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Chapitre 7 - Le corps

LE SYSTÈME NERVEUX: PRÉSENTATION GÉNÉRALE

Donna Mergler et José A. Valciukas

La connaissance du système nerveux en général et celle du cerveau et du comportement humain en particulier sont impérieusement nécessaires à tous ceux qui se consacrent à la réalisation d’un milieu de travail exempt de risques d’accident et d’atteinte à la santé. Les conditions de travail et d’ambiance qui ont une incidence directe sur les fonctions cérébrales influent aussi sur le psychisme comme sur le comportement. Pour qu’il soit possible de jauger les informations dont on dispose, de prendre des décisions et de réagir de façon cohérente et raisonnée à ce que l’on perçoit du monde extérieur, il importe que le système nerveux fonctionne harmonieusement et que le comportement ne soit pas perturbé par des circonstances dangereuses — des risques d’accident, par exemple la chute possible d’une échelle mal conçue — ou encore par l’exposition à des produits chimiques neurotoxiques en concentration dangereuse.

L’atteinte du système nerveux peut provoquer des altérations des fonctions sensorielles (perte de la vision, de l’ouïe, de l’odorat), réduire la faculté de contrôler les mouvements et les fonctions corporelles, voire entamer la capacité du cerveau de traiter ou de stocker l’information. L’altération du fonctionnement du système nerveux risque en outre d’entraîner des perturbations du comportement ou du psychisme. Bien souvent, une lésion physique ou organique du cerveau provoque des altérations de l’humeur et de la personnalité. Les progrès de la connaissance permettent de mieux comprendre les mécanismes du dysfonctionnement du système nerveux. Des substances neurotoxiques peuvent traverser la barrière naturelle du cerveau et perturber directement l’exercice de ses fonctions complexes. Bien que certaines d’entre elles aient une affinité tout à fait particulière pour certains secteurs du système nerveux, les effets de la plupart des substances neurotoxiques sont diffus, s’attaquant aux processus cellulaires impliqués dans le transport membranaire, aux réactions chimiques intracellulaires, à la libération de substances sécrétoires, etc.

L’atteinte de l’un ou l’autre des éléments constitutifs du système nerveux peut prendre des formes diverses; il peut s’agir:

Le cheminement insidieux et protéiforme de nombre d’atteintes du système nerveux exige des spécialistes de la santé au travail qu’ils adoptent des points de vue différents mais complémentaires, selon qu’il s’agit de l’étude, de la compréhension perceptive ou du traitement de ces atteintes. Grâce à des moyens très sensibles de mesure du dysfonctionnement, il est possible, chez des groupes de travailleurs exposés durant leur activité, de déceler des altérations précoces. Si l’on détecte un dysfonctionnement du système nerveux dès l’apparition de ses premiers symptômes, il est possible d’adopter des mesures préventives. Aux stades ultérieurs, une bonne maîtrise chimique s’impose, de même que le recours au diagnostic différentiel pour un traitement et une prise en charge adaptés des travailleurs atteints.

Bien que les substances chimiques soient en général examinées séparément, il faut se souvenir que dans bien des lieux de travail, on utilise des mélanges de produits chimiques potentiellement neurotoxiques et que l’on expose ainsi le personnel à ce que l’on peut appeler un «cocktail» dangereux. Dans des opérations qui relèvent de l’imprimerie, de la peinture ou du nettoyage et qui sont conduites dans des locaux mal ventilés ou dans des laboratoires, voire lors de l’application de pesticides, de travaux de microélectronique et dans maints autres secteurs, les travailleurs sont exposés à des mélanges de substances chimiques. Certes, on peut disposer d’informations sur chacun des composants de ces mélanges, mais il faut tenir compte de la nocivité composite et du cumul possible ou même de leur action synergique sur le système nerveux. Dans certains cas d’exposition multiple, chacun des composants chimiques peut être présent en quantité infinitésimale, même inférieure au seuil de détection auquel se réfèrent les techniques d’évaluation de l’exposition, mais la concentration du mélange considéré dans sa totalité peut être très élevée.

Le lecteur doit être averti des trois difficultés majeures inhérentes à l’examen des faits qui touchent au système nerveux et qui entrent dans le cadre de la présente Encyclopédie.

En premier lieu, la connaissance des maladies professionnelles qui affectent le système nerveux et le comportement humain a considérablement évolué à mesure que de nouvelles approches de la conception du rapport entre le cerveau et le comportement se sont succédé. A l’intérêt majeur qu’a suscité la caractérisation des altérations morphologiques manifestes que produit un traumatisme mécanique infligé au système nerveux — en particulier, mais non pas exclusivement, au cerveau — a succédé un intérêt pour l’absorption par le système nerveux d’agents neurotoxiques, puis pour l’étude des mécanismes intracellulaires de la pathologie du système nerveux; enfin, la recherche concernant le fondement moléculaire de ces processus pathologiques a commencé à progresser. Aujourd’hui, ces approches coexistent et contribuent ensemble à la collecte d’informations permettant d’évaluer les conditions de travail qui affectent le cerveau, le psychisme et le comportement.

En second lieu, les informations qu’ont recueillies les chercheurs en neurologie sont proprement stupéfiantes. La troisième édition de l’ouvrage intitulé Principles of Neural Sciences qu’ont rédigé Kandel, Schwartz et Kessel, paru en 1991 — l’une des études les plus remarquables en ce domaine — pèse 3,5 kg et compte plus de 1 000 pages.

En troisième lieu, il est extrêmement difficile de faire le point des connaissances quant à l’organisation fonctionnelle du système nerveux à laquelle il est fait référence dans tous les secteurs de la sécurité et de la santé au travail. Il y a encore vingt-cinq ans, il pouvait arriver que les théories sur lesquelles s’appuyaient les spécialistes de la détection, de la surveillance, de la prévention et du traitement clinique d’un travailleur qui avait absorbé un agent neurotoxique ne concordent pas avec les théories applicables, chez les travailleurs, aux traumatismes du cerveau, ainsi qu’aux manifestations comportementales d’une atteinte cérébrale de faible intensité. Les altérations du comportement que l’on imputait à l’obstruction de certaines voies spécifiques du cerveau qu’empruntaient les substances chimiques relevaient de la compétence du seul neurotoxicologue. Qu’il s’agisse de l’atteinte structurelle du tissu dans certaines zones particulières du cerveau ou des structures nerveuses plus éloignées mais reliées à la zone atteinte, c’était là des explications invoquées par les neurologues. Ce n’est que depuis quelques années que ces vues antagonistes ont commencé à converger.

Cela dit, le présent chapitre traite de questions qui sont de nature à faciliter la compréhension du système nerveux et de l’influence que les conditions qui règnent dans le milieu de travail exercent sur le fonctionnement de ce système.

L’influence du système nerveux sur le bien-être de l’organisme étant déterminante, nombre de risques dépourvus de tout caractère chimique peuvent de la même manière retentir sur son fonctionnement normal. Plusieurs chapitres de l’Encyclopédie consacrés aux différents risques traitent de ces questions: les lésions traumatiques de la tête, dans le chapitre no 14 («Les premiers secours et les services médicaux d’urgence»); les effets causés par le travail à la chaleur, dans le chapitre no 42 («La chaleur et le froid»); les accidents de décompression, dans le chapitre no 36 («L’augmentation de la pression barométrique»); les vibrations transmises au système main-bras et les mouvements répétitifs, qui sont des facteurs de risques observés dans les neuropathies périphériques, sont abordés respectivement dans les chapitres nos 50 («Les vibrations») et 6 («Le système musculo-squelettique»).

Le présent chapitre s’achève par un panorama de questions spécifiques auquel succède un exposé des perspectives d’avenir qui s’ouvrent à la recherche.

L’ANATOMIE ET LA PHYSIOLOGIE

José A. Valciukas

Les cellules nerveuses sont les unités fonctionnelles du système nerveux, qui compterait quelque dix milliards de ces cellules, appelées neurones ou cellules gliales, ces dernières étant présentes en plus grand nombre que les neurones.

Le neurone

La figure 7.1 est une représentation graphique idéalisée du neurone avec les trois principaux éléments structurels qui le composent, à savoir le corps de la cellule, les dendrites et l’axone d’extrémité.

Figure 7.1 Structure du neurone

Figure 7.1

Les dendrites sont des prolongements finement ramifiés qui apparaissent à proximité du corps cellulaire du neurone. Ils reçoivent des influx excitateurs ou inhibiteurs émis par des médiateurs chimiques dénommés neurotransmetteurs. Le cytoplasme est la matière du corps cellulaire qui renferme les organites — y compris le noyau cellulaire — et d’autres inclusions (voir figure 7.2). Le noyau contient la chromatine de la cellule, qui en est le matériel génétique.

Figure 7.2 Les organites

Figure 7.2

Par comparaison au noyau d’autres cellules vivantes, celui de la cellule nerveuse est atypique en ce que, en dépit du fait qu’il renferme le matériel génétique, à savoir l’acide désoxyribonucléique (ADN), ce dernier n’intervient pas dans le processus de division cellulaire; autrement dit, arrivées à maturité, les cellules nerveuses ne se divisent pas (les neurones de la muqueuse du nez — épithélium nasal — font exception à cette règle). Le noyau est riche en acide ribonucléique (ARN) nécessaire à la synthèse des protéines. Trois variétés de protéines ont été identifiées: les protéines cytosoliques qui constituent les éléments fibrillaires de la cellule nerveuse, les protéines mitochondriales qui sécrètent l’énergie aux fins de l’activité cellulaire et les protéines qui entrent dans la composition des membranes et des produits de sécrétion. On considère aujourd’hui que les neurones sont des cellules sécrétoires modifiées. Le processus s’ouvre sur la formation de granules sécrétoires qui sont stockés dans des vésicules synaptiques pour être par la suite libérés en tant que substances neurotransmettrices porteuses des messages chimiques échangés entre les cellules nerveuses.

Les éléments fibrillaires ou neurofibrilles qui constituent le squelette du neurone participent à sa fonction trophique, agissant comme des vecteurs de transmission. Le transfert peut être antérograde (allant du corps cellulaire à l’extrémité de l’axone) et rétrograde (de l’extrémité de l’axone au corps cellulaire). On distingue trois formes d’éléments fibrillaires, soit de la plus épaisse à la plus mince: les microtubules, les neurofilaments et les microfilaments.

Les cellules gliales

Contrairement aux neurones, les cellules gliales ne sont pas, par elles-mêmes, porteuses de messages électriques. Il existe deux variétés de ces cellules: les macroglies et les microglies. Le terme macroglie s’applique à trois catégories de cellules au moins: les astrocytes, les oligodendrocytes et les cellules épendymales. Les microglies agissent avant tout comme des phagocytes qui éliminent les déchets à la suite d’une atteinte neurale ou d’une infection.

Les cellules gliales possèdent aussi des caractéristiques microscopiques et ultramicroscopiques particulières. Elles constituent le tissu de soutien physique des neurones, mais on commence à comprendre un certain nombre de leurs propriétés physiologiques. Les cellules gliales fournissent aux neurones des apports nutritifs, ce qui constitue l’une des principales interactions entre neurones et cellules gliales. En outre, les glies éliminent les fragments de neurones morts et, ce qui importe plus encore, contribuent au processus de transmission chimique de l’information. Contrairement aux neurones, elles peuvent se diviser et, partant, se reproduire. Les tumeurs du système nerveux, par exemple, résultent d’une reproduction anormale des glies.

La myéline

Ce que l’observation macroscopique du tissu nerveux fait apparaître comme une «substance grise» et une «substance blanche» relève de l’examen microscopique et biochimique. Au microscope, la substance grise se compose des corps cellulaires qui s’apparentent aux neurones, tandis que la substance blanche est le lieu où se trouvent les fibres neurales ou axones. La «blancheur» est imputable à une gaine — composée d’une substance lipidique dénommée myéline — qui recouvre les fibres. La myéline des nerfs périphériques provient de la membrane de la cellule de Schwann qui s’enroule autour de l’axone. Dans le système nerveux central, la myéline des fibres est fournie par les membranes des oligodendrocytes, qui sont une variété de glies. En général, les oligodendrocytes «myélinisent» plusieurs axones, alors que la cellule de Schwann n’est associée qu’à un seul axone. Une discontinuité de la gaine de myéline — que l’on appelle les nodes de Ranvier — existe entre les cellules de Schwann continues ou les oligodendrocytes. On admet que dans l’itinéraire moteur central le plus long, ce ne sont pas moins de 2 000 cellules de Schwann qui composent la couverture de myéline. De par sa fonction, qui est de favoriser la propagation du potentiel d’action, la myéline est peut-être une cible spécifique des agents neurotoxiques. Une classification morphologique des substances neurotoxiques désigne sous le nom de myélinopathies les altérations neuropathologiques caractéristiques provoquées par la myéline.

La fonction trophique du neurone

Au nombre des fonctions normales du neurone figurent la synthèse des protéines, le transfert des axones, la production et la conduite du potentiel d’action, la transmission synaptique, ainsi que la formation et l’entretien de la myéline. Certaines des fonctions trophiques élémentaires du neurone ont été décrites au XIXe siècle déjà par le fractionnement des axones (axotomie). Au nombre des processus découverts, l’un des plus importants a été la dégénérescence wallérienne — du nom de Waller, le physiologiste anglais qui, le premier, l’a décrite.

La dégénérescence wallérienne fournit une excellente occasion de se représenter les altérations bien connues des organites que provoquent les atteintes traumatiques ou toxiques. Par parenthèse, les termes dont on use pour désigner la dégénérescence wallérienne que produit l’axotomie traumatique sont les mêmes que ceux qui s’appliquent aux altérations imputables à des agents neurotoxiques. Sur le plan cellulaire, les altérations neuropathologiques résultant d’une atteinte toxique du tissu neural sont manifestement plus complexes que les altérations produites par un traumatisme. Ce n’est que récemment que l’on a pu observer les altérations des neurones soumis à l’action d’agents neurotoxiques.

Vingt-quatre heures après que l’on a sectionné l’axone, la conséquence la plus perceptible est un gonflement de l’une et l’autre face du traumatisme mécanique. Ce phénomène s’explique par l’accumulation de fluides et d’éléments membraneux de chaque côté du site de la lésion. Ces altérations ne diffèrent pas de celles que l’on observe sur une route à deux voies inondée par la pluie et où des véhicules se trouvent immobilisés de chaque côté de la zone inondée. Dans cette comparaison, les véhicules immobilisés représentent le gonflement. La régénération des axones myélinisés — c’est-à-dire enduits de myéline — se produit au bout de quelques jours. Des ramifications poussent à partir du tronçon proximal, à raison de 1 à 3 mm par jour. Si les conditions sont favorables, elles atteignent le tronçon distal (le plus éloigné du corps cellulaire). Lorsque la reconstitution nerveuse est achevée — c’est-à-dire lorsque la jonction des deux tronçons s’est accomplie — les caractéristiques fondamentales d’une transmission normale se trouvent rétablies. Le corps cellulaire du neurone lésé subit de profonds changements de structure qui affectent la synthèse protéique et la transmission axonale.

Si l’on tient la neurobiologie moléculaire pour une discipline toute jeune, la neurobiologie des processus neurotoxiques est encore plus jeune; elle est, pour tout dire, dans sa prime enfance. Il est vrai que le fondement moléculaire de l’action de maints neurotoxiques et agents pharmacologiques est aujourd’hui bien compris. Toutefois, à quelques exceptions près et non des moindres (par exemple le plomb, le méthylmercure, l’acrylamide), le fondement moléculaire de la toxicité de la grande majorité des agents environnementaux et neurotoxiques reste inconnu. C’est la raison pour laquelle, plutôt que de décrire la neurobiologie moléculaire d’une catégorie particulière d’agents neurotoxiques présents sur les lieux de travail et dans l’environnement, nous ne pouvons que nous référer aux stratégies et aux exemples comparativement nombreux puisés dans la neuropharmacologie classique et dans la préparation des médicaments modernes.

Les neurotransmetteurs

Un neurotransmetteur est une substance qui, lorsqu’elle est libérée des terminaisons des axones par l’intervention du potentiel d’action, modifie momentanément l’énergie électrique lorsqu’une autre fibre nerveuse se trouve stimulée. Les neurotransmetteurs stimulent ou, au contraire, inhibent les neurones voisins ou des organes effecteurs tels que les muscles ou les glandes. Les neurotransmetteurs connus font actuellement l’objet d’études approfondies et l’on en découvre sans cesse de nouveaux. On comprend aujourd’hui que certains troubles neurologiques ou psychiatriques sont causés par des modifications chimiques dans la neurotransmission — par exemple, la myasthénie grave, la maladie de Parkinson, certaines formes de troubles affectifs, tels que la dépression, la dissociation prononcée des fonctions psychiques, comme la schizophrénie, et la maladie d’Alzheimer. Bien que d’excellents articles aient été publiés isolément sur l’effet que plusieurs agents neurotoxiques, présents dans l’environnement et sur les lieux de travail, produisent sur la neurotransmission, les connaissances acquises sont ténues comparées à ce que l’on sait des maladies neuropsychiatriques. Il est indispensable de comprendre en quoi les médicaments affectent la neurotransmission afin d’en étudier les propriétés pharmacologiques. La préparation des médicaments et la recherche sur la neurotransmission sont donc intimement liées. Feldman et Quenzer (1984) ont fait le point de l’évolution des conceptions quant à l’action des médicaments.

Les effets des agents neurotoxiques sur la neurotransmission se caractérisent par le secteur du système nerveux où ils s’exercent, par leurs récepteurs chimiques, par leur durée et par leurs modalités: ils peuvent favoriser, bloquer ou inhiber la neurotransmission; les agents neurotoxiques peuvent ou non modifier la terminaison nerveuse et les neurotransmetteurs peuvent ou non cesser d’exercer leur action pharmacologique.

L’une des difficultés auxquelles se heurtent les neuroscientifiques tient au fait qu’ils doivent établir un lien entre les mécanismes connus qui agissent sur le neurone à l’échelle moléculaire et des faits qui surviennent au niveau cellulaire et qui, dès lors, peuvent expliquer le mécanisme des modifications neuropsychologiques normales et aussi pathologiques qui se produisent, ainsi que l’exposait la remarque ci-après qu’aujourd’hui encore l’on ne saurait sérieusement contester: «Donner une explication de l’action d’un médicament est possible souvent sur le plan moléculaire, parfois sur le plan cellulaire, mais pour ce qui est du plan du comportement, notre ignorance est abyssale» (Cooper, Bloom et Roth, 1986).

