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Chapitre 93 - Le bâtiment et les travaux publics

LA SÉCURITÉ, LA SANTÉ ET LE MANAGEMENT

LES RISQUES PROFESSIONNELS DANS LE BÂTIMENT ET LES TRAVAUX PUBLICS

James L. Weeks

Les travailleurs de cette branche d’activité — qui englobe le bâtiment et les travaux publics de même que le génie civil et que l’on désigne parfois sous l’appellation d’industrie de la construction — construisent, réparent, rénovent, transforment et démolissent des maisons d’habitation, des bureaux, des lieux de culte, des usines, des hôpitaux, des routes, des ponts, des galeries, des stades, des ouvrages portuaires, des aéroports, etc. Le Bureau international du Travail (BIT) distingue les entreprises publiques et privées du bâtiment — qui érigent des immeubles d’habitation ou à usage commercial — et les entreprises de travaux publics qui construisent des ouvrages de génie civil — routes, ponts, galeries, barrages, aéroports, etc. Aux Etats-Unis et dans certains autres pays, ces entreprises s’occupent également de l’entretien des sites d’entreposage de déchets dangereux.

Dans les pays industriels, le secteur de la construction représente un pourcentage variable du PIB: environ 4% aux Etats-Unis, 6,5% en Allemagne et 17% au Japon, par exemple. Les employeurs n’occupent le plus souvent qu’une faible proportion de travailleurs à plein temps. Par ailleurs, un grand nombre d’entreprises sont spécialisées dans divers secteurs d’activité — électricité, plomberie, carrelage, béton armé, charpente métallique, etc. — et travaillent souvent en sous-traitance.

La main-d’œuvre dans la construction

La plupart des travailleurs de la construction sont non qualifiés; les autres sont classés dans l’un des nombreux emplois qualifiés (voir tableau 93.1). Dans les pays industriels, ces travailleurs représentent environ 5 à 10% de la main-d’œuvre. Dans le monde entier, plus de 90% des travailleurs de la construction sont des hommes. Dans certains pays en développement, toutefois, la proportion de femmes est supérieure, mais elles occupent généralement des emplois non qualifiés. Dans certains pays, les travaux de construction sont laissés à des travailleurs migrants, alors que dans d’autres, ce secteur fournit des emplois relativement bien rémunérés garantissant une certaine sécurité financière. Pour un grand nombre de gens, les emplois non qualifiés de la branche constituent un premier pas vers des emplois salariés dans la construction ou dans d’autres secteurs.

Tableau 93.1 Quelques métiers du bâtiment

Chaudronnier

Maçon briqueteur, ragréeur et maçon

Charpentier, menuisier

Electricien

Monteur d’ascenseurs

Vitrier

Personnel chargé de l’élimination des matières dangereuses (amiante, plomb, déchets toxiques, etc.)

Poseur de planchers (dont le granito) et de moquettes

Poseur de cloisons sèches et de plafonds

Calorifugeur, poseur d’isolation

Ferrailleur, monteur en charpentes métalliques (armatures ou construction)

Manœuvre

Personnel de maintenance

Serrurier

Mécanicien (grutier, personnel de maintenance d’engins lourds)

Peintre, plâtrier, tapissier

Plombier, poseur de canalisations

Couvreur, poseur de bardeaux

Tôlier

Tunnelier

L’organisation du travail et la mobilité de la main-d’œuvre

Les projets de construction, et notamment les grands chantiers, sont complexes et dynamiques. Plusieurs employeurs travaillent parfois en même temps sur un même chantier, allant et venant en fonction de l’avancement des travaux. Une entreprise générale peut s’y trouver en permanence; d’ordinaire, les entreprises de terrassement arrivent les premières, puis les charpentiers et les maçons, les électriciens et les plombiers, suivis par les entreprises de revêtement des sols, les peintres et, parfois, les paysagistes. Au fur et à mesure que le chantier avance — par exemple, que les murs d’un bâtiment sont construits ou qu’une galerie progresse —, les conditions ambiantes comme la ventilation et la température se modifient, elles aussi.

Les travailleurs de la construction passent généralement d’un chantier à l’autre et ne restent souvent que quelques semaines ou quelques mois sur un projet particulier, ce qui n’est pas sans conséquences, pour eux comme pour les projets. Ils doivent établir en permanence des relations de travail productives et sûres avec d’autres travailleurs qu’ils ne connaissent pas, ce qui peut nuire à la sécurité sur le chantier. Au cours d’une année, ils ont souvent plusieurs employeurs et ne sont pas occupés à plein temps. Ils ne travaillent en moyenne que 1 500 heures par an, alors que, dans l’industrie, par exemple, les salariés font généralement 40 heures par semaine et 2 000 heures par an. Afin de compenser les temps morts, de nombreux travailleurs de la construction occupent d’autres emplois dans d’autres secteurs d’activité et sont donc exposés à des risques professionnels différents.

Pour un projet donné, on observe en général, sur un même chantier, des variations fréquentes des effectifs et de la composition de la main-d’œuvre. Ces variations résultent à la fois des qualifications nécessaires aux différentes phases du projet et de la rotation élevée de la main-d’œuvre, notamment des travailleurs non qualifiés. Un chantier peut comporter à tout moment un pourcentage élevé de travailleurs inexpérimentés, employés de façon temporaire et fluctuante, qui parfois ne parlent pas couramment la langue du pays. Les travaux de construction sont souvent réalisés en équipe, mais il est difficile dans ces conditions de constituer des équipes homogènes, stables, efficaces et sûres.

A l’instar du monde de la main-d’œuvre, celui des entrepreneurs du bâtiment et des travaux publics connaît lui aussi des mouvements importants et est constitué en majeure partie de petites entreprises. Aux Etats-Unis, sur les 1,9 million d’entreprises de la construction recensées en 1990, 28% seulement avaient au moins un employé à plein temps; juste quelque 136 000, soit 7%, en comptaient dix ou plus. La présence des entrepreneurs dans les syndicats professionnels varie selon les pays. Aux Etats-Unis, 10 à 15% seulement d’entre eux en font partie; dans certains pays européens, ce pourcentage est plus élevé, mais ne dépasse pas la moitié des entrepreneurs. C’est pourquoi il est difficile de les identifier et de les informer de leurs droits et de leurs devoirs aux termes de la législation de sécurité et de santé ou de toute autre législation applicable à l’industrie de la construction.

Comme dans certains autres secteurs aux Etats-Unis et en Europe, une proportion croissante d’entrepreneurs sont en fait des travailleurs engagés comme entrepreneurs indépendants par des maîtres d’œuvre ou des sous-traitants qui emploient du personnel. Ordinairement, une entreprise générale n’accorde pas à ses sous-traitants le bénéfice d’une assurance maladie, d’une couverture sociale, d’une assurance chômage ou d’une retraite. De même, les entreprises générales n’ont, vis-à-vis de leurs sous-traitants, aucune obligation légale en matière de sécurité et de santé; la législation ne leur est applicable qu’en ce qui concerne leurs propres salariés. Ces dispositions laissent une certaine liberté aux personnes qui louent leurs services, mais elles leur font perdre un grand nombre d’avantages sociaux. Elles dispensent également les entrepreneurs de l’obligation d’accorder les avantages découlant de la législation aux personnes qui jouent le rôle d’entrepreneurs. Ces arrangements privés vont à l’encontre de l’intérêt général et ont été sanctionnés par des actions en justice, mais ils se perpétuent et risquent de poser des problèmes encore plus sérieux de sécurité et de santé sur les lieux de travail, quel que soit le statut des travailleurs qui y sont employés. Le Bureau américain des statistiques du travail (Bureau of Labor Statistics (BLS)) estime qu’aux Etats-Unis les travailleurs indépendants représentent 9% de la main-d’œuvre, mais que, dans la construction, cette proportion atteint 25%.

Les risques pour la santé sur les chantiers

Les travailleurs de la construction sont exposés à un grand nombre de risques. Ceux-ci diffèrent certes d’un métier à l’autre et d’une activité à l’autre, selon les jours et parfois même d’une heure à l’autre. L’exposition à un risque spécifique peut être intermittente et de courte durée, mais elle est susceptible de se répéter. Le travailleur n’est pas seulement exposé aux risques propres à son activité, il peut aussi être exposé par sa seule présence aux risques que lui font courir ceux qui travaillent près ou au-dessus de lui. Ce schéma d’exposition résulte de la présence simultanée de plusieurs entreprises dont l’intervention est d’assez courte durée et qui travaillent à côté d’autres corps de métier qui engendrent des risques différents. La gravité de chaque risque dépend du niveau et de la durée d’exposition de chaque activité. On peut évaluer approximativement les risques engendrés par les autres personnes travaillant à proximité si l’on connaît leur métier. Les principaux risques encourus par les différents corps de métier figurent au tableau 93.2.

Tableau 93.2 Risques majeurs auxquels sont exposés les travailleurs qualifiés

La liste des métiers énumérés ci-dessous présente, en regard, les principaux risques auxquels les travailleurs peuvent être exposés. L’exposition peut concerner l’encadrement aussi bien que les salariés. Les risques communs à toutes les activités de construction — chaleur, facteurs de risques prédisposant à des troubles musculo-squelettiques, stress, etc.— ne sont pas mentionnés.

La classification professionnelle est celle utilisée aux Etats-Unis. Elle regroupe les métiers du bâtiment et des travaux publics en fonction de la classification type des professions (Standard Occupational Classification) mise au point par le ministère du Commerce. Ce système classe les métiers en fonction des qualifications principales propres à chacun d’eux.

Métiers

Risques

Maçons briqueteurs

Dermite du ciment, mauvaises postures, lourdes charges

Maçons

Dermite du ciment, mauvaises postures, lourdes charges

Carreleurs

Vapeurs d’adhésifs, dermite, mauvaises postures

Charpentiers, menuisiers

Poussières de bois, lourdes charges, mouvements répétitifs

Poseurs de cloisons sèches

Poussières de plâtre, lourdes charges, mauvaises postures

Electriciens

Métaux lourds dans les fumées de soudage, mauvaises postures, lourdes charges, poussières d’amiante

Installateurs et réparateurs des services publics de distribution d’électricité

Métaux lourds dans les fumées de soudage, lourdes charges, poussières d’amiante

Peintres

Vapeurs de solvants, métaux toxiques dans les pigments, additifs

Tapissiers

Vapeurs de colle, mauvaises postures

Plâtriers

Dermites, mauvaises postures

Plombiers

Fumées et particules de plomb, fumées de soudage

Poseurs de canalisations

Fumées et particules de plomb, fumées de soudage, poussières d’amiante

Installateurs d’appareils à vapeur

Fumées de soudage, poussières d’amiante

Poseurs de moquette

Traumatismes du genou (ménisque), mauvaises postures, colle et vapeurs de colle

Poseurs de revêtements de sol

Agents de liaison et adhésifs

Ragréeurs

Mauvaises postures

Vitriers

Mauvaises postures

Calorifugeurs, poseurs d’isolation

Amiante, fibres synthétiques, mauvaises postures

Opérateurs d’engins de pavage, de revêtement et de damage

Emissions de bitume, gaz d’échappement des moteurs à combustion interne, chaleur

Opérateurs d’engins servant à la pose des rails

Poussières de silice, chaleur

Couvreurs

Goudron, chaleur, travail en hauteur

Installateurs de conduites en tôle

Mauvaises postures, lourdes charges, bruit

Monteurs de charpentes métalliques

Mauvaises postures, lourdes charges, travail en hauteur

Soudeurs

Fumées de soudage

Braseurs

Fumées de métal, plomb, cadmium

Foreurs (terre, roches)

Poussières de silice, vibrations transmises au corps entier, bruit

Opérateurs de marteaux pneumatiques

Bruit, vibrations transmises au corps entier, poussières de silice

Batteurs de pieux et de palplanches

Bruit, vibrations transmises au corps entier

Opérateurs d’engins de levage et de treuils

Bruit, lubrifiants

Grutiers

Stress, isolement

Conducteurs de pelleteuses-chargeuses

Poussières de silice, histoplasmose, vibrations transmises au corps entier, stress thermique, bruit

Opérateurs de niveleuses, de bouteurs et de décapeuses

Poussières de silice, vibrations transmises au corps entier, chaleur, bruit

Travaux routiers

Emissions de bitume, chaleur, gaz d’échappement des moteurs à combustion interne

Conducteurs de camions et de tracteurs

Vibrations transmises au corps entier, gaz d’échappement des moteurs à combustion interne

Démolisseurs

Amiante, plomb, poussières, bruit

Personnel chargé des déchets toxiques

Chaleur, stress

Les risques rencontrés dans l’industrie de la construction

Comme dans les autres activités, il existe cinq grandes catégories de risques auxquels sont exposés les travailleurs de la construction: risques matériels, physiques, chimiques, biologiques et sociaux.

Les risques matériels

Dans l’industrie de la construction, les risques matériels constituent le danger majeur. Les chutes de personnes ou d’objets, l’instabilité des sols et des surfaces de travail, l’emploi d’engins lourds de terrassement, de manutention ou de transport, la mise en œuvre d’explosifs, les travaux effectués au-dessus d’un plan d’eau, la démolition d’ouvrages existants — pour ne citer que ces exemples — sont responsables de très nombreux accidents du travail souvent graves. Les foulures et les entorses figurent parmi les blessures les plus fréquentes chez les travailleurs de la construction. Celles-ci, et de nombreux troubles chroniques invalidants (comme les tendinites, le syndrome du canal carpien et les lombalgies), résultent de mauvaises postures, de faux mouvements, d’efforts excessifs ou de mouvements violents et répétitifs (voir figure 93.1). Les chutes dues à des ouvertures non signalées et les chutes d’un échafaudage (voir figure 93.2) ou d’une échelle sont également monnaie courante. L’imposition de délais d’exécution serrés, de même que l’improvisation qui prend parfois le pas sur une planification ordonnée des travaux peuvent conduire, elles aussi, à créer des conditions dangereuses.

Figure 93.1 Transport de matériaux sans vêtements de travail appropriés

Figure 93.1

Figure 93.2 Echafaudage dangereux (Katmandu, Népal)

Figure 93.2

Par ailleurs, le nombre des accidents de type banal est loin d’être négligeable — on peut citer à titre d’exemple les blessures causées aux mains ou aux pieds par des clous saillants laissés dans des poutres ou des planches; ces accidents peuvent entraîner des arrêts de travail importants (plusieurs des catégories de risques mentionnées ci-dessus sont traitées dans d’autres articles de la présente Encyclopédie ; le lecteur est invité à s’y référer).

Les risques physiques

Des risques physiques (au sens strict du mot «physique») existent dans tout projet de construction. Ils sont liés au bruit, à la chaleur et au froid, aux rayonnements, aux vibrations et à la pression barométrique. Les travaux de construction sont souvent effectués à des températures extrêmes, en plein vent, sous la pluie ou la neige, dans le brouillard ou de nuit. Les travailleurs peuvent être exposés à des rayonnements, ionisants ou non, ainsi qu’à des pressions extrêmes.

Si la construction est une activité de plus en plus mécanisée, elle est également de plus en plus bruyante. Les sources de bruit sont les moteurs de tous genres (véhicules, installations de transports, compresseurs d’air, concasseurs, grues, etc.), les riveteuses et cloueuses pneumatiques, les pistolets à peinture, les marteaux pneumatiques, les scies mécaniques, les ponceuses, les défonceuses, les raboteuses, etc., sans compter le tir des explosifs. Sur les chantiers de démolition, le bruit provient des travaux de démolition eux-mêmes. Il convient de souligner que le bruit affecte non seulement le conducteur d’un engin bruyant, mais également tous ceux qui se trouvent à proximité. S’il provoque des pertes d’audition, il masque aussi des sons importants pour la communication et la sécurité. Les marteaux pneumatiques, de nombreux outils portatifs, les engins de terrassement et bien d’autres machines mobiles de grande taille soumettent les travailleurs à des vibrations d’une partie du corps ou du corps entier.

Les risques liés à la chaleur et au froid proviennent principalement du fait que les chantiers de construction sont, la plupart du temps, exposés aux intempéries, source principale de chaleur ou de froid excessif. Ainsi, les couvreurs travaillent en plein soleil, souvent sans protection, et doivent parfois chauffer des fûts de goudron; ils sont exposés de la sorte à une forte chaleur, émise par rayonnement et par convection, qui vient s’ajouter à l’élévation de leur température corporelle du fait de leur activité physique. Les conducteurs de gros engins sont parfois assis près d’un moteur qui chauffe et travaillent dans une cabine fermée non ventilée. S’ils travaillent dans une cabine non couverte, ils ne sont pas protégés du soleil. La température corporelle des travailleurs qui portent des vêtements de protection, comme ceux qui sont imposés pour manipuler des déchets toxiques, augmente du fait de leur activité physique et aucune aération n’est possible puisque ces combinaisons doivent être étanches. Le manque d’eau potable ou d’ombre contribue également à la charge thermique. En hiver, les ouvriers du bâtiment travaillent souvent dans un froid rigoureux, ce qui comporte des risques de gelures, d’hypothermie et de glissades.

Les principales sources de rayonnement ultraviolet sont le soleil et le soudage à l’arc. L’exposition à des rayonnements ionisants est moins fréquente, mais peut exister en cas de contrôle des soudures par radiographie X ou gamma, ou si l’on utilise des instruments comme les débitmètres à isotopes radioactifs. Les lasers sont de plus en plus utilisés et peuvent occasionner des lésions, notamment aux yeux, si le faisceau est intercepté.

Ceux qui travaillent sous l’eau ou dans des galeries sous air comprimé, dans des caissons ou comme plongeurs sont exposés à des pressions barométriques élevées. Ils risquent de développer de nombreux troubles associés aux surpressions: problèmes de décompression, narcose des gaz inertes, nécrose osseuse (tête fémorale) aseptique, entre autres.

Les risques chimiques

L’air contient des polluants en suspension qui peuvent se présenter sous forme de poussières, de fumées, de brouillards, de vapeurs ou de gaz. L’exposition se produit généralement par inhalation, encore que certains polluants en suspension dans l’air puissent se déposer sur la peau intacte et être absorbés par celle-ci (les pesticides et certains solvants organiques, par exemple). La pollution chimique peut également se présenter sous forme liquide ou semi-liquide (colles ou adhésifs, goudron, etc.), ou encore sous forme pulvérulente (comme le ciment sec). Le contact de la peau avec des produits chimiques se présentant sous ces formes peut s’ajouter à l’inhalation éventuelle de vapeurs et entraîner une intoxication générale ou une dermite de contact. Des produits chimiques peuvent également être ingérés avec des aliments ou de l’eau, ou être inhalés en fumant. Plusieurs maladies ont été associées aux métiers de la construction; citons notamment:

On a observé chez les travailleurs chargés de travaux d’isolation à l’amiante, les couvreurs, les soudeurs et certains travailleurs du bois un taux de mortalité élevé par cancer du poumon ou de l’appareil respiratoire. Des intoxications par le plomb ont été enregistrées chez les travailleurs et les peintres chargés de la réfection des ponts métalliques, tandis qu’un stress thermique (résultant du port d’une combinaison de protection étanche) peut survenir chez les personnes chargées de l’entretien des dépôts de déchets toxiques. Par ailleurs, le syndrome de Raynaud n’est pas rare parmi les opérateurs de marteaux pneumatiques et les travailleurs qui utilisent d’autres équipements produisant des vibrations (comme les marteaux perforateurs sur affût employés dans le percement des galeries).

Enfin, l’alcoolisme et d’autres maladies liées à la consommation d’alcool sont plus fréquents qu’on ne le pense parmi les travailleurs de la construction. Bien qu’aucun facteur professionnel spécifique n’ait pu être mis en cause, il est possible que l’alcoolisme soit consécutif au stress résultant d’un manque total de maîtrise des perspectives d’emploi, à la charge de travail ou à l’isolement social résultant de relations professionnelles inexistantes ou changeantes.

Les risques biologiques

Les risques biologiques sont liés à l’exposition à des micro-organismes ou à des substances toxiques d’origine biologique, ou encore à des piqûres d’animaux. Les terrassiers, par exemple, peuvent développer une histoplasmose, affection pulmonaire provoquée par un champignon commun. En raison de la fluctuation constante de la main-d’œuvre sur les chantiers, chaque travailleur est en contact avec de nombreuses personnes et est, de ce fait, exposé à des maladies contagieuses (grippe ou tuberculose, par exemple). On peut aussi contracter le paludisme, la fièvre jaune ou la maladie de Lyme dans les zones infestées par les micro-organismes responsables de ces maladies et par les insectes qui en sont les vecteurs.

Quant aux substances toxiques d’origine végétale, elles proviennent d’un lierre appelé sumac vénéneux, du lierre urticant et des orties, qui peuvent tous provoquer des éruptions cutanées. Certaines poussières de bois sont cancérogènes et d’autres (comme le cèdre rouge) provoquent des allergies.

Les morsures d’animaux sont rares, mais peuvent se produire lorsqu’un chantier de construction vient les déranger ou empiéter sur leur territoire. Il s’agit entre autres des guêpes, des frelons, des fourmis Solenopsis geminata et des serpents. Sous l’eau ou dans l’eau, les travailleurs peuvent être attaqués par des requins ou d’autres poissons.

Les risques sociaux

Les risques sociaux sont liés à l’organisation sociale de la branche. Les emplois y sont intermittents et sans cesse fluctuants, et les travailleurs maîtrisent mal de nombreux facteurs sur lesquels ils n’ont aucune prise, comme la situation économique ou les conditions météorologiques. Ces mêmes facteurs les incitent parfois à forcer leur cadence. En raison du renouvellement incessant de la main-d’œuvre et des changements d’horaire et de lieu de travail, et du fait aussi qu’ils sont souvent obligés de vivre dans des camps de travail, loin de leur foyer et de leur famille, les travailleurs manquent d’une structure sociale stable et fiable. Certaines caractéristiques des métiers de la construction, comme la pénibilité des tâches, la faible maîtrise des conditions de travail et un soutien social limité, sont des facteurs aggravants de stress. Ces risques caractéristiques, qui ne sont pas l’apanage de l’industrie de la construction, affectent en permanence, d’une manière ou d’une autre, tous les travailleurs de cette branche.

L’évaluation de l’exposition au risque

Pour évaluer les risques d’une exposition directe ou indirecte (par le simple fait de se trouver à proximité), il importe de connaître les tâches exécutées et la composition des matériaux et des produits mis en œuvre dans chaque cas, de même que les caractéristiques de l’équipement utilisé. Ces données existent généralement (fiches de données de sécurité du matériel ou de toxicologie, par exemple), mais ne sont pas toujours disponibles sur place. Grâce à l’évolution de l’informatique et des techniques de communication, il est maintenant relativement facile de les obtenir et de les mettre à la disposition des intéressés.

La maîtrise des risques professionnels

Pour mesurer et évaluer le niveau d’exposition aux risques professionnels de l’industrie de la construction, il faut tenir compte des formes particulières d’exposition à ces risques. Dans la plupart des industries, les mesures d’hygiène et les limites d’exposition conventionnelles reposent sur des moyennes pondérées sur huit heures. Dans la construction, toutefois, les expositions sont généralement de courte durée, intermittentes, variées, mais susceptibles de se reproduire; de ce fait, les mesures d’hygiène et les limites d’exposition n’ont pas la même validité que dans d’autres secteurs. Le mesurage de l’exposition peut porter sur des tâches spécifiques comme le soudage, le brasage, le sablage, la peinture, etc., plutôt que sur des postes de travail. De cette manière, il est possible de définir diverses tâches bien précises et de déterminer les risques propres à chacune d’elles. Après avoir précisé les expositions pour les différentes tâches, on pourra probablement établir le profil d’exposition d’un travailleur si l’on connaît les tâches qu’il doit accomplir ou celles qui sont exécutées suffisamment près de lui pour qu’il se trouve indirectement exposé. Au fur et à mesure que la connaissance des expositions particulières progressera, des mesures de prévention spécifiques pourront être mises en place pour chaque tâche.

L’exposition à un risque varie avec l’intensité de celui-ci et avec la fréquence et la durée d’exécution de la tâche. Pour maîtriser le risque, il convient donc généralement de réduire en premier lieu l’exposition en agissant sur l’intensité, la durée ou la fréquence de la tâche. L’exposition au risque étant le plus souvent intermittente, les mesures administratives qui s’appuient sur la réduction de la fréquence ou de la durée d’exposition sont moins faciles à assurer dans la construction que dans d’autres secteurs d’activité. De ce fait, le moyen le plus efficace pour diminuer l’exposition est de réduire l’intensité du risque. Les autres dispositions importantes en matière de maîtrise de l’exposition visent les cantines, les installations sanitaires, l’instruction et la formation.

La réduction de l’intensité de l’exposition

Pour réduire l’intensité de l’exposition au risque, il convient d’identifier et d’analyser la source du risque, l’environnement dans lequel il se présente et les travailleurs qui y sont exposés. En règle générale, les mesures prises seront d’autant plus efficaces qu’elles sont proches de la source. On peut mettre en œuvre trois types généraux de mesures pour réduire l’intensité des risques professionnels. Ce sont, par ordre d’efficacité décroissante:

Les moyens de prévention technique

Tout risque a toujours une source. La façon la plus efficace de protéger les travailleurs consiste à agir sur la source première en prenant des mesures de prévention appropriées. Ainsi, on peut employer à la place d’une substance dangereuse une autre moins dangereuse. On peut, par exemple, remplacer l’amiante par des fibres de verre synthétique de taille non respirable, et substituer de l’eau aux solvants organiques dans les peintures. De même, de la grenaille ou des abrasifs non siliceux peuvent remplacer le sable dans les travaux de décapage. On peut également modifier radicalement une opération, en remplaçant par exemple des marteaux pneumatiques par des marteaux à percussion qui produisent moins de bruit et de vibrations. Si le sciage ou le perçage produisent des poussières, des particules ou des bruits nocifs, on s’efforcera de remplacer ces opérations par le cisaillage ou le poinçonnage. Grâce aux progrès technologiques réalisés, il est souvent possible de prévenir certains troubles musculo-squelettiques et de pallier d’autres problèmes de santé. Bien des modifications paraissent évidentes — ainsi, un tournevis à manche plus long pouvant être tenu à deux mains augmentera le moment de torsion exercé et diminuera l’effort sur le poignet.

Les mesures de contrôle de l’environnement

Ces mesures visent à éliminer de l’environnement une substance dangereuse si celle-ci se trouve en suspension dans l’air, ou à isoler la source s’il s’agit d’un risque physique. On peut utiliser pour certaines tâches particulières un système mécanique d’aspiration localisée avec hotte d’extraction pour capter les fumées, les vapeurs ou les poussières produites au cours des opérations. Etant donné que l’emplacement des sources qui libèrent des substances toxiques change sans cesse, l’installation devra, elle aussi, être mobile et suffisamment souple. On a également eu recours, sur de nombreux chantiers, à des dépoussiéreurs mobiles montés sur camion, équipés d’une soufflerie, de filtres, d’une alimentation électrique autonome, de tuyaux souples et d’une alimentation en eau afin de pouvoir faire appel à une ventilation par extraction là où les travaux effectués l’exigeaient.

Une méthode simple et efficace de contrôler l’exposition au bruit et aux rayonnements (ultraviolet) (UV) ou infrarouge (IR) est de placer les sources sous écran, en utilisant un matériau approprié. Le contreplaqué protège des rayonnements IR et UV. Les sources de bruit seront isolées par un matériau qui absorbe et réfléchit le bruit, en partie tout au moins.

Les principales sources de charge thermique sont une température ambiante élevée et un travail physique intense. On peut éviter les effets néfastes du stress thermique en réduisant la charge de travail, en fournissant de l’eau potable, en ménageant des pauses à l’ombre et, si possible, en travaillant de nuit.

La protection individuelle

Si les mesures de prévention technique se révèlent insuffisantes, les travailleurs devront utiliser un équipement de protection individuelle (voir figure 93.3). Si l’on veut qu’il soit efficace, il faut que le personnel sache s’en servir, qu’il s’adapte parfaitement et qu’il fasse l’objet de contrôles et d’un entretien réguliers. Les personnes qui se trouvent à proximité d’une source de risque devront, elles aussi, être protégées ou se verront interdire l’accès à la zone dangereuse.

Figure 93.3 Travailleurs du bâtiment sans chaussures de sécurité ni casque
(Nairobi, Kenya)

Figure 93.3

L’utilisation de certains équipements de protection individuelle peut poser problème. Ainsi, les opérations rassemblent souvent des équipes dont les membres doivent pouvoir communiquer les uns avec les autres, ce qui est difficile lorsqu’on porte un masque respiratoire, tandis que les combinaisons étanches favorisent l’hyperthermie du fait de leur poids et de leur imperméabilité.

Le port d’un équipement de protection individuelle dont on ignore les limites peut aussi donner, aux travailleurs et à leur employeur, l’illusion d’une protection adéquate, alors que, dans certaines conditions d’exposition, cela ne sera pas le cas. Par exemple, il n’existe pas actuellement de gants qui protègent pendant plus de deux heures du contact avec du chlorure de méthylène, un composant courant dans les décapants pour peintures. Et l’on n’est même pas certain que les gants assurent une protection suffisante contre des mélanges de solvants comme ceux qui contiennent à la fois de l’acétone et du toluène, ou du méthanol et du xylène. Le niveau de protection assuré dépend également de la façon dont le gant est utilisé. En outre, les gants sont généralement testés pour un seul produit chimique à la fois, et rarement pendant plus de huit heures.

Les installations sanitaires et les locaux affectés aux repas

Le manque de sanitaires et de locaux réservés aux repas est également de nature à augmenter l’exposition aux risques. Souvent, les travailleurs ne peuvent pas se laver avant de déjeuner et doivent manger sur le lieu même de leur travail; ils risquent alors d’ingérer par inadvertance des substances toxiques qui passent de leurs mains sur leurs aliments ou leurs cigarettes. S’il n’y a pas sur le chantier de vestiaire où ils puissent se changer, ils risquent de ramener chez eux des traces de produits toxiques.

Les accidents et les maladies dans l’industrie de la construction

Les accidents mortels

La construction occupe une main-d’œuvre importante et elle occasionne dans la plupart des pays une proportion inusitée d’accidents mortels. Ainsi, aux Etats-Unis où elle n’emploie que 5 à 6% de la main-d’œuvre, elle occasionne 15% des accidents mortels — un pourcentage plus élevé que toute autre branche d’activité. Au Japon, la construction occupe 10% de la main-d’œuvre, mais totalise 42% des décès dus à des accidents du travail; en Suède, ces pourcentages sont de 6% et 13%, respectivement.

Aux Etats-Unis, les causes de décès les plus courantes chez les travailleurs de la construction sont les chutes (30%), les accidents liés au transport (26%), les collisions ou les chocs avec des objets ou les accidents dus aux engins et aux machines (19%), ainsi que l’exposition à des substances dangereuses ou les électrocutions résultant d’un contact avec des fils électriques, des câbles aériens ou de l’outillage sous tension (18% au total). Dans ce pays, ces quatre catégories d’accidents représentent la quasi-totalité (93%) des accidents mortels survenus dans la construction (Pollack et coll., 1996).

Toujours aux Etats-Unis, parmi tous les corps de métiers engagés dans la construction, c’est chez les monteurs de charpentes métalliques que le pourcentage d’accidents mortels est le plus élevé: on a compté parmi eux, en 1992-93, 118 accidents mortels pour 100 000 travailleurs à plein temps, contre 17 pour 100 000 pour l’ensemble des autres catégories professionnelles; 70% des accidents mortels enregistrés chez les monteurs de charpentes métalliques étaient dus à une chute. C’est parmi les manœuvres et les travailleurs non spécialisés que l’on a dénombré le plus grand nombre d’accidents mortels. Globalement, le pourcentage d’accidents mortels était le plus élevé chez les travailleurs de 55 ans et plus. Le pourcentage d’accidents mortels par type d’accident variait également suivant les professions. Chez les agents de maîtrise, les chutes et les accidents liés au transport représentaient environ 60% des accidents mortels. Chez les charpentiers, les peintres, les couvreurs et les monteurs de charpentes métalliques, les chutes de personnes étaient la cause la plus courante et représentaient 50, 55, 70 et 69%, respectivement, de l’ensemble des accidents mortels pour ces divers corps de métier. Chez les mécaniciens et les conducteurs de pelles mécaniques, les accidents liés au mouvement des engins étaient la cause de décès la plus courante, représentant 48 et 65%, respectivement, des accidents mortels; la plupart d’entre eux impliquaient des bennes basculantes. Un mauvais étaiement des tranchées et des fouilles continue d’être à l’origine d’éboulements qui occasionnent un grand nombre d’accidents mortels (McVittie, 1995). Les principaux risques concernant les emplois qualifiés figurent au tableau 93.2.

Une étude portant sur les travailleurs de la construction en Suède n’a pas mis en évidence un taux global élevé de mortalité par accident du travail, mais a permis de constater des taux de mortalité élevés pour certaines pathologies spécifiques (voir tableau 93.3).

Tableau 93.3 Métiers du bâtiment et des travaux publics présentant des
taux de mortalité brute et des taux d'incidence brute supérieurs à la moyenne
pour les causes sélectionnées

Métier

Taux de mortalité brute élevés

Taux d’incidence brute supérieurs à la moyenne

Maçons briqueteurs

Tumeur péritonéale

Maçons coffreurs

Toutes causes*, toutes les affections cancéreuses*, cancer de l’estomac, mort violente*, chutes accidentelles

Cancer de la lèvre, de l’estomac et du larynx*a, cancer du poumonb

Grutiers

Mort violente*

Conducteurs

Toutes causes*, risques cardio-vasculaires*

Cancer de la lèvre

Poseurs d’isolation

Toutes causes*, cancer du poumon, pneumoconiose, mort violente*

Tumeur péritonéale, cancer du poumon

Opérateurs de machines

Risques cardio-vasculaires*, autres accidents

Plombiers

Toutes les affections cancéreuses*, cancer du poumon, pneumoconiose

Toutes les affections cancéreuses, tumeur de la plèvre, cancer du poumon

Foreurs de roches

Toutes causes*, risques cardio-vasculaires*

Tôliers

Toutes les affections cancéreuses*, cancer du poumon, chutes accidentelles

Toutes les affections cancéreuses, cancer du poumon

Menuisiers, charpentiers

Affections cancéreuses du nez et des sinus

* Les cancers ou les causes de mortalité sont nettement plus nombreux que pour l’ensemble des autres catégories professionnelles prises ensemble. La catégorie «Autres accidents» regroupe les lésions et les accidents fréquents sur les lieux de travail.

a Pour les coffreurs, le risque relatif de cancer du larynx est trois fois plus élevé que pour les charpentiers.

b Pour les coffreurs, le risque relatif de cancer du poumon est presque deux fois plus élevé que pour les charpentiers.

Source: Engholm et Englund, 1995.

Les lésions invalidantes ou accidents avec arrêt

Aux Etats-Unis et au Canada, les causes les plus courantes d’accidents avec arrêt dans l’industrie de la construction sont le surmenage, le heurt par un objet, les chutes de hauteur, les glissades, les trébuchements et les chutes de plain-pied. Les traumatismes les plus courants sont les foulures et les entorses, dont certaines peuvent se traduire par des douleurs et une gêne chroniques. Les activités qui sont le plus souvent à l’origine des accidents avec arrêt sont la manutention manuelle et les travaux d’installation (comme la construction de murs en pierres sèches et la pose de canalisations ou de gaines de ventilation). Les lésions subies au cours d’un déplacement (marche, montée ou descente) sont également très fréquentes. A l’origine de beaucoup d’accidents avec arrêt, on trouve le manque d’ordre; un grand nombre de glissades, de trébuchements et de chutes sont en effet provoqués par des débris épars.

