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Chapitre 8 - Le cuir, la fourrure et la chaussure

GÉNÉRALITÉS

Debra Osinsky

Depuis des milliers d’années, on utilise la fourrure et le cuir d’animaux provenant de peaux et de pelages tannés pour l’habillement. De nos jours, la pelleterie-mégisserie-tannerie demeure une branche d’activité importante. La fourrure sert à fabriquer divers vêtements de dessus, tels que manteaux, vestes, chapeaux, gants et bottes; elle fournit également des ornements et des parures pour d’autres types d’habits. Le cuir est utilisé dans la confection et peut être employé pour la fabrication d’autres produits, y compris la sellerie d’automobile et les meubles. Il entre également dans la production d’une grande gamme d’articles tels que bracelets-montres, porte-monnaie et bagages. L’industrie de la chaussure est un autre utilisateur traditionnel du cuir.

Les animaux à fourrure comprennent des espèces de milieu aquatique — castors, loutres, rats musqués et phoques; des espèces des pays nordiques — renards, loups, visons, belettes, ours, martres et ratons laveurs; et des espèces des régions tropicales — léopards, ocelots et guépard. De plus, on peut traiter la peau des petits de certains animaux, tels que les bovins, équidés, porcins et caprins, pour obtenir de la fourrure. Bien que la plupart des animaux à fourrure soient sauvages, le vison, en particulier, est issu d’élevages.

La production

Le cuir provient surtout de bovins, de porcins et d’ovins. En 1990, les Etats-Unis étaient les premiers producteurs de peaux et de cuirs de bovins. L’Argentine, l’Australie, le Brésil, la Chine, la France, l’Allemagne et l’Inde en livrent également des quantités importantes. L’Australie, la Chine, l’Inde, la République islamique d’Iran, la Nouvelle-Zélande, la Fédération de Russie, la Turquie et le Royaume-Uni sont de gros fournisseurs de peaux de mouton. Pour l’essentiel, les peaux de chèvre viennent de Chine, d’Inde et du Pakistan. Les principaux producteurs de peaux de porc sont la Chine, les pays de l’Europe de l’Est et de l’ex-URSS.

Une étude faite par Landell Mills Commodities Studies (LMC) pour le compte de l’Organisation internationale du Travail (OIT) montre que le marché international des peaux est de plus en plus dominé par quelques pays grands producteurs d’Amérique du Nord, d’Europe occidentale et d’Océanie, qui permettent la libre exportation des peaux quelle que soit leur forme. Depuis 1981, l’industrie de la tannerie aux Etats-Unis est en baisse constante, alors que la plupart des établissements qui subsistent dans le nord de l’Europe ont diversifié leurs activités pour être moins dépendants du marché de la chaussure. A l’échelle mondiale, la production de chaussures continue de se déplacer vers l’Asie du Sud-Est (BIT, 1992).

Plusieurs facteurs influent sur la demande globale de cuir dans le monde: le niveau, le taux de croissance et la répartition des revenus, le prix du cuir par rapport aux matières de remplacement et l’évolution de la préférence des consommateurs pour certains articles de cuir, au détriment d’autres matières.

Le secteur de l’industrie du cuir qui connaît la plus forte croissance est celui des garnitures de cuir: en 1990, il a représenté environ un tiers de la production mondiale de cuir de bovins de qualité supérieure. Plus d’un tiers du cuir utilisé à cette fin est destiné à l’industrie automobile et, selon LMC, les perspectives d’avenir de ce sous-secteur sont plutôt bonnes. Au cours des années quatre-vingt-dix, la proportion d’automobiles équipées de selleries de cuir s’est notablement accrue.

La demande de vêtements de cuir dépend avant tout des revenus des consommateurs et de la mode, celle-ci influençant particulièrement l’évolution du type d’articles demandés. Ainsi, l’engouement pour les vêtements fantaisie en nappa a conduit à recourir davantage à des peaux de mouton et à des cuirs de vache plus doux et plus souples.

En 1996, les premiers producteurs de fourrure de vison étaient le Canada, la Fédération de Russie, les pays scandinaves et les Etats-Unis.

Entre 1980 et 1989, l’emploi dans le secteur du cuir s’est accru en Chine, dans la République de Corée, en Hongrie, en Inde, en Indonésie, en Uruguay et au Venezuela. Il a diminué en Australie, en Colombie, au Danemark, aux Etats-Unis, en Finlande, au Kenya, en Norvège, aux Philippines, en Pologne et en Suède. Au Botswana, il a chuté en 1984, puis s’est fortement redressé, son volume ayant doublé entre 1980 et 1988.

Plusieurs facteurs auront une incidence à l’avenir sur la production et l’emploi dans les secteurs du cuir, de la chaussure et de la fourrure. Les nouvelles techniques, la délocalisation de la production de chaussures vers les pays en développement et les réglementations de l’environnement qui s’appliquent à la tannerie continueront de conditionner les qualifications ainsi que la sécurité et la santé des travailleurs.

LE TANNAGE ET LE FINISSAGE DU CUIR

Dean B. Baker*

* Certains passages ont été adaptés de l'article de V.P. Gupta, publié dans la 2e édition de l'Encyclopédie de médecine, d'hygiène et de sécurité du travail.