Les principaux éléments constitutifs du système nerveux

Pour comprendre les manifestations neuropsychologiques marquantes des maladies d’origine neurotoxique, la raison d’être du recours à des techniques appropriées pour évaluer les fonctions du système nerveux et les mécanismes pharmacologiques de l’action neurotoxique, il est indispensable de bien connaître les composantes du système nerveux. D’un point de vue fonctionnel, il est possible de subdiviser le système nerveux en deux grands compartiments: le système nerveux somatique, qui transmet l’information sensorielle (toucher, température, douleur et position des membres — même lorsque le sujet garde les yeux fermés) à partir des segments corporels et comporte les voies neurales qui innervent et commandent les mouvements des muscles du squelette, par exemple ceux des bras et des doigts, des jambes et des orteils; et le système nerveux viscéral, qui commande les organes internes, lesquels normalement ne se trouvent pas sous l’influence des vaisseaux sanguins, et commande aussi la mydriase et la myosis (dilatation et constriction des pupilles de l’œil, etc.).

D’un point de vue anatomique, il faut considérer quatre grandes composantes qui sont le système nerveux central, le système nerveux périphérique, qui comprend les nerfs crâniens, le système nerveux autonome et le système neuroendocrinien.

Le système nerveux central

Ce système comprend le cerveau et la moelle épinière (voir figure 7.3). Le cerveau, logé dans la boîte crânienne, est protégé par les méninges. Il se divise en trois parties principales qui sont, dans l’ordre ascendant, c’est-à-dire à partir de la région caudale jusqu’à la région cervicale du système nerveux, le cerveau postérieur ou rhombencéphale, le cerveau médian ou mésencéphale et le cerveau antérieur ou prosencéphale.

Figure 7.3 Subdivision du système nerveux en système nerveux central et en système nerveux périphérique

Figure 7.3

Le cerveau postérieur

Les trois parties principales du cerveau postérieur sont le bulbe rachidien ou moelle oblongue, le pont de Varole et le cervelet (voir figure 7.4).

Figure 7.4 Vue latérale du cerveau

Figure 7.4

Le bulbe rachidien comprend les structures nerveuses qui commandent le rythme cardiaque et la respiration. Il arrive que ces structures soient la cible d’agents neurotoxiques et de préparations pharmaceutiques pouvant entraîner la mort. Situé entre le bulbe rachidien et le mésencéphale, le pont de Varole est constitué de fibres très nombreuses qui en traversent la face antérieure en direction des hémisphères du cervelet et se caractérise par sa surface striée. Il reçoit des informations sensorielles et émet des messages moteurs indispensables à la coordination motrice. Entre autres fonctions, il assure l’exécution de mouvements précis. Cette programmation exige une parfaite synchronisation des informations sensorielles et des réponses motrices. Le cervelet est souvent la cible d’agents neurotoxiques nombreux — par exemple les boissons alcoolisées, divers solvants industriels, le plomb — qui altèrent les réponses motrices.

Le mésencéphale

Le mésencéphale est une partie étroite du cerveau qui relie le cerveau postérieur au cerveau antérieur. Ses structures sont l’aqueduc de Sylvius ou aqueduc du cerveau, le toit, les pédoncules cérébraux, la substance grise et le noyau rouge. L’aqueduc de Sylvius est un chenal qui unit le troisième ventricule au quatrième et qui consiste en cavités cérébrales dont le contenu est liquide; c’est par cet orifice que s’écoule le liquide cérébrospinal.

Le cerveau antérieur

Cette portion du cerveau se subdivise en diencéphale ou cerveau intermédiaire et cerebrum. Le diencéphale comprend deux parties principales qui sont le thalamus et l’hypothalamus. «Thalamus» signifie «chambre interne». Les thalamus sont constitués de groupes de neurones appelés noyaux qui exercent cinq fonctions principales:

Situé sous le thalamus comme son nom l’indique, l’hypothalamus constitue la base du troisième ventricule cérébral, point de référence important pour la représentation du cerveau. Structure neurale complexe et minuscule, l’hypothalamus commande maintes manifestations du comportement telles que les pulsions biologiques fondamentales, la motivation et l’émotion. Il est le lien entre le système nerveux et le système neuroendocrinien sur lequel nous reviendrons plus loin. L’hypophyse (ou glande pituitaire) est reliée par des neurones aux noyaux de l’hypothalamus. Les cellules nerveuses de celui-ci assument, comme on le sait, de nombreuses fonctions neurosécrétoires. L’hypothalamus est en liaison avec nombre d’autres régions majeures du cerveau, notamment le rhinencéphale — cortex primitif du cerveau jadis associé à la fonction olfactive — et le système limbique, qui comprend l’hippocampe.

Le cortex est la partie la plus étendue du cerveau qui comprend deux hémisphères reliés par une masse de substance blanche appelée corps calleux. Le cortex cérébral constitue la couche superficielle de chaque hémisphère. Les profondes scissures du cortex — la scissure centrale (scissure de Rolando) et les scissures latérales servent de référence pour délimiter les zones anatomiques du cerveau. Le lobe frontal est situé en avant de la scissure centrale. Le lobe pariétal commence derrière cette scissure et s’étend jusqu’au lobe occipital qui occupe la partie postérieure du cerveau. Le lobe temporal commence loin à l’intérieur du pli de la scissure latérale jusqu’à atteindre la face ventrale des hémisphères cérébraux. Le cerveau compte encore deux éléments importants qui sont les noyaux striés et le système limbique.

Agglomérations de cellules nerveuses logées dans la région centrale du cerveau, les noyaux striés contiennent les principaux centres du système moteur extrapyramidal (le système pyramidal, quant à lui, intervient dans la motricité volontaire). Maints agents neurotoxiques (le manganèse, par exemple) affectent sélectivement le système extrapyramidal. D’importantes découvertes quant au rôle que jouent ces noyaux dans plusieurs maladies qui se caractérisent par la dégénérescence nerveuse (maladie de Parkinson, chorée de Huntington, par exemple) ont été faites durant les deux décennies écoulées.

Le système limbique se compose de structures nerveuses qui se ramifient dans plusieurs directions, établissant des connexions avec de nombreuses régions archaïques du cerveau, en particulier avec l’hypothalamus. Il participe à la commande de l’expression émotionnelle. Il semble que l’hippocampe soit une structure où la mémoire intervient sous des formes multiples.

La moelle épinière

La moelle épinière est une structure blanchâtre contenue dans le canal rachidien. Elle se divise en quatre tronçons: cervical, thoracique, lombaire et sacro-coccygien. Les deux éléments les plus aisément reconnaissables en sont la substance grise, qui recèle les corps cellulaires des neurones, et la substance blanche, qui contient les axones myélinisés des neurones. La région ventrale de la substance grise de la moelle épinière est riche en cellules nerveuses qui régulent la fonction motrice; la région médiane de la portion thoracique de la moelle épinière est le siège de fonctions autonomes. La portion dorsale reçoit des informations sensorielles des nerfs rachidiens.

Le système nerveux périphérique

Ce système se compose des neurones qui se situent en dehors du système nerveux central. Le terme périphérique rend compte de la répartition anatomique du système, mais, du point de vue fonctionnel, il est artificiel. Les corps cellulaires des fibres motrices périphériques, par exemple, se trouvent inclus dans le système nerveux central. En neurotoxicologie expérimentale, clinique ou épidémiologique, l’expression système nerveux périphérique (SNP) se rapporte à un système d’une vulnérabilité sélective à l’atteinte des agents toxiques et capable de se régénérer.

Les nerfs rachidiens

Les racines ventrales et dorsales livrent passage aux nerfs périphériques qui pénètrent dans la moelle épinière sur toute sa longueur et en ressortent. Les vertèbres adjacentes sont percées d’orifices qui permettent aux fibres des racines qui constituent les nerfs rachidiens de sortir du canal du rachis. On compte 31 paires de nerfs rachidiens, qui tiennent leur nom de la fraction de la colonne vertébrale à laquelle ils sont associés, soit 8 paires cervicales, 12 thoraciques, 5 lombaires, 5 sacrées et 1 coccygienne. Un métamère est un segment de l’organisme innervé par un nerf rachidien (voir figure 7.5).

Figure 7.5 Segmentation des nerfs rachidiens (métamères)

Figure 7.5

Figure 7.6

De l’examen minutieux des fonctions motrices et sensorielles des métamères, le neurologue peut inférer le lieu où se situent les lésions.

Les nerfs crâniens

Le terme générique de tronc cérébral recouvre la région du système nerveux qui comprend le bulbe rachidien ou moelle oblongue, le pont de Varole et le mésencéphale. Le tronc cérébral prolonge le cordon médullaire vers le haut et en avant (dans la région ventrale). C’est dans cette zone que les nerfs crâniens pénètrent et ressortent. Il existe 12 paires de nerfs crâniens. Le tableau 7.1 indique la dénomination et la principale fonction de chacune de ces paires et la figure 7.6 précise les points d’arrivée et de sortie dans le cerveau de certains nerfs crâniens.

Tableau 7.1 Dénomination et principales fonctions de chaque paire de nerfs crâniens

Nerf

Conduction des influx

Fonctions

I.

Olfactif

Du nez au cerveau

Odorat

II.

Optique

De l’œil au cerveau

Vision

III.

Moteur oculaire commun

Du cerveau aux muscles oculaires

Mouvements de l’œil

IV.

Pathétique

Du cerveau aux muscles externes de l’œil

Mouvements de l’œil

V.

Trijumeau

De la peau et des muqueuses de la tête et des dents au cerveau; également du cerveau aux muscles masticateurs

Sensibilité de la face, du cuir chevelu et des dents; mouvements de mastication

VI.

Moteur oculaire externe

Du cerveau aux muscles externes de l’œil

Rotation externe de l’œil

VII.

Facial

Des papilles gustatives de la langue au cerveau; du cerveau aux muscles de la face

Goût; contraction des muscles de l’expression faciale

VIII.

Auditif

De l’oreille au cerveau

Audition; sens de l’équilibre

IX.

Glosso-pharyngien

Du pharynx et des papilles gustatives de la langue au cerveau; également du cerveau aux muscles du pharynx et aux glandes salivaires

Sensibilité du pharynx, goût, mouvements de déglutition, sécrétion de salive

X.

Pneumogastrique

Du pharynx, du larynx et des organes des cavités thoracique et abdominale au cerveau; également du cerveau aux muscles du pharynx et aux organes des cavités thoracique et abdominale

Sensibilité du pharynx, du larynx et des organes des cavités thoracique et abdominale; déglutition, voix, ralentissement du rythme cardiaque, accélération du péristaltisme

XI.

Spinal

Du cerveau à certains muscles de l’épaule et de la nuque

Mouvements de l’épaule; rotations de la tête

XII.

Hypoglosse

Du cerveau aux muscles de la langue

Mouvements de la langue

Figure 7.6 Le cerveau vu du dessous, avec les points de pénétration et
de sortie de nombreux nerfs crâniens

Figure 7.6

Le système nerveux autonome

Sous cette appellation, on désigne la partie du système nerveux qui commande l’activité des composantes viscérales de l’organisme humain. Il est dit «autonome» parce qu’il remplit ses fonctions automatiquement, ce qui sous-entend que l’on ne peut aisément le commander à volonté. Du point de vue anatomique, le système autonome compte deux composantes principales: le système nerveux sympathique et le système nerveux parasympathique. Les nerfs sympathiques qui commandent l’activité viscérale proviennent des parties thoraciques et lombaires du cordon médullaire, tandis que les nerfs parasympathiques émanent du tronc cérébral et du tronçon sacré du cordon médullaire.

Du point de vue physiologique, il n’est pas possible de recourir à une appellation générique simple qui s’applique à la façon dont les systèmes nerveux sympathique et parasympathique commandent différents organes du corps. Le plus souvent, les viscères sont innervés par l’un et l’autre systèmes, l’effet de l’un étant opposé à celui de l’autre dans un régime de contrôles et d’équilibrages. C’est ainsi que le cœur se trouve innervé par des nerfs sympathiques dont l’excitation produit une accélération du rythme, et par des nerfs parasympathiques dont l’excitation ralentit le rythme. Chacun des systèmes peut stimuler ou inhiber les organes qu’il innerve. Dans d’autres cas, les organes sont commandés de façon prédominante ou exclusivement par l’un ou l’autre système. L’une des fonctions vitales du système nerveux autonome est d’assurer le maintien de l’homéostasie (stabilité de l’équilibre) et l’adaptation de l’organisme à l’environnement, l’homéostasie étant l’état d’équilibre des fonctions du corps obtenu par des moyens actifs; la régulation de la température du corps, celle de la teneur en eau et celle de la teneur en électrolytes sont autant de processus homéostatiques.

Du point de vue pharmacologique, il n’existe pas un seul neurotransmetteur qui soit associé aux fonctions sympathiques ou parasympathiques, comme on l’a cru dans le passé. Il a fallu abandonner l’ancienne conception selon laquelle l’acétylcholine était le transmetteur prédominant du système autonome, lorsqu’on a découvert des catégories nouvelles de neurotransmetteurs et de neuromodulateurs (par exemple la dopamine, la sérotonine, les purines et divers neuropeptides).

Les neurologues ont réhabilité récemment le point de vue comportemental du système nerveux autonome. Ce système entre en jeu dans la réaction instinctive du choix entre lutter et fuir, à laquelle, encore aujourd’hui, les humains sont confrontés et qui fonde toujours, pour une très large part, les réactions physiologiques qu’engendre le stress. Des interactions entre système nerveux et fonctions immunologiques sont possibles par l’intermédiaire du système nerveux autonome. Les émotions issues de ce système peuvent s’exprimer par le canal des muscles squelettiques.

La commande autonome des muscles squelettiques

A l’exception du cœur, les muscles des viscères sont des muscles lisses. Quant au cœur, ses muscles présentent les caractéristiques tant des muscles squelettiques que des muscles lisses. Comme les muscles squelettiques, les muscles lisses contiennent les deux protéines que sont l’actine et, en moindre proportion, la myosine. Contrairement aux muscles squelettiques, ils ne présentent pas l’organisation régulière des sarcolemmes, unités contractiles de la fibre musculaire. Le cœur est unique en ce que — même après avoir été séparé de ses innervations, il est capable de développer une activité myogène et peut se contracter et se relâcher par lui-même pendant plusieurs heures.

Le couplage neuromusculaire dans les muscles lisses diffère de celui qui s’opère dans les muscles squelettiques. Dans ces derniers, la jonction neuromusculaire est le lien entre le nerf et les fibres musculaires. Dans les muscles lisses, il n’y a pas de jonction neuromusculaire: les terminaisons nerveuses pénètrent dans le muscle et se ramifient dans tous les sens. Les phénomènes électriques à l’intérieur du muscle lisse sont, par conséquent, beaucoup plus lents que dans les muscles squelettiques. Enfin, le muscle lisse présente, caractéristique unique, des contractions spontanées, comparables à celles de l’intestin. Pour une large part, le système nerveux autonome règle l’activité spontanée du muscle lisse.

Les composants centraux du système nerveux autonome

La régulation de l’activité des muscles lisses, du cœur, des ganglions de l’appareil digestif, des glandes sudoripares, des surrénales et d’autres glandes endocrines constitue le rôle essentiel du système nerveux autonome. Ce système possède un élément central — l’hypothalamus, situé à la base du cerveau — où se trouvent intégrées maintes fonctions neurovégétatives. Détail capital, les composants centraux du système nerveux autonome interviennent directement dans la régulation des activités biologiques (régulation de la température, sensation de faim et de soif, pulsion sexuelle, miction, défécation, etc.), de la motivation, des émotions et, pour une large part, dans les fonctions psychologiques telles que l’humeur, l’affectivité et les sentiments.

Le système neuroendocrinien

Les glandes sont les organes du système endocrinien. On les qualifie d’endocrines parce que leurs messages chimiques sont transmis à l’intérieur de l’organisme, directement dans la circulation sanguine (au contraire des glandes exocrines telles que les glandes sudoripares, dont les sécrétions apparaissent à la surface externe du corps). Le système endocrinien exerce une surveillance lente, mais prolongée, des organes et des tissus par l’intermédiaire de messagers chimiques, les hormones, qui sont les principaux organes régulateurs du métabolisme corporel. Toutefois, en raison des liens intimes qui unissent les systèmes nerveux central, périphérique et autonome, le système neuroendocrinien — expression qui englobe ces liens complexes — est aujourd’hui conçu comme un puissant modificateur de la structure et du fonctionnement de l’organisme humain et de son comportement.

Les hormones ont été définies comme étant des messages chimiques libérés par des cellules dans le courant sanguin pour y exercer leur action sur des cellules cibles situées à une certaine distance. Récemment encore, on faisait une distinction entre hormones et neurotransmetteurs. Ces derniers sont des messagers chimiques libérés des neurones et déposés sur une synapse entre les terminaisons nerveuses et un autre neurone ou un effecteur (muscle ou glande). Toutefois, depuis que l’on a découvert que des neurotransmetteurs classiques comme la dopamine peuvent aussi se comporter comme des hormones, la différence entre neurotransmetteurs et hormones est aujourd’hui de moins en moins claire. Ainsi donc, si l’on s’en tient à des considérations uniquement anatomiques, les hormones dérivées des cellules nerveuses peuvent être dénommées neurohormones. D’un point de vue fonctionnel, on peut concevoir le système nerveux comme un système véritablement neurosécréteur.

L’hypothalamus commande les fonctions endocrines grâce à un lien avec l’hypophyse (ou glande pituitaire), minuscule glande située à la base du cerveau. Jusqu’au milieu des années cinquante, les glandes endocrines passaient pour constituer un système distinct commandé par l’hypophyse, souvent dénommée «glande maîtresse». A cette époque, on avançait une hypothèse neurovasculaire selon laquelle le rôle fonctionnel des facteurs hypothalamo-hypophysaires consistait dans la commande de la fonction endocrinienne. Dans cette optique, l’hypothalamus endocrinien fournit la dernière voie neuroendocrinienne commune dans la commande du système endocrinien. Il est aujourd’hui fermement établi que le système endocrinien est lui-même réglé par le système nerveux central et aussi par les apports endocriniens. C’est dire que le terme neuroendocrinologie convient aujourd’hui pour désigner la discipline qui étudie les rôles intégrés réciproques du système nerveux et du système endocrinien dans la commande des processus physiologiques.

Les connaissances en matière de neuroendocrinologie allant progressant, les divisions des premiers jours s’estompent. L’hypothalamus qui se situe au-dessus de l’hypophyse et qui lui est relié est le trait d’union entre le système nerveux et le système endocrinien et nombre de ses cellules nerveuses s’acquittent de fonctions de sécrétion. Il est également rattaché à d’autres régions majeures du cerveau, notamment au rhinencéphale — cortex primitif, originellement associé à l’olfaction — et au système limbique, lui-même associé aux émotions. C’est dans l’hypothalamus que sont produites les hormones libérées par la posthypophyse. C’est aussi l’hypothalamus qui produit les substances appelées hormones libératrices et hormones inhibitrices. Celles-ci agissent sur l’adénohypophyse, l’incitant à stimuler ou à inhiber la production d’hormones antéhypophysaires qui agissent sur des glandes situées en d’autres points de l’organisme (thyroïde, cortex surrénal, ovaires, testicules, et d’autres encore).

