie 1: Spécifications générales

110

Chariots industriels

ISO 1074

Chariots élévateurs à fourche travaillant en porte-à-faux — Essais de stabilité

118

Compresseurs, outils et machines pneumatiques

ISO 5388

Compresseurs d’air fixes — Règles de sécurité et code d’exploitation

146

Qualité de l’air

ISO 8518

Air des lieux de travail — Dosage du plomb particulaire et des particules de composés de plomb — Méthode par spectrométrie d’absorption atomique dans la flamme

159

Ergonomie

ISO 7243

Ambiances chaudes — Estimation de la contrainte thermique de l’homme au travail, basée sur l’indice WBGT (température mesurée par globe humide noir)

199

Sécurité des machines

ISO/TR 12100-1

Sécurité des machines — Notions fondamentales, principes généraux de conception — Partie 1: Terminologie de base, méthodologie

Ces comités techniques et d’autres ont travaillé ou travaillent à l’élaboration de normes internationales relatives aux risques professionnels dans des secteurs comme les chantiers de construction, les usines, les docks, l’agriculture et la foresterie, les installations nucléaires, la manutention de charges et les vêtements et l’équipement de protection individuelle.

Le secteur de la construction illustre bien le travail approfondi de l’ISO dans la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles. Parmi la cinquantaine de comités techniques de l’ISO qui s’occupent de divers aspects de la construction ou des matériaux de construction, dix traitent des problèmes en milieu de travail. Les facteurs physiques dans cette branche d’activité touchent notamment la sécurité individuelle, les vibrations et les chocs, le bruit, les machines de chantier, les engins de terrassement, les grues et appareils de levage, ainsi que l’ergonomie. Les facteurs chimiques sont la qualité de l’air, les peintures et les vernis, la protection des soudeurs et l’équipement de protection individuelle.

Le comité technique 127 de l’ISO (engins de terrassement) a institué un sous-comité pour examiner spécifiquement les impératifs de sécurité et les facteurs humains en ce qui concerne tous les types courants d’engins de terrassement comme les tracteurs, les chargeuses, les camions-bennes, les décapeuses, les excavatrices et les niveleuses. Des normes existent déjà en ce qui concerne la sécurité de l’accès aux cabines de conduite au moyen de marches, d’échelles, de passerelles et de plates-formes. Les dimensions des cabines ont été étudiées en fonction de critères ergonomiques, selon la taille du conducteur, la position assise ou debout, les vêtements portés dans un climat arctique ou autre, etc.

La posture assise, ainsi que la taille et la forme des sièges adaptés à la morphologie des différents types de conducteurs font également l’objet de normes internationales. Les positions assises sont désormais liées au confort et à la facilité d’accès aux commandes manuelles et aux pédales. Les normes dans ce domaine ont été élaborées de manière à définir le champ de visibilité des conducteurs d’engins de terrassement en fonction de la forme, de la taille et de l’emplacement des angles morts ou sans visibilité créés par certaines parties des machines.

Pour empêcher l’écrasement du conducteur en cas de renversement accidentel, des structures de protection contre le retournement (Roll-over Protective Structures (ROPS)) ont été mises au point et normalisées. La chute de pierres, d’arbres ou de pans de bâtiments en cours de démolition étant potentiellement dangereuse, des structures de protection contre les chutes d’objets (Falling-object Protective Structures (FOPS)) ont donc été normalisées afin de réduire les risques d’accidents.

La norme ISO 7000 — Symboles graphiques utilisables sur le matériel — Index et tableau synoptique récapitule plusieurs centaines de symboles graphiques reconnus à l’échelle internationale. Ces symboles doivent être apposés sur toutes sortes de matériels ou de pièces pour transmettre à l’utilisateur un message de sécurité.

Les travaux de l’ISO relatifs à la construction sont à la fois intensifs et extensifs, comme ils le sont dans les autres domaines couverts par l’Organisation (le champ d’action de l’ISO comprend la plupart des activités industrielles, agricoles et maritimes, à l’exception de l’électrotechnique, qui est du ressort de la Commission électrotechnique internationale, et de celui des produits pharmaceutiques, qui relève de l’Organisation mondiale de la santé).

Dans les usines, les normes internationales sont tout particulièrement utiles pour les émigrants à la recherche d’un emploi qui ne savent ni parler ni lire la langue du pays hôte. La présence de symboles graphiques facilement identifiables sur les machines et conformes aux normes internationales revêt alors une importance cruciale, tout comme dans le secteur de la construction. Il en va de même pour les normes relatives à la localisation des commandes manuelles et des pédales, ainsi qu’aux dispositifs de protection dont les pièces mobiles doivent être munies.

Les règles de sécurité et le code d’exploitation de l’ISO concernant les compresseurs d’air fixes touchent une grande variété de facteurs de sécurité et de facteurs environnementaux, tels que la prévention de l’inhalation de vapeurs toxiques d’huiles, le contrôle des inhibiteurs de gaz toxiques, la prévention de l’inflammation de l’huile et de l’explosion du carter, et l’utilisation de soupapes de sûreté.

La sécurité relative aux engins de manutention continue fait l’objet de près de quarante normes internationales. Ces normes touchent divers aspects comme la sécurité et les codes de sécurité applicables à différents types d’équipement, notamment les transporteurs  à  courroie,  les  distributeurs  vibrants,  les  convoyeurs aériens, les transporteurs par voie hydraulique, l’équipement de manutention pneumatique, les transporteurs à rouleaux et les transporteurs à vis.

