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Chapitre 89 - L'industrie textile

L’INDUSTRIE TEXTILE: HISTOIRE, SÉCURITÉ ET SANTÉ

Leon J. Warshaw

L’industrie textile

Le terme industrie textile (du latin texere , tisser) s’appliquait à l’origine au tissage d’étoffes à partir de fibres, mais il recouvre aujourd’hui toute une série d’autres procédés tels que le tricotage, le tuftage (ou touffetage) et le feutrage, pour n’en citer que quelques-uns. Ce terme s’étend même à la fabrication de filés ou de non-tissés à partir de fibres naturelles ou synthétiques, ainsi qu’au finissage et à la teinture des étoffes.

La production de filés

A l’époque préhistorique, on utilisait des poils d’animaux, des plantes et des graines pour fabriquer des fibres. La soie a été introduite en Chine vers 2600 avant J.-C. et les premières fibres synthétiques ont été mises au point au milieu du XVIIIe siècle. Les fibres synthétiques fabriquées à partir de cellulose ou de produits pétrochimiques sont de plus en plus utilisées, seules ou en mélange avec d’autres fibres synthétiques ou naturelles, mais elles n’ont jamais remplacé totalement les fibres naturelles telles que la laine, le coton, le lin et la soie.

La soie est la seule fibre naturelle formée de filaments qu’il est possible de réunir et de transformer en fil par torsion. Les autres fibres naturelles doivent être préalablement étirées et alignées parallèlement par peignage, puis transformées en un fil continu par filage. Le fuseau est le premier outil utilisé pour filer. Il a été mécanisé en Europe vers l’an 1400 grâce à l’invention du rouet. C’est à la fin du XVIIe siècle qu’est apparue la machine à filer qui permettait de faire fonctionner simultanément plusieurs fuseaux. Avec le métier à filer inventé en 1769 par Richard Arkwright et le métier renvideur de Samuel Crompton, qui permettait de faire fonctionner un millier de broches à la fois, la filature est passée du stade artisanal à l’ère industrielle.

La fabrication des tissus

La fabrication des tissus a une histoire similaire. Depuis l’Anti-quité, l’outil de base était le métier à tisser manuel. Des améliorations mécaniques ont été apportées par la lisse sur laquelle on attache un fil de chaîne sur deux. Au XIIIe siècle a été introduite la pédale qui permettait de faire fonctionner plusieurs jeux de lisses. Avec l’intégration du battant qui mettait en place le fil de trame, le métier mécanisé est devenu l’instrument de tissage prédominant en Europe, voire dans les autres parties du monde, à l’exception des régions où les traditions culturelles faisaient survivre les anciens métiers manuels.

La mécanisation du tissage a commencé en 1733 avec la navette volante de John Kay, qui permettait de lancer automatiquement la navette sur toute la largeur du métier. Edmund Cartwright mit au point le métier à vapeur et, en 1788, il créa avec James Watt, en Angleterre, la première usine textile fondée sur ce principe. Les usines, alors affranchies de l’énergie hydraulique, pouvaient être construites n’importe où. Un autre développement important a été le système à cartes perforées inventé en 1801 par le Français Joseph Marie Jacquard, grâce auquel les motifs pouvaient être tissés automatiquement. Les anciens métiers à vapeur, en bois, ont été progressivement remplacés par des machines construites en acier ou en d’autres métaux. Les progrès techniques intervenus depuis lors ont consisté à en augmenter la taille et la rapidité et à en améliorer l’automatisation.

La teinture et l’impression

A l’origine, on utilisait des colorants naturels pour teindre les fils et les tissus, mais ces procédés se sont compliqués au XIXe siècle avec la découverte des colorants dérivés des goudrons de houille, puis avec la mise au point des fibres synthétiques au XXe siècle. Au début, l’impression à la planche servait à teindre les tissus (la sérigraphie a été mise au point pour cette application vers le milieu du XIXe siècle), mais elle a été rapidement remplacée par l’impression au rouleau. Des rouleaux en cuivre gravé ont été utilisés pour la première fois en Angleterre en 1785. Des améliorations rapides ont permis d’imprimer, grâce à ce procédé, en six couleurs différentes, parfaitement transférées. Avec les techniques modernes, on peut imprimer 180 m de tissu par minute en 16 couleurs ou davantage.

Le finissage

Jadis, le finissage des tissus passait par le brossage ou le tondage, l’apprêtage ou l’encollage, ou encore le calandrage pour obtenir un effet brillant. Aujourd’hui, les tissus sont rétrécis, mercerisés (les fils et les tissus de coton sont traités par des solutions caustiques pour les renforcer et les faire briller) et soumis à toute une série de traitements destinés à améliorer entre autres la résistance au froissement, à l’eau, au feu et aux moisissures ou encore la tenue des plis.

Des traitements spéciaux permettent d’obtenir des fibres à haute performance , appelées ainsi en raison de leur solidité exceptionnelle et de leur résistance aux températures très élevées. Ainsi, l’aramide est une fibre similaire au nylon, mais plus résistante que l’acier, et le Kevlar®, fabriqué à partir de l’aramide, est utilisé pour fabriquer des tissus pare-balles et des vêtements qui résistent aussi bien à la chaleur qu’aux produits chimiques. D’autres fibres synthétiques combinées à du carbone, du bore, de la silice, de l’aluminium ou d’autres matières sont utilisées pour produire des matériaux structurés légers et extrêmement robustes entrant dans la fabrication des avions, des navettes spatiales, des filtres et des membranes résistant aux produits chimiques, ou encore des accessoires de protection utilisés par les sportifs.

De l’artisanat à l’industrie

La fabrication des textiles était initialement un art manuel pratiqué soit par des fileurs et des tisseurs qui travaillaient à domicile, soit par de petites équipes d’artisans qualifiés. Les progrès techniques ont fait naître de grandes entreprises textiles économiquement très importantes, principalement au Royaume-Uni et dans les pays d’Europe occidentale. Les premiers immigrants installés en Amérique du Nord ont implanté des fabriques de tissus en Nouvelle-Angleterre (Samuel Slater, qui avait dirigé une usine textile en Angleterre, a construit de mémoire un métier à filer à Providence, Rhode Island, en 1790). L’invention de l’égreneuse par Eli Whitney, qui permettait de nettoyer très rapidement le coton récolté, a entraîné un accroissement de la demande en tissus de coton.

Cette tendance s’est accélérée grâce à la commercialisation de la machine à coudre . Au début du XVIIIe siècle, plusieurs inventeurs ont mis au point des machines permettant de coudre le tissu. En France, Barthélemy Thimonnier déposa un brevet en 1830 pour sa machine à coudre. En 1841, alors que 80 de ses machines travaillaient pour l’armée française, son usine fut détruite par des tailleurs qui estimaient que cette innovation pouvait compromettre leurs moyens de subsistance. En Angleterre, à la même époque, Walter Hunt mit au point une machine améliorée, mais abandonna son projet, craignant que son invention ne mette des couturières pauvres au chômage. En 1848, Elias Howe déposa un brevet aux Etats-Unis pour une machine très similaire à celle de Hunt; il s’engagea par la suite dans de nombreuses procédures en contrefaçon contre des industriels et finit par les gagner. L’invention de la machine à coudre moderne revient à Isaac Merritt Singer qui mit au point le bras libre, le pied-de-biche pour maintenir le tissu et la roue pour l’entraîner, et qui remplaça la manivelle par une pédale laissant les deux mains libres pour guider l’ouvrage. En plus de la conception et de la fabrication de cette machine, l’inventeur créa la première grande entreprise tournée vers le consommateur, qui se caractérisait par des innovations telles que des campagnes publicitaires, la vente à tempérament et la proposition de contrats d’entretien.

Ainsi, les progrès techniques accomplis au cours des XVIIIe et XIXe siècles n’ont pas seulement donné le coup d’envoi à l’industrie textile moderne, mais ont été à l’origine de la révolution industrielle et de mutations familiales et sociales profondes. De nouveaux changements ont lieu aujourd’hui, puisque les grosses entreprises textiles se déplacent vers de nouvelles régions qui offrent une main-d’œuvre et des sources d’énergie moins onéreuses, tandis que la bataille de la concurrence suscite des développements techniques incessants tels que la production assistée par ordinateur (PAO) qui permet de réduire les effectifs et d’améliorer la qualité. Les politiciens, quant à eux, négocient des quotas et des tarifs, ou mettent en place des barrières économiques pour obtenir ou conserver des avantages concurrentiels pour leur pays. Ainsi, l’industrie textile fournit des produits essentiels à une population mondiale en pleine expansion, tout en exerçant une influence profonde sur le commerce international et l’économie des nations.

Les problèmes de sécurité et de santé

A mesure que les machines sont devenues plus grosses, plus rapides et plus compliquées, de nouveaux risques sont apparus. La complexité croissante des matériaux et des procédés a suscité de nouveaux risques pour la santé. Alors que le personnel devait faire face à la mécanisation et à des exigences de productivité accrues, le stress professionnel, largement méconnu ou ignoré, a commencé de peser de plus en plus lourdement sur le bien-être des salariés. L’impact de la révolution industrielle s’est manifesté essentiellement au niveau de la vie sociale, marquée par la migration des travailleurs vers les villes et par tous les maux de l’urbanisation. Aujourd’hui même, on assiste aussi à ce type d’effets, alors que l’industrie textile et d’autres branches se déplacent vers des pays et des régions en développement, à un rythme encore plus rapide.

Les risques liés aux différents secteurs de cette branche sont exposés dans les articles du présent chapitre qui soulignent l’importance des facteurs suivants: entretien des locaux et des machines; installation de systèmes de protection et de dispositifs de sécurité efficaces pour éviter tout contact avec les pièces en mouvement; mise en place d’une ventilation par aspiration localisée en complément d’un bon système général de ventilation et de régulation de la température; enfin, fourniture d’équipements et de vêtements de protection individuelle lorsqu’un risque ne peut être totalement maîtrisé ou supprimé par la conception initiale, par la prévention collective ou par l’utilisation de substances moins dangereuses. Les auteurs insistent tous sur la nécessité d’informer et de former sans relâche le personnel à tous les niveaux et sur l’importance de la surveillance.

Les problèmes liés à l’environnement

Les préoccupations qui se font jour au sujet de l’environnement dans l’industrie textile ont deux origines: les opérations de fabrication elles-mêmes et les risques liés au mode d’utilisation des produits.

La fabrication des textiles

Les principaux problèmes d’environnement créés par les usines textiles sont imputables aux substances toxiques libérées dans l’air et dans les eaux usées. Outre la toxicité éventuelle des substances, les odeurs désagréables posent souvent problème, notamment lorsque des ateliers de teinture et d’impression sont situés à proximité de zones résidentielles. Les gaz dégagés par les systèmes de ventilation peuvent contenir des vapeurs de solvants, du formaldéhyde, des hydrocarbures, du sulfure d’hydrogène et des composés métalliques. Les solvants sont parfois récupérés et distillés pour être réutilisés. Les particules peuvent être captées par filtration. L’épuration est efficace pour les composés volatils hydrosolubles tels que le méthanol, mais non pas pour les opérations d’impression pigmentaire où les hydrocarbures constituent l’essentiel des émissions. Les substances inflammables peuvent être brûlées, mais cette technique est relativement coûteuse. La dernière solution, enfin, consiste à employer des matériaux à émissivité aussi faible que possible, ce qui se réfère non seulement aux teintures, aux liants et aux agents de liaison transversale utilisés pour l’impression, mais aussi à la teneur des tissus en formaldéhyde et en monomères résiduels.

La contamination des eaux usées par les colorants non fixés pose un problème d’environnement grave, non seulement en raison des risques potentiels pour la santé de l’être humain et des animaux, mais aussi en raison de la forte visibilité des colorations produites. Dans les opérations de teinture ordinaire, on peut obtenir une fixation de plus de 90%, mais ce taux tombe à 60%, voire moins, lorsqu’on se sert de colorants réactifs. En d’autres termes, plus d’un tiers de la teinture passe dans les eaux usées lors du dégommage du tissu imprimé, sans compter les quantités dues au lavage des cadres, des pochoirs et des tambours.

Un certain nombre de pays ont fixé des limites portant sur la coloration des eaux usées, mais il est souvent extrêmement difficile de les respecter sans installer un système d’épuration très coûteux. Entre autres solutions, on utilise des teintures dont l’effet contaminant est moindre et on tente de mettre au point des colorants et des épaississants de synthèse qui augmentent le degré de fixation des teintures et réduisent les excédents à éliminer par lavage (Grund, 1995).

L’utilisation des textiles et l’environnement

Les résidus de formaldéhyde et de certains complexes de métaux lourds (dont la plupart sont inertes) peuvent produire une irritation et une sensibilisation cutanée chez les personnes qui portent des tissus teints.

Le formaldéhyde et les solvants résiduels se trouvant dans les tapis et les tissus servant pour l’ameublement et les rideaux continuent de se vaporiser progressivement pendant un certain temps. Dans les immeubles très bien isolés, où le système d’air conditionné recycle la plus grande partie de l’air au lieu de l’évacuer à l’extérieur, ces substances peuvent atteindre des concentrations suffisantes pour produire des symptômes chez les occupants, comme mentionné dans le chapitre no 13, «Les troubles systémiques», de l’Encyclopédie.

Marks and Spencer, revendeur anglo-canadien de vêtements, a ouvert la voie en fixant des limites à la teneur en formaldéhyde des vêtements qu’il achète. Des fabricants de vêtements tels que Levi Strauss aux Etats-Unis ont répondu à cette exigence. Certains pays ont adopté des mesures législatives sur ce point (Allemagne, Danemark, Finlande et Japon). Grâce à la prise de conscience des consommateurs, certains fabricants de tissus ont volontairement adhéré à ces normes afin d’obtenir des labels écologiques (voir figure 89.1).

Figure 89.1 Labels écologiques utilisés pour les textiles

Figure 89.1

Conclusion

Les progrès techniques permettent d’élargir la gamme des tissus fabriqués par l’industrie textile et contribuent à améliorer la productivité. Il est essentiel cependant qu’ils soient aussi régis par des impératifs de sécurité, de santé et de bien-être du personnel. Quoi qu’il en soit, la mise en œuvre de ces avancées pose des problèmes dans les entreprises plus anciennes dont la viabilité financière est mal assurée et qui n’ont pas les moyens d’effectuer les investissements nécessaires. Il en va de même dans des régions en développement qui recherchent de nouvelles industries à tout prix, même au détriment de la sécurité et de la santé des travailleurs. Cependant, quelles que soient les circonstances, l’éducation et la formation du personnel devraient permettre de réduire considérablement les risques auxquels il est exposé.

LA CROISSANCE DE L’INDUSTRIE TEXTILE

Jung-Der Wang

Depuis son apparition sur la Terre, l’être humain a eu besoin de vêtements et de nourriture pour survivre. La fabrication de tissus et de vêtements remonte donc aux origines de l’humanité. Les anciens se servaient de leurs mains pour tisser et tricoter du coton ou de la laine et obtenir ainsi du tissu ou de la toile. Ce n’est qu’à la fin du XVIIIe et au début du XIXe siècle que la révolution industrielle a transformé les techniques de fabrication des vêtements. Plusieurs sortes d’énergie motrice commençaient alors à être employées. Les principales matières premières restaient cependant les fibres de coton, de laine et de cellulose. Depuis la seconde guerre mondiale, la production des fibres synthétiques mises au point par l’industrie pétrochimique s’est considérablement accrue. En 1994, les fabricants de textiles ont utilisé dans le monde 17,7 millions de tonnes de fibres synthétiques, ce qui représente 48,2% de l’ensemble de ces dernières. Ce pourcentage devrait dépasser 50% après l’an 2000 (voir figure 89.2).

Figure 89.2 Evolution de la consommation de fibres par l'industrie textile jusqu'en
1994 et projection jusqu'en 2004

Figure 89.2

Selon une enquête de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) sur la consommation mondiale de fibres par l’industrie du vêtement, les taux de croissance annuels moyens ont atteint 2,9, 2,3 et 3,7% pour les périodes 1969-1989, 1979-1989 et 1984-1989, respectivement. Si l’on tient compte de la tendance antérieure, de la croissance démographique, de la hausse du produit intérieur brut par personne et de l’augmentation de l’utilisation des différents produits textiles due à l’amélioration des revenus, la demande de produits textiles a atteint 42,2 millions de tonnes en l’an 2000 et devrait atteindre 46,9 millions en 2005 (voir figure 89.2). Cette tendance met en évidence une augmentation régulière de la demande et laisse présager que l’industrie textile continuera d’employer une main-d’œuvre importante.

Une autre transformation majeure est l’automatisation progressive du tissage et du tricotage qui, associée à l’augmentation du coût du travail, a entraîné le déplacement de ce secteur industriel vers les pays en développement. Bien que la production des filés et des textiles ainsi que la fabrication en amont de certaines fibres synthétiques restent encore l’apanage des pays développés, une grande partie de l’industrie du vêtement, grande consommatrice de main-d’œuvre et située en aval de la chaîne de fabrication, a déjà migré vers les pays en développement. L’industrie du textile et de l’habillement implantée dans la région Asie-Pacifique assure actuellement 70% environ de la production mondiale. Le tableau 89.1 montre l’évolution de l’emploi dans cette région. La sécurité et la santé des travailleurs du textile sont ainsi devenues des questions de grande importance dans les pays en développement. Les figures 89.3 à 89.6 illustrent certaines opérations textiles effectuées dans les régions en développement.

Tableau 89.1 Nombre d'entreprises et de salariés recensés dans l'industrie
textile et le secteur de l'habilement dans certains pays et territoires de la région
Asie-Pacifique en 1985 et en 1995

Nombre

Année

Australie

Chine

Corée, République de

Hong-kong

Inde

Indonésie

Malaisie

Nouvelle-Zélande

Pakistan

Entreprises

1985
1995

2 535
4 503

45 500
47 412

12 310
14 262

13 114
6 808

13 435
13 508

1 929
2 182

376
238

2 803
2 547

1 357
1 452

Salariés (x103)

1985
1995

96
88

4 396
9 170

684
510

375
139

1 753
1 675

432
912

58
76

31
21

n.d.
n.d.

n.d.: donnée non disponible.

Figure 89.3 Le peignage

Figure 89.3

Figure 89.4 Le cardage

Figure 89.4

Figure 89.5 Une cueilleuse mécanique moderne

Figure 89.5

Figure 89.6 L'ourdissage

Figure 89.6

LA PRODUCTION ET L’ÉGRENAGE DU COTON

W. Stanley Anthony

La production de coton

Les pratiques culturales du coton commencent après la cueillette précédente. Les premières opérations consistent en principe à broyer les tiges, à arracher les racines et à briser les mottes au pulvérisateur à disques. Des engrais et des herbicides sont généralement appliqués et incorporés dans le sol avant que la terre soit préparée pour l’irrigation ou l’ensemencement. Etant donné que les caractéristiques du sol, les engrais utilisés antérieurement et les méthodes de cueillette peuvent donner lieu à des degrés de fertilité très différents, les programmes de fertilisation doivent être fondés sur des analyses pédologiques. La lutte contre les plantes adventices est indispensable pour obtenir un rendement élevé en coton égrené et une qualité satisfaisante: en effet, le rendement et l’efficacité de la récolte peuvent chuter de 30% en présence de mauvaises herbes. Les herbicides ont été largement utilisés dans de nombreux pays depuis le début des années soixante. Parmi les méthodes auxquelles on recourt, il faut citer l’application d’herbicides sur le feuillage des plantes adventices avant les semis, l’intégration dans le sol à ce même stade et le traitement avant et après l’émergence de la plantule.

Plusieurs facteurs jouent un rôle important pour obtenir des plants de qualité: la préparation des sillons, l’humidité et la température du sol, la qualité des semences, les maladies des plantules, l’emploi de fongicides et la salinité du sol. L’utilisation de semences de bonne qualité mises en terre dans des sillons bien préparés est un facteur clé pour obtenir des plants précoces, uniformes et vigoureux. Les bonnes semences devraient avoir un taux de germination d’au moins 50% dans un test à froid. Dans un test froid/chaud, l’indice de vigueur de la semence devrait être d’au moins 140. Il est recommandé de semer 12 à 18 graines par mètre sur chaque rangée pour obtenir de 14 000 à 20 000 plants par hectare. Un semoir à mécanisme de dosage approprié devrait être utilisé pour assurer un espacement uniforme des graines, quelle que soit leur taille. Les taux de germination et d’émergence sont étroitement liés dans une fourchette de température allant de 15 à 38 °C.

Des maladies précoces touchant les plantules peuvent empêcher l’obtention de plantations uniformes et contraindre à réensemencer. Parmi les agents pathogènes importants à ce stade, il faut citer Pythium, Rhizoctonia, Fusarium et Thielaviopsis qui peuvent affaiblir les plantations et créer de grands espaces dénudés. Il ne faut semer que des graines correctement traitées avec un ou plusieurs fongicides.

En ce qui concerne l’eau consommée lors des différents stades du développement de la plante, le coton présente des caractéristiques semblables à celles des autres cultures. La consommation d’eau correspond en général à 2,5 mm par jour entre l’émergence et la formation du premier carré. Pendant cette période, la perte d’humidité du sol par évaporation peut dépasser la quantité d’eau libérée par la plante. La consommation augmente fortement dès l’apparition des premières fleurs pour atteindre un maximum de 10 mm par jour en pleine floraison. Ces quantités se rapportent à la quantité totale d’eau nécessaire pour obtenir une récolte de coton (précipitations et irrigation).

Les populations d’insectes peuvent avoir un impact important sur la qualité du coton et le rendement. Il faut intervenir en début de saison pour favoriser la fructification et un développement végétatif équilibré. Il est essentiel de protéger les fruits dès les premiers stades de la fructification pour obtenir une bonne récolte. Plus de 80% de la production se constituent au cours des trois à quatre premières semaines de fructification. Le coton devrait être examiné au moins deux fois par semaine au cours de cette période pour surveiller et contrôler les insectes et les dommages éventuels.

Un programme de défoliation bien conduit réduit les débris végétaux qui peuvent altérer la qualité du coton récolté. Les régulateurs de croissance chimiques sont des défoliants utiles, car ils permettent de maîtriser la croissance végétative et contribuent à une fructification plus précoce.

La récolte

Deux types d’équipements mécaniques sont utilisés pour la cueil-lette du coton: la récolteuse à broches et l’écapsuleuse de coton . La récolteuse à broches est une machine de type sélectif qui utilise des broches coniques et barbelées pour extraire la fibre de la graine. Cette cueilleuse peut être employée plusieurs fois sur une plantation pour obtenir des récoltes stratifiées. L’écapsuleuse de coton est, en revanche, une cueilleuse non sélective à passage unique qui récolte non seulement les capsules bien ouvertes, mais aussi celles qui sont craquelées et fermées, ainsi que les débris de capsules et autres corps étrangers.

Les pratiques agronomiques qui visent à obtenir une culture uniforme et de bonne qualité contribuent généralement à l’efficacité de la récolte. Le champ devrait être correctement drainé et les rangées tracées de manière à faciliter le passage des machines. L’extrémité des rangées devrait être libre de plantes adventices, et une bordure de 7,6 à 9 m devrait être ménagée autour du champ pour permettre les manœuvres et l’alignement des cueilleuses sur les rangées. Cette bordure devrait être débarrassée des mauvaises herbes. La pulvérisation des mottes est déconseillée par temps pluvieux; il est préférable de détruire les mauvaises herbes par des produits chimiques ou par la tonte. La hauteur des plants ne devrait pas dépasser 1,20 m environ pour le coton cueilli par récolteuse à broches, et 9 cm pour le coton récolté par écapsuleuse. La hauteur des plants peut être contrôlée dans une certaine mesure à l’aide de régulateurs de croissance chimique utilisés au moment opportun. Il est préférable que la capsule inférieure se trouve à 10 cm du sol au moins. Les activités culturales — fertilisation, travail du sol et irrigation — pendant la croissance devraient être conduites avec soin pour obtenir une récolte régulière de coton bien développé.

La défoliation chimique est une pratique qui induit la chute du feuillage. Des défoliants peuvent être employés pour minimiser la contamination par les débris de feuilles vertes et favoriser le séchage rapide de la rosée matinale sur le duvet. Toutefois, les défoliants ne devraient pas être utilisés avant l’ouverture d’au moins 60% des capsules. La récolte ne devrait être effectuée que sept à quatorze jours après l’application d’un défoliant (ce délai varie en fonction des produits chimiques choisis et des conditions météorologiques). Des agents de dessiccation chimique peuvent aussi être employés pour préparer la récolte. La dessiccation provoque une perte rapide de l’eau contenue dans le tissu végétal et entraîne la mort de celui-ci; les feuilles mortes qui en résultent restent attachées à la plante.