LES AGENTS NEUROTOXIQUES CHIMIQUES

Peter Arlien-Søborg et Leif Simonsen

La définition de la neurotoxicité

Par neurotoxicité, on entend la capacité d’induire des effets néfastes dans le système nerveux central, les nerfs périphériques ou les organes sensoriels. Un agent chimique est tenu pour neurotoxique s’il est capable d’induire un état persistant de dysfonction nerveuse ou une altération de la structure chimique ou physique du système nerveux.

La neurotoxicité se manifeste en général par des symptômes et des effets persistants qui dépendent de la nature de l’agent chimique, de la dose absorbée, de la durée d’exposition et des particularités du sujet exposé. Selon la représentation qui en est donnée au tableau 7.2, la gravité des effets constatés, de même que les signes de neurotoxicité augmentent, passant du niveau 1 au niveau 6. L’exposition à un agent chimique neurotoxique de courte durée ou à dose faible peut donner lieu à des symptômes subjectifs tels que céphalées et vertiges, mais l’effet est le plus souvent réversible. Si la dose s’accroît, des altérations neurologiques peuvent apparaître et, finalement, des altérations irréversibles se produisent. Le degré d’anomalie qui doit être atteint pour qu’il soit possible d’invoquer la neurotoxicité d’un agent chimique est sujet à controverse. Si l’on s’en tient à la définition, on admet l’existence d’un état persistant de dysfonction nerveuse ou d’une altération de la chimie ou de la structure du système nerveux si une observation sérieusement documentée permet d’invoquer des effets persistants de niveau 3, 4, 5 ou 6 dans le tableau 7.2, qui se réfèrent au degré de fiabilité des divers signes de neurotoxicité observés. Parmi les substances neurotoxiques, on peut citer des éléments naturels, tels que le plomb, le mercure et le manganèse; des composés biologiques, comme la tétrodotoxine (libérée par le poisson-globe très apprécié des Japonais) et l’acide domoïque (provenant de moules contaminées); des composés de synthèse, notamment de nombreux pesticides, solvants industriels et monomères.

Tableau 7.2 Groupement des effets neurotoxiques en fonction de leur force relative
afin d'en déterminer la neurotoxicité

Niveau

Groupement

Explication/exemples

6

Altérations morphologiques

Les altérations morphologiques comprennent la mort de la cellule et l’axonopathie, de même que des altérations morphologiques subcellulaires.

5

Altérations neurologiques

Les altérations neurologiques regroupent les anomalies constatées sur certains sujets lors d’examens neurologiques.

4

Altérations physiologiques/ comportementales

Les altérations physiologiques/comportementales comprennent les constatations expérimentales sur des collectivités animales ou humaines, par exemple des altérations des potentiels évoqués et de l’EEG ou des altérations révélées par les tests psychologiques et comportementaux.

3

Altérations biochimiques

Les altérations biochimiques comprennent les modifications des paramètres biochimiques pertinents (par exemple, niveau du transmetteur, teneur en protéine GFA («glial fibrillary acidic protein») ou activités enzymatiques).

21

Symptômes subjectifs irréversibles

Symptômes subjectifs. Aucune anomalie constatée à l’examen neurologique ou psychologique, ni à aucun autre examen médical.

11

Symptômes subjectifs réversibles

Symptômes subjectifs. Aucune anomalie constatée à l’examen neurologique ou psychologique, ni à aucun autre examen médical.

1 Sujets humains.

Source: d’après Simonsen et coll., 1994.

Aux Etats-Unis, on compte chaque année de 50 000 à 100 000 produits chimiques vendus dans le commerce et de 1 000 à 1 600 produits chimiques nouveaux soumis à l’approbation des autorités. On estime que plus de 750 produits chimiques et plusieurs catégories ou familles de composés chimiques sont soupçonnés d’être neurotoxiques (O’Donoghue, 1985), mais les caractéristiques neurotoxiques de la majorité des agents chimiques n’ont jamais été soumises à enquête. La plupart des agents chimiques neurotoxiques connus à ce jour ont été identifiés par des comptes rendus d’étude de cas ou à l’occasion d’accidents.

Bien que les agents chimiques neurotoxiques soient souvent produits à des fins particulières d’utilisation, les utilisateurs exposés sont fort divers: utilisation à domicile, dans l’agriculture, dans l’industrie, consommation d’eau potable polluée, etc. Il convient, par conséquent, d’examiner avec circonspection les théories préconçues et figées relatives à ceux des composés neurotoxiques que l’on peut s’attendre à trouver associés à telle ou telle profession et de ne voir dans les indications ci-après que des exemples possibles qui attirent l’attention sur quelques-uns des agents chimiques neurotoxiques les plus courants (Arlien-Søborg, 1992; O’Donoghue, 1985; Spencer et Schaumburg, 1980; OMS, 1979).

Les symptômes de la neurotoxicité

En règle générale, le système nerveux réagit de façon plutôt stéréotypée à l’exposition aux substances neurotoxiques (voir figure 7.7).

Figure 7.7 Effets neurologiques et comportementaux de l'exposition
à des produits chimiques neurotoxiques

Figure 7.7

La polyneuropathie

La polyneuropathie est causée par une altération de la fonction des nerfs moteurs et sensoriels qui se traduit par une faiblesse des muscles, parésie en général beaucoup plus marquée aux extrémités supérieures et inférieures (mains et pieds). Une paresthésie (fourmillement et engourdissement des doigts et des orteils) peut se déclarer avant ou en même temps, pouvant provoquer une gêne dans la marche ou une déficience de la coordination fine des mains et des doigts. Les métaux lourds, les solvants et les pesticides, entre autres produits chimiques, peuvent provoquer une telle incapacité quand bien même le mécanisme toxique de ces composés peut être tout à fait différent.

L’encéphalopathie

L’encéphalopathie est causée par une déficience diffuse du cerveau et peut provoquer divers symptômes: fatigue; déficit de la faculté d’apprendre, de la mémoire et de la concentration; anxiété, dépression, irritabilité accrue et instabilité émotionnelle. Ce peuvent être les signes précoces d’une dégénérescence diffuse du cerveau, voire d’une forme chronique d’encéphalopathie toxique de caractère professionnel. Bien souvent, les premiers stades de la maladie se caractérisent par des migraines plus fréquentes, des étourdissements, un sommeil perturbé, une réduction de l’activité sexuelle, tous symptômes qui s’aggravent lorsque se prolonge l’exposition à des doses faibles d’agents chimiques divers tels que des solvants, des métaux lourds ou du sulfure d’hydrogène, mais que l’on a aussi observés dans plusieurs cas de déficience mentale sans lien avec le travail. Il arrive que l’on observe des symptômes neurologiques plus spécifiques (par exemple, parkinsonisme accompagné de tremblements, rigidité musculaire avec ralentissement des mouvements, ou symptômes cérébelleux tels que des tremblements et un déficit de la coordination des mouvements des mains et de la démarche). On observe de tels tableaux cliniques à la suite d’une exposition à certains agents chimiques particuliers comme le manganèse ou la MPTP (1-méthyl-4-phényl-1,2,3,6- tétrahydropyridine), dans le premier cas, et le toluène ou le mercure, dans le second.

Les gaz

De très nombreux produits chimiques de structure tout à fait différente et qui, à la température ambiante, se présentent sous forme gazeuse, se sont révélés neurotoxiques (voir tableau 7.3). Certains d’entre eux sont extrêmement toxiques, même en très faibles doses et ont d’ailleurs été utilisés comme gaz de combat (le phosgène et le cyanure); d’autres requièrent une exposition prolongée à dose forte pour produire des symptômes (dioxyde de carbone, par exemple). Il est des gaz que l’on utilise pour l’anesthésie générale, comme l’oxyde nitreux, d’autres qui sont largement répandus dans l’industrie ou qui entrent dans la composition de produits de désinfection comme le formaldéhyde. Les premiers peuvent induire des altérations irréversibles dans le système nerveux à la suite d’une exposition répétée à dose faible, les seconds ne provoquant, semble-t-il, que des symptômes aigus. L’exposition dans des locaux exigus, mal ventilés, est particulièrement dangereuse. Certains de ces gaz sont inodores et, partant, très dangereux, comme le monoxyde de carbone. Ainsi qu’indiqué au tableau 7.3, certains gaz entrent dans la composition de produits industriels, cependant que d’autres proviennent d’une combustion incomplète ou complète; c’est le cas du CO et du CO2, respectivement. Telle est la situation dans les mines, les aciéries, les centrales électriques et dans d’autres industries, mais aussi parfois dans des habitations mal ventilées. Pour y parer, il est indispensable de faire cesser l’exposition grâce à un apport d’air pur ou d’oxygène et, dans les cas graves, en recourant à la ventilation artificielle.

Tableau 7.3 Gaz associés aux effets neurotoxiques

Produit chimique

Source d’exposition (exemples)

Branches d’activité (exemples d’exposition)

Effets1

Dioxyde de carbone (CO2)

Soudage; fermentation; fabrication, stockage et utilisation de la neige carbonique

Métallurgie; mines; brasseries

M: dilate les vaisseaux
A: céphalée; dyspnée; tremblements; perte de conscience
C: pratiquement aucun effet

Monoxyde de carbone (CO)

Réparation de voitures; soudage; fonte de métaux; conducteurs de véhicules; sapeurs-pompiers

Métallurgie; mines; transports; centrales électriques

M: privation d’oxygène
A: céphalée; somnolence; perte de conscience

Sulfure d’hydrogène (H2S)

Fumigation en serre; fumier; pêche; déchargement de poisson; travail en égouts

Agriculture; pêche; travail en égouts

M: blocage du métabolisme de l’oxydation
A: perte de conscience
C: encéphalopathie

Cyanure (HCN)

Soudage électrique; traitement galvanique des surfaces au nickel, au cuivre ou à l’argent; fumigation des navires, des habitations et des sols dans les serres

Métallurgie; industrie chimique; pépinières; mines; usines à gaz

M: blocage des enzymes respiratoires
A: dyspnée; chute de la pression sanguine; convulsions; perte de conscience; mort
C: encéphalopathie; ataxie; neuropathie (par exemple après avoir consommé des galettes de farine de manioc)
Réduction incertaine de la capacité de travail

Oxyde nitreux (N2O)

Anesthésie générale durant une opération; narcose légère nécessaire pour les soins dentaires et les accouchements

Hôpitaux (anesthésie); dentistes; sages-femmes

M: altération aiguë de la membrane de la cellule nerveuse; dégénérescence des cellules nerveuses après une exposition prolongée
A: étourdissement; somnolence; perte de conscience
C: engourdissement des doigts et des orteils; diminution de la coordination; encéphalopathie

1M: mécanisme; A: effets aigus; C: effets chroniques.

Neuropathie: dysfonction des fibres des nerfs périphériques moteurs et sensoriels.

Encéphalopathie: dysfonction cérébrale causée par l’altération généralisée du cerveau.

Ataxie: diminution de la coordination motrice.

Les métaux

En règle générale, la toxicité des métaux va croissant à mesure que la masse atomique augmente, le plomb et le mercure étant particulièrement toxiques. Dans la nature, les métaux se trouvent le plus souvent en faible concentration, mais dans certaines industries, on les utilise en grandes quantités (voir tableau 7.4), ce qui peut comporter pour le personnel un risque professionnel grave. En outre, les eaux usées en contiennent des quantités considérables, ce qui peut entraîner un risque de pollution de l’environnement pour les personnes qui résident à proximité des usines, mais aussi à plus grande distance. Il arrive souvent que des métaux (ou encore, par exemple, des composés organiques du mercure) soient intégrés dans la chaîne alimentaire et s’accumulent dans l’organisme des poissons, des oiseaux et d’autres animaux, exposant ainsi les consommateurs à un risque d’intoxication. La toxicité et la manière dont l’organisme réagit à la présence de métaux peuvent dépendre de leur structure chimique. On peut absorber des métaux purs par inhalation ou à travers la peau en contact avec des vapeurs (de mercure, par exemple) ou des particules fines (de plomb), ou encore par voie orale (plomb). Les composés inorganiques du mercure (par exemple, HgCl2) sont surtout absorbés par la bouche, tandis que les composés organiques des métaux (le tétraéthylplomb, par exemple) le sont principalement par inhalation ou par contact cutané. Le degré d’intoxication de l’organisme peut, jusqu’à un certain point, être révélé par le taux de métal dans le sang ou dans l’urine. C’est là le fondement des dosages biologiques de surveillance. Quant au traitement, il convient de se souvenir que le plomb en particulier est évacué très lentement par l’organisme où il s’est déposé. Normalement, le taux de plomb dans le squelette se trouve réduit de 50% au bout de dix ans. L’élimination peut être accélérée par le recours aux chélateurs: le BAL (dimercaptopropanol), l’EDTA calcique ou la pénicilline.

Tableau 7.4 Métaux et leurs composés inorganiques associés à la neurotoxicité

Produit chimique

Source d’exposition (exemples)

Branches d’activité (exemples d’exposition)

Effets1

Plomb

Fusion; brasage; meulage; réparation; émaillage; plastifiants

Métallurgie; mines; usines d’accumulateurs; réparation de voitures; chantiers navals; industrie du verre; céramique; matières plastiques

M: altération du métabolisme de l’oxydation des cellules nerveuses et des cellules gliales
A: douleurs abdominales; céphalée; encéphalopathie; spasmes
C: encéphalopathie; polyneuropathie avec main tombante

Mercure élémentaire

Electrolyse; instruments électriques (gyroscopes, manomètres, thermomètres, batteries, ampoules électriques, tubes, etc.); amalgames pour obturation dentaire

Usines de chlore et de soude caustique; mines; électronique; dentisterie; production de polymères; industrie du papier et de la pâte à papier

M: altération à de multiples niveaux dans les cellules nerveuses
A: inflammation pulmonaire; céphalée; altération de l’élocution
C: inflammation des gencives; perte de l’appétit; encéphalopathie avec tremblements; irritabilité

Chlorure mercureux Hg2Cl2

 

Laboratoires

A: toxicité aiguë faible, effets toxiques chroniques
voir ci-dessus

Sublimé corrosif HgCl2

Désinfection

Hôpitaux; cliniques; laboratoires

M: dégénérescence rénale tubulaire et glomérulaire aiguë. Très toxique, même à faibles doses orales, létal dès 30 mg/kg de poids
C: voir ci-dessus

Manganèse

Fusion (alliage d’acier); oxycoupage; soudage de l’acier; batteries sèches

Extraction du manganèse; production d’acier et d’aluminium; métallurgie; production de batteries; industrie chimique; briqueteries

M: inconnus, altération possible de la dopamine et de la catécholamine dans les noyaux striés au centre du cerveau
A: dysphorie
C: encéphalopathie, incluant la maladie de Parkinson; psychose; perte de l’appétit; irritabilité; céphalée; faiblesse

Aluminium

Métallurgie; meulage; polissage

Métallurgie

M: aucun effet connu
C: encéphalopathie possible

M: mécanisme; A: effets aigus; C: effets chroniques.

Neuropathie: dysfonction des fibres des nerfs périphériques moteurs et sensoriels.

Encéphalopathie: dysfonction cérébrale causée par l’altération généralisée du cerveau.

Les monomères

Il s’agit d’une catégorie nombreuse, hétérogène, de substances réactives utilisées pour la synthèse chimique et pour la production de polymères, de résines et de matières plastiques. Parmi les monomères, on compte des composés aromatiques polyhalogénés tels que le p-chlorobenzène et le 1,2,4-trichlorobenzène, des solvants organiques insaturés comme le styrène et le vinyltoluène, l’acrylamide et les composés qui lui sont associés, les phénols, le epsilon-caprolactame et le gamma-aminobutyrolactame. Certains des monomères neurotoxiques abondamment utilisés et leur action sur le système nerveux sont énumérés au tableau 7.5. L’exposition professionnelle à des monomères neurotoxiques peut survenir dans des établissements industriels où l’on fabrique, transporte et utilise des produits chimiques et des produits plastiques. A la faveur de la manutention de polymères qui renferment des monomères résiduels, au cours du moulage des coques de bateau, de même que dans les cliniques dentaires, l’exposition à des monomères neurotoxiques est importante. Lors d’une telle exposition, l’absorption peut se faire par inhalation (s’il s’agit de sulfure de carbone ou de styrène) ou par contact cutané (s’il s’agit d’acrylamide, par exemple). Les monomères constituant un groupement hétérogène de substances chimiques, plusieurs mécanismes d’action toxique sont possibles. Cette particularité se traduit par des différences entre les symptômes (voir tableau 7.5).

Tableau 7.5 Monomères neurotoxiques

Produit chimique

Source d’exposition (exemples)

Branches d’activité (exemples d’exposition)

Effets1

Acrylamide

Travailleurs exposés au monomère

Production de polymères; opérations de creusement de tunnels et de forage

M: altération de la transmission par les axones
C: polyneuropathie; vertiges; tremblements et ataxie

Acrylonitrile

Accidents dans les laboratoires et les industries; fumigationdes habitations

Production de polymères et de caoutchouc; synthèse de produits chimiques

A: hyperexcitabilité; salivation; vomissements; cyanose; ataxie; difficultés respiratoires

Sulfure de carbone

Production de caoutchouc et de rayonne

Industries du caoutchouc et de la rayonne

M: probabilité d’altération de la transmission par les axones et de l’activité enzymatique
C: neuropathie périphérique; encéphalopathie; céphalée; vertiges; troubles gastro-intestinaux

Styrène

Production de matières plastiques renforcées à la fibre de verre; fabrication et transport de monomères; utilisation de résines et de revêtements à base de styrène

Industrie chimique; production de fibres de verre; industrie des polymères

M: aucun effet connu
A: dépression du système nerveux central; céphalée
C: polyneuropathie; encéphalopathie; déficit auditif

Vinyltoluène

Production de résines; composés insecticides

Industrie des produits chimiques et des polymères

C: polyneuropathie; diminution de la vitesse de conduction des nerfs moteurs

1M: mécanisme; A: effets aigus; C: effets chroniques.

Neuropathie: dysfonction des fibres des nerfs périphériques moteurs et sensoriels.

Encéphalopathie: dysfonction cérébrale causée par l’altération généralisée du cerveau.

Ataxie: diminution de la coordination motrice.