Dans le domaine de l’agriculture et de la foresterie, l’ISO a élaboré d’importantes normes internationales qui protègent les travailleurs. Les ancrages de ceintures de sécurité pour les tracteurs agricoles sont l’objet d’une norme bien connue. Pour les fabricants, cette norme facilite les échanges, car elle remplace une pléthore de normes et règles nationales sur le sujet. Les normes de l’ISO prévoient même des règles de présentation pour les manuels du conducteur et les publications techniques portant sur l’utilisation des tracteurs et des machines agricoles afin d’en faciliter la lecture et la compréhension.

Les dockers sont protégés par des normes internationales qui définissent la stabilité des grues fixes ou mobiles et l’effet de la force du vent sur la structure des grues. D’autres normes portent sur les indicateurs et les dispositifs de sécurité qui se déclenchent en cas d’erreur de jugement du conducteur. D’autres encore concernent différents types d’indicateurs: vitesse du vent, surtension, masse, relevage et orientation; des dispositifs «d’arrêt automatique», comme les limiteurs de descente de la flèche, de course de charge maximale et de mou de câble. Les normes existantes et celles qui sont en préparation ne devraient pas uniquement aider les conducteurs, elles devraient aussi améliorer le milieu de travail en suscitant un sentiment de confiance chez tous les travailleurs passant en dessous et autour des appareils de levage. Une norme internationale connexe établissant des critères de mise hors service des câbles toronnés pour usure, corrosion, déformation, rupture, indentation ou détérioration de l’âme a été conçue pour guider les personnes qualifiées assurant l’entretien et l’inspection des grues et des appareils de levage. De nouvelles normes en cours d’élaboration portent sur les dispositifs d’ancrage mis hors service, l’entretien, la surveillance de l’état de fonctionnement, la sécurité d’utilisation sans risque et les signaux de sécurité.

La sécurité des travailleurs et des autres personnes présentes dans les installations nucléaires ou aux alentours fait l’objet d’un certain nombre de normes internationales. Les travaux en cours portent sur les méthodes d’essai pour les exposimètres et les dosimètres, les essais d’étanchéité des emballages, les fuites de rayonnements et les principes généraux relatifs au prélèvement des matières radioactives en suspension dans l’air.

La responsabilité des normes internationales afférentes à l’équipement de protection individuelle incombe au comité technique 94 de l’ISO. Après avoir établi la norme sur les casques de protection pour l’industrie, ce comité a mis au point une terminologie normalisée sur la protection oculaire individuelle, défini des spécifications d’utilisation et de transmission en ce qui concerne le pouvoir filtrant des protections oculaires par rapport aux rayons infrarouges, et formulé des recommandations générales à l’intention des utilisateurs de vêtements de protection contre la chaleur avec ou sans flamme et de leurs supérieurs.

L’établissement et l’observation de normes internationales de l’ISO comme celles-là, qui sont le fruit d’une coopération à l’échelle mondiale, ont sans aucun doute amélioré la qualité du milieu de travail.

L’ASSOCIATION INTERNATIONALE DE LA SÉCURITÉ SOCIALE (AISS)

Dick J. Meertens

Raison d’être et historique

L’Association internationale de la sécurité sociale (AISS) a pour mission de participer, à l’échelle internationale, à la défense, à la promotion et à l’expansion de la sécurité sociale, particulièrement par son perfectionnement technique et administratif. On considère aujourd’hui que la prévention des risques sociaux fait partie intégrante de la sécurité sociale.

L’AISS a eu un précurseur lointain, la Commission permanente internationale sur l’assurance sociale (CPIAS), qui s’est préoccupée des risques d’accidents, avant d’élargir son champ d’action, en 1891, à l’assurance sociale en général. En 1927, la Conférence internationale du Travail a adopté, à sa dixième session, la convention (no 24) sur l’assurance maladie (industrie), et la convention (no 25) sur l’assurance maladie (agriculture). C’est à cette époque que l’AISS a été fondée sur l’initiative du Bureau international du Travail, qui désirait obtenir l’appui d’experts de plusieurs pays européens aux fins de la ratification de ces deux instruments. Jusqu’en 1947, l’organisme était connu sous le nom de Conférence internationale de la mutualité et des assurances sociales (CIMAS).

Le concept de prévention existait déjà dans l’esprit des pionniers de la CIMAS, qui l’avaient alors intégré dans les principes d’action fondamentaux adoptés par leur Assemblée constituante. Cependant, ce n’est qu’en 1954 que l’Association commença à s’occuper activement de sécurité et de santé au travail en instituant la Commission permanente pour la prévention des risques professionnels. Il est important de noter à cet égard que l’AISS joue un rôle complémentaire à celui de l’OIT. Les experts de l’AISS contribuent non seulement à l’élaboration des conventions et des recommandations internationales du travail, mais ils participent à leur mise en œuvre.

Bien que les programmes de prévention soient naturellement des plus répandus en sécurité et santé au travail, on note depuis une vingtaine d’années l’importance croissante de la prévention dans d’autres secteurs de la sécurité sociale, en particulier en ce qui concerne l’assurance maladie et, plus récemment, l’assurance chômage, comme l’attestent les travaux des commissions permanentes de l’AISS. Au cours des dix dernières années, les activités visant à prévenir les maladies et les accidents professionnels ont beaucoup évolué dans les sociétés industrialisées, comme nous le verrons dans la section portant sur le «concept de prévention» de l’Association.