Le tannage est le processus chimique qui transforme les peaux et cuirs d’animaux en cuir fabriqué. Les termes peau et cuir sont respectivement utilisés pour les gros animaux (vaches, chevaux) et les petits animaux (moutons). Le plus souvent, peaux et cuirs sont des produits secondaires de l’abattage, mais ils peuvent également provenir de bêtes mortes de façon naturelle, tuées à la chasse ou capturées. Les tanneries sont généralement situées près de régions d’élevage. Toutefois, les peaux peuvent être conservées et transportées avant le tannage. On trouve donc aussi des tanneries loin des zones d’élevage.

Le tannage consiste à renforcer la structure protéinique de la peau en établissant une liaison entre les chaînes de peptides. La peau est composée de trois couches: l’épiderme, le derme et le tissu sous-cutané. Le derme contient de 30 à 35% de protéine, principalement du collagène, le reste étant de l’eau et de la graisse. On se sert du derme pour fabriquer du cuir une fois que les autres couches ont été détachées par des moyens chimiques et mécaniques. Au stade du tannage, on emploie des acides, des alcalis, des sels, des enzymes et des agents tannants pour dissoudre les graisses et les protéines non fibreuses et lier chimiquement les fibres collagènes.

Le tannage existe depuis la préhistoire. Le plus ancien système de tannage consiste à tirer parti des propriétés chimiques de végétaux contenant du tanin (acide tannique). Celui-ci est extrait des parties des plantes qui en sont riches pour être transformé en solutions tannantes. Les peaux sont trempées dans des pelains ou baquets contenant des solutions de plus en plus fortes jusqu’à ce qu’elles soient tannées, ce qui peut prendre des semaines, voire des mois. On a recours à ce procédé dans les pays à faible niveau technique et dans les pays développés pour fabriquer des cuirs plus fermes et plus épais (semelles de chaussure, sacs, valises, bracelets). Toutefois, l’évolution technique a permis de raccourcir la durée du tannage. A la fin du XIXe siècle a été introduit le tannage chimique qui utilise des sels minéraux comme le sulfate de chrome. Il est devenu le principal procédé de fabrication de cuirs plus souples et plus fins, pour des produits comme les articles de maroquinerie (sacs à main, gants) ou de sellerie et les dessus de chaussures. Le tannage peut également se faire avec des huiles de poisson ou des tanins synthétiques.

La taille et le type des tanneries varient beaucoup. Certaines sont très mécanisées et dotées de systèmes automatiques fermés. On y emploie de nombreux produits chimiques. D’autres ont largement recours au travail manuel et à des substances tanniques naturelles, le savoir-faire n’ayant, pour l’essentiel, pas évolué depuis des siècles (voir figure 88.1). Le type de produit à obtenir (gros cuirs solides ou cuirs fins et souples) détermine le choix des agents tannants et le degré de finition.

Figure 88.1 Méthodes de travail manuel dans une tannerie en Afghanistan

Figure 88.1

Les procédés de fabrication

La fabrication du cuir comporte trois phases: la préparation de la peau pour le tannage, notamment l’élimination des poils et des chairs qui adhèrent à la peau, le tannage et le corroyage-finissage. Pour ce dernier, on a recours à diverses opérations mécaniques pour façonner et lisser le cuir et à des traitements chimiques pour le teindre, le graisser, l’assouplir et lui appliquer un fini de surface (voir figure 88.2). Tous ces procédés peuvent être réalisés dans une même installation. Il est cependant courant que le finissage soit effectué ailleurs que le tannage, cela en fonction des coûts de transport et des conditions des marchés locaux. Cette pratique peut être à l’origine d’éventuelles contaminations croisées.

Figure 88.2 Procédés habituels de tannage et de finissage

Figure 88.2

Conservation et transport. Les peaux brutes se décomposant rapidement, elles sont conservées et désinfectées avant leur expédition à la tannerie. La peau est détachée de la carcasse de l’animal, puis traitée par divers procédés de conservation. Parmi ceux-ci, il faut citer le séchage qui convient dans les régions au climat chaud et sec et qui se fait en étirant les peaux sur des cadres ou en les étendant par terre, au soleil; le salage qui consiste à frotter le côté chair de la peau au moyen d’une solution saline; le saumurage, c’est-à-dire l’immersion des peaux dans une solution de chlorure de sodium additionnée éventuellement de naphtaline, est le mode de conservation le plus utilisé dans les pays développés.

Avant le transport, les peaux subissent le plus souvent un traitement à base de DDT, de chlorure de zinc, de chlorure de mercure, de chlorophénol ou d’autres agents désinfectants. Ces substances peuvent être dangereuses sur le lieu de conservation et lors de leur réception à la tannerie.

Préparation . Les peaux ainsi traitées subissent ensuite diverses opérations de préparation du tannage qui sont regroupées sous le nom de travail de rivière. Dans un premier temps, les peaux sont triées, découpées et lavées dans des baquets ou des foulons. Des désinfectants, comme le chlorure de chaux, le chlore et le bifluorure de sodium, ajoutés à l’eau de trempage, empêchent la putréfaction des peaux. D’autres substances chimiques, comme la soude caustique et le sulfure de sodium, et des agents mouillants sont également ajoutés à l’eau pour accélérer le reverdissage des peaux salées sèches ou séchées.

Les peaux sont ensuite chaulées par immersion dans un bain de lait de chaux qui assouplit l’épiderme, libère les racines des poils et supprime les matières protéiques et les graisses solubles indésirables. Une autre méthode fait appel à un mélange dépilatoire à base de chaux, de sulfure et de sel qui est appliqué sur le côté chair des peaux et permet d’épargner les poils et la laine. Les peaux chaulées sont ensuite soumises à l’ébourrage et à l’écharnage. Les résidus épidermiques et les racines des poils fins sont détachés au moyen d’une opération mécanique appelée décrassage.