Dans la production cotonnière, la tendance actuelle est au raccourcissement de la saison et à la récolte unique. Les produits chimiques qui accélèrent l’ouverture des capsules sont appliqués avec le défoliant ou peu après la chute des feuilles; ils permettent des récoltes plus précoces et augmentent le pourcentage de capsules prêtes à être cueillies au cours de la première récolte. Comme ces produits chimiques peuvent ouvrir totalement ou partiellement des capsules immatures, la qualité de la récolte peut être gravement altérée si ces produits sont utilisés trop tôt (indice micronaire trop faible).

Le stockage

La teneur en humidité du coton avant et pendant le stockage est un facteur critique. Une humidité excessive induit une surchauffe du coton stocké, ce qui entraîne un changement de couleur du coton-fibre, une germination plus faible des graines, voire une combustion spontanée. Le coton-graine ayant une teneur en humidité supérieure à 12% ne devrait pas être stocké. La température intérieure des bâtiments nouvellement construits devrait aussi être surveillée pendant les cinq à sept premiers jours du stockage. Si la température s’élève de 11 °C ou dépasse 49 °C, il convient de procéder à un égrenage immédiat pour éviter les risques de pertes importantes.

Plusieurs facteurs influent sur la qualité des graines et des fibres au cours du stockage du coton-graine. La teneur en humidité est le principal d’entre eux. Parmi les autres paramètres, il faut citer la durée du stockage, la quantité de corps étrangers très humides, la variation de la teneur en humidité à l’intérieur de la masse stockée, la température initiale du coton-graine, la température de celui-ci au cours du stockage, les conditions météorologiques pendant cette période (température, humidité relative et précipitations), ainsi que la protection du coton contre la pluie et l’humidité du sol. Le jaunissement est accéléré lorsque les températures sont élevées. Les montées en température et les températures maximales sont deux facteurs importants (la hausse de la température est directement liée à la chaleur générée par l’activité biologique).

L’égrenage

Environ 80 millions de balles de coton sont produites chaque année dans le monde; 20 millions d’entre elles passent par les quelque 1 300 égreneuses se trouvant aux Etats-Unis. La principale fonction de l’égreneuse est de séparer la fibre des graines, mais cette machine doit aussi éliminer une grande partie des corps étrangers, faute de quoi la valeur du coton-fibre serait considérablement réduite. Une égreneuse doit: 1) produire un coton-fibre de qualité satisfaisante pour le marché; et 2) égrener le coton en portant le moins possible atteinte à la qualité de filage des fibres afin que le coton réponde à la demande des utilisateurs finaux, le filateur et le consommateur. La préservation de la qualité au cours de cette opération impose donc un choix et un fonctionnement appropriés de chaque machine du système d’égrenage. La manipulation et le séchage mécaniques peuvent modifier les caractéristiques qualitatives naturelles du coton. Au mieux, l’égreneuse préserve les caractéristiques qualitatives inhérentes au coton qu’elle reçoit. Dans les paragraphes qui suivent, nous examinerons brièvement le rôle des principales machines et opérations d’égrenage.

Les machines utilisées pour traiter le coton-graine

Le coton est apporté par une remorque ou un autre véhicule de transport et déversé dans une poche de l’égreneuse qui élimine capsules vertes, cailloux et autres corps étrangers. Une alimentation contrôlée assure un débit uniforme et une bonne dispersion du coton, ce qui accroît l’efficacité du système d’épuration et de séchage. Si le coton n’est pas correctement dispersé, il risque de traverser les séchoirs sous forme d’agglomérats et de ne sécher qu’en surface.

Au début du séchage, l’air chaud fait circuler le coton sur des clayettes pendant dix à quinze secondes. La température de l’air est réglée en fonction du degré de séchage souhaité. Afin de ne pas endommager les fibres, la température ne devrait jamais dépasser 177 °C au cours d’une opération normale. Des températures supérieures à 150 °C peuvent entraîner une modification physique permanente des fibres de coton. Des capteurs de température devraient être placés aussi près que possible du point de rencontre entre le coton et l’air chaud. Si le capteur est situé près de la sortie de la tour de séchage, la température au point de rencontre peut excéder de 55 à 110 °C celle qui est enregistrée par le capteur d’aval. La chute de température en aval résulte de l’évaporation et de la perte de chaleur au travers des parois des machines et des tuyauteries. Le séchage se poursuit alors que l’air chaud véhicule le coton-graine vers l’épurateur à cylindres, constitué de six à sept cylindres rotatifs garnis de pointes qui tournent à 400-500 tours/min. Ces cylindres frottent le coton sur une série de grilles à barreaux ou de tamis, le secouent et entraînent l’évacuation, par les orifices prévus à cet effet, des corps étrangers de petite taille tels que feuilles, débris et impuretés. Les épurateurs à cylindres séparent le coton en gros tampons et le préparent aux opérations d’épuration et de séchage ultérieures. Il est fréquent d’enregistrer à ce niveau des vitesses de traitement d’environ six balles par heure et par mètre linéaire de cylindre.

L’arracheuse extrait les corps étrangers les plus gros tels que les débris de capsules et les brindilles. Cette machine utilise la force centrifuge créée par des cylindres à scies qui tournent à 300-400 tours/min, ce qui rejette les corps étrangers alors que la fibre est retenue par les scies. Les corps étrangers éliminés sont introduits dans un système de traitement des débris. Les vitesses de traitement atteignent fréquemment 4,9 à 6,6 balles par heure et par mètre linéaire de cylindre.

L’égrenage (séparation des fibres de la graine)

Après un nouveau cycle de séchage et d’épuration par cylindres, le coton est amené à chaque égreneuse par un transporteur-distributeur. Situé au-dessus de l’égreneuse, l’extracteur-chargeur apporte une quantité donnée de coton, selon un rythme régulier, tout en effectuant également une opération d’épuration. La teneur en humidité de la fibre de coton au niveau du tablier de l’extracteur-chargeur est décisive et doit être suffisamment basse pour que l’égreneuse puisse facilement éliminer les corps étrangers. Elle ne devrait cependant pas tomber au-dessous de 5%, car il en résulterait une rupture des fibres au moment de la séparation des graines et, par conséquent, une réduction notable de la longueur des fibres et du rendement à l’égrenage. Du point de vue qualitatif, une teneur élevée en fibres courtes augmente le volume des déchets lors de la fabrication des textiles, ce qui n’est pas souhaitable. Les ruptures excessives de fibres peuvent être évitées en maintenant une teneur en humidité de 6 à 7% au niveau du tablier de l’extracteur-chargeur.

Deux types d’égreneuses sont couramment utilisés: l’égreneuse à scies et l’égreneuse à cylindres cannelés. En 1794, Eli Whitney mit au point une égreneuse qui permettait de séparer la fibre de la graine grâce à un cylindre muni de pointes ou de scies. En 1796, Henry Ogden Holmes inventa une égreneuse à scies et à cannelures qui remplaça celle de Whitney; l’égrenage qui était auparavant effectué par lots devint alors une opération continue. Le coton (généralement Gossypium hirsutum ) pénètre dans l’égreneuse à scies en passant par une décortiqueuse. Les scies accrochent le coton et l’entraînent par-dessus les cannelures largement espacées (ou cannelures de décorticage) de la décortiqueuse. Les touffes de coton sont attirées vers le fond d’un bac mobile. L’opération d’égrenage est réalisée par un ensemble de scies qui tournent entre des cannelures plus fines (ou cannelures d’égrenage). Les dents des scies passent entre les cannelures au point d’égrenage. A cet endroit, le bord d’attaque des dents est pratiquement parallèle à la cannelure, et les dents arrachent les fibres des graines trop grosses pour passer entre les cannelures. Des vitesses d’égrenage supérieures à celles recommandées par le fabricant peuvent diminuer la qualité des fibres, endommager les graines et provoquer des bourrages. La vitesse des scies de l’égreneuse a également son importance; les vitesses élevées ont tendance à endommager davantage les fibres lors de l’égrenage.

Les égreneuses à cylindres ont été les premiers outils mécaniques utilisés pour séparer les fibres de coton à soies extralongues (Gossypium barbadense) de leurs graines. L’égreneuse de Churka, d’origine inconnue, était composée de deux cylindres qui tournaient ensemble à la même vitesse circonférencielle, arrachant la fibre de la graine par pinçage et produisant environ 1 kg de coton-fibre par jour. En 1840, Fones McCarthy mit au point une égreneuse plus efficace composée d’un rouleau garni de cuir, d’un couteau fixe plaqué contre le rouleau et d’un couteau à mouvement alternatif qui arrachait la graine de la fibre, maintenue par le rouleau et le couteau fixe. A la fin des années cinquante, une égreneuse à rouleaux et à couteaux rotatifs a été mise au point aux Etats-Unis par le laboratoire de recherche sur l’égrenage du coton pour la région du sud-ouest, rattaché au service de recherche agricole du ministère de l’Agriculture, en collaboration avec des constructeurs d’égreneuses et des ateliers d’égrenage privés. Cette machine est la seule égreneuse à rouleaux actuellement employée aux Etats-Unis.

L’épuration des fibres

Le coton est transporté de l’égreneuse vers les condenseurs en passant par de grands conduits, puis transformé à nouveau en nappe. La nappe est retirée du tambour du condenseur et chargée dans l’épurateur de fibres à scies. A l’intérieur de l’épurateur, le coton passe entre les rouleaux d’alimentation, puis sur la table d’alimentation qui plaque les fibres contre la scie de l’épurateur. La scie transporte le coton sous des barreaux de grille où s’effectue, grâce à la force centrifuge, la séparation mécanique des graines immatures et des corps étrangers. Il est essentiel que l’écart entre les extrémités de la scie et les barreaux de la grille soit correctement réglé. Les barreaux de la grille doivent être droits, avec un bord d’attaque acéré, pour ne pas réduire l’efficacité de l’épuration et limiter les pertes. Si la vitesse d’alimentation de l’épurateur dépasse les recommandations du fabricant, l’efficacité de l’épuration est réduite et la perte en fibres de qualité s’accroît. Le coton égrené au rouleau est généralement nettoyé à l’aide d’épurateurs non agressifs, sans scie, pour réduire les pertes.

Les épurateurs de fibres permettent d’améliorer la qualité du coton en éliminant les corps étrangers. Dans certains cas, ces appareils peuvent aussi améliorer la couleur d’un coton légèrement taché en effectuant un mélange pour obtenir une qualité blanche. Ils permettent également de transformer un coton taché en un coton légèrement taché, voire blanc.

La mise en balles

Le coton épuré est compressé en balles qui doivent être recouvertes pour les protéger de toute salissure au cours du transport et du stockage. Trois types de balles sont produits: balles plates modifiées, balles à densité universelle de compression et balles à densité universelle d’égrenage. Ces balles sont pressées à des densités de 224 et de 449 kg/m3 pour les balles plates modifiées et pour les balles à densité universelle, respectivement. Dans la plupart des égreneuses, le coton est pressé dans une presse double dans laquelle le coton-fibre est tout d’abord comprimé par un mécanisme mécanique ou hydraulique. La presse est alors mise en rotation et la compression du coton-fibre est portée à 320 ou 641 kg/m3 avec des presses pour balles plates modifiées ou des presses pour balles à densité universelle d’égrenage, respectivement. Les balles plates modifiées sont recomprimées pour être transformées en balles à densité universelle de compression, afin de réduire les coûts de fret. En 1995, environ 98% des balles préparées aux Etats-Unis étaient des balles à densité universelle d’égrenage.

La qualité des fibres

Chaque stade de la production influe sur la qualité du coton, y compris le choix de la variété, la récolte et l’égrenage. Certains paramètres de qualité dépendent directement des caractères gé-nétiques, tandis que d’autres sont principalement fonction des conditions d’environnement ou des pratiques de récolte et d’égrenage. Tout problème survenant au cours de n’importe quelle étape de la production ou du traitement peut être à l’origine d’une baisse irréversible de la qualité des fibres et d’une perte de bénéfice pour le producteur comme pour le fabricant de textiles.

La qualité des fibres est optimale le jour de l’ouverture des capsules. L’exposition aux intempéries, la récolte mécanique, les manipulations, l’égrenage et la fabrication peuvent réduire cette qualité naturelle. De nombreux facteurs sont révélateurs de la qualité globale de la fibre de coton; les plus importants sont la solidité, la longueur des fibres, la teneur en fibres courtes (inférieures à 1,27 cm), l’uniformité de longueur, la maturité, la finesse, la teneur en débris, la couleur, la teneur en fragments d’enveloppes de graines et en boutons ainsi que l’adhésivité. Le marché reconnaît généralement ces facteurs, même s’ils ne sont pas tous mesurés sur chaque balle.

L’égrenage peut influer significativement sur la longueur des fibres, l’uniformité et la teneur en fragments d’enveloppes de graines, en débris, en fibres courtes et en boutons. Les deux facteurs qui ont le plus d’impact sur la qualité sont la régulation de l’humidité des fibres au cours de l’égrenage et de l’épuration, et l’utilisation d’épurateurs à scies.

La fourchette recommandée pour l’humidité de la fibre lors de l’égrenage est de 6 à 7%. Lorsque l’humidité est faible, les épurateurs éliminent mieux les débris, mais endommagent davantage les fibres. Une humidité plus élevée préserve la longueur des fibres, mais donne lieu à des problèmes d’égrenage et à une mauvaise épuration, comme le montre la figure 89.7. Si le séchage est accru pour améliorer l’élimination des débris, il en résulte une baisse de la qualité des filés. Bien que l’aspect du fil s’améliore jusqu’à un certain point avec le séchage, grâce à une meilleure élimination des corps étrangers, la teneur accrue en fibres courtes compromet les avantages dus à l’élimination des corps étrangers.

Figure 89.7 Compromis recherché lors de l'égrenage du coton

Figure 89.7

L’épuration ne modifie guère la couleur véritable de la fibre, contrairement au peignage et à l’élimination des débris. L’épuration du coton-fibre permet parfois de mélanger les fibres de manière à réduire le nombre de balles considérées comme tachées ou légèrement tachées. L’égrenage n’a aucun impact sur la finesse et la maturité. Tous les dispositifs mécaniques ou pneumatiques utilisés au cours de l’épuration et de l’égrenage accroissent la teneur en boutons, mais ce sont les épurateurs de fibres qui ont ici le plus d’effet. La quantité de fragments d’enveloppes de graines dans le coton-fibre dépend de l’état des graines et de l’opération d’égrenage. Les épurateurs de fibres réduisent la taille des fragments, mais non leur quantité. La solidité et l’aspect du fil ainsi que la rupture à l’extrémité de filage sont trois facteurs qualitatifs importants pour le comportement en filature; ils dépendent tous de l’uniformité de la longueur et, donc, de la proportion de fibres courtes ou cassées. Ces trois éléments sont généralement préservés au mieux lorsque le coton est égrené en limitant au minimum l’utilisation de machines de séchage et d’épuration.

Des recommandations ont été formulées sur la séquence et le nombre des machines d’égrenage permettant de sécher et d’épurer le coton cueilli par des récolteuses à broches, afin d’obtenir des balles de valeur satisfaisante et de préserver la qualité naturelle du coton. Ces recommandations ont généralement été suivies et sont donc reconnues depuis plusieurs décennies par l’industrie cotonnière des Etats-Unis. Elles prévoient des systèmes de primes et d’escomptes pour la commercialisation et tiennent compte de l’efficacité de l’épuration et de l’endommagement des fibres caractérisant les différentes égreneuses. Ces recommandations doivent être adaptées si la récolte a été effectuée dans des conditions particulières.

Lorsque les différentes machines d’égrenage sont utilisées selon la séquence recommandée, 75 à 85% des corps étrangers sont généralement éliminés du coton. Ces appareils rejettent malheureusement aussi une petite quantité de coton de bonne qualité. L’épuration réduisant ainsi la quantité de coton commercialisable, il importe de trouver un compromis entre cette opération et ses effets positifs comme la réduction de la teneur en corps étrangers, d’une part, et ses effets négatifs comme l’endommagement ou la perte de fibres, d’autre part.

Les problèmes de sécurité et de santé

Comme toute opération de transformation, l’égrenage du coton comporte de nombreux risques. L’analyse des demandes de prestations au titre des accidents du travail indique que les lésions touchent essentiellement les mains ou les doigts, puis le dos ou la colonne vertébrale, les yeux, les pieds ou les orteils, les bras ou les épaules, les jambes, le tronc et la tête. L’industrie s’est efforcée de réduire considérablement les risques et d’organiser la formation à la sécurité, mais l’égrenage reste un point noir: en effet, la fréquence élevée des accidents, leur gravité et le grand nombre de jours d’arrêt de travail sont sources de préoccupation. Le coût total des lésions professionnelles dues à l’égrenage doit se calculer en ajoutant aux coûts directs (soins médicaux et autres indemnités) les coûts indirects (journées perdues, immobilisation des machines, manque à gagner, surcoût des assurances du personnel, perte de productivité et nombreux autres facteurs négatifs). Les coûts directs sont plus faciles à déterminer, mais bien moins élevés que les coûts indirects.

De nombreux règlements internationaux régissant la sécurité et la santé dans l’égrenage du coton sont inspirés de la législation des Etats-Unis appliquée par l’Administration de la sécurité et de la santé au travail (Occupational Safety and Health Administration (OSHA)) et l’Agence de protection de l’environnement (Environmental Protection Agency (EPA)), qui réglemente aussi les pesticides.

D’autres dispositions relatives à l’agriculture peuvent également s’appliquer aux installations d’égrenage: obligation d’apposer le symbole identifiant les véhicules lents sur les remorques/tracteurs circulant sur la voie publique, installation d’arceaux de sécurité sur les tracteurs manœuvrés par le personnel et conditions d’hébergement correctes pour le personnel temporaire. Dans la mesure où ces installations sont considérées comme des entreprises agricoles et ne sont pas spécifiquement visées par de nombreux règlements, les employeurs de ce secteur souhaiteront probablement se conformer à d’autres dispositions, telles que les normes de l’OSHA applicables à l’industrie en général (OSHA Regulations (Standards — 29CFR) (Part 1910)). Certaines normes spécifiques prévues par l’OSHA devraient être appliquées dans le secteur de l’égrenage, à savoir les textes se référant aux incendies et aux plans d’urgence (29 CFR 1910.38a), aux issues de secours (29 CFR 1910.35-40) et à l’exposition au bruit (29 CFR 1910.95). Les principales obligations concernant les issues de secours et autres issues figurent dans les textes référencés 29 CFR 1910.36 et 29 CFR 1910.37. Dans d’autres pays où les travailleurs agricoles relèvent de dispositions légales, le respect de ces normes sera obligatoire. Les normes concernant le bruit et les autres facteurs de sécurité et de santé sont examinées ailleurs dans l’Encyclopédie.

La participation des travailleurs aux programmes de sécurité

Les programmes les plus efficaces sont ceux qui ont réussi à sensibiliser les salariés à la sécurité. Leur motivation peut être le fruit d’une politique de sécurité intéressant les travailleurs à tous les aspects du programme, de la mise en place d’une formation à la sécurité, du bon exemple et d’incitations appropriées.

L’obligation de porter des équipements de protection individuelle dans certaines zones et de respecter des pratiques de travail sûres permet de réduire les cas de maladies professionnelles. Des accessoires de protection auditive (bouchons d’oreille, serre-tête antibruit) et respiratoire (masques antipoussières) devraient être utilisés pour toutes les opérations réalisées dans des zones très bruyantes ou fortement empoussiérées. Certaines personnes, plus sensibles que d’autres au bruit et aux troubles respiratoires, devraient être affectées à des postes se trouvant dans des zones moins bruyantes ou moins poussiéreuses. En ce qui concerne les risques liés à la manutention de charges lourdes ou à une chaleur excessive, il convient de recourir à la formation, d’utiliser des auxiliaires de manutention, de fournir des vêtements adaptés, de mettre en place un système de ventilation et de prévoir des pauses en dehors des zones surchauffées.

Toutes les personnes affectées à l’égrenage doivent participer aux mesures de sécurité; un milieu de travail sûr ne peut être instauré que si chacun collabore sans réserve au programme de prévention mis en place.

LA FABRICATION DES FILÉS DE COTON

Phillip J. Wakelyn

Le coton représente environ 50% de la consommation mondiale de fibres textiles. La Chine, les Etats-Unis, la Fédération de Russie, l’Inde et le Japon sont les principaux consommateurs de coton. La consommation est évaluée d’après la quantité de fibres de coton brut achetées et utilisées pour fabriquer des produits textiles. La production mondiale de coton est annuellement de l’ordre de 80 à 90 millions de balles (17,4 à 19,6 millions de tonnes). La Chine, les Etats-Unis, l’Inde, l’Ouzbékistan et le Pakistan sont les principaux producteurs de coton et assurent plus de 70% de la production cotonnière mondiale, le reste étant produit par quelque 75 autres pays. Cinquante-sept pays exportent du coton brut et 65 des tissus de coton. Nombre de pays accordent une grande importance à la production intérieure pour réduire leur dépendance vis-à-vis des importations.

La fabrication des filés comprend une série d’opérations qui transforment les fibres de coton brut en fil se prêtant à la fabrication de produits finis. Ces opérations sont nécessaires pour obtenir les filés propres, solides et uniformes requis par les marchés d’aujourd’hui. A partir d’un paquet de fibres emmêlées et fortement compressées extrait des balles de coton et contenant de nombreux corps étrangers et de fibres inutilisables (matières diverses, débris végétaux, impuretés, etc.) en quantités variables, les opérations continues d’ouverture, de mélangeage, d’épuration, de cardage, d’étirage, de passage au banc à broches et de filage ont pour objet de transformer les fibres en fil.

Bien que les opérations de fabrication soient très complexes, la pression de la concurrence continue de pousser les groupes industriels et les constructeurs à rechercher, pour traiter le coton, des méthodes et des machines plus efficaces appelées à supplanter peut-être un jour celles qu’on emploie actuellement. Cependant, selon toute probabilité, les systèmes classiques de mélangeage, de cardage, d’étirage, de passage au banc à broches et de filage continueront d’être utilisés. Seule l’opération de battage-nappage semble clairement appelée à disparaître dans un avenir proche.

Le fil est destiné à la fabrication de produits finis tissés ou tricotés (vêtements ou tissus industriels), de fil à coudre et de cordages. Les filés produits se différencient entre autres par leur diamètre et leur poids par unité de longueur. Si le principe de fabrication n’a pas changé depuis des années, les vitesses de traitement, les techniques de commande et la taille des balles ont évolué. Les propriétés du fil et l’efficacité du traitement sont liées à celles des fibres de coton traitées. Les propriétés finales du fil sont également dépendantes des conditions de traitement.

La filature

L’ouverture, le mélangeage et l’épuration

En principe, les ateliers de filature procèdent à des mélanges de balles présentant les propriétés nécessaires pour produire un fil destiné à une utilisation spécifique. Le nombre de balles employées dans chaque mélange par les différents établissements peut aller de 6 ou 12 à plus de 50. Le traitement débute par le transfert des balles à mélanger vers l’atelier d’ouverture des fibres, où les emballages et les cercles sont enlevés. Les couches de coton sont retirées manuellement des balles et placées dans des chargeuses munies de bandes transporteuses garnies de dents. Dans d’autres systèmes, des balles entières sont placées sur des plates-formes qui leur impriment un mouvement de va-et-vient au-dessous ou au-dessus d’un mécanisme d’arrachage. L’objectif est de transformer les couches compactes des balles en petites touffes légères et duveteuses pour faciliter l’élimination des corps étrangers. Etant donné que les balles sont livrées en différentes densités, les cercles sont souvent coupés vingt-quatre heures avant le traitement afin de les briser plus facilement. Cette précaution facilite l’ouverture et contribue à régulariser la vitesse de chargement. Les ouvreuses assurent les fonctions d’ouverture et d’épuration initiale.

Le cardage et le peignage

La carde est la machine la plus importante dans la fabrication des filés. Dans presque toutes les usines textiles, elle assure la deuxième et la dernière opération d’épuration. Elle est composée d’un système de trois cylindres rotatifs garnis de fines pointes métalliques inclinées et d’une série de barres plates, également munies de pointes métalliques, qui transforment successivement les petits agglomérats et les petites touffes en fibres bien séparées et ouvertes, éliminent un très gros pourcentage de débris et de corps étrangers, recueillent les fibres sous forme d’un ruban qui est soigneusement lové dans un pot pour les opérations ultérieures (voir figure 89.4).