La structure et la composition

L’AISS est un organisme international composé de services gouvernementaux, d’institutions ou d’organes administrant un ou plusieurs secteurs de la sécurité sociale ou de la mutualité. Ses bureaux sont situés au siège social de l’OIT, à Genève.

L’Association a deux catégories de membres: les membres affiliés (ministères ou organismes gouvernementaux, institutions centralisées et fédérations nationales d’institutions qui administrent dans leur pays la sécurité sociale ou l’une de ses branches), et les membres associés (institutions nationales à but non lucratif, comme les organismes de recherche et les institutions de sécurité et de santé dont les objectifs sont compatibles avec ceux de l’Association, mais qui ne sont pas admissibles en tant que membres affiliés).

En 1995, l’AISS comptait plus de 240 membres affiliés dans 117 pays, et 95 membres associés dans 35 pays, ce qui représente en tout quelque 338 organisations membres dans 127 pays du monde. Plus de 200 institutions membres participent directement à l’assurance contre les accidents du travail et les maladies professionnelles ou à la prévention des accidents et à la promotion de la sécurité et de la santé.

Comme le montre l’organigramme figurant à la figure 23.4, toutes les activités de l’AISS sont dirigées par l’Assemblée générale, qui se compose de délégués nommés par les institutions membres et que l’on appelle parfois le parlement mondial de la sécurité sociale. Quant au Conseil, il comprend un délégué par pays comptant un membre affilié, et se réunit régulièrement tous les trois ans lors de l’Assemblée générale de l’Association. En collaboration avec le Conseil, le Bureau fait appliquer les décisions de l’Assemblée générale; il est formé de 30 membres élus et des présidents des commissions permanentes. Les membres du Bureau se réunissent deux fois par an.

Figure 23.4 Structure de l'Association internationale de la sécurité sociale (AISS)

Figure 23.4

Adresses des comités internationaux de l’AISS

Comité international pour la recherche
Secrétariat du Comité:
c/o Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS)
30, rue Olivier Noyer
F-75680 Paris Cedex 14
Tél.: +33-1 40 44 30 00; télécopie: +33-1 40 44 30 99

Comité international pour l’information
Secrétariat du Comité:
c/o Association nationale pour la prévention des accidents du travail (ANPAT)
88, rue Gachard, Boîte 4,
B-1050 Bruxelles
Tél.: +32-2 648 03 37; télécopie: +32-2 648 68 67

Comité international pour l’industrie minière
Secrétariat du Comité:
Vìdeckovýzkumný Uhelný Ústav
(Institut de recherche scientifique pour l’industrie minière)
Pikartská ul. 7
CS-716 07 Ostrava Radvanice, République tchèque
Tél.: +42-69 623 20 48; télécopie: +42-69 623 21 76

Comité international pour l’industrie chimique
Secrétariat du Comité:
c/o Berufsgenossenschaft der chemischen Industrie
Kurfürsten-Anlage 62
D-69115 Heidelberg
Tél.: +49-6221 52 34 98; télécopie: +49-6221 52 33 23

Comité international pour l’industrie métallurgique
Secrétariat du Comité:
c/o Allgemeine Unfallversicherungsanstalt
Adalbert-Stifter-Straße 65
A-1200 Vienne
Tél.: +43-1 33 111 558; télécopie: +43-1 33 111 469

Comité international pour l’électricité
Secrétariat du Comité:
c/o Berufsgenossenschaft der Feinmechanik und Elektrotechnik
Gustav-Heinemann-Ufer 130
D-50968 Cologne
Tél.: +49-221 37 78 1; télécopie: +49-221 37 78 134

Comité international pour le bâtiment et les travaux publics
Secrétariat du Comité:
c/o Organisme professionnel de prévention du bâtiment et des travaux publics (OPPBTP)
Tour Amboise, 204, rond-point du Pont de Sèvres
F-92516 Boulogne-Billancourt
Tél.: +33-1 46 09 26 54; télécopie: +33-1 46 09 27 40

Comité international pour l’agriculture
Secrétariat du Comité:
c/o Bundesverband der landwirtschaftlichen Berufsgenossenschaften
Weissensteinstraße 72
D-34131 Kassel-Wilhelmshöhe
Tél.: +49-561 93 59 401; télécopie: +49-561 93 59 414

Comité international pour la sécurité des machines
Secrétariat du Comité:
c/o Berufsgenossenschaft Nahrungsmittel und Gaststätten
Dynamostraße 7-9
D-68165 Mannheim
Tél.: +49-621 44 56 22 13; télécopie: +49-621 44 56 21 25

Comité international pour l’éducation et la formation
Secrétariat du Comité:
c/o Caisse régionale d’assurance maladie (CRAM Ile-de-France)
17-19, place de l’Argonne
F-75019 Paris
Tél.: +33-1 40 05 38 02; télécopie: +33-1 40 05 38 84

Comité international dans le secteur santé
Secrétariat du Comité:
c/o Berufsgenossenschaft für Gesundheitsdienst und Wohlfahrtspflege
Pappelallee 35-37
D-22089 Hambourg
Tél.: +49-40 20 72 50; télécopie: +49-40 20 20 75 24

Les activités

L’Association a trois principaux programmes:

1. Activités régionales. Ces activités visent à répondre aux besoins particuliers des institutions membres dans les diverses régions du monde. Ainsi, l’AISS a des bureaux régionaux pour l’Afrique, les Amériques, l’Asie et le Pacifique et pour l’Europe, qui sont situés respectivement à Abidjan, à Buenos Aires, à Manille et à Paris.