Le coût des accidents et des maladies liés au travail

Dans le secteur du bâtiment et des travaux publics, le coût de ces accidents et de ces maladies est très élevé. Aux Etats-Unis, par exemple, les estimations s’échelonnent entre 10 et 40 milliards de dollars par an (Meridian Research, 1994); sur la base de 20 milliards, le coût moyen par travailleur serait de 3 500 dollars par an. Les primes versées au titre de la réparation des accidents dans trois corps de métiers — les charpentiers, les maçons et les monteurs de charpentes métalliques — représentaient en moyenne 28,6% de la masse salariale nationale en mai 1994 (Powers, 1994). Le montant de ces primes varie très fortement suivant la profession exercée et la juridiction. Aux Etats-Unis, il est en moyenne plusieurs fois supérieur à ce qu’il est dans la plupart des pays industriels, où il ne représente que 3 à 6% de la masse salariale. Il faut encore y ajouter les primes d’assurance de responsabilité civile et les coûts indirects (tels que la chute de rendement de l’équipe à laquelle appartenait la victime, la remise en état du site — en cas d’affaissement ou d’éboulement, par exemple — et les heures supplémentaires occasionnées par l’accident). Ces coûts indirects peuvent représenter plusieurs fois les indemnités versées aux victimes.

Le management de la sécurité sur les chantiers de construction

Les programmes de sécurité efficaces présentent un certain nombre de points communs. Ils sont diffusés à tous les niveaux de l’entreprise, depuis les bureaux du chef d’entreprise jusqu’aux chefs de chantier, aux ingénieurs, aux agents de maîtrise, aux représentants syndicaux et aux travailleurs eux-mêmes. Les normes et les directives font l’objet d’une application et d’une évaluation scrupuleuses. Les coûts des accidents et des maladies liés au travail sont calculés et les performances mesurées; on récompense les travailleurs méritants et on sanctionne ceux dont le travail ne donne pas satisfaction. La sécurité fait partie intégrante des contrats (y compris ceux de sous-traitance). Chacun — qu’il soit cadre supérieur, agent de maîtrise ou simple travailleur — fait l’objet d’une formation générale, d’une formation spécifique au chantier et d’un recyclage, si nécessaire. Les personnes sans expérience sont formées sur le chantier par les travailleurs expérimentés. Les chantiers où ces mesures sont mises en œuvre connaissent un nombre d’accidents nettement inférieur à celui d’autres chantiers similaires.

La prévention des accidents

Les entreprises de construction ayant obtenu les meilleurs résultats dans le domaine de la sécurité ont ceci en commun qu’elles ont défini et consigné par écrit une politique de prévention qui s’applique à l’entreprise tout entière, de la direction générale à l’ensemble du personnel travaillant sur ses chantiers. Ce document fait référence à des directives pratiques précises qui définissent les risques encourus et la façon de les maîtriser. Les responsabilités sont clairement définies et des normes de performance sont établies. Le respect de ces normes est contrôlé et les infractions sont sanctionnées, tandis que le respect ou le dépassement des normes sont parfois récompensés. Un système comptable chiffre le coût de chaque accident ainsi que les économies réalisées grâce à la prévention. Le personnel ou ses représentants participent à l’établissement et à la mise en œuvre des programmes de prévention. Cette participation se traduit souvent par la formation d’un comité de sécurité mixte. Des visites médicales permettent de déterminer si les travailleurs sont aptes physiquement à effectuer les tâches qui leur sont confiées. Ces visites interviennent au moment de l’embauche ainsi qu’après un arrêt de travail ou une mise à pied temporaire.

Les risques sont identifiés et analysés et les précautions qu’ils appellent prises en connaissance de cause. Les chantiers sont inspectés périodiquement dans leur ensemble et les résultats des inspections sont consignés. Les matériels sont contrôlés pour s’assurer de leur bon fonctionnement (par exemple, les freins des véhicules, les systèmes d’alarme, etc.). Outre les risques d’accident, il convient de ne pas oublier les risques d’atteinte à la santé liés aux particules en suspension dans l’air (silice, amiante, fibres de verre, macroparticules de fioul), aux gaz et vapeurs (monoxyde de carbone, autres gaz d’échappement des moteurs, vapeurs de solvants, etc.), aux risques physiques (bruit, chaleur, pressions élevées, etc.) et à d’autres facteurs tels que le stress.

Il est nécessaire de préparer le personnel aux situations d’urgence en organisant des exercices pratiques. Cette préparation porte notamment sur la définition des responsabilités, les interventions de premiers secours et de sauvetage, la prise en charge médicale sur le chantier (le cas échéant), les communications avec l’extérieur (ambulances, familles, syndicats professionnels), le choix éventuel d’un hôpital, le rétablissement ou le maintien de la sécurité sur les lieux de l’accident, la recherche de témoins et la documentation des circonstances de l’accident. Au besoin, la préparation peut également couvrir la procédure à suivre pour faire face à un risque non maîtrisé comme un incendie ou une crue soudaine.

Les accidents devraient faire l’objet d’une enquête et d’un rapport. Il importe en effet d’établir leurs causes (il y en a parfois plusieurs) afin d’éviter que des accidents similaires se reproduisent. Les rapports devraient être classés selon un système d’archivage méthodique afin de faciliter leur analyse. Pour pouvoir procéder à des comparaisons utiles à des fins de prévention, il est indiqué de préciser l’activité de la victime au moment de l’accident. La connaissance du nombre d’heures de travail effectuées permettra de calculer un taux d’accident (par exemple, le nombre d’accidents par million d’heures de travail).

Les travailleurs et les agents de maîtrise devraient recevoir une instruction et une formation appropriées en matière de sécurité et de santé. Cet enseignement devrait faire partie intégrante de la formation professionnelle.

Aux Etats-Unis, la législation fédérale impose également une formation relative à certaines substances dangereuses. En Allemagne, le même souci a entraîné le développement du programme GISBAU (Gefahrstoff-Informationssystem der Berufsgenossenschaften der Bauwirtschaft), qui est un système d’information sur les substances dangereuses de l’industrie du bâtiment. Le GISBAU collabore avec les fabricants pour déterminer la composition de toutes les substances utilisées sur les chantiers. Il fournit des informations sous une forme adaptée dans chaque cas aux besoins différents des services de santé, des entreprises et du personnel; il indique également comment remplacer certaines substances dangereuses par d’autres moins nocives ou inoffensives et explique comment les manipuler en sécurité (voir à ce propos le chapitre no 61, «L’utilisation, la manipulation et le stockage des produits chimiques»).

Les informations relatives aux risques chimiques et autres devraient être disponibles sur les chantiers dans la ou les langues utilisées par les travailleurs.

Enfin, les contrats conclus entre le maître de l’ouvrage et l’entreprise principale et entre celle-ci et ses sous-traitants devraient englober les questions de sécurité. Ils devraient prévoir, en particulier, la planification et la coordination des mesures de sécurité et de santé sur les chantiers regroupant plusieurs entreprises.

LES RISQUES SANITAIRES PROPRES AUX CHANTIERS SOUTERRAINS

Bohuslav Málek

Les risques rencontrés

Les travaux souterrains comprennent le percement de galeries pour les routes, les voies ferrées et les aménagements hydroélectriques, ainsi que la pose de canalisations pour l’eau, les eaux usées, la vapeur, les câbles électriques, les lignes téléphoniques, etc. Les risques qu’ils présentent sont liés à la pénibilité du travail, à la présence de poussières (silice libre et ciment, en particulier), au bruit, aux vibrations, aux gaz d’échappement de diesels, aux vapeurs libérées par des produits chimiques à la teneur insuffisante en oxygène et, parfois, à l’emploi d’air comprimé ou à la présence de radon. Les personnes qui travaillent sous terre sont exposées à des risques d’accidents qui, s’ils ne diffèrent pas nécessairement par leur nature de ceux rencontrés sur les chantiers de surface, sont néanmoins aggravés du fait du confinement. Il en va ainsi par exemple des risques de collision avec des engins mécanisés, des risques d’électrocution, d’ensevelissement sous un éboulement, d’asphyxie ou de brûlures en cas d’incendie ou d’explosion ou de noyade en cas de rupture d’une poche d’eau.

Le percement des galeries demande une dépense énergétique considérable. Celle résultant du travail manuel est généralement de l’ordre de 200 à 350 W, les muscles étant soumis à une sollicitation essentiellement statique. Lorsqu’on travaille au marteau-piqueur ou au marteau pneumatique, le rythme cardiaque atteint 150 à 160 pulsations par minute. En outre, les chantiers souterrains sont souvent froids et humides, et le travail impose fréquemment des postures particulièrement inconfortables. Par ailleurs, tout travail de force accompli à une certaine profondeur occasionne une charge thermique qui peut être difficilement tolérable.

La mécanisation réduit certes la nécessité de recourir au travail manuel, mais elle engendre ses risques propres. La présence d’engins mobiles imposants et puissants dans un environnement confiné se traduit par des risques d’accidents graves pour les personnes qui travaillent à proximité. Ces engins produisent aussi de la poussière, du bruit, des vibrations et des gaz d’échappement de diesels.

La silice cristalline (également appelée silice libre ou quartz) se rencontre sous sa forme naturelle dans de très nombreux types de roches; c’est le plus répandu de tous les minéraux. Le grès est de la silice pratiquement pure; le granit peut en contenir 75%, le schiste 30% et l’ardoise 10%, alors que le calcaire, le marbre et le sel n’en contiennent pas. Etant donné que la silice est presque partout présente dans l’écorce terrestre, il convient de prélever des échantillons de poussière et de les analyser avant l’ouverture d’un chantier souterrain et chaque fois que le type de roche rencontré change au fur et à mesure de l’avancement des travaux.

Des poussières de silice de taille respirable sont mises en suspension dans l’air lorsque des roches contenant de la silice sont percées, broyées, meulées ou pulvérisées de toute autre manière. Les principales sources de production de poussières de silice sont les marteaux-piqueurs et les marteaux pneumatiques, souvent utilisés au front de taille. Les travailleurs se trouvant dans cette zone sont par conséquent les plus exposés, et il importe de mettre en œuvre, dans tous les cas, des moyens efficaces de lutte contre les poussières.

Le tir des explosifs produit non seulement des projections de débris plus ou moins importants, mais également des poussières et des oxydes d’azote. Pour éviter une exposition excessive du personnel, il est de règle d’interdire l’accès à la zone de tir jusqu’à dissipation complète des poussières et des gaz. Il est indiqué, lorsque la chose est possible, de déclencher les tirs à la fin du dernier poste de la journée et d’éliminer les débris lors du poste suivant.

Des fines poussières de ciment sont produites chaque fois que l’on prépare des mortiers ou des bétons. En fortes concentrations, ces poussières irritent l’appareil respiratoire et les muqueuses, sans toutefois que des effets chroniques aient été observés. Mais lorsqu’elles se déposent sur la peau et se mélangent à la sueur, les poussières de ciment peuvent provoquer des dermatoses. Lorsque du béton frais est mis en place par projection (canon à béton), il peut également provoquer des dermatoses.

Le bruit peut atteindre des niveaux élevés dans les chantiers souterrains. Les principales sources de bruit sont les marteaux pneumatiques et les marteaux-piqueurs, les moteurs diesel et les souffleries. L’environnement étant confiné, la réverbération du son est importante. Les niveaux sonores peuvent dépasser 115 dBA, avec une exposition au bruit moyenne pondérée dans le temps équivalant à 105 dBA. Il existe, pour la plupart des engins de chantier, des dispositifs qui limitent le bruit et qui devraient être utilisés.

Les personnes qui travaillent sous terre peuvent également être exposées à des vibrations transmises au corps entier provoquées par des engins mobiles et à des vibrations mains-bras provoquées par des marteaux pneumatiques ou des marteaux-piqueurs. Les accélérations transmises aux mains par les outils pneumatiques peuvent atteindre environ 10 m/s2. Les effets néfastes des vibrations transmises aux mains et aux bras sont aggravés par le froid et l’humidité.

Si le sol est saturé d’eau ou si les travaux se déroulent sous l’eau, il pourra être nécessaire de recourir à l’air comprimé pour contenir les venues d’eau. Les personnes qui travaillent dans des caissons en atmosphère hyperbare risquent des accidents de décompression, si elles reviennent trop vite à une pression normale. L’absorption de la plupart des gaz et des vapeurs toxiques dépendant de leur pression partielle, les quantités absorbées sont d’autant plus importantes que la pression est plus élevée. Une concentration de 10 ppm de monoxyde de carbone (CO) à 2 atmosphères aura donc le même effet que 20 ppm de CO à 1 atmosphère.

Des produits chimiques sont mis en œuvre de nombreuses manières dans les travaux souterrains. Ainsi, des couches rocheuses manquant de cohésion peuvent être stabilisées par injections de résine urée-formaldéhyde, de mousse de polyuréthane ou de mélanges de silicate de sodium et de formamide ou d’acétates d’éthyle ou de butyle. De ce fait, des vapeurs de formaldéhyde, de gaz ammoniac, d’alcools éthylique ou butylique ou de diisocyanates peuvent être libérées dans l’atmosphère des galeries au moment de l’application de ces produits. Par la suite, ces mêmes produits toxiques peuvent se détacher des parois et passer dans l’atmosphère; il est alors difficile d’en limiter les concentrations, même en mettant en place une puissante ventilation mécanique.

Le radon (un gaz rare radioactif) se rencontre à l’état naturel dans certaines roches et peut contaminer l’environnement des chantiers souterrains, où il se désintégrera en produits de filiation également radioactifs. Certains d’entre eux émettent des rayonnements X qui peuvent être ingérés ou inhalés, augmentant ainsi les risques de cancer du poumon.

Les galeries creusées dans des zones habitées peuvent aussi être contaminées par des substances transportées dans les canalisations environnantes. L’eau, le gaz de ville, le fioul, les carburants, etc. peuvent s’infiltrer dans une galerie, et des canalisations acheminant ces produits peuvent être perforées lors des travaux et se répandre dans l’environnement du chantier.

La construction de puits verticaux par des techniques relevant de l’exploitation minière pose le même genre de problèmes de santé que le percement de galeries. Dans les terrains contenant des substances organiques, on rencontrera probablement des produits de décomposition microbiologique.

Les travaux d’entretien effectués dans les tunnels routiers ou ferroviaires diffèrent de ce type de travaux réalisés en surface; ainsi, il pourra être difficile d’y utiliser une ventilation lors d’opérations de soudage à l’arc sans compromettre la qualité des mesures de sécurité. Les travaux dans les tunnels où se trouvent des canalisations d’eau chaude ou de vapeur peuvent exposer les travailleurs à une chaleur excessive et demander un régime spécial ménageant de nombreuses pauses.

L’oxygène peut aussi manquer dans les galeries et les puits s’il est déplacé par la présence d’autres gaz ou consommé par des microbes ou par l’oxydation de pyrites. Les microbes peuvent également libérer du méthane ou de l’éthane qui, non seulement, déplacent l’oxygène, mais peuvent aussi créer un risque d’explosion si les concentrations de ces gaz sont suffisantes. Du dioxyde de carbone (mofette) est également produit par contamination microbienne. Dans les endroits qui sont restés longtemps confinés, l’atmosphère peut être constituée principalement d’azote, de 5 à 15% de dioxyde de carbone et de traces d’oxygène.

La mofette pénètre dans les puits à partir des terrains environnants, en raison des variations de la pression atmosphérique. La composition de l’air dans un puits peut se modifier très rapidement — elle peut être normale le matin, mais accuser l’après-midi un grave déficit en oxygène.

Les mesures de prévention

La lutte contre les poussières devrait privilégier la mise en œuvre de moyens techniques comme le forage à l’eau et la ventilation mécanique localisée par extraction, l’humidification préalable de la roche, l’arrosage des déblais lors de leur chargement et de leur transport, ainsi qu’une ventilation générale mécanique des galeries. Les mesures de prévention technique ne suffisant pas toujours à ramener les concentrations de poussières respirables à un niveau acceptable, il peut être nécessaire d’avoir recours au port d’appareils de protection respiratoire. L’efficacité des mesures techniques devrait être contrôlée par le mesurage des concentrations de poussières en suspension dans l’air. Dans le cas de poussières à pouvoir fibrosant, il convient de veiller à ce que le programme de surveillance permette un enregistrement de l’exposition de chacun des travailleurs exposés. Les données individuelles d’exposition, associées aux données sanitaires personnelles, sont indispensables pour évaluer le risque particulier de pneumoconiose et pour apprécier l’efficacité à long terme des mesures prises. Ces données individuelles d’exposition sont indispensables pour évaluer l’aptitude au travail de chaque travailleur.

En raison de la nature des travaux souterrains, la protection contre le bruit repose essentiellement sur le port d’un équipement de protection individuelle approprié. En ce qui concerne les vibrations, une protection efficace ne peut être assurée qu’en éliminant ou en atténuant leur intensité par une mécanisation des opérations à risque et l’adoption de dispositifs antivibratoires; les équipements de protection individuelle sont inopérants. De même, seule une mécanisation du travail peut limiter les risques d’atteinte à la santé résultant d’une surcharge physique des membres supérieurs.

L’exposition à des substances chimiques dangereuses peut être maîtrisée par le choix d’une technique appropriée (ainsi, on renoncera à l’utilisation de résines urée-formaldéhyde et formamide), par une maintenance régulière et par une ventilation efficace. Les mesures prises au niveau de l’organisation et du régime de travail jouent parfois un rôle important, notamment pour la prévention des dermatoses.

Lorsqu’on travaille dans des chantiers souterrains où la composition de l’air est inconnue ou mal connue, il importe de respecter strictement les règles de sécurité. Ainsi, on ne devrait pas y pénétrer sans être équipé d’un masque respiratoire isolant. Le travail devrait être confié à des groupes de trois personnes au moins — l’une d’elles se trouvant au fond, équipée d’un masque respiratoire et d’un harnais de sécurité, les deux autres au jour, munies d’une corde pour ramener la première si nécessaire. En cas d’accident, il convient d’agir sans délai. De nombreuses personnes ont perdu la vie en s’efforçant de porter secours à la victime d’un accident, parce que la sécurité des secouristes avait été négligée.

Des visites médicales — au moment de l’embauche, à intervalles réguliers par la suite et à la fin du chantier — font partie intégrante des mesures de sécurité et de santé concernant le personnel qui travaille en galerie. La fréquence de ces visites, le type et l’étendue de certains examens (radiographie pulmonaire, fonction respiratoire, audiométrie, etc.) seront déterminés pour chaque chantier et chaque tâche en fonction des conditions locales de travail.

Avant d’attaquer le sol au moment de l’ouverture d’un chantier souterrain, il convient d’inspecter le site et de prélever des échantillons du terrain afin de planifier les travaux d’excavation en connaissance de cause. Une fois les travaux en cours, le chantier sera inspecté tous les jours pour prévenir les risques d’affaissement et d’éboulement. Les postes de travail isolé seront inspectés au moins deux fois par jour. Le matériel de lutte contre l’incendie sera réparti de façon stratégique sur toute l’étendue du chantier souterrain.

LES SERVICES DE SANTÉ AU TRAVAIL DANS LA CONSTRUCTION

Pekka Roto

Le secteur du bâtiment et des travaux publics représente de 5 à 15% du produit national brut de la plupart des pays. C’est, généralement, l’un des trois secteurs qui enregistrent les taux les plus élevés d’accidents du travail. Plusieurs maladies professionnelles chroniques ont tendance à s’y développer (Commission économique européenne (CEE), 1993):

Les services de santé au travail devraient considérer les risques ci-dessus comme étant prioritaires.

Les différents types de services de santé au travail

Il existe trois types principaux de services de santé au travail dans la construction:

  1. les services spécialisés pour le secteur d’activité considéré;
  2. les services dispensés par des services généraux de santé au travail;
  3. les services fournis gratuitement par l’employeur.

Les services spécialisés sont les plus efficaces, mais aussi les plus chers en termes de coûts directs. D’après des études menées en Suède, les taux les plus faibles d’accidents enregistrés sur les chantiers de construction dans le monde entier, et les risques très faibles au niveau des maladies professionnelles, sont en rapport direct avec l’importance du travail de prévention réalisé par les services spécialisés. Dans le modèle suédois Bygghälsan (organisme suédois de l’industrie du bâtiment pour l’environnement, la sécurité et la santé au travail), l’aspect technique et l’aspect médical de la prévention sont étroitement associés. Cet organisme fonctionne par l’intermédiaire de centres régionaux et d’unité mobiles. Au cours de la grave récession économique des années quatre-vingt, il a considérablement réduit les services de santé qu’il offrait.

Dans les pays qui disposent d’une législation en matière de santé au travail, les entreprises du bâtiment et des travaux publics font généralement appel à des sociétés qui couvrent tous les secteurs d’activité; dans ce cas, la formation du personnel de santé revêt une importance particulière. Sans une bonne connaissance des aspects spécifiques au secteur de la construction, le personnel médical et paramédical ne sera pas à même d’offrir aux entreprises de construction des programmes de prévention vraiment efficaces.

Certaines grandes entreprises multinationales disposent de programmes complets de sécurité et de santé au travail qui font partie de la culture de l’entreprise. Le calcul du rapport coût/avantages a montré que ces programmes sont économiquement rentables. Aujourd’hui, des programmes de sécurité au travail font partie intégrante de la gestion de la qualité dans la plupart des grandes entreprises internationales.

Les unités de santé mobiles

Les chantiers de construction se trouvant souvent très éloignés des centres qui dispensent des services de santé, il est parfois nécessaire de faire appel à des unités mobiles. Une unité mobile permet de réaliser des économies en fournissant ces services sur le chantier même. Elle comprend un véhicule spécialement équipé pour effectuer notamment tous les tests de dépistage requis, dans le cadre, par exemple, des examens médicaux périodiques. Il importe que les unités mobiles collaborent étroitement avec les services de santé régionaux ou locaux pour assurer le suivi et le traitement des travailleurs chez lesquels les résultats d’examen font entrevoir une atteinte à la santé.

L’équipement standard d’une unité mobile comprend le matériel de base d’un laboratoire avec un spiromètre et un audiomètre, un local d’entretien et un matériel de radiographie, le cas échéant. L’idéal est de disposer d’unités modulaires, à usages multiples, susceptibles d’être utilisées pour les différents types de chantiers. En Finlande, des études ont montré que les unités mobiles convenaient également aux études épidémiologiques, qui peuvent être intégrées aux programmes de santé au travail si elles sont planifiées à l’avance.

Les tâches des services de santé au travail

L’activité de ces services devrait être guidée par la nature et l’importance des risques encourus sur les chantiers de construction, encore qu’une prévention efficace suppose que les travaux aient fait préalablement l’objet d’études suffisamment approfondies par les responsables des ouvrages. L’identification des risques demande une approche pluridisciplinaire ainsi qu’une collaboration étroite entre le personnel de santé et l’entreprise. Une démarche utile consiste à procéder à une étude systématique des risques potentiels au moyen d’une liste de vérification appropriée.

Les examens médicaux préalables à l’embauche et les examens périodiques sont généralement menés conformément aux prescriptions de la législation ou aux directives de l’autorité compétente; leur teneur dépend des données individuelles d’exposition de chaque travailleur. Les contrats de courte durée et le renouvellement fréquent de la main-d’œuvre sont souvent responsables d’examens «manqués» ou «inappropriés», d’une absence de suivi ou, parfois aussi, d’examens inutiles. Aussi, des examens périodiques standards sont préconisés pour l’ensemble de la main-d’œuvre. Tout examen médical de ce type devrait comporter une indication des expositions antérieures (symptômes, maladies — troubles musculo-squelettiques et allergies, en particulier), un examen général, des tests audiométriques, visuels et spirométriques, ainsi que la détermination de la tension artérielle. Ces examens fournissent aussi l’occasion d’informer les travailleurs sur la façon de se prémunir contre les risques professionnels les plus graves et les plus courants.

La surveillance et la prévention des principaux problèmes de santé rencontrés dans la construction

Les troubles musculo-squelettiques et leur prévention

Les troubles musculo-squelettiques ont des causes multiples. Le mode de vie, l’hérédité et le vieillissement, associés à des efforts physiques excessifs et à des accidents considérés comme étant sans gravité, sont généralement reconnus comme des facteurs de risque dans les affections de l’appareil locomoteur. Les problèmes rencontrés dans ce domaine correspondent à différents schémas d’exposition, suivant les métiers exercés.

Il n’existe pas de test fiable permettant de prévoir le risque encouru, par un individu donné, de souffrir de douleurs ou de lésions musculaires ou osseuses. Leur prévention doit donc s’appuyer sur des directives éprouvées en matière d’ergonomie et de mode de vie. Les examens médicaux peuvent jouer un rôle important à cet égard, même si les épreuves d’effort non spécifiques et les radiographies de routine ne sont d’aucune utilité dans ce contexte. Par contre, un dépistage précoce des symptômes et une anamnèse détaillée des douleurs musculaires et osseuses permettront d’orienter le médecin et lui donneront la possibilité de donner d’utiles conseils. On a pu démontrer l’efficacité de programmes comprenant un dépistage périodique des principaux symptômes et permettant de déterminer les facteurs qui, dans le travail, pourraient être modifiés dans un sens positif. Souvent, des travailleurs qui portent de lourdes charges ou effectuent des tâches particulièrement pénibles considèrent que le travail leur permet de rester en forme; de nombreuses études ont montré qu’il n’en est rien. Il importe donc que, lors des visites médicales, les travailleurs soient informés des meilleures façons de conserver leur forme physique. Le tabagisme a également été associé à la dégénération des disques lombaires et aux lombalgies. Des informations relatives aux effets du tabac et aux thérapies existantes pourraient être fournies lors des examens médicaux périodiques (Workplace Hazard and Tobacco Education Project, 1993).

Les pertes d’audition engendrées par le bruit

On observe des déficits auditifs induits par le bruit qui varient selon le métier exercé et qui dépendent également des niveaux de bruit et de la durée d’exposition. En Suède, en 1974, moins de 20% des travailleurs du bâtiment âgés de 41 ans présentaient une audition normale bilatérale. La mise en œuvre d’un vaste programme de protection de l’ouïe a, dès la fin des années quatre-vingt, porté ce pourcentage à 40%. Des statistiques provenant de la Colombie-Britannique (Canada) ont montré que l’on observe généralement une perte importante d’audition chez les travailleurs de la construction ayant travaillé plus de quinze ans dans cette branche (Schneider et coll., 1995). Plusieurs facteurs semblent augmenter ce risque (certaines névropathies dues au diabète, l’hypercholestérolémie et l’exposition à des solvants toxiques particuliers, par exemple). Les vibrations qui affectent l’ensemble du corps et le tabagisme peuvent également augmenter ce risque.

Un programme à grande échelle visant la protection de l’ouïe devrait être mis en place dans le secteur de la construction. Pour cela, il faut instaurer une collaboration au niveau du chantier lui-même, mais également une législation appropriée. Les pertes d’audition liées au bruit sur le lieu de travail étant réversibles au cours des trois ou quatre premières années qui suivent le début de l’exposition, le dépistage précoce d’un éventuel déficit auditif apparaît capital. Il est recommandé de procéder à des tests audiométriques périodiques afin de déceler le plus tôt possible toute altération significative et d’inciter les travailleurs à se protéger en attirant leur attention sur les principes de la protection individuelle ainsi que sur l’utilisation et l’entretien corrects des dispositifs de protection mis à leur disposition.

Les dermites professionnelles

Une bonne hygiène individuelle est fondamentale dans la prévention des dermites professionnelles, de même qu’une protection efficace de la peau. Lors des visites médicales, on soulignera l’importance d’éviter tout contact avec du mortier ou du béton frais.

Les affections respiratoires d’origine professionnelle

L’asbestose, la silicose, l’asthme professionnel et la bronchite chronique se rencontrent chez les travailleurs du bâtiment en fonction de leurs expositions antérieures (Finnish Institute of Occupational Health, 1987).

Il n’existe aucun traitement médical permettant d’empêcher le développement de carcinomes lorsqu’une personne a été exposée à l’amiante ou à des produits contenant de l’amiante suffisamment longtemps. Un suivi radiographique tous les trois ans est la seule surveillance médicale recommandée; des études ont montré que les contrôles radiographiques améliorent le pronostic dans le cancer du poumon (Strauss, Gleason et Sugarbaker, 1995). Une épreuve spirométrique et des informations relatives à l’effet du tabagisme sont généralement incluses dans les examens médicaux périodiques. Il n’existe malheureusement aucun test permettant un dépistage précoce des tumeurs malignes provoquées par l’amiante.

Les tumeurs malignes et autres affections pulmonaires liées à l’exposition à l’amiante échappent encore bien souvent au diagnostic. De ce fait, de nombreux travailleurs de la construction qui auraient droit à des prestations n’en perçoivent aucune. A la fin des années quatre-vingt et au début des années quatre-vingt-dix, une vaste campagne de dépistage a été menée en Finlande chez les travailleurs exposés à l’amiante. Elle a révélé qu’un tiers seulement des travailleurs atteints d’affections liées à l’amiante qui avaient consulté des services de santé au travail avaient fait l’objet d’un diagnostic de leur maladie (Finnish Institute of Occupational Health, 1994).

Les besoins spécifiques des travailleurs migrants

Les travailleurs migrants éprouvent des difficultés particulières sur le plan psychologique et de l’insertion sociale, ce qui se traduit souvent par des risques d’accidents du travail plus élevés. Il faut également tenir compte des risques de maladies infectieuses comme la tuberculose, les maladies parasitaires et les affections liées au virus du sida. En outre, les maladies tropicales telles que le paludisme constituent une menace dans les régions où elles sont endémiques.

Les grands projets de construction font fréquemment appel à une main-d’œuvre étrangère. Un examen médical préalable à l’embauche devrait être effectué dans le pays d’origine. De même, la propagation des maladies contagieuses devrait être évitée par des programmes de vaccination appropriés. Les pays d’accueil devraient offrir une formation professionnelle, comprenant un enseignement en matière de sécurité et de santé, ainsi qu’un hébergement convenable. Tout comme les autres travailleurs, les travailleurs migrants devraient avoir accès aux soins et à la sécurité sociale (El Batawi, 1992).

En plus de la prévention des maladies propres à l’industrie du bâtiment et des travaux publics, le personnel de santé devrait s’efforcer de promouvoir des changements positifs du mode de vie aptes à contribuer à l’amélioration de la santé. La lutte contre l’alcoolisme et le tabagisme joue un rôle capital à cet égard. Il a été estimé qu’un travailleur qui fume coûte à son employeur 20 à 30% de plus qu’un travailleur qui ne fume pas. Les investissements consacrés aux campagnes antitabac sont très rentables non seulement à court terme (par la diminution des risques d’accidents et la réduction de la durée des arrêts de travail par suite de maladie), mais également à long terme (par une diminution des risques d’affections pulmonaires et cardio-vasculaires et de cancer). De plus, la fumée du tabac potentialise les effets néfastes des poussières, notamment des poussières d’amiante.

Les économies réalisées

Il est difficile de chiffrer les économies directes réalisées par une entreprise grâce aux services de santé au travail, surtout s’il s’agit d’une petite entreprise. Toutefois, les calculs des gains indirects montrent que la prévention des accidents et la promotion de la santé sont profitables. Des exemples de calcul du rapport coût/avantages des investissements consentis en faveur de programmes de prévention sont disponibles à l’usage des entreprises (pour un modèle généralisé en Scandinavie, voir Oxenburg, 1991.)

LA RÉGLEMENTATION EN MATIÈRE DE SÉCURITÉ ET DE SANTÉ: L’EXPÉRIENCE DES PAYS-BAS

Leen Akkers

La directive 92/57 de la Communauté économique européenne (CEE, 1992) constitue un exemple typique des règlements officiels émanant des autorités des Pays-Bas et de l’Union européenne. Leur objectif est d’améliorer les conditions et les capacités de travail et de réduire les taux d’absentéisme pour raisons de santé. Aux Pays-Bas, les règlements relatifs au secteur de la construction sont contenus dans la résolution Arbouw (chap. 2, paragr. 5).

Comme c’est souvent le cas, la législation semble avoir suivi l’évolution sociale qui s’est manifestée dès 1986; à cette date, les organisations d’employeurs et de travailleurs se sont regroupées pour créer la Fondation Arbouw en vue de fournir des services aux entreprises du bâtiment et des travaux publics. Si les nouveaux règlements ne posent guère de problème aux entreprises déjà engagées dans la mise en œuvre d’un programme de prévention, ils permettent, par contre, de combattre la concurrence déloyale que représentent les entreprises qui sont en retard dans ce domaine.

Les textes officiels

La législation et la réglementation nationales sont axées sur les mesures à prendre avant et pendant les travaux. Cette démarche s’est révélée la plus efficace à long terme.

La loi relative à la sécurité et à la santé stipule que, dans l’évaluation des risques, il faut tenir compte non seulement de ceux qui sont liés aux matériaux, aux produits, aux outils, aux matériels, etc., mais également de ceux qui sont propres à des groupes spécifiques de travailleurs (femmes enceintes, travailleurs jeunes ou âgés, travailleurs présentant des handicaps, etc.).

Les employeurs sont tenus de disposer d’inventaires et d’évaluations des risques solidement documentés, établis par des experts qualifiés qui peuvent être à leur service ou choisis à l’extérieur. Ces documents doivent comporter des recommandations visant à éliminer ou à limiter les risques et doivent également spécifier les phases des travaux pour lesquelles il conviendra de faire appel à des spécialistes qualifiés. Certaines entreprises de construction ont développé leur propre démarche d’évaluation, comme l’ABRIE, qui est devenue un modèle dans ce secteur d’activité.

La loi mentionnée précédemment oblige les employeurs à organiser des examens médicaux périodiques dont le but est d’identifier les problèmes de santé qui pourraient rendre quelques emplois particulièrement dangereux pour certains travailleurs en l’absence de précautions spécifiques. Cette disposition fait écho aux diverses conventions collectives du secteur du bâtiment et des travaux publics qui, depuis des années, font obligation aux employeurs de fournir à leur personnel l’accès à des services de santé au travail. La Fondation Arbouw a conclu un contrat à cet effet avec la Fédération des centres de sécurité et de soins de santé qui assure désormais ces services. Au fil des ans, des données abondantes et précieuses ont été recueillies, qui ont contribué, en particulier, à améliorer la qualité des inventaires et des évaluations de risques dont il a été question ci-dessus.

La politique face à l’absentéisme

La loi relative à la sécurité et à la santé oblige également les employeurs à définir une politique en matière d’absentéisme. Elle demande que des experts soient choisis pour suivre et conseiller les employés en arrêt de travail.

La responsabilité commune

De nombreux risques professionnels mettent en cause des choix erronés en matière d’organisation et de planification du travail dans la phase de lancement d’un projet. Pour prévenir ces erreurs, les employeurs, les travailleurs et le gouvernement ont conclu, en 1989, une convention relative aux conditions de travail, qui prévoit, entre autres, une coopération entre clients et entrepreneurs et entre entrepreneurs et sous-traitants. Cela s’est traduit par un code de conduite qui sert de modèle dans l’application de la directive européenne 92/57 (CCE, 1992).