Jadis, le coton était amené à la carde sous la forme d’une bande formée sur un batteur-nappeur constitué de rouleaux d’alimentation, de batteurs et d’un ensemble de tamis cylindriques sur lesquels les touffes de coton ouvertes étaient recueillies et roulées en nappe (voir figure 89.5). La nappe était retirée des tamis en une couche plate et régulière, puis enroulée en bande. Cependant, la nombreuse main-d’œuvre requise et l’existence de systèmes automatiques de manutention susceptibles d’améliorer la qualité ont contribué à l’obsolescence du batteur-nappeur.

La suppression de cette étape a été possible grâce à l’installation de machines d’ouverture et d’épuration plus efficaces et de cheminées d’alimentation munies de mécanismes pneumatiques qui alimentent les cardes en touffes de fibres ouvertes et épurées. Cette étape contribue à la régularité du traitement et à l’amélioration de la qualité, tout en réduisant les besoins de main-d’œuvre.

Un petit nombre d’établissements produisent du coton peigné, c’est-à-dire la qualité de fil la plus propre et la plus régulière qui soit. Le peignage exige une épuration plus poussée que le cardage; il élimine les fibres courtes, les boutons et les débris, et permet ainsi d’obtenir un ruban parfaitement propre et brillant. La peigneuse est une machine compliquée constituée de rouleaux d’alimentation cannelés et d’un cylindre partiellement garni d’aiguilles, destiné à extraire les fibres courtes et à parfaire le parallélisme des fibres (voir figure 89.3).

L’étirage et le passage au banc à broches

L’étirage est la première opération de fabrication des filés faisant appel à des cylindres qui effectuent la quasi-totalité de l’étirage. Les pots contenant les rubans de carde sont empilés dans le râtelier du banc d’étirage. L’étirage consiste à faire passer un ruban dans un système de cylindres appariés, mais animés de vitesses différentes. L’étirage tend les fibres du ruban pour les rendre rectilignes et aussi parallèles que possible à l’axe du ruban, ce qui est indispensable pour obtenir les propriétés désirées lorsque les fibres doivent être transformées en fil par torsion. L’étirage uniformise également le poids du ruban par unité de longueur et facilite les possibilités de mélange. Les fibres produites par l’opération d’étirage final, réalisée sur le banc finisseur, sont pratiquement rectilignes et parallèles à l’axe du ruban. Le poids par unité de longueur d’un ruban issu de l’étirage final est trop élevé pour permettre la transformation en fil sur les systèmes traditionnels de filature à anneaux.

Le passage au banc à broches ramène le poids du ruban à un niveau adapté au filage et à la torsion, tout en conservant l’intégrité des brins étirés. Les bacs contenant les rubans issus de l’étirage final ou du peignage sont placés dans le râtelier, et chaque ruban est conduit entre deux jeux de cylindres animés de vitesses croissantes, ce qui fait passer le diamètre du ruban d’environ 2,5 cm à la taille d’un crayon ordinaire. Une torsion est imprimée aux fibres grâce à une ailette fixée sur la broche. Le produit en résultant, dénommé mèche, vient s’enrouler sur une bobine d’environ 37,5 cm de long et de 14 cm de diamètre.

Le filage

Le filage est l’étape la plus coûteuse de la transformation des fibres de coton en fil. Il comprend la préparation et le filage proprement dit (appelé aussi filature). Actuellement, plus de 85% du fil produit dans le monde l’est avec des continus à filer à anneaux: ces métiers sont conçus pour transformer la mèche en fil du calibre (ou numéro) voulu et à lui imprimer la torsion souhaitée, cette dernière étant proportionnelle à la résistance. Le rapport entre la longueur initiale et la longueur finale est de l’ordre de 10 à 50. Les bobines de mèches sont placées sur des supports qui leur permettent de passer librement dans le cylindre d’étirage du continu à filer à anneaux. Après étirage, le fil traverse un guide, puis un curseur avant de passer sur la bobine de fil. La broche d’entraînement de cette bobine tourne à grande vitesse, ce qui fait gonfler le fil à mesure qu’elle lui imprime une torsion. Les fils se trouvant sur les bobines sont trop courts pour être utilisés lors des opérations ultérieures; ils sont transférés vers des pots tournants et amenés à l’opération suivante (bobinage ou renvidage).

Dans la production de fils plus lourds ou plus grossiers, le filage à anneaux est aujourd’hui remplacé par le procédé dit à fibres libérées, dit aussi «open-end» (à bouts ouverts). Un ruban de fibres est amené dans une turbine tournant à vitesse très élevée, dans laquelle la force centrifuge transforme les fibres en fil. La bobine n’est pas utile dans ce procédé, et le fil est mis en place sur le support voulu lors de l’opération suivante.

De nombreux efforts de recherche-développement sont consa-crés à la mise au point de méthodes radicalement nouvelles pour fabriquer les filés. Certains systèmes de filature en cours d’élaboration pourraient révolutionner la fabrication des filés et modifier l’importance relative des propriétés des fibres. Parmi les principes utilisés dans les nouveaux systèmes, quatre paraissent utilisables pour le coton. Des systèmes de filature à âme sont actuellement employés pour produire certains filés spéciaux et les fils à coudre. Des fils sans torsion ont été obtenus industriellement en quantité limitée grâce à un procédé qui permet de lier les fibres entre elles avec un alcool polyvinylique ou un autre agent de liaison. Ce procédé pourrait permettre une productivité élevée et assurer une très grande uniformité des fils. Les tricots et autres tissus d’habillement fabriqués avec ce type de fil ont un très bel aspect. Dans la filature à tourbillon d’air, étudiée par plusieurs constructeurs de machines, le ruban d’étirage est amené à un rouleau d’ouverture, comme dans la filature à turbine. La filature à tourbillon d’air permet d’atteindre des vitesses de production très élevées, mais les prototypes sont particulièrement sensibles aux variations de longueur des fibres et aux corps étrangers tels que les particules de déchets.

Le renvidage et le bobinage

Après le filage, le fil doit être présenté en fonction de l’utilisation prévue — tissage ou tricotage. Le renvidage, le bobinage, la torsion et l’enroulement du fil sur canettes sont considérés comme des étapes préparatoires au tissage et au tricotage. En principe, les produits bobinés seront utilisés comme fils de chaîne (fils passant dans le sens de la longueur d’un tissu) et les produits renvidés serviront de fils de trame (fils passant dans le sens de la largeur d’un tissu), ou duites. Les produits de la filature à fibres libérées court-circuitent ces étapes et sont directement emballés en tant que fils de trame ou fils de chaîne. Le retordage consiste à tordre ensemble deux fils ou plus avant les autres opérations afin d’obtenir un fil retors d’une grosseur double, voire triple ou quadruple, nettement plus solide qu’un fil simple de la même grosseur. Dans l’enroulement du fil sur canettes, le fil est disposé sur des bobines suffisamment petites pour tenir à l’intérieur de la navette d’un métier à boîtes multiples. Cette opération a parfois lieu sur le métier lui-même (voir plus loin dans ce chapitre l’article «Le tissage et le tricotage»).

Le traitement des déchets

Dans les usines modernes où l’on s’intéresse à la lutte contre l’empoussièrement, on accorde beaucoup d’importance à la manipulation des déchets. Dans les opérations textiles classiques, les déchets — lorsqu’ils ne pouvaient être recyclés — étaient récupérés manuellement et transférés vers un entrepôt où ils s’accumulaient jusqu’à ce que l’on dispose d’une quantité suffisante d’un même type pour confectionner une balle. Aujourd’hui, des dispositifs d’aspiration centralisée renvoient automatiquement les déchets provenant de l’ouverture, du battage-nappage, du cardage, de l’étirage et du passage au banc à broches. Ces systèmes sont utilisés pour nettoyer les machines, pour récupérer automatiquement les déchets se trouvant sous les machines (peluches et impuretés provenant du cardage) et pour renvoyer les déchets inutilisables récupérés au sol, ainsi que les résidus des diviseurs à filtre. La presse à balles classique est une presse ascendante verticale qui permet de presser des balles de 227 kg. Avec les techniques modernes de traitement des déchets, ceux-ci sont amenés par le système d’aspiration centrale dans une cuve qui alimente une presse à balles horizontale. Les déchets issus de la fabrication des filés peuvent être recyclés ou réutilisés par d’autres industries. Ainsi, l’industrie de la filature des déchets produit du fil à serpillière, et le garnettage peut servir à produire les nappes de coton utilisées par les matelassiers ou par les tapissiers pour certains meubles.

La sécurité et la santé

Les machines

Tous les types de machines servant à fabriquer les textiles de coton peuvent provoquer des accidents, bien que la fréquence de ceux-ci ne soit pas très élevée. La mise en place d’une protection efficace sur les innombrables pièces en mouvement pose de multiples problèmes et requiert une attention constante. La formation des opérateurs à des pratiques de travail sûres est également essentielle. Elle permet notamment d’éviter de réparer une machine en marche, ce qui est à l’origine de nombreux accidents. Chaque élément de machine peut avoir une source motrice d’énergie (électrique, mécanique, pneumatique, hydraulique, inertielle, etc.) qu’il importe de couper avant de procéder à une réparation ou à une opération d’entretien. Les sources d’énergie devraient être clairement identifiées dans chaque atelier; l’équipement nécessaire devrait se trouver sur place et le personnel devrait savoir que les sources d’énergie dangereuses doivent systématiquement être déconnectées avant toute intervention sur les machines. Des inspections régulières devraient être effectuées pour s’assurer que les procédures d’arrêt sont respectées et correctement appliquées.

L’inhalation de poussières de coton (byssinose)

L’inhalation des poussières produites par la transformation des fibres de coton en filés et en tissus est responsable d’une maladie pulmonaire professionnelle appelée byssinose qui atteint certaines personnes. La maladie ne survient généralement qu’après 15 à 20 ans d’exposition à des concentrations élevées de poussières (supérieures à 0,5-1,0 mg/m3). Selon les normes de l’Administration de la sécurité et de la santé au travail (Occupational Safety and Health Administration (OSHA)) et de la Conférence américaine des hygiénistes gouvernementaux du travail (American Conference of Governmental Industrial Hygienists (ACGIH)), aux Etats-Unis, la limite d’exposition professionnelle aux poussières de coton lors de la fabrication de fils textiles est fixée à 0,2 mg/m3 de poussières respirables, mesurées à l’aide d’un élutriateur vertical. Les poussières de coton sont des particules véhiculées par l’air, mises en suspension dans l’atmosphère lors de la manipulation et du traitement du coton. Il s’agit de mélanges hétérogènes et complexes comprenant également des débris végétaux et de terre et des micro-organismes (bactéries et champignons) dont la composition et l’activité biologique varient. L’agent étiologique et le mécanisme pathogène de la byssinose restent inconnus. Les débris de cotonnier présents sur les fibres ainsi que les endotoxines des bactéries Gram négatif se trouvant sur les fibres et les débris végétaux seraient la cause directe ou le réservoir de l’agent pathogène. La fibre de coton elle-même, principalement composée de cellulose, n’est pas directement pathogène, car la cellulose est inerte et ne provoque pas de maladies respiratoires. Des mesures de prévention technique appropriées dans les zones de traitement des textiles en coton (voir figure 89.8), associées à des pratiques de travail correctes, à une surveillance médicale et à l’utilisation d’équipements de protection individuelle, permettent de prévenir la plupart des cas de byssinose. Par ailleurs, le lavage doux dans des autoclaves de débouillissage par lots dans le cadre de l’utilisation de systèmes à nappe continue permet d’abaisser le taux résiduel d’endotoxines dans les poussières véhiculées par le coton-fibre ou par l’air. On parvient ainsi à des taux inférieurs à ceux qui provoquent une insuffisance respiratoire aiguë mesurée d’après le volume expiratoire maximal seconde (VEMS).

Figure 89.8 Système d'extraction des poussières sur une cardeuse

Figure 89.8

Le bruit

Le bruit peut poser des problèmes lors de certaines opérations de fabrication des filés. Dans les usines modernes, il est généralement inférieur à 90 dBA, ce qui correspond à la norme en vigueur aux Etats-Unis. Dans bien des pays, la limite est plus sévère. Grâce aux efforts des constructeurs de machines et des spécialistes de la question, les niveaux de bruit continuent de diminuer en dépit de l’augmentation des vitesses. La solution consiste à fabriquer des machines plus silencieuses. Aux Etats-Unis, un programme de protection de l’ouïe est obligatoire dans les entreprises où le niveau sonore dépasse 85 dBA, ce qui implique la surveillance du bruit, des tests audiométriques et la fourniture de dispositifs de protection pour le personnel lorsque le bruit ne peut être ramené au-dessous de 90 dBA.

La chaleur

Etant donné que les opérations de filage requièrent parfois des températures élevées et une humidification artificielle de l’air, une surveillance attentive est dans tous les cas indispensable pour garantir le respect des limites maximales admissibles. Des systèmes d’air conditionné bien conçus et correctement entretenus tendent de plus en plus à remplacer les méthodes plus archaïques de régulation thermique et hygrométrique.

Les systèmes de gestion de la sécurité et de la santé au travail

La plupart des usines modernes de fabrication de fils textiles ont mis en place un système de gestion de la sécurité et de la santé pour maîtriser les risques auxquels le personnel peut être exposé. Il peut s’agir soit de programmes volontaires tels que celui des fabricants de textiles des Etats-Unis («Quest for the Best in Health and Safety»), soit de programmes imposés par voie réglementaire («US State of California Occupational Injury and Illness Prevention Programme — Title 8, California Code of Regulations, Section 3203»). Tout système de gestion de la sécurité et de la santé devrait être suffisamment souple pour permettre aux entreprises de l’adapter à leurs propres besoins.

L’INDUSTRIE LAINIÈRE

D.A. Hargrave*

* Ce texte est repris, avec quelques modifications, de la 2e édition de l'Encyclopédie de médecine, d'hygiène et de sécurité du travail.

Les origines de l’industrie lainière se perdent dans la nuit des temps. Nos lointains ancêtres n’ont pas eu de peine à domestiquer le mouton, qui a grandement contribué à satisfaire leurs besoins essentiels en matière alimentaire et vestimentaire. Dans les sociétés primitives, on frottait les unes contre les autres les fibres prélevées sur l’animal pour en faire un fil et, partant de ce principe initial, les procédés de filage ont gagné en complexité. L’industrie lainière a joué un rôle de pionnier dans la mise au point et l’adaptation de procédés mécanisés et a été l’une des premières à industrialiser sa production.

Les matières premières

La longueur de la fibre prélevée sur l’animal est l’élément dominant, mais non le seul, dans le choix du traitement ultérieur. Les types de laines disponibles peuvent être classés en trois catégories: a) les laines mérinos; b) les laines métisses fines, moyennes ou grossières; c) les laines pour tapis. On distingue diverses qualités dans chaque catégorie. La laine mérinos est caractérisée par sa finesse et ses brins sont courts, contrairement aux laines pour tapis dont les brins sont longs et épais. Aujourd’hui, les fibres synthétiques qui imitent la laine sont mélangées aux fibres naturelles en proportion croissante et subissent les mêmes traitements. Les poils d’autres animaux — mohair (chèvre), alpaga (lama), cachemire (chèvre, chameau), angora (chèvre) et vigogne (lama sauvage) — jouent aussi un rôle important, bien qu’accessoire dans cette branche; ils sont relativement chers et sont habituellement transformés par des entreprises spécialisées.

La filature

Il existe deux procédés de filage distincts, selon qu’on entend obtenir des fils cardés ou des fils peignés. Les machines se ressemblent sur bien des points, mais les produits recherchés sont différents. En principe, on prend pour les peignés des laines à brins plus longs qu’on maintient parallèles lors du cardage, du défeutrage, du boudinage et du peignage, les brins courts étant rejetés. On obtient ainsi un filé fin et résistant qui donne, par tissage, une étoffe légère, d’aspect lisse et de bonne tenue, comme celle qu’on utilise pour les costumes d’homme. Pour les cardés, le but est d’entremêler et d’entrelacer les fibres pour obtenir un filé doux et aéré qui donne, par tissage, une étoffe pleine et gonflante, à surface laineuse (tweeds, couvertures et tissus lourds pour pardessus). L’uniformité des brins n’étant pas nécessaire pour les cardés, le filateur peut mélanger de la laine vierge à des brins courts rejetés lors de la production des peignés, à des laines d’effilochage récupérées par destruction de vieux vêtements, etc. Le «shoddy» est tiré de déchets souples, et le «mungo» de déchets serrés.

Il faut garder à l’esprit que ces opérations sont fort complexes et que l’état et le type de la matière première utilisée, ainsi que les spécifications du produit fini, influencent à chaque stade les opérations et leur séquence. Ainsi, on peut teindre la laine avant le filage, en filés, en fin de fabrication, ou encore à l’état de pièce tissée. Les opérations peuvent être effectuées dans différentes usines.

Les risques et leur prévention

Comme dans toute l’industrie textile, les grosses machines comportant des parties en mouvement rapide posent des problèmes de bruit et présentent des risques mécaniques. La poussière peut également être source de difficulté. Les engrenages, les chaînes et pignons, les arbres, courroies et poulies de transmission devraient être placés sous carter de protection. Il en va de même pour les organes des machines propres à l’industrie lainière, à savoir:

La protection de ces organes dangereux pose des problèmes pratiques puisque les dispositifs installés doivent être adaptés aux méthodes de travail courantes dans chaque opération pour éviter notamment que le travailleur l’enlève ou la rende inopérante au moment précis où les risques sont les plus grands (procédure d’arrêt des machines, par exemple). Une formation spécifique et une surveillance étroite sont nécessaires pour que, en aucun cas, l’évacuation des déchets ou le nettoyage des machines ne soient effectués lorsque les moteurs sont en marche. Une lourde responsabilité incombe aux constructeurs de machines chargés de veiller à ce que la sécurité soit intégrée dès le stade de la conception en bureau d’études, et au personnel d’encadrement, qui devrait s’assurer que les travailleurs ont été convenablement formés.

L’espacement des machines

Le rapprochement excessif des machines accroît évidemment les risques d’accidents. Dans beaucoup de locaux anciens, on compte une forte concentration de machines sur une surface donnée, ce qui réduit d’autant les voies de passage, les dégagement et les emplacements de stockage provisoire des matières premières et des produits finis. Dans certaines anciennes usines, les passages libres entre les cardes sont si étroits qu’il est impossible d’encoffrer les courroies et les poulies et que l’on doit se contenter de monter un coin protecteur dans leurs angles rentrants; en pareil cas, il est très important que la fourche soit parfaitement lisse et bien conçue pour guider la courroie. L’espacement entre les machines devrait être réglementé par l’adoption de normes minimales en la matière, comme l’a recommandé une commission du gouvernement britannique.

La manutention des matériaux

En l’absence de méthodes modernes de manutention mécanique, le risque d’accident est toujours présent dès qu’il faut soulever de lourdes charges. Les opérations de manutention devraient être aussi mécanisées que possible; si tel n’est pas le cas, il conviendra de prendre les précautions exposées au chapitre no 102, «Les transports et l’entreposage» de la présente Encyclopédie . Les techniques correctes sont particulièrement importantes pour les travailleurs chargés de monter ou de démonter les grosses ensouples sur les métiers ou de manipuler des balles de laine lourdes et encombrantes aux différents stades de la préparation. Il convient, chaque fois que la chose est possible, d’utiliser des diables, des chariots et des patins de glissement pour déplacer ce type de charge.

Les risques d’incendie

Les risques d’incendie ne doivent pas être sous-estimés, surtout dans les anciennes usines construites sur plusieurs étages. Les locaux devraient être conformes aux réglementations locales qui imposent également la non-obstruction des couloirs et des issues, la présence de systèmes de détection d’incendie, d’extincteurs et de tuyaux d’incendie, d’éclairages de secours, etc. La propreté et l’entretien des locaux éviteront l’accumulation des poussières et des peluches qui favorisent la propagation du feu. Aucune réparation nécessitant des chalumeaux ou tout autre outillage à flamme nue ne devrait être autorisée pendant les heures de travail. L’ensemble du personnel devrait être formé aux procédures à suivre en cas d’incendie et des exercices seront prévus à intervalles convenables, autant que possible en collaboration avec les sapeurs-pompiers, la police et les services médicaux d’urgence.

La sécurité générale

L’accent a été mis sur les dangers qui surviennent plus particulièrement dans l’industrie lainière, mais il faut souligner que la plupart des accidents se produisent dans des circonstances que l’on retrouve dans toutes les branches d’activité (chutes de personnes ou d’objets, manutentions, utilisation d’outils à main, etc.) et que les principes généraux de sécurité s’appliquent à l’industrie lainière comme à la plupart des autres industries.

Les problèmes de santé

La fièvre charbonneuse

La maladie le plus souvent liée aux textiles laineux est la fièvre charbonneuse, connue aussi sous le nom de charbon ou d’anthrax. Elle est due à la bactéridie charbonneuse (Bacillus anthracis) et constituait autrefois un risque grave, particulièrement lors des opérations de triage; toutefois, elle a été presque entièrement jugulée dans ce secteur de l’industrie textile grâce aux mesures ci-après:

Outre les spores du bacille charbonneux, on sait que les spores de Coccidioides immitis peuvent aussi contaminer la laine, surtout dans le sud-ouest des Etats-Unis. Ce champignon provoque une maladie connue sous le nom de coccidioïdomycose qui, à l’instar du syndrome respiratoire de la fièvre charbonneuse, n’offre que peu de chances de guérison. La fièvre charbonneuse risque aussi de provoquer une ulcération ou une pustule maligne lorsque l’infection a lieu à l’occasion d’une rupture de la barrière cutanée.

Les produits chimiques

Divers produits chimiques sont utilisés, par exemple pour le dégraissage (dioxyde de diéthylène, détergents synthétiques, trichloroéthylène et, jadis, tétrachlorure de carbone), la désinfection (formaldéhyde), le blanchiment (dioxyde de soufre, chlore) et la teinture (chlorate de potassium, anilines). Ces produits comportent des risques d’asphyxie par les gaz, d’intoxication, d’irritation des yeux, des muqueuses et des poumons, et peuvent provoquer des réactions cutanées. En règle générale, la prévention passe par les mesures suivantes:

Autres risques

Le bruit, les éclairages inadaptés et le niveau élevé de température et d’humidité requis pour le traitement de la laine peuvent avoir un effet préjudiciable sur la santé du personnel. De nombreux pays ont élaboré des normes dans ces domaines. La vapeur, les condensations et l’humidité peuvent être difficiles à éliminer efficacement des ateliers de teinture, et le recours aux spécialistes est souvent nécessaire. Dans les ateliers de tissage, il reste beaucoup à faire pour lutter contre le bruit. L’éclairage, quant à lui, devrait faire l’objet de spécifications rigoureuses, notamment lors de la fabrication d’étoffes foncées.

Les poussières

De même que les poussières générées par les opérations de préparation risquent de véhiculer les spores du bacille charbonneux, de nombreuses machines (effilocheuses et cardeuses, notamment) produisent des poussières en quantités suffisantes pour causer une irritation des muqueuses respiratoires. Ces poussières devraient donc être éliminées grâce à un système efficace de ventilation par aspiration localisée.

Le bruit

Les filatures de laine sont souvent des endroits très bruyants en raison du grand nombre de pièces en mouvement, notamment dans les métiers à tisser. Une lubrification correcte atténue le bruit, mais elle ne dispense pas d’envisager la mise en place de dispositifs antibruit et de réfléchir à d’autres solutions. La prévention des pertes auditives d’origine professionnelle passe en grande partie par l’utilisation de dispositifs de protection (coquilles, bouchons d’oreille). Il est indispensable d’informer le personnel sur leur utilisation correcte et de vérifier l’emploi qui en est fait. Un programme de protection de l’ouïe comportant des audiogrammes périodiques est obligatoire dans de nombreux pays. Lorsque les machines sont remplacées ou réparées, il convient d’adopter des mesures de nature à réduire le bruit.

Le stress professionnel

Le stress professionnel, avec les effets qu’il exerce sur la santé et le bien-être des travailleurs, est un problème réel dans l’industrie lainière. Etant donné que de nombreuses usines fonctionnent vingt-quatre heures sur vingt-quatre, le recours au travail posté est souvent nécessaire. Pour satisfaire aux exigences de la production, les chaînes fonctionnent en continu, de sorte que les travailleurs sont «attachés» à une ou à plusieurs machines et doivent attendre un remplaçant pour se rendre aux toilettes ou se reposer. Le bruit ambiant, le port de coquilles ou de bouchons d’oreille et les tâches de routine fortement répétitives ont pour effet d’isoler les opérateurs et d’entraver la communication, ce qui est souvent ressenti comme stressant. La qualité de la surveillance et l’existence d’espaces de détente sur les lieux de travail ont une grande influence sur les niveaux de stress professionnel.