2. Recherche et documentation. L’évolution et les tendances de la sécurité sociale sont suivies de près par un réseau de correspondants qui les analysent dans une perspective de recherche nationale et transnationale. L’Association tient à jour la plus grande bibliothèque d’ouvrages sur la sécurité sociale au monde et elle collabore avec le Département de la sécurité sociale du BIT pour fournir en temps voulu des informations sur ces questions.

3. Activités techniques. Les dix commissions permanentes et un groupe d’étude traitent chacun d’une branche ou d’un aspect particulier de la sécurité sociale. Elles enquêtent sur des problèmes précis rattachés à un domaine (assurance maladie, assurance relative aux pensions de retraite, assurance chômage, protection de la famille, réadaptation, méthodologie et organisation, questions actuarielles et statistiques, etc.).

La Commission permanente d’assurance contre les accidents et les maladies du travail et la Commission permanente de prévention des risques professionnels, avec ses onze comités internationaux pour la prévention des accidents, sont particulièrement importantes pour la promotion de la sécurité et de la santé.

La Commission permanente de prévention des risques professionnels

Deux aspects différents, mais complémentaires (activités de promotion liées à la prévention et activités techniques), font partie du domaine de compétence de cette commission qui, en collaboration avec le Comité consultatif, suit de près les développements dans le monde et entreprend des enquêtes et des études sur les questions générales qui posent problème.

La Commission est chargée d’entreprendre au niveau international les activités visant à prévenir les risques professionnels:

Les congrès mondiaux

Depuis 1955, l’OIT et l’AISS organisent tous les trois ans des congrès mondiaux sur la sécurité et la santé au travail, en collaboration avec les institutions membres de l’AISS et les mandants de l’OIT dans le pays hôte. Les congrès mondiaux ont-ils suivi les différentes étapes de l’évolution de la prévention des risques professionnels au fur et à mesure des progrès sociaux, économiques et industriels réalisés au cours des vingt-cinq dernières années? Il n’est pas plus facile de répondre à cette question que de savoir dans quelle mesure les congrès ont ouvert la voie à ces progrès. Il ne fait aucun doute, cependant, que l’échange d’idées et d’informations concernant la recherche et ses applications dans différents pays, que ce soit dans le pays ou dans l’industrie, permet à de nombreux participants de se familiariser avec les changements intervenus. Les participants sont ainsi en mesure de mieux contribuer au développement de leurs champs d’activité respectifs.

Les quatre derniers congrès mondiaux ont eu lieu à Ottawa-Hull (1983), à Stockholm (1987), à Hambourg (1990), à New Delhi (1993) et à Madrid (1996). En 1999, le congrès a eu lieu à Sao Paolo au Brésil.

Les Comités internationaux de prévention

Depuis la fin des années soixante, sur les conseils de la Commission permanente de prévention des risques professionnels et de son Comité consultatif, le Bureau de l’AISS a mis sur pied onze comités internationaux de prévention des risques professionnels. Huit de ces Comités s’occupent de la prévention des accidents dans diverses branches de l’industrie et de l’agriculture, et trois étudient les domaines suivants: techniques de l’information, recherche dans le domaine de la sécurité et de la santé au travail, éducation et formation en prévention des accidents.

Chaque Comité international de l’AISS est représenté par un président et un secrétaire général qui siègent au Comité consultatif de la Commission permanente; celle-ci conseille le Bureau sur les questions fondamentales relatives aux activités de la Commission et de ses Comités internationaux. Le concept de prévention, que nous examinerons plus loin, illustre bien ce mode de fonctionnement.

Les Comités internationaux sont financièrement autonomes et ont une structure décentralisée. Ils ont leurs propres membres, qui se divisent en trois catégories: membres à part entière (institutions membres de l’AISS et autres organismes sans but lucratif), membres associés (organisations à but lucratif dont les activités sont compatibles avec le domaine de compétence d’un comité) et membres correspondants (experts individuels). Les secrétariats des Comités sont assurés dans divers pays par les institutions membres de l’AISS spécialisées dans un domaine donné.

Chaque Comité est un bureau central d’information dans son domaine de compétence. Tous les Comités organisent des symposiums internationaux, des tables rondes et des réunions d’experts, dont les travaux et les rapports sont publiés dans la Série 1000 de l’AISS sur la prévention. Les Comités comptent actuellement quelque 45 groupes de travail de composition internationale traitant de sujets d’actualité précis et variés: conseils de sécurité à l’intention des travailleurs migrants de la construction, liste de vérification pour la classification des machines selon des principes d’ergonomie, règles de sécurité à suivre pour les personnes travaillant avec des agents biologiques, etc. Les conclusions de ces groupes de travail sont publiées sous forme de brochures techniques dans la Série 2000 de l’AISS sur la prévention. La plupart des titres sont publiés en anglais, en français et en allemand, et quelques-uns sont aussi traduits en espagnol et dans d’autres langues. Pour obtenir ces publications, s’adresser au secrétariat du Comité concerné.