Ces opérations sont suivies du déchaulage et du confitage avec des sels tampons, dont le sulfate d’ammonium et le chlorure d’ammonium. L’action d’enzymes protéolytiques neutralise l’alcalinité élevée des peaux chaulées. Le picklage consiste à placer les peaux dans une solution acide composée de chlorure de sodium et d’acide sulfurique. L’acide est nécessaire, car les agents tannants au chrome ne sont pas solubles en milieu alcalin. Il n’est pas nécessaire de pickler les peaux soumises à un tannage végétal.

Nombre des opérations du travail de rivière comportent le lavage des peaux dans de grands pelains, baquets ou foulons. Les solutions sont acheminées par des canalisations ou versées dans les récipients, puis vidées par un système de tuyaux ou de drainage ouvert dans la zone de travail. Les substances chimiques peuvent être déversées dans les récipients au moyen de tuyauteries ou à la main. Il faut une bonne ventilation et des vêtements de protection appropriés pour prévenir les affections respiratoires et cutanées.

Installations de tannage. Diverses substances peuvent être utilisées pour le tannage. On distingue essentiellement le tannage végétal et le tannage au chrome. Le tannage végétal peut s’effectuer dans des pelains ou dans des tambours rotatifs. Le tannage rapide, pour lequel on utilise des solutions de tanin très concentrées, se fait dans des tambours rotatifs. Pour le tannage au chrome, on a le plus souvent recours au procédé à un bain , dans lequel les peaux sont foulées dans une solution colloïdale de sulfate de chrome (III) jusqu’à la fin du tannage. Le procédé à deux bains , que l’on considère maintenant comme dépassé, est rarement utilisé. Il comportait un risque d’exposition aux sels de chrome hexavalent et nécessitait des opérations plus importantes de manipulation des peaux.

Une fois tannée, la peau subit des opérations destinées à façonner et à conditionner le cuir. Elle est retirée de la solution et l’excédent d’eau est éliminé par essorage. Après avoir été tanné au chrome, le cuir doit être neutralisé. Le refendage consiste à couper parallèlement à sa surface le cuir humide ou sec trop épais pour fabriquer des produits tels que des empeignes de chaussure et des articles de maroquinerie. Des machines à cylindrer, munies de lames coupantes, sont utilisées pour amener le cuir à l’épaisseur voulue. Le refendage ou le dérayage du cuir sec peuvent produire de grandes quantités de poussières.

Retannage, teinture et nourriture en bain . Après le tannage, la plupart des cuirs, à l’exception notamment des cuirs pour semelles, sont teints. D’une manière générale, les cuirs sont teints par lots; on procède au retannage, à la teinture, puis à la nourriture en bain dans le même foulon. Entre ces opérations, les peaux sont rincées puis séchées. Les trois principaux types de colorants sont les colorants acides, basiques ou substantifs. Pour obtenir la teinte souhaitée, on mélange les colorants. Souvent, seul le fournisseur en connaît la composition. La nourriture en bain sert à graisser le cuir, afin de le rendre résistant et souple. On utilise à cette fin des huiles, des matières grasses naturelles, des produits qui en dérivent, des huiles minérales et diverses matières grasses synthétiques.

Finissage . Après le séchage, le cuir tanné au végétal est soumis à des opérations mécaniques (ajustage et calibrage) et à un lustrage final. Pour les cuirs tannés au chrome, on procède à une série de traitements mécaniques et, habituellement, on les recouvre d’une couche protectrice. Des procédés mécaniques divers sont utilisés pour assouplir le cuir. Pour en améliorer l’aspect, le côté fleur du cuir est poncé avec un cylindre de contact. Cette opération produit une énorme quantité de poussières.

Le fini de surface peut comporter des solvants, des plastifiants, des liants ou des pigments. Ces solutions sont appliquées avec des tampons, par arrosage ou vaporisation. Dans certaines tanneries, l’application avec des tampons est faite à la main mais, le plus souvent, elle est mécanisée. Dans l’application par arrosage, la solution est pompée dans un réservoir placé au-dessus du tapis roulant où se trouve le cuir, puis déversée sur celui-ci. Dans la plupart des cas, les cuirs teints par arrosage ou vaporisation ne sont pas séchés dans des séchoirs, mais sur des plateaux disposés sur des rayons. Cette pratique nécessite une grande surface d’évaporation qui contribue à la pollution de l’air.

Les risques et leur prévention

Risques d’infection . Au cours des premières opérations du travail de rivière, il existe des risques d’infection en raison des zoonoses susceptibles d’être transmises par les peaux brutes. Le charbon est un risque reconnu parmi les travailleurs qui manipulent les peaux et, en particulier, les peaux séchées et salées sèches. La désinfection des peaux avant leur transport a permis d’éliminer presque totalement ce risque dans les tanneries. Des colonies de champignons peuvent se développer sur les cuirs fabriqués et à la surface des bains.

Accidents . Dans tous les secteurs d’une tannerie, les sols glissants, humides et graisseux constituent un grave danger. Tous les sols devraient être faits d’un matériau imperméable, leur surface devrait être régulière et ils devraient être convenablement drainés. Le nettoyage et le bon entretien des locaux ont une importance capitale. La mécanisation du transport des cuirs et des peaux entre les diverses opérations et le drainage approprié des bains provenant des bassins et des cuves de trempage contribueront à réduire les risques d’éclaboussure et les problèmes ergonomiques liés aux opérations de manutention. Les cuves et les bassins ouverts devraient être entourés de barrières protectrices pour prévenir les risques de noyade ou de brûlure.