Les solvants organiques

L’expression solvants organiques s’applique communément à un vaste groupe de plus de 200 composés chimiques lipophiles capables de dissoudre les graisses, les huiles, les résines, le caoutchouc, l’asphalte, les filaments cellulosiques et les matières plastiques. Le plus souvent liquides à la température ambiante, ils s’évaporent facilement, leur point d’ébullition se situant au-dessous de 200 à 250 °C. Ils sont absorbés principalement par les poumons, mais certains d’entre eux peuvent aussi pénétrer à travers la peau. Leur caractère lipophile explique qu’ils se répartissent dans les organes riches en graisse. On comprend dès lors les concentrations élevées que l’on observe dans les graisses de l’organisme, dans la moelle épinière, dans le foie et le cerveau, qui peuvent aussi se comporter comme des réservoirs de solvants. Le coefficient de partage entre l’octanol et l’eau peut indiquer s’il faut s’attendre à de fortes concentrations dans le cerveau. On ne sait encore rien du mécanisme de la toxicité, mais l’on envisage plusieurs possibilités: blocage d’enzymes importantes dans la dégradation métabolique du glucose et, partant, réduction de l’énergie disponible pour l’activité des neurones; diminution de la production d’énergie dans les mitochondries; altération des membranes neuronales aboutissant à une déficience de la fonction des canaux ioniques; ralentissement du flux axonal. Le chlorure de méthylène se métabolise en CO2, ce qui bloque le transfert d’oxygène dans le sang. Un grand nombre de travailleurs appartenant à des professions très variées sont exposés chaque jour, ou du moins fréquemment (voir tableau 7.6). Dans certains pays, la consommation de solvants organiques a diminué dans plusieurs métiers à la suite de mesures d’hygiène renforcées ou après substitution (peinture d’habitations, industrie graphique, métallurgie), tandis que dans d’autres professions, le régime de l’exposition a changé, mais la quantité totale de solvants organiques utilisés est restée la même. Par exemple, le trichloroéthylène a été remplacé par le 1,1,1-trichloroéthane et le Fréon. Sur maints lieux de travail, les solvants posent toujours un problème d’hygiène de première importance. Le personnel court un risque particulièrement grave lorsqu’il y est exposé dans des locaux exigus, mal ventilés et soumis à des températures élevées qui accélèrent l’évaporation. Le travail physique accroît l’absorption des solvants par les poumons. Dans plusieurs pays, notamment dans les pays nordiques, des prestations de réparation sont versées aux travailleurs atteints d’encéphalopathie chronique contractée à la suite d’une exposition prolongée à de faibles doses de solvants toxiques.

Tableau 7.6 Solvants organiques associés à une neurotoxicité

Produit chimique

Source d’exposition (exemples)

Branches d’activité (exemples d’exposition)

Effets1

Hydrocarbures chlorés:
trichloroéthylène;
1,1,1-trichloroéthane;
tétrachloroéthylène

Dégraissage; galvanoplastie; peinture; imprimerie; nettoyage; anesthésie générale et légère

Métallurgie; industrie des arts graphiques; industrie électronique; nettoyage à sec; anesthésie

M: aucun effet connu
A: symptômes de préanesthésie
C: encéphalopathie; polyneuropathie; affection du trijumeau; déficit auditif

Chlorure de méthylène

Extraction, y compris extraction de caféine; décapant pour peintures

Industrie alimentaire; peinture; industrie des arts graphiques

M: métabolisme -> CO
A: symptômes de préanesthésie; coma
C: encéphalopathie

Chlorure de méthyle

Production et réparation de réfrigérateurs

Production de réfrigérateurs; industrie du caoutchouc; industrie des matières plastiques

M: aucun effet connu
A: symptômes de préanesthésie; perte de conscience; mort
C: encéphalopathie

Toluène

Imprimerie; nettoyage; dégraissage; galvanoplastie; peinture; peinture au pistolet

Industrie des arts graphiques; industrie électronique

M: aucun effet connu
A: symptômes de préanesthésie
C: encéphalopathie; dysfonctionnementcérébelleux; polyneuropathie; déficit auditif; troubles visuels

Xylène

Imprimerie; synthèse de l’anhydride phtalique; peinture; procédures des laboratoires d’histologie

Industrie des arts graphiques; industrie des matières plastiques; laboratoires d’histologie

M: aucun effet connu
A: symptômes de préanesthésie
C: encéphalopathie; troubles visuels; déficit auditif

Styrène

Polymérisation; moulage

Industrie des matières plastiques; production de fibres de verre

M: aucun effet connu
A: symptômes de préanesthésie
C: encéphalopathie; polyneuropathie; déficit auditif

Hexacarbones: n-hexane; méthylbutylcétone; méthyléthylcétone

Collage; imprimerie; plastification; peinture; extraction

Industrie du cuir et de la chaussure; industrie des arts graphiques; peinture; laboratoires

M: altération de la transmission par les axones
A: symptômes de préanesthésie
C: polyneuropathie; encéphalopathie

Divers solvants:
Fréon 113

Production et réparation de réfrigérateurs; nettoyage à sec; dégraissage

Production de réfrigérateurs; métallurgie; industrie électronique; nettoyage à sec

M: aucun effet connu
A: légers symptômes de préanesthésie
C: encéphalopathie

Diéthyléther; halothane

Anesthésies générales (personnel infirmier, médecins)

Hôpitaux; cliniques

M: aucun effet connu
A: symptômes de préanesthésie
C: encéphalopathie

Sulfure de carbone

Voir monomères

Voir monomères

Voir monomères (tableau 7.5)

Mélanges: white spirit et diluant

Peinture; dégraissage; nettoyage; imprimerie; imprégnation; traitement de surface

Métallurgie; industrie des arts graphiques; industrie du bois; peinture

M: aucun effet connu
A: symptômes de préanesthésie
C: encéphalopathie

1 M: mécanisme; A: effets aigus; C: effets chroniques.

Neuropathie: dysfonction des fibres des nerfs périphériques moteurs et sensoriels.

Encéphalopathie: dysfonction cérébrale causée par l’altération généralisée du cerveau.

Les pesticides

Le terme pesticides est un terme générique qui s’applique à tous les produits chimiques utilisés pour exterminer des catégories de plantes ou d’animaux qui représentent un risque pour la santé humaine ou qui sont susceptibles de causer des pertes économiques. Il englobe les insecticides, les fongicides, les rodenticides, les produits de fumigation et les herbicides. Chaque année, on utilise dans le monde pour les besoins de l’agriculture quelque 2 265 000 tonnes de pesticides dans la composition desquels entrent plus de 600 ingrédients actifs. Les pesticides à base de composés organophosphorés, de carbamates et de composés organochlorés, ainsi que les herbicides pyréthroïdes et chlorophénoxy et les composés organométalliques utilisés comme herbicides, ont tous des propriétés neurotoxiques (voir tableau 7.7). Parmi les nombreux produits chimiques dont on se sert comme rodenticides, certains (la strychnine, le phosphure de zinc et le thallium, par exemple) sont également neurotoxiques. L’exposition professionnelle aux pesticides neurotoxiques sévit surtout dans l’agriculture où l’on utilise des pesticides et où l’on manutentionne des récoltes traitées, mais le personnel qui applique les pesticides, celui qui est chargé de leur préparation et de leur fabrication, les routiers et les cheminots, tout comme le personnel des serres et des pépinières, ainsi que les travailleurs forestiers, courent eux aussi un risque d’exposition aux pesticides neurotoxiques. Les enfants, qui constituent une fraction non négligeable de la main-d’œuvre agricole, sont d’autant plus vulnérables que leur système nerveux n’a pas achevé son développement. Les effets aigus des pesticides ont été en général convenablement décrits et l’on observe souvent des effets de longue durée à la suite d’une exposition répétée ou d’une exposition unique à dose élevée (voir tableau 7.7), mais l’on n’est guère renseigné sur les conséquences d’une exposition subclinique répétée.

Tableau 7.7 Classes de pesticides neurotoxiques communs, exposition, effets et symptômes associés

Produit chimique

Source d’exposition (exemples)

Branches d’activité
(exemples d’exposition)

Effets1

Composés organo-phosphorés:
Beomyl; Demethon; Dichlorvos; Ethyl parathion; Mevinphos; Phosfolan; Terbufos; Malathion

Manutention; traitement des récoltes; travaux sur récoltes traitées; dockers

Agriculture; foresterie; substances chimiques; horticulture

M: inhibition de l’acétylcholinestérase
A: hyperactivité; paralysie neuromusculaire; troubles visuels;difficultés respiratoires; agitation; faiblesse; vomissements; convulsions

Carbamates: Aldicarb; Carbaryl; Carbofuran; Propoxur

 

 

M: neurotoxicité tardive; axonopathie2
C: polyneuropathie; engourdissement et fourmillements dans les pieds; faiblesse musculaire; troubles sensoriels; paralysie

Organochlorés: Aldrin; Dieldrin; DDT; Endrin; Heptachlor; Lindane; Methoxychlor; Mirex; Toxaphène

Voir ci-dessus

Voir ci-dessus

A: excitabilité; appréhension; vertiges; céphalée; confusion; perted’équilibre; faiblesse; ataxie; tremblements; convulsions; coma
C: encéphalopathie

Pyréthroïdes

Voir ci-dessus

Voir ci-dessus

M: altérations du mouvement des ions sodium à travers la membrane des cellules nerveuses
A: excitation répétée de la cellule nerveuse; tremblements;convulsions

2,4-D

Herbicide

Agriculture

C: polyneuropathie

Hydroxyde de triéthylétain

Traitement de surface; manipulation du bois traité

Bois et produits du bois

A: céphalée; faiblesse; paralysie; troubles visuels
C: polyneuropathie; effets sur le système nerveux central

Bromure de méthyle

Fumigation

Serres; insecticides; fabrication de réfrigérateurs

M: aucun effet connu
A: troubles de la vue et de l’élocution; délire; convulsions
C: encéphalopathie

1 M: mécanisme; A: effets aigus; C: effets chroniques.

2 Principalement phosphates ou phosphonates.

Neuropathie: dysfonction des fibres des nerfs périphériques moteurs et sensoriels.

Encéphalopathie: dysfonction cérébrale causée par l’altération généralisée du cerveau.

Ataxie: diminution de la coordination motrice.

Les autres substances chimiques

Plusieurs autres produits chimiques, qui n’entrent pas dans les catégories que nous venons d’examiner, sont également neurotoxiques. Les uns sont utilisés comme pesticides, mais nombreux sont également ceux qui servent dans diverses opérations industrielles. Il arrive que l’on soit très bien documenté quant aux effets neurotoxiques aigus et chroniques de quelques-uns de ces produits; d’autres ont des effets aigus bien connus, mais l’on sait peu de chose sur leurs effets chroniques. Le tableau 7.8 présente plusieurs exemples de tels produits, de leurs applications et de leurs effets.

Tableau 7.8 Autres produits chimiques associés à la neurotoxicité

Produit chimique

Source d’exposition (exemples)

Branches d’activité
(exemples d’exposition)

Effets1

Acide borique

Soudage; flux de soudage; conservation

Métal; verre

A: délire; convulsions
C: dépression du système nerveux central

Disulfiram

Produits pharmaceutiques

Caoutchouc

C: fatigue; neuropathie périphérique; somnolence

Hexachlorophène

Savons antibactériens

Industrie chimique

C: œdème du système nerveux central; lésions des nerfspériphériques

Hydrazine

Agents réducteurs

Industrie chimique; armée

A: excitation; perte de l’appétit; tremblements; convulsions

Phénol/Crésol

Antiseptiques

Matières plastiques; résines; produits chimiques; hôpitaux; laboratoires

M: dénaturation des protéines et des enzymes
A: diminution des réflexes; faiblesse; tremblements; sudation; coma
C: perte de l’appétit; troubles mentaux; tintements dans les oreilles

Pyridine

Dénaturation de l’éthanol

Industrie chimique; textile

A: dépression du système nerveux central; dépression psychique; fatigue; perte de l’appétit
C: irritabilité; troubles du sommeil; polyneuropathie; diplopie

Tétraéthylplomb

Additif de l’essence

Industrie chimique; transports

C: irritabilité; faiblesse; tremblements; difficultés visuelles

Arsine

Batteries; insecticides; fusion

Fonderies; travail du verre; céramique; fabrication de papier

M: altération de la fonction enzymatique
A: diminution de la sensibilité; parésie; convulsions; coma
C: détérioration motrice; ataxie; perte du sens des vibrations;polyneuropathie

Lithium

Additifs du pétrole; produits pharmaceutiques

Pétrochimie

A/C: perte de l’appétit; tintements dans les oreilles; vision floue;tremblements; ataxie

Sélénium

Fusion; production de redresseurs; vulcanisation; huiles de coupe; antioxydants

Electronique; travail du verre; métallurgie; industrie du caoutchouc

A: délire; anosmie
C: odeur d’ail; polyneuropathie; nervosité

Thallium

Rodenticides

Industrie du verre; produits du verre

A: perte de l’appétit; fatigue; somnolence; goût métallique; engourdissement; ataxie

Tellure

Fusion; production de caoutchouc; catalyse

Métallurgie; industrie chimique; caoutchouc; électronique

A: céphalée; somnolence; neuropathie
C: odeur d’ail; goût métallique; maladie de Parkinson; dépression

Vanadium

Fusion

Mines; production d’acier; industrie chimique

A: perte de l’appétit; tintements dans les oreilles; somnolence; tremblements
C: dépression; tremblements; cécité

1 M: mécanisme; A: effets aigus; C: effets chroniques.

Neuropathie: dysfonction des fibres des nerfs périphériques moteurs et sensoriels.

Encéphalopathie: dysfonction cérébrale causée par l’altération généralisée du cerveau.

Ataxie: diminution de la coordination motrice.

LES MANIFESTATIONS D’INTOXICATION AIGUË ET D’INTOXICATION CHRONIQUE PRÉCOCE

Donna Mergler

Ce que l’on sait aujourd’hui des conséquences à court et à long terme de l’exposition aux substances neurotoxiques provient d’études expérimentales sur l’animal et d’examens cliniques pratiqués sur des êtres humains, d’études épidémiologiques reposant sur l’observation de travailleurs en activité et à la retraite ou de travailleurs malades, d’études et de rapports concernant des examens cliniques, et aussi d’observations faites à la suite de catastrophes de grande ampleur, telles que celle de Bhopal causée par une fuite de méthylisocyanate et celle de Minamata, qui a provoqué des intoxications par le méthylmercure.

L’exposition aux substances neurotoxiques peut produire des effets immédiats, c’est-à-dire aigus, ou des effets à long terme, autrement dit chroniques, voire les deux sortes d’effets. Dans l’un et l’autre cas, les effets peuvent être réversibles et disparaître à la longue, après que l’exposition aura été réduite ou qu’il y aura été mis fin. Il arrive aussi que l’atteinte soit permanente et irréversible. La gravité de l’altération aiguë ou chronique du système nerveux dépend de l’exposition, c’est-à-dire de la valeur quantitative de la dose absorbée et de la durée de l’exposition. A l’instar de l’alcool et des drogues dites douces, nombre de substances neurotoxiques peuvent dans un premier temps provoquer une sensation de bien-être ou une euphorie ou une accélération des fonctions motrices; parallèlement à l’augmentation de la dose, en quantité ou en durée d’exposition, les mêmes neurotoxines auront pour effet de déprimer le système nerveux. De fait, la narcose, c’est-à-dire un état de stupeur ou d’insensibilité, est provoquée par un grand nombre de substances neurotoxiques qui altèrent le psychisme et dépriment le système nerveux central.

L’intoxication aiguë

Les effets aigus reflètent la réaction immédiate à une substance chimique. La gravité des symptômes et des troubles qui s’ensuivent dépend de la quantité de substance qui a atteint le système nerveux. Si l’exposition est minime, les effets aigus sont modérés et peu durables, disparaissant lorsque cesse l’exposition. Les céphalées, la fatigue, les étourdissements, la difficulté de se concentrer, la sensation d’ébriété, l’euphorie, l’irritabilité, les vertiges et le ralentissement des réflexes sont autant de symptômes qui accompagnent l’exposition aux substances chimiques neurotoxiques. Bien que ces symptômes soient réversibles, si l’exposition se répète jour après jour, ils ne tardent pas à réapparaître. En outre, comme la substance neurotoxique n’est pas immédiatement éliminée par l’organisme, les symptômes peuvent persister après le travail. Ceux dont les travailleurs se plaignent à un poste donné sont une bonne indication de l’interférence d’une substance chimique avec le système nerveux et devraient être interprétés comme un signal d’alarme qui dénonce une surexposition possible appelant des mesures préventives en vue de réduire l’exposition.

S’il s’agit de circonstances où l’exposition a été très forte, par exemple s’il s’est produit des écoulements accidentels, des fuites, des explosions ou d’autres accidents, les symptômes et autres signes deviennent alarmants (céphalées graves, confusion mentale, nausées, vertiges, incoordination, vision troublée, perte de conscience); si l’intensité de l’exposition est assez forte, les effets peuvent être durables et même conduire au coma et à la mort.

Les troubles aigus causés par les pesticides sont fréquents chez les travailleurs agricoles dans les pays producteurs de denrées alimentaires, où l’on utilise de grandes quantités de substances toxiques, par exemple des insecticides, des fongicides, des nématicides ou des herbicides. Les composés organophosphorés, les carbamates, les organochlorés, le pyrèthre, la pyréthrine, le paraquat et le diquat comptent parmi les catégories de pesticides les plus répandues, mais il existe des milliers de formules de pesticides contenant quelques centaines d’ingrédients actifs distincts. Certains pesticides, le manèbe par exemple, contiennent du manganèse, tandis que d’autres se trouvent dissous dans des solvants organiques. Outre les symptômes cités plus haut, l’intoxication aiguë par les organophosphorés et les carbamates peut s’accompagner d’hypersécrétion salivaire, d’incontinence, de convulsions, de myoclonie, de diarrhée, de troubles visuels, ainsi que de difficultés respiratoires et d’une accélération du rythme cardiaque. Ces manifestations sont causées par un excès du neurotransmetteur acétylcholine qui se produit lorsque ces substances attaquent le ferment hydrolysant qu’est la cholinestérase. Le taux sanguin de cette dernière diminue proportionnellement au degré de l’intoxication aiguë par les organophosphorés ou les carbamates.

Avec certaines substances telles que les pesticides organophosphorés et le monoxyde de carbone, l’exposition aiguë à une forte dose peut produire une altération tardive de certaines parties du système nerveux. Dans le premier cas, des engourdissements et des bourdonnements d’oreilles, une faiblesse et un déséquilibre peuvent survenir quelques semaines après l’exposition; dans le second, une atteinte neurologique tardive peut se déclarer avec des symptômes de confusion mentale, d’ataxie, d’incoordination motrice et de parésie. Des épisodes récurrents d’intoxication aiguë par de fortes concentrations de monoxyde de carbone se sont trouvés associés avec la maladie de Parkinson apparue à un âge avancé. Il se peut que l’exposition à de fortes doses de substances chimiques neurotoxiques aille de pair avec un risque accru de dégénérescence du système nerveux à la vieillesse.

L’intoxication chronique

Dans nombre de pays où les risques liés aux substances chimiques neurotoxiques ont été reconnus, les autorités en sont venues à abaisser le niveau autorisé d’exposition; toutefois, en ce qui concerne la plupart des produits chimiques, le niveau d’exposition auquel aucun symptôme de nocivité ne peut se manifester durant une exposition prolongée n’est toujours pas connu. L’exposition répétée à des niveaux qui s’inscrivent dans une gamme allant de faible à modéré durant plusieurs mois, voire plusieurs années, risque d’altérer les fonctions du système nerveux de façon insidieuse et progressive. L’interférence persistante avec les processus moléculaires et cellulaires soumet les fonctions neurophysiologiques et psychologiques à des altérations lentes qui, durant leurs premières manifestations, peuvent passer inaperçues, car il existe dans les circuits du système nerveux des réserves considérables et les atteintes peuvent fort bien se trouver compensées au début par un nouvel apprentissage.