Conclusion

Si les grandes entreprises modernes sont en mesure d’investir dans les nouvelles réalisations techniques, de nombreuses usines plus anciennes ou plus petites continuent de fonctionner avec des machines obsolètes. Les impératifs économiques tendent à réduire l’attention portée à la sécurité et à la santé du personnel. Dans de nombreuses régions développées, les industriels abandonnent souvent leurs usines au profit de nouvelles installations construites dans des pays en développement, plus spécialement dans celles où la main-d’œuvre est bon marché et où les réglementations en matière de sécurité et de santé sont inexistantes ou généralement ignorées. Des investissements raisonnables en faveur de la santé et du bien-être des travailleurs peuvent apporter des bénéfices non négligeables aux entreprises comme aux salariés de l’industrie lainière, caractérisée par sa forte intensité de main-d’œuvre.

L’INDUSTRIE DE LA SOIE

J. Kubota *

* Ce texte est repris, avec quelques modifications, de la 2e édition de l'Encyclopédie de médecine, d'hygiène et de sécurité du travail.

La soie est une fibre lustrée, résistante et élastique, produite par le ver à soie, larve du bombyx; le même terme s’applique aussi au fil et au tissu faits de cette fibre. Selon la tradition, l’industrie de la soie est née en Chine en 2640 avant J.-C. Vers le IIIe siècle de notre ère, le ver à soie et son produit ont pénétré au Japon en passant par la Corée, puis un peu plus tard en Inde. De là, la production de la soie s’est lentement étendue vers l’ouest, à l’Europe et au Nouveau Monde.

Le processus de production comprend une séquence d’opérations qui ne sont pas nécessairement effectuées dans la même entreprise ou le même établissement, notamment:

La sécurité et la santé

Le monoxyde de carbone

Des symptômes d’intoxication au monoxyde de carbone se manifestant par des céphalées, des vertiges et, parfois, des nausées et des vomissements, généralement sans gravité, ont été signalés au Japon où la sériciculture est fréquemment pratiquée à domicile, dans des locaux mal ventilés et chauffés au charbon.

Les dermatoses

Le mal des bassines . Une dermite des mains a été observée très fréquemment, surtout au Japon, chez les femmes qui dévidaient la soie. On a signalé que le taux de morbidité par mal des bassines était de 30 à 50% chez les personnes employées au dévidage pendant les années vingt, et que 14% d’entre elles devaient s’arrêter de travailler en moyenne trois jours par an. Les lésions cutanées, localisées surtout aux doigts, aux poignets et sur les avant-bras, se caractérisaient par un érythème sous forme de petites vésicules devenant chroniques, pustuleuses ou eczémateuses et extrêmement douloureuses. On attribuait généralement cette affection aux produits de décomposition des chrysalides mortes et à un parasite du cocon. Plus récemment, des observations faites au Japon ont montré qu’elle est probablement due à la température du bain de dévidage. Jusqu’en 1960, l’eau y était pratiquement toujours maintenue à 65 °C; toutefois, depuis l’introduction des nouvelles installations assurant une température comprise entre 30 et 45 °C, aucun cas de lésion cutanée typique du dévidage n’a été signalé chez les travailleurs chargés de cette opération.

La manipulation de la soie grège peut produire des réactions cutanées allergiques chez certaines personnes. On a observé un œdème du visage et une inflammation des yeux en l’absence de tout contact local direct avec le bain de dévidage. Des dermatoses ont aussi été constatées chez les personnes occupées au moulinage.

Les problèmes respiratoires

Dans l’ex-Union soviétique, une épidémie inhabituelle d’amygdalite chez les fileurs de soie a pu être attribuée aux bactéries présentes dans l’eau des bassines de dévidage et dans l’atmosphère des chambres à cocons. La désinfection, le renouvellement fréquent de l’eau de dévidage et l’aspiration de l’air aux dévidoirs ont apporté une amélioration rapide.

Des observations épidémiologiques détaillées portant sur de longues périodes, effectuées également dans l’ex-Union soviétique, ont montré que les travailleurs de l’industrie de la soie naturelle peuvent contracter une allergie respiratoire caractérisée par un asthme bronchique, une bronchite asthmatiforme ou une rhinite allergique. Il semble que la soie naturelle puisse provoquer une sensibilisation à tous les stades de la production.

Des accès d’insuffisance respiratoire aiguë ont également été rapportés chez des travailleurs chargés du bobinage ou de l’alimentation d’un métier à filer ou d’une bobineuse. Selon la vitesse de la machine, la substance protéique qui entoure le filament de soie peut se transformer en aérosol qui, s’il est inhalable, provoque une réaction pulmonaire très similaire à celle de la byssinose.

Le bruit

L’exposition au bruit peut atteindre un stade dommageable pour les personnes qui travaillent sur des machines de filage ou de bobinage des fils de soie ou dans les ateliers de tissage. Une lubrification appropriée des machines et la mise en place de dispositifs antibruit peuvent réduire partiellement le bruit, mais l’exposition ininterrompue pendant toute la journée de travail peut avoir un effet cumulatif. S’il n’est pas possible de réduire le niveau sonore ambiant, il convient de mettre à la disposition des travailleurs des appareils de protection individuelle. Comme pour tous ceux d’entre eux qui sont exposés au bruit, un programme de protection de l’ouïe prévoyant des audiogrammes périodiques est souhaitable.

Les mesures relatives à la sécurité et à la santé

La régulation de la température, de l’humidité et de la ventilation est essentielle à toutes les étapes du travail de la soie. Les travailleurs à domicile ne devraient pas échapper à la surveillance. Les salles d’élevage devraient être convenablement ventilées et les poêles à charbon ou à kérosène devraient être remplacés par des chauffages électriques ou d’autres systèmes.

L’abaissement de la température des bains de dévidage peut être efficace pour prévenir les dermatoses. L’eau devrait être changée fréquemment, et une aspiration localisée mise en place. Il faut, autant que possible, éviter le contact direct de la peau avec la soie dans les bains de dévidage.

De bonnes installations sanitaires et une hygiène individuelle stricte sont indispensables. Au Japon, le lavage des mains avec une solution d’acide acétique à 3% a donné de bons résultats.

Il est souhaitable de procéder à un examen médical à l’embauche, suivi d’un contrôle médical régulier.

Dans l’industrie de la soie, les machines présentent les mêmes risques que dans l’industrie textile en général. Un entretien correct des locaux, des protections adéquates pour les organes mobiles, une formation continue à la sécurité et une surveillance rigoureuse sont les meilleurs moyens de prévenir les accidents. Les métiers mécaniques devraient être munis de dispositifs de protection pour éviter les accidents dus aux navettes volantes. La fabrication du fil et les opérations de tissage exigent un très bon éclairage.

LA VISCOSE (RAYONNE)

M.M. El Attal *

* Ce texte est repris, avec quelques modifications, de la 2e édition de l'Encyclopédie de médecine, d'hygiène et de sécurité du travail.

La rayonne est une fibre synthétique obtenue par traitement chimique de la cellulose (pâte de bois). On l’utilise seule ou mélangée à d’autres fibres synthétiques ou naturelles pour obtenir des tissus solides, très absorbants et moelleux pouvant être teints dans des couleurs vives et résistantes.

La fabrication de rayonne a pour origine la recherche d’une soie artificielle. En 1664, Robert Hooke, chercheur britannique connu pour ses études sur les cellules végétales, prédit qu’il serait un jour possible d’obtenir artificiellement de la soie; près de deux siècles plus tard, en 1855, des fibres furent obtenues par trempage de brindilles de mûriers dans de l’acide nitrique. Le premier procédé qui a connu un succès commercial fut mis au point en 1884 par l’inventeur français Hilaire de Chardonnet. En 1891, les chercheurs britanniques Cross et Bevan perfectionnèrent le procédé de fabrication de la viscose. Vers 1895, la rayonne était déjà commercialisée à petite échelle et son utilisation se développa rapidement.

Les méthodes de fabrication

Les procédés permettant d’obtenir la rayonne varient suivant l’usage auquel elle est destinée.

Dans le procédé viscose , la cellulose tirée de la pâte de bois est mise à tremper dans une solution de soude caustique, et le liquide en excès est éliminé par pressage; il se forme ainsi de l’alcali-cellulose qu’on débarrasse, à ce stade, des impuretés qu’elle contient. Puis on réduit les feuilles d’alcali-cellulose en miettes blanches qu’on laisse mûrir pendant quelques jours à température constante. Ces miettes sont ensuite placées dans une autre cuve (baratte) où elles sont soumises à l’action du sulfure de carbone qui les transforme en xanthate de cellulose. Les miettes virent à l’orange doré. Elles sont alors dissoutes dans de l’hydroxyde de sodium dilué, ce qui permet d’obtenir un liquide visqueux de couleur orange appelé viscose. On mélange différents lots de viscose pour assurer une qualité uniforme, puis la viscose est filtrée et stockée pendant plusieurs jours dans des conditions très strictes de température et d’humidité qui en favorisent le mûrissement. On procède ensuite à son extrusion à travers une filière percée d’orifices très fins qui l’acheminent dans un bac contenant une solution d’acide sulfurique à 10% environ. Elle forme alors des fils continus qui sont entraînés par enroulement, ou coupés à la longueur désirée, et filés comme le coton ou la laine. La rayonne est utilisée pour fabriquer des vêtements et des tissus lourds.

Dans le procédé cupro-ammoniacal , utilisé pour la fabrication de tissus semblables à de la soie et de bas transparents, la pâte de cellulose dissoute dans la solution d’hydroxyde de sodium est traitée à l’oxyde de cuivre ammoniacal. Les filaments sortant des filières sont introduits dans un canal de filage et étirés pour obtenir l’épaisseur voulue sous l’action d’un jet d’eau.

Dans les procédés viscose et cupro-ammoniacal, la cellulose est reconstituée, mais l’acétate et le triacétate sont des esters de cellulose et sont parfois considérés comme une catégorie de fibres à part. Les tissus en acétate sont connus pour leurs couleurs vives et pour leurs drapés et sont, de ce fait, d’usage courant dans la confection de vêtements. De courtes fibres d’acétate sont utilisées dans le rembourrage des oreillers, des matelas et des édredons. Les fils de triacétate ont les mêmes propriétés, mais sont particulièrement recherchés parce qu’ils permettent de garder les plis.

Les risques et leur prévention

Les risques majeurs du procédé viscose sont l’exposition au sulfure de carbone et au sulfure d’hydrogène. Ces deux gaz ont des effets toxiques qui varient suivant l’intensité et la durée de l’exposition et les organes concernés; ces effets vont de la fatigue et de l’étourdissement jusqu’à la perte de conscience et à la mort, en passant par l’irritation des voies respiratoires, les troubles gastro-intestinaux et de graves perturbations neuropsychiques, auditives et visuelles.

De plus, avec un point d’inflammation de –30 °C et des limites d’explosion situées entre 1 et 50%, le sulfure de carbone présente un risque élevé d’incendie et d’explosion.

Les acides et les alcalis utilisés dans le procédé viscose sont assez dilués, mais le danger est toujours présent lors de la préparation des dilutions, en raison des éclaboussures qui atteignent parfois les yeux. Les miettes alcalines produites pendant le déchiquetage des feuilles d’alcali-cellulose risquent d’irriter les mains et les yeux des travailleurs, tandis que les vapeurs acides et le sulfure d’hydrogène émanant du bain de filature peuvent provoquer une kérato-conjonctivite caractérisée par un larmoiement abondant, une photophobie et d’importantes douleurs oculaires.

Une surveillance constante doit être exercée au moyen d’un détecteur enregistreur automatique, fonctionnant en continu, pour maintenir les concentrations de sulfure de carbone et de sulfure d’hydrogène au-dessous des limites autorisées. Il est conseillé d’encoffrer entièrement les machines et d’installer un système efficace de ventilation par aspiration localisée (avec prises d’air au niveau du sol, ces gaz étant plus lourds que l’air). Les travailleurs devraient être entraînés à réagir aux situations d’urgence en cas de fuite de produits toxiques; les personnes chargées de la maintenance et des réparations devraient disposer d’équipements de protection individuelle appropriés; une formation solide et une surveillance attentive leur éviteront, en outre, de prendre des risques inutiles.

Des salles de repos et des installations sanitaires sont une nécessité absolue. Une surveillance médicale pendant la période d’essai et des visites médicales périodiques sont recommandées.

LES FIBRES SYNTHÉTIQUES

A.E. Quinn et R. Mattiussi *

* Ce texte est repris, avec quelques modifications, de la 2e édition de l'Encyclopédie de médecine, d'hygiène et de sécurité du travail.

Les fibres synthétiques sont fabriquées avec des polymères de synthèse obtenus à partir de substances ou de composés fournis par l’industrie pétrochimique. A la différence des fibres naturelles (laine, coton et soie), qui existaient déjà dans l’Antiquité, les fibres synthétiques ne sont apparues que récemment: leur histoire commence avec la mise au point du procédé de fabrication de la viscose en 1891 par Cross et Bevan, deux chercheurs britanniques. Quelques années plus tard, la rayonne était produite à petite échelle; sa véritable commercialisation commença au début du XXe siècle. Depuis lors, un grand nombre de fibres synthétiques ont été mises au point; elles possèdent chacune des propriétés qui répondent à un type particulier de tissu et sont utilisées seules ou combinées à d’autres fibres. Il n’est pas toujours facile d’en connaître le nombre exact du fait que la même fibre est parfois commercialisée sous des noms différents, dans divers pays.

Les fibres sont obtenues en injectant des polymères à l’état fondu à travers les orifices d’une filière pour obtenir un filament continu. Ce filament peut être tissé directement pour former un tissu, mais pour imiter les caractéristiques des fibres naturelles, il peut aussi être texturé, ce qui lui donne du volume, ou encore être coupé et filé.

Les catégories de fibres synthétiques

Les principales catégories de fibres synthétiques commercialisées sont:

Les procédés spéciaux

Le classement des fibres par longueur

La soie est la seule fibre naturelle qui se présente sous forme de filament continu; les autres fibres naturelles n’existent qu’en fibres discontinues ou «brins». La longueur de la fibre de coton est d’environ 2,6 cm, celle de la laine de 6 à 10 cm et celle du lin de 30 à 50 cm. Les filaments continus des fibres synthétiques sont parfois coupés à la machine pour obtenir des brins courts comme dans le cas des fibres naturelles. Ces brins peuvent être ensuite travaillés de nouveau sur une machine à filer le coton ou la laine; on obtient ainsi un meilleur fini, qui élimine l’aspect vitreux de certaines fibres synthétiques. Parfois, pendant le filage, on mélange plusieurs types de fibres synthétiques, ou encore des fibres synthétiques et des fibres naturelles.

Le frisage

Pour donner à une fibre synthétique l’aspect et le toucher de la laine, on peut faire passer les brins coupés (tors ou emmêlés) dans une machine spéciale, équipée de cylindres cannelés, qui leur confère un frisage durable. Cette opération peut aussi se faire chimiquement en agissant sur la coagulation du filament, de façon à obtenir une fibre de section asymétrique, un côté étant plus épais que l’autre. Lorsque la fibre est humide, le côté épais se gondole, et la fibre frise. Pour obtenir des fils ondulés, connus aux Etats-Unis sous le nom de fils non torques ou fils non texturés mousse, le fil synthétique est tricoté en jersey, thermodurci dans cet état, et détricoté. La plus récente des méthodes utilisées consiste à faire passer deux fils de nylon dans un appareil qui les chauffe à 180 °C, puis sur une broche tournant à grande vitesse qui les retord. Sur la première machine utilisée, les broches tournent à 60 000 tours/min; sur les plus récentes, la vitesse de rotation est de l’ordre de 1,5 million tours/min.

Les fibres synthétiques pour vêtements de travail

Les tissus de polyester conviennent bien, de par leur résistance aux agents chimiques, à la confection de vêtements de protection des travailleurs qui manipulent des acides. Les vêtements en tissu de polyoléfine protègent convenablement en cas d’exposition prolongée aux acides et aux alcalis. Les vêtements en Nomex, un nouveau nylon résistant à des chaleurs élevées, sont particulièrement efficaces en cas d’incendie; le Nomex résiste bien aussi à la température ambiante, aux solvants tels que le benzène, l’acétone, le trichloroéthylène et le tétrachlorure de carbone. Certains tissus de propylène résistent à toute une gamme de substances corrosives; ils sont utilisés pour les vêtements de travail et de laboratoire.

En raison de leur légèreté, ces tissus synthétiques sont préférés aux lourds tissus caoutchoutés ou plastifiés dont on aurait besoin pour obtenir le même niveau de protection. Ils sont également beaucoup plus agréables à porter en ambiance chaude et humide. Lorsqu’il s’agit de choisir des vêtements de protection en fibres synthétiques, il faut d’abord en déterminer le nom générique et obtenir des précisions sur leurs propriétés, par exemple le retrait, la photosensibilité, le comportement en présence d’agents de nettoyage à sec et de détergents, la résistance aux huiles, aux substances chimiques corrosives, aux solvants ordinaires et à la chaleur et la propension du tissu à se charger d’électricité statique.

Les risques et leur prévention

Les accidents

Les sols et les passages devraient être maintenus propres et secs pour éviter les glissades et les chutes (les cuves ne doivent présenter aucune fuite et, si possible, être équipées de déflecteurs de protection contre les éclaboussures); les machines, courroies, arbres de transmission et poulies devraient être convenablement protégés. Les machines utilisées en filature pour filer, carder, dévider et ourdir devraient être protégées par des carters pour empêcher que certains de leurs éléments ne soient projetés et que les travailleurs n’introduisent leurs mains dans les zones dangereuses. Des dispositifs de verrouillage devraient empêcher la mise en marche intempestive des machines pendant les opérations de nettoyage et de maintenance.

Les incendies et les explosions

De grandes quantités de substances toxiques ou inflammables sont utilisées dans l’industrie des fibres synthétiques. Les substances inflammables devraient être entreposées de préférence à l’air libre ou dans un local spécialement construit pour résister au feu. Des remblais devraient être aménagés pour les empêcher de se répandre en cas de fuite. Les risques associés à la manutention des fûts et autres récipients pourront être réduits si l’alimentation en substances toxiques est automatisée et se fait par un système bien entretenu de pompes et de conduites. Des vêtements de protection et des équipements de lutte contre l’incendie devraient être mis à la disposition des travailleurs et ceux-ci devraient être convenablement entraînés à leur utilisation grâce à des exercices pratiques périodiques, menés de préférence en collaboration avec les autorités locales de lutte contre l’incendie ou sous leur contrôle.

Dans le filage par voie sèche, lorsque les filaments émergent des filières pour être séchés à l’air, les solvants s’évaporent en grandes quantités. Les vapeurs dégagées présentent un grave risque d’explosion et d’intoxication et devraient être évacuées par aspiration. Leur concentration devrait être surveillée et maintenue au-dessous des limites d’explosion du solvant. Les vapeurs peuvent être distillées et récupérées pour être réutilisées ou brûlées, mais il ne faut en aucun cas les laisser s’échapper dans l’atmosphère.

Lorsqu’on utilise des solvants inflammables, il devrait être interdit de fumer. Il faut éviter les flammes nues et les étincelles. De plus, le matériel et les installations électriques devraient être de construction antidéflagrante. Pour éviter l’accumulation d’électricité statique qui pourrait donner lieu à des étincelles dangereuses, les machines devraient être mises à la terre.

Les risques d’intoxication

Un système efficace de ventilation par aspiration localisée permet de maintenir les concentrations de vapeur de solvants et de produits chimiques potentiellement toxiques au-dessous de la limite admissible. Des masques de protection respiratoire seront mis à la disposition du personnel chargé de la maintenance et des réparations ainsi que des travailleurs chargés d’intervenir en cas de fuite ou d’incendie.

LES PRODUITS EN FEUTRE NATUREL

Jerzy A. Sokal

Le feutre est une matière fibreuse obtenue en chauffant, humectant, malaxant, entre autres procédés, des fibres de laine, des poils et de la fourrure, en vue de constituer un tissu non tissé fortement aggloméré. Certains feutres sont aiguilletés: leurs fibres sont fixées à un élément de fond lâchement tissé, ou dossier, généralement fait de laine ou de jute.

La fabrication du feutre de chapellerie

Ce feutre, utilisé surtout pour la confection des chapeaux, est généralement obtenu à partir de poils de rongeurs (lapins, lièvres, rats musqués, ragondins et castors) et, parfois, de certains autres animaux. Après triage, les peaux sont sécrétées au peroxyde d’hydrogène et à l’acide sulfurique, puis on procède à la coupe, au durcissage et à la teinture des poils, habituellement réalisée avec des colorants de synthèse (colorants acides ou contenant des composés métalliques complexes). Le feutre teint est alors traité à la gomme-laque ou au polyacétate de vinyle pour l’alourdir.

La fabrication du feutre de laine

Pour fabriquer ce feutre, on utilise des restes de laine ou une laine recyclée. Le jute, provenant la plupart du temps de vieux sacs, est employé pour certains feutres aiguilletés; on peut y ajouter d’autres fibres de coton ou de soie ou des fibres synthétiques.

La laine est d’abord triée et sélectionnée. On sépare les fibres dans une effilocheuse, cylindre garni de pointes qui tourne et déchire les fibres, puis on les soumet au garnettage dans une machine dont les rouleaux et les cylindres sont garnis de fils métalliques en dents de scie. Les fibres sont nettoyées par carbonisation dans une solution d’acide sulfurique à 18%; après séchage à une température de 100 °C, elles sont mélangées et, le cas échéant, enrobées d’huile minérale contenant un émulsifiant. Après effilochage et cardage, opérations qui mélangent encore les fibres et les disposent plus ou moins parallèlement les unes aux autres, la matière est placée sur un transporteur en déposant des couches d’un fin voile qui est renvidé sur des perches et forme des nappes. Ces nappes molles sont dirigées vers le local de durcissement où elles sont aspergées d’eau et comprimées entre deux lourdes plaques; la plaque supérieure vibre, provoquant la frisure et l’adhérence des fibres.

Pour compléter le feutrage, le tissu est placé dans des cuves d’acide sulfurique dilué et pilonné au moyen de lourds marteaux de bois. Il est ensuite lavé (avec addition de tétrachloroéthylène), essoré et teint, généralement avec des colorants de synthèse. On ajoute parfois des substances chimiques qui rendent le feutre imputrescible. Les étapes finales comprennent le séchage (à 65 °C pour les feutres mous, à 112 °C pour les feutres durs), le tondage, le sablage, le brossage, le pressage et le rognage.

Les risques professionnels

Les accidents

Les machines servant à la fabrication du feutre ont des courroies de transmission, des mécanismes d’entraînement à chaîne et pignons, des arbres moteurs, des cylindres garnis de pointes et des rouleaux utilisés pour le garnettage et l’effilochage, des presses, des rouleaux, des marteaux, etc. Ces parties devraient être convenablement protégées et munies de systèmes de verrouillage pour éviter que les travailleurs chargés de la maintenance ou du nettoyage ne puissent se blesser. Une bonne tenue des locaux est également indispensable pour prévenir les glissades et les chutes.

Le bruit

Les opérations sont souvent bruyantes; lorsque les encoffrements, les enceintes acoustiques et un graissage convenable ne suffisent pas à maintenir le bruit à un niveau satisfaisant, des casques protecteurs ou des bouchons d’oreille devraient être fournis aux travailleurs. De nombreux pays imposent un programme de protection de l’ouïe prévoyant des audiogrammes à intervalles réguliers.

La poussière

Les locaux de fabrication du feutre sont poussiéreux et malsains pour les personnes présentant des troubles respiratoires chroniques. La poussière n’est heureusement pas associée à des maladies spécifiques, mais une ventilation par extraction est cependant nécessaire. Les poils des animaux peuvent provoquer des réactions allergiques chez les sujets sensibles; l’asthme bronchique demeure exceptionnel. La poussière comporte également un risque d’incendie.

Les produits chimiques

L’acide sulfurique utilisé dans la production du feutre est généralement dilué; il faut néanmoins veiller à prendre toutes les précautions nécessaires au moment de la dilution de l’acide concentré. Des flacons de rinçage oculaire en cas d’éclaboussures ou de déversements devraient donc être placés à proximité et des équipements de protection individuelle (lunettes, tabliers, gants et chaussures) devraient être fournis aux travailleurs.