Les parties mobiles des machines utilisées peuvent être très dangereuses. C’est le cas, par exemple, des tambours rotatifs, des rouleaux à angles rentrants et des couteaux. Des dispositifs efficaces de protection devraient être mis en place. Tous les systèmes de transmission, courroies, poulies et engrenages devraient être protégés.

La manutention des peaux et des cuirs entraîne des risques ergonomiques. Les bruits de fonctionnement des machines font encourir aux travailleurs d’autres risques potentiels.

Poussières. Plusieurs opérations de tannerie sont source de poussières: poussières chimiques dégagées lors du chargement des foulons et poussières de cuir produites par certaines opérations mécaniques, en particulier le ponçage. Les poussières peuvent être chargées de substances chimiques, de particules de poil, de moisissures et d’excréments. Une ventilation efficace doit être prévue.

Risques chimiques. La grande diversité d’acides, d’alcalis, de tanins, de solvants, de désinfectants et d’autres substances chimiques peut provoquer des affections respiratoires et cutanées. Les poussières dégagées par les substances tannantes végétales, le chaulage, les poussières de cuir et les vapeurs des produits chimiques utilisés dans les divers traitements sont susceptibles de provoquer des bronchites chroniques. Plusieurs substances chimiques peuvent causer des dermites de contact. Le tannage au chrome peut entraîner l’apparition d’ulcères, notamment sur les mains. Dans le travail de rivière, la plupart des risques découlent de l’exposition aux composés du soufre, notamment les sulfures et les sulfates. Si ces substances alcalines entrent en contact avec des acides, elles peuvent former du sulfure d’hydrogène.

On compte, parmi les agents cancérogènes potentiels utilisés dans le tannage et le finissage du cuir, les sels de chrome hexavalent (dont on se servait autrefois), les colorants à base d’aniline et les colorants azoïques, les tanins végétaux, les solvants organiques, le formaldéhyde et les chlorophénols. Le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), dans une évaluation sur l’industrie du tannage du cuir au début des années quatre-vingt, a conclu que rien ne permettait d’établir un lien de cause à effet entre le tannage du cuir et le cancer des voies nasales (CIRC, 1981). Depuis lors, des rapports de cas et des études épidémiologiques ont mis en évidence un risque accru de cancer chez les travailleurs des industries du tannage et du finissage du cuir — notamment le cancer du poumon, des voies nasales et des sinus et le cancer du pancréas, causés par les poussières et le tannage du cuir (Mikoczy et coll., 1996), le cancer de la vessie et celui des testicules, en raison des colorants ou des solvants utilisés dans le finissage (Stern et coll., 1987). A ce jour, aucune de ces associations n’a été clairement établie.

L’INDUSTRIE DE LA FOURRURE

P.E. Braid*

* Adapté de la 3e édition de l'Encyclopaedia of Occupational Health and Safety. L'auteur remercie Gary Meisel et Tom Cunningham (United Food and Commercial Workers Union) qui ont révisé et adapté le présent article.

Dans de nombreux pays, les fourrures sont encore préservées suivant des méthodes rudimentaires et très anciennes. Habituellement, une fois les peaux écharnées et nettoyées, la fourrure est imbibée d’huile animale pour être conservée et assouplie. Elle est parfois aussi battue et malaxée pour faire mieux pénétrer l’huile.

Dans l’industrie moderne, des éleveurs, des trappeurs ou des chasseurs fournissent les peaux. A ce stade, après que les carcasses ont été écorchées, les restes de chair et les tissus graisseux éliminés, elles sont étirées puis séchées à l’air libre. Elles sont classées en fonction de divers critères, notamment leur état général, leur longueur, la boucle et la forme. Les peaux subissent plusieurs traitements de préservation, appelés l’apprêt (voir figure 88.3). Elles peuvent également être teintes. Une fois apprêtées et teintes par lots, elles sont transportées d’un site d’opération à un autre sur des chariots poussés à la main.

Figure 88.3 Opérations de préparation des fourrures

Figure 88.3

L’apprêt des fourrures

Dans un premier temps, les peaux sont triées, estampées et découpées avec des couteaux ou des ciseaux. On les fait ensuite tremper pendant plusieurs heures dans des cuves ou des tonneaux remplis d’eau salée pour les assouplir à nouveau (voir figure 88.4). Ces récipients sont souvent équipés de palettes rotatives pour améliorer le trempage. On utilise parfois de l’acide formique, de l’acide lactique ou de l’acide sulfurique pour le trempage. Elles sont alors placées dans des tambours rotatifs pour enlever l’excédent d’eau.

Figure 88.4 Trempage au cours des opérations d'apprêt

Figure 88.4

Les écharneurs séparent ensuite la fourrure du dessous de la peau avec des machines à lames de rasoir circulaires (voir figure 88.5). Les peaux peuvent également être retournées et découpées à la main avec des couteaux. Cette opération consiste à détacher du dessous de la peau les tissus conjonctifs mous. Le but est d’éliminer dans toute la mesure possible les tissus qui ne contribuent pas à fixer la fourrure, cela afin d’alléger et d’assouplir la peau.