Dans cette convention, la Fondation Arbouw fixait des limites d’exposition pour les substances dangereuses ainsi que des directives d’application dans différentes opérations de construction.

A l’initiative de la Fondation Arbouw, l’Union des travailleurs du bâtiment et du bois, l’Union des industries et l’Association minérale des laines, au Benelux, ont conclu un accord qui prévoit la mise au point de matériaux en laine de verre et en laine minérale produisant moins de poussières, la mise au point de méthodes de production de laine de verre et de laine minérale aussi sûres que possible, l’élaboration et la promotion de méthodes de travail permettant la mise en œuvre la plus sûre possible de ces produits et les recherches nécessaires pour déterminer les limites d’exposition correspondantes. Ainsi, la limite d’exposition aux fibres respirables a été fixée à 2/cm3, bien qu’une limite de 1/cm3 ait été considérée comme réalisable. Les organisations mentionnées plus haut ont aussi convenu de proscrire l’utilisation des matières présentant des risques pour la santé en utilisant comme critères les limites d’exposition définies par la Fondation Arbouw.

LES FACTEURS ORGANISATIONNELS ET LEURS INCIDENCES SUR LA SÉCURITÉ ET LA SANTÉ

Douglas J. McVittie

La diversité des projets et des activités

Bien des gens ignorent la diversité et le niveau de spécialisation des tâches exécutées dans le secteur du bâtiment et des travaux publics, bien qu’ils aient tous les jours l’occasion d’en voir un certain nombre. En plus des embouteillages provoqués par les travaux effectués sur les voies de circulation, on aperçoit souvent un bâtiment en construction et, de temps à autre, un édifice en cours de démolition. Ce que le public ne voit pas, la plupart du temps, c’est le grand nombre de tâches spécialisées exécutées dans le cadre d’un nouveau chantier de construction ou dans celui des réparations et des transformations apportées aux ouvrages construits dans le passé.

La liste de ces tâches est longue et variée, allant des travaux d’électricité, de plomberie, de chauffage, de ventilation, de peinture, de couverture, de revêtement de sols, etc. à des travaux hautement spécialisés comme le battage de pieux, les reprises en sous-œuvre, la mise en place de fers à béton, le montage de grues de grandes dimensions, l’application de revêtements ignifuges, etc.

L’importance des travaux de construction peut être mesurée, en partie tout au moins, par le coût total correspondant aux permis de construire délivrés au Canada en 1993 (voir tableau 93.4).

Tableau 93.4 Coût global des projets de construction au Canada en 1993 (basé
sur la totalité des permis de construire délivrés en 1993)

Type de projet

Montant
(en dollars canadiens)

% du total

Bâtiments d’habitation (maisons, appartements)

38 432 467 000

40,7

Bâtiments industriels (usines, installations minières)

2 594 152 000

2,8

Bâtiments commerciaux (bureaux, magasins, etc.)

11 146 469 000

11,8

Etablissements divers (écoles, hôpitaux)

6 205 352 000

6,6

Autres bâtiments (aéroports, gares routières, locaux agricoles, etc.)

2 936 757 000

3,1

Equipements portuaires (quais, dragage)

575 865 000

0,6

Routes et autoroutes

6 799 688 000

7,2

Réseaux d’adduction d’eau et d’assainissement

3 025 810 000

3,2

Barrages et irrigation

333 736 000

0,3

Electricité (thermique/nucléaire/hydraulique)

7 644 985 000

8,1

Voies ferrées, téléphone et télégraphe

3 069 782 000

3,2

Gaz naturel et pétrole (raffineries, oléoducs)

8 080 664 000

8,6

Autres ouvrages (ponts, tunnels, etc.)

3 565 534 000

3,8

Ensemble

94 411 261 000

100,0

Source: Statistique Canada, 1993.

Les aspects liés à la sécurité et à la santé au travail dépendent dans une grande mesure de la nature du projet. Chaque type de projet et chaque activité présentent des risques différents et appellent des solutions différentes. Souvent, la gravité et la portée des problèmes sont liées à la taille du projet.

Les rapports clients-entreprise

Les clients (c’est-à-dire les maîtres d’œuvre) sont les particuliers, les associations, les entreprises ou les pouvoirs publics pour le compte desquels les travaux sont effectués. La majeure partie des travaux de construction se font aux termes d’accords contractuels conclus entre clients et entrepreneurs. Un client peut choisir un entrepreneur en se basant sur une expérience précédente ou par l’intermédiaire d’un architecte ou d’un ingénieur. Il peut aussi décider de lancer un appel d’offres. Les méthodes utilisées et l’attitude du client lui-même en ce qui concerne la sécurité sur le chantier peuvent avoir une grande influence sur les performances d’ensemble.

Ainsi, si un client choisit de «présélectionner» un ou plusieurs entrepreneurs pour s’assurer qu’ils répondent à certains critères, ce procédé élimine les entrepreneurs inexpérimentés, ceux dont les performances n’ont pas été satisfaisantes et ceux qui ne disposent pas du personnel qualifié pour réaliser le type de projet envisagé. Si le respect des règles de sécurité n’a pas toujours été l’un des critères retenus ou appréciés par les clients, les choses ont maintenant changé ou sont en passe de changer, tout au moins pour les gros clients des entreprises de construction et pour les institutions gouvernementales qui ont recours à leurs services.

Certains clients attachent plus d’importance que d’autres à la sécurité. Dans quelques cas, ils craignent que les travaux n’endommagent des installations existantes, par exemple lorsqu’un entrepreneur intervient pour des opérations de maintenance ou pour agrandir ou transformer des locaux. A l’opposé, les compagnies de pétrochimie, notamment, insistent sur le fait que l’attitude de l’entrepreneur vis-à-vis de la sécurité est une condition préalable à la conclusion d’un contrat.

Les clients qui recourent à un appel d’offres pour obtenir le meilleur prix se retrouvent souvent avec des entreprises peu qualifiées pour effectuer les travaux ou qui feront n’importe quoi pour gagner du temps et réaliser des économies sur le plan des matériaux par exemple, compromettant ainsi les conditions de sécurité sur leur chantier.

Les rapports entre les entreprises

Les gens qui ne sont pas familiarisés avec les dispositions contractuelles qui sont de règle dans le secteur de la construction supposent qu’une entreprise se charge de la totalité ou du moins de la majeure partie des travaux, qu’il s’agisse d’un bâtiment ou d’un ouvrage plus important. Auparavant, chaque fois qu’il s’agissait d’un projet de haute visibilité, l’entrepreneur principal installait des pancartes et souvent des drapeaux de sa société pour signaler sa présence et donner l’impression que c’était «son chantier». Cette impression pouvait être plus ou moins exacte puisque certaines entreprises générales se chargeaient effectivement d’une partie importante du chantier grâce à la main-d’œuvre qu’elles louaient directement. Toutefois, depuis le milieu des années soixante-dix, la plupart, voire la quasi-totalité des entreprises générales, jouent surtout un rôle de direction de projet ou de chantier, la majeure partie des travaux spécialisés étant confiés à un réseau de sous-traitants dont chacun a été chargé d’exécuter une phase particulière du projet (voir tableau 93.5).

Tableau 93.5 Entreprises et sous-traitants sur les chantiers ordinaires de
construction de bâtiments industriels/commerciaux/institutionnels

Maître d’œuvre/entreprise générale

Peinture

Terrassement

Vitrerie

Coffrage

Maçonnerie

Ferraillage

Menuiserie/charpente

Construction et montage de charpentes métalliques

Pose de revêtements de sol
Chauffage, ventilation et climatisation

Installation électrique

Couverture

Plomberie, installations sanitaires

Aménagement des espaces extérieurs

Installation de cloisons sèches

 

Il en résulte que l’entreprise principale ou générale a souvent moins de personnel sur le chantier que n’importe lequel des nombreux sous-traitants. Dans certains cas, il peut même arriver que l’entreprise générale n’ait aucun employé directement engagé dans des activités de construction, mais se limite à gérer et à contrôler le travail des sous-traitants. Sur la plupart des grands chantiers des secteurs industriel, commercial et public, il existe plusieurs niveaux de sous-traitance. Le premier niveau passe un contrat avec l’entrepreneur général, mais chacun de ces sous-traitants peut à son tour confier à d’autres sous-traitants, généralement plus petits et plus spécialisés, le soin d’exécuter une partie de leur propre travail.

En matière de sécurité et de santé, les conséquences d’un tel réseau d’entreprises sont évidentes lorsqu’on établit une comparaison avec un lieu de travail fixe comme un atelier ou une fabrique. Dans un lieu de travail fixe, il n’existe le plus souvent qu’un seul directeur, l’exploitant. C’est à lui qu’incombe la responsabilité des lieux et du travail qui s’y effectue; les circuits de commandement et de communication sont simples et directs, et la même philosophie s’applique partout. Sur un chantier de construction, on compte parfois dix employeurs ou même davantage (l’entreprise générale et les sous-traitants habituels); les circuits de communication et de commandement ont tendance à être moins directs, plus complexes et souvent confus.

L’attention portée à la sécurité par la personne ou la société responsable peut évidemment influer sur les performances des autres dans ce domaine. Si l’entreprise générale attache une grande importance à la prévention, cela peut avoir un effet positif sur les attitudes et les résultats des sous-traitants. Mais l’inverse est également vrai.

L’application des mesures de sécurité est généralement plus difficile à assurer sur les chantiers où travaillent plusieurs employeurs. Il est parfois malaisé de déterminer lequel d’entre eux est responsable de tel secteur ou de telle mesure. Par ailleurs, lorsqu’il y a plusieurs sous-traitants, l’un d’eux peut introduire sur place du matériel ou des produits dangereux à l’insu de l’entrepreneur principal et des autres sous-traitants, exposant ainsi les travailleurs employés par ceux-ci à des risques qu’ils ignorent.

Une autre difficulté en ce qui concerne les relations d’entreprise à entreprise a trait à la procédure d’appel d’offres. Un sous-traitant qui fait une offre trop basse risque de compromettre la sécurité. Il est donc essentiel que l’entrepreneur principal exige des sous-traitants qu’ils respectent les prescriptions de sécurité et de santé et s’en assure, et qu’il ne se contente pas de leur déléguer des responsabilités qu’ils pourraient être tentés d’esquiver pour des raisons économiques. Il n’est pas rare que l’autorité compétente doive intervenir dans de telles situations pour remédier à des carences patentes.

Un autre problème a trait à la planification des travaux et à ses répercussions sur la sécurité. Quand plusieurs sous-traitants sont présents en même temps sur un chantier, leurs préoccupations sont souvent divergentes, chacun d’eux souhaitant que les tâches qui lui ont été confiées soient accomplies dans les meilleurs délais. Ces conflits d’intérêts doivent être résolus par l’entrepreneur principal ou le maître de l’ouvrage si l’on veut éviter des situations dangereuses. De tels conflits sont plus courants dans la construction que dans les autres branches d’activité, dans lesquelles les seuls intérêts divergents sont généralement ceux des services de production ou d’exploitation et ceux du service de maintenance.

Les rapports employeur-travailleurs

Sur les chantiers de construction, les employeurs peuvent entretenir avec leurs employés des relations quelque peu différentes de celles qui sont de règle sur les lieux de travail fixes. Ainsi, les travailleurs syndiqués d’une usine appartiennent généralement à un seul syndicat; lorsque l’employeur a besoin de main-d’œuvre supplémentaire, il reçoit et embauche de nouveaux travailleurs qui deviennent membres du même syndicat. Lorsque des travailleurs syndiqués sont temporairement licenciés puis réembauchés, il est tenu compte de leur ancienneté.

La situation est bien différente pour les travailleurs de la construction, même s’ils font partie d’un syndicat. Les entrepreneurs appartiennent à des associations professionnelles collectives avec les syndicats intéressés. La majeure partie des employés non salariés embauchés directement trouvent du travail par l’intermédiaire de leur syndicat. Ainsi, lorsqu’un entrepreneur doit recruter cinq charpentiers pour un chantier, il contacte le syndicat local de ce corps de métier et lui fait part de ses besoins. Le syndicat demande aux cinq membres figurant en tête de sa liste d’attente de se mettre en rapport avec l’entreprise. Aux termes de la convention collective, l’entrepreneur peut embaucher certains de ces travailleurs ou, s’il ne s’en trouve aucun disponible, il peut engager temporairement des travailleurs qui rejoindront le syndicat; celui-ci peut aussi faire venir de l’extérieur des travailleurs qualifiés pour répondre à la demande.

Il n’est pas rare que des travailleurs soient employés par plusieurs employeurs différents au cours d’une même année. La durée de leurs engagements successifs dépend de la nature du projet et du volume de travail à effectuer. Pour les diverses raisons exposées plus haut, les employeurs de la construction doivent faire face à un travail administratif sensiblement plus lourd que celui qui incombe à leurs homologues de la plupart des autres branches d’activité (permis de travail, assurance chômage, cotisations syndicales, caisses de pension, réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles, etc.).

Dans la construction, l’employeur attend de ses salariés, lorsqu’ils arrivent sur ses chantiers, qu’ils soient déjà en possession de certaines qualifications et d’un minimum d’expérience professionnelle. Presque partout ailleurs, cette formation s’obtient en suivant un apprentissage. Si un entrepreneur a besoin de cinq charpentiers sur un chantier, il compte qu’ils seront qualifiés et qu’ils se présenteront le jour qu’il aura fixé. Si la réglementation de sécurité exige une formation spéciale pour l’exercice d’une activité donnée, l’employeur doit pouvoir faire appel à des personnes ayant déjà acquis cette formation. Au Canada, dans la province de l’Ontario, le programme d’accréditation des travailleurs (Certified Worker Programme) imposé aux grands chantiers de construction exige la mise sur pied de comités mixtes dont les membres travailleurs ont dû suivre un programme de formation ad hoc.

En raison de l’importance croissante de la spécialisation ou, du moins, du niveau de qualification, les programmes de formation organisés avec la collaboration des associations professionnelles du bâtiment et des travaux publics seront probablement de plus en plus nombreux et variés.

Les relations intersyndicales

La structure de la main-d’œuvre organisée reflète la façon dont les entreprises elles-mêmes se sont spécialisées. Tout chantier de construction d’une certaine importance rassemble à chaque instant plusieurs corps de métier et pose de ce fait simultanément des problèmes de même nature à plusieurs entrepreneurs. Leurs intérêts pourront être divergents; par ailleurs, les systèmes hiérarchiques sont dissemblables et les circuits de communication plus flous que ceux mis en place dans une usine, par exemple, où l’on a affaire à un seul employeur et à un seul syndicat. Cette situation n’est pas sans conséquence sur la sécurité et la santé. En effet, qui parmi les travailleurs sera habilité à agir en tant que délégué à la sécurité et à la santé pour un projet donné si le règlement le prévoit? A quel syndicat devra-t-il appartenir? Qui sera formé, à quoi et par qui?

En matière de réinsertion professionnelle de travailleurs ayant été victimes d’un accident, les possibilités offertes aux travailleurs de la construction sont beaucoup plus limitées que celles de leurs homologues des autres secteurs d’activité. Dans un établissement industriel, ces travailleurs peuvent occuper, à leur guérison, un autre emploi sur place sans avoir à franchir les obstacles juridiques dressés entre un syndicat et un autre, puisqu’il n’existe le plus souvent qu’un seul syndicat. Dans la construction, chaque corps de métier possède une réglementation relativement bien définie en ce qui concerne les types de travaux pouvant être exécutés par ses membres. Cette rigidité empêche très souvent un travailleur incapable de reprendre le métier qu’il exerçait à la suite d’un accident ou d’une maladie de trouver un autre poste de travail compatible.

De temps à autre, des litiges surviennent à propos de la désignation du syndicat professionnel qui devra se charger de certains types de travaux comportant des aspects liés à la sécurité et à la santé. A titre d’exemple, on peut citer la construction d’échafaudages, la conduite de camions-grues, le déflocage de l’amiante et certaines opérations de montage et de levage. Les pratiques en la matière doivent tenir compte des dispositions légales concernant la formation et la reconnaissance des qualifications.

La nature dynamique de l’industrie de la construction

Les chantiers de construction sont, à de nombreux égards, très différents des lieux de travail stationnaires. Ils sont en constante évolution. A la différence d’une usine, qui fonctionne à demeure jour après jour, avec les mêmes installations et le même matériel, le même personnel, les mêmes procédés de fabrication et généralement les mêmes conditions de travail, les chantiers de construction subissent d’incessantes transformations: des échafaudages sont montés puis démontés, des murs sont édifiés, différents corps de métier se succèdent, les matériaux et les matériels changent, la marche des chantiers est affectée par les intempéries, etc.

La fermeture d’un chantier signifie le transfert des cadres et de la main-d’œuvre vers d’autres chantiers, ce qui illustre bien la nature dynamique de cette industrie. Certaines entreprises sont actives simultanément dans plusieurs villes, plusieurs régions, plusieurs pays, voire plusieurs continents en même temps. Une partie de leur personnel est donc amenée à se déplacer fréquemment, ce qui n’est pas sans exercer une influence sur les conditions de sécurité et de santé, de même que sur la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles, l’évaluation des performances et la formation.

L’INTÉGRATION DE LA PRÉVENTION AU MANAGEMENT DE LA QUALITÉ

Rudolf Scholbeck

La promotion de la sécurité et de la santé au travail

Les entreprises de la construction adoptent de plus en plus les systèmes de management de la qualité préconisés par l’Organisation internationale de normalisation (ISO), comme la série des normes ISO 9000 (ISO, 1993-1997) et les lignes directrices élaborées sur la base de ces normes. Bien que celles-ci ne contiennent pas de recommandation en matière de sécurité et de santé au travail, il existe de bonnes raisons d’inclure des mesures préventives dans la mise en œuvre d’un système de management tel que celui défini par les normes ISO 9000.

Les règlements de sécurité et de santé au travail sont élaborés, appliqués et adaptés en permanence en fonction des progrès accomplis dans le domaine technologique et des avancées réalisées en sécurité, en santé et en médecine du travail. Trop souvent, pourtant, ils ne sont pas respectés, de manière délibérée ou simplement par ignorance. Dans ce cas, des modèles de management de la sécurité inspirés de la série des normes ISO 9000 permettent d’intégrer au management la structure et le contenu des mesures de prévention. Les avantages d’une approche globale sont évidents.

Dans un management intégré, un règlement de sécurité et de santé au travail n’est plus envisagé de façon isolée, mais s’inscrit dans les sections correspondantes d’un manuel de management de la qualité et dans les instructions relatives aux méthodes de travail; on dispose ainsi d’un programme parfaitement intégré. Cette approche globale est de nature à intensifier au quotidien l’attention portée à la prévention et à réduire le nombre des accidents et des maladies imputables au travail. L’intégration des mesures de sécurité et de santé au processus opérationnel est d’une importance capitale.

Les nouvelles méthodes de management visent à impliquer le personnel de manière plus active et plus directe. Elles ont pour objet de promouvoir l’information, la communication et la collaboration au-delà des barrières hiérarchiques. La réduction de l’absentéisme pour cause de maladie ou d’accident du travail a pour effet d’améliorer l’application des principes de gestion de la qualité dans le secteur.

Avec le développement de nouvelles méthodes et de nouveaux matériels et matériaux de construction, les exigences en matière de sécurité ne cessent d’augmenter. Les préoccupations croissantes liées à la protection de l’environnement viennent encore compliquer la situation. Il est difficile de répondre aux impératifs d’une prévention moderne en l’absence de règlements appropriés et d’une articulation plus étroite des justes besoins de l’industrie et des exigences légitimes de la protection des travailleurs. Une attribution claire des responsabilités et une coordination efficace des programmes de prévention devraient faire partie intégrante du système de management de la qualité.

L’amélioration de la compétitivité

L’existence d’un système de management de la sécurité du travail est une condition de plus en plus souvent requise lorsqu’une entreprise soumet une offre; l’efficacité de ce système — c’est-à-dire la qualité des résultats obtenus par l’entreprise dans le domaine de la prévention — peut même devenir l’un des critères d’attribution d’un marché.

La pression liée à la concurrence internationale se fera sans doute plus vive encore dans les années à venir. Il semble donc prudent d’intégrer dès maintenant la sécurité dans le système de management de la qualité, plutôt que d’y être contraint au dernier moment et de devoir consacrer à la prévention un budget sensiblement plus élevé. Un système de management intégré de la prévention et de la qualité devrait permettre de limiter non seulement les coûts directs et indirects des accidents du travail et des maladies professionnelles, mais également ceux liés à la responsabilité des entrepreneurs à l’égard des ouvrages qu’ils construisent.

Le management de l’entreprise

La direction de l’entreprise devrait intégrer les mesures de sécurité et de santé au travail dans son système de management. La portée et le calendrier de ces mesures devraient être définis et inclus dans la déclaration de politique générale de l’entreprise, et les ressources nécessaires en personnel et en moyens devraient être mises à disposition pour réaliser les objectifs fixés. Les entreprises de construction d’une certaine importance possèdent généralement un personnel spécialement chargé de la prévention. Dans les autres, c’est l’employeur qui doit assumer cette responsabilité.

L’évaluation des résultats

L’évaluation des résultats obtenus dans le domaine de la sécurité et de la santé au travail constitue la seconde phase de l’intégration des mesures préventives et du management de la qualité.

Il convient de recueillir toutes les données utiles (date, type, fréquence, causes et coût des accidents et des maladies liés au travail) et de les communiquer à toutes les personnes qui, dans l’entreprise, ont des responsabilités dans ce domaine. L’analyse de ces données permettra à l’entreprise de fixer les priorités indispensables et de modifier les méthodes de travail et les consignes de sécurité en cas de besoin.

Lors du choix des matériaux, des matériels et des méthodes de travail, il faudra se demander s’il en existe de plus sûrs. Avant le début des travaux, il conviendra de déterminer les responsabilités de chacun aux différentes étapes de la réalisation du projet. Les dispositions relatives aux qualifications du personnel et aux éventuels besoins en matière de formation devraient être prises suffisamment à l’avance.

Les responsabilités et les pouvoirs du personnel chargé de la sécurité donneront lieu à une déclaration écrite qui fera partie des descriptions de tâches sur le site. Le personnel chargé de la sécurité dans l’entreprise devrait figurer dans l’organigramme de celle-ci.

Un exemple en provenance d’Allemagne

Quatre méthodes permettant d’intégrer la sécurité et la santé au travail dans le système de management de la qualité et des combinaisons de ces méthodes ont été mises en œuvre en Allemagne:

  1. Elaboration d’un manuel de management de la qualité et d’un manuel séparé de management de la sécurité; chacun de ces manuels définit ses propres procédures. Dans des cas extrêmes, cela peut aboutir, sur le plan organisationnel, à des solutions inefficaces qui demandent deux fois plus d’efforts et ne permettent pas, en pratique, d’obtenir les résultats souhaités.
  2. Un chapitre est ajouté au manuel de management de la qualité, sous le titre «Sécurité et santé au travail». Il regroupe tout ce qui concerne ces questions. Cette méthode a été retenue par certaines entreprises de construction. Le fait que la sécurité et la santé fassent l’objet d’un chapitre distinct peut souligner l’importance de la prévention, mais celle-ci risquera d’être prise pour une quantité négligeable. On pourra considérer qu’il s’agit là davantage d’une déclaration d’intention que d’un véritable engagement de la part de la direction.
  3. Tous les aspects de la sécurité et de la santé au travail sont directement intégrés au système de management de la qualité. Cette méthode est celle qui traduit le plus fidèlement le concept d’intégration de la prévention et du management de la qualité. La structure souple des modèles proposés de la norme allemande DIN EN ISO 9001-9003 (ISO 1994a, 1994b, 1994c) permet cette intégration.
  4. L’Association mutuelle professionnelle d’assurance contre les accidents dans les travaux souterrains (Tiefbau-Berufsgenossenschaft) s’est prononcée en faveur d’une intégration modulaire, concept qui sera développé ci-après.

L’intégration au management de la qualité

Après avoir évalué la situation et, au plus tard à ce moment-là, les responsables du projet de construction devraient prendre contact avec les personnes chargées du management de la qualité pour décider d’un commun accord des moyens permettant l’intégration effective des mesures de sécurité et du système de management. Les études préparatoires devraient permettre de définir des priorités communes.

Les exigences en matière de prévention qui se dégagent de l’évaluation seront tout d’abord classées en deux groupes: celles que l’on peut retenir en fonction des activités spécifiques de l’entreprise, et celles qu’il convient d’envisager séparément parce qu’elles sont plus générales, plus vastes ou tellement particulières qu’elles appellent une étude séparée. Une question peut se poser dans cet exercice de classification: quelle partie du manuel un lecteur intéressé (un «client» ou un travailleur, par exemple) va-t-il consulter pour trouver une déclaration visant la politique de prévention? Sera-ce un chapitre consacré à l’activité de l’entreprise considérée, ou une section spéciale portant sur la sécurité et la santé au travail? Il semble qu’en règle générale il y aurait lieu de faire figurer les précautions à observer dans le transport de matières dangereuses dans une section consacrée à la manutention, au stockage, au conditionnement et à l’expédition.

La coordination et la mise en œuvre

Une fois effectué ce classement formel des exigences en matière de prévention, un effort particulier devrait être fait sur le plan de la langue, ce qui suppose, d’une part, la rédaction d’un texte facilement compréhensible pour les personnes possédant le niveau d’instruction qui est habituellement celui des travailleurs de la construction et, d’autre part, sa traduction si nécessaire en d’autres langues. Une fois mis au point, les manuels devraient être approuvés par la direction générale de l’entreprise. Après que cette approbation aura été obtenue, il sera utile d’expliquer au personnel, par le canal de bulletins, de mémos ou d’autres supports disponibles dans l’entreprise, l’importance des nouvelles directives ou les modifications apportées aux précédentes et, surtout, de promouvoir leur application.

Les audits généraux

Afin d’évaluer l’efficacité des directives adoptées, un questionnaire approprié pourra être établi et inclus dans les audits généraux. Ainsi, la cohérence entre les opérations et les considérations de sécurité ne pourra échapper au travailleur. L’expérience a montré que les travailleurs peuvent être surpris au premier abord lorsqu’une équipe chargée d’un audit sur le chantier leur pose des questions de routine sur la prévention, mais qu’ils prêtent par la suite davantage d’attention aux questions de sécurité lorsque celles-ci sont intégrées au programme de management de la qualité.

LES RISQUES PROPRES AUX PRINCIPAUX SECTEURS

LES PRINCIPAUX SECTEURS DE LA CONSTRUCTION

Jeffrey Hinksman

L’expression «industrie du bâtiment et des travaux publics» est utilisée dans le monde entier pour regrouper un grand nombre d’activités et d’entreprises très différentes, mais qui peuvent temporairement travailler à la réalisation d’un même édifice ou d’un même ouvrage. On utilise aussi souvent le terme «industrie de la construction». Ces activités vont de l’intervention d’un travailleur isolé exécutant une tâche qui ne prend que quelques minutes (par exemple, remplacer une tuile sur un toit) aux imposants moyens engagés sur les grands chantiers, dont certains peuvent durer plusieurs années et faire appel à de nombreuses entreprises dont chacune a des compétences, un personnel, des installations et des matériels qui lui sont propres. Pourtant, malgré l’extrême variété d’échelle et de complexité des opérations, les principaux secteurs de la construction ont beaucoup de choses en commun. Il y a toujours un client (parfois appelé le propriétaire ou le maître d’œuvre) et une entreprise. A l’exception des travaux de peu d’importance, on trouve un ou plusieurs concepteurs, architectes ou ingénieurs et, si le projet nécessite de recourir à des entreprises spécialisées, des entrepreneurs travaillant en sous-traitance pour l’entreprise générale ou principale (voir aussi l’article «Les facteurs organisationnels et leurs incidences sur la sécurité et la santé» dans le présent chapitre). Si des logements ou des bâtiments agricoles de petite taille sont parfois construits sur la simple base d’une convention informelle passée entre le client et l’entreprise, la majeure partie des travaux de construction sont effectués sur la base d’un contrat formel entre les deux parties qui mentionnera de manière détaillée la nature et la portée des travaux que l’entreprise est censée effectuer, la date de leur achèvement et leur coût. D’autres éléments pourront également être inclus.

Les deux grandes catégories de travaux de construction intéressent soit le bâtiment, soit les travaux publics. Le terme «bâtiment» s’applique à la construction des maisons individuelles, des immeubles d’habitation ou à usage de bureaux, des magasins, des usines, des entrepôts, des écoles, des hôpitaux, des autres lieux publics, etc., bref, de toutes ces structures que l’on appelle dans le langage de tous les jours des «bâtiments». L’expression «travaux publics» s’applique à tous les ouvrages de génie civil: routes, tunnels, galeries, ponts, voies ferrées, aéroports, barrages, canaux, installations portuaires, etc. Certains ouvrages pourraient être rangés dans l’une ou l’autre catégorie. Ainsi, un aéroport associe des bâtiments (les terminaux), des pistes et tarmacs; une gare maritime peut comprendre des bâtiments, des entrepôts et des ouvrages portuaires (jetées, appontements, écluses, etc.).

Quel que soit le type d’ouvrage, le bâtiment et les travaux publics ont en commun bien des opérations, même si de notables différences peuvent exister au niveau de l’échelle des ouvrages, des moyens mis en œuvre, de la durée des travaux, du coût, etc.

Les petites entreprises et les travailleurs indépendants

Les choses diffèrent d’un pays à l’autre, mais le bâtiment regroupe le plus souvent de petites entreprises. Dans maints pays, 70 à 80% des entrepreneurs emploient moins de 20 travailleurs. Cela tient au fait que de nombreux entrepreneurs se lancent tout d’abord dans la profession comme artisans, travaillant parfois seuls sur de petits chantiers. Lorsque leurs affaires prospèrent, ils font appel à quelques travailleurs. Dans le bâtiment, la charge de travail est rarement régulière ou prévisible; certains chantiers se terminent, d’autres démarrent, pas nécessairement au même moment. Il faut être en mesure de déplacer des travailleurs ou des équipes de travailleurs de diverses qualifications d’un chantier à l’autre suivant les besoins; les petits entrepreneurs en ont la possibilité.

A côté de cette catégorie, il existe dans le bâtiment une forte population de travailleurs indépendants travaillant à leur compte, comme dans l’agriculture. Ce sont des artisans tels que les maçons, les charpentiers, les peintres, les électriciens, les plombiers, les carreleurs, etc. Ils peuvent travailler seuls sur de petits chantiers ou s’insérer dans une équipe sur des chantiers plus importants. A la fin des années quatre-vingt, période qui a vu une très forte expansion de la construction, le nombre des travailleurs se déclarant indépendants a augmenté, en partie en raison des incitations fiscales accordées à cette catégorie de personnes et de l’utilisation par les entrepreneurs de ces prétendus travailleurs indépendants moins bien payés que leurs salariés. Les charges sociales étaient moins élevées pour les indépendants, l’entrepreneur n’avait pas à assurer leur formation et il lui était plus facile de s’en défaire à la fin du chantier.

La présence dans le secteur du bâtiment d’un aussi grand nombre de petits entrepreneurs et de travailleurs indépendants a plutôt nui à un management efficace de la sécurité. Avec une main-d’œuvre aussi fluctuante, il est évidemment difficile de dispenser une formation de qualité. Une analyse des accidents mortels survenus au Royaume-Uni pendant une période de trois ans dans le bâtiment a montré que, dans près de la moitié des cas, les victimes se trouvaient sur le chantier depuis moins d’une semaine. Les premiers jours passés sur un chantier sont particulièrement dangereux pour les travailleurs; quelle que soit leur expérience professionnelle, chaque chantier est unique.

Les secteurs public et privé

Les entreprises peuvent faire partie soit du secteur public (c’est le cas, par exemple, des départements de travaux publics d’une municipalité ou d’une région), soit du secteur privé. Traditionnellement, une partie importante des travaux d’entretien était effectuée par des services (notamment pour les écoles, les hôpitaux et les routes). Plus récemment, la tendance a été d’encourager la concurrence afin de réduire le coût des travaux. Cela a entraîné une diminution de la taille des services publics, parfois même leur disparition complète, et l’obligation de procéder par appels d’offres. Des marchés qui étaient autrefois l’apanage des services publics reviennent maintenant à des entrepreneurs du secteur privé, assortis de strictes conditions d’attribution des contrats. Placés devant la nécessité de baisser les prix, les entrepreneurs tendent à réduire leurs frais généraux, notamment ceux liés à la sécurité et à la formation.

Cette distinction entre secteur public et secteur privé s’applique parfois également aux clients. L’administration centrale et les collectivités locales (ainsi que les entreprises de transport public et les services publics s’ils sont placés sous l’autorité de l’administration centrale ou régionale) sont clientes de l’industrie du bâtiment. En tant que telles, elles pourraient être considérées comme faisant partie du secteur public. Les transports publics et les services publics gérés par des compagnies semi-publiques ou privées peuvent être considérés comme faisant partie du secteur privé. Le fait qu’une entreprise cliente appartienne au secteur public favorise parfois l’intégration de certains aspects de sécurité ou de formation dans le coût des travaux. A l’heure actuelle, les entreprises du secteur public et celles du secteur privé ont toutes les mêmes obligations en matière de soumissions.

Le travail hors des frontières nationales

Un facteur de plus en plus important dans les marchés du secteur public est que les appels d’offres se font maintenant à l’échelle internationale. Dans l’Union européenne, par exemple, les grands projets (ceux dont le coût dépasse un montant stipulé dans les directives) doivent faire l’objet d’une publicité dans toute l’Union, afin que les entrepreneurs des différents pays puissent soumissionner. Cette disposition a pour effet d’encourager les entrepreneurs à travailler hors des frontières nationales. Ils sont, dans ce cas, tenus de respecter la législation locale en matière de sécurité et de santé. L’un des objectifs de l’Union européenne est d’harmoniser les normes de sécurité et de santé au travail et leur application dans tous les Etats membres. Les grandes entreprises qui travaillent dans différentes parties du monde doivent donc être familiarisées avec les normes des pays dans lesquels elles opèrent.

Les concepteurs (projeteurs)

Dans le bâtiment, le concepteur est généralement un architecte, même si pour les logements de peu d’importance les entreprises se chargent elles-mêmes de la conception si besoin est. Si un bâtiment est grand et complexe, des architectes pourront s’occuper du plan d’ensemble, des ingénieurs civils du calcul des éléments structurels et des ingénieurs spécialisés de la conception des équipements (installations électriques, ascenseurs, ventilation, chauffage, etc.). Les spécialistes s’assurent que les installations et les équipements qui sont de leur ressort sont bien conçus pour fonctionner dans le respect des normes, une fois intégrés à la structure générale prévue par l’architecte.

Dans les travaux publics, la conception dépend en général d’un ou de plusieurs ingénieurs civils. Dans les grands chantiers, où l’aspect esthétique joue un rôle important, un architecte pourra être adjoint à l’équipe de conception. Dans les autres projets de génie civil, les études seront confiées à des ingénieurs civils pouvant appartenir à plusieurs spécialités (charpente métallique, béton armé, hydraulique, etc.).

Le rôle des promoteurs est de chercher à exploiter un terrain ou un bâtiment existant et d’en tirer profit. Certains promoteurs se bornent à revendre le terrain ou le bâtiment après y avoir apporté des améliorations; d’autres les conservent pour en tirer des loyers plus élevés qu’avant leur mise en valeur.