Ainsi donc, l’atteinte initiale du système nerveux ne s’accompagne pas nécessairement de troubles fonctionnels et peut se trouver réversible. Toutefois, à mesure que l’exposition se prolonge, des signes et des symptômes, souvent en eux-mêmes dépourvus de spécificité, font leur apparition, incitant le sujet à solliciter l’assistance d’un médecin. Enfin, l’atteinte peut s’aggraver à tel point qu’un syndrome clinique patent, en général irréversible, s’établit.

La figure 7.8 présente schématiquement le processus continu de détérioration de la santé qu’induit l’exposition aux neurotoxiques. La progression du dysfonctionnement neurotoxique dépend autant de la durée que de l’ordre de grandeur de l’exposition, c’est-à-dire de la dose absorbée, et peut subir l’influence d’autres facteurs relevant du lieu de travail, de l’état de santé et de la sensibilité de chacun, de même que du mode de vie, en particulier de la consommation d’alcool et de l’exposition aux substances neurotoxiques utilisées durant les loisirs, telles que les colles dont on se sert pour le montage de pièces de mobilier ou encore pour l’assemblage de maquettes en matière plastique, les peintures et leurs décapants.

Figure 7.8 Détérioration progressive de la santé en fonction de l'augmentation de la dose de neurotoxiques

Figure 7.8

Pour déterminer les maladies causées par les neurotoxiques chez les travailleurs et pour surveiller l’atteinte précoce du système nerveux chez les actifs, on use de stratégies différentes. Le diagnostic clinique s’appuie sur tout un ensemble de signes et de symptômes, et aussi sur l’anamnèse et sur les antécédents d’exposition de chaque individu; toute étiologie étrangère à l’exposition aux neurotoxines doit être systématiquement écartée. Pour suivre l’évolution des cas de dysfonctionnement précoce chez les travailleurs en activité, il importe de pouvoir se référer à un tableau de la situation dans un groupe donné. Le plus souvent, les observations recueillies sur la dysfonction dans le groupe s’apparenteront au tableau clinique établi pour la maladie. C’est un peu comme si, pour dresser le tableau de ce qui se passe dans le système nerveux, on rassemblait d’abord les observations sur les altérations discrètes constatées précocement. Le profil de la réaction précoce observée sur une collectivité fournit une indication quant à la spécificité et au type d’action de la substance ou du mélange neurotoxique en cause. Sur les lieux de travail où l’on peut craindre une exposition à des substances neurotoxiques, la surveillance de la santé exercée parmi des groupes de travailleurs peut se révéler particulièrement utile aux fins de la prévention et des mesures à prendre sur les lieux de travail pour parer à la propagation d’une maladie grave (voir figure 7.9). Des observations faites sur les lieux de travail dans le monde entier ont permis de rassembler des informations précieuses sur les manifestations précoces de dysfonctionnement du système nerveux dans des collectivités de travailleurs exposés.

Figure 7.9 Prévention de la neurotoxicité au travail

Un travailleur non exposé à une substance neurotoxique ne présentera jamais de troubles de la santé d'origine neurotoxique causés par cette substance. Une exposition zéro équivaut à une protection totale contre les effets neurotoxiques. Il s'agit là du principe de base de la prévention primaire.

Figure 7.9

TESTS DE TOXICITÉ

Les nouvelles substances chimiques introduites dans le milieu de travail devraient toujours avoir été soumises au préalable à des tests de neurotoxicité. En l’absence de tels tests avant la mise sur le marché, les travailleurs peuvent en effet être exposés à des composés susceptibles d’avoir des effets sanitaires graves. L’utilisation professionnelle de la méthyl-n-butylcétone aux Etats-Unis est l’exemple classique des dangers possibles de l’utilisation, sur le lieu de travail, de substances neurotoxiques n’ayant pas été testées au préalable (Spencer et Schaumberg, 1980).

Figure 7.9

MOYENS DE PRÉVENTION TECHNIQUE

Les moyens de prévention technique (systèmes de ventilation, installations de production en circuit fermé) constituent le meilleur moyen de ne pas exposer les travailleurs à des concentrations dépassant les valeurs limites d’exposition admissibles. Le confinement des procédés chimiques, qui évite le dégagement de substances toxiques dans l’environnement du lieu de travail, est la solution idéale. Si un tel confinement d’avère impossible, les systèmes de ventilation par aspiration localisée (qui captent les polluants à la source et les empêchent de se disséminer dans l’air que respirent les travailleurs) sont utiles s’ils sont bien conçus et bien entretenus, et s’ils fonctionnent correctement.

Figure 7.9

ÉQUIPEMENT DE PROTECTION INDIVIDUELLE

S’il n’est pas possible de recourir à des moyens de prévention technique pour réduire l’exposition des travailleurs à des substances neurotoxiques, on devra mettre des équipements de protection individuelle à leur disposition. Comme les substances neurotoxiques à usage professionnel sont nombreuses et comme les voies d’exposition diffèrent selon le lieu de travail et les conditions de travail, le type d’équipement de protection individuelle doit être choisi avec soin. Le plomb, par exemple, peut être toxique par voie inhalatoire (lorsque les travailleurs inhalent de la poussière qui en contient) ou par ingestion (lorsqu’ils l’absorbent avec des aliments ou de l’eau). C’est pourquoi l’équipement de protection individuelle doit prémunir contre ces deux types de risque. Il pourra s’agir dans un cas d’un dispositif de protection respiratoire, dans l’autre, du respect de mesures d’hygiène individuelle. L’absorption par la peau intacte est une autre voie importante d’exposition à de nombreuses substances neurotoxiques (comme les solvants industriels). Des gants imperméables, des blouses et tout équipement approprié doivent être mis à la disposition du personnel pour prévenir la pénétration par voie cutanée. Cette mesure devrait d’ajouter aux mesures de prévention technique ou aux dispositifs de protection respiratoire. Il importe de bien adapter, grâce à une planification adéquate, l’équipement de protection individuelle au type de travail exécuté.

Figure 7.9

MESURES ORGANISATIONNELLES DE PRÉVENTION

On entend par mesures organisationnelles de prévention l’ensemble des mesures prises par la direction d’une entreprise pour réduire les risques sur le lieu de travail grâce à la planification, à la formation et à la rotation du personnel, à des changements dans les procédés de production, au remplacement des produits nocifs par d’autres qui le seraient moins (Urie, 1992) ainsi qu’à la stricte observation de la réglementation en vigueur.

Figure 7.9

DROIT DES TRAVAILLEURS À L’INFORMATION

L’employeur a l’obligation d’auurer aux travailleurs un lieu de travail ou une expérience professionnelle leur permettant de préserver leur santé; les travailleurs, pour leur part, doivent respecter les consignes sur leur lieu de travail. Ils doivent savoir quelles mesures prendre pour se protéger. Autrement dit, ils ont le droit d’être informés du pouvoir neurotoxique des substances qu’ils peuvent prendre.

Figure 7.9

SURVEILLANCE DE LA SANTÉ DES TRAVAILLEURS

Les travailleurs devraient, si les conditions le permettent, être examinés régulièrement par des médecins du travail ou par d’autres médecins spécialistes. Lorsque les travailleurs sont appelés à utiliser des susbstances neurotoxiques ou travaillent à des postes où de telles substances sont présentes, le médecins devraient être informés des effets de ces produits. Par exemple, une exposition à de faibles concentrations de nombreux solvant organiques provoquera des symptômes de fatigue, des céphalées, des troubles du sommeil ou de la mémoire. En cas d’exposition à des doses élévées de plomb, les signes du saturnisme sont la main tombante et la détérioration des nerfs périphériques. En cas de signes et symptômes d’intoxication par une substance neurotoxique, le travailleur devrait être soustrait à l’exposition à cette substance et des efforts devraient être faits pour en réduire les concentrations sur le lieu de travail.

Les symptômes précoces de l’intoxication chronique

Le changement d’humeur est presque toujours le premier symptôme de l’altération initiale du fonctionnement du système nerveux. L’irritabilité, l’euphorie, les sautes d’humeur soudaines, un excès de fatigue, des sentiments d’hostilité, l’anxiété, la dépression et la tension sont quelques-uns des états psychiques le plus fréquemment liés à l’exposition aux substances neurotoxiques. On observe également des problèmes de mémoire, la difficulté de se concentrer, des céphalées, la vision brouillée, une sensation d’ébriété, des vertiges, de la lenteur, des fourmillements dans les mains et dans les pieds, la perte de la libido, etc. Bien qu’au début ces symptômes ne soient pas assez marqués pour interférer avec le travail, ils n’en traduisent pas moins un déficit de bien-être et entament la capacité de jouir pleinement des relations familiales et sociales. Souvent, en raison même de l’absence de spécificité de ces symptômes, les travailleurs, les employeurs et les professionnels de la santé au travail sont enclins à les ignorer et à rechercher d’autres causes que l’exposition sur le lieu de travail. De fait, ces symptômes peuvent fort bien aggraver une situation personnelle déjà difficile.

Sur les lieux de travail où sont utilisées des substances neurotoxiques, les travailleurs, les employeurs et les membres du personnel de la sécurité et de la santé au travail devraient se tenir particulièrement au courant de la symptomatologie de l’intoxication précoce, qui est un indice de la vulnérabilité du système nerveux à l’exposition. Des questionnaires sur les symptômes, dont le tableau 7.9 fournit un exemple, ont été mis au point pour servir à l’étude et à la surveillance des lieux de travail où sont utilisées des substances neurotoxiques.

Tableau 7.9 Liste de contrôle des symptômes chroniques

Symptômes présentés au cours du mois écoulé

 1.

Vous êtes-vous fatigué plus facilement que prévu pour le type de travail que vous effectuez?

 2.

Avez-vous eu une impression d’étourdissements ou de vertiges?

 3.

Avez-vous eu des difficultés à vous concentrer?

 4.

Avez-vous présenté une confusion ou une désorientation?

 5.

Avez-vous eu des problèmes de mémoire?

 6.

Les membres de votre famille ont-ils remarqué que vous aviez des problèmes de mémoire?

 7.

Avez-vous dû prendre des notes pour ne pas oublier les choses?

 8.

Avez-vous trouvé difficile de comprendre le sens des journaux?

 9.

Vous êtes-vous senti irritable?

10.

Vous êtes-vous senti déprimé?

11.

Avez-vous eu des palpitations cardiaques même sans faire d’efforts particuliers?

12.

Avez-vous souffert d’une crise psychomotrice?

13.

Avez-vous dormi plus souvent que vous n’en avez l’habitude?

14.

Avez-vous eu des difficultés d’endormissement?

15.

Avez-vous été gêné par une perte de coordination ou d’équilibre?

16.

Avez-vous senti une diminution de la force musculaire dans les jambes ou les pieds?

17.

Avez-vous senti une diminution de la force musculaire dans les bras ou les mains?

18.

Avez-vous eu des difficultés pour bouger les doigts ou saisir des objets?

19.

Avez-vous eu un engourdissement des mains et des fourmillements dans les doigts pendant plus d’une journée?

20.

Avez-vous eu un engourdissement des mains et des fourmillements dans les orteils pendant plus d’une journée?

21.

Avez-vous eu des maux de tête au moins une fois par semaine?

22.

Avez-vous eu des difficultés pour rentrer chez vous en voiture après le travail pour cause de vertiges et de fatigue?

23.

Vous êtes-vous senti en état d’euphorie causé par des produits chimiques utilisés sur le lieu de travail?

24.

Avez-vous constaté une moins bonne tolérance à l’alcool?

Source: d’après Johnson, 1987.

Les perturbations motrices, sensorielles et cognitives précoces dans l’intoxication chronique

A mesure que l’exposition aux substances neurotoxiques se prolonge, on peut observer des changements dans les fonctions motrices, sensorielles et cognitives des travailleurs exposés, qui ne présentent par ailleurs aucune manifestation clinique d’anomalie. Le système nerveux étant un mécanisme complexe — dont plusieurs zones sont vulnérables à certaines substances chimiques particulières, cependant que d’autres sont sensibles à l’action d’un grand nombre d’agents toxiques —, maintes fonctions du système nerveux peuvent être affectées par un même agent toxique ou par un mélange de neurotoxines. Le temps de réaction, la coordination entre la vue et l’ouïe, la mémoire immédiate, la mémoire visuelle et la mémoire auditive, l’attention et la vigilance, la dextérité manuelle, le vocabulaire, la réorientation de l’attention, la force de préhension, la vitesse motrice, la fermeté des mains, l’humeur, la perception visuelle des couleurs, la perception vibrotactile, l’ouïe et l’odorat sont quelques-unes des nombreuses fonctions dont on a vu qu’elles peuvent être altérées par diverses substances neurotoxiques.

De la comparaison entre la performance de travailleurs exposés et celle de travailleurs non exposés, compte tenu du degré d’exposition, il a été possible de tirer des informations précieuses sur le type de déficit précoce que cette exposition peut provoquer. Anger (1990) propose un excellent condensé des résultats auxquels ont abouti les recherches conduites jusqu’en 1989 aux postes de travail mêmes sur le comportement du système nerveux. Le tableau 7.10, établi sur la base de cet article, cite des exemples des déficits neurofonctionnels régulièrement constatés sur des groupes de travailleurs actifs exposés à quelques-unes des substances neurotoxiques les plus courantes.

Tableau 7.10 Effets neurofonctionnels observés régulièrement en cas d'exposition
à certaines des principales substances neurotoxiques sur le lieu de travail

 

Solvants organiques mixtes

Sulfure de carbone

Styrène

Organo-phosphorés

Plomb

Mercure

Acquisition

    +

 

 

 

    +

 

Affectivité

    +

 

    +

 

    +

 

Catégorisation

    +

 

 

 

 

 

Codage

    +

    +

   

    +

 

Vision des couleurs

    +

 

    +

 

 

 

Versatilité conceptuelle

    +

 

 

 

 

 

Tendance à la distraction

 

 

 

 

    +

 

Intelligence

    +

    +

 

    +

    +

    +

Mémoire

    +

    +

    +

    +

    +

    +

Coordination motrice

    +

    +

    +

 

    +

    +

Vitesse motrice

    +

    +

    +

 

    +

    +

Sensibilité au contraste visuel proximal

    +

 

 

 

 

 

Seuil de perception des odeurs

    +

 

 

 

 

 

Identification des odeurs

    +

 

 

 

    +

 

Personnalité

    +

    +

 

 

 

    +

Relations spatiales

    +

    +

 

 

    +

 

Seuil vibrotactile

    +

 

 

    +

 

    +

Vigilance

    +

    +

 

 

    +

 

Champ visuel

 

 

 

 

    +

    +

Vocabulaire

 

 

 

 

    +

 

Source: d’après Anger, 1990.

Bien qu’à ce stade de la transition entre bonne santé et maladie, le déficit observé ne se situe pas dans la fourchette de l’anomalie clinique, des atteintes à la santé peuvent néanmoins résulter de ces changements. Par exemple, s’ils sont devenus moins vigilants et s’ils ont perdu une partie de leurs réflexes, les travailleurs courent un plus grand risque d’accident. L’odorat est mis à contribution pour détecter les fuites et la saturation d’un masque (rupture de la cartouche), de même que la perte d’odorat, aiguë ou chronique, rend le travailleur moins apte à prendre conscience d’une situation potentiellement dangereuse. Les changements d’humeur interfèrent parfois avec les relations personnelles au travail, dans la vie sociale comme au foyer. Ces premières étapes de la détérioration du système nerveux — qu’il est possible d’observer sur des groupes de travailleurs exposés que l’on compare à d’autres non exposés, ou à partir du degré de l’exposition qu’ils subissent — reflètent un bien-être amoindri et annoncent peut-être le risque de voir se poser à l’avenir des problèmes neurologiques plus alarmants.

La santé mentale dans l’intoxication chronique

Ce n’est pas d’aujourd’hui que l’on impute des troubles neuropsychiatriques à l’exposition aux substances neurotoxiques. Les descriptions cliniques vont des troubles affectifs, notamment l’anxiété et la dépression, aux manifestations de comportement psychotique et aux hallucinations. L’exposition aiguë à de fortes doses de métaux lourds, de solvants organiques ou de pesticides peut provoquer le délire. La «démence manganique» a été observée sur des sujets exposés depuis longtemps au manganèse et le syndrome bien connu du «chapelier fou» est une intoxication par le mercure. L’encéphalopathie toxique de type 2a qui se caractérise par une altération persistante de la personnalité impliquant la fatigue, l’instabilité émotionnelle, ainsi que des changements dans la maîtrise des impulsions, l’humeur et la motivation en général a été associée à l’exposition aux solvants organiques. De plus en plus de bilans cliniques et d’études démographiques démontrent que, loin de s’atténuer avec le temps, les troubles de la personnalité perdurent bien après que l’exposition a cessé, alors que l’on observe une amélioration dans le cas d’autres formes d’atteinte.

Durant la transition entre bonne santé et maladie, les variations de l’humeur, l’irritabilité et l’excès de fatigue sont souvent les tout premiers indices d’une surexposition à des substances neurotoxiques. Bien que les études conduites sur les lieux de travail fassent régulièrement état de symptômes neuropsychiatriques, il est rare que l’on considère que ces symptômes posent un problème de santé mentale ayant des répercussions sur le bien-être psychique et social. Par exemple, l’altération de l’état de santé mentale retentit sur le comportement, rendant difficiles les relations personnelles et provoquant des conflits familiaux, ce qui peut aggraver l’état mental de l’individu. Sur les lieux de travail des entreprises qui ont mis sur pied des programmes destinés à aider leurs salariés aux prises avec des problèmes personnels, l’ignorance des effets possibles sur la santé mentale de l’exposition aux substances neurotoxiques peut conduire à des traitements qui agissent sur les effets et non pas sur les causes. Il est intéressant de relever que parmi les nombreux cas rapportés d’«hystérie collective» ou de maladie psychogène, les industries où se sont déclarées des «hystéries collectives» ou des maladies psychogènes et les industries où le personnel est exposé à des substances neurotoxiques sont surreprésentées. Il est possible que ces substances, qui pour une large part n’ont pas été mesurées, aient contribué aux symptômes rapportés.

Les manifestations de l’exposition aux neurotoxiques sur la santé mentale peuvent s’apparenter à celles que provoquent les stresseurs psychosociaux liés à une mauvaise organisation du travail, de même que les réactions psychologiques aux accidents, les situations génératrices de stress aigu, les intoxications graves, que l’on appelle troubles du stress post-traumatique (dont il est question dans le chapitre no 5 («La santé mentale») de la présente Encyclopédie). Il importe de bien connaître la relation entre les problèmes de santé mentale et les conditions de travail pour pouvoir mettre en œuvre les mesures de prévention et de traitement qui s’imposent.