Figure 88.5 Echarnage de peaux d'ovins à la machine

Figure 88.5

Les peaux sont alors prêtes pour le tannage et plongées dans des cuves ou des bassins munis de palettes et contenant une solution d’alun. D’ordinaire, cette solution est légèrement acidifiée avec de l’acide chlorhydrique ou de l’acide sulfurique. Le traitement à l’alun peut être effectué dans une solution d’eau ou d’huile. L’excédent de liquide est retiré et les peaux sont disposées dans des chambres de séchage pour fixer le collagène de la peau.

Les peaux tannées sont alors traitées avec une solution d’huile dans un foulon ou dans un appareil analogue pour faire pénétrer l’huile dans la peau. Elles sont nettoyées dans des tambours rotatifs contenant de la sciure qui absorbe l’humidité et l’excédent d’huile.

La fourrure se compose de deux éléments: le jarre (les poils raides et longs) et la bourre (les poils plus souples). Selon le type de fourrure et le produit final souhaité, les poils peuvent être ôtés, complètement ou en partie, à la machine ou à la main. Certaines peaux doivent également être tondues ou découpées avec des couteaux (voir figure 88.6).

Figure 88.6 Tonte de peaux de castor canadien

Figure 88.6

Elles peuvent aussi être drayées avec des couteaux à lame cintrée, puis poncées mécaniquement, séchées et finies. Le finissage comprend parfois le dégraissage, l’étirage, le nettoyage, le ponçage, le brossage et le lustrage avec des laques et des résines.

La teinture

Autrefois, la teinture des fourrures était mal considérée. Aujourd’hui, on y a fréquemment recours dans la préparation des fourrures, pendant ou après le tannage. Le procédé habituel consiste à traiter les peaux avec une solution alcaline faible (carbonate de sodium, par exemple) pour enlever les impuretés et les résidus d’huile. Les peaux sont ensuite plongées dans une solution caustique (comme du sulfate ferrique), puis trempées dans la teinture jusqu’à obtention de la couleur souhaitée. Elles sont alors rincées et séchées à plusieurs reprises dans un tambour rotatif contenant de la sciure.

De nombreux autres produits chimiques sont utilisés pour la teinture, notamment l’ammoniaque, le chlorure d’ammonium, le formaldéhyde, le peroxyde d’hydrogène, l’acétate de plomb ou le nitrate de plomb, l’acide oxalique, le perborate de sodium, les teintures à la p -phénylènediamine ou à la benzidine et bien d’autres.

La confection de vêtements de fourrure

Avant d’en faire des vêtements, les peaux doivent être découpées puis étirées. On y pratique des incisions rapprochées, en diagonale ou en V, puis elles sont étirées jusqu’à la longueur et à la largeur nécessaires. Elles sont ensuite assemblées (voir figure 88.7). Cette opération requiert un niveau élevé de qualification et beaucoup d’expérience. Les fourrures sont alors humidifiées, étendues et fixées sur des tables suivant un patron tracé à la craie, mises à sécher et cousues ensemble. Enfin, le vêtement est doublé et soumis à d’autres opérations de finissage.

Figure 88.7 Assemblage de peaux à la machine

Figure 88.7

Les risques et leur prévention

Les accidents

Certaines machines utilisées pour le traitement des peaux peuvent être très dangereuses si elles ne sont pas équipées de bons dispositifs de sécurité. En particulier, tous les tambours doivent être pourvus d’une ouverture verrouillable et les centrifugeuses utilisées pour l’essorage doivent également être munies de couvercles verrouillables eux aussi; les machines servant à couper et à tondre les fourrures doivent être complètement enfermées, à l’exception des orifices d’alimentation et de sortie.

Les bassins doivent être couverts ou entourés d’une barrière protectrice de façon à empêcher toute chute accidentelle. Les chutes sur les sols humides et glissants peuvent être évitées grâce à l’emploi d’un revêtement de sol étanche, bien drainé et fréquemment nettoyé. Les cuves servant aux opérations de teinture seront entourées de canaux d’écoulement. Le nombre d’accidents causés par les outils à main peut être diminué si les poignées de ces outils sont bien conçues et si les instruments sont convenablement entretenus. Dans le secteur de la confection des vêtements de fourrure, les machines à coudre doivent être munies des mêmes dispositifs de protection que celles dont on se sert dans l’industrie du vêtement, notamment pour ce qui est des mécanismes de transmission et des aiguilles.

Les risques pour la santé

L’utilisation, dans l’industrie de la fourrure, d’une très grande proportion de peaux provenant d’animaux élevés en captivité a considérablement réduit le risque de transmission de maladies des animaux aux travailleurs. Toutefois, le charbon peut atteindre les travailleurs qui manipulent les carcasses, les peaux, les cuirs ou les poils d’animaux infectés; toutes les personnes qui sont susceptibles d’effectuer ce travail devraient donc être vaccinées. Le personnel doit être informé de ce risque et recevoir pour consigne de signaler immédiatement tout symptôme suspect.

Des affections cutanées peuvent être provoquées par de nombreuses substances chimiques utilisées pour le traitement des fourrures, notamment les alcalis, les acides, l’alun, les chromates, les décolorants, les huiles, le sel et les composants employés pour la teinture, c’est-à-dire divers types de colorants et de mordants.

L’ouverture des ballots de fourrures qui ont été traitées au moyen de produits protecteurs pulvérulents dans les pays d’origine, le foulonnage, l’ébourrage, le pelanage et le tondage sont autant d’opérations qui peuvent produire des poussières irritantes. Dans les ateliers de teinture et les officines de préparation, où des sels de plomb, de cuivre et de chrome et, parfois, des teintures cancérogènes sont pesés et préparés, il y a aussi des risques d’inhalation de poussières toxiques. Des émanations nocives peuvent se dégager des solvants utilisés pour le dégraissage et des produits chimiques fumigènes. Certains de ces produits chimiques ou la poussière issue de l’une ou de plusieurs sortes de fourrure manipulées peuvent aussi entraîner une sensibilisation par contact (allergie).