Le talent du promoteur est de découvrir des sites, des terrains vagues ou des bâtiments sous-utilisés ou vétustes auxquels des travaux bien conçus et bien conduits pourront apporter une plus-value intéressante. Le promoteur finance parfois lui-même ces travaux mais, le plus souvent, il devra s’appliquer à trouver d’autres sources de financement. Les promoteurs ne constituent pas un phénomène nouveau; le développement des villes au cours des 200 dernières années leur doit beaucoup. Ils peuvent être parfois eux-mêmes clients de l’industrie du bâtiment, mais jouent le plus souvent le rôle d’agents pour les parties qui assurent le financement.

Les types de contrats

Dans un contrat de type classique, le client demande à un con-cepteur d’établir des plans et des spécifications. Il invite ensuite des entrepreneurs à faire une offre pour l’exécution des travaux. Leur rôle se limite pour l’essentiel à la construction de l’édifice ou de l’ouvrage envisagé, même s’il leur arrive souvent de suggérer des modifications susceptibles de faciliter les travaux, en un mot d’améliorer la «constructibilité».

Un autre type de contrat courant englobe conception et réalisation. Le client veut un bâtiment, mais n’a pas d’idées précises sur les détails de sa conception (hormis la taille, le nombre de personnes qui l’utiliseront ou l’échelle des activités qui y seront menées). Le client lance dans ce cas un appel d’offres auprès de concepteurs ou d’entrepreneurs qui lui soumettront des projets et des devis. De nombreuses entreprises disposent de leurs propres bureaux d’études ou collaborent avec des concepteurs extérieurs. Les études comportent souvent deux phases: une phase initiale, dans laquelle un concepteur établit un projet d’ensemble qui fera ensuite l’objet d’un appel d’offres, et une seconde phase, dans laquelle l’entreprise choisie préparera des plans d’exécution plus détaillés.

Les contrats d’entretien ou d’intervention passés entre les clients et les entreprises représentent une partie non négligeable des travaux effectués dans l’industrie de la construction. Ils ont généralement une durée fixe et obligent les entreprises à effectuer périodiquement des travaux convenus d’avance ou à travailler «au coup par coup», c’est-à-dire à intervenir à la demande du client. Les contrats de ce type sont souvent établis à l’initiative des pouvoirs publics qui ont la responsabilité du bon fonctionnement de services qui doivent fonctionner en continu. Les exploitants d’établissements industriels, notamment ceux qui travaillent sans interruption, ont recours eux aussi à ce type de contrats. L’entreprise extérieure doit intervenir très rapidement en mettant à disposition le personnel et le matériel requis. L’avantage pour le client est qu’il n’a pas besoin d’avoir à demeure un personnel d’intervention qualifié et d’acquérir l’équipement spécialisé qui est souvent nécessaire dans les interventions de ce genre.

Les tarifs stipulés dans ces contrats peuvent être soit forfaitaires (sur une base annuelle), soit calculés en fonction du temps passé (travaux en régie), soit encore basés sur une formule mixte.

Les exemples les plus courants sont sans doute les contrats d’entretien des routes et ceux de réparation en urgence des réseaux de distribution d’eau, de gaz ou d’électricité qui sont tombés en panne ou ont été endommagés pour des causes diverses.

Quel que soit le type de contrat, le client et le concepteur ont la possibilité d’influer sur la politique de sécurité et de santé des entreprises par des dispositions arrêtées avant la conclusion des contrats d’exécution des travaux.

Le prix

Le prix ou les prix figurent toujours dans un contrat. Il peut s’agir soit du coût global des travaux, soit de séries de prix afférents à des travaux spécifiques. Même dans ce cas, le client peut avoir à payer une partie du prix avant le début des travaux, pour per-mettre à l’entreprise d’acheter des matériaux. Le prix peut aussi être assorti de primes d’avance et de pénalités de retard, par exemple l’entrepreneur étant payé davantage si le travail est achevé avant la date convenue. Quelles que soient les modalités retenues pour les paiements, ceux-ci sont généralement échelonnés au fur et à mesure de l’avancement des travaux, en fonction de critères agréés d’avance. Une fois l’ouvrage achevé, il est d’usage que le client retienne un pourcentage convenu du montant total jusqu’à ce que l’entreprise ait remédié aux éventuelles difficultés rencontrées ou que l’ouvrage ait été mis en service sans problème.

Au cours des travaux, l’entreprise peut se trouver confrontée à des obstacles qui n’avaient pas été prévus au moment de la signature du contrat. Dans ce cas, elle peut être appelée à modifier les méthodes de travail choisies. Généralement, ces modifications entraîneront des surcoûts par rapport aux devis; l’entreprise cherchera alors à les répercuter sur le client, du fait que ces tâches n’avaient pas été prévues dans le contrat.

Les prix stipulés dans les contrats peuvent affecter la sécurité et la santé si l’offre faite par l’entrepreneur ne tient pas suffisamment compte des dépenses exigées par les mesures de prévention à mettre en place sur le chantier. La situation se complique encore lorsque, pour tenter d’obtenir des entrepreneurs un bon rapport qualité-prix, les clients jouent la carte de la concurrence. Lorsqu’on cherche à rogner les coûts, les clients ignorent souvent qu’en retenant l’offre la plus basse, ils sanctionnent le choix de matériaux ou de méthodes de travail qui risquent fort d’exposer les travailleurs à des risques non négligeables. En cas d’appel d’offres pour des ouvrages importants, les entreprises soumissionnaires sont généralement invitées à déclarer que leur offre prend en compte le coût des mesures de sécurité et de santé indispensables.

Tout comme les clients, les promoteurs ont, eux aussi, leur rôle à jouer dans la lutte contre les risques professionnels dans la construction. Ils devraient faire appel à des entrepreneurs compétents et à des architectes qui tiennent compte des impératifs de la sécurité dans leurs projets et ne pas choisir systématiquement l’offre la plus basse. Les promoteurs tiennent à être associés à des opérations couronnées de succès, et l’un des critères de ce succès sera l’absence de problèmes majeurs de sécurité et de santé tout au long des travaux.

Les normes de construction et la réglementation en matière d’aménagement du territoire

Dans le cas de bâtiments — qu’il s’agisse de logements, de locaux commerciaux ou industriels —, les chantiers sont soumis à une réglementation en matière d’aménagement du territoire précisant à quels endroits certains types d’ouvrages peuvent être implantés; une usine, par exemple, ne peut être construite en zone résidentielle. Cette réglementation est souvent très précise en ce qui concerne l’apparence extérieure, la taille des bâtiments, les matériaux, etc.

Il existe parfois aussi des règlements ou des normes qui spécifient, par exemple, l’épaisseur des murs, la profondeur des fondations, les caractéristiques d’isolation, les dimensions des fenêtres, les schémas des circuits électriques, de mise à la terre et des réseaux de canalisations. Ces dispositions doivent être respectées par les clients, les concepteurs et les entrepreneurs. Elles limitent évidemment leurs choix, mais garantissent que les bâtiments et les ouvrages seront construits selon des normes jugées acceptables. La réglementation en matière de construction et d’aménagement du territoire influe par conséquent sur la conception et le coût des ouvrages.

Les bâtiments construits en préfabriqué

Les usines qui fabriquent des éléments préfabriqués pour les besoins de l’industrie de la construction utilisent des techniques de production en série semblables à celles des industries de fabrication pour produire des parties de bâtiment. Généralement, le terme «préfabriqué» s’applique à des éléments modulaires en béton que l’on assemble sur place, mais il peut s’agir aussi de matériaux composites. La construction en préfabriqué a connu un grand essor après la seconde guerre mondiale, alors qu’il fallait répondre rapidement à une très forte demande de logements bon marché; elle est surtout utilisée pour des logements sociaux. Il est possible de fabriquer en série en usine des éléments moulés normalisés de grandes dimensions, ce qui serait pratiquement impossible sur un chantier ordinaire.

La structure des éléments préfabriqués doit être suffisamment résistante pour qu’ils puissent être transportés et déplacés par des moyens mécaniques. Ils comportent des dispositifs d’accrochage (crochets, anneaux) permettant de les soulever et de les déplacer ainsi que, le cas échéant, des moyens permettant de les assembler facilement et solidement. Leur manutention exige un matériel approprié. Une fois livrés sur le chantier, ils devraient être entreposés de manière à éviter qu’ils ne soient endommagés.

Des techniques identiques sont utilisées pour produire des éléments en béton (armé ou non) pour les ouvrages de génie civil (dalles des autoroutes surélevées, parois de revêtement des tunnels, etc.).

Les projets clés en main

Lorsqu’il s’agit d’établissements industriels ou commerciaux comprenant des installations importantes et complexes, le client souhaite parfois prendre possession de bâtiments prêts à fonctionner dès le premier jour. Les laboratoires sont quelquefois construits et équipés de cette manière. C’est ce que l’on appelle un projet «clés en main»; dans ce cas, l’entrepreneur doit s’assurer que l’ouvrage et les installations qu’il contient sont entièrement opérationnels avant la livraison.

Le génie civil et les grands travaux publics

Les routes

Les chantiers routiers sont les plus connus du grand public. Ils sont ouverts pour la construction de nouvelles routes mais, le plus souvent, pour la réparation ou l’élargissement d’artères existantes. Ces travaux sont généralement effectués pour le compte d’administrations publiques, parfois aussi de sociétés privées (dans le cas des autoroutes, par exemple). S’il s’agit d’ouvrages de génie civil financés par l’Etat, leur étude et leur construction sont étroitement supervisées par des fonctionnaires.

La construction des routes, comme d’ailleurs celle des voies ferrées, peut exiger d’importants travaux de terrassement; on s’efforce d’équilibrer le volume des déblais et celui des remblais afin de limiter les coûts. Ces travaux nécessitent l’emploi d’engins lourds et puissants: pelles mécaniques, niveleuses, bouteurs, décapeuses, chargeuses, machines d’épandage, compacteurs, etc.

Pendant les travaux d’entretien ou de transformation d’un tronçon routier, celui-ci reste généralement ouvert au trafic, ce qui crée des risques aussi bien pour le personnel de l’entreprise chargée des travaux que pour les véhicules qui empruntent le tronçon en chantier. La planification et la surveillance jouent ici un rôle important. Le contrôle du trafic routier à l’approche du chantier et sur celui-ci est généralement confié à la police locale, mais il demande une collaboration étroite avec l’entreprise. Les travaux d’entretien créent une gêne évidente, occasionnent des risques et provoquent des embouteillages. Il est donc impératif qu’ils soient achevés le plus rapidement possible, raison pour laquelle des primes sont parfois accordées aux entreprises qui travaillent plus vite que prévu, et des pénalités de retard infligées à celles excédant les délais contractuels. Les incitations financières ne devraient pas compromettre la sécurité des travailleurs ni celle des usagers.

Le revêtement des routes peut être en pierre, en bitume ou en béton. Une bonne logistique devrait assurer que les quantités nécessaires de matériaux de revêtement se trouvent sur place au moment voulu pour éviter les interruptions dans les travaux.

Pour creuser des tranchées et des tunnels, on a parfois recours aux explosifs, ce qui appelle des mesures de protection particulières.

Les autoroutes surélevées sont souvent construites au moyen de modules en béton armé, moulés sur une aire de fabrication voisine puis amenés à l’endroit voulu. Cela exige des engins de levage puissants pour soulever les éléments moulés, les coffrages et les armatures.

Les structures provisoires de soutènement des sections d’autoroutes surélevées ou de ponts doivent être conçues en fonction des charges qui leur seront appliquées lors de la coulée du béton. Leur conception et leur calcul sont aussi importants que ceux de l’ouvrage lui-même.

Les ponts

Dans les régions isolées, les ponts sont souvent construits en bois, même si les ponts modernes le sont généralement en béton armé ou en acier. Si le pont a une grande portée, sa conception sera confiée à un bureau spécialisé. S’il enjambe un cours d’eau, les culées qui soutiennent ses extrémités et les fondations de ses piles sont souvent construites dans l’eau, ce qui peut impliquer le battage de pieux et la construction de batardeaux, voire de caissons. En terrain accidenté, le transport des matériaux se fait parfois par blondin, transporteur aérien se déplaçant le long de câbles tendus entre deux pylônes, fixes ou mobiles sur rails. L’entretien des ponts demande que l’on prévoie des moyens d’accès et de travail sûrs pour les équipes chargées de ce travail; c’est notamment le cas pour les ponts suspendus.

Les galeries et les tunnels

Les tunnels sont des ouvrages d’art particuliers. Le tunnel sous la Manche a exigé la construction de galeries de quelque 100 km de longueur et de 6 à 8 m de diamètre, mais il existe aussi des minitunnels, trop étroits pour permettre le passage d’une personne et creusés par des machines introduites par des galeries d’accès et commandées à partir de la surface. Dans les zones urbaines, un tunnel ou une galerie sont souvent le seul moyen d’améliorer la circulation routière ou d’installer des réseaux de distribution d’eau ou d’évacuation des eaux usées. Leur tracé appelle une étude aussi détaillée que possible afin de déterminer notamment la nature des terrains traversés, la présence de nappes d’eau souterraines, etc.

Si le terrain est relativement homogène, comme c’est le cas de la marne sous la Manche, il est possible d’utiliser des machines. Si les études préalables ne mettent pas en évidence une forte pression hydrostatique, il est généralement inutile de travailler en air comprimé, ce qui entraînerait des coûts sensiblement plus élevés et des risques particuliers. Un grand tunnel traversant un terrain homogène non constitué de roches dures peut être percé au moyen d’un tunnelier de pleine section. Il s’agit en réalité d’un train de plusieurs machines reliées entre elles et avançant sur des rails. La couronne d’attaque circulaire tourne et renvoie les débris à l’arrière de la machine. Le tunnelier est suivi de différentes sections qui positionnent les éléments de revêtement sur toute la surface des parois (ces éléments peuvent peser plusieurs tonnes) et injectent du mortier liquide derrière les voussoirs. La machine abrite tous les équipements nécessaires à la manutention et au positionnement des anneaux de revêtement, ainsi que les moteurs électriques et les pompes qui actionnent la tête de forage du tunnelier et les autres mécanismes de la machine.

Pour creuser une galerie dans un sol constitué de roches tendres qui n’est pas assez consistant pour utiliser un tunnelier, il faut employer des machines d’abattage qui attaquent le front de taille. Les débris sont ramassés à la pelle mécanique et évacués par berlines et camions. Cette technique sert spécialement à percer des tunnels de section variable ou non circulaire. Les terrains traversés n’ont généralement pas la résistance nécessaire pour que l’on puisse renoncer à prévoir un revêtement de la galerie si l’on veut éviter les éboulements de la voûte ou des parois. Ce revêtement pourra être en anneaux de béton préfabriqués ou en béton liquide projeté sur un treillis d’acier maintenu en place par des boulons (c’est la méthode dite autrichienne).

Si la galerie traverse une roche dure, l’abattage se fera à l’explosif après avoir foré des trous de mine. Il faut utiliser le minimum d’explosifs nécessaire pour obtenir des débris de la taille voulue aux endroits voulus, afin de faciliter l’évacuation des déblais. Sur les grands chantiers, on fait aussi appel à des «jumbos», ensembles mécanisés qui comprennent plusieurs marteaux perforateurs montés sur un châssis à chenilles ou sur rails, ainsi qu’à des pelles mécaniques ou à des chargeuses à courroie pour évacuer les déblais. Les parois des galeries percées dans de la roche dure sont souvent simplement lissées, sans recevoir de revêtement particulier.

Les barrages

Les barrages peuvent être soit des digues de retenue construites en terre ou en enrochements et rendues étanches par des revêtements ou des noyaux d’argile et parfois garnies de plaques de béton, soit des ouvrages en béton du type barrage poids ou barrage voûte. Ils exigent en général de gros travaux de terrassement. Souvent implantés dans des endroits isolés, les chantiers de barrages demandent l’aménagement de voies d’accès provisoires pour l’acheminement des équipements, des matériaux et du personnel sur le site. Les personnes qui travaillent à la construction de barrages sont parfois si loin de chez elles que des logements provisoires doivent être prévus à leur intention. Il est souvent nécessaire de dévier le cours d’eau pour procéder aux travaux de fondation.

Tout chantier de barrage de quelque importance exige l’utilisation d’engins puissants et nombreux d’excavation, de terrassement et de manutention, ainsi que la construction d’une centrale à béton.

Les canaux et les installations portuaires

Les travaux de construction et de réparation des canaux et des installations portuaires ont nombre de points communs avec ceux qui ont été décrits ci-dessus, mais présentent cependant des aspects particuliers. Les voies d’eau intérieures ont joué un rôle très important pour le transport des marchandises en vrac (matériaux pondéreux, hydrocarbures) et continuent d’assurer une part notable de ce transport, selon les caractéristiques du relief et du réseau hydrographique. Les canaux de navigation ou d’irrigation et les installations portuaires exigent des investissements importants et la mise en œuvre de moyens considérables au stade de leur construction (mise en place de caissons, de batardeaux, etc.).

Les docks sont parfois construits dans des zones industriellement exploitées de longue date. Des effluents industriels ont pu s’échapper dans le sous-sol pendant des années, et les déblais évacués peuvent être très pollués. Ces risques viennent s’ajouter à tous ceux que l’on rencontre dans les travaux exécutés sous l’eau ou au-dessus d’un plan d’eau.

Les voies ferrées

Chronologiquement, la construction des voies ferrées a suivi celle des canaux et précédé celle des grandes routes. Les chemins de fer, en dehors des régions montagneuses qui exigent des voies et des locomotives spéciales, ne peuvent gravir de fortes pentes. Cette exigence conduit à des travaux de génie civil souvent très lourds (ponts, tunnels, tranchées, etc.) pour permettre le franchissement ou le contournement des obstacles naturels.

Les entreprises qui construisent et réparent les lignes de chemin de fer ont besoin des équipements habituels et de la logistique garantissant que le ballast et les autres matériaux de construction soient toujours disponibles. Elles doivent également faire en sorte que leurs travaux n’apportent qu’un minimum de perturbations dans l’exploitation des lignes existantes et ne mettent en danger ni les travailleurs ni le public.

Les aéroports

Depuis le milieu du XXe siècle, l’essor rapide du transport aérien a entraîné l’ouverture de multiples et importants chantiers pour la construction et l’extension d’aéroports.

Dans ce domaine, les clients sont généralement des administrations centrales ou régionales ou des organismes publics ou semi-publics, rarement des sociétés privées.

La planification du travail est parfois compliquée du fait des contraintes liées à l’environnement pesant sur le projet. Les aéroports couvrent une surface étendue. La construction des pistes, des terminaux, des entrepôts et des aires de stationnement peut exiger la réhabilitation de terrains vagues ou difficiles et le nivellement de très vastes zones, ce qui peut entraîner des travaux de défrichement, de terrassement et d’assèchement importants.

LES TYPES DE PROJETS ET LES RISQUES ASSOCIÉS

Jeffrey Hinksman

Avant d’être utilisés, tous les bâtiments neufs et les ouvrages de génie civil passent par les mêmes phases de conception, de terrassement, de construction ou d’édification, de finition, de raccordement aux différents services et de mise en service finale. Au fil des ans, les bâtiments autrefois neufs doivent être entretenus, ravalés et nettoyés avant d’être souvent rénovés. Ils seront enfin démolis pour faire place à des bâtiments plus modernes ou parce qu’ils n’ont plus de raison d’être. Ce qui est vrai pour les immeubles s’applique également aux ouvrages complexes et de grande taille comme les usines et les ponts ou les centrales de production d’énergie. Chaque étape dans la vie d’un bâtiment ou d’un ouvrage d’art présente ses propres risques, dont certains sont communs à tous les chantiers de construction et d’autres particuliers au type d’ouvrage considéré.

Pour chaque type de projet (et même pour chaque phase du projet), il est possible de prévoir les principaux risques encourus par les travailleurs. Le risque de chute est omniprésent; les statistiques montrent que jusqu’à la moitié des accidents mortels enregistrés dans la construction est due à des chutes.

Les travaux neufs

La conception

Les risques matériels encourus au stade de la conception de nouveaux bâtiments ou ouvrages sont généralement liés aux visites effectuées par le personnel des bureaux d’études, qui peut être exposé aux risques occasionnés par un accès dangereux, par des ouvertures ou des excavations non protégées, par des fils électriques ou des câbles, ou encore par du matériel en mauvais état. Si les études obligent à pénétrer dans des locaux ou des excavations qui sont restés fermés pendant un certain temps, il peut y avoir un risque d’intoxication par le dioxyde de carbone ou d’asphyxie par manque d’oxygène. Les risques sont aggravés si les visites se font sur un chantier non éclairé après la tombée de la nuit ou si le visiteur, isolé, ne peut pas communiquer avec l’extérieur et appeler à l’aide en cas de besoin.

La phase de conception revêt une importance particulière non seulement pour la stabilité des bâtiments et des ouvrages qui sont édifiés, mais aussi pour la sécurité des personnes qui seront affectées à leur construction. Les concepteurs, qu’ils soient architectes ou ingénieurs, ne se contentent pas d’élaborer et de fournir des plans. Leur formation et leur expérience doivent leur permettre de prévoir les risques liés à telle ou telle méthode de construction et d’appeler sur eux l’attention des entrepreneurs. Ils peuvent également jouer un rôle actif dans le choix des matériaux de construction et préconiser, le cas échéant, l’utilisation de produits moins dangereux. Il convient, dès le stade de la conception, de se préoccuper d’éliminer ou de réduire tous les risques raisonnablement prévisibles aux étapes de la réalisation et de l’entretien. En dépit de tous les efforts, il subsistera toujours des risques imprévus dont les entrepreneurs devront tenir compte dans la mise en place de leurs propres mesures de sécurité et même dans les offres qu’ils soumettent.

Les travaux de terrassement et d’excavation

Généralement, les premiers travaux à entreprendre après les études et l’attribution du marché sont des travaux de terrassement et des fouilles pour les fondations. S’il s’agit de bâtiments légers, les fondations ne posent généralement pas de problème. Dans le cas d’immeubles ou de bâtiments plus importants, et pour certains ouvrages d’art, les fondations pourront exiger des excavations de plusieurs mètres de profondeur. Les tranchées de plus de 1 m de profondeur sont généralement creusées à l’aide de machines du type pelle mécanique.

Ce travail demande une organisation et une surveillance particulières. Les risques d’éboulement des parois et de glissement de terrain sont toujours présents et deviennent de plus en plus considérables à mesure que la profondeur augmente. Ces risques sont aggravés par les intempéries et par les vibrations susceptibles d’être engendrées par les travaux exécutés à proximité. Une argile qui semble résistante se craquelle sous l’effet de la sécheresse et peut se ramollir et glisser après la pluie. Un mètre cube de terre compacte pèse plus d’une tonne; un travailleur pris sous un éboulis risque des fractures, un écrasement d’organes internes ou l’étouffement. C’est dire l’importance capitale que revêt une analyse préa-lable et sérieuse du terrain en vue de déterminer la méthode de soutènement la plus appropriée.

Le blindage des fouilles

Blindage double face . Il est préférable de ne pas compter sur le simple «talutage» des parois d’une fouille pour garantir leur stabilité et la sécurité des personnes qui y travaillent. Si le terrain est constitué de sable ou de vase humide, l’angle de repos ne devrait pas excéder 5 à 10° par rapport à l’horizontale. Le plus souvent, la place manque pour réaliser une fouille aussi large. La méthode la plus couramment utilisée pour assurer la sécurité d’une fouille en tranchée est l’étaiement des deux parois par des madriers et des étrésillons, ce qui permet d’équilibrer les poussées qui s’exercent des deux côtés de la tranchée. Dans les terrains sans cohésion, on commence par enfiler des planches verticales placées bord à bord, des deux côtés de la tranchée. Au fur et à mesure que l’excavation progresse, les planches sont enfoncées plus profondément. Lorsque la tranchée atteint 1 m de profondeur environ, une rangée de poutres horizontales est placée contre les planches de blindage et maintenue en place par des étrésillons de bois ou de métal calés entre les poutres opposées à intervalles réguliers. Il s’agit là d’une méthode classique dont l’application relève des règles de l’art.

Les méthodes standards de blindage avec des bois d’œuvre ne conviennent pas si l’excavation a plus de 6 m de profondeur ou si le terrain est gorgé d’eau. Dans ce cas, on pourra utiliser des cadres ou des caissons métalliques maintenus par des vérins, des rideaux de palplanches ou d’autres procédés. On rencontre aujourd’hui de nouveaux systèmes de blindages dits souples faits d’une peau de blindage en géotextile polyester tissé et de barres de raidissement en polyester renforcé par des fibres de verre. Il existe même des machines à blinder. Le choix et le dimensionnement corrects des blindages revêtent une importance particulière pour la stabilité des fouilles en tranchée et, partant, pour la sécurité des personnes qui y travaillent. Les systèmes de blindage des excavations de plus de 6 m de profondeur seront le plus souvent conçus sur mesure, les solutions standards n’étant jamais parfaitement appropriées.

Blindage unilatéral . Lorsque l’excavation est trop large pour que l’on puisse utiliser les méthodes d’étaiement décrites ci-dessus, ses parois seront étayées par des planches et des contrefiches ou par un rideau de palplanches. On recourt parfois aussi à des ancrages si la nature du terrain le permet.

Autres systèmes . On peut utiliser également des caissons d’acier de largeur réglable ou des cadres métalliques à glissières à l’abri desquels le travail peut s’effectuer en toute sécurité. On peut aussi faire appel à des systèmes brevetés dans lesquels un cadre horizontal réglable est descendu dans la fouille et plaqué contre le blindage par des vérins hydrauliques qui peuvent être actionnés à partir d’un lieu sûr situé à l’extérieur de la fouille.

Formation et surveillance . Quelle que soit la méthode adoptée, le travail devrait être effectué par des travailleurs qualifiés sous la surveillance d’une personne expérimentée. La fouille et son blindage seront inspectés tous les jours et chaque fois qu’ils auront été endommagés ou déplacés (après de fortes pluies, par exemple). Il ne faut pas oublier en effet qu’un éboulement est toujours possible et que les travailleurs ne devraient jamais travailler dans une fouille non étayée de plus de 1 m de profondeur. Des informations complémentaires sont données dans l’article intitulé «Les fouilles en tranchée» du présent chapitre.

La superstructure

La construction du gros œuvre d’un bâtiment ou d’un ouvrage de génie civil (la superstructure) intervient une fois les fondations achevées. Elle comporte la nécessité de travailler en hauteur, ce qui implique des risques évidents de chute.

Les échelles

Au-delà de 10 m à partir du sol, le travail ne peut généralement plus être exécuté sans danger avec une échelle. A cette hauteur, les échelles télescopiques elles-mêmes sont dangereuses. La quantité de matériel et de matériaux que les travailleurs peuvent transporter en toute sécurité est limitée, et la fatigue physique engendrée par la posture qu’il faut adopter sur une échelle réduit sensiblement la durée utile du travail. Les échelles sont surtout utiles pour effectuer un travail de courte durée qui n’exige pas le port de charges trop lourdes et qui peut être exécuté à une hauteur raisonnable. Elles servent également de moyen commode d’accès aux échafaudages, aux excavations et aux ouvrages dont les accès définitifs n’ont pas encore été aménagés.

Pour tout travail d’une certaine durée, il conviendra d’utiliser des plates-formes provisoires ou des échafaudages dont les caractéristiques et la complexité seront fonction de la nature et de l’importance du chantier.

Les échafaudages

Les échafaudages sont constitués d’une ossature en perches et madriers de bois ou en tubes d’acier, d’assemblage facile, à laquelle on fixe des plates-formes de travail. Ils peuvent être fixes ou roulants. Les échafaudages fixes — c’est-à-dire ceux qui s’appuient sur la façade d’un bâtiment ou la paroi d’un ouvrage — peuvent être indépendants ou à boulins. Un échafaudage indépendant comporte des montants des deux côtés de ses plates-formes et sa stabilité est assurée de manière indépendante, tout au moins en théorie. L’échafaudage à boulins ne possède de montants qu’à l’extérieur de ses plates-formes; l’extrémité des traverses qui supportent la plate-forme est logée dans des trous (les boulins) ménagés dans la façade du bâtiment. En effet, il est indiqué d’assujettir solidement tout l’échafaudage indépendant à l’ouvrage qu’il dessert, et cela à intervalles réguliers si la plate-forme se trouve à plus de 6 m de hauteur ou si l’échafaudage est recouvert d’un habillage de protection contre les intempéries qui aura pour effet d’augmenter la pression exercée par le vent.

Le platelage de l’échafaudage est constitué de madriers de bonne qualité disposés bord à bord et dont les deux extrémités seront convenablement soutenues; des supports intermédiaires seront nécessaires si les madriers risquent de fléchir sous le poids des travailleurs ou des matériaux mis en œuvre. La largeur des plates-formes ne devrait pas être inférieure à 60 cm si ce sont des plates-formes de circulation et de travail, ou à 80 cm si elles sont utilisées également pour le dépôt de matériaux. Lorsqu’il y a un risque de chute d’une hauteur de plus de 2 m, le bord extérieur et les extrémités de la plate-forme devraient être protégés par un garde-corps rigide fixé aux montants et dont la hauteur devrait être d’au moins 90 cm. Pour éviter que des outils ou des matériaux de construction ne tombent de la plate-forme, une plinthe de 15 cm de hauteur devrait être placée le long du bord extérieur, solidement fixée aux montants. Si l’on est amené à retirer provisoirement garde-corps et plinthes pour permettre le passage de matériel ou de matériaux, il conviendra de les remettre en place le plus vite possible.

Les montants des échafaudages devraient être verticaux et reposer sur des plaques d’assise solides et bien ajustées. Sur les échafaudages fixes, on utilise généralement des échelles pour passer d’une plate-forme à l’autre. Celles-ci devraient être fixées à leurs deux extrémités et dépasser d’au moins 1 m le niveau de la plate-forme.

Les risques majeurs engendrés par l’utilisation des échafaudages — les chutes de personnes ou de matériaux — résultent généralement d’une négligence dans la manière dont l’échafaudage a été initialement dressé, ou de la mauvaise utilisation qui en est faite (sa surcharge, par exemple). La liste de tout ce qui peut arriver si les échafaudages ne sont pas montés et contrôlés par des personnes expérimentées est pratiquement illimitée. Les travail-leurs qui construisent un échafaudage sont eux-mêmes exposés aux risques de chutes pendant le montage et le démontage; ils sont en effet appelés à travailler en hauteur, dans des postures incommodes et avant que des plates-formes n’aient été installées (voir figure 93.4).

Figure 93.4 Travailleurs montant un échafaudage sans protection (Genève, Suisse)

Figure 93.4

Les échafaudages-tours. Ces échafaudages peuvent être fixes ou roulants, avec une plate-forme de travail au sommet et une échelle d’accès intérieure. Ce type d’échafaudage est assez instable et sa hauteur sera limitée: trois fois et demie le côté le plus petit de la base pour les tours fixes, et trois fois pour les tours roulantes. Les travailleurs ne doivent pas demeurer sur la plate-forme des échafaudages roulants pendant leur déplacement ou si les roues ne sont pas bloquées. Le risque majeur de ce type d’échafaudage est le renversement.

Echafaudages volants. Les échafaudages volants comportent une plate-forme suspendue par des câbles et pourvue d’un mécanisme (moufle) qui permet de la déplacer verticalement. Ils sont souvent utilisés pour des travaux d’entretien et de peinture et font parfois partie de l’équipement du bâtiment. Le système de suspension devrait être suffisamment résistant et la plate-forme assez solide pour supporter le poids des personnes, de l’outillage et des matériaux, avec un garde-corps pour éviter les chutes. Lorsque rien n’a été prévu pour empêcher la chute d’une plate-forme suspendue en cas de rupture d’un cordage, les travailleurs devraient porter un harnais de sécurité muni d’une corde amarrée attachée à un point d’ancrage solide. La chute d’échafaudages volants a coûté la vie à de nombreuses personnes.

Les nacelles et les élévateurs

Pour certaines tâches, lors de travaux de construction et surtout d’entretien, il est plus pratique de faire appel à une nacelle ou à une plate-forme élévatrice que de dresser un échafaudage. Il existe de nombreux types d’élévateurs; ils comportent une nacelle ou une plate-forme fixée à l’extrémité d’un bras mobile articulé ou d’une colonne télescopique actionnée par des vérins hydrauliques. Moulés sur roues ou sur chenilles, ces engins peuvent être mis en place rapidement à l’endroit voulu. Il importe de respecter les spécifications des constructeurs et d’éviter en particulier toute surcharge.

On évitera les sols peu compacts et inclinés et l’on utilisera si nécessaire des stabilisateurs ou des béquilles pour éviter que l’engin ne bascule. La personne se trouvant dans la nacelle devrait avoir accès aux organes de commande et avoir été convenablement formée.

Le montage de charpentes métalliques et d’ouvrages en éléments préfabriqués

L’ossature des bâtiments et des ouvrages d’art comporte souvent une charpente métallique ou des éléments préfabriqués, parfois d’une grande hauteur. La stabilité de leurs éléments constitutifs au cours du montage revêt une importance capitale. Les travailleurs chargés de ce travail devraient être équipés de harnais de sécurité et de filins d’assurance, à moins que l’entreprise n’ait installé des filets ou des plates-formes de retenue.

Les travaux sur toitures

Si la construction de l’ossature et des murs d’un bâtiment est une phase non dépourvue de dangers, la mise en place de la toiture d’un bâtiment engendre des risques particuliers. Les toits peuvent être en terrasse ou en pente. Sur les toits en terrasse, le risque majeur est que des personnes ou des objets tombent par-dessus bord ou par les ouvertures de la toiture. Les matériaux nécessaires à la construction de la toiture doivent être montés à ce niveau, ce qui demande des grues si le bâtiment est élevé ou s’il faut utiliser une grande quantité de matériaux de couverture ou d’étanchéité. Le bitume doit parfois être chauffé pour faciliter sa mise en place et assurer une bonne étanchéité, ce qui exige l’emploi d’une bouteille de gaz et d’une cuve. Les couvreurs et les personnes qui se trouvent au-dessous peuvent être brûlés par le bitume chaud et des incendies peuvent se déclarer dans la charpente du toit si celle-ci est en bois.

Sur les toits en terrasse, les chutes peuvent être évitées en installant une protection provisoire de type garde-corps.

Les toits en pente se rencontrent surtout dans les maisons d’habitation et les bâtiments de faible hauteur. La pente du toit peut dépasser 45° par rapport à l’horizontale, mais une pente plus faible peut être dangereuse lorsque le toit est humide. Pour assurer la sécurité des couvreurs, on utilisera des échelles de toit plates. Si celles-ci ne peuvent être fixées ou supportées à leur extrémité inférieure, elles seront munies d’un crochet approprié pour permettre de les fixer aux tuiles faîtières; si l’on a des doutes quant à la solidité de ces tuiles, on nouera une corde au barreau supérieur et on l’amarrera à un point d’ancrage solide (une cheminée, par exemple).

Des matériaux de couverture fragiles sont souvent utilisés pour les toits pentus et les toitures à voûtes en berceau. Leur mise en place demande des échelles plates. Ces matériaux de couverture présentent un risque accru pour le personnel d’entretien, qui n’est pas toujours conscient de leur fragilité.

Les travaux de couverture, même sur un toit en terrasse, peuvent être dangereux par grand vent ou par forte pluie. Les travaux de couverture dans lesquels la sécurité est négligée mettent également en danger les simples passants.