Les festivals internationaux du film et de la vidéo, qui se déroulent pendant les congrès mondiaux, revêtent un intérêt particulier. Un groupe de travail du Comité sur l’électricité sert de bureau central pendant les congrès. Toutes les productions soumises à ces festivals sont répertoriées dans un catalogue publié en quatre langues, que l’on peut se procurer gratuitement par l’entremise du comité.

Voici une brève description des Comités internationaux de l’AISS:

Comité international de l’AISS pour la recherche. Ce comité offre les informations les plus récentes sur les recherches en cours ou en projet dans tous les pays. Deux banques de données permettent d’avoir accès à l’information de façon rapide et efficace. Le groupe de travail sur les «concepts de recherche» met au point les fondements théoriques indispensables pour que les recherches servent mieux que par le passé le domaine dans lequel elles sont effectuées et que leurs résultats soient directement utilisables sur le terrain.

Comité international de l’AISS pour l’information. Ce comité présente les techniques de communication les plus efficaces. Le groupe de travail «Périodiques environnement du travail» informe les experts sur la meilleure façon de faire passer leurs messages aux différents groupes cibles. Le comité conseille sur tous les aspects de la «publicité pour la sécurité».

Comité international de l’AISS pour l’industrie minière. Ce comité s’intéresse aux risques courants des travaux souterrains dans les mines de charbon (obscurité, poussière, chaleur, gaz, explosions, éboulements) et s’occupe également de la formation des équipes de secours dans cette industrie.

Comité international de l’AISS pour l’industrie chimique. Bien que l’introduction de nouvelles substances soit synonyme de nouveaux risques, l’industrie chimique a élaboré des normes de sécurité exemplaires. Le comité pour l’industrie chimique veille à ce que ces normes de sécurité traversent les frontières aussi rapidement, sinon plus, que le font les risques.

Comité international de l’AISS pour l’industrie métallurgique. L’industrie métallurgique est une branche d’activité importante dans laquelle il faut réduire le taux d’accidents. Le comité élabore donc des stratégies pour lutter contre les dangers les plus fréquents et les causes d’accidents. Les groupes de travail s’intéressent avant tout aux nouvelles technologies et aux produits qui peuvent remplacer les substances dangereuses utilisées en milieu de travail.

Comité international de l’AISS pour l’électricité. L’électricité, énergie invisible, comporte de nombreux risques tout aussi invisibles. Le comité formule des recommandations sur la façon pratique de prévenir les accidents et établit des principes sur le contrôle réglementaire des appareils et des systèmes électriques, le tout appuyé par l’organisation de premiers secours efficaces en cas d’accident. Le comité dispose d’un bureau central de films et de vidéos sur la santé, la sécurité et l’environnement.

Comité international de l’AISS pour le bâtiment et les travaux publics. Le taux extrêmement élevé d’accidents dans cette industrie appelle une stratégie de sécurité qui tienne compte des changements constants du milieu de travail sur les chantiers de construction. Le comité se propose non seulement de régler les problèmes individuels, mais aussi d’accroître la sécurité et la prévention des accidents dans l’ensemble des opérations de cette industrie, notamment par une collaboration accrue entre les divers corps de métier travaillant sur le même chantier.

Comité international de l’AISS pour l’agriculture. La mécanisation de l’agriculture et l’utilisation de substances chimiques posent des problèmes partout dans le monde. Le comité préconise une évolution socio-technique rapide tenant compte des progrès techniques, tout en veillant à ce que la production alimentaire ne mette pas la vie en danger.

Comité international de l’AISS pour la sécurité des machines. Ce comité traite de sécurité et de prévention des accidents dus aux machines, aux appareils, aux dispositifs et aux systèmes. La normalisation des dispositifs de sécurité, les questions d’ergonomie, la réduction du bruit, les interrupteurs de sécurité et la prévention des explosions de poussière sont les principaux sujets d’intérêt des groupes de travail du comité.

Comité international de l’AISS pour l’éducation et la formation. Le progrès technique s’étend à toutes les disciplines, entraînant dans son sillon des risques nouveaux. La principale cause d’accidents est le manque d’éducation et de formation à la sécurité. La sécurité doit être une préoccupation constante dans l’esprit de chacun. Le comité s’intéresse aux aspects pédagogiques de l’éducation et de la formation et préconise une approche globale de la prévention, qui utilise les expériences acquises dans la prévention en milieu de travail pour assurer la sécurité dans tous les aspects de la vie.

Comité international de l’AISS dans le secteur santé. Le comité s’efforce, grâce à la collaboration internationale, de surmonter les déficits de sécurité dans les professions de santé. Ce secteur présente des risques spécifiques qui diffèrent grandement de ceux d’autres secteurs — par exemple, l’exposition directe aux maladies, aux médicaments, aux gaz anesthésiques, aux désinfectants et aux déchets infectieux.

Le concept de prévention «Sécurité pour tous» de l’AISS

Le Bureau de l’AISS a adopté ce concept en octobre 1994 sous le titre de concept de prévention de l’AISS «Sécurité pour tous, voie privilégiée de la politique sociale».

Comme sur cent accidents mortels, sept seulement sont des accidents du travail, les autres se produisant sur la route, à la maison, à l’école ou lors d’activités sportives, le concept «Sécurité pour tous» vise à étendre à tous les domaines de la vie les expériences acquises sur la prévention en milieu de travail.