La principale protection contre les poussières et les vapeurs nocives consiste à mettre en place un système de ventilation par aspiration localisée; une bonne aération générale est d’ailleurs indispensable pour l’ensemble des opérations et un entretien soigneux des locaux est essentiel pour enlever la poussière. De plus, un équipement de protection respiratoire individuelle peut être nécessaire pour certains travaux de courte durée ou lors d’opérations qui dégagent une poussière abondante. Il convient de se soucier tout particulièrement des risques qui existent dans les espaces réduits, à savoir les cuves ou les bacs utilisés pour le trempage, le lavage, le tannage et la teinture.

Le port de vêtements de protection appropriés est nécessaire pour la plupart des opérations de traitement des fourrures. Des gants de caoutchouc, des bottes et des tabliers sont indispensables lorsqu’on procède à des opérations d’humidification et pour se protéger contre les acides, les alcalis et les autres produits chimiques corrosifs, tels que les teintures et mordants qui emplissent les bassins. Des installations sanitaires convenables, comprenant des douches, devraient être aménagées. Le personnel ne devrait pas se servir de produits décapants ou de savons fortement alcalins pour se laver les mains.

La manutention manuelle, en particulier le déplacement de chariots, le chargement et le déchargement des peaux (surtout si elles sont mouillées) pose parfois des problèmes ergonomiques que l’automatisation peut contribuer à résoudre. De même, les mouvements répétitifs dans la confection de vêtements de fourrure sont susceptibles de déclencher ce type de problèmes.

Les personnes travaillant dans les séchoirs peuvent contracter des maladies liées à la contrainte thermique. Entre autres mesures de prévention, on mentionnera un système approprié d’extraction de l’air chaud et d’apport d’air frais permettant de limiter le temps d’exposition à la chaleur, des points d’eau potable facilement accessibles ainsi qu’une formation au diagnostic des symptômes associés à la contrainte thermique et une formation aux premiers soins.

Nombre de machines, en particulier celles utilisées pour le peignage, le tondage et le lustrage, et les tambours sont bruyants.

Une visite médicale préalable à l’embauche peut permettre de prévenir les dermatoses en assignant aux personnes hypersensibles des tâches mieux adaptées. Une surveillance médicale est souhaitable; en outre, des trousses de premiers secours convenablement approvisionnées et confiées à un personnel expérimenté sont essentielles. Une stricte application des règles d’hygiène, de ventilation et de surveillance de la température est nécessaire dans les nombreux petits ateliers où s’effectue une grande partie de la confection des articles de fourrure.

L’INDUSTRIE DE LA CHAUSSURE

F.L. Conradi et Paulo Portich*

* Adapté de l'article de F.L. Conradi publié dans la 3e édition de l'Encyclopaedia of Occupational Health and Safety.

Le terme «chaussure» recouvre une vaste gamme de produits faits à partir de matériaux variés. Bottes, souliers, sandales, pantoufles, galoches et d’autres encore sont fabriqués, entièrement ou en partie, avec du cuir, du caoutchouc, des matières synthétiques et plastiques, de la toile, de la corde et du bois. Le présent article traite de l’industrie de la chaussure au sens courant du terme, c’est-à-dire celle basée sur les méthodes traditionnelles de fabrication. La manufacture de bottes de caoutchouc (ou de matières synthétiques équivalentes) est l’une des branches de l’industrie du caoutchouc, traitée au chapitre no 80, «L’industrie du caoutchouc».

Les souliers, les bottes et les sandales de cuir, de feutre ou d’autres matières ont été pendant des siècles réalisés à la main. Les chaussures de qualité sont encore fabriquées entièrement ou en partie de cette façon par des artisans mais, dans tous les pays industriels, c’est aujourd’hui la production en série qui prédomine. Pourtant, certaines tâches continuent d’être confiées à des travailleurs à domicile. Le travail des enfants reste l’un des plus graves problèmes de l’industrie de la chaussure, même s’il est vrai que plusieurs pays ont pris des mesures dans le cadre de divers programmes internationaux pour y remédier.

Les fabriques de bottes et de chaussures sont le plus souvent établies à proximité des régions où l’on produit du cuir (c’est-à-dire des zones d’élevage); les pantoufles et les souliers légers proviennent des régions où les usines textiles assurent un approvisionnement abondant en feutre. Dans la plupart des pays, cette industrie reste en général localisée dans les centres où elle a pris naissance. Des cuirs de qualités et de types différents, ainsi que certaines peaux de reptiles, constituent les matériaux de base, les qualités les plus résistantes étant utilisées pour les semelles. Depuis quelques années, le cuir est de plus en plus remplacé par d’autres matières, notamment le caoutchouc et les matières plastiques. Les doublures peuvent être de tissus de laine ou de polyamide (Nylon), ou encore de peau de mouton; les lacets sont faits en crins de cheval ou en fibres synthétiques; on utilise du papier, du carton et des thermoplastiques pour les contreforts. Des cires naturelles ou colorées, des teintures à l’aniline et d’autres agents colorants servent au finissage.