Le tannage de certains feutres de papeterie se fait parfois à base de quinone, produit susceptible d’entraîner des lésions de la peau et des muqueuses. Les poussières et les vapeurs de quinone peuvent provoquer des taches sur la conjonctive et la cornée de l’œil et, en cas d’exposition prolongée ou répétée, affecter la vision. La poudre de quinone doit être humidifiée pour éviter la pulvérulence et ne devrait être manipulée que dans des chambres équipées d’un dispositif de ventilation par aspiration localisée. Les mains, les bras, le visage et les yeux des travailleurs devraient être protégés par des vêtements et des accessoires adaptés.

La chaleur et les incendies

La température élevée de la matière (60 °C) nécessaire au formage manuel des chapeaux impose le port de gants de protection des mains.

L’incendie est un risque courant aux premiers stades de la fabrication du feutre quand l’empoussièrement est important. Il peut être provoqué par une allumette ou une étincelle provenant d’objets métalliques laissés dans les déchets de laine, par un palier de machine surchauffé ou par un court-circuit. Il peut également survenir lors des opérations de finissage, lorsque des vapeurs de solvants inflammables s’accumulent dans les fours de séchage. Etant donné qu’elle endommage le matériel et corrode les équipements, l’eau est moins utilisée que les extincteurs à poudre sèche pour éteindre les incendies. Les équipements modernes sont munis d’orifices par lesquels la substance active peut être pulvérisée, ou d’un dispositif d’émission automatique de dioxyde de carbone.

L’infection charbonneuse

Quelques cas de charbon ont été observés, bien que rarement, à la suite d’une exposition à de la laine contaminée importée de régions dans lesquelles la maladie est endémique.

LA TEINTURE, L’IMPRESSION ET LE FINISSAGE

J.M. Strother et A.K. Niyogi *

* Ce texte est repris, avec quelques modifications, de la 2e édition de l'Encyclopédie de médecine, d'hygiène et de sécurité du travail.

La teinture

La teinture résulte d’une combinaison chimique ou d’une puissante affinité physique entre un colorant et une fibre textile. Divers colorants et procédés sont utilisés, suivant le type de tissu et le produit fini désiré.

Les catégories de colorants

Pour la laine, la soie et le coton, on emploie des colorants acides ou basiques en bain faiblement acide. Certains colorants acides sont appliqués après mordançage des fibres à l’oxyde métallique, à l’acide tannique ou aux dichromates. Les colorants directs , peu stables, sont employés pour teindre la laine, la rayonne et le coton. La teinture se fait à une température voisine de l’ébullition. Pour teindre le coton avec des colorants au soufre , on prépare un bain avec de la teinture, du carbonate de sodium, du sulfure de sodium et de l’eau chaude. Cette teinture se fait également à une température proche de l’ébullition. Pour teindre le coton aux colorants azoïques , on dissout du naphtol dans une solution aqueuse de soude caustique; le coton est imprégné de naphtoxyde de sodium avant d’être traité par un composé de diazonium en solution qui fixe le colorant sur la matière à teindre. Les colorants de cuve sont transformés en composés leuco par l’action de l’hydroxyde de sodium et de l’hydrosulfite de sodium. La teinture s’effectue à une température comprise entre 30 et 60 °C. Les colorants dispersables (ou plastosolubles) servent à la teinture de toutes les fibres synthétiques qui possèdent des propriétés hydrophobes. On accélère la vitesse de diffusion du colorant dans la fibre au moyen d’adjuvants phénoliques appelés «transporteurs». Les colorants minéraux sont généralement des sels de fer et de chrome. Après l’imprégnation, leur précipitation est assurée par adjonction d’une solution alcaline à chaud. Les colorants réactifs utilisés pour le coton sont appliqués en bain chaud ou froid de carbonate de sodium et de sel de cuisine.

La préparation des tissus

Avant la teinture, les tissus de coton subissent une préparation en plusieurs étapes successives. Le tissu passe d’abord dans une tondeuse qui coupe les fibres faiblement adhérentes; pour parachever ce rasage, il circule rapidement au-dessus d’une rampe de brûleurs à gaz (la flambeuse), les flammèches produites étant éteintes par passage du tissu dans un bac à eau. Le désencollage, qui a pour objet de débarrasser complètement le tissu des parements gélatineux, se fait par passage du tissu dans une cuve à malter contenant une solution de diastase qui élimine l’intégralité de l’encollage. Les autres impuretés sont éliminées par débouillissage dans un autoclave où le coton subit une cuisson alcaline dans une solution diluée de soude caustique, de carbonate de sodium ou d’huile de ricin sulfatée (huile pour rouge turc) pendant huit à douze heures à haute température et sous haute pression.

Pour les tissus teintés, l’opération se fait en cuve ouverte et sans soude caustique. La coloration naturelle du tissu s’élimine dans la solution d’hypochlorite des cuves de blanchiment, après quoi le tissu est aéré, lavé et déchloré dans une solution de bisulfite de sodium, lavé de nouveau et dégraissé à l’acide chlorhydrique ou sulfurique dilué. Après un dernier lessivage très poussé, le tissu est prêt pour la teinture ou l’impression.

La teinture

La teinture proprement dite se fait au «jigger» ou au foulard, machines où le tissu passe dans une solution colorante stationnaire, préparée par dissolution d’une poudre de teinture dans un produit chimique approprié, suivie de dilution dans l’eau. Après la teinture, le tissu subit un traitement de finissage.

La teinture du nylon

La préparation des fibres de polyamide (nylon) en vue de la teinture comporte un lessivage, un dépôt et, dans certains cas, un blanchiment. Le traitement choisi pour le lessivage du polyamide dépend principalement de la composition du parement. Les parements hydrosolubles à base de poly(alcool vinylique) ou d’acide polyacrylique s’éliminent par lessivage dans une liqueur composée de savon et d’ammoniaque ou de Lissapol N, voire d’un autre détergent ou de carbonate de sodium. Après lessivage et rinçage abondant, le tissu est prêt pour la teinture ou l’impression qui se font généralement en machine (au «jigger» ou au foulard).

La teinture de la laine

On lessive d’abord la laine brute par un procédé émulsifiant dans lequel interviennent le savon et le carbonate de sodium. L’opération se déroule dans une laveuse, longue auge pourvue de racles, d’un double fond et, à la sortie, de rouleaux exprimeurs. Après ce lavage, la laine subit un blanchiment au peroxyde d’hydrogène ou au dioxyde de soufre (gaz sulfureux), auquel cas le produit humide est abandonné toute une nuit à l’action du gaz. On neutralise ensuite le gaz acide par passage du tissu dans un bain de carbonate de sodium en solution, suivi d’un lessivage. Après teinture, le tissu est rincé, essoré et enfin séché.

Les risques et leur prévention

Les incendies et les explosions

Les risques d’incendie rencontrés dans un atelier de teinture sont liés aux solvants inflammables utilisés dans certains procédés et à quelques colorants particuliers, également inflammables. Pour ces deux types de substances, il faut prévoir des installations de stockage sûres. Celles-ci devraient comprendre des locaux bien conçus, construits en matériaux résistant au feu. Les locaux d’entreposage des liquides inflammables devraient être pourvus de seuils surélevés et inclinés aux embrasures des portes, afin que les fuites éventuelles de liquide soient retenues à l’intérieur du local et qu’il ne puisse se répandre en des endroits où il pourrait prendre feu. Ces locaux seront aménagés de préférence à l’écart du bâtiment principal de l’entreprise. Si des quantités importantes de ces produits sont conservées dans des réservoirs à l’extérieur des bâtiments, des murets devraient être édifiés tout autour des réservoirs pour constituer une cuvette de rétention capable de contenir les fuites éventuelles.

Des dispositions analogues devraient être prises lorsque le combustible gazeux qui alimente les flambeuses provient d’une fraction légère de pétrole. L’installation génératrice de gaz et les réservoirs de stockage de l’essence de pétrole volatile devraient se trouver de préférence en dehors des bâtiments.

Les risques liés aux produits chimiques

Nombre de manufactures emploient pour le blanchiment des solutions d’hypochlorite; d’autres effectuent cette opération au moyen de chlore gazeux ou d’une poudre à blanchir qui libère du chlore lorsqu’on la charge dans un réservoir. Dans l’un et l’autre cas, les travailleurs risquent d’être exposés à une atmosphère dangereuse si des précautions ne sont pas prises. Le chlore irrite les yeux et la peau et, surtout, le tissu pulmonaire, où il peut provoquer un œdème dont les symptômes n’apparaissent pas immédiatement. Pour limiter le dégagement de chlore dans l’atmosphère des locaux de travail, les cuves de blanchiment devraient être des récipients clos, dont les évents laissent échapper un minimum de produit, afin que les concentrations maximales admissibles ne soient pas dépassées; des dosages du chlore dans l’air devraient être effectués périodiquement pour vérifier la concentration.

Les vannes et autres dispositifs de commande du réservoir de chlore liquide qui alimentent les ateliers de teinture devraient être surveillés par un opérateur compétent, une fuite non maîtrisée pouvant avoir des conséquences désastreuses. Lorsqu’il est nécessaire de pénétrer dans une enceinte ayant contenu du chlore ou tout autre gaz ou vapeur dangereux, toutes les précautions applicables au travail en espace confiné devraient être observées.

L’emploi d’alcalis et d’acides corrosifs ainsi que le débouillissage peuvent avoir pour effet de brûler ou d’échauder le personnel. De grandes quantités d’acide chlorhydrique et d’acide sulfurique sont utilisées dans les opérations de teinture. La soude caustique est réservée pour le blanchiment, le mercerisage et la teinture. Le dioxyde de soufre, employé pour le blanchiment, et le sulfure de carbone, mis en œuvre comme solvant dans le procédé viscose, peuvent également polluer l’atmosphère des locaux. Les hydrocarbures aromatiques comme le benzène, le toluène et le xylène, les solvants naphta et les amines aromatiques telles que les colorants à l’aniline sont des substances chimiques toxiques auxquelles les travailleurs peuvent être exposés. Le dichlorobenzène est émulsifié dans l’eau, grâce à un agent émulsifiant; il sert à teindre les fibres polyester. Un système de ventilation par extraction est indispensable.

Maints colorants sont des irritants de la peau qui peuvent causer des dermatoses. Les travailleurs sont souvent tentés de recourir à des mélanges dangereux d’abrasifs, d’alcalis et d’agents de blanchiment pour enlever les taches de teinture qu’ils portent aux mains.

Les solvants organiques qui interviennent dans les procédés de teinture ou qu’on utilise pour nettoyer les machines peuvent aussi causer des dermatoses ou affaiblir la résistance de la peau à l’action irritante d’autres substances dangereuses mises en œuvre. Ils peuvent par ailleurs induire des atteintes du système nerveux périphérique — c’est le cas, par exemple, du méthylbutylcétone (MBK). Certains colorants se sont révélés cancérogènes, comme la rhodamine B, le magenta, la β-naphtylamine, de même que certaines bases comme la dianisidine. L’emploi de β-naphtylamine a généralement été abandonné dans les ateliers de teinture. Cette question est examinée en détail ailleurs dans l’Encyclopédie.

En dehors des fibres et de leurs contaminants, des allergies peuvent être provoquées par le parement et même par les enzymes utilisées pour l’éliminer.

Des moyens appropriés de protection individuelle, notamment de protection oculaire, devraient être fournis au personnel pour le protéger des risques de contact avec les nombreuses substances dangereuses auxquelles il est exposé. Il est parfois possible d’employer des crèmes isolantes, mais on veillera à utiliser un produit approprié qu’on puisse éliminer par lavage. Il est rare cependant que ce moyen assure une fiabilité comparable à celle que confèrent des gants bien conçus. Les vêtements de protection devraient être lavés à intervalles réguliers; ceux qui ont été souillés par des projections ou autrement pollués par les colorants devraient être remplacés au plus tôt. Des installations sanitaires, des douches ou des bains devraient être mis à la disposition des travailleurs, qu’il conviendra d’inciter à en faire usage. L’hygiène individuelle revêt une importance capitale dans cette branche d’activité. Malheureusement, même dans l’hypothèse où toutes les mesures de sécurité ont été prises, il arrive que des travailleurs se révèlent particulièrement sensibles à l’action de certaines substances et doivent alors être mutés à d’autres postes.

Les risques d’accidents

Des accidents graves par échaudure se sont produits lors de l’admission accidentelle de liqueur bouillante dans un autoclave où un travailleur était occupé à disposer le tissu à traiter. Un tel accident peut survenir suite à la manœuvre intempestive d’une vanne, ou lorsqu’un autoclave situé en amont déverse la liqueur bouillante dans une conduite commune d’évacuation qui, par un orifice resté ouvert, la refoule dans le récipient occupé. Quand un travailleur se trouve à l’intérieur d’un autoclave pour quelque raison que ce soit, les vannes d’admission devraient être verrouillées en position de fermeture, et l’autoclave devrait être isolé des autres récipients de la batterie. Si ce verrouillage est assuré par une clé, la personne qui risquerait d’être la victime de l’admission accidentelle de liquide bouillant dans le récipient devrait conserver cette clé sur elle jusqu’à ce qu’elle quitte l’autoclave.

L’impression

L’impression s’effectue sur une machine à rouleaux. Le colorant ou le pigment est épaissi à l’amidon ou émulsionné; si l’on utilise des pigments, cette émulsion est préparée avec un solvant organique. La pâte ou l’émulsion obtenue est prélevée par les rouleaux graveurs qui appliquent le motif sur le tissu, puis la couleur est fixée dans une machine de polymérisation. Le tissu imprimé fait ensuite l’objet du finissage approprié.

L’impression par voie humide

L’impression par voie humide ou au mouillé est effectuée selon des méthodes semblables à celles que l’on utilise pour la teinture elle-même; c’est le cas pour l’impression en cuve et l’impression réactive. Ces méthodes d’impression ne sont employées que pour les tissus 100% coton et pour la rayonne. Les risques que ces opérations présentent pour la santé sont identiques à ceux qui ont été exposés plus haut.

L’impression à l’aide de pigments à base de solvants

Ces systèmes d’impression font appel à de grandes quantités de solvants, comme les essences minérales servant dans le système d’épaississement. Les risques principaux qu’ils présentent sont:

L’impression à l’aide de pigments en solution aqueuse

Aucun des risques pour la santé engendrés par l’impression à l’aide de pigments à base de solvants n’est provoqué par les techniques utilisant des pigments à l’eau. Bien que l’on emploie quelques solvants, les quantités sont si faibles qu’elles sont négligeables. La présence de formaldéhyde constitue le risque principal.

L’impression à l’aide de pigments nécessite l’utilisation d’un agent de liaison chimique, qui favorise la fixation des pigments sur le tissu. Ces agents se présentent sous forme de produits isolés (la mélamine, par exemple) ou de composants d’autres substances chimiques comme les liants et les antimèches, ou se trouvent dans les pigments eux-mêmes. Le formaldéhyde est indispensable à leur action.

Le formaldéhyde est un sensibilisateur et un irritant qui peut produire des réactions parfois violentes chez les travailleurs qui y sont exposés, lorsqu’ils inhalent l’air ambiant à proximité de la machine d’impression en marche ou qu’ils entrent en contact avec le tissu imprimé. Les réactions vont d’une légère irritation des yeux à de graves troubles respiratoires, en passant par des lésions cutanées. S’il a été établi que le formaldéhyde est cancérogène chez la souris, il n’a pas jusqu’ici été associé de façon concluante à l’apparition de cancers chez l’être humain. Il est classé dans la catégorie 2A, «Probablement cancérogène pour l’être humain», par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC).

Pour protéger l’environnement local, les rejets de formaldéhyde dans l’atmosphère devraient être contrôlés pour s’assurer que les niveaux ne dépassent pas ceux qui sont autorisés par la réglementation en vigueur.

L’ammoniaque constitue un autre risque potentiel. La pâte d’impression étant sensible au pH, on utilise souvent de l’ammoniaque pour l’épaissir. On devrait manipuler ce produit dans un local bien ventilé et porter un masque respiratoire si besoin est.

Les teintures et les pigments employés pour l’impression des tissus se présentant généralement sous forme liquide, il n’y a pas de risque d’exposition à la poussière comme c’est le cas dans les opérations de teinture.

Le finissage

Le finissage est un terme qui s’applique à toute une gamme de traitements généralement effectués au cours de l’opération précédant la fabrication. Toutefois, certaines opérations de finissage peuvent également être réalisées après la fabrication.

Le finissage mécanique

Ce type de finissage comprend des procédés qui modifient la texture ou l’apparence d’un tissu sans faire appel à des produits chimiques; on peut citer:

Les risques associés à ces opérations proviennent principalement de la chaleur, des très hautes températures utilisées et des zones de pincement des parties mobiles de la machine. Il faut veiller à équiper cette dernière de carters de protection ou installer des garde-corps pour éviter les accidents.

Le finissage chimique

Le finissage chimique est effectué au moyen de divers équipements (foulards, «jiggers», machines de teinture par jet, auges, barres de pulvérisation, autoclaves, machines de teinture à palette, rouleaux de transfert par enduction et bains moussants).

Il est un type de finissage chimique qui n’implique aucune réaction chimique: il s’agit de l’application d’un agent adoucissant qui a pour effet de modifier le toucher et la texture du tissu ou de le rendre plus facile à coudre. Cette opération ne présente aucun risque particulier en dehors d’une éventuelle irritation de contact au niveau de la peau ou des yeux; le port de gants et de protections oculaires permet d’éviter ce problème.

Un autre type de finissage chimique implique en revanche une réaction chimique: il s’agit du finissage du coton à la résine qui permet d’obtenir les propriétés physiques souhaitées, un faible rétrécissement et une apparence satinée. Pour le coton, par exemple, une résine de diméthylol-dihydroxyéthylèneurée (DMDHEU) catalyse la formation d’une liaison avec les molécules du tissu, ce qui a pour effet de le modifier définitivement. Le risque principal que présente ce type de finissage est le dégagement de formaldéhyde au moment de la réaction.

Conclusion

Comme dans les autres secteurs de l’industrie textile, les opérations de teinture, d’impression et de finissage se déroulent soit dans des établissements anciens, souvent de petite taille, dans lesquels la sécurité et la santé des travailleurs sont fréquemment négligées, voire ignorées, soit dans des établissements plus récents, de plus grande taille, dans lesquels la technologie est en évolution constante et la maîtrise des risques est, dans la mesure du possible, intégrée dès la conception des installations. En plus des risques spécifiques mentionnés plus haut, des problèmes surviennent fréquemment, liés à l’éclairage, au bruit, à une protection insuffisante des machines, au soulèvement et au port d’objets lourds ou volumineux, etc. Un programme de prévention bien conçu et mis en œuvre, intégrant une solide formation et une surveillance efficace des travailleurs, est dès lors indispensable.

LES TISSUS NON TISSÉS

William A. Blackburn et Subhash K. Batra

Les tissus en textiles non tissés ont fait une première apparition à la fin des années quarante. Ils se sont développés dans les années cinquante et ont été commercialisés dans les années soixante. Au cours des trente-cinq années qui ont suivi, le secteur des non-tissés a atteint sa maturité et a trouvé des marchés soit en offrant un bon rapport qualité-prix en lieu et place des textiles traditionnels, soit en proposant des produits mis au point pour des utilisations spécifiques. Ce secteur a mieux absorbé les récessions que les textiles traditionnels et a connu une croissance plus rapide. Les risques professionnels sont les mêmes que dans les autres secteurs de l’industrie textile (bruit, fibres en suspension dans l’air, produits chimiques utilisés pour le collage des fibres, sécurité des surfaces de travail, zones de pincement, brûlures par exposition à la chaleur, lésions dorsales, etc.).

La sécurité est généralement satisfaisante dans ce secteur et le nombre d’accidents par unité de production y reste limité. L’industrie a su relever les défis présentés par la réglementation relative à la propreté de l’air et de l’eau. Aux Etats-Unis, l’Administration de la sécurité et de la santé au travail (Occupational Safety and Health Administration (OSHA)) a promulgué plusieurs règlements qui imposent une formation à la sécurité et des procédés de fabrication qui ont considérablement amélioré la protection des travailleurs. Dans le monde entier, les établissements conscients de leur responsabilité adoptent petit à petit des pratiques du même genre.

Les matières premières utilisées par cette industrie sont généralement les mêmes que celles qui sont employées dans l’industrie textile traditionnelle et atteignent chaque année près de 1 million de tonnes. Les fibres naturelles dont on se sert sont principalement le coton et la pâte de bois. Quant aux fibres manufacturées, ce sont la rayonne, les polyoléfines (polyéthylène et polypropylène), les polyesters et, en quantités plus limitées, les nylons, les acryliques, les aramides, etc.

Au début de la croissance du secteur des non-tissés, on dénombrait une dizaine de procédés de fabrication: non-tissés encollés au filage (ou filés-liés), non-tissés de fusion-soufflage, voile et mélanges obtenus par voie pneumatique, non-tissés obtenus par voie humide ou par voie sèche (liés par aiguilletage, liaison thermique ou liaison chimique), non-tissés obtenus par couture-tricotage, etc. Aux Etats-Unis, de nombreux marchés spécifiques sont saturés pour les non-tissés et de nouveaux débouchés sont recherchés, notamment dans l’important secteur des composites. Des non-tissés laminés sous forme de fines pellicules et autres revêtements ouvrent de nouvelles perspectives. L’entreposage des rouleaux de non-tissés est actuellement très surveillé du fait de l’inflammabilité de certains produits de densité très faible que leurs grandes surfaces exposent particulièrement à ce risque; on considère à cet égard que les rouleaux dont le rapport volume/poids est supérieur à une certaine valeur posent problème.

Les matières premières

Les fibres cellulosiques

Le volume de coton blanchi entrant dans la fabrication des non-tissés est en augmentation constante, tandis que les mélanges coton-polyester et rayonne-polyester dans les non-tissés aiguilletés par jet d’eau connaissent un grand succès dans les applications médicales et l’hygiène féminine. On commence à utiliser du coton non blanchi dans la fabrication des non-tissés, et des tissus expérimentaux très intéressants ont été obtenus par le procédé d’aiguilletage par jet d’eau.

Inquiets des répercussions écologiques des sous-produits de la fabrication, les défenseurs de l’environnement se sont élevés contre la fabrication de rayonne. Aux Etats-Unis, certains fabricants de rayonne ont préféré abandonner ce créneau plutôt que de faire face aux frais élevés qu’entraînerait l’observation des normes imposées en matière de pureté de l’eau et de l’air. Les entreprises qui ont choisi de se conformer à ces exigences semblent ne plus rencontrer de problèmes après modification de leurs procédés.

Les fibres en pâte de bois constituent l’un des principaux composants des couches jetables, des protections pour incontinence et autres tissus absorbants. On utilise des fibres de bois dur et de papier kraft. Dans les seuls Etats-Unis, on emploie chaque année plus de 1 million de tonnes de pâte de bois. Une petite partie est utilisée pour les non-tissés obtenus par voie pneumatique. Les produits servent souvent à fabriquer des serviettes, pour des applications qui vont de la cuisine aux sports.

Les fibres synthétiques

Les deux fibres polyoléfines les plus populaires sont le polyéthylène et le polypropylène. Ces polymères sont transformés en fibres coupées qui sont ensuite transformées en tissus non tissés, ou en nappes de monofils obtenues par liage, c’est-à-dire par extrusion des polymères pour former des filaments réunis en voiles et liés par traitement thermique. Certains des tissus ainsi obtenus servent à fabriquer des vêtements de protection. En 1995, plus de 400 millions de bleus de travail avaient été fabriqués à partir d’un tissu de polyéthylène très apprécié obtenu par liage.

Aux Etats-Unis, l’utilisation la plus importante d’un non-tissé (environ 10 000 km2 par an) concerne le voile supérieur des couches jetables. C’est ce voile qui entre en contact avec la peau du bébé et l’isole des autres composants de la couche. Des tissus obtenus à partir de ces fibres sont également utilisés pour des produits durables et pour certaines applications géotextiles dans lesquelles ils sont supposés durer indéfiniment. Ces tissus sont toutefois dégradés par les ultraviolets ou par certains autres types de rayonnements.

Les fibres thermoplastiques obtenues à partir de polymères et de copolymères polyester sont très employées pour la fabrication des non-tissés dans les procédés de fibres coupées et de liage à la filature. On estime à plus de 250 000 tonnes les quantités totales de polymères polyester et polyoléfine utilisées chaque année aux Etats-Unis pour fabriquer les non-tissés. Des mélanges de fibres polyester et de pâte de bois obtenus par voie humide, aiguilletés par jet d’eau puis recouverts d’un revêtement imperméable, sont d’usage courant pour les blouses et les draps dont on se sert dans les blocs opératoires. En 1995, aux Etats-Unis seulement, l’utilisation de non-tissés jetables à usage médical a dépassé 2 000 km2 par an.