Les travaux de rénovation et de maintenance

La rénovation et la maintenance des bâtiments sont des opérations qui exposent à des risques non négligeables dans certaines circonstances (risques de chutes de hauteur ou de plain-pied, risques liés à l’utilisation de matériels et de matériaux divers, etc.). Les risques sont même parfois plus élevés du fait que, pour des travaux qui sont généralement de plus courte durée, on peut être tenté de réduire les coûts en essayant, par exemple, de faire au moyen d’une échelle ce qui exigerait la construction d’un échafaudage. Le remplacement d’une tuile ne prend que quelques minutes, mais celles-ci suffisent parfois pour qu’un travailleur tombe et se tue.

Les concepteurs, et notamment les architectes, peuvent améliorer la sécurité des travailleurs chargés des travaux de rénovation et de maintenance en prenant en compte, dans leurs études, la nécessité de fournir un accès sûr au toit, aux locaux techniques, aux fenêtres et aux autres points exposés du bâtiment. Le mieux est de prévoir des moyens d’accès sûrs faisant partie intégrante du bâtiment ou de l’ouvrage.

Si les travaux de rénovation comprennent le ravalement ou le nettoyage complet de la façade d’un bâtiment au moyen d’un jet d’eau à haute pression ou de produits chimiques, un échafaudage solide sera sans doute la seule solution permettant de protéger aussi bien les travailleurs que les passants. Les travailleurs affectés à ces travaux seront pourvus d’un équipement de protection individuelle approprié. Si des abrasifs sont utilisés pour le nettoyage d’une façade, on utilisera une substance ne contenant pas de silice et on équipera les travailleurs d’un appareil de protection respiratoire agréé.

La maintenance et le nettoyage des ouvrages d’art (ponts, cheminées d’usine, pylônes, etc.) obligent à travailler à des hauteurs ou à des emplacements (au-dessus d’un plan d’eau, par exemple) qui interdisent l’utilisation d’un échafaudage ordinaire. A défaut d’un échafaudage en porte-à-faux, on utilisera une nacelle. Les ouvrages de génie civil étant exposés aux intempéries, le travail devrait être interdit par grand vent ou sous forte pluie.

Le lavage des vitres

Le lavage des vitres peut présenter des risques, notamment si l’on utilise une échelle ou une installation improvisée pour accéder aux niveaux élevés. Si les architectes négligent ces risques ou ne choisissent pas des fenêtres conçues pour être nettoyées de l’intérieur, le travail des laveurs de vitres sera beaucoup plus dangereux.

La dépose de l’amiante

La rénovation des locaux d’habitation et des locaux commer-ciaux implique parfois le déflocage de matériaux contenant de l’amiante. Cette opération présente des risques considérables pour la santé des travailleurs et des occupants lorsque ceux-ci réintègrent les lieux. Le déflocage de l’amiante ne sera effectué que par un personnel spécialement formé et convenablement équipé. La zone de déflocage sera isolée de toutes les autres parties du bâtiment. Avant que les occupants ne réintègrent les lieux, un contrôle de l’atmosphère sera effectué et l’on s’assurera que les concentrations de fibres dans l’atmosphère n’excèdent pas les limites autorisées.

Les finitions intérieures

Si la structure est en brique ou en béton, il faudra peut-être lisser et plâtrer la surface pour permettre sa mise en peinture; il s’agit là d’activités artisanales traditionnelles. Les risques majeurs sont les efforts dorsaux et la sollicitation des bras résultant de la manutention de sacs et de panneaux de plâtre. Le travail les bras en l’air est particulièrement pénible. Une fois lissées, les surfaces sont prêtes à être peintes. Ici, le risque tient aux vapeurs libérées par les solvants et parfois par la peinture elle-même. On utilisera, dans toute la mesure possible, des peintures à l’eau; si l’on doit, malgré tout, utiliser des peintures contenant des solvants, les pièces seront bien ventilées, par des ventilateurs si nécessaire. Si les produits utilisés sont toxiques et que l’on ne peut obtenir une aération satisfaisante, les peintres porteront des masques et un équipement de protection individuelle approprié.

Parfois, la finition intérieure implique la fixation d’un revêtement mural; si l’on utilise un pistolet de scellement, le risque tiendra surtout à la façon dont le pistolet est utilisé. Les clous et les rivets peuvent traverser les cloisons et ricocher en rencontrant un obstacle. Le travail demande à être organisé avec soin, et l’accès devrait être interdit à toute personne étrangère aux travaux.

La finition intérieure comprend parfois l’installation de carreaux ou de plaques de matériaux divers sur les murs ou les sols. La coupe de grandes quantités de carreaux céramiques au moyen d’outils mécaniques produit une grande quantité de poussière et devrait se faire sur matériaux mouillés. Les adhésifs utilisés pour le collage de carreaux ou de moquettes contiennent des solvants et libèrent des vapeurs toxiques; dans un espace confiné, celles-ci peuvent en outre s’enflammer. Les carreleurs travaillent souvent à genoux et respirent les vapeurs de colle. Les locaux devraient être ventilés mécaniquement, et la quantité d’adhésif présente sera réduite au minimum.

Si la finition intérieure comprend l’installation de matériaux d’isolation sonore ou thermique — comme c’est souvent le cas dans les immeubles d’habitation et à usage de bureaux — ceux-ci se présentent sous forme de feuilles ou de plaques découpées ou de blocs fixés par un ciment ou un mortier de ciment pulvérisé. Les poussières produites peuvent être nocives et irritantes. Les matériaux contenant de l’amiante seront prohibés. Si l’on emploie des fibres minérales artificielles, il conviendra de porter un masque et des vêtements protecteurs.

Les finitions extérieures

Certains des matériaux employés dans les travaux de finition intérieure sont également utilisés à l’extérieur, mais la finition extérieure concerne généralement le revêtement, l’étanchéité et la peinture. Le risque majeur est sans conteste celui de chute, souvent aggravé par la difficulté des manutentions. L’utilisation de peintures, d’agents d’étanchéité, de colles et d’adhésifs contenant des solvants ne présente pas de risques aussi graves qu’à l’intérieur, la ventilation naturelle empêchant une accumulation dangereuse des vapeurs toxiques ou inflammables.

Ici encore, les concepteurs peuvent influer sur la sécurité en recommandant l’emploi de panneaux de revêtement de dimensions et de poids raisonnables dont la manutention ne présente pas de risque exagéré et en prenant des dispositions pour que les travaux puissent être effectués à partir d’emplacements sûrs. On prévoira des pattes de fixation permettant de recevoir les panneaux de revêtement positionnés par des engins de levage. Le choix de matériaux comme les plastiques ou le métal anodisé pour les châssis de fenêtres limite l’entretien ultérieur et améliore considérablement la sécurité des travailleurs du bâtiment et des occupants.

Les aménagements paysagers

L’aménagement d’un site important peut comporter des travaux de terrassement non négligeables: creusement de tranchées profondes pour la pose de canalisations d’assainissement, dallage en bétonnage de zones étendues, déplacement de rochers, etc.

Il faudra parfois aménager le site pour des raisons de sécurité. Ainsi, il faudra peut-être aplanir le terrain dans le périmètre d’une usine de pétrochimie, donner une direction particulière à la pente, ou couvrir la terre de cailloux pour empêcher la végétation de pousser.

Les travaux de démolition

Les travaux de démolition sont peut-être les plus dangereux. Non seulement ils comportent tous les risques liés au travail en hauteur et aux chutes d’objets, mais ils sont souvent effectués sur des structures déjà fragilisées. L’une des difficultés rencontrées pour garantir la sécurité des opérations de démolition est que tout peut aller très vite; avec le matériel dont on dispose à l’heure actuelle, on peut démolir en deux jours des structures importantes.

Il existe trois méthodes principales pour démolir un bâtiment ou un ouvrage: les démanteler morceau par morceau; les abattre, ou utiliser des explosifs. Le choix de la méthode est dicté par la nature et l’état de la structure, son voisinage, les raisons de sa démolition et le coût de l’opération. On ne pourra généralement pas se servir d’explosifs si d’autres bâtiments se trouvent à proximité. Une démolition doit être planifiée aussi soigneusement que toute autre opération de construction. La structure à démolir devrait faire l’objet d’une étude préalable approfondie sur la base des plans disponibles.

Lors de la planification des opérations de démolition, il faut s’assurer que la structure n’est pas surchargée ou inégalement chargée par des débris et qu’il existe des ouvertures par lesquelles on pourra évacuer les gravats sans danger. Si l’on risque de fragiliser la structure en en découpant certaines parties (notamment le béton armé) ou en éliminant des dalles ou des murs porteurs, il importe de prendre toutes précautions utiles pour éviter qu’elle ne s’effondre inopinément. Les gravats devraient tomber à un endroit d’où ils pourront être évacués ou récupérés facilement; parfois, le coût des travaux de démolition dépend de la récupération de composants ou de débris intéressants.

Si la structure doit être démolie morceau par morceau sans faire appel à des machines spéciales (brise-roches, cisailles télécommandées, etc.), les travailleurs devront obligatoirement intervenir en hauteur, sur des façades exposées ou au-dessus d’ouvertures ménagées pour l’évacuation des gravats.

La dépose des pointes, flèches et autres éléments décoratifs de grandes dimensions placés au sommet des bâtiments devrait s’effectuer à l’aide de nacelles de conception appropriées accrochées au câble d’une grue.

Avec ce mode de démolition morceau par morceau, la méthode la plus sûre consiste à démanteler le bâtiment dans l’ordre inverse de celui où il a été édifié. Les gravats devraient être évacués régulièrement pour éviter l’encombrement des zones de travail et d’accès.

Si la structure doit être abattue par effondrement provoqué et contrôlé, en la poussant, en la tirant ou en la heurtant, elle est en général préalablement fragilisée, avec tous les risques que cela comporte. Pour la renverser en exerçant une traction sur elle, on élimine tout d’abord les planchers et les cloisons internes, on fixe des câbles à des points résistants dans les parties supérieures du bâtiment et on utilise une pelle mécanique ou tout autre engin lourd pour tirer sur les câbles. Les câbles peuvent constituer un réel danger s’ils viennent à se rompre en raison d’une surcharge ou d’une défaillance de leur ancrage. Cette technique ne convient pas pour les bâtiments très hauts. Si l’on veut démolir une structure en la poussant, là encore après l’avoir fragilisée, on fait appel à des engins lourds comme des pelles mécaniques ou des bouteurs dont les cabines de conduite seront protégées.

La démolition au boulet

La méthode de démolition la plus courante (et, si elle est effectuée correctement, la plus sûre à bien des égards) est l’utilisation d’un boulet ou poire d’acier ou de béton suspendu au crochet d’une grue, au bout d’une flèche suffisamment résistante pour supporter les contraintes dynamiques imposées par cette technique. La flèche est déplacée latéralement et le boulet projeté contre le mur à démolir. Le risque majeur est que le boulet se coince dans la structure ou les débris; les efforts faits pour le dégager risquent de provoquer une surcharge considérable pour la grue, entraînant même la rupture du câble ou de la flèche. Cette technique exige beaucoup de doigté de la part du grutier, qui doit provoquer des impacts suffisamment puissants mais néanmoins mesurés.

La démolition aux explosifs

La démolition aux explosifs peut être réalisée en toute sécurité si elle a été soigneusement préparée et si elle est exécutée par des travailleurs expérimentés sous la surveillance d’une personne qualifiée. Le but recherché, lorsqu’on fait sauter un bâtiment, n’est pas de le réduire complètement à l’état de gravats, mais de n’utiliser que la quantité minimale d’explosifs qui permettra à la structure de s’effondrer sans danger. Il importe que l’entrepreneur chargé de l’opération obtienne les plans du bâtiment ou de l’ouvrage et les étudie avec soin (méthodes de construction, matériaux utilisés, etc.). Seules ces informations permettront de déterminer s’il convient de recourir à des explosifs, à quels endroits placer les charges, la nature et les quantités d’explosifs à utiliser, les mesures à prendre pour éviter la projection de débris et les zones de sécurité à aménager autour du chantier pour protéger les travailleurs et le public. S’il y a un grand nombre de charges, on choisira en général un exploseur à mise à feu électrique. Mais les systèmes électriques peuvent connaître des défaillances et, sur les chantiers les plus simples, un cordon détonateur sera souvent plus pratique et plus sûr. Il convient de planifier soigneusement les mesures à prendre en cas de défaillance du système d’allumage ou si la structure ne s’effondre pas comme prévu, mais demeure debout et peu stable. Les techniques de démolition par explosifs ont fait des progrès considérables, et des bâtiments et des ouvrages imposants sont aujourd’hui démolis en une seule fois.

Les travailleurs affectés à des travaux de démolition sont exposés à des niveaux de bruit élevés (engins et outils bruyants, chute de gravats, détonations, etc.); ils seront équipés de protecteurs d’oreille efficaces. Les opérations de démolition produisent également de grandes quantités de poussières souvent irritantes, voire nocives. Le port d’un masque antipoussières agréé s’impose en l’absence de mesures de dépoussiérage.

Les travaux de démolition sont également sales et pénibles; il conviendra dès lors de prévoir des installations sanitaires (toilettes, douches, vestiaires) en nombre suffisant ainsi que des abris et un réfectoire.

Le démontage de structures

Le démontage diffère de la démolition en ce sens qu’une partie de la structure ou des installations importantes est démontée et retirée d’un site. Ainsi, la dépose d’une partie ou de l’ensemble d’une chaudière à vapeur ou le remplacement d’une poutre d’acier formant la travée d’un pont sont plus une opération de démontage que de démolition. Il est fréquent de devoir recourir au chalumeau pour découper certains éléments métalliques, parfois aussi aux explosifs. On fait appel à de puissants engins de levage pour extraire des poutres ou des pièces d’un poids considérable. Les travailleurs chargés de ces opérations sont confrontés aux mêmes risques de chute, de collisions, de bruit, d’empoussièrement et d’intoxication que dans des travaux de démolition.

Le travail au-dessus d’un plan d’eau

Le travail au-dessus d’un plan d’eau ou au bord de l’eau (pour la construction et l’entretien d’un pont, la construction d’un dock ou d’un ouvrage de protection en mer ou en rivière, par exemple) présente ses risques propres. Le risque est parfois accru s’il s’agit d’eau courante ou soumise à l’action des marées, et non d’eau stagnante. Le mouvement souvent rapide de l’eau complique le sauvetage de ceux qui sont tombés à l’eau. Le risque de noyade se double d’un risque d’hypothermie, si l’eau est froide, et d’un risque d’infection, si elle est polluée.

S’il n’est pas possible d’installer des échafaudages ou des plates-formes de travail, les travailleurs seront équipés de harnais et de cordes fixes à des points d’ancrage solides. Cet équipement pourra être complété par des filets de sécurité tendus sous la zone de travail. Des échelles, des bouées et des filins seront installés pour permettre aux personnes tombées à l’eau d’en ressortir. A défaut de ces mesures, les travailleurs porteront un gilet de sauvetage.

Les travaux effectués en rivière ou dans les ports font souvent appel à des pontons pour transporter le personnel et les engins utilisés. Ces pontons sont de véritables plates-formes de travail; ils seront équipés de garde-corps, de bouées et de filins. Les moyens d’accès à partir du rivage tiendront compte, le cas échéant, de la montée des eaux en fonction des marées. Des bateaux de sauvetage pourront également être utiles.

Les travaux sous l’eau

La plongée

Les risques auxquels sont exposés les plongeurs sont la noyade, les troubles de décompression («maladie des caissons»), l’hypothermie provoquée par le froid et le fait de rester bloqué sous l’eau. La plongée a souvent lieu en eaux troubles, avec une faible visibilité, ou dans des endroits où le plongeur ou son matériel peuvent se trouver bloqués. Elle peut se faire à partir de la terre ferme ou d’un bateau. Même si un seul plongeur suffit à l’exécution du travail, une équipe de trois personnes sera nécessaire pour garantir sa sécurité. Le plongeur travaillera dans l’eau, un autre plongeur entièrement équipé sera prêt à intervenir en cas d’urgence, la troisième personne étant le chef du chantier de plongée. La plongée à moins de 50 m de profondeur est généralement effectuée par des plongeurs équipés de combinaisons de plongée (qui laissent pénétrer l’eau) et d’un appareil respiratoire avec masque (équipement de plongée). Au-delà de 50 m ou dans des eaux très froides, les plongeurs porteront des combinaisons chauffées par de l’eau tiède pompée et des masques étanches; ils n’utiliseront plus de l’air comprimé, mais de l’air avec un mélange de gaz (gaz mixte). Ils doivent pouvoir communiquer avec la surface et notamment avec le chef du chantier. L’entrepreneur informera les services d’urgence locaux qu’une plongée doit avoir lieu.

Les plongeurs (et leur matériel) feront l’objet d’un examen et de tests. Ils auront reçu une formation conforme à la réglementation ou à des pratiques éprouvées, sanctionnée par un certificat. Ils subiront chaque année une visite médicale pratiquée par un médecin connaissant bien la médecine hyperbare. Chaque plongeur tiendra un journal dans lequel seront consignés les résultats des visites médicales et chacune des plongées effectuées. Un plongeur suspendu pour raisons de santé ne pourra être autorisé à plonger ou à servir de plongeur de secours. Le matériel de plongée (combinaisons, ceintures, cordages, masques, bouteilles, robinets, etc.) sera contrôlé avant chaque utilisation.

En cas d’accident ou de remontée brutale d’un plongeur à la surface, celui-ci pourra être victime de la maladie des caissons. Il est donc souhaitable de bien indiquer, avant le début de la plongée, où se trouve la chambre de décompression ou le local médical à l’usage des plongeurs. Des dispositions seront prises en vue d’assurer le transport rapide des plongeurs qui doivent subir une décompression.

En raison du coût élevé de leur formation et de leur équipement, le recours à des plongeurs peut être onéreux, même si leur intervention est parfois de très courte durée. Cela peut inciter des entrepreneurs peu scrupuleux à faire appel à des plongeurs sans formation ou à des amateurs, ou à une équipe de plongée incomplète au niveau de l’effectif ou de l’équipement. On sera particulièrement vigilant si on loue les services de plongeurs formés dans des pays dans lesquels les normes sont moins contraignantes.

Le travail dans les caissons

Les caissons ressemblent à de grosses cloches dont le bord repose sur le fond de l’eau. On utilise parfois des caissons ouverts sur le dessus. On s’en sert à terre pour le fonçage de puits en terrain meuble. Le bord inférieur du caisson est tranchant; les travailleurs creusent à l’intérieur du caisson qui s’enfonce dans le sol au fur et à mesure que les déblais sont évacués. Des caissons ouverts du même genre sont utilisés en eaux peu profondes, mais leur profondeur peut être augmentée en ajoutant petit à petit des sections quand le caisson s’enfonce. Les venues d’eau et les déblais accumulés dans le fond sont évacués par pompage. Pour des profondeurs supérieures, on a recours à des caissons fermés. De l’air comprimé est introduit à l’intérieur pour chasser l’eau, et les travailleurs peuvent alors pénétrer dans la chambre de travail par un sas. Le travail peut s’effectuer sans les équipements de plongée et avec une visibilité bien meilleure. Les risques engendrés par le travail en caisson sont la maladie des caissons et, comme dans tous les types de caisson, même les caissons ouverts les plus simples, la noyade, si l’eau pénètre inopinément dans le caisson par suite d’un défaut de structure ou d’une dépressurisation. Il importe par conséquent de prévoir des moyens d’évacuation rapide (des échelles menant vers la sortie, par exemple).

Les caissons en service seront inspectés quotidiennement. La construction des caissons se fera sous la surveillance d’une personne compétente.

La construction de tunnels sous l’eau

Les travaux de construction de tunnels, lorsqu’ils sont effectués sous l’eau et dans un terrain poreux, obligent parfois à utiliser de l’air comprimé. Les tunnels empruntés par les transports publics et qui passent sous l’eau sont courants dans les grandes agglomérations, en raison du manque d’espace en surface et de considérations liées à l’environnement. Le recours à l’air comprimé sera aussi limité que possible, car il est dangereux et peu efficace.

LES FOUILLES EN TRANCHÉE

Jack L. Mickle

Les tranchées sont des excavations longitudinales creusées pour y enterrer des canalisations ou y établir des fondations. Elles sont en principe plus profondes que larges et mesurent rarement plus de 6 m de profondeur. Une tranchée est en général suffisamment large pour qu’une personne puisse y travailler; ses moyens d’accès sont souvent rudimentaires (le plus souvent une simple échelle).

Normalement, les tranchées ne sont ouvertes que pour un temps limité. Leurs parois finiraient inévitablement par s’effondrer si elles n’étaient pas convenablement soutenues. Au départ, leur stabilité apparente pourrait inciter un entrepreneur mal avisé à faire travailler des personnes dans des tranchées dangereuses en espérant que le travail avancera rapidement et qu’il pourra faire l’économie d’un blindage. Les cas d’accidents mortels et de blessures graves imputables à une telle négligence sont nombreux.

En plus du risque éventuel d’effondrement des parois, les personnes qui y travaillent peuvent être emportées par des venues d’eau soudaines ou exposées à des gaz dangereux ou à un manque d’oxygène; elles peuvent aussi être victimes de chutes de matériaux, de commotions causées par des fils électriques endommagés, etc.

Aux Etats-Unis, les éboulements survenant dans des tranchées occasionnent chaque année 2,5% environ des accidents mortels du travail, et l’âge moyen des victimes est de 33 ans. Lorsqu’un homme est enseveli sous un éboulement, ses camarades tentent naturellement de lui porter secours. Dans les tentatives de sauvetage manquées, la plupart des victimes sont des secouristes improvisés.

Des contrôles de routine des parois de la tranchée et des protections mises en place seront effectués tous les jours, avant la reprise du travail, et après tout événement — fortes pluies, vibrations intenses, rupture de canalisations — susceptible d’accroître les risques. Les principaux risques rencontrés et la façon de les prévenir sont exposés ci-après.

L’éboulement des parois

La principale cause des accidents mortels survenus dans les tranchées est l’écrasement ou l’étouffement des travailleurs par suite de l’éboulement des parois, souvent fragilisées par les intempéries ou par des travaux effectués à proximité. Il faut éviter de placer de lourdes charges sur les bords d’une fouille, de creuser des tranchées dans le voisinage immédiat de bâtiments, d’ouvrages ou de voies ferrées. En présence de terrains difficiles et dans le cas d’excavations très profondes, il conviendra de consulter des ingénieurs compétents. Les véhicules et les engins de chantier ne seront pas autorisés à trop s’approcher des bords d’une tranchée; on pourra prévoir à cet effet des cales d’arrêt ou des butées.

Les types de sols

Le choix judicieux d’un système de soutènement dépend des caractéristiques du sol et de l’environnement. Un sol peu compact, la présence d’une nappe d’eau, les vibrations produites par des machines se trouvant à proximité constituent un danger. Un sol déjà excavé ne retrouvera jamais complètement sa cohésion. De l’eau qui s’accumule dans une tranchée, à n’importe quelle profondeur, est toujours le signal d’une situation très dangereuse.

On peut, en gros, distinguer deux groupes principaux de sols: les sols cohésifs et les sols granulaires. Les sols cohésifs contiennent au moins 35% d’argile; si on en fait un boudin de 50 mm de long et de 3 mm de diamètre et qu’on le tient par une extrémité, il ne se brisera pas. Dans ce type de sols, les parois des tranchées resteront verticales pendant un court laps de temps. Ces sols sont à l’origine d’autant d’accidents mortels par éboulement que tout autre sol, car ils paraissent stables et les précautions d’usage sont parfois ignorées.

Les sols granulaires sont constitués de boue, de sable, de gravier ou de matériaux de plus fort calibre. Ils paraissent cohésifs s’ils sont mouillés (c’est l’effet «pâté de sable»); plus les particules sont fines, plus l’ensemble paraît cohésif. Mais s’ils sont submergés ou secs, ces sols granulaires s’effondrent immédiatement jusqu’à former des talus dont la pente est comprise entre 30 et 45°, suivant le calibre et la forme des grains.

La protection des travailleurs

Le talutage empêche l’éboulement d’une tranchée en éliminant la poussée des terres. Le talutage, et spécialement le talutage en gradins, exige une importante emprise au sol. Pour cette raison, il est rarement praticable. La pente à respecter dépend de la nature du terrain et de l’environnement; elle peut aller de 1:1,5 à 1:0,75.

Le blindage peut être utilisé en toute circonstance (voir figure 93.5). Il est constitué en général par deux parois continues ou discontinues maintenues bloquées au terrain par des étrésillons horizontaux. Les parois peuvent être réalisées au moyen de planches de bois ou d’éléments métalliques, verticaux ou horizontaux. S’ils sont verticaux, ils seront soutenus par des longrines horizontales (voir figure 93.6) et, s’ils sont horizontaux, par des montants verticaux; dans les deux cas, la poussée exercée par le terrain est reportée sur les étrésillons.

Figure 93.5 Les étonçons sont constitués de montants placés de chaque côté
d'une tranchée et rénis par des étrésillons

Figure 93.5

Figure 93.6 Les longrines maintiennent les étançons en place et permettent
d'espacer davantage les étrésiollons

Figure 93.6

Les fouilles peuvent être exécutées manuellement ou à l’aide d’engins, mécaniques ou non. On a recours, dans le cas de tranchées importantes, à des moyens tels que les panneaux préfabriqués en bois, les mannequins de pose (châssis métalliques dont la largeur est réglable par des vérins à vis et qui sont descendus dans la fouille pour permettre la mise en place des étrésillons définitifs) ou les caissons (constitués de deux panneaux latéraux reliés entre eux par des vérins à vis qui jouent le rôle d’étrésillons).

Il existe également des machines à blinder qui permettent de réaliser des blindages en bois au moyen de planches verticales. Ces machines sont montées sur des roues qui se déplacent sur les bords de la tranchée; elles comportent un châssis métallique suspendu qui descend dans la tranchée et qui sert de bouclier de protection pour les travailleurs qui posent les étrésillons. Leur avance est assurée par des vérins hydrauliques qui prennent appui sur le blindage en place.

On peut aussi avoir recours au blindage par palplanches en utilisant une machine spéciale sur laquelle sont montées deux sonnettes de battage qui servent à la mise en place du double rideau de palplanches. Les palplanches étant fichées dans le terrain à leur pied, on se contente d’une seule rangée d’étrésillons à leur sommet.

Enfin, dans le cas où la tranchée ne doit rester ouverte que pendant un temps très court, on renonce souvent à établir un blindage complet et on utilise, si le terrain le permet, des protections mobiles qui permettent aux ouvriers de travailler en sécurité. Ces protections sont généralement constituées de cages solides adaptées aux dimensions de la tranchée et montées sur des semelles formant berceau grâce auxquelles on peut les déplacer par traction (voir figure 93.7).

Figure 93.7 Des cages de protection protègent les travailleurs

Figure 93.7

Les blindages non jointifs sont utilisés dans les argiles et les terrains ayant une bonne cohésion. Leurs montants ne devraient pas être placés à plus de 2 m l’un de l’autre. Quant aux blindages jointifs, ils sont réservés aux terrains granulaires ou peu cohésifs. Dans ce cas, les parois de la tranchée sont blindées sur toute leur surface (voir figure 93.8). Un blindage étanche est utilisé lorsqu’on rencontre de l’eau de ruissellement ou des infiltrations. Il empêche l’érosion par l’eau, avec dépôt de particules de sol. Un système d’étançonnage doit toujours être maintenu étroitement serré contre le terrain pour éviter les effondrements.

Figure 93.8 Le blindage jointif est utilisé pour les sols granulaires

Figure 93.8

Les risques de noyade

Il peut arriver, en présence notamment de canalisations d’eau, que les personnes travaillant dans une tranchée soient menacées par des venues d’eau soudaines. Il importe de se renseigner, avant le début de la fouille, pour connaître l’emplacement précis de ces canalisations. Le cas échéant, les vannes d’alimentation des canalisations placées dans la tranchée seront fermées. Tout éboulement peut provoquer la rupture d’une conduite d’eau ou la formation d’une accumulation d’eau ou d’eaux usées.

Les risques liés aux émanations toxiques et au manque d’oxygène

Si l’air est vicié, les travailleurs peuvent être gravement incommodés. Ils pourront, dans des situations particulièrement critiques, être victimes d’une asphyxie par manque d’oxygène ou par suite d’une exposition à des gaz toxiques. Il importe de contrôler périodiquement la composition de l’air dans toutes les tranchées où l’on peut craindre des risques de cette nature et, plus spécialement, à proximité d’ordures ménagères enterrées, de réservoirs de carburants, de bouches d’égout, de marécages, d’usines chimiques et de toute installation pouvant émettre des gaz ou des vapeurs toxiques ou épuiser l’oxygène de l’air. Les gaz d’échappement des machines de chantier seront évacués.

La qualité de l’air sera déterminée au moyen d’instruments de mesure maintenus hors de la tranchée et d’une sonde placée dans la tranchée. Les tests s’effectueront dans l’ordre ci-après. On s’assurera en premier lieu que l’air contient 19,5 à 23,5% d’oxygène et, en second lieu, que les limites inférieures d’inflammabilité ou d’explosivité ne sont pas dépassées de plus de 10%. Enfin, les concentrations de substances potentiellement toxiques — le sulfure d’hydrogène par exemple — seront comparées à celles fournies par des sources fiables (aux Etats-Unis, on se référera, par exemple, au guide publié par l’Institut national de la sécurité et de la santé (National Institute for Occupational Safety and Health (NIOSH, 1997), dans lequel figurent les limites d’exposition autorisées. Si l’atmosphère est normale, les travailleurs seront autorisés à pénétrer dans la tranchée. La ventilation peut corriger une atmosphère anormale, mais il faut alors intensifier les contrôles. Pour les égouts et autres lieux analogues dans lesquels la composition de l’air se modifie continuellement, il faut instaurer une procédure autorisant l’accès, s’assurer que l’équipement de protection est approprié et prévoir une équipe constituée de trois personnes: le travailleur qui pénètre dans la tranchée, un surveillant et une tierce personne prête à intervenir.

Les chutes et les risques divers

Les chutes dans les tranchées peuvent être évitées en aménageant des moyens d’accès sûrs et en installant des passerelles lorsque les travailleurs, du matériel ou des matériaux doivent traverser une tranchée.

Les tas de déblais seront proscrits à moins de 60 cm du bord de la tranchée. La présence de câbles et de canalisations sera signalée avant le début de l’excavation pour éviter les électrocutions ou les brûlures graves pouvant résulter d’un contact avec des conducteurs sous tension. Les flèches des engins de chantier ne seront pas utilisées à proximité de lignes aériennes.

L’OUTILLAGE, LE MATÉRIEL ET LES MATÉRIAUX

L’OUTILLAGE

Scott P. Schneider

L’outillage joue un rôle important dans les travaux de construction. On distingue souvent deux catégories: les outils à main et les outils à moteur. Les outils à main comprennent tous les outils qui ne sont pas actionnés par la force mécanique, comme la plupart des marteaux et les pinces. Il existe plusieurs catégories d’outils à moteur, que l’on classe selon leur source d’énergie: les outils électriques (électricité), les outils pneumatiques (air comprimé), les outils utilisant un combustible (généralement de l’essence), les outils hydrauliques (pression d’un liquide) et les outils actionnés par une charge propulsive. Chacune de ces catégories présente des risques qui lui sont propres.

Les outils à main comprennent une vaste gamme d’outils. Le risque majeur est d’être atteint par l’outil ou par un morceau de la pièce sur laquelle on travaille. Les blessures oculaires occasionnées par des éclats de bois ou de métal sont courantes. Très souvent, les accidents sont dus à l’utilisation d’un outil inapproprié, endommagé ou mal entretenu. La taille de l’outil est importante: les hommes ou les femmes ayant de petites mains éprouvent des difficultés à utiliser des outils de grande taille. Les outils émoussés rendent le travail plus difficile, demandent une plus grande force et sont à l’origine d’un grand nombre d’accidents. Sous l’impact, un burin présentant une tête en champignon peut projeter des éclats. Il importe également de disposer d’une surface de travail convenable. Un mauvais angle de coupe peut entraîner une perte d’équilibre et des blessures. Parfois, les outils à main peuvent produire des étincelles qui provoqueront des incendies ou des explosions si le travail est effectué à proximité de liquides ou de vapeurs inflammables ou explosibles. On utilisera dans ces cas des outils antiétincelants (en aluminium ou en laiton, par exemple).

Les outils à moteur sont généralement plus dangereux que les outils à main, du fait de leur puissance. Les principaux dangers présentés par les outils à moteur sont une mise en marche intempestive, un dérapage accidentel de l’outil sur la pièce en travail, ou encore une perte d’équilibre de l’opérateur. La source d’énergie elle-même peut entraîner des accidents parfois mortels, par électrocution (outils électriques) ou par explosion (outils à essence). Les outils à moteur sont souvent munis d’un dispositif de protection des pièces mobiles lorsque l’outil est arrêté. Ce dispositif devrait être en bon état et ne pas être désactivé. Ainsi, une scie circulaire portable à moteur devrait être munie d’un capot recouvrant la partie supérieure de la lame et d’un protecteur rétractable ne découvrant que la partie travaillante de la lame. Les outils mécaniques ont souvent des crans de sûreté qui doivent être enclenchés pour que l’outil puisse fonctionner. Sur certains outils de scellement, par exemple, une pression doit être exercée contre la surface pour que l’outil puisse fonctionner.

L’un des risques majeurs des outils électriques est l’électrocution. Un fil usé ou un outil sans mise à la terre peuvent avoir des conséquences fatales. On pare à ce danger en utilisant des outils à double isolation, des outils avec mise à la terre ou des disjoncteurs différentiels qui décèleront un court-circuit et couperont automatiquement l’alimentation en énergie. Il faut renoncer à utiliser des outils électriques dans des endroits humides et porter, le cas échéant, des gants isolants et des chaussures de sécurité. On veillera à ne pas endommager les câbles électriques.

Les meules à moteur risquent de projeter des fragments. La meule devrait pivoter librement sur son axe. L’utilisateur ne devrait jamais se tenir juste dans le plan de la meule au moment de la mise en route. Une protection oculaire est indispensable dans les travaux de meulage.

Les outils pneumatiques comprennent les burins, les perceuses, les marteaux, les marteaux-piqueurs, les ponceuses, les raboteuses et les agrafeuses. Les outils de fixation font intervenir des pressions élevées; si l’objet à fixer est de faible épaisseur, le risque existe que la fixation le traverse et puisse atteindre une personne se trouvant à proximité. Les outils pneumatiques sont très bruyants et peuvent provoquer des pertes auditives. Les flexibles d’air comprimé devrait être protégés des dommages. Un pistolet à air comprimé ne devrait jamais être dirigé vers une personne. Il conviendra d’assurer la protection des yeux, du visage et de l’ouïe. Dans le cas d’outils particulièrement lourds, les opérateurs devraient porter des chaussures de sécurité.

Les outils à essence présentent des risques d’explosion, notamment pendant le remplissage de leur réservoir. Il faut préalablement les arrêter et leur laisser le temps de se refroidir. Si le remplissage se fait dans un endroit confiné, il faut assurer une ventilation suffisante. En lieu clos, l’utilisation de ces outils peut entraîner des risques d’intoxication par le monoxyde de carbone.