Ces dernières années, l’industrie de la chaussure s’est transformée en raison notamment de facteurs économiques. La fabrication de chaussures de tennis connaît l’une des plus fortes croissances du secteur. Concentrée principalement dans un pays, elle s’est étendue au monde entier, en particulier aux pays en développement de l’Amérique du Sud et de l’Asie, de façon à accroître la production et à réduire les coûts. Cette migration vers des pays en développement a également caractérisé d’autres secteurs de l’industrie de la chaussure.

Les procédés de fabrication

La réalisation d’une chaussure comprend une centaine d’opérations, résumées brièvement ci-après. Chaque étape a été mécanisée, mais la fabrication manuelle sert de référence. L’introduction de nouvelles matières a modifié les procédés de fabrication sans en changer les grandes lignes.

La fabrication des tiges nécessite le tri et la préparation du cuir ou d’autres matières. Les tiges sont taillées avec des coupoirs sur des presses de piquage (ou de gravure). Les diverses parties, y compris les doublures, sont alors «assemblées», c’est-à-dire piquées ou collées ensemble. On procède au besoin à d’autres opérations: perforation, pose d’œillets ou confection de boutonnières.

Pour la partie inférieure, les semelles extérieures et intérieures, les talons et les trépointes sont découpés au moyen de coupoirs à lames mobiles ou de presses moulantes. On fabrique les talons en comprimant du cuir ou des lamelles de bois. L’ensemble est alors découpé, formé, nettoyé et marqué.

Les parties supérieures et inférieures de la chaussure sont ensuite assemblées, puis piquées, collées, clouées ou vissées ensemble. Ces opérations terminées, les chaussures sont mises en forme et lissées au moyen de cylindres. Le finissage de la chaussure comprend le cirage, la coloration, la vaporisation, le polissage et l’emballage.

Parmi les matières premières utilisées au cours de la fabrication, les adhésifs, notamment les adhésifs solides et liquides naturels et les solutions adhésives préparées à partir de solvants organiques, représentent les plus importants risques professionnels.

Les risques et leur prévention

L’utilisation intensive de liquides inflammables entraîne un fort risque d’incendie et l’emploi très répandu de presses et de machines d’assemblage a accru par ailleurs les risques d’accidents. Les principaux dangers pour la santé des travailleurs sont l’usage des solvants toxiques, les fortes concentrations de poussières dans l’air, les risques dues à des carences ergonomiques et le bruit provenant des machines.

Les incendies

Les solvants et les produits de vaporisation servant à fabriquer les adhésifs et les matériaux de finition sont parfois très inflammables. Il faut:

Les accidents

Nombre de parties mobiles des machines font encourir des risques graves aux travailleurs, notamment les presses, les machines à marquer, les cylindres et les machines à tailler. Les découpoirs des presses à piquer et des presses à plateau mobile peuvent causer de graves blessures. Diverses précautions élémentaires s’imposent donc: commandes à deux mains (assorties, le cas échéant, d’un dispositif comportant une cellule photoélectrique pour couper automatiquement l’alimentation électrique), réduction de la course à un niveau ne présentant pas de danger par rapport à la dimension du coupoir et utilisation de coupoirs bien conçus, stables, présentant la hauteur voulue et dont les flasques seront éventuellement munies de poignées. Les formes pour le moulage des semelles et les presses à talons devront comporter une rambarde pour protéger les mains. Ces machines à marquer le cuir peuvent provoquer des brûlures ou l’écrasement des doigts si l’on n’empêche pas la main d’avancer trop loin. Les angles rentrants des cylindres et les couteaux des formes devront être munis de dispositifs de protection. Il en sera de même pour les disques de coloration et de polissage des machines de finissage, ainsi que pour les broches sur lesquelles ils sont montés. Un programme rigoureux de réparation et d’entretien des dispositifs de verrouillage doit être mis en place.

Les risques pour la santé

Les solvants organiques peuvent avoir des effets aigus et chroniques sur le système nerveux central. Le benzène, qui était autrefois utilisé dans les adhésifs et les solvants, a été remplacé par le toluène, le xylène, l’hexane, le méthyléthylcétone et le méthylbutylcétone. Le n-hexane et le méthylétylcétone peuvent causer une neuropathie périphérique et devraient être remplacés par l’heptane ou d’autres solvants.

Dans nombre de manufactures, on a enregistré des épidémies d’une maladie connue sous le nom de «paralysie du cordonnier» et caractérisée par les signes cliniques d’une forme de paralysie plus ou moins grave. Il s’agit d’une paralysie de type flasque, localisée dans les membres supérieurs ou inférieurs qui entraîne une atrophie ostéotendineuse avec une aréflexie, sans altération de la sensibilité superficielle ou profonde. Du point de vue clinique, ce syndrome résulte d’une inhibition ou d’une lésion fonctionnelle des neurones moteurs inférieurs du système moteur volontaire (système pyramidal). Le plus souvent, il conduit à une régression neurologique avec une récupération fonctionnelle proximodistale extensive.

Une bonne ventilation générale ainsi qu’une aspiration des vapeurs au point d’origine devront être prévues afin de maintenir des concentrations nettement inférieures aux valeurs maximales admissibles. Le respect de ces valeurs est également de nature à diminuer les risques d’incendie. Entre autres précautions importantes, on veillera à réduire au minimum la quantité de solvants mis en œuvre, à munir d’une protection les équipements qui servent à utiliser des solvants et à fermer les récipients contenant ces substances.

Les machines de finissage répandent des poussières qu’il convient d’éliminer par un dispositif d’aspiration. Des cirages, teintures, colorants et colles en polychloroprène peuvent occasionner des dermites. Il y a lieu de prévoir des installations sanitaires appropriées et d’encourager une bonne hygiène corporelle.