Les fibres de nylon ne sont utilisées que modérément sous forme de fibres coupées et assez peu dans les non-tissés encollés au filage (ou filés-liés). Les principales applications des non-tissés encollés au filage sont le renforcement des dossiers de moquettes et la fabrication des filtres en laine de verre. Ces tissus confèrent une surface de faible friction aux dossiers, ce qui facilite la pose des moquettes. Dans les filtres en laine de verre, le tissu permet de retenir les fibres de verre dans le filtre et les empêche de pénétrer dans l’air filtré. D’autres non-tissés particuliers, comme les aramides, trouvent des applications dans des créneaux du marché dans lesquels leurs propriétés, comme une très faible inflammabilité, par exemple, en rendent l’usage intéressant. Certains de ces non-tissés sont aussi mis en œuvre dans l’industrie de l’ameublement pour diminuer l’inflammabilité des canapés et des fauteuils.

Les procédés non tissés par liage et par fusion-soufflage

Dans ces procédés, des polymères synthétiques appropriés sont fondus, filtrés, extrudés, étirés, chargés d’électricité électrostatique, disposés en voiles, liés et enroulés. Il convient d’observer pour ces opérations les mesures de sécurité qui s’appliquent normalement à l’utilisation des machines à extruder, des filtres, des filières et des cylindres chauffés pour le liage.

Les travailleurs devraient se protéger les yeux et éviter de porter des vêtements amples, des cravates, des bagues ou autres bijoux qui pourraient être happés par les parties mobiles des machines. Ces procédés font presque toujours appel à d’importants volumes d’air; aussi, des précautions particulières devraient être prises pour éviter toute situation susceptible de favoriser les incendies; les gaines d’aération devraient être dégagées, car il serait difficile d’y éteindre un début d’incendie. Il importe en outre de s’assurer que les sols ne présentent pas de risques de trébuchement ou de glissade.

Dans les procédés par liage, les installations devraient être nettoyées et tout résidu de polymère éliminé par brûlage. Des fours très chauds sont généralement utilisés à cette fin et les pièces nettoyées y sont entreposées. Une protection adéquate est nécessaire tout au long de ces opérations, à commencer par le port de gants résistants à la chaleur, la fourniture d’autres équipements de protection thermique et la mise en service d’une ventilation assez puissante pour limiter la chaleur et les fumées.

Les procédés par liage sont avantageux d’un point de vue économique, notamment parce qu’ils sont relativement rapides et que l’on peut changer les bobines enrouleuses sans interrompre les opérations. L’utilisation d’engins bien conçus pour changer les rouleaux et une bonne formation du personnel devraient offrir une marge de sécurité satisfaisante pendant cette opération.

Les procédés par voie sèche

Les règles de sécurité applicables aux procédés comportant des opérations comme ouvrir les balles de fibres, mélanger les fibres pour alimenter uniformément une machine à carder, carder pour former des voiles et croiser des voiles pour leur conférer une résistance optimale dans toutes les directions, puis en assurer le transfert pour liage, valent aussi pour les procédés textiles traditionnels. Toutes les parties de machine dangereuses dans lesquelles les mains des travailleurs pourraient être happées et, notamment, les angles rentrants des cylindres, devraient être protégées. Certains procédés par voie sèche produisent des quantités limitées de fibres en suspension dans l’air; les travailleurs devraient donc disposer d’équipements de protection respiratoire appropriés.

Si les voiles formés doivent faire l’objet d’un liage à chaud, une petite quantité (10% du poids environ) d’une fibre ou d’une poudre fondant à basse température sera généralement ajoutée au voile. Cette substance est fondue par passage dans un four à air chaud ou par exposition à des cylindres chauffés, puis refroidie pour obtenir le liage du tissu. Dans ce cas, des équipements de protection thermique devraient être mis à la disposition des travailleurs. Aux Etats-Unis, on produit chaque année 100 000 tonnes de non-tissés dont le liage se fait à chaud.

Si les voiles sont liés par aiguilletage, on utilise un métier à aiguilles. La rangée d’aiguilles traverse le voile; les aiguilles accrochent les fibres de surface, les font passer du dessus au dessous du tissu, puis relâchent les fibres pendant leur course de retour. Le nombre de pénétrations par unité de surface est parfois limité, parfois très important, comme c’est le cas pour le feutre aiguilleté. On peut faire appel à un métier pour aiguilleter à partir du dessus et du dessous du voile. Les aiguilles cassées seront remplacées. Les métiers devraient être verrouillés pour éviter les accidents pendant ces opérations de maintenance. Comme pour le cardage, ces procédés produisent parfois des fibres courtes; il est donc recommandé d’installer une bonne ventilation et de mettre à disposition des masques respiratoires. De plus, les yeux devraient être protégés des projections de morceaux d’aiguilles cassées. Aux Etats-Unis, on produit chaque année 100 000 tonnes de non-tissés aiguilletés.

Si les voiles sont liés chimiquement, le procédé consiste généralement à pulvériser l’adhésif sur une face du voile, puis à faire passer celui-ci dans une zone de polymérisation, généralement un four ouvert. On inverse ensuite le sens du voile, on applique à nouveau l’adhésif, et le voile repasse dans le four. Un troisième passage dans le four est parfois nécessaire pour achever la polymérisation. Les gaz libérés doivent naturellement être évacués et il faut recueillir et évacuer tous les effluents toxiques (aux Etats-Unis, ces mesures sont imposées en vertu de diverses réglementations de l’Etat fédéral ou des Etats sur la pureté de l’air). En ce qui concerne la liaison chimique par adhésif, l’opinion internationale s’est émue du rejet de formaldéhyde dans l’atmosphère et une réduction des émanations a été demandée. L’Agence américaine de protection de l’environnement (Environmental Protection Agency (EPA)) a abaissé les limites autorisées de formaldéhyde dégagé, qui ne sont plus désormais que le dixième de ce qu’elles étaient auparavant. On craint que ces nouvelles limites ne posent des problèmes aux laboratoires chargés des mesurages. L’industrie des adhésifs a réagi en proposant de nouveaux liants ne contenant pas de formaldéhyde.

Le procédé par voie pneumatique ou «air-laid»

Il existe un problème de terminologie en ce qui concerne les non-tissés obtenus par voie pneumatique («air-laid»). L’une des variantes des procédés de cardage comprend une cardeuse présentant une section qui distribue au hasard les fibres traitées dans un courant d’air. Ce procédé est souvent appelé «procédé non-tissé air-laid». Un autre procédé bien différent, également dénommé «air-laid», consiste à disperser les fibres dans un courant d’air et à diriger les fibres en suspension vers un dispositif qui les dépose sur un tapis roulant. Le voile formé est alors lié par pulvérisation et polymérisé. Ce procédé de dépôt peut être répété avec différents types de fibres afin d’obtenir des non-tissés présentant des couches de diverses composition. Dans ce cas, les fibres utilisées peuvent être très courtes et il convient de prendre toutes les précautions nécessaires pour éviter l’inhalation de celles qui sont en suspension dans l’air.

Le procédé par voie humide (au mouillé)

Le procédé non-tissé par voie humide emprunte la technologie mise au point pour la fabrication du papier et consiste à former des voiles à partir de fibres dispersées dans l’eau. L’opération est favorisée par des agents de dispersion qui permettent d’éviter la formation de tas de fibres hétérogènes. La dispersion de fibres est filtrée sur des tapis roulants et essorée par pressage entre des éléments en feutre. Au cours de l’opération, on ajoute souvent un liant qui assure le liage du voile pendant le séchage. Une autre méthode, plus récente, consiste à effectuer le liage par aiguilletage sous jet d’eau à haute pression. Le séchage constitue l’étape finale; il peut comporter des opérations d’adoucissement du tissu par microcrêpage ou par toute autre technique du même genre. Ce procédé ne comporte, semble-t-il, aucun risque majeur.

Le procédé par couture-tricotage

Ce procédé est bien souvent exclu de la définition des non-tissés, car il fait parfois appel à des fils pour coudre les voiles afin de former des tissus. Certaines définitions des non-tissés excluent en effet tous les tissus qui contiennent des «fils». Dans ce procédé, le voile passe dans une machine classique de piqûre et l’on obtient des structures présentant un grand nombre de combinaisons, dont celles qui utilisent des fils élastiques permettant de produire des tissus stretch. Ici encore, le procédé ne semble comporter aucun risque majeur.

Le finissage

Les traitements de surface des non-tissés comprennent l’application de retardateurs d’ignition, d’agents hydrofuges, d’adoucissants, d’antibactériens, de thermofusibles, de lubrifiants, etc., ainsi que les traitements antistatiques. Ces traitements de surface des non-tissés sont appliqués, selon le procédé et le type de traitement, soit en ligne en cours de procédé, soit après la fabrication. Le plus souvent, les traitements antistatiques sont appliqués en ligne, de même que les traitements de surface comme l’effet corona. Les traitements tels que les retardateurs d’ignition et les agents hydrofuges, par contre, sont le plus souvent appliqués ultérieurement. Parmi les traitements spécifiques, on peut noter l’exposition des voiles à un plasma de haute densité qui a pour effet d’influencer la polarité des tissus et d’améliorer leurs performances dans les applications de filtrage. La sécurité de ces procédés chimiques et physiques est différente pour chaque application et doit être étudiée dans chaque cas.

LE TISSAGE ET LE TRICOTAGE

Charles Crocker

Le tissage et le tricotage sont les deux principaux procédés de fabrication des tissus. Ils s’effectuent aujourd’hui sur des machines automatiques entraînées par des moteurs électriques. Les tissus obtenus sont destinés à toute une gamme d’utilisations: vêtements, ameublement, applications industrielles, etc.

Le tissage

Le tissage consiste à entrelacer des fils tendus perpendiculairement les uns aux autres. C’est la plus ancienne méthode de fabrication des tissus; des métiers manuels étaient déjà utilisés dans la préhistoire. Le concept fondamental d’entrecroisement n’a pas changé: les fils de chaîne sont disposés sur un rouleau de grande taille appelé ensouple dérouleuse, monté à l’arrière de la machine. L’extrémité des fils de chaîne est enfilée dans un harnais qui permet de lever ou de baisser les fils de chaîne pour livrer passage à la navette. Le tissage le plus simple demande deux harnais, mais on utilise parfois jusqu’à six harnais pour des armures plus compliquées. Les métiers Jacquard sont employés pour fabriquer les tissus aux motifs les plus décoratifs, et certains dispositifs permettent de tirer ou de relâcher séparément chaque fil de chaîne. On enfile alors chaque extrémité de fil sur un peigne (ou ros) aux dents métalliques parallèles et très rapprochées, porté par la chasse ou battant du métier à tisser. Ce battant est conçu pour se déplacer en formant un arc autour d’un point d’ancrage central. Les extrémités du fil de chaîne sont attachées à la bobine enrouleuse, et le tissu vient s’y envider.

La plus ancienne méthode permettant de passer le fil de trame sur toute la largeur des fils de chaîne est la navette, qui est propulsée librement d’un bord à l’autre du métier et dévide le fil de trame placé sur une petite bobine qui se trouve à l’intérieur. Une technique récente et plus rapide, illustrée à figure 89.9, appelée tissage sans navette, fait appel soit à un jet fluide (air ou eau), soit à de petits projectiles glissant sur une tringle mobile, soit encore à de petits dispositifs en forme d’épée appelés lances ou rapières pour transférer le fil de trame.

Figure 89.9 Machines à tisser à jet d'air

Figure 89.9

Le personnel employé dans ce secteur d’activité occupe généralement quatre types de fonctions:

  1. Les opérateurs de machines, appelés tisserands, qui parcourent la zone de production dont ils sont responsables et qui contrôlent les opérations de production, corrigent certains dysfonctionnements, par exemple en cas de rupture de fils, et relancent les machines qui se sont arrêtées.
  2. Les mécaniciens qui montent, règlent et réparent les machines à tisser.
  3. Les manutentionnaires qui transportent et chargent les matières premières (fils de chaîne et de trame) sur les métiers à tisser et récupèrent et déplacent les produits finis (rouleaux de tissu).
  4. Les travailleurs chargés du nettoyage, du graissage des machines, de la maintenance, etc.

Les risques d’accidents

Le tissage ne présente que des risques limités pour la sécurité des travailleurs. Il en existe pourtant un certain nombre qui appellent des mesures appropriées.

Les chutes

Les sols encombrés (pièces de machines, etc.) ou glissants (flaques d’huile, de graisse ou d’eau) peuvent provoquer des chutes. Le maintien de l’ordre et de la propreté revêt une importance particulière dans les ateliers de tissage: un grand nombre de travailleurs de production passent la plus grande partie de leur journée à parcourir leur lieu de travail, en gardant les yeux fixés sur les opérations en cours et sans voir les objets qui peuvent se trouver sur le sol.

Les machines

Les dispositifs de transmission et la plupart des autres points de pincement sont généralement protégés. En revanche, le ros, les harnais et d’autres parties des machines auxquelles les tisserands doivent souvent accéder ne le sont que partiellement. Un espace de travail et de passage suffisant devrait être aménagé autour des machines; l’observation de bonnes pratiques de travail peut, en outre, aider les travailleurs à éviter les risques qu’entraîne la marche des installations de production. Dans le tissage à navette, des capots de protection montés sur le ros permettent d’éviter que la navette ne soit éjectée ou de la rabattre en lui conférant une trajectoire descendante. Le verrouillage, le blocage mécanique, etc., sont également nécessaires pour empêcher une mise en marche intempestive lorsqu’un mécanicien ou d’autres travailleurs interviennent sur des machines à l’arrêt.

Les manutentions

Celles-ci comprennent le soulèvement et le déplacement de lourds cylindres d’appel, d’ensouples d’enroulement, d’ensouples dérouleuses, etc. Des chariots à bras aident à décharger, à faire la levée des petits rouleaux de tissu et à les transporter et limitent le risque de lésions musculaires. Des chariots électriques sont parfois utilisés pour procéder au levage des grands rouleaux de tissu placés à l’avant de la machine. Des chariots hydrauliques, à commande mécanique ou manuelle, permettent de déplacer des ensouples dérouleuses qui peuvent peser plusieurs centaines de kilogrammes. Les manutentionnaires devraient porter des chaussures de sécurité.

Les incendies et les combustions

Le tissage génère une quantité considérable de peluche, de poussières et de fibres en suspension qui peuvent présenter des risques d’incendie si les fibres sont combustibles. Parmi les mesures préventives, on peut mentionner des systèmes permettant de recueillir la poussière (placés sous les machines dans les installations modernes), un nettoyage régulier des machines par le personnel de service et l’utilisation de matériel électrique conçu pour éviter les étincelles (par exemple, classe III, division 1, emplacements dangereux).

Les risques pour la santé

Dans les ateliers de tissage modernes, les risques pour la santé se limitent généralement aux pertes auditives induites par le bruit et aux affections respiratoires liées à certains types de fibres utilisés dans les fils.

Le bruit

La plupart des métiers à tisser, souvent nombreux dans un atelier de production classique, produisent des niveaux de bruit généralement supérieurs à 90 dBA. Dans certains ateliers de tissage à navette ou de tissage extrêmement rapide sans navette, ces niveaux peuvent même dépasser 100 dBA. La plupart du temps, les travailleurs occupés dans ce secteur d’activité devraient porter des appareils de protection de l’ouïe appropriés et être soumis à un programme de surveillance de leur acuité auditive.

Les poussières de fibres

Des affections pulmonaires (byssinose) ont longtemps été associées aux poussières engendrées par le traitement du coton brut et des fibres de lin; elles sont examinées plus loin dans le présent chapitre ainsi que dans le chapitre no 10, «L’appareil respiratoire», de l’Encyclopédie . Dans les installations modernes, des systèmes de nettoyage par ventilation et filtration d’air, avec des points de collecte des poussières situés au-dessous des machines à tisser et en d’autres points des ateliers de tissage, permettent généralement de maintenir les concentrations de poussières à un niveau inférieur aux limites admissibles, c’est-à-dire 750 µg/m3 d’air dans le cas de la norme de l’Administration de la sécurité et de la santé au travail (Occupational Safety and Health Administration (OSHA)) relative aux poussières de coton. De plus, une protection respiratoire devrait être utilisée lors des opérations de nettoyage. Un suivi médical devrait permettre d’identifier les travailleurs particulièrement sensibles aux effets de ces poussières.

Le tricotage mécanique *

* Les articles tricotés à la main constituent un important secteur artisanal. Les données relatives aux effectifs des travailleurs occupés, en général des femmes, sont notoirement insuffisantes. Le lecteur est renvoyé au chapitre no 96, «Les arts, les loisirs et les spectacles», pour un apreçu des risques pour la santé que cette activité fait encourir.

Le procédé de tricotage mécanique consiste à entrelacer des mailles de fil sur des machines automatiques (voir figure 89.10). Ces machines se composent de rangées de petites aiguilles à crochets permettant de faire passer les mailles nouvellement formées à travers des mailles déjà formées. Les aiguilles à crochets présentent un enclenchement original qui verrouille le crochet, ce qui permet de tirer facilement la maille, puis s’ouvre pour permettre à la maille de descendre. Sur les tricoteuses mécaniques circulaires, les aiguilles sont disposées en cercle, et le tricot produit sort de la machine sous forme tubulaire et s’enroule autour d’une envideuse. Les métiers à tricoter rectilignes et les métiers à chaîne, quant à eux, présentent une rangée rectiligne d’aiguilles; le tricot sort à plat de la machine et vient s’enrouler sur la bobine envideuse. Les métiers à tricoter circulaires et les métiers à tricoter rectilignes sont généralement alimentés par des cônes de fil, tandis que les métiers à chaîne le sont par des ensouples semblables à celles utilisées dans le tissage, mais de plus petite taille.

Figure 89.10 Tricoteuse mécanique circulaire

Figure 89.10

Dans ce secteur d’activité, les travailleurs peuvent occuper le même type de fonctions que dans le tissage. Le nom donné à ces fonctions correspond à celui de la tâche qu’ils exécutent.

Les risques d’accidents

Dans les ateliers de tricotage, les risques d’accidents sont semblables à ceux des ateliers de tissage, mais généralement moindres. Les taches d’huile sur le sol sont cependant plutôt fréquentes dans les ateliers de tricotage, en raison du graissage fréquent des aiguilles. Les risques de se faire happer par une machine sont, par contre, moins importants, car il n’existe pas autant de points de pincement sur ces machines que sur les métiers à tisser et qu’une grande partie des machines se prêtent à l’encoffrage. Des dispositifs de verrouillage de l’alimentation électrique sont indispensables.

Manœuvrer l’enrouleur du tissu présente malgré tout un risque d’entorse ou de foulure pour l’opérateur, qui ne rencontre cependant pas les mêmes risques que le travailleur appelé à manœuvrer les lourdes ensouples, sauf dans les métiers à chaîne. Les mesures de prévention sont identiques à celles qui sont préconisées pour le tissage. Les concentrations de peluches, de fibres en suspension et de poussières produites par les tricoteuses sont loin d’atteindre celles du tissage, mais il convient de surveiller les niveaux d’huile et d’essence des machines. Les mesures de sécurité sont les mêmes que dans les ateliers de tissage.

Les risques pour la santé

Les risques pour la santé sont aussi généralement moindres dans ce secteur que dans les ateliers de tissage. Les niveaux sonores vont en général de 85 à 95 dBA. Les affections respiratoires ne semblent pas très fréquentes chez les travailleurs qui traitent le coton brut et le lin, et les normes imposées pour ces matières premières ne s’appliquent souvent pas au tricotage.

LES TAPIS MÉCANIQUES

The Carpet and Rug Institute

Les tapis tissés ou noués à la main sont apparus en Perse plusieurs siècles avant J.-C. Aux Etats-Unis, la première manufacture de tapis tissés a été construite à Philadelphie en 1791. En 1839, l’industrie s’est complètement transformée lorsqu’une force motrice fut, pour la première fois, appliquée au tissage des tapis par Erastus Bigelow. Dans les ateliers modernes, la plupart des tapis se font à la machine, en utilisant l’un ou l’autre des deux procédés de confection mécanique, le tuftage et le tissage.

Les tapis tuftés ou touffetés sont aujourd’hui les plus répandus. Aux Etats-Unis, par exemple, près de 96% des tapis produits sont tuftés, procédé emprunté à la manufacture de dessus de lit tuftés située en Géorgie. Les tapis tuftés sont confectionnés en faisant passer une fibre de poil dans un dossier prétissé (généralement en polypropylène), puis en y fixant un second dossier présentant un enduit à base de latex qui maintient les fils en place et réunit les deux dossiers pour rendre le tapis plus stable.

La confection du tapis

Le tuftage mécanique

La machine à tufter comprend des centaines d’aiguilles (jusqu’à 2 400) placées sur une barre horizontale qui couvre toute la largeur de la machine (voir figure 89.11). Le cantre, constitué de bobines de fil placées sur des râteliers, est dirigé par des tubes de guidage de faible diamètre vers les aiguilles placées sur une barre à saccades, ou jerker . Généralement, il existe deux bobinots de fil pour chaque aiguille. L’extrémité du fil du premier bobinot est réunie avec l’extrémité du second de façon que, lorsque le fil du premier bobinot est épuisé, le fil soit fourni par le second sans qu’il soit nécessaire d’arrêter la machine. Chaque extrémité de fil présente un tube de guidage qui permet d’éviter que les fils ne s’emmêlent. Les fils passent à travers une série de guides verticaux alignés et fixes, installés sur le bâti de la machine, et par un guide situé à l’extrémité d’un bras qui se déploie à partir de la barre à aiguilles mobile de la machine. Lorsque la barre à aiguilles se déplace vers le haut et vers le bas, le rapport entre les deux guides se trouve modifié. La figure 89.12 montre les produits tuftés utilisés pour les tapis à usage domestique.

Figure 89.11 Machine à tufter

Figure 89.11

Figure 89.12 Coupe d'un tapis à usage domestique

Figure 89.12

La barre à saccades, ou jerker , reçoit le fil lâche dévidé pendant la montée des aiguilles. Les fils sont enfilés sur leurs aiguilles respectives fixées sur la barre. Les aiguilles se déplacent simultanément à raison de 500 courses à la minute au moins, avec un mouvement de va-et-vient vertical. Une machine à tufter peut produire de 1 000 à 2 000 m2 de tapis en huit heures.

Le premier élément du dossier dans lequel les fils sont insérés provient d’un rouleau placé devant la machine. La vitesse du rouleau commande la longueur du point et le nombre de points au cm2. Le nombre d’aiguilles au centimètre détermine la jauge du tissu, 3/16 ou 5/32, par exemple.

Au-dessous de la plaque à aiguilles de la machine à tufter se trouvent des boucleurs ou des combinaisons de boucleurs et de couteaux qui prélèvent et retiennent momentanément les fils transportés par les aiguilles. Pour former des poils bouclés, on a recours à des boucleurs configurés comme des crosses inversées de hockey dont chaque tressautement éloigne les boucles de poils qu’ils ont formées à mesure que le dossier se déroule.

Les boucleurs pour poils coupés ont une forme de «C» inversé et une surface coupante sur le bord supérieur interne du croissant. Ils sont utilisés en association avec des couteaux qui présentent un tranchant émoussé à une extrémité. Au fur et à mesure que le dossier avance dans la machine vers les boucleurs pour poils coupés, les fils prélevés dans les aiguilles sont coupés par cisaillement entre le boucleur et l’arête tranchante du couteau. Sur les figures 89.13 et 89.14, on peut voir les touffes sur un dossier et les différents types de boucles.

Figure 89.13 Coupe d'un tapis à usage commercial

Figure 89.13

Figure 89.14 Boucles; poils coupés et boucles; velours, laine de Saxe

Figure 89.14

Le tissage

Le tapis tissé est constitué d’un fil velours tissé en même temps que les fils de chaîne et de trame qui forment l’intégralité du dossier. Les fils du dossier sont généralement en jute, en coton ou en polypropylène. Le fil velours peut être en laine, en coton ou en fibres synthétiques comme le nylon, le polyester, le polypropylène, l’acrylique, etc. Un enduit est appliqué sur l’envers pour stabiliser le tapis; un second dossier n’est pas nécessaire et n’est que rarement ajouté. Parmi les variantes du tapis tissé, on peut noter le tapis velours, le Wilton et le tapis Axminster.