Considérations générales sur l’évaluation du dysfonctionnement neurotoxique précoce

Il convient de tenir compte d’un certain nombre de facteurs lorsqu’on évalue le dysfonctionnement du système nerveux des travailleurs en activité. En premier lieu, plusieurs des fonctions neuropsychologiques et neurophysiologiques soumises à l’examen régressent avec l’âge, certaines subissant l’influence de la culture du sujet ou du niveau de l’éducation qu’il a reçue. Ce sont des facteurs dont il faut tenir compte lorsqu’on considère la relation entre l’exposition et les altérations subies par le système nerveux. Pour ce faire, on peut comparer des groupes de statut socio-démographique analogue ou recourir aux méthodes statistiques d’ajustement. Il importe cependant d’éviter certains écueils. Par exemple, l’ancienneté des travailleurs âgés peut être plus longue, et on a suggéré que certaines substances neurotoxiques ont la propriété d’accélérer le vieillissement. Sur les lieux de travail, la ségrégation peut confiner les travailleurs peu instruits, les femmes et les membres de minorités dans des postes très exposés. En second lieu, la consommation d’alcool, de tabac et de drogues, qui tous contiennent certaines substances neurotoxiques, peut aussi influer sur les symptômes et sur le rendement. Il importe de bien connaître le milieu de travail pour identifier les différents facteurs qui contribuent au dysfonctionnement du système nerveux et mettre en œuvre des mesures de prévention.

LES SYNDROMES CLINIQUES ASSOCIÉS À LA NEUROTOXICITÉ

Robert G. Feldman

Les syndromes neurotoxiques que l’on doit aux substances qui nuisent au tissu nerveux figurent parmi les dix premières affections professionnelles recensées aux Etats-Unis. Les effets neurotoxiques sont à la base des critères qui servent à fixer les limites d’exposition de 40% des agents déclarés dangereux par l’Institut national des Etats-Unis pour la sécurité et la santé au travail (United States National Institute for Occupational Safety and Health (NIOSH)).

Un neurotoxique est une substance capable de perturber la fonction normale du tissu nerveux, en causant une détérioration cellulaire irréversible ou en provoquant la mort des cellules. Selon ses caractéristiques propres, un neurotoxique donné attaquera des sites particuliers ou des éléments cellulaires spécifiques du système nerveux. Ces composés, qui sont non polaires, ont une plus grande liposolubilité et, partant, un plus large accès au tissu nerveux que les substances chimiques très polaires et moins liposolubles. Le type et la taille des cellules, ainsi que les divers systèmes neurotransmetteurs affectés dans différentes régions du cerveau, les mécanismes protecteurs détoxifiants innés, de même que l’intégrité des membranes cellulaires et des organites intracellulaires, ont tous une influence sur les réactions aux substances neurotoxiques.

Les neurones (le neurone est l’unité cellulaire fonctionnelle du système nerveux) se caractérisent par une vitesse de métabolisme élevée et sont le plus exposés aux atteintes neurotoxiques, avant les oligodendrocytes, les astrocytes, les microglies et les cellules de l’endothélium capillaire. Les altérations structurelles de la membrane cellulaire réduisent l’excitabilité et entravent la transmission des impulsions. L’action toxique modifie la forme des protéines, la teneur en fluides et la capacité d’échange ionique des membranes, ce qui provoque le gonflement des neurones et des astrocytes, ainsi qu’une détérioration des cellules délicates qui enveloppent les capillaires sanguins. L’interruption des mécanismes neurotransmetteurs bloque l’accès aux récepteurs postsynaptiques, produit de faux effets de neurotransmission et altère la synthèse, le stockage, la libération, la reprise ou l’inactivation enzymatique des neurotransmetteurs naturels. Les manifestations cliniques de la neurotoxicité sont, par conséquent, déterminées par plusieurs facteurs différents: les caractéristiques physiques du neurotoxique, la dose d’exposition à cet agent, la vulnérabilité des cellules cibles, l’aptitude de l’organisme à métaboliser et à excréter le toxique, ainsi que les moyens de récupération des structures et des mécanismes affectés. Le tableau 7.11 énumère plusieurs sources d’exposition à des substances chimiques et les syndromes de neurotoxicité qui s’y rattachent.

Tableau 7.11 Expositions chimiques et syndromes neurotoxiques associés

Neurotoxique

Sources d’exposition

Diagnostic clinique

Siège de la pathologie1

Métaux

Arsenic

Pesticides; pigments; peinture antiparasite; galvanoplastie; fruits de mer; fonderies; semi-conducteurs

Aigu: encéphalopathie
Chronique: neuropathie périphérique

Inconnu a)
Axones c)

Plomb

Brasage; grenaille de plomb; whisky clandestin; insecticides; carrosserie automobile; fabrication d’accumulateurs; fonderies; fusion en métallurgie; peinture à base de plomb; tuyauteries en plomb

Aigu: encéphalopathie
Chronique: encéphalopathie et neuropathie périphérique

Vaisseaux sanguins a)
Axones c)

Manganèse

Industries du fer et de l’acier; opérations de soudage; opérations de finition des métaux; engrais; fabrication de pièces d’artifice et d’allumettes; fabrication de piles sèches

Aigu: encéphalopathie
Chronique: maladie de Parkinson

Inconnu a)
Neurones des noyaux striés c)

Mercure

Instruments scientifiques; matériel électrique; amalgames; galvanoplastie; photographie; fabrication de feutre

Aigu: céphalée; nausées; début de tremblements
Chronique: ataxie; neuropathie périphérique; encéphalopathie

Inconnu a)
Axone c)
Inconnu c)

Etain

Fabrication de boîtes de conserve; brasage; composants électroniques; plastiques à base de polyvinyle; fongicides

Aigu: défaillances de la mémoire; crises psychomotrices; désorientation
Chronique: encéphalo-myélopathie

Neurones du système limbique a) et c)
Myéline c)

Solvants

Sulfure de carbone

Fabrication de rayonne; conservateurs; textiles; colle pour caoutchouc; vernis; galvanoplastie

Aigu: encéphalopathie
Chronique: neuropathie périphérique; maladie de Parkinson

Inconnu a)
Axones c)
Inconnu

n-Hexane; méthylbutylcétone

Peintures; laques; vernis; composés pour nettoyage des métaux; encres à séchage rapide; décapants pour peintures; colles; adhésifs

Aigu: narcose
Chronique: neuropathie périphérique

Inconnu a)
Axones c)

Perchloroéthylène

Décapants pour peintures; agents de dégraissage; agents d’extraction; nettoyage à sec; industrie textile

Aigu: narcose
Chronique: neuropathie périphérique; encéphalopathie

Inconnu a)
Axones c)
Inconnu

Toluène

Solvants pour caoutchouc; agents de nettoyage; colles; fabrication de benzène; essence; carburéacteurs; peintures et diluants; laques

Aigu: narcose
Chronique: ataxie, encéphalopathie

Inconnu a)
Cervelet c)
Inconnu

Trichloroéthylène

Agents de dégraissage; industrie de la peinture; vernis; détachants; procédé de décaféinisation, nettoyage à sec; solvants pour caoutchouc

Aigu: narcose
Chronique: encéphalopathie; neuropathie crânienne

Inconnu a)
Inconnu c)
Axones c)

Insecticides

Organophosphorés

Agriculture; fabrication et application

Aigu: intoxication cholinergique
Chronique: ataxie; paralysie; neuropathie périphérique

Acétylcholinestérase a)
Faisceaux longs de la moelle épinière c)
Axones c)

Carbamates

Agriculture; fabrication et application; poudres antipuces

Aigu: intoxication cholinergique
Chronique: tremblements; neuropathie périphérique

Acétylcholinestérase a)
Système dopaminergique c)

1 a): effets aigus; c): effets chroniques.

Source: d’après Feldman, 1990, avec autorisation de l’éditeur.

Pour établir le diagnostic d’un syndrome de neurotoxicité et pour le différencier des maladies nerveuses dont l’étiologie n’est pas neurotoxique, il importe de bien comprendre la pathogenèse des symptômes neurologiques ainsi que des autres signes et symptômes observés, d’être conscient du fait que certaines substances peuvent affecter le tissu nerveux, d’être documenté sur l’exposition, d’avoir la preuve de la présence d’une neurotoxine ou de ses métabolites dans les tissus d’une personne affectée et d’établir la relation temporelle précise entre l’exposition et l’apparition des symptômes, ainsi que de la régression de ceux-ci après que l’exposition a cessé.

Après l’apparition des symptômes, il est rare en général que l’on dispose de la preuve qu’une substance neurotoxique a atteint un niveau de dose intoxicante. A moins que le milieu fasse l’objet d’un contrôle régulier, il faut nécessairement rester très vigilant pour dépister les cas d’atteinte neurotoxicologique. L’identification des symptômes qu’il est possible de rapporter au système nerveux central ou au système nerveux périphérique, ou encore à l’un et à l’autre système, peut aider le clinicien à incriminer certaines substances qui ont une prédilection plus marquée pour une partie ou une autre du système nerveux. Les convulsions, la faiblesse, les tremblements ou tressaillements, l’anorexie (entraînant la perte de poids), les troubles de l’équilibre, la dépression du système nerveux central, la narcose (état de stupeur ou d’inconscience), les troubles de la vision, la perturbation du sommeil, l’ataxie (incapacité de coordonner les mouvements musculaires volontaires), la fatigue et les troubles tactiles sont autant de symptômes communément évoqués après une exposition à certaines substances chimiques. Innombrables sont les symptômes qui constituent les syndromes liés à l’exposition aux neurotoxiques.

Les syndromes comportementaux

Des troubles comportant des manifestations à prédominance comportementale, qui vont de la psychose aiguë à la dépression et à l’apathie chronique, ont été observés chez certains travailleurs. Il est impérieusement nécessaire de faire la différence entre la défaillance de mémoire associée à d’autres maladies neurologiques, par exemple la maladie d’Alzheimer, l’artériosclérose ou une tumeur du cerveau, et des déficits cognitifs liés à l’exposition toxique à des solvants organiques, à des métaux ou à des insecticides. Les troubles passagers de la conscience ou les crises d’épilepsie avec ou sans troubles moteurs associés doivent être identifiés par le diagnostic en tant que manifestations primaires distinctes des troubles similaires de la conscience liés à des effets neurotoxiques. Les syndromes subjectifs et comportementaux d’intoxication tels que la céphalée, le vertige, la fatigue et l’altération de la personnalité revêtent la forme d’une encéphalopathie bénigne s’accompagnant d’une sensation de griserie et peuvent évoquer une exposition au monoxyde de carbone, au dioxyde de carbone, au plomb, au zinc, aux nitrates ou à des mélanges de solvants organiques. Il faut recourir à des tests neuropsychologiques normalisés afin de confirmer les constatations de déficit cognitif chez des sujets supposés atteints d’encéphalopathie toxique, qu’il importe de ne pas confondre avec les syndromes de démence associés à d’autres pathologies. Les tests spécifiques appliqués dans les batteries diagnostiques de tests doivent comporter un grand nombre de tests des fonctions cognitives qui permettront de prédire le comportement et la vie quotidienne du sujet, et aussi des tests qui se sont préalablement révélés sensibles aux effets de neurotoxiques connus. Ces batteries normalisées devront comporter des tests qui auront été validés chez des sujets chez qui l’atteinte cérébrale présente des formes particulières et chez qui l’on a constaté des déficits structuraux, afin que l’on puisse distinguer clairement ces états pathologiques des effets neurotoxiques. En outre, les tests devront comporter des mesures de contrôle interne permettant de déceler l’influence de la motivation, de l’hypocondrie, de la dépression et des difficultés d’apprentissage; le langage dont on usera devra tenir compte du contexte culturel et du niveau d’instruction des sujets.

Chez les sujets exposés aux substances toxiques, on observe une progression entre les formes bénignes et les formes graves des atteintes du système nerveux central:

Les travailleurs longtemps exposés à des solvants peuvent présenter des troubles permanents de la fonction du système nerveux central. Du fait que l’on se trouve en présence d’une abondance de symptômes subjectifs — céphalée, fatigue, mémoire défaillante, anorexie, douleurs thoraciques diffuses —, il est souvent difficile de confirmer cet état individuellement. Une étude épidémiologique dans laquelle des peintres en bâtiment exposés aux solvants étaient comparés à des travailleurs non exposés de l’industrie a montré, par exemple, que les peintres soumis à des tests psychologiques d’évaluation de la capacité intellectuelle et de la coordination psychomotrice obtenaient des résultats moyens nettement inférieurs à ceux des témoins. De même, leurs performances lors des tests de mémoire et de temps de réaction étaient nettement inférieures aux prévisions. Des différences entre des travailleurs exposés aux carburéacteurs pendant plusieurs années et des travailleurs non exposés étaient également perceptibles lors de tests exigeant une attention soutenue et une grande rapidité motrice sensorielle. Des dégradations de la performance psychologique et des altérations de la personnalité ont été signalées aussi chez des peintres en carrosserie automobile. Il s’agissait notamment de la mémoire visuelle et verbale, d’une moindre réactivité aux émotions et de résultats médiocres obtenus lors de tests d’intelligence verbale.

On a décrit récemment un syndrome neurotoxique controversé, le syndrome d’intolérance aux produits chimiques, observé sur des sujets présentant une gamme étendue de symptômes qui affectent des systèmes organiques multiples dès lors qu’ils sont exposés à divers produits chimiques présents sur leur lieu de travail ou dans l’environnement, même à faible dose. Les perturbations de l’humeur se caractérisent par la dépression, la sensation de fatigue, l’irritabilité et la difficulté de se concentrer. Les symptômes resurgissent dès que le sujet se retrouve exposé à des stimuli prévisibles, déclenchés par des agents chimiques appartenant à diverses classes structurelles et toxicologiques et reçus à des doses très inférieures à celles qui provoquent des réactions indésirables parmi la population. Plusieurs des symptômes de ce syndrome se manifestent chez des individus qui ne sont affectés que d’une forme bénigne d’altération de l’humeur, de céphalées, de fatigue, d’irritabilité et de prédisposition à l’oubli lorsqu’ils se trouvent dans un bâtiment mal ventilé où se dégagent des substances volatiles provenant de matériaux de construction et de revêtements de sol synthétiques. Les symptômes disparaissent après que les travailleurs ont évacué les lieux.

Les perturbations de la conscience, les attaques et le coma

La conscience peut être perturbée lorsque le cerveau vient à manquer d’oxygène — par exemple, en présence de monoxyde de carbone, de dioxyde de carbone, de méthane ou d’agents qui bloquent la respiration tissulaire, comme l’acide cyanhydrique ou d’autres agents qui provoquent une imprégnation massive des nerfs, notamment certains solvants. La perte de conscience peut être précédée de convulsions chez les travailleurs exposés à des substances anticholinestérasiques comme les insecticides organophosphorés. Des attaques peuvent aussi se produire chez des sujets atteints d’encéphalopathie causée par le plomb associée à un œdème cérébral. Les manifestations de toxicité aiguë qui suivent l’intoxication par les organophosphorés comportent des symptômes d’atteinte du système neurovégétatif qui précèdent l’apparition d’étourdissements, de céphalées, de vision trouble, de myosis, de douleurs thoraciques, d’accroissement des sécrétions bronchiques et d’attaques. Ces manifestations parasympathiques s’expliquent par l’action inhibitrice de ces substances toxiques sur l’activité de la cholinestérase.

La dyskinésie

Un ralentissement des mouvements, une hypertonie musculaire marquée et des anomalies posturales ont été observés chez des travailleurs exposés au manganèse, au sulfure de carbone et à l’action toxique d’un sous-produit de la mépéridine, la 1-méthyl-4-phényl-1,2,3,6-tétrahydropyridine (MPTP). Il arrive que les sujets atteints semblent avoir contracté la maladie de Parkinson. Le parkinsonisme secondaire à l’exposition aux substances toxiques a les caractéristiques d’autres troubles nerveux tels que la chorée et l’athétose. Le tremblement typique avec mouvement d’émiettement («pill-rolling» tremor) n’apparaît pas dans ces cas qui, généralement, réagissent mal au traitement par la lévodopa. La dyskinésie (dégradation de l’aptitude au mouvement volontaire) peut être un symptôme commun de l’intoxication par le bromométhane. On constate parfois des mouvements spasmodiques des doigts, de la face, des muscles péribuccaux et du cou, ainsi que des spasmes des extrémités. Le tremblement est habituel après l’intoxication par le mercure. Il est plus marqué et s’accompagne d’ataxie (incoordination de l’action musculaire) à la suite de l’inhalation de toluène.

L’opsoclonie est une agitation anormale des yeux dans tous les sens, souvent observée dans l’encéphalite du tronc cérébral, mais qui peut aussi apparaître après une exposition au chlordécone. L’anomalie consiste en accès irréguliers de mouvements brusques, involontaires et rapides des deux yeux simultanément, de manière coordonnée, qui peuvent être multidirectionnels chez les sujets gravement atteints.

Les céphalées

Les travailleurs se plaignent souvent de maux de tête à la suite d’une exposition à diverses vapeurs métalliques, vapeurs de zinc notamment et vapeurs de solvants, céphalées qui peuvent s’expliquer par la vasodilatation (élargissement des vaisseaux sanguins), et aussi par l’œdème du cerveau. La douleur apparaît souvent en pareil cas, de même que dans les intoxications par le monoxyde de carbone, dans l’hypoxie (par la raréfaction de l’oxygène) ou l’exposition au dioxyde de carbone. Si le syndrome des bâtiments malsains s’accompagne de maux de tête, on estime que la cause en est l’excès de dioxyde de carbone présent dans des locaux insuffisamment ventilés.

La neuropathie périphérique

Les fibres des nerfs périphériques qui exercent des fonctions motrices prennent naissance dans les neurones moteurs de la corne antérieure de la moelle épinière. Les axones moteurs s’étendent vers la périphérie jusqu’aux muscles qu’ils innervent. Le corps cellulaire d’une fibre de nerf sensitif se trouve dans le ganglion de la racine postérieure ou dans la substance grise postérieure de la moelle épinière. Après réception des informations en provenance de la périphérie, détectées par les récepteurs distaux, les impulsions nerveuses parviennent, par conduction centripète, aux corps des cellules nerveuses où se fait la connexion avec les voies de la moelle épinière qui transmettent les informations au tronc cérébral et aux hémisphères cérébraux. Certaines fibres sensitives sont reliées directement à des fibres motrices à l’intérieur de la moelle épinière, constituant ainsi la base de l’activité réflexe et des réponses motrices rapides aux sensations nocives. Ces interactions sensitivo-motrices existent dans toutes les parties du corps; les nerfs crâniens sont les équivalents des nerfs périphériques prenant naissance dans les neurones du tronc cérébral et non pas de la moelle épinière. Les fibres des nerfs sensitifs et des nerfs moteurs suivent des parcours communs en faisceaux et sont dénommés nerfs périphériques.