Les outils à charge propulsive sont assimilables à des armes à feu et ne devraient être utilisés que par un personnel spécialement formé. Ils ne devraient être chargés qu’au moment de leur utilisation et ne devraient jamais être laissés chargés et sans surveillance. Il faut positionner l’outil avec soin avant d’appuyer sur la gâchette. Le déclenchement de la charge devrait être impossible si la pression de l’outil sur la surface est inférieure à 2,3 kg environ. Ces outils ne seront pas utilisés dans une atmosphère explosive. Ils ne devraient pas être pointés en direction d’une personne. Ils seront contrôlés avant chaque utilisation et devraient comporter un bouclier de sécurité fixé à l’extrémité de la bouche pour éviter la projection de fragments lors du tir. Les outils défectueux seront immédiatement retirés de la circulation.

Les outils hydrauliques utiliseront un fluide ininflammable. Les vérins hydrauliques seront équipés d’un interrupteur de fin de course et porteront l’indication de leur charge limite. Pour être utilisés en toute sécurité, ils seront posés sur une surface plane et correctement centrés. La pression sera appliquée sans à-coups.

D’une manière générale, tous les outils à moteur seront contrôlés avant leur utilisation, entretenus avec soin et utilisés conformément aux instructions du fabricant.

Des outils mal conçus peuvent occasionner une fatigue exagérée s’ils obligent l’opérateur à adopter une mauvaise posture ou une préhension contraignante ou maladroite.

LE MATÉRIEL, LES ENGINS ET LES MATÉRIAUX

Hans Göran Linder

Les travaux de construction ont beaucoup évolué. Alors qu’ils étaient autrefois entièrement basés sur la compétence professionnelle des travailleurs et sur l’emploi d’un outillage relativement simple et léger, ils font aujourd’hui largement appel à de puissants engins mécanisés.

Les grues de chantier sont apparues, vers le milieu du XXe siècle, en même temps que de nouveaux matériaux comme le béton léger. De nouvelles techniques de construction ont fait leur apparition, et les concepteurs font un usage croissant des ordinateurs. La pénibilité du travail a été réduite grâce à la mécanisation, mais les opérations sont devenues plus complexes et plus délicates.

On utilise aujourd’hui couramment des éléments préfabriqués à la place des briques, des tuiles, des panneaux et des plots de béton léger. Les outils à main ont souvent fait place à des machines qui créent des risques nouveaux. Les méthodes de travail ont elles aussi changé; on est passé de la brouette à la mise en place du béton par pompage et du soulèvement manuel des charges au levage et au transport de matériaux au moyen de grues, de convoyeurs et de blondins.

Les directives des Communautés européennes concernant la sécurité et la santé des travailleurs

En 1985, la Communauté économique européenne (CEE) a décidé d’une «nouvelle approche en matière d’harmonisation technique et de normalisation» afin de faciliter la libre circulation des marchandises (CEE, 1985). Elle a adopté une législation communautaire qui fixe les principales exigences à respecter en matière de sécurité et de santé pour que des marchandises puissent être échangées entre les pays membres ou importées dans la Communauté. La directive 89/392 concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives aux machines contient des prescriptions précises à cet effet (CEE, 1989a). Les articles répondant aux prescriptions de cette directive portent une marque et sont agréés dans tous les Etats membres de la Communauté. Des mesures identiques existent pour les produits visés par la directive concernant les produits de construction (CEE, 1988).

D’autres directives fixent des critères minimaux pour les conditions de travail. Les Etats membres de la Communauté doivent satisfaire à ces critères ou appliquer des normes nationales plus strictes. Deux directives revêtent une importance particulière pour l’industrie de la construction: la directive 89/655 concernant les prescriptions minimales de sécurité et de santé pour l’utilisation par les travailleurs au travail d’équipements de travail (CEE, 1989b), et la directive 92/57 concernant les prescriptions minimales de sécurité et de santé à mettre en œuvre sur les chantiers temporaires ou mobiles (CEE, 1992).

Les échafaudages

Couramment utilisés pour les travaux en hauteur d’une certaine durée, les échafaudages sont courants dans l’édification, la rénovation, la réparation, la restauration et l’entretien de bâtiments et d’autres ouvrages. Leur construction, leur utilisation et leur démontage donnent encore lieu à de nombreux accidents du travail.

Les types d’échafaudages

Les échafaudages peuvent être construits sur place en bois ou en éléments tubulaires métalliques. Leurs éléments constitutifs doivent répondre à des normes de sécurité éprouvées, qu’il s’agisse d’échafaudages modulaires traditionnels de façade, d’échafaudages roulants, d’échafaudages suspendus ou volants ou encore d’échafaudages propres à certaines activités particulières.

Le réglage vertical de l’échafaudage

Les plates-formes de travail des échafaudages sont généralement fixes. Elles peuvent aussi être suspendues à des câbles ou des cordages permettant de les élever ou de les abaisser; leur manœuvre peut être commandée du pied ou du sommet, ou encore de la plate-forme elle-même.

Le dressage des échafaudages de façade préfabriqués

Ces échafaudages devraient être dressés conformément aux dispositions ci-après:

Les engins de terrassement

Les engins de terrassement sont principalement conçus pour désagréger, ameublir, enlever, déplacer, transporter et niveler la terre ou les sols pierreux. Ils jouent un rôle très important dans l’industrie de la construction (voir figure 93.9). Convenablement utilisés, ces engins sont souvent polyvalents et permettent d’éliminer une bonne partie des risques liés à la manutention des matériaux. Ils comportent toutefois des risques qui leur sont propres.

Figure 93.9 Excavation à la pelle mécanique sur un chantier de construction
en France

Figure 93.9

Parmi les engins de terrassement utilisés dans l’industrie de la construction, on peut ranger les bouteurs, les chargeuses, les chargeuses-pelleteuses (voir figure 93.10), les rétrocaveuses, les pelles mécaniques, les tombereaux, les décapeuses, les niveleuses, les tracteurs poseurs de canalisations, les trancheuses, les rouleaux compresseurs et les excavateurs à câbles.

Figure 93.10 Exemple de chargeuse-pelleteuse articulée

Figure 93.10

Les engins de terrassement peuvent présenter un danger pour leur opérateur et pour les personnes qui travaillent à proximité. Le résumé ci-après rappelle les risques associés aux engins de terrassement; il est basé sur la norme EN 474-1 du Comité européen de normalisation (CEN, 1994) et souligne les aspects de sécurité dont il faut tenir compte lors de l’acquisition et de l’utilisation des engins en question.

L’accès

La machine devrait permettre un accès sûr au poste de conduite de l’opérateur et aux points de maintenance.

Le poste de conduite

L’espace minimal dont dispose l’opérateur devrait permettre d’effectuer en toute sécurité et sans fatigue excessive les manœuvres nécessaires au bon fonctionnement de l’engin. L’opérateur ne devrait pas pouvoir entrer accidentellement en contact avec les roues, les chenilles ou les parties travaillantes. La sortie du tuyau d’échappement devrait être éloignée du poste de conduite.

Tout engin d’une puissance supérieure à 30 kW devrait être équipé d’une cabine pour l’opérateur, à moins qu’il ne soit utilisé sous un climat permettant de travailler confortablement sans cabine toute l’année. Les engins d’une puissance inférieure à 30 kW devraient être équipés d’une cabine lorsqu’ils sont utilisés dans des zones où l’air est de mauvaise qualité. Le niveau sonore des pelles mécaniques, des bouteurs, des chargeuses, des chargeuses-pelleteuses et des rétrocaveuses devrait être mesuré conformément à la norme internationale de mesurage du bruit émis à l’extérieur par les engins de terrassement (Organisation internationale de normalisation (ISO), 1998a).

La cabine devrait protéger l’opérateur des intempéries; l’intérieur ne devrait pas présenter d’arêtes coupantes susceptibles de le blesser. Les tuyaux et flexibles se trouvant à l’intérieur de la cabine et contenant des fluides dangereux en raison de leur pression ou de leur température devraient être protégés. La cabine devrait disposer d’une issue de secours indépendante de l’entrée normale. La hauteur minimale de plafond au-dessus du siège dépendra de la puissance du moteur de l’engin; elle sera de 1 m pour les moteurs de 30 à 150 kW. Toutes les vitres seront en verre de sécurité. Le niveau de bruit au poste de conduite ne devrait pas excéder 85 dBA (ISO, 1998b).

L’aménagement du poste de conduite devrait permettre à l’opérateur de voir les parties mobiles et actives de l’engin, si possible sans qu’il ait besoin de se pencher. Des miroirs ou des caméras de contrôle à distance avec écran d’affichage devraient permettre à l’opérateur de voir l’ensemble de la zone de travail sans angle mort.

Le pare-brise et, le cas échéant, la lunette arrière, devraient être munis d’un essuie-glace. Un dispositif de dissipation de la buée et de dégivrage devrait être prévu, au moins pour le pare-brise de la cabine.

La protection contre le retournement des engins et les chutes d’objets

Les chargeuses, les bouteurs, les décapeuses, les niveleuses, les chargeuses-pelleteuses, les rétrocaveuses et les tombereaux à quatre roues directrices d’une puissance de plus de 15 kW seront équipés d’une structure de protection contre le retournement. Les engins utilisés là où il existe un risque de chutes d’objets devraient également être pourvus d’une structure capable d’assurer la protection de l’opérateur.

Les sièges

Les engins dont le conducteur travaille en position assise devraient comporter un siège réglable assurant une posture stable et permettant à l’opérateur de garder le contrôle de son véhicule en toutes circonstances. Les réglages permettant d’adapter le siège à la taille et au poids du conducteur devraient être faciles à effectuer sans qu’il soit nécessaire de recourir à des outils.

En ce qui concerne les vibrations transmises par le siège, on se conformera à la norme internationale relative à l’évaluation en laboratoire des vibrations du siège de l’opérateur pour les engins de terrassement (ISO, 2000)

Les dispositifs de commande et les indicateurs

Les commandes, volants, leviers, pédales, indicateurs, commutateurs, etc., devraient être choisis, conçus et disposés de façon à ne pas présenter d’ambiguïté, porter des indications claires et se trouver à bonne portée de l’opérateur. Les dispositifs de commande seront conçus et disposés de telle sorte qu’ils ne puissent être déclenchés ou actionnés de manière intempestive, même s’ils sont exposés à des interférences avec des équipements de radio ou de télécommunication.

Les pédales devraient avoir des dimensions et une forme appropriées, être recouvertes d’un revêtement antidérapant et convenablement espacées. Pour éviter toute confusion, les commandes au pied seront disposées comme sur un véhicule automobile ordinaire (c’est-à-dire l’embrayage à gauche, le frein au milieu et l’accélérateur à droite).

Les engins de terrassement télécommandés devraient être conçus de façon à s’arrêter automatiquement et à rester immobilisés dès lors que leurs commandes sont désactivées ou que leur alimentation en énergie est coupée.

Tout engin de terrassement devrait être équipé:

Les systèmes de direction et de freinage

Le système de direction devrait être conçu de telle manière que le sens de déplacement de la commande de direction corresponde au mouvement recherché. Le système de direction des engins équipés de pneumatiques pouvant se déplacer à plus de 20 km/h sera conforme à la norme internationale correspondante (ISO, 1992).

Les engins devraient être équipés d’un frein de service, d’un frein de sécurité et d’un frein de stationnement efficaces dans toutes les conditions prévisibles d’utilisation, de charge, de vitesse, de terrain et de déclivité. L’opérateur devrait pouvoir ralentir et arrêter l’engin à l’aide du seul frein de service. Un frein mécanique devrait immobiliser l’engin en stationnement. Le système de freinage sera conforme à la norme internationale relative aux dispositifs de freinage des engins de terrassement (ISO, 1996).

L’éclairage

Pour permettre de travailler la nuit ou dans la poussière, les engins devraient être équipés de feux suffisamment puissants pour éclairer convenablement la zone de déplacement et la zone de travail.

La stabilité

Les engins de terrassement, y compris leurs éléments et leurs accessoires, devraient être conçus et fabriqués de façon à demeurer stables dans toutes les conditions normales de fonctionnement.

Les dispositifs visant à améliorer la stabilité des engins de terrassement en fonctionnement — les stabilisateurs et le mécanisme de blocage de l’essieu oscillant, par exemple — devraient être équipés de dispositifs de verrouillage assurant leur immobilisation même en cas de défaillance du système hydraulique.

Les carters de protection

Les carters de protection devraient être conçus de manière à rester solidement en place. S’ils ne doivent être ouverts que rarement, ils devraient être fixes et ne pouvoir être démontés qu’avec des outils ou des clés. En position ouverte, ils devraient si possible rester assujettis au bâti par une fixation à charnière. Les carters de protection devraient être équipés d’un système de retenue (ressorts ou vérins à gaz comprimé) leur permettant de supporter un vent de 8 m/s en position d’ouverture.

Les composants électriques

Les composants et les conducteurs électriques devraient être placés de façon à éviter une usure anormale ainsi que les détériorations dues à la poussière ou aux conditions ambiantes.

Les accumulateurs devraient être solidement assujettis, mais munis de poignées permettant de les extraire facilement. Un interrupteur aisément accessible, placé entre l’accumulateur et la terre, pourrait permettre d’isoler l’accumulateur du reste de l’installation électrique.

Les réservoirs de carburant et de fluide hydraulique

Il devrait être possible de faire tomber la pression en cas d’ouverture ou de réparation des réservoirs. Ceux-ci devraient être équipés de bouchons verrouillables.

La protection contre l’incendie

Le plancher et l’intérieur du poste de conduite devraient être en matériaux résistant au feu. Les engins d’une puissance supérieure à 30 kW devraient être équipés d’un système intégré d’extinction du feu ou d’un extincteur à portée de l’opérateur.

La maintenance

Les engins devraient être conçus et construits de telle sorte que les opérations de graissage et de maintenance puissent être effectuées en toute sécurité, si possible avec le moteur à l’arrêt. Lorsque la maintenance ne peut être effectuée qu’avec l’équipement en position haute, il conviendra de prévoir un blocage mécanique dans ladite position. Si elle doit être effectuée avec le moteur en marche, des précautions particulières devraient être prises (installation d’un écran de protection, mise en place de panneaux de mise en garde, etc.).

Le marquage

Tout engin devrait porter, de façon lisible et indélébile, les indications ci-après: nom et adresse du constructeur, marques réglementaires, nom de la série et du type, numéro de série (le cas échéant), puissance du moteur (en kW), poids de l’engin dans sa configuration la plus courante (en kg) et, le cas échéant, effort de traction maximal et charge verticale maximale.

D’autres indications pourront également figurer: conditions d’utilisation, marque de conformité (CE), référence aux instructions de montage, de service et de maintenance. Le marquage CE indique que l’engin satisfait aux directives de la CEE relatives à ce type de machine.

Les panneaux de mise en garde

Lorsque les mouvements d’un engin de terrassement engendrent des risques qui peuvent échapper aux personnes non averties, des panneaux de mise en garde devraient être fixés pour les dissuader d’approcher pendant toute la durée de l’opération.

Le contrôle du respect des normes de sécurité

Il convient de s’assurer que les normes de sécurité ont été respectées lors de la conception et de la fabrication des engins de terrassement et procéder, pour ce faire, aux mesures, contrôles visuels et tests prescrits ou préconisés. Il faut également étudier la documentation fournie par les constructeurs.

Le manuel d’utilisation

Un manuel contenant des instructions d’utilisation et de maintenance devrait être livré avec tout engin de terrassement. Il devrait être rédigé dans l’une au moins des langues officielles du pays dans lequel l’engin est utilisé et décrire, en termes simples et aisément compréhensibles, les risques pour la sécurité et la santé (bruit, vibrations, etc.) ainsi que les opérations qui exigent un équipement de protection individuelle. Le manuel devrait être conservé dans le poste de conduite de l’engin.

Les conditions de fonctionnement

En plus des indications mentionnées ci-dessus, le manuel d’utilisation devrait préciser les circonstances qui limitent l’utilisation de l’engin (ainsi, l’engin ne devrait pas être utilisé sur des terrains dont la pente est supérieure à celle fixée par le constructeur). Si l’opérateur observe un défaut, un dommage ou une usure exces-sive susceptibles de présenter un danger, il devrait immédiatement en informer son employeur et renoncer à utiliser l’engin jusqu’à ce qu’il ait été remis en état.

L’opérateur devrait contrôler la fixation correcte des élingues à la charge et au crochet de levage; s’il constate que la charge n’est pas solidement arrimée ou s’il a le moindre doute en ce qui concerne la sécurité de l’opération, il ne devrait pas procéder au levage.

Lorsqu’un engin emporte une charge suspendue, celle-ci devrait être aussi proche que possible du sol et la vitesse de l’engin devrait être adaptée à l’état du terrain. On évitera les accélérations brusques et les balancements de la charge.

Nul ne devrait être autorisé à pénétrer dans la zone de travail sans en avertir l’opérateur. Lorsque le travail oblige des travailleurs à pénétrer et à demeurer dans le rayon d’action de l’engin, ils devraient être très prudents et éviter de se déplacer inutilement ou de se tenir sous une charge suspendue. Aussi longtemps qu’ils se trouvent dans le rayon d’action de l’engin, l’opérateur devrait s’assurer qu’ils demeurent dans son champ visuel ou que leur position lui est signalée. Dans le cas d’engins pivotants, comme les grues et les chargeuses-pelleteuses, l’enveloppe de creusement sera dégagée.

Au début de la journée de travail, l’opérateur devrait contrôler les freins, les dispositifs de verrouillage, les embrayages, le système de direction et le système hydraulique et procéder à un essai en fonctionnement hors charge. Lors du contrôle des freins, l’opérateur devrait s’assurer que l’engin peut être rapidement freiné puis arrêté et immobilisé.

Avant de quitter l’engin à la fin de la journée de travail, l’opérateur devrait mettre toutes les commandes au point mort, couper le contact et prendre les précautions nécessaires pour éviter que l’engin ne puisse être utilisé par une personne non autorisée. Il devrait tenir compte des conditions climatiques susceptibles d’affecter le terrain sous-jacent ou de provoquer le gel de certaines parties de l’engin et prendre toutes mesures utiles pour éviter ce genre de problèmes.

Pour pouvoir effectuer une réparation sur un circuit hydraulique ou pneumatique, on devra préalablement procéder à une purge.

Le positionnement des engins

Lors du positionnement ou du stationnement d’un engin, il conviendra d’envisager les risques de renversement et de glissement de l’engin ainsi que les risques d’affaissement du terrain sur lequel il repose. Le cas échéant, des mesures appropriées devraient être prises pour assurer la stabilité.

Les lignes électriques aériennes

Lorsqu’un engin est utilisé à proximité de lignes électriques aériennes, des précautions devraient être prises pour éviter tout contact avec des éléments sous tension. Il importe de travailler en collaboration étroite avec la compagnie de distribution d’électricité.

Les canalisations souterraines, les câbles et les lignes électriques enterrés

Avant de démarrer un chantier, l’employeur devrait vérifier si des lignes ou des câbles électriques ou des conduites de gaz, d’eau ou d’évacuation des eaux usées sont enterrées dans le périmètre du chantier et, si tel est le cas, déterminer et signaler leur emplacement exact. Des instructions appropriées permettant de les éviter devraient être fournies à l’opérateur de l’engin.

L’utilisation d’engins de terrassement sur les routes ouvertes au trafic

Lorsqu’un engin de terrassement est utilisé sur une route ou un autre emplacement ouvert au trafic, des panneaux de signalisation, des barrières et des dispositifs de sécurité adaptés à la densité du trafic, à la vitesse des véhicules et aux règles locales de circulation devraient être mis en place.

Sur la voie publique, il est recommandé de transporter les engins par camion ou remorque. Le risque de renversement devrait être envisagé lors du chargement ou du déchargement des engins; ceux-ci devraient être immobilisés pendant le transport par des cales ou d’autres dispositifs appropriés.

Les matériaux

De très nombreux matériaux sont utilisés dans la construction. Ils comprennent l’amiante, l’asphalte (bitume), la brique, la pierre, le ciment, le béton, les revêtements de sol, les agents d’étanchéité en feuilles, le verre, les adhésifs, la laine minérale et les fibres synthétiques minérales d’isolation, les peintures et enduits, les matières plastiques, le caoutchouc, l’acier, le fer, l’aluminium, le cuivre et d’autres métaux, les panneaux de revêtement mural, le plâtre et le bois. La plupart de ces matériaux font l’objet d’un article dans le présent chapitre ou dans d’autres parties de l’Encyclopédie.

L’amiante

Dans nombre de pays, l’utilisation de l’amiante est interdite dans les travaux neufs, mais on en rencontre encore inévitablement dans les travaux de rénovation ou de démolition des bâtiments anciens. Des mesures très strictes s’imposent pour éviter que les travailleurs et le public ne soient exposés à de l’amiante, notamment lors des opérations de déflocage.

Les briques, le béton et la pierre

Les briques sont faites d’argile cuite et classées en briques de parement et en briques de construction. Elles peuvent être compactes ou présenter des cavités. Leurs propriétés physiques dépendent de l’argile utilisée, des adjuvants, du mode de fabrication et de la température de cuisson. Plus la température de cuisson est élevée, moins la brique sera absorbante.

Les briques, le béton et la pierre contenant du quartz peuvent produire de la poussière de silice si on les débite ou si on utilise des explosifs pour les fragmenter. Une exposition sans protection à la silice cristalline peut provoquer une silicose, affection pulmonaire chronique invalidante et potentiellement mortelle.

Le revêtement de sols

Les matériaux couramment utilisés pour le revêtement intérieur des sols sont la pierre, la brique, les produits céramiques, le bois, les textiles, le linoléum et les matières plastiques. La pose de granito, de carreaux céramiques ou de parquets de bois expose les travailleurs à des poussières pouvant provoquer des allergies de la peau ou des affections de l’appareil respiratoire. Les adhésifs utilisés pour la pose de carreaux ou de moquette contiennent souvent des solvants potentiellement toxiques.

Les poseurs de tapis et de moquettes travaillent beaucoup à genoux, dans une posture contraignante et qui peut occasionner, outre des crampes, l’apparition de callosités, de bursites et d’enflures aux genoux par suite de pressions locales prolongées.

Les adhésifs

On a recours à des adhésifs pour coller un matériau ou une surface sur un autre ou une autre. Les colles à l’eau contiennent un agent de liaison dans de l’eau et durcissent lorsque l’eau s’évapore. Les adhésifs renfermant des solvants durcissent lorsque le solvant s’évapore; les vapeurs qui se dégagent peuvent être dangereuses pour la santé, et ces produits ne devraient pas être utilisés dans des espaces confinés ou mal ventilés. Les adhésifs dont les composants doivent être mélangés pour durcir peuvent provoquer des allergies.

La laine minérale et les autres fibres d’isolation

L’isolation d’un bâtiment assure un confort thermique et permet de faire des économies d’énergie. Pour obtenir une isolation satisfaisante, on utilise des matériaux poreux du type laine minérale et fibres minérales synthétiques. L’inhalation de ces fibres peut provoquer une irritation et même des lésions des voies respiratoires. Par ailleurs, les fibres pointues peuvent pénétrer dans la peau et provoquer des dermites.

Les peintures et les enduits

Les peintures sont utilisées pour la décoration extérieure et intérieure des bâtiments, la protection des matériaux comme l’acier et le bois contre la corrosion ou la putréfaction, et le marquage des voies de circulation.

On évite maintenant les peintures à base de plomb, mais on peut en rencontrer lors des travaux de rénovation ou de démolition d’ouvrages anciens, notamment les structures métalliques comme les ponts et les viaducs. Les vapeurs et les poussières inhalées ou avalées peuvent provoquer une intoxication saturnine avec des troubles rénaux ou neurologiques chroniques; elles sont particulièrement dangereuses pour les enfants qui peuvent être exposés aux poussières de plomb ramenées à la maison sur les vêtements et les chaussures de travail.

L’utilisation de peintures contenant du cadmium et du mercure est proscrite dans la plupart des pays. Le cadmium peut induire des problèmes rénaux et certains types de cancer, tandis que le mercure peut provoquer des troubles du système nerveux.

Les peintures et les enduits à l’huile contiennent parfois des solvants dangereux; il est donc préférable d’utiliser des peintures à l’eau.

Les matières plastiques et le caoutchouc

Les matières plastiques et le caoutchouc, c’est-à-dire les polymères, sont classés en deux groupes: les thermoplastiques et les thermodurcissables. Ils sont utilisés dans la construction pour assurer l’étanchéité ou l’isolation et pour le revêtement de surfaces; ils entrent aussi dans la fabrication de produits comme les tuyaux et les garnitures. Les feuilles de plastique ou de caoutchouc sont employées pour confectionner des revêtements hydrofuges et peuvent provoquer des réactions chez les personnes sensibilisées à ces matériaux.

L’acier, le fer, l’aluminium et le cuivre

L’acier et le fer servent dans la construction pour édifier des structures portantes (ossatures et charpentes métalliques), pour constituer les armatures du béton armé ou pour des canalisations. Les aciers peuvent être au carbone ou alliés; l’acier inoxydable est un alliage. Les propriétés principales de l’acier sont sa solidité et sa ténacité. La ténacité à la fracture est importante pour éviter les ruptures par fragilité.

Les propriétés de l’acier dépendent de sa composition chimique et de sa structure cristalline. On lui fait subir un traitement thermique pour éliminer les tensions internes et améliorer la soudabilité, la résistance et la ténacité à la rupture.

Le béton peut supporter des contraintes de compression élevées, mais des armatures d’acier sont indispensables pour conférer au béton armé une résistance acceptable à la traction. Généralement, les fers d’armature ont une teneur en carbone de l’ordre de 0,4%.

L’acier au carbone ou acier «doux» contient du manganèse dont les fumées, au cours du soudage, sont susceptibles de provoquer un syndrome semblable à la maladie de Parkinson, avec des troubles neurologiques paralysants. L’aluminium et le cuivre peuvent également être toxiques dans certaines conditions.

L’acier inoxydable contient du chrome ou d’autres métaux (comme le nickel et le molybdène) qui augmentent la résistance à la corrosion. Le soudage de l’acier inoxydable peut exposer les travailleurs aux fumées de chrome et de nickel. Certains types de nickel sont susceptibles de provoquer de l’asthme ou des cancers; tandis que certains types de chrome (chrome hexavalent) sont de nature à provoquer des cancers, des affections des sinus et des perforations de la cloison nasale.

Après l’acier et le fer, l’aluminium (seul ou allié) est le métal le plus couramment utilisé dans la construction, en raison de sa légèreté, de sa solidité et de sa résistance à la corrosion.

Le cuivre est relativement cher, mais sa résistance élevée à la corrosion et ses excellentes propriétés de conduction électrique et thermique font qu’il est recherché pour les conducteurs électriques, pour le revêtement des toitures et pour la confection des tuyauteries. Les sels de cuivre entraînés par l’eau de pluie peuvent constituer un danger pour l’environnement immédiat.

Les panneaux de revêtement et le plâtre

Les panneaux de revêtement, souvent recouverts de bitume ou de plastique, sont utilisés comme protection contre l’eau et le vent et pour éviter que l’humidité ne s’infiltre dans les éléments de construction. Les panneaux de plâtre (sulfate hydraté de calcium naturel) sont constitués d’une plaque de plâtre insérée entre deux couches de carton; ils sont couramment employés pour les revêtements muraux et résistent bien au feu.

La poussière produite lorsqu’on découpe des panneaux peut provoquer des allergies de contact ou des affections pulmonaires.

Le bois

Le bois trouve de nombreuses applications dans la construction; il importe qu’il soit bien sec. Pour les poutres et les fermes de grande portée, on utilise des lames de bois collées. Les poussières de certaines essences peuvent constituer un risque pour la santé et même favoriser le développement de cancers. Dans certaines conditions, la poussière de bois peut se révéler explosive.

LES GRUES

Francis Hardy

Il existe de très nombreux types de grues. Une grue comporte le plus souvent une flèche (horizontale ou inclinable) conçue pour soulever, déplacer et déposer de lourdes charges. Les deux types principaux de grues sont les grues mobiles et les grues fixes. Les grues mobiles sont montées sur roues, sur un ponton ou sur un wagon. Les grues fixes peuvent être des grues à tour ou des ponts roulants. Aujourd’hui, les grues sont presque toujours actionnées par des moteurs (électriques ou à combustion interne). Leur capacité de levage (charge maximale d’utilisation), suivant le type et la taille, va de quelques kilogrammes à des centaines de tonnes. Les grues servent également au battage de pieux ou de palplanches, au dragage, aux excavations et à la démolition. Généralement, la capacité de levage est maximale lorsque la charge est au plus près du mât (axe de rotation); elle diminue au fur et à mesure que la charge s’éloigne du mât.

Les risques présentés par les grues

Les accidents mettant en cause une grue sont généralement spectaculaires et lourds de conséquence. Les victimes se comptent non seulement parmi les travailleurs, mais parfois aussi parmi la population. Chaque phase des opérations, y compris le montage, le démontage, le transport et la maintenance, présente des risques spécifiques parmi lesquels on peut citer:

Les mesures de prévention et de protection

La sécurité d’utilisation d’une grue est l’affaire de toutes les parties intéressées. Les constructeurs ont la responsabilité de concevoir et de fabriquer des grues donnant les meilleures garanties sur le plan de la sécurité. Les grues devraient être conçues de façon à prévenir autant que possible les accidents provoqués par la surcharge et l’instabilité. Des dispositifs tels que les limiteurs de charge et les indicateurs d’inclinaison de la flèche et de portée pourront contribuer à la sécurité des opérations. Il convient de relever que les dispositifs de détection des lignes électriques se sont avérés peu fiables. Chaque grue devrait être équipée d’un indicateur de charge fiable, efficace et automatique. Les constructeurs de grues devraient prévoir des commandes d’une conception claire, un tableau de configuration des charges à portée du grutier, des mains courantes, des vitres antireflet allant jusqu’au plancher de la cabine, un siège confortable, ainsi qu’une bonne isolation sur les plans acoustique et thermique. Sous certaines latitudes, des cabines chauffées ou climatisées améliorent le confort du grutier et diminuent la fatigue, contribuant ainsi à accroître la sécurité des opérations.

Les exploitants devraient veiller au bon état des grues en faisant procéder à des contrôles périodiques et à une maintenance de qualité. Ils devraient faire appel à des grutiers compétents et expérimentés. Une bonne connaissance des matériels existant sur le marché contribue à choisir l’engin le mieux approprié à une tâche donnée. Toute grue en service sur un chantier de construction devrait avoir une capacité suffisante pour manipuler la charge la plus lourde susceptible de se présenter. Il convient que chaque grue fasse l’objet d’une inspection complète par une personne compétente avant d’être assignée à un chantier; par la suite, on effectuera des contrôles périodiques, quotidiens si nécessaire (suivant les recommandations du constructeur) et on tiendra à jour un livret d’entretien. Une ventilation devrait être assurée pour évacuer ou diluer les gaz d’échappement des grues utilisées dans des espaces confinés. Une planification convenable devrait permettre d’éviter de travailler à proximité immédiate de lignes électriques aériennes. Lorsque des travaux doivent être effectués au voisinage de lignes à haute tension, les prescriptions relatives aux distances de sécurité devraient être respectées (voir tableau 93.6). Si on ne peut éviter d’intervenir à proximité d’une ligne à haute tension, il conviendrait que celle-ci soit mise hors tension ou isolée.

On devrait, en cas de besoin, prévoir des signaleurs pour assister le grutier. Les grutiers et les signaleurs devraient être convenablement formés et connaître parfaitement le code de signalisation manuelle. Il convient, si possible, de délimiter la zone de translation de la grue par une corde pour éviter les collisions. Les charges de lestage et les béquilles d’empattement devraient être installées conformément aux instructions du constructeur de l’engin. Les surcharges seront évitées si le grutier connaît le poids de la charge à soulever et s’il utilise les indicateurs de charge. Une fois la charge en place, le mouvement de la grue devrait toujours être lent; il conviendrait de ne jamais abaisser la flèche ou augmenter la portée d’une façon qui risque de compromettre la stabilité de l’engin. Lorsque la visibilité est insuffisante ou que le vent peut empêcher le grutier de garder le contrôle de la charge transportée, il faudrait renoncer à se servir d’une grue.

Les normes et les textes réglementaires

Il existe de nombreux textes réglementaires et des normes régissant la construction des grues et leur utilisation. Ils visent notamment la classification des appareils de levage à charge suspendue, les moyens d’accès, la détermination de la stabilité, les voies de roulement, les cabines, les organes de service, les dispositifs d’ancrage, les limiteurs et indicateurs de charge, le calcul des charges et des combinaisons de charge, les tableaux de charge, le calcul des charges dues au vent, les dispositifs de protection et de retenue, les performances, les signaux de sécurité et de danger, les codes et méthodes d’essai, les vérifications, la formation et l’information des grutiers ainsi que la maintenance.

LES ASCENSEURS, LES ESCALIERS MÉCANIQUES ET LES MONTE-CHARGES

J. Staal*, John Quackenbush et Philippe Lamalle**

* Adapté de J. Staal, 3e édition de l'Encyclopaedia of Occupational Health and Safety. ** Adaptation pour l'édition française.

Les ascenseurs

Un ascenseur est une installation de levage permanente desservant deux ou plusieurs niveaux, comprenant un espace clos, ou cabine, dont les dimensions et le mode de construction permettent l’accès aux personnes et qui se déplace entre des guides rigides verticaux.

Un ascenseur est donc un véhicule fait pour monter ou descendre des personnes (ascenseurs de personnes) ou des marchandises accompagnées de personnes (ascenseurs de charges), d’un niveau à un autre d’un bâtiment soit directement (manœuvre à blocage), soit avec des arrêts intermédiaires (manœuvre collective).

Une seconde catégorie d’appareils est constituée par le monte-charge, installation de levage permanente desservant des niveaux définis, exclusivement réservée au transport de charges. Il y a deux catégories de monte-charges: 1) les monte-charges inaccessibles, qui disposent d’une cabine dont les dimensions interdisent son accès par des personnes; en général, la surface de telles cabines ne dépasse pas 1 m2, leur profondeur 1 m et leur hauteur 1,20 m. Ils servent à transporter de la nourriture et des fournitures dans les hôtels et les hôpitaux, des livres dans les bibliothèques, du courrier dans les immeubles de bureaux, etc.; et 2) les monte-charges dont les dimensions de cabine sont supérieures aux valeurs ci-dessus sont considérés comme accessibles aux personnes pour le chargement, mais strictement interdits au transport de passagers, la cabine ne disposant pas de boîtier de commande. Ils sont utilisés généralement dans les usines et sur les sites industriels.

Les ascenseurs sont entraînés directement par un moteur électrique (ascenseurs électriques, voir figure 93.11) ou, indirectement, par le mouvement d’un liquide sous une pression produite par une pompe actionnée par un moteur électrique (ascenseurs hydrauliques).

Figure 93.11 Coupe d'une installation d'ascenseur, montrant les principaux
organes et éléments

Figure 93.11

Les ascenseurs électriques sont presque exclusivement entraînés par des machines à traction, avec ou sans réduction. Le terme «traction» signifie que la puissance d’un moteur électrique est transmise aux éléments de suspension à câbles multiples d’une cabine et d’un contrepoids par frottement des câbles dans les gorges de forme spéciale d’une poulie d’entraînement ou de traction d’une machine.