Il existe d’autres méthodes de confection des tapis — tapis tricotés, aiguilletés, liés par fusion —, mais ces méthodes sont moins utilisées et concernent des produits et des marchés spécifiques.

La production des fibres et des fils

Les tapis sont confectionnés principalement avec des fils synthétiques — nylon, polypropylène (oléfine) et polyester — et, acces-soirement, avec des fils d’acrylique, de laine, de coton et des mélanges de ces différents fils. Dans les années soixante, l’usage des fibres synthétiques s’est généralisé parce qu’elles permettent d’obtenir un produit de qualité et de longue durée à un prix raisonnable.

Les fils synthétiques sont obtenus par extrusion d’un polymère fondu injecté à travers les très petits orifices d’une plaque métallique, ou filière. On ajoute parfois au polymère fondu des additifs pour obtenir des teintures dans la masse ou des fibres moins transparentes, plus blanches et plus durables, ou encore d’autres propriétés particulières. A la sortie de la filière, les filaments sont refroidis, étirés et texturés.

Les fibres synthétiques peuvent être extrudées sous différentes formes et en différentes sections — rondes, à trois lobes, à cinq lobes, à huit lobes ou carrées — suivant la configuration et la forme des orifices de la filière. Ces diverses sections déterminent de nombreuses propriétés du tapis (lustre, volume, texture résistance aux salissures, etc.).

Après extrusion, les fibres font l’objet de traitements comme l’étirage et le recuit (chauffage-refroidissement) qui augmentent leur résistance à la traction et améliorent l’ensemble de leurs propriétés physiques. Le faisceau de filaments fait ensuite l’objet d’un traitement de frisage ou de texturage, ce qui confère aux filaments droits une configuration en vrilles, en spirales ou en dents de scie.

Le fil peut être produit soit sous forme de brin soit sous forme de filament continu gonflant. Ce dernier est constitué de fils continus de fibre synthétique formant faisceaux. Le fil extrudé s’obtient en enroulant directement sur des bobines de renvidage le nombre de filaments correspondant au nombre de deniers que l’on souhaite obtenir.

Les fibres en brins sont transformées en fils filés par les procédés classiques de filage des textiles. Pour obtenir des fibres en brin, on extrude de gros faisceaux de fibres appelés «câbles de filature». Après frisage, le câble est coupé en fibres de 10 à 20 cm de longueur. Trois étapes importantes interviennent dans la préparation — mélangeage, cardage et étirage — avant le filage. Le mélangeage associe des balles de fibres en brins afin que les fibres s’entremêlent et que le fil ne se divise pas au cours des opérations ultérieures de teinture. Le cardage redresse les fibres et les configure en rubans. L’étirage a trois fonctions principales: il mélange les fibres, les dispose en parallèle et diminue le poids par unité de longueur de l’ensemble du faisceau de fibre, ce qui facilite le filage au stade final.

Après le filage, qui étire le ruban jusqu’à la taille désirée, le fil est formé en torons et retordu pour obtenir différents effets. Il est ensuite enroulé sur des cônes pour être préparé en vue du thermofixage et du retordage.

Les techniques de coloration

Les fibres synthétiques revêtant diverses formes, elles retiennent différemment la teinture et ne réagissent pas non plus de la même façon aux colorants. On peut traiter et modifier des fibres du même type de façon à modifier leur affinité pour certains colorants; on obtient ainsi un effet bicolore ou multicolore.

L’opération de coloration des tapis peut être effectuée à deux stades de la fabrication: on peut teindre la fibre ou le fil avant même que le tissu soit tufté (teinture préalable), ou teindre le tissu tufté (teinture ultérieure des produits écrus) avant l’application du second dossier et les opérations de finissage. Les méthodes de teinture préalable comprennent la teinture dans la masse, la teinture en bourre et la teinture sur fil. Les méthodes de teinture ultérieure des produits écrus comprennent: la teinture de la pièce, l’application du colorant à partir d’un bain de teinture sur le tapis non fini; la teinture en bac à tourniquet, qui traite des lots de produits écrus d’environ 150 m de long; la teinture en continu, qui consiste à teindre des quantités pratiquement illimitées à l’aide d’un appareil fixe injectant de la teinture sur toute la largeur d’un tapis progressivement déroulé sous le dispositif d’application. L’impression des tapis se fait à l’aide d’un matériel qui est sensiblement le même que le matériel d’impression des textiles, mais en plus grand. On utilise des machines d’impression à cadre plat ou au rouleau.

Le finissage des tapis

Le finissage des tapis répond à trois objectifs: ancrer chaque touffe dans le dossier, fixer le dossier tufté à un second dossier, tondre et nettoyer les poils pour donner à la surface une belle apparence. Le fait d’ajouter un second dossier, en polypropylène tissé, en jute ou en matelassé, par exemple, permet de stabiliser les dimensions du tapis.

On enduit tout d’abord l’envers du tapis, généralement avec un rouleau tournant dans un mélange de latex synthétique étalé au moyen d’une racle (ou docteur). Le latex est une solution visqueuse, dont la viscosité dynamique est généralement de 8 000 à 15 000 centipoises; on utilise normalement de 750 à 950 g de latex par mètre carré.

Un second dossier est délicatement placé sur l’enduit de latex. On presse alors les deux dossiers l’un contre l’autre entre deux cylindres de liaison. L’ensemble, maintenu bien à plat et sans pli, passe ensuite dans un long four qui mesure généralement de 24 à 49 m de long, dans lequel s’effectuent le séchage et la polymérisation dans trois zones de température échelonnées entre 115 et 150 °C, et cela pendant 2 à 5 minutes. Le séchage du tapis demande un taux élevé d’évaporation, obtenu en soufflant de l’air chaud vers des zones dans lesquelles la chaleur est strictement contrôlée.

On tond le tapis légèrement en surface pour le débarrasser du duvet qui aurait pu se former sur les extrémités des fibres pendant les opérations de teinture et de finissage. La tondeuse est une machine qui brosse énergiquement les poils du tapis pour les redresser et les uniformiser; une série de lames rotatives coupent l’extrémité des fibres à la hauteur voulue. Deux ou quatre lames opèrent en tandem. La machine à double tondage présente un double jeu de brosses dures en nylon ou en soies de sanglier et deux têtes par unité, utilisées en tandem. Le tapis est soigneusement inspecté, emballé et entreposé, ou découpé, emballé et expédié.

Les mesures de sécurité et de santé dans les ateliers de confection de tapis

L’adoption, la mise en application et le suivi de mesures de sécurité adéquates est la règle dans les ateliers modernes ainsi que, le cas échéant, le démarrage rapide et la conduite d’enquêtes approfondie lors d’un d’accident. L’encoffrement des machines a permis de renforcer la sécurité. Une maintenance de qualité est jugée essentielle tant pour améliorer la qualité et la productivité que pour protéger les travailleurs.

Le personnel devrait être familiarisé avec les installations électriques et les pratiques permettant d’éviter les accidents pouvant résulter d’une mise en marche intempestive des machines. Il devrait également savoir distinguer les pièces sous tension des autres pièces de l’équipement électrique, déterminer la tension nominale des pièces exposées et sous tension et connaître les distances de sécurité nécessaires en fonction des tensions correspondantes. Lorsque des machines sont mises à l’arrêt et que l’alimentation électrique est verrouillée, les travailleurs doivent être informés qu’il leur est interdit de les remettre en marche ou de les remettre sous tension.

Les matériels anciens encore en usage devraient être fréquemment inspectés et les pièces déformées remplacées si besoin est. Les arbres de transmission, les courroies trapézoïdales, les mécanismes d’entraînement à poulie, à chaîne et à pignons, les treuils et les appareils de levage devraient être régulièrement inspectés et des dispositifs de protection installés là où ils sont nécessaires.

Dans les ateliers, on utilise des chariots porte-bobines que l’on pousse à la main pour déplacer la matière première; étant donné que des résidus de la production du fil s’accumulent sur le sol, il convient de nettoyer les roues de ces chariots pour éviter qu’elles ne se bloquent.

Les travailleurs devraient connaître les risques que présente la mise en œuvre d’air comprimé, qui est d’un usage courant dans les opérations de nettoyage.

Des chariots élévateurs à fourche, électriques ou au propane, sont largement utilisés dans la fabrication de tapis et dans les entrepôts. Il est particulièrement important d’en assurer un bon entretien et de procéder avec prudence lorsqu’on fait le plein de carburant ou que l’on change une batterie. Ces chariots à fourche étant employés dans des locaux où d’autres personnes travaillent, différentes précautions s’imposent: passages exclusivement réservés aux travailleurs et auxquels les chariots n’ont pas accès, signaux provisoires lorsque des personnes doivent travailler dans des zones de fort passage des chariots à fourche, accès aux entrepôts et au quai d’expédition réservé aux opérateurs de chariots à fourche et au personnel chargé de l’expédition, aménagement d’une circulation à sens unique, etc.

Une révision de la conception des machines visant à limiter les mouvements répétitifs devrait contribuer à réduire le nombre de lésions dues à ces mouvements. On devrait également encourager les travailleurs à pratiquer régulièrement des exercices simples des mains et des poignets, leur ménager des pauses suffisantes et procéder à de fréquentes rotations.

On peut limiter les troubles musculo-squelettiques résultant du soulèvement et du port des charges en faisant appel à des engins mécaniques, à des chariots à bras et à des chariots mécaniques, en disposant les matières premières sur des plates-formes ou des tables et, si possible, en facilitant leur manutention par la réduction de leurs dimensions, de leur volume et de leur poids. Une formation aux techniques correctes de soulèvement des charges et des exercices physiques peuvent aussi s’avérer utiles, notamment chez les ouvriers reprenant le travail après un arrêt dû à des dorsalgies.

Il est conseillé de mettre au point un programme de protection de l’ouïe pour éviter les troubles résultant des niveaux élevés de bruit que l’on rencontre dans certains ateliers. Des contrôles du niveau sonore des machines permettront de déterminer les zones dans lesquelles les moyens de prévention technique ne sont pas suffisamment efficaces et dans lesquelles les travailleurs devraient porter un équipement de protection individuelle et être soumis chaque année à un test audiométrique.

Les ateliers devraient se conformer aux normes modernes d’extraction des peluches et des poussières et de dissipation de la chaleur.

LES TAPIS TISSÉS ET TUFTÉS À LA MAIN

M.E. Radjabi *

* Ce texte est repris, avec quelques modifications, de la 2e édition de l'Encyclopédie de médecine, d'hygiène et de sécurité du travail.

Tous les tapis d’Orient sont tissés à la main. Ils sont souvent confectionnés à domicile; tous les membres de la famille, y compris les très jeunes enfants, travaillent sur le métier de longues heures pendant la journée et même la nuit. Il s’agit parfois simplement d’une occupation à temps partiel pour la famille; dans certaines régions, la confection des tapis n’est plus effectuée à domicile, mais s’est déplacée vers des manufactures dont la taille demeure généralement modeste.

Les opérations

Les opérations associées à la confection des tapis comprennent la préparation du fil — qui consiste à tirer la laine et à la classer en diverses variétés, à la laver, à la filer et à la teindre —, le dessin du motif du tapis et le tissage proprement dit.

La préparation du fil

Parfois, le fil est déjà façonné et teint lorsqu’il parvient aux ateliers de tissage. Dans d’autres cas, la fibre brute, le plus souvent de laine, est préparée, filée et teinte sur place. La première opération, généralement effectuée par des femmes assises à même le sol, consiste à classer la matière première par variété. Ensuite, la laine est lavée et filée à la main. La teinture se fait habituellement dans des récipients ouverts, et l’on emploie principalement des colorants à base d’aniline ou d’alizarine; les colorants naturels ne sont plus guère utilisés.

Le dessin et le tissage

Dans la fabrication familiale ou «tribale», les motifs sont traditionnels et il n’est pas nécessaire d’en inventer de nouveaux; toutefois, dans une entreprise employant un certain nombre de travailleurs, un dessinateur trace des ébauches qu’il transpose sur du papier quadrillé, dont chaque case représente un point; le tisseur peut ainsi s’assurer du nombre et de la disposition des nœuds.

Le métier se compose le plus souvent de deux cylindres de bois horizontaux fixés sur des montants. L’un des cylindres est situé à une distance de 10 à 30 cm au-dessus du sol, l’autre à environ 3 m; le fil de chaîne est tendu verticalement entre les deux cylindres. Il n’y a habituellement qu’un seul tisseur par métier mais, pour les tapis de grandes dimensions, leur nombre peut aller jusqu’à six. Une fois sur deux, le tisseur est accroupi à même le sol devant le cylindre inférieur. Parfois, il est assis sur une poutre de bois ou sur une planche horizontale étroite, que l’on relève au fur et à mesure que le travail avance. Le tisseur doit nouer de petites longueurs de fil de laine ou de soie autour des fils de chaîne pris deux à deux, puis passer le fil à la main d’une lisière à l’autre du tapis. Chaque fil de trame ou duite est étroitement appliqué contre la fibre du tapis au moyen d’un peigne manœuvré à la main. Les touffes de fil dépassant de la fibre sont égalisées ou coupées aux ciseaux.

Tandis que le tapis avance, il est souvent enroulé autour du cylindre inférieur, dont le diamètre augmente. Lorsque le tisseur est accroupi à même le sol, la position du cylindre inférieur l’empêche d’allonger les jambes et, à mesure que le diamètre de ce cylindre augmente, le tisseur est repoussé en arrière et doit se courber de plus en plus en avant pour nouer les fils (voir figure 89.15). Cette posture peut être évitée lorsque les tisseurs sont assis ou accroupis sur une poutre que l’on peut relever jusqu’à 4 m au-dessus du sol mais, là encore, ils n’ont bien souvent pas la place suffisante pour étendre leurs jambes et sont contraints de demeurer dans une position inconfortable. Dans certains cas, pourtant, le tisseur peut s’asseoir sur un siège fixe, équipé d’un dossier et d’un coussin (il s’agit en fait d’une chaise sans pieds qui peut être déplacée horizontalement le long de la poutre au fur et à mesure que le travail avance). Des types améliorés de métiers surélevés ont été mis au point; ils permettent au tisseur d’être assis sur une chaise et de disposer d’une place suffisante pour étendre ses jambes.

Figure 89.15 Métier ancien – le tisseur est obligé de rester accroupi

Figure 89.15

Dans certaines régions d’Iran, les fils de chaîne sont disposés horizontalement et le tisseur doit s’installer sur le tapis lui-même, ce qui rend sa tâche encore plus difficile.

Les risques pour la santé

La confection des tapis, bien souvent encore effectuée à domicile, comporte de nombreux risques: en effet, les maisons sont pauvres, les pièces sont petites et surpeuplées, mal éclairées et mal aérées. Le matériel et les méthodes se transmettent de génération en génération, ne laissant pratiquement aucune place aux possibilités d’éducation et de formation qui permettraient de rompre avec les techniques traditionnelles. Les tisseurs sont sujets à des déformations osseuses, à des troubles oculaires et sont soumis à des risques mécaniques et aux intoxications.

Les déformations osseuses

La position accroupie que les tisseurs doivent adopter devant les métiers de type ancien et la nécessité de se courber pour faire les nœuds provoquent à la longue des déformations importantes. Celles-ci sont souvent aggravées par les carences nutritionnelles liées à la pauvreté. Si les travailleurs sont ainsi employés dès le plus jeune âge, leurs membres inférieurs risquent d’être déformés (genu valgum), et ils peuvent également souffrir d’arthrite déformante du genou. Le rétrécissement du bassin que l’on observe parfois chez les femmes peut occasionner des accouchements difficiles, nécessitant souvent une césarienne. Les déformations de la colonne vertébrale (scolioses et lordoses) sont également très fréquentes.

Les troubles oculaires

Le tisseur doit porter une attention constante au point ou au nœud qu’il est en train de faire, ce qui peut entraîner une fatigue oculaire considérable, notamment lorsque l’éclairage est insuffisant. Il faut souligner que, dans certains ateliers à domicile, l’éclairage électrique demeure inconnu et que l’on utilise encore des lampes à pétrole ou à huile pour travailler après la tombée du jour. On a observé des cas de cécité presque complète survenant après seulement douze ans de travail.

Les affections des mains et des doigts

Le fait de nouer constamment les fils et de faire passer avec les doigts les fils de trame à travers les fils de chaîne provoque une enflure des phalanges, de l’arthrite et des névralgies qui occasionnent des déformations permanentes.

Le stress

L’extrême précision de ce travail, qui demande une grande dextérité et une attention constante pendant de longues heures, provoque parfois des troubles nerveux et un stress que ne peuvent qu’aggraver l’exploitation des travailleurs et une discipline très dure. Les enfants se voient souvent «voler leur enfance», et les adultes, qui manquent généralement des contacts sociaux indispensables à un bon équilibre affectif, peuvent développer des maladies nerveuses qui se traduisent par des tremblements des mains (susceptibles de diminuer leur rendement) et, parfois, des troubles mentaux.

Les risques mécaniques

Ils sont pratiquement inexistants, étant donné qu’aucune machine à moteur n’est utilisée. Si les métiers ne sont pas convenablement entretenus, le système de levier qui permet de régler la tension de la chaîne risque de se rompre et de heurter le tisseur. Ce risque peut être prévenu par la mise en place d’un dispositif de tension à engrenage.

Les risques chimiques

Les colorants utilisés, surtout lorsqu’ils sont employés avec du bichromate de potassium ou de sodium, peuvent provoquer des infections cutanées et des dermatoses. L’emploi d’ammoniaque, d’acides puissants et d’alcalis présente également un danger. Les dessinateurs se servent parfois de pigments au plomb et l’on a observé chez eux des cas de saturnisme, car ils ont l’habitude de sucer l’extrémité du pinceau pour en lisser les poils; les pigments au plomb devraient être remplacés par d’autres, non toxiques.

Les risques biologiques

Les germes infectieux contenus dans la laine brute provenant de régions dans lesquelles le bacille est endémique peuvent provoquer le charbon. Les autorités locales compétentes veilleront à ce que la laine soit convenablement stérilisée avant d’être livrée aux ateliers et aux fabriques.

Les mesures préventives

Les opérations de tri des matières premières telles que la laine, le poil de chameau ou de chèvre, etc. devraient s’effectuer au-dessus d’une grille métallique pourvue d’un dispositif d’aspiration permettant de capter toutes les poussières et de les évacuer vers un collecteur situé à l’extérieur.

Les locaux dans lesquels on procède au lavage et à la teinture de la laine devraient être convenablement ventilés, et des gants de caoutchouc et des tabliers imperméables fournis au personnel chargé de ces opérations. Tous les déchets liquides devraient être neutralisés avant d’être rejetés dans les cours d’eau ou les égouts.

Un bon éclairage est indispensable dans les locaux de dessin et de tissage. L’éclairage pose problème lorsqu’il n’y a pas d’électricité et que le travail se poursuit après la tombée du jour.

L’amélioration la plus importante consisterait à surélever le rouleau inférieur du métier. Les tisseurs n’auraient plus à s’accroupir à même le sol de façon inconfortable et antihygiénique et pourraient s’asseoir sur un bon siège. Cet aménagement ergonomique permettrait non seulement d’améliorer la santé des travailleurs, mais également d’accroître leur rendement.

Les ateliers devraient être nettoyés et bien aérés et être revêtus d’un plancher remplaçant la terre battue. Par temps froid, ils devraient être chauffés. La manipulation des fils de chaîne est pénible pour les doigts et peut occasionner de l’arthrite: aussi emploiera-t-on le plus souvent possible des couteaux spéciaux en forme de crochet pour nouer les fils de chaîne. Des examens médicaux d’embauche et périodiques sont vivement recommandés pour tous les travailleurs.

Les tapis tuftés à la main

La confection de tapis par nouage du fil à la main est un procédé très lent. Le nombre de nœuds varie de 2 à 360 par cm2, suivant la qualité du tapis. Un tapis de grandes dimensions au motif complexe peut demander une année de travail et le nouage de centaines de milliers de nœuds.

Le tuftage à la main est une autre méthode de confection des tapis. On utilise pour cela un outil spécial présentant une aiguille dans le chas de laquelle on enfile le fil. Un calicot sur lequel a été tracé le dessin du tapis est suspendu verticalement; lorsque le tisseur place l’outil contre le tissu et appuie sur un bouton, l’aiguille pénètre dans le tissu puis se rétracte, en laissant sur l’envers une boucle de fil d’environ 10 mm. Il déplace alors horizontalement l’outil de 2 ou 3 mm, en laissant une boucle à la surface du tissu, et appuie à nouveau sur le bouton pour former une nouvelle boucle sur l’envers. Avec un peu d’habitude, on peut obtenir en une minute jusqu’à 30 boucles de chaque côté. Selon le dessin, le tisseur doit s’arrêter de temps à autre pour changer la couleur de fil en fonction du motif. Lorsque cette opération est achevée, le tapis est descendu et étendu par terre à l’envers. On applique alors sur l’envers un enduit de caoutchouc, puis un dossier en toile de jute résistante. On retourne ensuite le tapis sur l’endroit et les boucles de fil sont égalisées au moyen de ciseaux électriques. Parfois, le motif du tapis est obtenu en coupant les poils à des hauteurs différentes.

Cette méthode de confection engendre nettement moins de risques que la manufacture des tapis noués à la main. L’opérateur est généralement assis sur une planche devant la toile et a suffisamment de place pour étendre ses jambes. On soulève la planche au fur et à mesure que le travail avance. Pour un plus grand confort, le tisseur pourrait disposer d’un dossier pour s’appuyer et d’un siège confortable qu’il déplacerait horizontalement le long de la planche à mesure que le tapis avance. L’effort visuel est moins grand et les mouvements des doigts ou des mains ne sont pas susceptibles dans ce cas d’engendrer des affections ou des déformations.

L’enduit de caoutchouc employé pour ce type de tapis contient généralement un solvant toxique et inflammable. L’opération de revêtement devrait donc être effectuée dans un local indépendant, équipé d’un système efficace de ventilation par extraction, d’au moins deux sorties de secours et dont sont bannies les flammes nues et les lampes non protégées. Dans ce local, tous les interrupteurs et les équipements électriques devraient être conformes aux normes imposées pour les matériels antidéflagrants. On ne conservera dans ce local que la quantité minimale d’enduits inflammables et des extincteurs seront prévus. Un local ignifugé d’entreposage des solutions inflammables ne devrait pas être situé à l’intérieur d’un bâtiment occupé.

La législation

Dans la plupart des pays, les dispositions d’ordre général relatives aux établissements industriels fixent les conditions de sécurité et de santé. Parfois, pourtant, elles ne s’appliquent pas aux entreprises familiales ou au travail à domicile et sont difficiles à mettre en œuvre dans les petites entreprises isolées qui emploient néanmoins de nombreux travailleurs. Cette branche d’activité est connue pour l’exploitation de la main-d’œuvre et le travail des enfants, bien souvent au mépris de toutes les réglementations en vigueur. On peut espérer que le mouvement qui se fait jour dans le monde entier (depuis le milieu des années quatre-vingt-dix) parmi les acheteurs de tapis tissés ou tuftés à la main, et qui préconise le boycott des produits issus d’un travail au noir ou confectionnés par des travailleurs exploités, permettra de mettre fin à cette situation.

LES TROUBLES RESPIRATOIRES ET LES AUTRES MALADIES OBSERVÉS DANS L’INDUSTRIE TEXTILE

E. Neil Schachter

Il y a près de 300 ans que l’on parle des risques liés au travail dans l’industrie textile. Au début du XVIIIe siècle, Ramazzini, 1713 [1964] décrivait déjà une forme particulière d’asthme chez les cardeurs de lin et de chanvre. Il évoquait les poussières malodorantes et toxiques qui provoquaient une toux incessante finissant par évoluer en affection asthmatique. Ce type de symptôme est effectivement apparu dès les débuts de l’industrie textile, comme le montrent les études physiologiques de Bouhuys et coll. (1973) à Philipsburg Manor (recherches sur l’implantation dans les premières colonies néerlandaises de North Tarrytown, New York, Etats-Unis). Pendant tout le XIXe siècle et au début du XXe siècle, de nombreux auteurs ont décrit de plus en plus souvent les manifestations respiratoires des maladies professionnelles observées dans les usines textiles. Ces pathologies ont cependant été souvent ignorées, aux Etats-Unis, jusqu’au milieu du XXe siècle où les enquêtes menées sous la direction de Richard Schilling (1981) ont indiqué que, malgré les dénis de l’industrie et du gouvernement, la byssinose était bien une réalité (American Textile Reporter, 1969; Britten, Bloomfield et Goddard, 1933; Department of Labor (DOL), 1945). De nombreuses études ultérieures ont montré que les travailleurs du textile souffrent de leur milieu de travail dans toutes les régions du monde.