On distingue plusieurs modes d’action toxique visant les fibres des nerfs périphériques: certaines substances toxiques affectent sélectivement les axones (axonopathies), d’autres provoquent un déficit sensitivo-moteur distal, d’autres encore attaquent en priorité la gaine de myéline et les cellules de Schwann. Les axonopathies sont manifestes aux stades précoces dans les membres inférieurs où les axones sont les plus longs et les plus éloignés du corps de la cellule nerveuse. Une démyélinisation se produit au hasard dans les segments situés entre les étranglements de Ranvier. Si la dégradation axonale est suffisamment sévère, une démyélinisation secondaire survient; aussi longtemps que les axones restent intacts, la régénération des cellules de Schwann et la remyélinisation demeurent possibles. Un tableau fréquemment observé dans les neuropathies d’origine toxique est l’axonopathie distale suivie d’une démyélinisation segmentaire secondaire. La déperdition de myéline réduit la vitesse de conduction des impulsions nerveuses. C’est alors que s’établissent de façon intermittente des fourmillements et un engourdissement graduels qui évoluent jusqu’à la perte de sensibilité, des accès de paresthésie et la faiblesse musculaire, tous symptômes imputables à la détérioration des fibres motrices et sensitives. La neuropathie périphérique se caractérise alors par la régression ou la disparition des réflexes tendineux et par des tableaux anatomiquement concordants de déficit sensoriel, plus marqué dans les membres inférieurs que dans les membres supérieurs.

On a observé parfois des faiblesses motrices dans les extrémités distales, qui évoluent jusqu’à l’instabilité de la démarche et l’inaptitude à saisir les objets. Les portions distales des membres sont plus sévèrement atteintes, mais dans les cas graves, l’affaiblissement, voire l’atrophie des muscles proximaux peuvent s’ensuivre. Les groupes de muscles extenseurs sont touchés avant les fléchisseurs. Les symptômes peuvent parfois progresser pendant quelques semaines, même après que l’exposition a cessé. Il arrive que la détérioration de la fonction nerveuse persiste plusieurs semaines après que le sujet a été soustrait à l’exposition.

Selon le type de la neuropathie et sa gravité, un examen électrophysiologique des nerfs périphériques peut être utile pour rassembler un complément d’informations sur la fonction déficiente. On pourra observer une réduction de la vitesse de conduction, de moindres amplitudes des potentiels d’action des nerfs sensitifs ou moteurs et même des temps de latence prolongés. La diminution des vitesses de conduction motrice ou sensitive accompagne en général une démyélinisation des fibres nerveuses. Si les valeurs de la vitesse de conduction restent normales en présence d’une atrophie musculaire, il faut suspecter une neuropathie axonale. Des exceptions sont possibles s’il se produit une déperdition progressive de fibres des nerfs moteurs ou sensitifs dans la neuropathie axonale, qui retentit sur la vitesse maximale de conduction, par suite de l’abandon des fibres nerveuses de plus grand diamètre dont la conduction est plus rapide. La régénération des fibres se produit aux premiers stades de la guérison, dans le cas des axonopathies caractérisées par le ralentissement de la conduction, en particulier dans les segments distaux. L’examen électrophysiologique des sujets atteints de neuropathie toxique devrait comporter des mesures de la vitesse de conduction motrice et sensitive dans les membres supérieurs et inférieurs. Il importe d’accorder une attention particulière aux caractéristiques de conduction avant tout sensitive du nerf sural de la jambe. Cette observation revêt un grand intérêt lorsque le nerf sural est ensuite utilisé à des fins de biopsie, car il permet d’établir une corrélation anatomique entre l’histologie des fibres nerveuses effilées et les caractéristiques de conduction. Une étude électrophysiologique différentielle des capacités de conduction des segments proximaux par rapport aux segments distaux d’un nerf est utile en ce qu’elle permet de déterminer une axonopathie distale d’origine toxique ou pour localiser un blocage neuropathique de la conduction, sans doute imputable à une démyélinisation.

Lorsqu’on suspecte une polyneuropathie neurotoxique, il importe d’en bien connaître la physiopathologie. Par exemple, chez des sujets qui présentent une neuropathie causée par le n-hexane et la méthylbutylcétone, les vitesses de conduction des nerfs moteurs sont réduites, mais, dans certains cas, les valeurs peuvent se maintenir dans une fourchette normale si seules les fibres d’excitation les plus rapides se trouvent stimulées et sont prises en considération dans le résultat de l’évaluation. Etant donné que les solvants neurotoxiques à base d’hexacarbone provoquent une dégénérescence axonale, des altérations secondaires affectent la myéline et expliquent la régression généralisée de la vitesse de conduction, bien que sa valeur se situe dans la plage normale ménagée par les fibres conductrices préservées.

Les techniques électrophysiologiques comprennent des tests spéciaux autres que les mesures de la vitesse directe de conduction ou les recherches portant sur l’amplitude et la latence. Les potentiels somatosensitifs évoqués, les potentiels auditifs évoqués et les potentiels visuels évoqués sont autant de moyens d’étudier les caractéristiques des systèmes conducteurs sensitifs, et aussi certains nerfs crâniens spécifiques. On peut étudier les circuits afférents-efférents en recourant à des tests du clignotement réflexe qui suscitent des réponses du cinquième nerf crânien au septième muscle crânien innervé; les réflexes H font intervenir les voies des réflexes moteurs segmentaires. La stimulation par les vibrations sélectionne les fibres de gros calibre parmi les plus petites que l’on observe. Il existe des techniques électroniques bien maîtrisées qui permettent de mesurer le seuil à partir duquel on pourra obtenir une réponse, puis de déterminer la vitesse de transmission de cette réponse ainsi que l’amplitude de la contraction musculaire, ou l’amplitude et la configuration d’un potentiel d’action sensitive évoqué. Tous les résultats physiologiques devront être évalués en fonction du tableau clinique, ce qui nécessite une bonne compréhension du processus physiopathologique sous-jacent.

Conclusion

Différencier un syndrome neurotoxique d’une maladie neurologique primaire soumet le médecin du travail à un formidable défi. Rassembler une anamnèse cohérente, maintenir un degré élevé de suspicion et assurer à chacun des sujets comme aux collectivités dont il a la charge un suivi de qualité, tels sont à la fois son devoir et son réconfort. Le dépistage précoce de la maladie imputable aux agents toxiques là où ils se trouvent ou d’une exposition particulière est impérieusement nécessaire, car un diagnostic éclairé permet de soustraire précocement un individu aux risques que l’exposition à une substance toxique fait courir à sa santé et de prévenir une affection neurologique peut-être irréversible. En outre, le dépistage le plus précoce possible des atteintes dans un milieu particulier peut permettre d’apporter des changements qui protégeront ceux qui se trouvent encore épargnés.

L’ÉVALUATION DES DÉFICITS NEUROTOXIQUES

Donna Mergler

Les batteries de tests neurofonctionnels

Les signes et symptômes neurologiques subcliniques sont observés depuis longtemps parmi les travailleurs actifs exposés aux neurotoxiques, mais ce n’est que depuis le milieu des années soixante que les efforts de recherche se sont concentrés sur le développement de batteries de tests sensibles capables de déceler les changements discrets, difficilement perceptibles, qui sont présents aux stades précoces de l’intoxication dans les fonctions perceptives, psychomotrices, cognitives, sensorielles et motrices, et qui les affectent.

La première batterie de tests neurocomportementaux destinée aux études sur les lieux de travail a été mise au point par Helena Hänninen, qui a fait œuvre de pionnier dans l’examen des déficits comportementaux imputables à l’exposition aux substances toxiques (batteries de tests Hänninen) (Hänninen et Lindstrom, 1979). Depuis lors, des efforts ont été déployés dans le monde entier pour créer et, dans certains cas, informatiser des batteries de tests comportementaux. Anger (1990) a décrit cinq de ces batteries mises au point en Australie, en Suède, en Grande-Bretagne, en Finlande et aux Etats-Unis, ainsi que deux batteries de dépistage des substances neurotoxiques en provenance des Etats-Unis, qui ont servi pour des études portant sur des travailleurs exposés aux neurotoxiques. En outre, le Neurobehavioral Evaluation System (NES) (Système informatisé d’évaluation comportementale des neurotoxiques) et le Swedish Performance Evaluation System (SPES) (Système suédois d’évaluation des performances) ont été largement utilisés partout dans le monde. Il existe également des batteries de tests conçues pour l’étude des fonctions sensorielles, notamment pour la mesure de la vision, du seuil de perception vibrotactile, de l’odorat, de l’ouïe et des mouvements de va-et-vient (Mergler, 1995). Des recherches concernant plusieurs agents neurotoxiques ont été conduites à l’aide de l’une ou l’autre de ces batteries, qui ont largement enrichi nos connaissances quant aux atteintes neurotoxiques précoces; il n’en a pas moins été difficile de procéder à des comparaisons de recoupement, compte tenu du nombre de tests différents qui, sous des appellations similaires, peuvent être utilisés selon des protocoles différents eux aussi.

Dans l’intention de normaliser les informations puisées dans les études consacrées aux substances neurotoxiques, un groupe de travail de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) (Johnson, 1987) a proposé la notion de batterie «de base». S’appuyant sur les connaissances acquises à l’époque de la réunion (1985), le groupe de travail a sélectionné un certain nombre de tests afin de constituer la Neurobehavioral Core Test Battery (NCTB) (Batterie de tests neurocomportementaux de base), instrument relativement peu coûteux, actionné manuellement, qui a été utilisé avec succès dans plusieurs pays (Anger et coll., 1993). Les tests qui composent cette batterie ont été choisis pour incorporer plusieurs domaines spécifiques du système nerveux dont on savait depuis un certain temps déjà qu’ils répondaient aux atteintes neurotoxiques. Une batterie de base plus récente, qui comporte des tests manuels et des tests informatisés, vient d’être proposée par un groupe de travail de l’Agence des Etats-Unis pour l’enregistrement des substances toxiques et des maladies (United States Agency for Toxic Substances and Disease Registry (ATSDR)) (Hutchinson et coll., 1992). Ces deux batteries sont présentées au tableau 7.12.

Tableau 7.12 Exemples de batteries de tests de base pour évaluer les effets neurotoxiques précoces

Batteries de tests neurocomportementaux de base

Ordre des tests

Agence pour l’enregistrement des substances toxiques et des maladies
Série de tests neurocomportementaux dans l’environnement pour adultes

Domaine fonctionnel

Test

 

Domaine fonctionnel

Test

Sûreté motrice

Viser (mouvement de visée en poursuite)

 1

Vision

Acuité visuelle, sensibilité au contraste proximal

Attention/vitesse de réponse

Temps de réaction simple

 2

 

Vision des couleurs (test désaturé Lanthony D-15)

Vitesse motrice perceptive

Codage (WAIS-R)

 3

Somatosensitif

Seuil de perception vibrotactile

Dextérité manuelle

Santa Ana (version d’Helsinki)

 4

Force motrice

Dynamomètre (avec évaluation de la fatigue)

Perception/visuelle/mémoire

Rétention visuelle de Benton

 5

Coordination motrice

Santa Ana

Mémoire auditive

Mémoire des chiffres (WAIS-R, WMS)

 6

Fonction intellectuelle supérieure

Matrices progressives de Raven (révisées)

Affect

Profil des états d’humeur

 7

Coordination motrice

Test de frappement des doigts (une main)1

 

 

 8

Attention soutenue (cognitif), vitesse (moteur)

Temps de réaction simple (étendu)1

 

 

 9

Codage cognitif

Chiffre symbole avec rappel retardé1

 

 

10

Apprentissage et mémoire

Apprentissage de chiffres en série1

 

 

11

Indice de niveau d’éducation

Vocabulaire1

 

 

12

Humeur

Echelle de l’humeur1

1 Existe en version informatisée.

WAIS = Wechsler Adult Intelligence Scale (Echelle d’intelligence de Wechsler pour adultes).

WMS = Wechsler Memory Scale (Echelle clinique de mémoire de Wechsler).

Les auteurs des deux batteries de tests «de base» insistent sur le fait que, si ces batteries sont certes utiles pour la normalisation des résultats, elles ne pourvoient nullement à l’évaluation détaillée des fonctions du système nerveux. Il conviendra d’user de tests complémentaires différents selon le type d’exposition; par exemple, une batterie de tests propres à évaluer le dysfonctionnement du système nerveux chez des travailleurs exposés au manganèse comprendra une forte proportion de tests des fonctions motrices, en particulier de ceux qui exigent des mouvements alternés rapides, tandis qu’un test destiné à des travailleurs exposés au méthylmercure comprendra des contrôles du champ visuel. Le choix des tests pour un lieu de travail quelconque doit être fait à partir de ce que l’on sait communément de l’action du toxique particulier, ou des toxiques auxquels des personnes sont exposées.

Des batteries de tests plus sophistiquées, mises en œuvre et interprétées par des psychologues spécialement formés sont un élément critique de l’évaluation clinique de l’intoxication neurotoxique (Hart, 1988). Cette évaluation comprend des tests de l’aptitude intellectuelle, de l’attention, de la concentration et de l’orientation, de la mémoire, de la perception visuelle, des aptitudes constructives et motrices, du langage, des fonctions de conception et d’exécution, du bien-être psychologique, ainsi qu’une évaluation d’une simulation éventuelle. Le profil de la performance d’un sujet est examiné à la lumière des éléments passés et présents de l’anamnèse médicale et psychologique, et aussi des antécédents d’exposition. Le diagnostic final se fonde sur une pléiade de déficits interprétés en corrélation avec le type d’exposition considéré.

La mesure de l’état émotionnel et de la personnalité

Les études concernant les effets des substances neurotoxiques comportent d’ordinaire des mesures des troubles affectifs ou de la personnalité, sous la forme de questionnaires relatifs aux symptômes, aux échelles de l’humeur ou aux indices de la personnalité. La NCTB décrite plus haut comporte le Profile of Mood States (POMS) (profil des états d’humeur), évaluation quantitative de l’humeur. Soixante-cinq adjectifs qualificatifs se rapportant aux variations de l’humeur d’un sujet durant les huit derniers jours écoulés sont appliqués aux degrés de tension, de dépression, d’hostilité, de vigueur, de fatigue et de confusion. La plupart des études comparatives de l’exposition aux neurotoxiques sur le lieu de travail font état de différences entre sujets exposés et sujets non exposés. Une étude concernant des travailleurs exposés au styrène rapporte des relations dose-réponse entre le taux, mesuré après un poste de travail, d’acide mandélique urinaire (l’indicateur biologique du styrène) et les taux mesurés de tension, d’hostilité, de fatigue et de confusion (Sassine et coll., 1996).

Des tests de plus longue durée et plus élaborés portant sur l’humeur et la personnalité, comme le Minnesota Multiphasic Personality Index (MMPI) (Indice multiphasique de la personnalité du Minnesota), qui rendent compte à la fois d’états émotionnels et de caractéristiques de la personnalité, ont été appliqués dans un premier temps à l’évaluation clinique, mais aussi par la suite à l’étude du lieu de travail. Cet indice permet en outre d’évaluer l’exagération des symptômes et les réponses inconsistantes. Dans une étude portant sur des travailleurs de la microélectronique qui avaient été exposés à des substances neurotoxiques, les résultats de l’indice faisaient ressortir des niveaux cliniquement significatifs de dépression, d’anxiété, de préoccupations somatiques et de perturbation de la réflexion (Bowler et coll., 1991).

Les mesures électrophysiologiques

L’activité électrique que produit la transmission de l’information le long des fibres nerveuses, ainsi qu’entre une cellule et une autre, peut être enregistrée et servir à déterminer ce qui se passe dans le système nerveux de personnes ayant subi une exposition toxique. L’interférence avec l’activité neuronale peut ralentir la transmission ou modifier le schéma électrique. Les enregistrements électrophysiologiques exigent des instruments précis et sont le plus souvent pratiqués en laboratoire ou en milieu hospitalier. Des initiatives ont toutefois été prises pour mettre au point un matériel plus léger et transportable, qui se prête mieux à l’utilisation sur les lieux de travail.

Les mesures électrophysiologiques enregistrent la réponse globale d’un grand nombre de fibres nerveuses ou d’autres fibres; pour qu’une altération puisse être correctement enregistrée, elle doit avoir déjà pris une extension considérable. Ainsi donc, dans le cas de la plupart des substances neurotoxiques, les symptômes, de même que les altérations sensorielles, motrices et cognitives, peuvent en général être décelés parmi des groupes de travailleurs exposés avant qu’il soit possible d’observer des différences électrophysiologiques. Pour ce qui est de l’examen clinique des personnes chez qui l’on suspecte des troubles neurotoxiques, les méthodes électrophysiologiques renseignent sur le type et l’étendue des atteintes du système nerveux. Seppäläinen (1988) a publié une récapitulation des techniques électrophysiologiques appliquées à la détection précoce des manifestations de neurotoxicité chez des êtres humains.

La vitesse de conduction des nerfs sensitifs, en direction du cerveau, et des nerfs moteurs, à partir du cerveau, se mesure par électroneurographie (ENG). On peut calculer la vitesse de conduction nerveuse en opérant des stimulations en différents points du corps et en les enregistrant en un autre point. Cette technique peut fournir des informations en ce qui concerne les grandes fibres myélinisées; s’il se produit une démyélinisation, la vitesse de conduction diminue. Des vitesses de conduction réduites ont souvent été observées chez des travailleurs exposés au plomb, en l’absence de symptômes neurologiques (Maizlish et Feo, 1994). Des vitesses réduites de conduction des nerfs périphériques ont aussi été associées à d’autres neurotoxiques, par exemple au mercure, aux hexacarbones, au sulfure de carbone, au styrène, à la méthyl-n-butylcétone, à la méthyléthylcétone, ainsi qu’à certains mélanges de solvants. L’exposition au trichloroéthylène affecte le nerf trijumeau (un nerf facial). Toutefois, si la substance toxique agit d’abord sur les fibres peu myélinisées ou dépourvues de myéline, les vitesses de conduction restent le plus souvent normales.

On recourt à l’électromyographie (EMG) pour mesurer l’activité électrique dans les muscles. Des anomalies électromyographiques ont été observées chez des travailleurs exposés à des substances telles que le n-hexane, le sulfure de carbone, la méthyl-n-butylcétone, le mercure et certains pesticides. Ces altérations s’accompagnent souvent de modifications électroneurographiques et de symptômes de neuropathie périphérique.

L’électroencéphalographie (EEG) permet de mettre en évidence les variations des ondes cérébrales. Chez des sujets intoxiqués par des solvants organiques, on a observé des anomalies locales et diffuses des ondes lentes. Certaines études rapportent des altérations de l’électroencéphalogramme imputables à l’exposition prolongée à des pesticides à base de composés organophosphorés et de phosphure de zinc.