Depuis les années soixante-dix, les ascenseurs hydrauliques sont très employés pour le transport des marchandises et des passagers, habituellement pour une hauteur n’excédant pas six niveaux. L’huile hydraulique est utilisée comme fluide de pression. Le système hydraulique direct, avec un vérin supportant et déplaçant la cabine, est le plus simple. Vers la fin des années quatre-vingt-dix, la mise en application de la directive européenne 95/16 (CEE, 1995a) a permis d’introduire plusieurs innovations dans la conception des ascenseurs. L’une des plus marquantes est celle qui a conduit à la suppression de la salle des machines; dans cette configuration, les organes initialement placés dans ce lieu sont localisés dans la gaine. Cette innovation a été rendue possible par l’introduction de composants d’encombrements plus faibles et demandant moins de maintenance, comme la machine sans réduction à aimants permanents dont les poulies peuvent être de diamètre réduit grâce à l’utilisation de courroies plates en lieu et place des traditionnels câbles métalliques.

La normalisation

Le Comité technique 178 de l’Organisation internationale de normalisation (ISO) — dont le secrétariat est assuré par l’Association française de normalisation (AFNOR) — a défini des normes pour les charges et les vitesses jusqu’à 6 m/s; les dimensions des cabines et des gaines pour contenir passagers et marchandises; les monte-malades et les ascenseurs de service pour les bâtiments d’habitation, les bureaux, les hôtels, les hôpitaux et les maisons de repos; les dispositifs de manœuvre, la signalisation et les accessoires complémentaires; et l’étude de programmation d’ascenseurs pour les immeubles d’habitation. Dans la plupart des pays, chaque bâtiment doit être équipé d’un ascenseur accessible aux handicapés en fauteuil roulant.

Les règles générales de sécurité

Chaque pays industriel a un code de sécurité écrit, tenu à jour par un comité national de normalisation; ce travail a commencé dans les années vingt. Les diverses normes ont progressivement été harmonisées et les différences ne portent aujourd’hui que sur des points de détail. Les grandes entreprises de fabrication produisent des unités qui sont conformes aux normes en vigueur.

Dans les années soixante-dix, le BIT, en étroite collaboration avec la Commission internationale pour la réglementation des ascenseurs et monte-charge (CIRA), a publié des directives de sécurité pour la construction et l’installation des ascenseurs et monte-charges électriques et, quelques années plus tard, pour les escaliers mécaniques. Ces directives étaient destinées à servir de guide aux pays qui commençaient à établir ou à modifier leurs règles de sécurité. Un ensemble normalisé de règles de sécurité pour ascenseurs électriques et hydrauliques (EN 81-1/2), monte-charges (EN 81-3/4), escaliers mécaniques et trottoirs roulants (EN 115) visant à éliminer les barrières techniques aux échanges entre les pays membres de l’Union européenne est aussi du ressort du Comité européen de normalisation (CEN). L’Institut américain de normalisation (American National Standards Institute (ANSI)) a établi, lui aussi, une norme de sécurité pour les ascenseurs et les escaliers mécaniques.

Les règles de sécurité concernent plusieurs types de risques engendrés par les ascenseurs: cisaillement, écrasement, chute, choc, blocage en cabine, feu, choc électrique et dommages au matériel dus à l’usure ou à la corrosion. Les personnes à protéger comprennent les usagers, le personnel de maintenance et d’inspection ainsi que les personnes se trouvant à l’extérieur de la gaine et de la machinerie. Les objets à préserver sont les charges en cabine, les composants de l’installation et le bâtiment.

Les comités qui établissent les règles de sécurité doivent supposer que les composants sont correctement conçus, de bonne construction mécanique et électrique, qu’ils sont faits de matériaux de résistance adéquate et de bonne qualité et qu’ils sont exempts de défauts. Les actes imprudents des usagers doivent être pris en compte.

Le risque de cisaillement est prévenu en assurant des jeux adéquats entre les composants en mouvement entre eux et entre les pièces fixes et mobiles. L’écrasement est prévenu en ménageant une réserve en haut de la gaine entre le toit de la cabine dans sa position la plus haute et le plafond de gaine ainsi qu’une réserve en cuvette où quelqu’un peut se réfugier lorsque la cabine est dans sa position la plus basse. Ces volumes sont préservés par des amortisseurs et des interrupteurs d’arrêt. Ils peuvent être réduits dans le cas d’installation d’ascenseurs neufs dans les bâtiments existants.

La protection contre les chutes en gaine est assurée par des portes palières pleines et une coupure automatique qui empêche tout mouvement de la cabine jusqu’à ce que les portes soient complètement fermées et verrouillées. Les portes palières coulissantes du type automatique sont recommandées pour les ascenseurs de personnes.

Le choc des portes est réduit en limitant l’énergie cinétique de fermeture des portes automatiques. L’enfermement de passagers dans une cabine en panne est pris en compte en équipant, d’une part, la cabine d’un système de communication vocal vers un centre de dépannage et, d’autre part, en munissant les portes d’un système de déverrouillage d’urgence permettant à un personnel spécialement formé de les ouvrir et d’extraire les passagers.

L’application d’un ratio strict entre la charge nominale et la surface nette au sol de la cabine évite la surcharge en cabine. Les portes sont obligatoires sur toutes les cabines d’ascenseurs de personnes pour empêcher celles-ci d’être coincées entre le seuil de cabine et la gaine ou les portes palières. Les seuils de cabine doivent être équipés de chasse-pieds sur une hauteur d’au moins 0,75 m pour éviter les accidents, comme indiqué sur la figure 93.12. Les cabines doivent être équipées d’un parachute capable d’arrêter une cabine à pleine charge et de l’immobiliser, en cas de survitesse ou de rupture d’un élément de suspension. Le parachute est actionné par un limiteur de vitesse entraîné par la cabine au moyen d’un câble (voir figure 93.11). Un dispositif prévenant la vitesse excessive de la cabine dans le sens de la montée a été introduit par la directive européenne, notamment pour protéger les personnes se trouvant à l’intérieur de la cabine. Comme les passagers se tiennent debout et se déplacent verticalement, la décélération pendant le fonctionnement du système de sécurité doit être comprise entre 0,2 et 1,0 g pour éviter les blessures (g étant l’accélération normale de la pesanteur, soit 9,81 m/s2). Les normes européennes ont rendu obligatoire, dans les années quatre-vingt, l’installation de portes de cabine pour tous les ascenseurs et tous les types de monte-charges accessibles aux personnes. Les portes palières et cabine des ascenseurs peuvent être à ouverture manuelle ou, plus couramment, à ouverture automatique horizontale. C’est ce dernier type de porte qui est recommandé pour permettre l’accessibilité des personnes à mobilité réduite. Seuls les ascenseurs de charges peuvent être équipés de portes coulissant verticalement.

Figure 93.12 Plan du chasse-pieds du seuil de cabine évitant les coincements

Figure 93.12

Le passage libre des portes palières et cabine doit être le même pour éviter les dommages aux panneaux de la cabine par des chariots à fourches ou autres véhicules entrant et sortant de l’ascenseur. La conception globale d’un tel ascenseur doit tenir compte de la charge, du poids du matériel de chargement et des contraintes importantes intervenant à l’entrée, à l’arrêt et à la sortie des appareils. Les guides de la cabine d’ascenseur nécessitent un renforcement spécial. Lorsque le transport des personnes est autorisé, leur nombre doit être fonction de la surface maximale disponible du plancher de cabine. Ainsi, la surface du plancher de cabine d’un ascenseur de charge nominale de 2 500 kg doit être de 5 m2, correspondant à 33 personnes. Le chargement et l’accompagnement de la charge doivent être effectués avec grand soin. La figure 93.13 illustre une situation inacceptable.

Figure 93.13 Exemple de chargement dangereux dans un monte-charge

Figure 93.13

Les dispositifs de manœuvre

Tous les ascenseurs actuels sont à boutons à action mécanique en cabine et à contrôleurs à microprocesseurs, le système comportant un interrupteur en cabine actionné par un liftier ayant été abandonné. Tous les équipements électriques doivent être conformes aux exigences de compatibilité électromagnétique définies par la directive européenne 89/336 (CEE, 1989c).

Les ascenseurs isolés et ceux en groupes de deux à huit cabines sont habituellement équipés de manœuvres collectives interconnectées en cas de cabines groupées. La caractéristique principale des manœuvres collectives est que les appels peuvent intervenir à n’importe quel moment, que la cabine soit en mouvement ou à l’arrêt et que les portes palières soient ouvertes ou fermées. Les appels cabine et paliers sont enregistrés et stockés jusqu’à ce qu’ils soient traités dans l’ordre le plus efficace pour le fonctionnement du système, quel que soit l’ordre dans lequel ils ont été reçus.

Les inspections et les essais

En ce qui concerne la mise en service des ascenseurs neufs, la nouvelle directive européenne laisse le choix à l’installateur de recourir à un organisme notifié pour exécuter ces essais, ou de les effectuer lui-même pour autant qu’il ait mis en œuvre un système d’assurance qualité certifié par un organisme agréé. C’est à l’issue de ces essais que l’installateur apposera dans la cabine le marquage CE sans lequel le propriétaire de l’immeuble ne pourra procéder à la mise en service de l’ascenseur. Des essais spécifiques par un organisme agréé ou par le constructeur, s’il est certifié ISO 9001 (ISO, 1994a) sont nécessaires pour les dispositifs de verrouillage, les portes palières (y compris d’éventuels essais au feu), les parachutes, les limiteurs de vitesse, les amortisseurs à huile et les soupapes de rupture. Un marquage CE doit être apposé sur les composants. Les certificats des composants correspondants utilisés dans l’installation doivent être versés au dossier. Après la mise en service d’un ascenseur, des inspections de sécurité périodiques doivent avoir lieu à des intervalles dépendant de la nature et de la destination de l’immeuble (établissements recevant du public ou immeuble de grande hauteur). Ces essais sont destinés à assurer la concordance entre les normes de sécurité et le fonctionnement propre des dispositifs de sécurité. Les composants qui ne sont pas sollicités en service normal, comme le parachute et les amortisseurs, doivent subir un essai à cabine vide et à vitesse réduite pour éviter une usure excessive et des efforts qui pourraient altérer la sécurité de l’ascenseur.

L’inspection et la maintenance

Un ascenseur et ses composants doivent être inspectés et maintenus en bon état de marche et de sécurité, à intervalles réguliers, par des techniciens compétents et qualifiés ayant acquis une connaissance détaillée des équipements mécaniques et électriques d’un ascenseur et des règles de sécurité, sous la conduite d’un formateur qualifié. Le technicien est, de préférence, employé par le fournisseur ou l’installateur de l’ascenseur. Normalement, un technicien est responsable d’un nombre donné d’ascenseurs. La maintenance comporte des travaux de routine comme le réglage et le nettoyage, le graissage des pièces mobiles, l’entretien préventif pour anticiper d’éventuels problèmes, les visites d’urgence en cas de panne et les réparations importantes qui sont généralement effectuées après consultation d’un contremaître. Le danger majeur, cependant, est le feu en cuvette. Une cigarette allumée ou un objet qui se consume peut tomber dans l’espace entre le seuil de la cabine et la gaine et mettre le feu à la graisse se trouvant dans la gaine ou à des déchets se trouvant sur le fond; la gaine doit donc être nettoyée régulièrement. Aucun système ne doit être sous tension lors des opérations de maintenance. Dans les ascenseurs isolés, avant que les travaux d’entretien ne commencent, une affiche indiquant que l’ascenseur est hors service doit être apposée à chaque palier.

En ce qui concerne la maintenance préventive, une inspection visuelle attentive et des vérifications de la liberté de déplacement, de l’état des contacts et du fonctionnement correct de l’équipement sont généralement suffisantes. L’équipement de la gaine est inspecté à partir du toit de la cabine. Une manœuvre d’inspection sur le toit de la cabine est assurée par un interrupteur bistable qui met l’appareil en mouvement et en neutralise le fonctionnement normal, ainsi que celui des portes automatiques. Des boutons à pression constante de montée et de descente permettent de déplacer la cabine à vitesse réduite (n’excédant pas 0,63 m/s). L’opération d’inspection doit rester dépendante des dispositifs de sécurité (fermeture et verrouillage des portes, etc.); il ne doit pas être possible de dépasser les limites d’une course normale.

Un interrupteur d’arrêt placé sur la boîte de manœuvre d’inspection permet d’éviter un déplacement intempestif de la cabine. Le sens de déplacement le plus sûr est vers le bas. Le technicien doit être dans une position sûre pour observer l’environnement en déplaçant la cabine et disposer des dispositifs d’inspection appropriés. Avant de quitter l’installation, le technicien doit faire un rapport à la personne responsable de l’ascenseur.

Un éclairage approprié de la gaine facilite les inspections et réduit le risque de cisaillement et de chute pour le personnel utilisant le toit de la cabine pour se déplacer dans cette gaine. D’autres équipements, tels que des balustrades et un boîtier d’inspection, équipent le toit de la cabine pour le rendre le plus sûr possible pour le personnel intervenant sur l’ascenseur.

La sécurité du parc existant

Le parc existant est composé d’ascenseurs qui ont été installés à des époques très différentes; les plus anciens remontent à la fin du XIXe siècle, et on peut affirmer qu’à ce jour plus de 50% des ascenseurs existants ont plus de vingt ans d’âge. La particularité de ces équipements est qu’ils sont rarement modernisés ou remis à niveau pour ce qui concerne notamment la sécurité; en effet, moins de 2% du parc est modernisé chaque année. Pendant ce temps, les nouveaux ascenseurs voient leur niveau de sécurité s’accroître considérablement à chaque évolution normative ou réglementaire. Cet écart entre les anciens et les nouveaux ascenseurs représente un risque sans cesse croissant qui est déjà à l’origine d’accidents d’usagers ou de techniciens. Le vieillissement de la population, l’intégration des personnes handicapées sont des raisons supplémentaires qui incitent les gouvernements et la Commission européenne à prendre des mesures pour rajeunir les ascenseurs anciens. Certains pays, comme la France, ont voté des lois pour rendre obligatoire la porte cabine sur les anciens ascenseurs. La Commission européenne a publié la recommandation 95/216 (CEE, 1995b) pour inciter les Etats membres à aller plus loin dans ce domaine. Le CEN, de son côté, est en train d’élaborer une norme d’amélioration de la sécurité des ascenseurs existants. L’ascenseur, tout comme les autres moyens de transport tels que l’avion ou le train, devra passer par le rajeunissement de son parc.

Les escaliers mécaniques

Un escalier mécanique est un escalier incliné, continuellement en mouvement, qui conduit ses passagers vers le haut ou vers le bas. Les escaliers mécaniques sont utilisés dans les centres commerciaux, les grands magasins, les gares, les aéroports et les stations de métro pour amener un flot de personnes par un chemin défini d’un niveau à un autre.

Les règles générales de sécurité

Les escaliers mécaniques sont constitués d’une chaîne continue de marches entraînée par une machine au moyen de deux chaînes à mailles, une de chaque côté. Les marches sont guidées par des galets sur des rails qui permettent à la surface de foulée de rester horizontale sur la partie utilisable. A l’entrée et à la sortie, des rails assurent, suivant la vitesse et la course de l’escalier mécanique, que les marches forment un plan horizontal sur une distance de 0,80 à 1 m. Les dimensions des marches et leur construction sont illustrées par la figure 93.14. Le dessus de chaque balustrade doit être équipé d’une main courante placée à une hauteur de 0,85 à 1,10 m au-dessus du nez des marches, se déplaçant parallèlement aux marches, sensiblement à la même vitesse. La main courante, à chaque extrémité de l’escalier mécanique, là où les marches avancent horizontalement sur le même plan, doit dépasser horizontalement d’au moins 0,30 m la ligne de peignes et l’extrémité crosse, y compris la balustrade, de 0,60 m (voir figure 93.15). La main courante doit pénétrer la crosse au point le plus bas au-dessus du sol et un dispositif de protection doit être installé, dispositif muni d’un contact de sécurité pour arrêter l’escalier mécanique en cas de coincement d’un doigt ou d’une main à cet endroit. D’autres risques de blessure pour les passagers peuvent être engendrés au niveau des jeux nécessaires entre le côté des marches et la plinthe, entre les marches et les peignes, entre les surfaces de foulée et les contremarches. Dans le cas des contremarches, il existe un risque particulier dans la direction montée, à la courbure où se produit un mouvement relatif entre les marches consécutives. Les contremarches sont rainurées pour éviter ce risque.

Figure 93.14 Marche d'escalier mécanique

Figure 93.14

Figure 93.15 Escalier mécanique – Vue d'ensemble

Figure 93.15

Les personnes qui prennent un escalier mécanique peuvent glisser et leurs chaussures heurter la balustrade, ce qui peut provoquer une blessure par coincement aux endroits où les marches se dressent. Une signalisation claire et lisible, par pictogrammes, doit prévenir et informer les usagers. Elle doit, notamment, informer les adultes qu’ils doivent tenir par la main leurs enfants qui ne pourraient atteindre la main courante et que ces derniers doivent rester debout tout le temps du parcours. Les deux extrémités d’un escalier mécanique doivent être rendues inaccessibles lorsqu’il est hors service.

L’inclinaison d’un escalier mécanique ne devrait pas dépasser 30°, bien qu’elle puisse être portée jusqu’à 35° si la course verticale est égale ou inférieure à 6 m et la vitesse limitée à 0,50 m/s. Les machineries et stations d’entraînement et de retournement ne doivent être accessibles qu’au personnel de maintenance et d’inspection spécialement formé. Ces locaux peuvent être dans la charpente ou séparés. La hauteur libre devrait être de 1,80 m plaque fermée, sinon, plaque ouverte, et l’espace disponible devrait être suffisant pour que le travail puisse se faire en toute sécurité. La hauteur libre au-dessus des marches sera en tous points d’au moins 2,30 m.

Le démarrage, l’arrêt ou le changement de direction d’un escalier mécanique ne devraient être effectués que par des personnes autorisées. Si la norme du pays le permet, la mise en route d’un escalier mécanique peut être déclenchée automatiquement par le passage d’un usager devant un détecteur électrique, l’escalier mécanique devant fonctionner avant que la personne atteigne le peigne. Les escaliers mécaniques devraient être équipés de commandes d’inspection pour le fonctionnement en maintenance et l’inspection.

L’inspection et la maintenance

Une inspection et une maintenance suivant la description faite ci-dessus pour les ascenseurs sont généralement prescrites par les autorités pour les escaliers mécaniques. Un dossier devrait être établi; il devrait comprendre les notes de calcul de la structure porteuse, des marches, des composants d’entraînement des marches ainsi que des données générales, les plans d’installation, les schémas électriques et les instructions. Avant qu’un escalier mécanique ne soit mis en service, il devrait être examiné par une personne ou un organisme agréés. Des inspections périodiques ultérieures sont nécessaires à intervalles réguliers.

Les trottoirs roulants

Un tapis roulant, ou un trottoir roulant entraîné de façon continue, peut être utilisé pour transporter des passagers entre deux points d’un même niveau ou de niveaux différents. Des tapis roulants sont utilisés pour transporter un grand nombre de personnes dans les aéroports, du terminal principal aux portes d’embarquement et vice versa, ainsi que dans les grands magasins et les supermarchés. Quand les tapis sont horizontaux, les landaus, chariots, fauteuils roulants et caddies à bagages ou à marchandises peuvent être transportés sans risque; par contre, sur des tapis inclinés, ces petits véhicules, s’ils sont plutôt lourds, ne devraient être utilisés que s’ils se bloquent sur place automatiquement. La rampe est formée de palettes de métal, semblables aux surfaces de foulée des marches d’escaliers mécaniques, mais plus longues, ou de tapis de caoutchouc. Les palettes devraient être rainurées dans la direction du déplacement et des peignes être placés à chaque extrémité. La pente ne devrait pas dépasser 12° ou 6° aux paliers. Les palettes et tapis devraient se déplacer horizontalement sur une distance d’au moins 0,40 m avant d’arriver au palier. Le trottoir se déplace entre des balustrades équipées d’une main courante qui avance sensiblement à la même vitesse. La vitesse ne doit pas dépasser 0,75 m/s, sauf si le déplacement est horizontal, auquel cas une vitesse de 0,90 m/s est autorisée, dans la mesure où la largeur ne dépasse pas 1,10 m.

Les règles de sécurité pour les trottoirs roulants sont généralement semblables à celles applicables aux escaliers mécaniques et sont incluses dans la même norme.

Les ascenseurs de chantier

Les ascenseurs de chantier sont des installations temporaires utilisées sur les chantiers de construction pour le transport des personnes et des matériaux. Chaque engin de levage est une cabine guidée et devrait être manœuvré par un liftier en cabine. Ces dernières années, un modèle d’engin à crémaillère et pignon a permis l’utilisation d’ascenseurs de chantier pour se déplacer efficacement le long des tours de radio et des cheminées d’usine très hautes pendant l’entretien. Personne ne devrait pénétrer sur un engin de levage de matériel, sauf pour en effectuer l’entretien et la maintenance.

Les règles de sécurité varient considérablement. Dans de rares cas, ces engins sont installés avec les mêmes règles de sécurité que les installations permanentes d’ascenseurs et de monte-charges dans des bâtiments, excepté que la gaine est fermée par des parois grillagées au lieu de parois pleines, pour réduire la prise au vent. Des règles strictes sont appliquées, bien qu’elles ne soient pas aussi contraignantes que pour les ascenseurs; de nombreux pays ont édicté des règles spéciales pour ces engins de chantier. Cependant, dans de nombreux cas, le niveau de sécurité est bas et la construction laisse à désirer. Ces engins sont entraînés par des treuils et la cabine est suspendue à un seul câble d’acier. Un ascenseur de chantier devrait être entraîné par un moteur électrique pour s’assurer que la vitesse est comprise dans les limites de sécurité. La cabine devrait être fermée et pourvue d’un dispositif de protection d’entrée. Les accès à la gaine, à chaque niveau, devraient être équipés de portes pleines sur une hauteur de 1 m au-dessus du sol, la partie supérieure étant en grillage de mailles ne dépassant pas 10 × 10 mm. Les seuils des portes palières et cabine devraient être équipés de chasse-pieds adéquats. Les cabines devraient être pourvues de parachute. Un type d’accident courant survient lorsque des travailleurs empruntent une plate-forme de levage conçue pour le seul transport des charges, plate-forme qui n’a ni paroi, ni porte pour les empêcher de heurter une pièce d’échafaudage ou de tomber de la plate-forme pendant le déplacement. Un paternoster consiste en des plateaux fixés sur une courroie ou une chaîne se déplaçant verticalement. Le passager court plusieurs risques: être emmené au-delà du niveau le plus haut, être incapable de faire un arrêt d’urgence, se heurter la tête ou les épaules sur l’arête d’un niveau, sauter à l’intérieur ou à l’extérieur après que le niveau est passé, ou être incapable d’atteindre le niveau en raison d’une panne de courant ou de l’arrêt de l’appareil. En conséquence, un tel appareil ne devrait être utilisé que par un personnel averti.

Les risques d’incendie

Généralement, la gaine d’un ascenseur s’étend sur toute la hauteur d’un bâtiment et relie les différents niveaux. L’incendie ou la fumée d’un feu qui se déclare dans la partie basse d’un immeuble peut se propager par la gaine jusqu’aux autres niveaux et, dans certaines circonstances, le puits, ou gaine, peut activer l’incendie par un effet de cheminée. En conséquence, une gaine ne doit pas participer au système d’aération d’un bâtiment. Elle devrait être entièrement fermée par des murs pleins, faits de matériaux incombustibles qui ne doivent pas dégager de fumées nocives en cas d’incendie. Une ouverture devrait être prévue dans le haut de la gaine de l’ascenseur ou de la machinerie pour permettre l’évacuation des fumées à l’air libre.

A l’instar de la gaine, les portes palières devraient être résistantes au feu. Des règles sont généralement incluses dans les normes nationales de construction; elles varient suivant les pays et les conditions. Pour fonctionner convenablement, les portes palières ne peuvent pas être imperméables aux fumées.

Quelle que soit la hauteur de l’immeuble, les personnes ne devraient pas utiliser les ascenseurs en cas d’incendie; en effet, l’ascenseur peut s’arrêter à un niveau où l’incendie fait rage, et les passagers peuvent être bloqués en cabine en cas de panne d’électricité. En général, un ascenseur qui dessert tous les niveaux est réservé à l’usage des sapeurs-pompiers; il peut être mis à leur disposition au moyen d’un interrupteur ou d’une clé spéciale au niveau principal. La capacité, la vitesse et les dimensions de la cabine d’un ascenseur réservé aux sapeurs-pompiers devraient correspondre à certaines spécifications. Quand les sapeurs-pompiers utilisent des ascenseurs, les manœuvres de fonctionnement normal sont suspendues.

La construction, la maintenance et l’habillage des cabines d’ascenseur, la pose de moquette et le nettoyage de l’ascenseur (intérieur et extérieur) peuvent nécessiter l’utilisation de solvants organiques volatils, de mastics ou de colles qui peuvent être nocifs pour le système nerveux central et aussi présenter un risque d’incendie. Bien que ces substances puissent être utilisées sur d’autres surfaces métalliques, y compris les escaliers et les portes, le risque est grave sur les ascenseurs en raison de leur confinement, car les concentrations de vapeur peuvent devenir excessives. L’utilisation de solvants à l’extérieur d’un ascenseur peut aussi être dangereuse en raison de la faible circulation d’air, notamment dans les gaines aveugles où l’aération peut être entravée (une gaine aveugle est une gaine sans porte de sortie, s’étendant sur plusieurs niveaux entre deux destinations; ainsi, là où un groupe d’ascenseurs dessert le niveau 20 et au-dessus, la gaine aveugle s’étendrait du niveau 0 au niveau 20).

Les ascenseurs et les risques sanitaires

Si les ascenseurs et les monte-charges présentent des risques, leur utilisation peut aussi contribuer à éviter la fatigue et les lésions musculaires graves dues aux manutentions; ils peuvent aussi réduire les coûts de main-d’œuvre, notamment dans les pays en développement.

LE CIMENT ET LE BÉTON

L. Prodan et G. Bachofen*

* Adapté de L. Prodan et G. Bachofen, 3e édition de l'Encyclopaedia of Occupational health and Safety.

Le ciment

Le ciment est utilisé dans le bâtiment et les travaux publics pour lier des matériaux durs. Il se présente sous l’aspect d’une poudre fine provenant du broyage du clinker, matière obtenue par la calcination à haute température d’un mélange de matériaux argileux et calcaires. Lorsqu’on y incorpore de l’eau, le ciment se transforme en une boue qui durcit progressivement jusqu’à pétrification complète. On peut le mélanger avec du sable pour obtenir du mortier, ou avec du sable et du gravier pour obtenir du béton.

Les ciments se répartissent en deux catégories: ciments naturels et ciments artificiels. Les premiers sont tirés de matériaux naturels dont la structure s’apparente à celle du ciment et qu’il suffit de calciner et de broyer pour les transformer en poudre de ciment hydraulique. Quant aux ciments artificiels, il en existe des variétés multiples dont le nombre va croissant; chacune d’elles diffère des autres par sa composition et sa structure mécanique, ses qualités propres et ses applications. On peut distinguer deux grandes classes de ciments artificiels: les ciments Portland (du nom de la ville de Portland en Grande-Bretagne) et les alumineux.

La production

Le ciment Portland, qui occupe de loin la première place dans la production mondiale, est obtenu par un procédé illustré à la figure 93.16, et qui comporte deux phases: la préparation du clinker et son broyage. Les matières premières qui entrent dans la composition du clinker sont calcaires, comme la pierre à chaux, et argileuses, comme la marne. Elles sont mélangées et broyées par voie sèche ou humide. Le mélange pulvérulent est ensuite calciné dans des fours (qui peuvent être verticaux ou inclinés et rotatifs, à une température de l’ordre de 1 400 à 1 450 °C). A la sortie du four, le clinker passe dans un refroidisseur qui en abaisse rapidement la température pour éviter la transformation du silicate tricalcique, principal composant du ciment Portland, en silicate bicalcique et en oxyde de calcium.

Figure 93.16 Fabrication du ciment

Figure 93.16

Les masses de clinker refroidi sont souvent additionnées de gypse et de divers adjuvants qui déterminent le temps de prise et d’autres propriétés du ciment fini. On peut de la sorte varier la gamme des ciments en Portland normal, ciment prompt, ciment hydraulique, ciment au laitier, ciment à la pouzzolane, ciment hydrophobe, ciment de marine, ciment pour forages au pétrole ou au gaz, pour routes et barrages, ciment d’expansion, ciment au magnésium, etc. Le clinker est finalement broyé, tamisé et emmagasiné en silo avant l’ensachage et l’expédition. Voici la composition chimique du Portland normal:

Les ciments alumineux donnent des mortiers et des bétons de très grande résistance initiale. Ils sont formés par le mélange de pierre à chaux et d’argile à haute teneur en oxyde d’aluminium (sans adjuvants d’expansion) dont la température de cuisson avoisine 1 400 °C. Leur composition chimique est à peu près la suivante:

Les économies d’énergie ont entraîné une augmentation de la production de ciments naturels, notamment de ceux qui contiennent du tuf d’origine volcanique. Si besoin est, les ciments naturels sont calcinés à 1 200 °C, et non pas à 1 400-1 450 °C comme c’est le cas pour le ciment Portland. Le tuf peut contenir de 70 à 80% de silice libre amorphe et de 5 à 10% de quartz. La calcination transforme partiellement la silice amorphe en tridymite et en cristobalite.

Les applications

En modifiant le procédé de production ou en introduisant divers additifs, on peut obtenir, avec une même variété de ciment, des qualités différentes de béton (normal, argileux, bitumineux, asphalte-goudron, à prise rapide, porophore, hydrophobe, microporeux, armé, précontraint, centrifugé, etc.).

Les risques

Dans les carrières d’extraction de l’argile, de la pierre à chaux et du gypse, le personnel est exposé aux intempéries, aux poussières de forage et de concassage, aux explosions et aux éboulements de roche ou de terre. Des accidents de circulation sont également à déplorer lors du transport des produits vers les cimenteries.

Le risque majeur de la préparation du ciment est la poussière. On a mesuré, dans les carrières et les cimenteries, des concentrations allant de 26 à 114 mg/m3. Aux différentes étapes du pro-cédé de fabrication, les teneurs ci-après ont été rapportées: extraction de l’argile, 41,4 mg/m3; concassage et broyage des matières premières, 80 mg/m3; criblage, 384 mg/m3; broyage du clinker, 140 mg/m3; ensachage du ciment, 257 mg/m3; chargement, etc., 179 mg/m3. Dans les cimenteries modernes utilisant la voie humide, les pics de concentration sont de 15 à 20 mg de poussière/m3 d’air. Le niveau de pollution aux alentours des cimenteries ne représente plus que 5 à 10% de ce qu’il était autrefois, grâce à l’utilisation généralisée de filtres électrostatiques. La teneur des poussières en silice libre diffère selon qu’il s’agit de la matière première (l’argile peut contenir du quartz finement divisé et l’on peut y adjoindre du sable), du clinker ou du ciment, dont la silice libre aura normalement été éliminée en totalité.

Parmi les autres risques propres aux cimenteries, il faut citer les hautes températures ambiantes, notamment au voisinage des portes et des plates-formes des fours, la chaleur rayonnante et les niveaux élevés de bruit (120 dBA) près des broyeurs à boulets. Des concentrations d’oxyde de carbone allant de simples traces à 50 ppm ont été mesurées à proximité des fours à chaux.

Les états pathologiques propres aux travailleurs cimentiers sont les affections de l’appareil respiratoire, les troubles digestifs, les maladies de peau, les atteintes rhumatismales ou nerveuses, les troubles de l’audition et ceux de la vision.

Les affections de l’appareil respiratoire

C’est la catégorie la plus importante des maladies professionnelles rencontrées dans l’industrie du ciment que l’on peut imputer à l’inhalation des poussières en suspension dans l’air et aux conditions macroclimatiques et microclimatiques du milieu de travail. L’affection la plus fréquente est la bronchite chronique, souvent associée à l’emphysème.

Le ciment Portland ordinaire ne provoque pas de silicose, car il ne contient pas de silice libre. Pourtant, les travailleurs des cimenteries peuvent être exposés à des matières premières dont la teneur en silice libre varie considérablement. Les ciments acido-résistants utilisés pour les plaques réfractaires, les briques et les parpaings contiennent une proportion élevée de silice libre, et l’exposition à ces composants peut engendrer des risques de silicose.

La pneumoconiose du ciment a été décrite comme une fibrose réticulaire de caractère bénin, qui apparaît après une exposition prolongée et évolue très lentement. Pourtant, on a également observé quelques cas de pneumoconioses malignes, probablement imputables à une exposition à des matériaux autres que le ciment Portland.

Certains ciments contiennent également de la diatomite et du tuf à diatomées en quantités variables. Si on chauffe la diatomite, sa toxicité augmente du fait de la transformation de la silice amorphe en cristobalite, substance cristalline encore plus pathogène que le quartz. La pneumoconiose du ciment peut aussi être compliquée de tuberculose.

Les troubles digestifs

Un nombre apparemment élevé d’ulcères gastro-duodénaux ont été observés dans l’industrie du ciment. Une étude menée sur 269 travailleurs a révélé 13 cas d’ulcère gastro-duodénal (4,8%). On a pu induire des ulcères gastriques chez le cobaye et le chien en plaçant leur nourriture sur de la poussière de ciment. Une autre étude menée dans une cimenterie a pourtant montré que le taux d’absentéisme lié à des ulcères gastro-duodénaux est relativement faible (1,48 à 2,69%). Les ulcères passant par une phase aiguë plusieurs fois par an, ces chiffres ne sont pas excessifs si on les compare à ceux relevés dans d’autres branches d’activité.

Les maladies de la peau

Les maladies de la peau sont largement documentées; on considère qu’elles représentent environ 25% au moins de l’ensemble des maladies professionnelles. Diverses formes ont été observées, dont des inclusions cutanées, des érosions péri-unguéales, des eczémas diffus et des infections cutanées (furoncles, abcès et panaris). Celles-ci sont toutefois plus fréquentes chez les travailleurs qui utilisent le ciment (chez les maçons, par exemple) que chez ceux qui sont employés dans les cimenteries.

Dès 1947, il a été suggéré que l’eczéma du ciment était peut-être dû à la présence dans le ciment de chrome hexavalent (décelé par le test de solution de chrome). Les sels de chrome pénètrent probablement dans les ulcérations cutanées, se combinent avec des protéines et induisent une sensibilisation de nature allergique. Les matières premières entrant dans la composition du ciment ne contiennent généralement pas de chrome; la présence de chrome dans le ciment peut provenir d’une roche volcanique, de l’abrasion du revêtement réfractaire du four, des boulets d’acier utilisés dans le broyage et des divers outils servant au concassage et au broyage des matières premières et du clinker. La sensibilisation au chrome est parfois la cause majeure de la sensibilité au nickel et au cobalt. La forte alcalinité du ciment est considérée comme un facteur important des dermites du ciment.

Les atteintes rhumatismales et nerveuses

Les changements fréquents des conditions macroclimatiques et microclimatiques rencontrées dans l’industrie du ciment sont souvent associés à l’apparition de divers troubles de l’appareil locomoteur (arthrite, rhumatismes, spondylites et diverses douleurs musculaires) et du système nerveux périphérique (douleurs dorsales, névralgies et radiculites des nerfs sciatiques).

Les troubles de l’audition et de la vision

On a rapporté quelques cas d’hypoacousie par lésion cochléaire chez les travailleurs des cimenteries. La principale maladie des yeux observée est la conjonctivite, qu’un traitement médical ambulatoire suffit généralement à soigner.