Partant de l’idée que la préservation de la santé est une mission fondamentale de l’humanité et, donc, un objectif essentiel de la sécurité sociale, l’AISS veut établir un lien entre prévention, réadaptation et réparation et préconise la préservation d’un environnement intact. L’accent est mis sur l’importance du facteur humain dans la planification, l’organisation et la mise en œuvre, ainsi que sur la nécessité d’inculquer la notion de prévention aux enfants dès leur plus jeune âge. Tous les efforts sont déployés pour sensibiliser ceux qui, par leurs activités, sont à même de mieux protéger les gens contre certains dangers: législateurs, organisations de normalisation, partenaires sociaux, responsables de la conception, de la planification, du design et de la fabrication de produits ou de la prestation de services, chargés des programmes d’éducation et enseignants, spécialistes des relations publiques, médecins du travail, organes de surveillance et de consultation, agents d’assurance (sociale et privée), décideurs et chefs de programmes dans les organisations internationales, organismes professionnels, etc. Enfin, derniers intéressés, mais non les moindres, les parents et les enfants devraient aussi être sensibilisés à l’importance de la prévention.

La promotion de la sécurité et de la santé au travail et ailleurs nécessite trois types d’intervention: mesures techniques, mesures visant à modifier le comportement, mesures organisationnelles. A cette fin, le concept de prévention de l’AISS définit trois niveaux d’intervention:

  1. sensibiliser la population aux questions de sécurité et de santé et l’informer par l’intermédiaire des médias, journaux, brochures, affiches, etc.;
  2. viser large, mais en profondeur, pour faire changer les attitudes et le comportement des relais démultiplicateurs et utiliser les médias et les techniques s’adressant à des groupes cibles spécifiques (films, matériels éducatifs, etc.);
  3. toucher en profondeur les groupes à risques par des mesures spécifiques, comme les conseils et la distribution de brochures sur un sujet donné.

La mise en œuvre exigera en premier lieu de faire un inventaire des activités de prévention, ainsi que des installations et des matériels de soutien existants, afin de déterminer les besoins et les insuffisances dans chaque région. De plus, l’AISS intensifiera ses activités d’information et de recherche, ainsi que son programme de réunions, renforcera la collaboration entre les organisations qui mènent des activités dans le domaine de la prévention et tiendra compte de leurs projets dans ses propres activités.

Voici, en résumé, les clés du succès: la coopération entre les services de prévention, de réadaptation et de réparation; l’application, dans des domaines de la vie privée, d’expériences favorables vécues en milieu de travail; la prise en considération du facteur humain.

Les publications

L’AISS publie de nombreux périodiques, études, enquêtes et bulletins. Pour tous renseignements à ce sujet, commander le catalogue des publications de l’AISS (gratuit) en écrivant à l’adresse suivante: AISS, Case postale 1, CH-1211 Genève 22, Suisse.

Outre les travaux des congrès mondiaux sur la sécurité et la santé au travail, publiés par le comité national organisateur du pays hôte, les publications des comités internationaux (que l’on peut se procurer également à l’adresse susmentionnée) figurent dans les Séries 1000 et 2000 sur la prévention.

LA COMMISSION INTERNATIONALE DE LA SANTÉ AU TRAVAIL (CIST)

Jerry Jeyaratnam

Raison d’être et historique

La Commission internationale de la santé au travail (CIST) est une société professionnelle non gouvernementale dont les objectifs sont d’encourager le progrès scientifique, la connaissance et le développement de la sécurité et de la santé au travail dans tous leurs aspects. Fondée à Milan en 1906 sous le nom de Commission permanente de la médecine du travail, elle est aujourd’hui la plus importante société scientifique internationale au monde dans ce domaine et regroupe deux mille spécialistes répartis dans quatre-vingt-onze pays. La CIST est reconnue par l’Organisation des Nations Unies et travaille en étroite collaboration avec l’OIT, l’OMS, le PNUE, la Commission européenne et l’AISS. L’anglais et le français sont les langues officielles de la Commission.

Au moment de sa création, la Commission comptait dix-huit membres représentant douze pays. L’une de ses tâches principales consistait à organiser un congrès international tous les trois ans afin que les scientifiques les plus en vue dans le domaine de l’hygiène professionnelle puissent échanger idées et expériences. Ces rencontres triennales ont toujours lieu, et le 25e congrès s’est déroulé en 1996 à Stockholm.

Après le congrès de Londres, en 1948, il devint évident que la médecine du travail suscitait un intérêt international. La Commission fut donc internationalisée, et sa Constitution modifiée; en 1957, elle prit alors le nom de Commission permanente et Association internationale pour la médecine du travail. L’internationalisation et la démocratisation de la Commission s’intensifièrent avec le temps et, en 1984, elle adopta son nom actuel.

La CIST offre un forum pour des échanges scientifiques et professionnels. A cet effet, la CIST:

La structure et la composition

La CIST est dirigée par les membres du Bureau et par le Conseil qui agissent au nom des membres. Le Bureau de la CIST est composé du président en exercice, des deux vice-présidents et du secrétaire général, tandis que le Conseil est composé du président sortant et de seize membres élus parmi les membres actifs. Si nécessaire, le président en exercice peut coopter deux membres qui représenteront au Conseil des disciplines ou des régions sous-représentées.