La méthode des potentiels exposés fournit un autre moyen d’examiner l’activité du système neveux en réaction à une stimulation sensorielle. On pose des électrodes enregistreuses sur l’emplacement spécifique du cerveau qui répond aux stimuli particuliers et on enregistre le degré de latence et l’amplitude du potentiel lent relié à l’événement. Des temps de latence accrus ou des valeurs maximales d’amplitude réduites, ou ces deux phénomènes à la fois, ont été observés, qui répondaient à des stimuli visuels, auditifs ou somatosensitifs d’une gamme étendue de substances neurotoxiques.

L’électrocardiographie permet d’enregistrer les variations de la conduction électrique du cœur. Quoiqu’elle ne soit pas souvent utilisée dans les études portant sur des substances neurotoxiques, des variations des ondes électrocardiographiques ont été observées chez des sujets exposés au trichloroéthylène.

Les enregistrements électro-oculographiques ont révélé des altérations des mouvements des yeux chez des travailleurs exposés au plomb.

Les techniques d’imagerie cérébrale

Depuis quelques années, plusieurs techniques d’imagerie cérébrale ont été mises au point. Les images obtenues par tomodensitométrie révèlent l’anatomie du cerveau et de la moelle épinière. Elles ont été utilisées pour étudier l’atrophie cérébrale chez des travailleurs et des patients exposés aux solvants, mais les résultats ne sont guère probants. Avec l’imagerie par résonance magnétique, on peut examiner le système nerveux en utilisant un champ magnétique puissant. Cette méthode est particulièrement utile pour l’examen clinique en ce qu’elle permet d’écarter un diagnostic concurrent, par exemple celui des tumeurs du cerveau. La tomographie par émission de positrons, qui livre des images des processus biochimiques, a été utilisée avec succès pour l’étude des altérations que l’intoxication par le manganèse inflige au cerveau. La tomodensitométrie par émission d’un photon unique renseigne sur le métabolisme cérébral et se révélera peut-être comme un moyen de mieux comprendre de quelle façon les neurotoxiques agissent sur le cerveau. Toutes ces techniques sont extrêmement coûteuses et, partant, ne sont guère accessibles à tous les hôpitaux et à tous les laboratoires.

LE DIAGNOSTIC

Anna Maria Seppäläinen

Le diagnostic des maladies neurotoxiques n’est pas chose facile. Deux sortes d’erreurs guettent le praticien: ou bien l’on n’a pas établi qu’un agent neurotoxique était à l’origine des symptômes neurologiques, ou bien les symptômes neurologiques (et surtout neurocomportementaux) ont été diagnostiqués à tort comme résultant d’une exposition neurotoxique de caractère professionnel. Dans l’un et l’autre cas, l’erreur peut être lourde de risque, le diagnostic précoce étant important s’il s’agit d’une maladie neurotoxique et le meilleur traitement consistant à soustraire le sujet à l’exposition prolongée et à surveiller l’état de santé des autres travailleurs afin que l’exposition au même risque leur soit épargnée. D’un autre côté, il peut arriver que, sur un lieu de travail, des inquiétudes infondées agitent le personnel parce qu’un travailleur se dit porteur de graves symptômes qu’il impute à l’exposition à des substances chimiques, alors qu’en fait ou bien il se trompe, ou bien le risque n’existe pas réellement pour les autres travailleurs. Il existe en outre une raison pratique de pouvoir recourir à des procédures fiables de diagnostic, puisque dans maints pays le diagnostic et le traitement des maladies professionnelles, ainsi que le déficit de la capacité de travail et l’invalidité imputables à ces maladies, sont couverts par l’assurance; il s’ensuit que la réparation financière peut être contestée si les critères de diagnostic ne sont pas solides. Le tableau 7.13 présente un exemple d’arbre de décision pour l’évaluation des affections neurologiques.

Tableau 7.13 Arbre de décision en cas de maladie neurotoxique

I.

Evaluer l’exposition:
niveau, durée et type

II.

Rassembler les symptômes:
symptômes à évolution insidieuse du système nerveux central ou du système nerveux périphérique

III.

Signes et tests complémentaires:
dysfonction du système nerveux central; tests neurologiques et psychologiques
dysfonction du système nerveux périphérique; test sensoriel quantitatif, tests de conduction nerveuse

IV.

Autres maladies exclues par le diagnostic différentiel

L’exposition et les symptômes

Les syndromes de neurotoxicité aiguë se rencontrent surtout dans des circonstances accidentelles, des travailleurs se trouvant brièvement exposés à des doses très élevées d’une substance chimique ou d’un mélange de substances chimiques, en général par inhalation. Les vertiges, les malaises et parfois la perte de conscience consécutifs à la dépression du système nerveux central sont les symptômes les plus courants. Lorsque le sujet est soustrait à l’exposition, les symptômes disparaissent assez rapidement, à moins que l’exposition ait été intense au point de mettre la vie en danger, auquel cas le coma et la mort peuvent s’ensuivre. Dans de telles circonstances, la reconnaissance du risque doit absolument se faire sur le lieu de travail même et la victime doit être évacuée aussitôt et transportée à l’air pur.

En règle générale, les symptômes d’atteinte neurotoxique apparaissent après une exposition brève ou de longue durée, et l’exposition professionnelle se situe bien souvent à des niveaux relativement bas. En pareil cas, les symptômes aigus peuvent s’être manifestés au travail, mais il n’est pas nécessaire qu’ils soient présents pour diagnostiquer une encéphalopathie toxique chronique ou une neuropathie toxique chronique. Quoi qu’il en soit, les sujets se plaignent fréquemment de maux de tête, d’étourdissements ou d’irritation des muqueuses à la fin de la journée de travail, mais ces symptômes s’effacent habituellement la nuit, durant les fins de semaine ou pendant les vacances. A cet égard, on peut se référer utilement à la liste de pointage reproduite plus haut au tableau 7.10.

Dans l’hypothèse où le sujet a été exposé à des substances chimiques neurotoxiques, le diagnostic des maladies neurotoxiques commence par la recherche des symptômes. En 1985, un groupe de travail conjoint de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et du Nordic Council of Ministers (Conseil des ministres des pays nordiques) a étudié la question de l’intoxication par les solvants organiques et établi une série de symptômes de base que l’on observe dans la plupart des cas (OMS/Nordic Council of Ministers, 1985). Les symptômes de base sont la fatigabilité, l’amnésie, la difficulté de se concentrer et la perte d’initiative. En général, ces symptômes se manifestent tout d’abord après une modification fondamentale de la personnalité qui évolue progressivement et affecte l’énergie, l’intellect, l’émotivité et la motivation. Parmi les autres symptômes de l’encéphalopathie toxique chronique, il faut citer la dépression, la dysphorie, la labilité émotionnelle, les céphalées, l’irritabilité, les troubles du sommeil et les vertiges. Si le système nerveux périphérique est lui aussi atteint, le sujet peut avoir à se plaindre d’étourdissements et parfois de faiblesse musculaire. Ces symptômes chroniques peuvent s’étendre sur une année au moins après que l’exposition proprement dite a cessé.

L’examen clinique et les tests

L’examen clinique devrait comprendre des observations neurologiques, où l’attention devrait se concentrer sur l’altération des fonctions nerveuses supérieures, par exemple la mémoire, la cognition, le raisonnement et l’émotion; sur l’altération des fonctions du cervelet, qui se traduit par des tremblements, des troubles de la démarche, de la statique et de la coordination; enfin, sur les fonctions du système nerveux périphérique, en particulier par des tests de la sensibilité aux vibrations et d’autres tests de contrôle des sensations. Des tests psychologiques peuvent fournir des mesures objectives des fonctions du système nerveux supérieur, notamment les fonctions psychomotrices, celle de la mémoire immédiate, du raisonnement verbal et non verbal, et de la perception. Aux fins du diagnostic individuel, les tests devraient comporter quelques épreuves qui renseignent sur le niveau intellectuel du sujet avant la maladie. La recherche des antécédents de performance scolaire, puis professionnelle, de même que des tests psychologiques que le sujet pourrait avoir subi antérieurement, par exemple à l’occasion du conseil de révision préalable au service militaire, peuvent faciliter l’évaluation du niveau normal de performance du sujet.

Des tests quantitatifs portant sur les modalités sensorielles, la sensibilité aux vibrations et la thermosensibilité permettent d’étudier le système nerveux périphérique. Les observations sur la vitesse de conduction nerveuse et l’électromyographie peuvent souvent révéler une neuropathie à un stade précoce. Il convient dans ces tests d’accorder une attention toute particulière aux fonctions des nerfs sensitifs. L’amplitude du potentiel d’action sensorielle décroît plus souvent que la vitesse de conduction des nerfs sensitifs dans les neuropathies axonales, et la plupart des neuropathies toxiques sont de nature axonale. Les études neuroradiologiques telles que la tomodensitométrie et l’imagerie par résonance magnétique ne signalent généralement rien de pertinent quant à l’encéphalopathie toxique chronique, mais peuvent se révéler utiles pour le diagnostic différentiel.

Aux fins de ce diagnostic, précisément, d’autres maladies neurologiques et psychiatriques doivent être prises en considération. La démence d’étiologie différente doit être écartée, de même que les symptômes de dépression et de stress causés par divers agents. Il peut être nécessaire de procéder à une consultation psychiatrique. L’abus d’alcool est un facteur qui prête à confusion, car il suscite des symptômes analogues à ceux que cause l’exposition aux solvants et, par ailleurs, certains travaux publiés font état d’une exposition aux solvants qui peut inciter le sujet à abuser des boissons alcooliques. Il importe également d’écarter certaines causes de neuropathies, en particulier les syndromes de provocation, le diabète et les affections rénales; la consommation d’alcool est également une cause de neuropathie. La combinaison de l’encéphalopathie et de la neuropathie est plus susceptible de se révéler d’origine toxique que chacune de ces pathologies prise séparément.

Avant d’arrêter la décision définitive, il importe d’évaluer une nouvelle fois l’exposition. Y a-t-il eu une exposition qualifiée, compte tenu de son niveau, de sa durée et de sa qualité? Les solvants sont plus susceptibles d’induire un syndrome psycho-organique ou une encéphalopathie toxique; le plus souvent, toutefois, les hexacarbones causent d’abord une neuropathie. Le plomb et certains autres métaux provoquent des neuropathies, quoique l’implication du système nerveux central puisse être décelée ultérieurement.

LA NEUROÉPIDÉMIOLOGIE EN MILIEU DE TRAVAIL

Olav Axelson*

* D'après Axelson, 1996.

Les observations cliniques ont permis de rassembler assez tôt des connaissances sur les effets neurotoxiques d’expositions de caractère professionnel. Les effets constatés étaient plus ou moins aigus et se rapportaient à l’exposition à des métaux tels que le plomb et le mercure, ou à des solvants comme le sulfure de carbone et le trichloroéthylène. Avec le temps, cependant, des effets plus chroniques et cliniquement moins affirmés d’agents neurotoxiques ont pu être évalués par les méthodes modernes d’examen et par des études systématiques portant sur des collectivités plus nombreuses qu’auparavant. Il n’en reste pas moins que l’interprétation des constatations, par exemple des effets chroniques de l’exposition aux solvants (Arlien-Søborg, 1992), prête à controverse et à débat.

S’il est toujours difficile d’interpréter les effets neurotoxiques chroniques, cela tient à la fois à la diversité et à l’imprécision des symptômes et des signes, et au problème corollaire que pose la définition d’une entité pathologique pertinente qui se prête à des études épidémiologiques concluantes. Par exemple, dans le cas de l’exposition aux solvants, les effets chroniques pourraient comprendre les problèmes de mémoire et de concentration, la fatigue, l’abolition de l’initiative, une labilité affective, l’irritabilité et parfois aussi des vertiges, des céphalées, une intolérance à l’alcool et une régression de la libido. Les méthodes neurophysiologiques ont également révélé diverses perturbations fonctionnelles, difficiles elles aussi à condenser en une même entité pathologique.

De même, divers effets neurocomportementaux semblent devoir être imputés à d’autres expositions professionnelles, telles que l’exposition modérée au plomb ou le soudage accompagné d’une exposition discrète à l’aluminium, au plomb ou au manganèse, ou encore l’exposition à des pesticides. Là aussi, on se trouve en présence de signes neurophysiologiques ou neurologiques tels que la polyneuropathie, les tremblements et la perte d’équilibre chez des sujets exposés aux composés organochlorés, aux composés organophosphorés et à d’autres insecticides.

Etant donné les problèmes épidémiologiques que pose la définition d’une entité pathologique parmi les nombreux types d’effets neurocomportamentaux dont il a été question, il est également devenu naturel de prendre en considération certains troubles neuropsychiatriques plus ou moins bien définis sur le plan clinique et liés à des expositions de type professionnel.

Depuis les années soixante-dix, plusieurs études se sont concentrées tout particulièrement sur l’exposition aux solvants et sur le syndrome psycho-organique, lorsqu’il est assez grave pour entraîner l’incapacité. Plus récemment, la démence d’Alzheimer, la sclérose en plaques, la maladie de Parkinson, la sclérose latérale amyotrophique et les états apparentés ont retenu l’attention des spécialistes de l’épidémiologie professionnelle.

Pour ce qui concerne l’exposition aux solvants et le syndrome psycho-organique (ou encéphalopathie toxique chronique en médecine clinique professionnelle, lorsque l’exposition est prise en compte dans le diagnostic), le problème de la définition d’une entité pathologique pertinente se posait et incitait en premier lieu à considérer en bloc les diagnostics d’encéphalopathie, de démence et d’atrophie cérébrale, la névrose, la neurasthénie et la nervosité étant également incluses comme des manifestations non nécessairement distinctes dans la pratique médicale (Axelson, Hane et Hogstedt, 1976). Dernièrement, des entités pathologiques plus spécifiques, telles que la démence organique et l’atrophie cérébrale, ont aussi été associées à l’exposition aux solvants (Cherry, Labrèche et McDonald, 1992). Les résultats n’ont cependant pas été tout à fait cohérents, car aucune fréquence excessive de «démence présénile» n’a été constatée à l’occasion d’une étude cas-témoins à grande échelle conduite aux Etats-Unis et qui portait sur 3 565 cas de troubles neuropsychiatriques divers comparés à 83 245 témoins hospitalisés (Brackbill, Maizlish et Fischbach, 1990). Toutefois, dans une comparaison portant sur des peintres en bâtiment et des maçons, on a enregistré un excédent de 45% environ de cas de troubles neuropsychiatriques suivis d’incapacité chez les peintres de race blanche, à l’exception des peintres au pistolet.

Il semble également que l’exposition professionnelle joue un rôle dans les troubles plus caractérisés que le syndrome psycho-organique. Ainsi, en 1982, une relation entre la sclérose en plaques et l’exposition aux solvants par des colles a été signalée pour la première fois dans l’industrie italienne de la chaussure (Amaducci et coll., 1982). Cette relation s’est trouvée considérablement renforcée par des travaux publiés ultérieurement en Scandinavie (Flodin et coll., 1988; Landtblom et coll., 1993; Grönning et coll., 1993) et ailleurs, au point que treize études contenant des informations sur l’exposition aux solvants ont pu être mentionnées dans une revue (Landtblom et coll., 1996). Dix de ces études étaient assez riches en données pour trouver place dans une méta-analyse dont il ressort que les personnes exposées aux solvants courent un risque deux fois plus grand que les personnes non exposées de développer la sclérose en plaques. Certaines études associent également la sclérose en plaques aux travaux radiologiques, au soudage et au travail avec les herbicides phénoxy (Flodin et coll., 1988; Landtblom et coll., 1993). La maladie de Parkinson semble plus fréquente dans les zones rurales (Goldsmith et coll., 1990) où elle frappe en particulier les jeunes (Tanner, 1989). Plus intéressante encore, une étude publiée à Calgary (Canada) révèle que le risque est triplé en cas d’exposition à des herbicides (Semchuk, Love et Lee, 1992).

Tous les sujets qui se souvenaient d’expositions spécifiques ont rendu compte d’une exposition aux herbicides phénoxy ou aux thiocarbamates. L’un deux s’est souvenu de l’exposition au paraquat, chimiquement apparenté à la N-méthyl-4-phényl-1,2,3,6-tétrahydropyridine (MPTP) et à laquelle on impute un syndrome de type parkinsonien. Toutefois, ce syndrome n’a pas été observé chez le personnel exposé au paraquat (Howard, 1979). Des études cas-témoins en provenance du Canada, de Chine, d’Espagne et de Suède font état d’une relation avec l’exposition à des substances chimiques non désignées, utilisées dans l’industrie, à des pesticides et à des métaux, en particulier au manganèse, au fer et à l’aluminium (Zayed et coll., 1990).

Une étude publiée aux Etats-Unis rapporte un risque accru d’atteinte des neurones moteurs, qui cumule les symptômes de sclérose latérale amyotrophique, de paralysie bulbaire progressive et d’atrophie musculaire progressive, associés au soudage et au brasage (Armon et coll., 1991). Le soudage apparaît également comme un facteur de risque, tout comme les travaux électriques et le travail avec des produits d’imprégnation, dans une étude suédoise (Gunnarsson et coll., 1992). Dans le cas d’une prédisposition héréditaire à des pathologies de neurodégénérescence et de thyroïdisme, compliquée par l’exposition aux solvants chez les sujets de sexe masculin, le risque atteint 15,6. D’autres études font également valoir que l’exposition au plomb et aux solvants peut revêtir une certaine importance (Campbell, Williams et Barltrop, 1970; Hawkes, Cavanagh et Fox, 1989; Chio, Tribolo et Schiffer, 1989; Sienko et coll., 1990).

En ce qui concerne la maladie d’Alzheimer, une méta-analyse groupant onze études cas-témoins (Graves et coll., 1991) ne rapporte aucun indice concluant de risque professionnel, mais, plus récemment, un risque accru que courraient les ouvriers a été signalé (Fratiglioni et coll., 1993). Une autre étude récente, qui incluait notamment des sujets très âgés, faisait valoir que l’exposition aux solvants pouvait constituer un facteur de risque assez important (Kukull et coll., 1995). L’hypothèse récente selon laquelle la maladie d’Alzheimer pourrait être rapportée à l’exposition à des champs électromagnétiques était plus surprenante encore (Sobel et coll., 1995). Ces deux dernières études vont sans doute stimuler l’intérêt porté à plusieurs investigations nouvelles conduites selon les protocoles indiqués.

Ainsi donc, compte tenu des perspectives qui s’ouvrent aujourd’hui à la neuro-épidémiologie, telles qu’elles viennent d’être brièvement évoquées, il semble qu’il y ait de bonnes raisons d’entreprendre de nouvelles études en relation avec le travail et portant sur des troubles neurologiques et neuropsychiatriques plus ou moins négligés jusqu’à présent. Il n’est pas impossible que diverses expositions professionnelles contribuent à l’apparition de ces troubles comme il arrive, nous l’avons vu, dans le cas de nombreuses formes de cancer. En outre, de même que dans la recherche des causes du cancer, des éléments d’information ouvrant des perspectives nouvelles quant aux causes profondes de quelques-uns parmi les troubles neurologiques les plus graves et quant aux mécanismes qui les déclenchent pourront nous être révélés par l’épidémiologie professionnelle.

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