Les accidents

Les accidents survenant dans les carrières sont dus la plupart du temps à des chutes de terre ou de roche ou se produisent pendant le transport. Dans les cimenteries, les principaux accidents sont des contusions, des coupures ou des écorchures occasionnées lors des opérations de manutention.

Les mesures préventives

La prévention des risques engendrés par les poussières dans l’industrie du ciment passe par une bonne connaissance de la composition (et notamment de la teneur en silice libre) de tous les matériaux utilisés. Il importe de connaître la composition exacte des nouvelles variétés de ciment mises en œuvre.

Dans les carrières, les excavatrices devraient être équipées de cabines fermées et d’un système de ventilation assurant une arrivée d’air pur; des mesures de lutte contre les poussières devraient être mises en œuvre pendant les opérations de forage et de concassage. Pour éliminer le risque d’intoxication par l’oxyde de carbone et les oxydes d’azote libérés lors des tirs de mines, on s’assurera que les travailleurs s’éloignent avant la mise à feu et ne reviennent sur les lieux qu’après que les fumées se sont dissipées.

Dans les cimenteries, toutes les opérations produisant de la poussière (broyage, criblage, transport par convoyeurs à bande) devraient être placées sous carter ou sous aspiration localisée. Des précautions spéciales devraient être prises aux points de transbordement des produits. Une ventilation énergique est également indispensable aux plates-formes de refroidissement du clinker, aux postes de broyage et aux installations d’ensachage du ciment.

Dans la lutte contre les poussières, le problème le plus délicat est celui des conduits du four à clinker, qui sont généralement équipés de filtres électrostatiques précédés d’un sac à manche ou d’autres filtres. Les filtres électrostatiques peuvent également être utilisés pour le criblage et l’ensachage; ils devraient dans ce cas être associés à d’autres méthodes de dépoussiérage.

Les zones de travail dont la température est élevée devraient être équipées d’arrivées d’air frais et le personnel protégé par des écrans thermiques. Les réparations des fours ne devraient être entreprises que lorsque ceux-ci sont suffisamment refroidis; elles devraient être effectuées par des travailleurs jeunes et en bonne santé soumis à un suivi médical pour contrôler leur rythme cardiaque, leur fonction respiratoire et leur sudation et éviter le risque de choc thermique. Le cas échéant, des boissons salées devraient être mises à disposition.

Parmi les mesures préventives des maladies de peau, on peut citer la possibilité de prendre un bain ou une douche et l’application de crèmes barrière. Des traitements de désensibilisation existent en cas d’eczéma: après l’arrêt complet de l’exposition au ciment pendant trois à six mois pour permettre la cicatrisation, on peut appliquer deux à trois fois par semaine, pendant cinq minutes, deux gouttes d’une solution aqueuse à 1 pour 10 000 de dichromate de potassium. En l’absence de réaction localisée ou diffuse, le temps de contact pourra généralement aller jusqu’à quinze minutes, après quoi le dosage de la solution pourra être augmenté. On peut appliquer la même méthode en cas de sensibilité au cobalt, au nickel ou au manganèse. On a observé que la dermite au chrome — et même l’intoxication chronique — peuvent être prévenues et traitées par l’acide ascorbique. Le mécanisme d’inactivation du chrome hexavalent par l’acide ascorbique consiste à le réduire en chrome trivalent, de faible toxicité, avec formation complexe des espèces trivalentes.

Les ouvrages en béton ou en béton armé

Le béton s’obtient en mélangeant des agrégats comme le gravier et le sable à du ciment et de l’eau dans des bétonnières de diverses capacités installées sur le chantier. Il sera cependant parfois plus économique de faire livrer du béton prêt à l’emploi par des camions-malaxeurs spéciaux.

Des grues à tour, des élévateurs ou des blondins transportent le béton prêt à l’emploi dans des bennes, de la bétonnière ou du silo jusqu’aux emplacements fixés. En raison de la taille et de la hauteur de certains ouvrages, on utilise parfois des pompes à béton capables d’amener le béton jusqu’à 100 m de hauteur; leur débit est bien supérieur à celui des grues ou autres engins. Les camions-malaxeurs utilisés pour le transport du béton prêt à l’emploi sont fréquemment équipés d’un dispositif permettant d’amener directement le béton vers la pompe sans passer par un silo.

Les coffrages

Les méthodes et matériaux de coffrage ont suivi l’évolution technique autorisée par l’introduction d’engins de levage de grande portée; il n’est plus nécessaire aujourd’hui de monter les éléments de coffrage in situ.

Des parois de moulage de grandes dimensions (appelées banches) sont à présent utilisées pour réaliser les éléments porteurs et les cloisons des grands bâtiments résidentiels et industriels. Elles sont mises en place et retirées par des grues une fois que le béton a pris.

Pour réaliser des structures horizontales en béton armé (des dalles, par exemple), on utilise des tables de coffrage formées d’éléments en acier portés par des vérins. Une fois que le béton a pris, la table est abaissée au moyen de vérins mécaniques ou hydrauliques.

On utilise des coffrages glissants ou grimpants lorsqu’il s’agit de construire des ouvrages d’une certaine importance et, notamment, des structures élevées (piles de ponts, barrages, silos, etc.). La hauteur de ces coffrages peut varier de 2 à 4 m en général. Les coffrages glissants sont relevés au fur et à mesure de la mise en place et de la prise du béton qui se poursuivent sans interruption.

Les coffrages grimpants diffèrent des coffrages glissants en ce qu’ils sont ancrés dans le béton par des manchons filetés. Dès que le béton coulé a atteint la résistance voulue, les vis d’ancrage sont desserrées et le coffrage est relevé à la hauteur de la section suivante à bétonner.

D’autres types de coffrage mobiles spéciaux sont utilisés pour la réalisation de structures porteuses telles que les tabliers de ponts.

Les éléments préfabriqués

Les techniques de construction des grands immeubles d’habitation, des ponts et des tunnels ont été encore rationalisées par la production d’éléments préfabriqués comme les dalles de sol, les murs, les poutres de pont, etc., dans une usine spécialisée ou près du chantier de construction. Les éléments préfabriqués, assemblés sur le site, suppriment la construction, le déplacement et le démontage de coffrages et d’échafaudages complexes, ce qui permet d’éliminer dans une large mesure le danger du travail en hauteur.

Les armatures

Les armatures sont généralement livrées sur le chantier découpées et pliées suivant les plans de ferraillage. C’est seulement lorsque les éléments de béton sont préfabriqués sur le chantier ou à l’usine que les tiges d’armature sont attachées ou soudées ensemble pour former des cages ou des lits d’armature que l’on introduit dans les coffrages avant de couler le béton.

La prévention des accidents

Si la mécanisation et la rationalisation ont éliminé de nombreux risques traditionnels sur les chantiers de construction, elles en ont également introduit de nouveaux. Ainsi, le nombre d’accidents mortels consécutifs à des chutes de hauteur a considérablement diminué grâce à la généralisation des mesures de prévention, à l’adoption de méthodes nouvelles et à une surveillance plus rigoureuse des travaux. A titre d’exemple, les plates-formes de travail et leurs garde-corps ne sont montés qu’une seule fois et déplacés en même temps que le coffrage roulant auquel ils sont fixés, alors qu’avec les coffrages traditionnels les garde-corps étaient souvent inexistants. D’un autre côté, les risques mécaniques et les risques électriques sont plus fréquents, tandis que de nombreux produits d’étanchéité, de conservation, d’assemblage (adhésifs) et d’entretien ne sont pas sans danger pour la santé.

Quelques mesures importantes de prévention des accidents à observer lors des différentes opérations sont exposées ci-après.

Le malaxage du béton

Le béton étant très souvent fabriqué dans une machine, il importe de porter une attention particulière à la conception et à l’implantation des organes de manœuvre et du skip d’alimentation de la cuve de malaxage. Il peut arriver, lors du nettoyage d’une bétonnière, qu’un levier soit inopinément déplacé, provoquant la mise en mouvement intempestive de la cuve ou de la benne et un accident. Les commandes devraient être protégées et disposées de façon à éviter toute confusion; le cas échéant, elles seront munies d’un dispositif de verrouillage. On veillera à ce que les travailleurs employés au nettoyage des fosses situées à la base des voies d’alimentation ne puissent être blessés par la descente accidentelle de la benne.

Les silos d’agrégats et, notamment, de sable, présentent des risques sérieux pour les travailleurs appelés à y pénétrer pour désagréger les matières ensilées qui ont formé des blocs compacts ou des ponts qui bloquent l’écoulement de la gravité. Ils devraient être équipés de harnais de sécurité fixés à des filins de retenue et ne jamais travailler sans surveillance. Les trémies des silos devraient être équipées de vibreurs pour éviter autant que possible ce type d’intervention.

La mise en place du béton

Le déplacement des bennes de béton accrochées à une grue ou à un blondin devrait être facilité et guidé par un signaleur.

Les pompes à béton à réglage hydraulique doivent être équipées d’un clapet de sécurité afin de ne pas s’affaisser brutalement en cas de rupture d’une canalisation.

Des plates-formes de travail équipées devraient être prévues pour la coulée du béton dans les coffrages au moyen d’une benne suspendue ou d’une pompe à béton. Les grutiers devraient être formés à ce type d’opération et avoir une bonne vue. En cas de longs parcours, on aura recours au téléphone ou à des talkies-walkies.

Si on utilise des pompes à béton avec une goulotte et un bras de distribution, on veillera tout particulièrement à assurer la stabilité de l’installation. Les camions-malaxeurs ayant une pompe à béton intégrée devraient être équipés de dispositifs de verrouillage empêchant le démarrage simultané des deux opérations. Les parties mobiles des malaxeurs devraient être protégées. Le panier servant à recueillir la balle de caoutchouc chassée dans la goulotte pour la nettoyer devrait être remplacé par deux coudes disposés en sens contraire; ces coudes peuvent absorber la quasi-totalité de la pression nécessaire pour chasser la balle dans la goulotte et éliminent le fouettement à l’extrémité de la goulotte.

Le coffrage

Les chutes sont fréquentes lors du montage de coffrages traditionnels faits de poutres et de planches de bois, car l’installation de garde-corps et de plinthes est souvent négligée dans le cas de travaux de courte durée. Les coffrages modernes sont souvent faits d’acier, mais ici encore, garde-corps et plinthes sont fréquemment absents.

Les panneaux en contreplaqué, de plus en plus utilisés, sont faciles et rapides à monter. Pourtant, après avoir été employés plusieurs fois, ils ne présentent plus une résistance suffisante. Les accidents provoqués par la rupture de panneaux de coffrage servant à tort de plate-forme, de passerelle ou d’échafaudage sont encore fréquents.

Les éléments de coffrage préfabriqués devraient être entreposés de telle sorte qu’ils ne puissent se renverser. S’il n’est pas possible de les entreposer à plat, ils devraient être convenablement arrimés. Les éléments de coffrage portant des plates-formes, des garde-corps et des plinthes fixés à demeure devraient être attachés par des élingues au crochet de la grue et être montés et démontés sur la structure en construction. Ils offrent un poste de travail sûr et permettent de supprimer les plates-formes de mise en place du béton. On utilisera notamment ces plates-formes, équipées de garde-corps et de plinthes fixés à demeure au coffrage, avec les coffrages glissants ou grimpants.

Lorsque des éléments de coffrage sont déplacés à la grue depuis leur emplacement de stockage pour être amenés à leur point d’utilisation, on fera le choix de dispositifs d’élingage appropriés. Si l’angle formé par les élingues est trop grand, on devrait utiliser un palonnier.

Les travailleurs qui nettoient la surface des coffrages sont exposés à un risque généralement sous-estimé, à savoir l’utilisation de meuleuses portatives pour éliminer les résidus de béton qui adhèrent à la surface. Les mesurages effectués ont montré par ailleurs que les poussières produites à cette occasion ont des teneurs élevées de particules de taille respirable et de silice. Il importe par conséquent de prendre des dispositions appropriées pour se prémunir contre ce risque (installation d’une aspiration localisée avec filtre, par exemple).

Le montage d’éléments préfabriqués

Les ateliers de fabrication disposent d’installations spéciales permettant de déplacer et de manipuler ces éléments en toute sécurité. Il n’en va pas de même sur les chantiers de construction. Des boulons d’ancrage noyés dans le béton permettront de faciliter les manutentions et de garantir la sécurité. Pour éviter que ces boulons ne plient ou ne soient arrachés en cas de sollicitation oblique, les éléments de grandes dimensions seront soulevés à l’aide d’un palonnier et d’élingues courtes. L’utilisation d’apparaux de levage inadéquats a été à l’origine de nombreux accidents graves.

Des véhicules appropriés seront utilisés pour le transport des éléments préfabriqués. Ceux-ci seront convenablement assujettis pour éviter qu’ils ne se renversent ou ne glissent, par exemple en cas de freinage brutal. L’indication visible du poids de chaque élément facilitera le travail des grutiers au cours du chargement, du déchargement et du montage sur site.

Les équipements de levage de chantier seront choisis avec soin.

Lors du montage des éléments, des plates-formes de travail seront fournies pour prévenir les chutes de hauteur. Les moyens de protection collective seront préférés aux équipements de protection individuelle, ceux-ci n’étant utilisés par certains travail-leurs que lorsqu’ils sont soumis à une surveillance étroite. Les filins d’amarrage constituent en effet une gêne et il est des personnes qui se flattent de pouvoir travailler à de grandes hauteurs sans protection.

Au stade de la conception d’un ouvrage en éléments préfabriqués, l’architecte ou l’ingénieur, le fabricant des éléments préfabriqués et l’entrepreneur devraient examiner ensemble le déroulement et la sécurité des opérations. Si on connaît d’avance les types de matériel de manutention et de levage qui seront à disposition sur le chantier, on pourra prévoir en atelier les dispositifs de fixation les plus appropriés pour les garde-corps et les plinthes. Les bords des éléments de plancher, par exemple, pourront être munis de garde-corps et de plinthes préfabriqués avant que ces éléments ne soient mis en place. Les parois devant être fixées au plancher pourront ainsi être assemblées en toute sécurité, les travailleurs étant protégés par les garde-corps.

Lors de la construction de certaines structures élevées, des plates-formes de travail mobiles sont parfois mises en place par des grues et accrochées à des boulons noyés dans la structure elle-même. Dans ce cas, il est plus sûr d’amener les travailleurs sur la plate-forme au moyen d’une grue ou d’un élévateur plutôt que d’utiliser des échafaudages ou des échelles improvisés.

Au moment de la mise en précontrainte d’éléments en béton armé par post-tension (c’est-à-dire après durcissement du béton sur lequel le béton est ancré), il faut prêter attention à la conception des niches de postcontrainte, qui devront permettre au personnel d’appliquer, d’actionner et de retirer les vérins de mise en tension sans prendre de risque. Des crochets de suspension devraient être prévus pour ces vérins sous les tabliers des ponts ou dans les éléments en forme de caisson. Ce type d’opération demande lui aussi des plates-formes équipées de garde-corps et de plinthes. Le plancher de la plate-forme de service devrait être assez bas pour offrir une hauteur de travail suffisante et garantir une manœuvre sûre des vérins. Personne ne devrait se trouver à l’arrière des vérins de précontrainte, car la rupture d’un élément d’ancrage ou d’un élément de précontrainte libère une énergie considérable et peut occasionner des accidents très graves. Les travailleurs devraient également éviter de se trouver en face des plaques d’ancrage jusqu’à la prise du mortier chassé dans les manchons de précontrainte. La pompe à mortier étant reliée au vérin par un circuit hydraulique, nul ne devrait être autorisé à stationner dans la zone comprise entre la pompe et le vérin pendant la mise en tension. Il est essentiel d’assurer une bonne communication entre les travailleurs et les responsables de l’opération.

La formation

Une formation solide de l’ensemble du personnel de chantier en général et des conducteurs des installations et des engins en particulier revêt une importance croissante en raison de la mécanisation de plus en plus poussée des opérations et de la mise en œuvre d’équipements et de matériaux très divers. Si l’on veut parvenir à réduire sensiblement le nombre des accidents du travail sur les chantiers de construction, il faut éviter de faire appel à des manœuvres et à des travailleurs non qualifiés.

Etudes de cas: prévention des dermatoses professionnelles chez des travailleurs
exposés à la poussière de ciment

La forme la plus courante de dermatose professionnelle des travailleurs du bâtiment est celle consécutive à l’exposition au ciment. Suivant les pays, de 5 à 15% des travailleurs du bâtiment — notamment des maçons — contractent des dermatoses dans l’exercice de leur profession. L’exposition au ciment peut provoquer deux types de dermatoses: 1) la dermite toxique de contact, irritation locale de la peau exposée au ciment humide, principalement due à l’alcalinité du ciment; et 2) la dermite allergique de contact, réaction allergique généralisée de la peau à l’exposition au chrome soluble dans l’eau que l’on trouve dans la plupart des ciments. Un kilogramme de poussière de ciment ordinaire contient de 5 à 10 mg de chrome soluble dans l’eau. Ce chrome provient à la fois de la matière première et du procédé de fabrication (notamment des parties d’installation en acier).

La dermite allergique de contact est chronique et invalidante. Si elle n’est pas convenablement traitée, elle peut diminuer la productivité du travailleur et, dans certains cas, le contraindre à partir à la retraite plus tôt que prévu. Dans les pays nordiques, durant les années soixante et soixante-dix, la dermite du ciment était la cause la plus fréquente de retraite anticipée des travailleurs du bâtiment. Aussi des mesures ont-elles été prises pour éviter ce type d’affection. En 1979, des chercheurs danois ont avancé que la réduction du chrome hexavalent soluble dans l’eau en chrome trivalent non soluble, par adjonction de sulfate ferreux lors de la production, permettrait d’éviter les allergies au chrome (Fregert, Gruvberger et Sandahl, 1979).

En 1983, la législation danoise a imposé l’utilisation de ciments contenant moins de chrome hexavalent. La Finlande a suivi au début de 1987; la Suède et l’Allemagne se sont dotées de règlements allant dans le même sens en 1989 et 1993, respectivement. Dans ces quatre pays, le niveau admissible, dans le ciment, de chrome soluble dans l’eau a été fixé à moins de 2 mg/kg.

Avant que la Finlande ne prenne des mesures en 1987, l’Administration nationale de protection du travail avait souhaité évaluer la fréquence des dermites au chrome dans le pays. Elle avait demandé à l’Institut national de santé au travail d’étudier les dermatoses professionnelles observées chez les travailleurs du bâtiment afin d’évaluer l’utilité de l’apport de sulfate ferreux au ciment pour éviter les dermites au chrome. De 1978 à 1992, cet institut a contrôlé toutes les dermatoses professionnelles consignées dans le registre finlandais des maladies professionnelles. Les résultats ont montré que les dermites au chrome au niveau des mains avaient pratiquement disparu chez les travailleurs du bâtiment, alors que les dermites toxiques de contact étaient demeurées à un niveau inchangé pendant la même période (Roto et coll., 1996).

Au Danemark, un seul cas de sensibilisation au chromate du ciment a été observé, sur 4 511 tests épidermiques effectués de 1989 à 1994 auprès des patients d’une grande clinique de dermatologie dont 34 étaient des travailleurs du bâtiment. Parmi ces 34 sujets, 10 montraient une sensibilité au chromate (Zachariae, Agner et Menne, 1996).

Il est de plus en plus évident que l’addition de sulfate ferreux au ciment évite la sensibilisation au chromate des travailleurs du bâtiment. De plus, rien n’a permis de montrer que, ajouté au ciment, le sulfate ferreux ait des effets néfastes sur la santé des travailleurs exposés à ce risque. Le procédé est économiquement valable, et les propriétés du ciment n’en sont pas modifiées. On a calculé que l’addition de sulfate ferreux au ciment augmente les coûts de production de un dollar E.-U. par tonne. L’effet de réduction du sulfate ferreux dure six mois; le produit doit être conservé au sec avant le mélange, car l’humidité neutralise cet effet.

L’addition de sulfate ferreux au ciment n’en modifie pas l’alcalinité. Les travailleurs devraient donc se protéger convenablement. Dans tous les cas, ils devraient éviter de toucher le ciment humide avec les mains nues. Cette précaution est particulièrement importante dans les premières phases de production du ciment, au cours desquelles des ajustements mineurs sont apportés manuellement aux éléments moulés.

Pekka Roto

LE BITUME

John F. Finklea

Les bitumes sont des mélanges complexes de composés chimiques de masse moléculaire élevée — surtout des asphaltènes, des hydrocarbures cycliques (aromatiques ou naphténiques) et, en quantité moindre, des composants saturés de faible réactivité chimique. La composition chimique des bitumes dépend à la fois de la qualité du pétrole brut utilisé et du procédé de raffinage. Les bitumes sont généralement dérivés des pétroles bruts, notamment de bruts à résidus lourds. On trouve également du bitume à l’état naturel, en tant que résidu de l’évaporation et de l’oxydation du pétrole liquide (en Californie, en Chine, en Russie, en Suisse, à Trinité-et-Tobago et au Venezuela). Les bitumes ne sont pas volatils à température ambiante et se fluidifient progressivement quand ils sont chauffés. Il ne faut pas confondre le bitume avec le goudron, lequel a des propriétés physiques et chimiques ainsi qu’une origine différentes.

Parmi les nombreuses applications des bitumes, on peut noter le revêtement des chaussées, des pistes et des tarmacs; les travaux de couverture, les matériaux d’étanchéité et d’isolation et le parement des canaux, des réservoirs, des barrages et des digues. Le bitume entre également dans la fabrication de certaines peintures ainsi que de vernis. La production mondiale annuelle de bitumes est estimée au moins à 60 millions de tonnes, dont plus de 80% sont utilisés dans les travaux de construction et d’entretien et plus de 15% dans les matériaux de couverture.

Les matériaux bitumineux employés pour la construction des routes sont obtenus en chauffant puis en séchant des pierres broyées calibrées (granit, calcaire, etc.), du sable et un filler (fines), puis en les mélangeant à des bitumes de distillation directe. Le mélange est chauffé à la flamme lors de son application sur les chaussées.

Les risques d’exposition

Les expositions aux hydrocarbures polynucléaires aromatiques (HPA) des fumées de bitume ont été mesurées dans différentes situations. La plupart des HPA mis en évidence étaient des dérivés de naphtalènes, et non pas des composés cycliques susceptibles d’être fortement cancérogènes. Dans les installations de distillation du bitume, les concentrations de HPA pouvant être inhalés vont de non décelable à 40 mg/m3. Au cours des opérations de remplissage des fûts, les échantillons prélevés pendant quatre heures dans la région respiratoire variaient de 1,0 mg/m3 au vent à 5,3 mg/m3 sous le vent. Dans les installations de mélange du bitume, les expositions à des composés organiques solubles dans le benzène allaient de 0,2 à 5,4 mg/m3. Au cours des opérations de revêtement des chaussées, les expositions aux HPA pouvant être inhalés allaient de moins de 0,1 mg/m3 à 2,7 mg/m3. Des concentrations potentiellement dangereuses se rencontrent également dans la fabrication et l’application des matériaux de couverture bitumineux. On ne possède que peu de données relatives aux niveaux d’exposition aux fumées de bitume pour d’autres activités et lors de l’application ou de l’utilisation des produits contenant du bitume.

La manutention du bitume chaud peut provoquer des brûlures très graves, car le bitume est collant et difficile à enlever de la peau. Du point de vue toxicologique, le problème majeur est l’irritation de la peau et des yeux par les fumées produites par le bitume chaud; celles-ci peuvent provoquer des dermites et des lésions comparables à de l’acné, ainsi que des kératoses légères en cas d’exposition prolongée ou répétée. Les fumées verdâtres produites par le bitume en fusion peuvent également engendrer une photosensibilisation et une mélanose.

Bien que tous les produits bitumineux puissent s’enflammer s’ils sont suffisamment chauffés, les ciments asphaltiques et les bitumes oxydés ne s’enflamment généralement pas, à moins d’être chauffés à 260 °C. L’inflammabilité des bitumes fluides dépend de la quantité et de la volatilité du solvant ajouté au produit de base. Ainsi, les bitumes fluides à prise rapide sont ceux qui présentent les plus grands risques d’incendie, ce risque étant moindre avec les bitumes à prise moyenne et encore plus faible avec les bitumes à prise lente.

Le bitume est d’une toxicité limitée du fait de son insolubilité dans l’eau et de la masse moléculaire élevée de ses composants.

Parmi les effets observés sur l’arbre trachéobronchique et les poumons d’un groupe de souris ayant inhalé un aérosol de bitume de pétrole et d’un autre groupe ayant inhalé de la fumée provenant de bitume de pétrole chauffé, on a observé une congestion, une bronchite aiguë, une pneumonie, une dilatation des bronches, une infiltration des cellules rondes péribronchiolaires, la formation d’abcès, la perte de cils vibratiles, une atrophie épithéliale et une nécrose. Les modifications pathologiques étaient inégalement réparties et, chez certains spécimens, relativement réfractaires au traitement. On en a conclu que ces modifications ne constituaient pas une réaction spécifique à l’inhalation d’air pollué par la présence d’hydrocarbures aromatiques, et que leur importance dépendait de la dose inhalée. Des cochons d’Inde et des rats ayant inhalé des fumées de bitume chauffé ont accusé des symptômes de pneumonite avec adénomatose pulmonaire; les rats ont également développé une métaplasie des cellules squameuses, mais aucun animal n’a accusé de tumeur maligne.

Des bitumes de pétrole distillés en présence de vapeur d’eau ont été appliqués sur la peau de souris. Des tumeurs sont apparues après application de bitume non dilué, de bitume dilué dans le benzène et d’une fraction du bitume distillé en présence de vapeur d’eau. L’application de bitume oxydé sur la peau des souris n’a pas entraîné de tumeur avec un produit non dilué, mais dans un cas, l’application d’un bitume oxydé dilué dans un solvant (toluène) a provoqué des tumeurs topiques de la peau. L’application sur la peau de souris de deux bitumes de craquage a produit des tumeurs. Mélangés à du benzène, des bitumes de pétrole obtenus par distillation en présence de vapeur d’eau ou soufflés ont provoqué des tumeurs au point d’application sur la peau des souris. Un échantillon de bitume chauffé oxydé, administré en injection sous-cutanée, a provoqué chez la souris quelques sarcomes aux points d’injection. Un mélange de bitumes de pétrole traités à la vapeur d’eau et de bitumes soufflés a provoqué des sarcomes au point d’injection sous-cutanée chez la souris. Une expérience sur des rats a montré que l’injection par voie intramusculaire de bitumes distillés en présence de vapeur d’eau provoquait des sarcomes locaux. Un extrait de bitume routier s’est avéré mutagène pour Salmonella typhimurium; il en a été de même des émissions produites par le même bitume.

Aucun effet cancérogène n’a été établi chez l’être humain de façon concluante. On a bien observé, chez un grand nombre de couvreurs exposés simultanément à des brais de bitume et de goudron de houille, un risque augmenté de cancer des voies respiratoires. Deux études réalisées au Danemark sur des asphalteurs ont montré un risque accru de cancer du poumon, mais certains de ces travailleurs étaient probablement exposés également à du goudron de houille et fumaient vraisemblablement davantage que le groupe témoin. Chez des travailleurs employés à l’asphaltage de routes aux Etats-Unis, on a observé au Minnesota (mais pas en Californie) des taux élevés de leucémie et de cancers des voies urinaires. Même si les données épidémiologiques à ce jour ne suffisent pas à établir scientifiquement l’effet cancérogène du bitume chez l’être humain, tout porte à croire, en se fondant sur des études expérimentales, que ce genre de risque peut exister.

Les mesures de sécurité et de santé

Le bitume chauffé présente des risques de brûlures graves; les personnes exposées devraient porter des vêtements en bon état, dont le col sera fermé et les manches descendues. Les mains et les bras devraient être spécialement protégés. La tige des chaussures de sécurité devrait mesurer environ 15 cm de hauteur, et les chaussures devraient être lacées de façon à ne laisser aucune ouverture permettant au bitume chaud de pénétrer. Le visage et les yeux devraient être protégés lors de la manipulation de bitume chauffé. Il est indiqué d’installer des vestiaires et des points d’eau. Une ventilation satisfaisante devrait être assurée dans les installations de broyage et auprès des cuves dont s’échappent des fumées.

Les chaudrons à bitume devraient être posés sur un sol horizontal pour éviter qu’ils ne se renversent. Les travailleurs ne devraient pas se tenir sous le vent des chaudrons. On contrôlera fréquemment la température du bitume chauffé pour éviter une surchauffe et l’inflammation du bitume. Si l’on s’approche du point d’éclair, la flamme devrait être immédiatement éteinte et tout feu nu éloigné. Un extincteur devrait se trouver à portée de la main lorsque du bitume est chauffé. Si celui-ci prend feu, on utilise de préférence des extincteurs secs ou au dioxyde de carbone. Les travailleurs affectés à l’épandage du bitume et les conducteurs des machines d’enrobage devraient être équipés de masques respiratoires à cartouche filtrante. De plus, pour éviter l’ingestion accidentelle de matières toxiques, les travailleurs ne devraient pas boire, manger ou fumer à proximité d’un chaudron.

Si du bitume chaud est projeté sur la peau nue, celle-ci sera immédiatement refroidie à l’eau froide ou traitée selon une méthode médicalement conseillée. Toute brûlure étendue sera recouverte d’une gaze stérile et la victime conduite à l’hôpital; les brûlures sans gravité seront montrées à un médecin. Il ne faut en aucun cas utiliser un solvant pour enlever le bitume de la peau brûlée, ou tenter d’enlever des particules de bitume projetées dans les yeux.

Le classement des bitumes

Classe 1: les bitumes de pénétration sont classés en fonction de leur pénétrabilité. Ils sont généralement obtenus à partir des résidus de la distillation atmosphérique du pétrole brut, après distillation complémentaire sous vide, oxydation partielle (soufflage d’air), précipitation par solvant sélectif, ou encore par une combinaison de ces procédés. En Australie et aux Etats-Unis, les bitumes qui équivalent à peu près à ceux que nous décrivons ici sont appelés ciments asphaltiques ou sont classés en fonction de leur viscosité à 60 °C.

Classe 2: les bitumes oxydés sont classés en fonction de leur point de ramollissement et de leur pénétrabilité. Ils sont obtenus en faisant passer de l’air à travers la masse de bitume chauffé à des températures contrôlées. Ce traitement modifie les propriétés du bitume et permet de diminuer la susceptibilité à la température et d’améliorer la résistance aux diverses contraintes. Aux Etats-Unis, les bitumes obtenus par insufflation d’air sont appelés bitumes soufflés ou bitumes pour revêtement de toiture et sont semblables aux bitumes oxydés.

Classe 3: les bitumes fluidifiés (cut-backs) sont obtenus en mélangeant des bitumes de pénétration et des bitumes oxydés à des diluants volatils sélectifs obtenus à partir des bruts, comme le white spirit, le kérosène ou l’essence, afin d’en diminuer la viscosité et de les rendre plus fluides et plus faciles à utiliser. Lorsque le diluant s’évapore, le bitume retrouve ses propriétés initiales. Aux Etats-Unis, les bitumes fluidifiés sont parfois appelés bitumes routiers (enrobés bitumineux).

Classe 4: les bitumes durs sont généralement classés en fonction de leur point de ramollissement. Ils sont fabriqués de la même manière que les bitumes de pénétration, mais ont des valeurs de pénétrabilité plus faibles et des points de ramollissement plus élevés (c’est-à-dire qu’ils sont plus fragiles).

Classe 5: les émulsions bitumineuses sont constituées de gouttelettes de bitume (classes 1, 3 ou 6) en suspension dans de l’eau. Elles sont obtenues au moyen d’appareils à haute vitesse de cisaillement, comme les moulins colloïdaux. La teneur pondérable en bitume peut aller de 30 à 70%. Ces émulsions peuvent être anioniques, cationiques ou non ioniques. Aux Etats-Unis, elles sont appelées bitumes émulsionnés.

Classe 6: les bitumes fluxés peuvent être obtenus en mélangeant des bitumes (notamment des bitumes de pénétration) à des solvants (coproduits aromatiques provenant du raffinage des huiles de base), des résidus de craquage thermique ou certains distillats du pétrole dont le point d’ébullition dépasse 350 °C.

Classe 7: les bitumes modifiés contiennent des quantités importantes (généralement de 3 à 15% en poids) d’additifs spéciaux tels que les polymères, les élastomères, le soufre et d’autres produits utilisés pour en modifier les propriétés; ils sont réservés à des applications spéciales.

Classe 8: les bitumes thermiques étaient auparavant obtenus par distillation poussée, à haute température, d’un résidu de pétrole. Aujourd’hui, ils ne sont plus fabriqués ni en Europe, ni aux Etats-Unis.

Source: Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), 1985.

LE GRAVIER

James L. Weeks

Le gravier est un agrégat sans consistance de pierres provenant d’un gisement de surface, draguées sur le fond d’une rivière ou extraites d’une carrière et concassées au calibre requis.

Les risques majeurs présentés par le gravier sont les poussières de silice mises en suspension dans l’air, les troubles musculo-squelettiques et le bruit. La silice libre cristallisée se trouve à l’état naturel dans bon nombre de sols dont on extrait du gravier. La teneur en silice est variable et ne constitue pas un indicateur fiable de la teneur de poussières de silice en suspension dans l’air. Le granit contient environ 30% de son poids en silice, alors que le calcaire et le marbre en contiennent beaucoup moins.

De la silice peut être libérée lors des opérations d’extraction dans les carrières, de découpage à la scie, de concassage, de criblage et, dans une moindre mesure, d’épandage. On peut, en général, empêcher la mise en suspension de la silice par pulvérisation ou jets d’eau, ou par un système d’aspiration localisée. Les travailleurs du bâtiment peuvent être exposés à la silice, tout comme ceux des carrières ou ceux employés à la construction ou à l’entretien des voies de chemin de fer. La silicose est plus répandue chez les carriers et les opérateurs des installations de concassage que chez les travailleurs de chantier qui utilisent le gravier comme produit fini. Aux Etats-Unis, on a observé une mortalité élevée due à la pneumoconiose et à d’autres maladies respiratoires bénignes dans un groupe de travailleurs affectés au broyage de roches.

Le chargement et le déchargement manuel du gravier, de même que son épandage à la pelle, peuvent entraîner des troubles musculo-squelettiques. La manutention manuelle est d’autant plus pénible que les cailloux sont plus gros et que les pelles et autres outils utilisés sont de plus grande taille. On peut réduire le risque de foulures ou d’entorses en employant plusieurs travailleurs pour les tâches particulièrement lourdes et, mieux encore, en faisant appel à des animaux de trait ou à des machines. Une réduction de la taille des outils permet de diminuer la charge transportée ou poussée et de prévenir les troubles musculo-squelettiques.

Le traitement et la manutention mécaniques du gravier sont générateurs de bruit. Le concassage des pierres à l’aide de broyeurs à boules produit beaucoup de bruit et engendre des vibrations haute fréquence d’un niveau très élevé. Le passage du gravier dans des goulottes métalliques, de même que son malaxage ou triage dans des tambours sont des opérations particulièrement bruyantes. Le niveau sonore peut être réduit en ayant recours à des matériaux isolants pour l’enveloppe des broyeurs à boulets, à des goulottes revêtues de bois et à des matériaux absorbants et résistants pour le garnissage des tambours de criblage.

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