Historique des syndromes cliniques observés dans l’industrie textile

Le travail dans l’industrie textile est associé à de nombreux symptômes respiratoires, dont les plus fréquents et les plus caractéristiques sont, de loin, ceux de la byssinose. Comme on peut le lire dans le chapitre no 10, «L’appareil respiratoire», de la présente Encyclopédie, de nombreuses fibres végétales, mais pas toutes, peuvent être à l’origine d’une byssinose chez les personnes occupées à leur transformation en produits textiles. Cette maladie se caractérise principalement par sa relation temporelle avec la semaine de travail. Typiquement, après quelques années passées dans cette branche, le travailleur décrit une sensation de constriction thoracique qui débute le premier jour de travail de la semaine. Ce symptôme disparaît dans la soirée et aucune gêne n’est plus ressentie jusqu’au lundi suivant. Cette dyspnée du lundi peut subsister telle quelle pendant plusieurs années, mais aussi progresser, les symptômes étant alors ressentis les autres jours, voire pendant toute la semaine de travail. Au stade final, la maladie se manifeste aussi pendant les jours de congé et les vacances. Lorsque les symptômes deviennent permanents, la dyspnée est décrite comme dépendant de l’effort physique. A ce stade, une toux non productive peut être présente. Les symptômes du lundi s’accompagnent d’une réduction de la fonction pulmonaire par rapport à la valeur de référence, qui peut aussi être constatée les autres jours, même en l’absence de symptômes, bien que les modifications physiologiques ne soient pas aussi marquées (Bouhuys, 1974; Schilling, 1956). La fonction pulmonaire basale (enregistrée le lundi avant la reprise du travail) se détériore au fur et à mesure de l’évolution de la maladie. Les modifications respiratoires et physiologiques caractéristiques observées chez les personnes atteintes de byssinose ont été codifiées selon différents stades (voir tableau 89.2) qui servent actuellement de référence à la plupart des études cliniques et épidémiologiques. Des symptômes autres que la constriction thoracique, notamment la toux et la bronchite, sont fréquents chez les travailleurs de l’industrie textile. Il s’agit probablement de variantes dues à l’irritation des voies aériennes provoquée par l’inhalation de poussières.

Tableau 89.2 Stades de la byssinose

Stade 0

Absence de troubles, de constriction thoracique et de toux

Stade 1/2

Constriction thoracique ou toux occasionnelle le premier jour de travail de la semaine

Stade 1

Constriction thoracique systématique le premier jour de travail de la semaine

Stade 2

Constriction thoracique systématique le premier jour de travail de la semaine et certains autres jours

Stade 3

Symptômes de stade 2, accompagnés d’incapacité permanente due à une détérioration de la fonction respiratoire

Source: Bouhuys, 1974.

Il n’existe malheureusement à ce jour aucun test simple pour confirmer un diagnostic de byssinose. Celui-ci doit être posé sur la base des signes physiques et fonctionnels présentés par le sujet et des connaissances du médecin quant au contexte clinique et industriel susceptible de favoriser cette pathologie. Bien qu’elles ne soient pas toujours spécifiques, les données sur la fonction respiratoire peuvent être très utiles pour poser le diagnostic et déterminer la gravité des troubles.

Outre la byssinose classique, les travailleurs du textile peuvent être victimes de plusieurs autres syndromes, en général accompagnés de fièvre et non liés au premier jour de la semaine de travail.

La fièvre du coton (appelée aussi fièvre du chanvre): la maladie se caractérise par de la fièvre, de la toux, des frissons et une rhinite apparaissant lors du premier contact avec l’atelier ou lors de la reprise du travail après une absence prolongée. La constriction thoracique ne paraît pas associée à ce syndrome. La fréquence des observations est très variable, allant de 5% du personnel (Schilling, 1956) à la majeure partie des effectifs (Uragoda, 1977; Doig, 1949; Harris et coll., 1972). En principe, les symptômes régressent au bout de quelques jours, même si le sujet reste dans l’atelier. Le mécanisme pathogène a été imputé à une endotoxine présente dans des débris végétaux. Cette pathologie a été mise en relation avec une entité couramment décrite aujourd’hui dans les branches d’activité mettant en œuvre des matières organiques, le syndrome toxique dû aux poussières organiques, examiné dans le chapitre no 10, «L’appareil respiratoire».

La toux des tisserands est avant tout un état asthmatique typiquement accompagné de fièvre, qui survient aussi bien chez les nouveaux travailleurs que chez les anciens. Contrairement à la fièvre du coton, les symptômes peuvent persister pendant des mois. Le syndrome a été associé à des produits utilisés pour traiter le fil, tels que la poudre de graines de tamarin (Murray, Dingwall-Fordyce et Lane, 1957) et la gomme de caroube (Vigliani, Parmeggiani et Sassi, 1954).

Le troisième syndrome autre que la byssinose associé à la fabrication des textiles est la fièvre du matelassier (Neal, Schneiter et Caminita, 1942). Ce terme fait référence au contexte dans lequel la maladie a été décrite, se caractérisant par un épisode aigu de fièvre et d’autres symptômes constitutionnels, dont des troubles digestifs et une gêne rétrosternale chez des travailleurs manipulant du coton de basse qualité. Ces troubles ont été attribués à la contamination du coton par Aerobacter cloacae.

En général, ces syndromes fébriles sont considérés comme cliniquement distincts de la byssinose. Dans des études effectuées par Schilling (1956), sur 528 travailleurs du coton, 38 avaient des antécédents de fièvre du coton. La prévalence de cette pathologie chez les travailleurs atteints de byssinose classique était de 10% (14/134), contre 6% (24/394) parmi les personnes indemnes de cette maladie. Les différences observées n’étaient pas statistiquement significatives.

La bronchite chronique, telle que définie d’après les antécédents médicaux, est très fréquente chez les travailleurs du textile et, notamment, chez les non-fumeurs. Cette observation n’est pas étonnante puisque la caractéristique histologique dominante de la bronchite chronique est une hyperplasie des glandes muqueuses (Edwards et coll., 1975; Moran, 1983). La symptomatologie de la bronchite chronique doit être soigneusement distinguée des symptômes de la byssinose classique, bien que les troubles se recoupent souvent et qu’il existe probablement dans ce contexte différentes manifestations physiopathologiques de la même inflammation des voies respiratoires.

Les études pathologiques des travailleurs du textile sont peu nombreuses. Les observations montrent toutefois que les grandes voies aériennes sont systématiquement impliquées (Edwards et coll., 1975; Rooke, 1981a; Moran, 1983), sans que l’on ne relève aucun signe de destruction du parenchyme pulmonaire (emphysème) (Moran, 1983).

L’évolution clinique de la byssinose

Une maladie aiguë ou chronique?

Le système de classification présenté au tableau 89.2 correspond à une progression allant des symptômes du lundi à une affection respiratoire chronique et pratiquement irréversible chez les sujets atteints de byssinose. Les résultats des études transversales, dont la première a été conduite dans le Lancashire (Royaume-Uni), dans des ateliers de traitement du coton, ont démontré le caractère évolutif de la maladie, avec des formes de byssinose dont la sévérité était liée à l’ancienneté de l’exposition (Schilling, 1956). Des résultats similaires ont été mis en évidence par d’autres enquêtes (Molyneux et Tombleson, 1970). L’évolution de la maladie peut aussi survenir assez rapidement après l’embauche, c’est-à-dire dès les premières années (Mustafa, Bos et Lakha, 1979).

Les études transversales ont également montré que d’autres symptômes et syndromes respiratoires chroniques, tels que sifflement ou bronchite chronique, sont aussi beaucoup plus fréquents chez les personnes qui ont travaillé longtemps dans l’industrie cotonnière qu’au sein d’une population témoin comparable (Bouhuys et coll., 1977; Bouhuys, Beck et Schoenberg, 1979). La fréquence des cas de bronchite chronique était systématiquement plus élevée chez les travailleurs du coton que dans les populations témoins, même après ajustement tenant compte du sexe et du tabagisme. Dans la byssinose de stade 3, outre la symptomatologie, les sujets présentent des modifications de la fonction respiratoire. Apparue dans les études transversales portant sur des travailleurs du textile, l’association entre la détérioration de la fonction respiratoire et les stades les plus avancés de la byssinose tend à mettre en évidence le caractère évolutif de la maladie du stade 1 vers le stade 3. Plusieurs de ces études transversales indiquent en outre que la diminution de la fonction pulmonaire au cours de la semaine de travail par rapport à la valeur de référence (corrélée à la constriction thoracique aiguë) est associée à une évolution chronique irréversible.

Dans une étude de Roach et Schilling (1960), l’existence d’une relation dose-réponse dans la symptomatologie aiguë confirme la relation entre pathologies aiguës et chroniques chez les travailleurs de l’industrie textile. Ces auteurs ont observé une relation linéaire très marquée entre la réponse biologique et les concentrations de poussières sur le lieu de travail. D’après leurs observations, la limite de sécurité applicable à l’exposition à des poussières macroscopiques se situe à 1 mg/m3. Cette valeur a été adoptée ultérieurement par la Conférence américaine des hygiénistes gouvernementaux du travail (American Conference of Governmental Industrial Hygien-ists (ACGIH)) et, jusqu’à la fin des années soixante-dix, elle est restée en vigueur aux Etats-Unis pour les poussières de coton. Des observations rapportées par la suite ont démontré que les poussières fines (< 7 µm) étaient responsables de pratiquement tous les cas de byssinose (Molyneux et Tombleson, 1970; Mckerrow et Schilling, 1961; McKerrow et coll., 1962; Wood et Roach, 1964). Une étude faite en 1973 par Merchant et coll. sur les symptômes respiratoires et la fonction pulmonaire dans 22 usines textiles de Caroline du Nord a porté sur 1 260 travailleurs du coton, 803 du coton et du synthétique et 904 de la laine et du synthétique. Cette étude a confirmé la relation linéaire qui existe entre la prévalence de la byssinose (et la détérioration de la fonction pulmonaire) et les concentrations de poussières exemptes de fibres de coton.

Les modifications de la fonction respiratoire que semblaient indiquer les études transversales ont été confirmées par un certain nombre d’études longitudinales qui complètent et prolongent les résultats antérieurs. Les études longitudinales ont souligné la détérioration rapide de la fonction pulmonaire chez les travailleurs de l’industrie cotonnière ainsi que la forte incidence de nouveaux symptômes.

Dans une série d’enquêtes portant sur plusieurs milliers de travailleurs du textile suivis à la fin des années soixante pendant une période de cinq ans, Fox et coll. (1973a, 1973b) ont constaté un accroissement du nombre des cas de byssinose, parallèle à l’ancienneté de l’exposition. Ils ont observé aussi une diminution annuelle du volume expiratoire maximal seconde (VEMS) (pourcentage par rapport à la valeur théorique) sept fois plus importante que chez les témoins.

Une seule étude portant sur les broncho-pneumopathies chroniques chez les travailleurs du textile a été menée au début des années soixante-dix par Arend Bouhuys (Bouhuys et coll., 1977). L’originalité de cette étude a été d’inclure aussi bien le personnel en activité que les retraités. Les sujets étaient ou avaient été employés dans l’une des quatre usines locales de Columbia, en Caroline du Sud. Les critères de sélection de la cohorte ont été décrits dans la première analyse transversale. A l’origine, le groupe retenu comptait 692 personnes, mais l’analyse a été restreinte à 646 sujets de race blanche, âgés d’au moins 45 ans en 1973. Ces personnes avaient travaillé en moyenne trente-cinq ans dans l’usine. Le groupe témoin retenu pour l’analyse transversale était constitué de sujets de race blanche d’au moins 45 ans, dans trois localités ayant fait l’objet d’une étude transversale: Ansonia, Lebanon (Connecticut) et Winnsboro (Caroline du Sud). Malgré les différences géographiques, socio-économiques ou autres, la fonction pulmonaire dans cette population n’était pas différente de celle qui avait été mesurée chez les travailleurs du textile affectés aux tâches les moins poussiéreuses. Aucune variation de la fonction pulmonaire et des symptômes respiratoires n’étant apparue dans les trois sous-populations témoins, seuls les sujets de Lebanon étudiés en 1972 et en 1978 ont été retenus comme témoins pour l’étude longitudinale effectuée en 1973 et en 1979 chez les travailleurs du textile (Beck, Doyle et Schachter, 1981; Beck, Doyle et Schachter, 1982).

La symptomatologie aussi bien que la fonction pulmonaire ont été largement étudiées. Au cours d’une étude prospective, on a pu déterminer que l’incidence de sept symptômes ou syndromes respiratoires (dont la byssinose) était plus élevée chez les travailleurs du textile que chez les témoins, même après ajustement tenant compte du tabagisme (Beck, Maunder et Schachter, 1984). La subdivision des travailleurs du textile en sujets actifs et retraités a montré une incidence maximale de la symptomatologie chez les personnes qui avaient pris leur retraite au cours de l’étude. Les résultats semblent indiquer que le risque de détérioration est présent non seulement chez les personnes en activité, mais aussi chez les retraités, probablement en raison de l’irréversibilité de l’atteinte pulmonaire.

Dans cette cohorte, la détérioration de la fonction pulmonaire a été quantifiée sur une période de six ans. La diminution moyenne chez les travailleurs du textile (42 ml/an chez les hommes et 30 ml/an chez les femmes) s’est révélée significativement plus importante que chez les témoins (27 ml/an et 15 ml/an respectivement). Compte tenu du tabagisme, la diminution du volume expiratoire maximal seconde (VEMS) était plus élevée chez les travailleurs que chez les témoins.

De nombreux auteurs ont soulevé la question du tabagisme qui peut laisser perplexe. De nombreux travailleurs du textile étant des fumeurs de cigarettes, il a été avancé que la broncho-pneumopathie chronique attribuée à l’exposition aux poussières de textiles était en réalité largement imputable au tabagisme. Deux réponses ont été apportées à cette question, sur la base des observations effectuées chez les travailleurs de Columbia. Dans l’étude de Beck, Maunder et Schachter (1984), une analyse de variance bifactorielle portant sur tous les paramètres de la fonction respiratoire a démontré que les effets de la poussière de coton et du tabagisme étaient uniquement additifs. En d’autres termes, la détérioration quantitative de la fonction pulmonaire due à l’un des deux facteurs (tabagisme ou exposition aux poussières) ne varie pas en fonction de la présence ou de l’absence du second facteur. La détérioration de la capacité vitale et la diminution du VEMS apparaissent quantitativement similaires (antécédents de tabagisme de 56 paquets-année en moyenne, pour 35 ans de travail en usine). Dans une étude de même type, Schachter et coll. (1989) ont montré que l’utilisation d’un paramètre reflétant la courbe du débit expiratoire de pointe (l’angle bêta) permettait de distinguer les profils d’anomalies fonctionnelles respiratoires dus au tabagisme et aux poussières de coton. Ces travaux ont confirmé les conclusions antérieures de Merchant.

La mortalité

Les études consacrées à l’effet sur la mortalité de l’exposition aux poussières de coton n’ont pas démontré d’influence systématique. L’analyse des résultats publiés à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle au Royaume-Uni semble mettre en évidence une mortalité cardio-vasculaire accrue chez les travailleurs âgés dans l’industrie textile (Schilling et Goodman, 1951). En revanche, l’examen des données disponibles dans les localités de la Nouvelle-Angleterre où étaient implantées des usines textiles à la fin du XIXe siècle n’a pas confirmé ce phénomène (Arlidge, 1892). De même, Henderson et Enterline (1973) ont abouti à des conclusions négatives dans leur étude portant sur des travailleurs qui avaient été employés dans des usines situées en Géorgie entre 1938 et 1951. Au contraire, Dubrow et Gute (1988), qui ont conduit une étude sur des travailleurs du textile dans le Rhode Island décédés entre 1968 et 1978, ont observé une augmentation significative du taux de mortalité proportionnelle imputable aux pathologies respiratoires non malignes. Ce phénomène était associé à une exposition accrue aux poussières puisque le taux était plus élevé chez les travailleurs affectés au cardage, au doublage et au peignage que chez les autres travailleurs du textile. Il faut souligner que, dans cette étude comme dans d’autres (Dubrow et Gute, 1988; Merchant et Ortmeyer, 1981), la mortalité par cancer du poumon était faible. Cet argument a été mis en avant pour affirmer que le tabagisme n’était pas une cause majeure de mortalité dans ces groupes.

Des observations effectuées en Caroline du Sud semblent indiquer que les broncho-pneumopathies chroniques sont une cause majeure de mortalité ou constituent, en tout cas, un facteur prédisposant. En effet, chez les travailleurs qui sont décédés entre 45 et 64 ans au cours d’une période de suivi de six ans, la fonction pulmonaire mesurée d’après le VEMS résiduel (valeur observée par rapport à la valeur théorique) s’était considérablement détériorée lors de l’étude initiale chez les hommes non-fumeurs décédés au cours des six années de suivi (VEMS résiduel moyen = 0,9 l) (Beck et coll., 1981). Il est fort possible que l’effet du travail en usine sur la mortalité ait été masqué par un phénomène de sélection (effet du travailleur en bonne santé). Enfin, Rooke (1981b) a estimé que, sur les 121 décès observés en moyenne chaque année chez les travailleurs invalides, 39 étaient imputables à la byssinose.

Le renforcement des contrôles et le recul de la maladie

Des études effectuées au Royaume-Uni et aux Etats-Unis semblent indiquer que la prévalence ainsi que les formes de broncho-pneumopathie observées chez les travailleurs du textile ont évolué grâce à l’application de normes plus strictes sur la qualité de l’air dans les usines de ces pays. En 1996, Fishwick et coll. ont rapporté les résultats d’une étude transversale portant sur 1 057 ouvriers travaillant dans 11 filatures du Lancashire. Les examens ont porté sur 97% du personnel dont la plupart (713) manipulaient du coton et les autres, des fibres synthétiques. La byssinose n’a été confirmée que chez 3,5% des travailleurs, et la bronchite chronique chez 5,3%. Le VEMS était cependant diminué chez les personnes exposées à de fortes concentrations de poussières. Ces prévalences sont très réduites par rapport à celles qui avaient été rapportées dans les premières enquêtes effectuées dans ces mêmes établissements. Cette faible prévalence de la byssinose et des cas de bronchite associés semble aller de pair avec les efforts visant à réduire les concentrations de poussières au Royaume-Uni. Dans cette population, la détérioration de la fonction pulmonaire s’explique à la fois par le tabagisme et par l’exposition aux poussières de coton.

Aux Etats-Unis, Glindmeyer et coll. (1991, 1994) ont conduit une étude prospective sur cinq ans dans 9 usines (6 usines de coton et 3 de fibres synthétiques), entre 1982 et 1987. Celle-ci a porté sur 1 817 travailleurs affectés exclusivement à la fabrication de filés de coton, à l’encollage et au tissage ou à la fabrication de textiles synthétiques. Dans l’ensemble, moins de 2% des travail-leurs présentaient des symptômes de byssinose. Cependant, les travailleurs affectés aux opérations de fabrication des filés présentaient une détérioration annuelle de la fonction pulmonaire plus importante que les travailleurs chargés de l’encollage et du tissage. Les premiers accusaient une détérioration en fonction de la dose absorbée, en relation également avec la qualité du coton utilisé. Ces usines respectaient les normes de l’Administration de la sécurité et de la santé au travail (Occupational Safety and Health Administration (OSHA)), avec des concentrations moyennes de poussières de coton en suspension dans l’air (exemptes de coton-fibre) atteignant, sur 8 heures, 196 µg/m3 pour la fabrication du fil et 455 µg/m3 pour l’encollage et le tissage. Glindmeyer et coll. (1994), qui ont mis en relation les variations de la fonction pulmonaire au cours de la semaine de travail (équivalent fonctionnel objectif des symptômes de byssinose) et la détérioration de ce paramètre dans le temps, ont montré que les premières annonçaient de façon significative l’évolution longitudinale.

Si la fabrication des textiles dans les régions développées paraît aujourd’hui associée à des pathologies moins fréquentes et moins sévères, il n’en va pas de même dans les pays en développement. De fortes prévalences de byssinose sont toujours enregistrées dans le monde, notamment dans les pays où les normes gouvernementales sont laxistes ou inexistantes. Dans sa revue de la littérature, Parikh (1992) a constaté que la prévalence de la byssinose dépassait de loin 20% dans des pays tels que l’Inde, le Cameroun, l’Ethiopie, le Soudan et l’Egypte. Zuskin et coll. (1991) ont suivi 66 travailleurs en Croatie, dans une usine textile traitant le coton, où les concentrations moyennes de poussières inhalables étaient encore égales à 1,0 mg/m3. La prévalence de la byssinose avait doublé, et la diminution annuelle de la fonction pulmonaire était pratiquement deux fois supérieure aux estimations calculées pour une population saine de non-fumeurs.

Les maladies non respiratoires liées au travail dans l’industrie textile

Outre les syndromes respiratoires caractéristiques qui peuvent toucher les travailleurs de l’industrie textile, un certain nombre d’autres risques ont été mis en relation avec les conditions de travail et les produits dangereux que l’on rencontre dans cette industrie.

La cancérogenèse a été associée au travail dans l’industrie textile. Les premières études avaient indiqué une incidence élevée de cancer colorectal chez les travailleurs occupés à la fabrication des fibres synthétiques (Vobecky et coll., 1979; Vobecky, Devroede et Caro, 1984). Une étude rétrospective effectuée par Goldberg et Theriault (1994a) dans des établissements fabriquant des textiles synthétiques semble mettre en évidence une association avec la durée de l’emploi dans les ateliers d’extrusion du polypropylène et du triacétate de cellulose. Ces auteurs ont signalé d’autres associations avec des maladies néoplasiques, mais leurs observations n’ont pas convaincu (1994b).

L’exposition aux colorants azoïques a été associée au cancer de la vessie dans de nombreuses branches d’activité. Siemiatycki et coll. (1994) ont noté une faible association entre le cancer de la vessie et le travail des fibres acryliques et du polyéthylène, surtout chez les teinturiers. Les plus anciens d’entre eux présentaient notamment un risque dix fois plus élevé de cancer de la vessie (signification statistique marginale). Des observations similaires ont été rapportées par d’autres auteurs, bien que des résultats négatifs aient aussi été publiés (Anthony et Thomas, 1970; Steenland, Burnett et Osorio, 1987; Silverman et coll., 1989).

Les traumatismes dus aux mouvements répétés constituent un risque reconnu dans l’industrie textile lorsqu’on a recours à des machines qui fonctionnent à vitesse élevée (Thomas, 1991). Une description du syndrome du canal carpien (Forst et Hryhorczuk, 1988) chez une couturière se servant d’une machine à coudre électrique illustre la pathogénie de ce type d’affection. Une analyse des lésions des mains chez les travailleurs de la laine dans le Yorkshire, traitées entre 1965 et 1984 par l’Unité régionale de chirurgie plastique, a montré une constance de l’incidence annuelle de ces lésions, alors que les effectifs avaient été divisés par 5, ce qui indique un risque accru dans cette population (Myles et Roberts, 1985).

Une toxicité hépatique a été rapportée par Redlich et coll. (1988) chez des travailleurs du textile exposés au diméthylformamide, utilisé comme solvant dans une usine de traitement de tissus. Cette toxicité a été reconnue lors d’une «épidémie» d’hépatopathies dans un établissement de New Haven (Connecticut) qui produit des tissus enduits de polyuréthane.

Le sulfure de carbone , composé organique utilisé pour la préparation de textiles synthétiques, a été associé à une mortalité accrue par cardiopathie ischémique (Partanen et coll., 1970; Sweetnam, Taylor et Elwood, 1987). Ce phénomène pourrait être lié à l’effet de ce produit sur les lipides sanguins et la pression diastolique (Egeland et coll., 1992). Le même composé a également été associé à une neurotoxicité périphérique, à des lésions des organes sensoriels et à des troubles des fonctions hormonale et reproductive. On estime généralement que ces effets toxiques apparaissent après une exposition prolongée à des concentrations dépassant 10 à 20 ppm (Riihimaki et coll., 1992).

Des réactions allergiques — eczéma, urticaire et asthme — à des colorants réactifs ont été rapportées chez des travailleurs des ateliers de teinture (Estlander, 1988; Sadhra, Duhra et Foulds, 1989; Seidenari, Mauzini et Danese, 1991).

Enfin, des cas de stérilité ont été décrits chez des hommes et des femmes à la suite d’une exposition à diverses substances présentes dans l’industrie textile (Rachootin et Olsen, 1983; Buiatti et coll., 1984).

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