La CIST comprend des membres individuels et des membres collectifs. Un organisme, une société, une branche d’activité ou une entreprise peuvent devenir membres bienfaiteurs, et les organisations professionnelles et les sociétés scientifiques membres affiliés.

Les membres bienfaiteurs peuvent désigner un représentant répondant aux critères exigés pour être membre à part entière, qui bénéficie de tous les avantages des membres individuels. Un membre affilié peut aussi nommer un représentant remplissant les mêmes critères qui bénéficiera des mêmes droits que les membres titulaires. Les membres individuels de la CIST proviennent de professions très variées: médecins, hygiénistes du travail, personnel infirmier d’entreprise, ingénieurs de sécurité, psychologues, chimistes, physiciens, ergonomes, statisticiens, épidémiologistes, spécialistes en sciences sociales et physiothérapeutes. Ces spécialistes travaillent dans des universités, des instituts de santé au travail, ou pour des gouvernements ou des industries. A la fin de 1993, les pays les plus largement représentés étaient les Etats-Unis, la Finlande, la France, le Japon, le Royaume-Uni et la Suède, avec chacun une centaine de membres. Les membres bienfaiteurs et affiliés peuvent se faire représenter à l’Assemblée générale et participer aux activités des comités scientifiques; ils peuvent aussi soumettre des communications destinées à être publiées dans le Bulletin de la CIST qui les tient également informés des activités en cours ou à venir.

Les activités

L’activité la plus en vue de la CIST est l’organisation, tous les trois ans, du Congrès mondial de santé au travail, qui réunit habituellement quelque 3 000 participants. Le congrès de 1990 a eu lieu à Montréal, celui de 1993 à Nice, et celui de 1996 à Stockholm. Le congrès de l’an 2000 doit avoir lieu à Singapour. Les villes où se sont déroulés les congrès depuis 1906 figurent au tableau 23.3.

Tableau 23.3 Lieux des congrès triennaux de la CIST depuis 1906

Lieu

Année

Lieu

Année

Milan

1906

Madrid

1963

Bruxelles

1910

Vienne

1966

Vienne (annulé)

1924

Tokyo

1969

Amsterdam

1925

Buenos Aires

1972

Budapest

1928

Brighton

1975

Genève

1931

Dubrovnik

1978

Bruxelles

1935

Le Caire

1981

Francfort

1938

Dublin

1984

Londres

1948

Sydney

1987

Lisbonne

1951

Montréal

1990

Naples

1954

Nice

1993

Helsinki

1957

Stockholm

1996

New York

1960

Singapour

2000

Actuellement, la CIST compte vingt-six comités scientifiques et quatre groupes de travail (voir tableau 23.4). La plupart des comités organisent régulièrement des symposiums, publient des monographies et évaluent les résumés des communications soumis aux congrès internationaux. La CIST publie un Bulletin trimestriel qui est distribué gratuitement à tous ses membres. Ce bulletin bilingue contient les rapports des congrès, des analyses de publications, un calendrier des réunions et des informations sur la recherche et l’enseignement, ainsi que d’autres annonces intéressant les membres. Plusieurs comités scientifiques publient aussi des monographies et des comptes rendus de leurs réunions. La CIST tient un fichier informatisé de ses membres qui est actualisé à intervalles réguliers et distribué à tous ses adhérents. La CIST parraine également une revue scientifique, l’International Journal of Occupational and Environmental Health (IJOEF); les membres peuvent s’y abonner à un prix très raisonnable.

Tableau 23.4 Liste des conités scientifiques et des groupes de travial de la CIST, 1996

Comités scientifiques

1.

Prévention des accidents

2.

Vieillissement et travail

3.

Agriculture

4.

Cardiologie

5.

Industrie chimique (Medichem)

6.

Informatique en santé du travail et de l’environnement

7.

Bâtiment et travaux publics

8.

Pays en développement

9.

Enseignement et formation

10.

Epidémiologie

11.

Fibres

12.

Santé au travail des personnels soignants

13.

Recherche et évaluation des services de santé

14.

Hygiène industrielle

15.

Pathologie musculo-squelettique

16.

Neurotoxicologie et psychophysiologie

17.

Infirmiers de santé au travail

18.

Toxicologie professionnelle

19.

Poussières organiques

20.

Pesticides

21.

Rayonnements et travail

22.

Services de santé au travail dans les petites entreprises

23.

Travail posté

24.

Toxicologie des métaux

25.

Maladies respiratoires

26.

Vibrations et bruit

Groupes de travail scientifiques

1.

Dermatoses professionnelles et environnementales

2.

Handicaps et travail

3.

Risques pour la reproduction sur les lieux de travail

4.

Facteurs thermiques

L’ASSOCIATION INTERNATIONALE DE L’INSPECTION DU TRAVAIL (AIIT)

David Snowball

Raison d’être et historique

L’Association internationale de l’inspection du travail (AIIT) a été fondée en 1972 afin d’offrir aux inspecteurs un forum professionnel où échanger des informations et des expériences. Elle encourage les services d’inspection, les autorités et d’autres institutions à collaborer plus étroitement et à tenter de mieux comprendre leur rôle, leur travail de tous les jours et leurs difficultés. Ses statuts excluent toute activité politique, syndicale ou religieuse, ainsi que toute critique sur le droit du travail ou les systèmes d’inspection des  Etats.  L’AIIT  est  une  organisation  non  gouvernementale reconnue par l’OIT.

La structure et la composition

En 1996, l’Assemblée générale (qui se réunit tous les trois ans en même temps que le congrès triennal) a élu son Comité exécutif (CE), qui compte sept membres. Le CE a élu son président (Allemagne) et nommé un secrétaire honoraire (Royaume-Uni), ainsi qu’un trésorier honoraire (Suisse). Un Espagnol, un Danois, un Tunisien et un Hongrois occupent les quatre vice-présidences. Le CE se réunit selon les besoins pour gérer les affaires de l’Association, dont le siège social se trouve au 23, rue Ferdinand-Hodler, C. P. 3974, CH-1211 Genève 3, Suisse. Voici l’adresse du secrétariat général de l’AIIT: Hessisches Ministerium für Frauen, Arbeit und Sozialordnung, Dostojewskistrasse 4, 65187 Wiesbaden, Allemagne, (tél.: +49-611-8173316; télécopie: +49-611-86837.

Peuvent être membres de l’AIIT:

La cotisation annuelle varie selon la taille de l’organisation adhérente. Ces cotisations sont destinées au financement du programme d’activités. En septembre 1995, l’Association comptait soixante-cinq organismes membres répartis dans cinquante pays. Actuellement, la majorité des membres sont des organismes gouvernementaux du travail ou des services d’inspection du travail.

Les activités

L’association favorise la compréhension professionnelle de tous les aspects de l’inspection du travail et donne aux praticiens l’occasion d’échanger leurs points de vue: à cet effet, elle rassemble et résume les informations et la documentation sur des aspects particuliers de l’inspection du travail, et elle effectue des études comparatives. Les symposiums techniques (organisés en collaboration avec les pays membres) et le congrès triennal permettent aux inspecteurs de rencontrer leurs collègues, d’échanger des informations sur leurs problèmes, les solutions qui leur ont été apportées et les faits nouveaux, et d’expliciter leurs points de vue. Ces réunions permettent également de concentrer l’attention sur toute une gamme de questions pratiques judicieusement choisies touchant l’inspection du travail, favorisant ainsi l’harmonisation des méthodes d’inspection dans les différents pays. Les comptes rendus de ces réunions sont publiés et envoyés aux membres avec un bulletin périodique.

Les programmes de l’AIIT visent exclusivement à diffuser les informations recueillies par des enquêtes internationales fondées sur des questionnaires et les rapports provenant de symposiums internationaux ou régionaux. Un congrès international est organisé tous les trois ans à Genève avec le concours de l’OIT, qui offre une aide technique généreuse au moment de la Conférence internationale du Travail. L’OIT collabore également à l’organisation d’un bon nombre de symposiums. Depuis 1974, les programmes sont consacrés à l’étude de nombreuses pratiques concernant la sécurité, la santé et le milieu de travail. Les sujets étudiés portent sur: les systèmes d’enregistrement des lieux de travail et des accidents, les méthodes d’inspection des petites entreprises, les problèmes que posent les grands chantiers de construction et l’utilisation des ordinateurs par les inspecteurs. L’AIIT se penche aussi sur les causes des accidents et les conséquences de l’utilisation de robots et d’autres systèmes électroniques programmables. Plus récemment, les symposiums et les congrès ont traité de sujets très variés, comme le facteur humain, la formation des inspecteurs, l’inspection des services publics, le travail des enfants, l’agriculture, l’évaluation des risques et la santé au travail.

L’évolution du monde du travail

Des faits nouveaux et importants survenus dans le domaine de l’inspection du travail ont fait ressortir la nécessité de renforcer les échanges d’informations et d’expériences:

Les défis lancés à l’inspection du travail

L’importance accrue accordée au facteur humain influe sur toutes ces questions. Les inspecteurs du travail doivent analyser, comprendre et utiliser leurs compétences de façon constructive pour aider les employeurs et les salariés à tenir compte du facteur humain lorsqu’ils élaborent des stratégies préventives de sécurité et de santé. Dans de nombreux pays, l’opinion publique se préoccupe de plus en plus des conséquences du travail et des méthodes de travail. Dans une législation très progressiste, cette sensibilisation s’exprime sous la forme d’un but à atteindre: nul ne devrait être lésé du fait qu’il a besoin de travailler. Elle se manifeste aussi de façon évidente dans les préoccupations à l’égard des conséquences des activités industrielles et commerciales sur l’environnement et la qualité de la vie.

Les inspecteurs du travail ne peuvent tout simplement pas ignorer ces tendances; c’est à eux de prendre l’initiative et d’expliquer, par l’intermédiaire des médias, le rôle qu’ils jouent, les conseils qu’ils donnent et les effets de leur action en faveur du respect de la réglementation, de manière à gagner la confiance des intéressés et à les convaincre de l’utilité de leur travail. Dans le monde entier, les inspecteurs ont dû revoir leurs méthodes de travail, établir un ordre de priorité et procéder aux inspections de telle manière qu’ils consacrent plus de temps et une plus grande partie de leurs ressources limitées à des activités productives.

Les échanges d’informations et d’expériences touchant ces questions sont d’un très grand intérêt pour les inspecteurs. Bien qu’ils exercent leurs fonctions dans des climats politiques, économiques, juridiques et sociaux très variés, l’expérience démontre qu’ils ont en commun bon nombre de préoccupations pratiques et qu’ils peuvent tous tirer profit de l’expérience, des idées, des succès et des échecs de leurs collègues d’autres pays.

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