L’utilisation intensive accrue de machines et d’équipements crée d’importants risques liés au bruit qui doit être contrôlé à la source et faire l’objet de diverses mesures de prévention. On devrait également mettre en place un programme visant à préserver les capacités auditives.

Un travail prolongé sur les machines à clouter, dont la trépidation est intense, peut provoquer une sensation de «main morte» (phénomène de Raynaud). Il est donc recommandé de limiter le temps de travail sur ces machines.

Les douleurs de la ceinture et les blessures dues à des efforts répétés constituent des maladies musculo-squelettiques qui comptent parmi les principaux problèmes de l’industrie de la chaussure. Il est essentiel de prévenir ces problèmes par des solutions ergonomiques. Des examens médicaux préalables à l’embauche et des examens médicaux périodiques contribuent efficacement à protéger la santé des travailleurs.

Les risques pour l’environnement et pour la santé publique

Le Sommet de la Terre, tenu à Rio de Janeiro en 1992, portait sur les problèmes d’environnement et les mesures qu’il propose — connues sous le terme Action 21 —, en mettant l’accent sur le recyclage des déchets, pourraient transformer l’industrie de la chaussure. Toutefois, d’une manière générale, la plupart des résidus de matériaux sont abandonnés dans des décharges. L’absence de précautions appropriées peut entraîner une pollution du sol et des nappes phréatiques.

Le travail à domicile comporte des avantages sociaux puisqu’il permet une diminution du chômage et la création de coopératives. Il est toutefois très difficile d’y assurer de bonnes conditions de travail et des mesures de prévention appropriées. Il présente en outre l’inconvénient de faire encourir des risques à d’autres membres de la famille s’ils accomplissent des tâches pour lesquelles ils manquent d’expérience. Comme on l’a mentionné précédemment, le travail des enfants demeure un problème grave.

LES EFFETS SUR LA SANTÉ ET LES TYPES DE MALADIES

Frank B. Stern

Le tannage du cuir

Le groupe 323 de la Classification internationale type des professions (CITP) est celui qui couvre principalement l’industrie du cuir et de la fourrure. Aux Etats-Unis, le groupe 311 de la Classification type des branches d’activité (Standard Industrial Classification (SIC)) porte sur l’industrie du cuir et les produits de la fabrication du cuir (Office of Management and Budget (OMB), 1987). Ce groupe comprend les établissements de tannage, de corroyage et de finissage des peaux et cuirs, les manufactures de cuirs finis, d’articles de cuir synthétique ou d’autres matériaux, les convertisseurs de cuir, le cuir pour transmission et les peaux de chamois. En outre, certains sous-groupes du SIC 23 (SIC 2371 et SIC 2386) comprennent les établissements fabriquant des manteaux, des vêtements, des accessoires, des ouvrages de passementerie faits en fourrure et des vêtements doublés de peau de mouton.

Il existe de nombreux types de cuir aux caractéristiques variées qui dépendent de l’espèce animale et de la partie du corps dont la peau est issue. Les cuirs proviennent des bovins ou des chevaux; le cuir fantaisie est fabriqué à partir de peaux de veau, de porc, de chèvre, de mouton; les peaux de reptiles viennent aussi des crocodiles, des lézards ou des caméléons.

L’industrie du cuir et la fabrication d’articles de cuir sont à l’origine de diverses maladies professionnelles causées par des agents biologiques, toxicologiques et cancérogènes. Les maladies spécifiques à l’industrie du cuir dépendent de l’exposition du travailleur à ces agents, laquelle est fonction des tâches et du lieu de travail.

Avant le tannage, l’épiderme est séparé de la peau. Seul le derme est transformé en cuir. Pendant cette opération, le risque d’infection est constant, car les peaux sont porteuses de nombreux micro-organismes. Des colonies de champignons peuvent se développer, en particulier Aspergillus niger et Penicillus glaucum (Martignone, 1964). Afin d’éviter le développement de champignons, les phénols chlorés et, plus spécifiquement, le pentachlorophénol, sont largement utilisés. Or, on a constaté que ces substances étaient toxiques. Des levures de trois genres (Rhodotorula, Cladosporium et Torulopsis ) ont également été identifiées (Kallenberger, 1978). Le tétanos, le charbon, la leptospirose, l’aphte épizootique, la fièvre Q et la brucellose figurent parmi les maladies que les travailleurs peuvent contracter pendant le tannage en raison de peaux infectées (Valsecchi et Fiorio, 1978).

Des affections cutanées comme l’eczéma et la dermite de contact (allergique) ont également été diagnostiquées chez les tanneurs exposés aux conservateurs qui sont appliqués aux peaux (Abrams et Warr, 1951). Il a été démontré que, parmi toutes les branches aux Etats-Unis, c’est dans les opérations de tannage et de finissage du cuir que l’on enregistre le nombre le plus élevé de dermites (Anonyme, 1979). Des irritations des muqueuses de la gorge et des muqueuses nasales, et des perforations du septum nasal, peuvent également se produire après l’inhalation des vapeurs d’acide chromique qui se dégagent pendant le tannage au chrome.

Les tanneurs sont exposés à de nombreuses substances dont la nature cancérogène est reconnue ou supposée, notamment les sels de chrome hexavalent, les colorants azoïques à base de benzène, les solvants organiques (benzène et formaldéhyde), le pentachlorophénol, les composés N-nitroso, l’arsenic, le diméthylformamide et les poussières de cuir en suspension dans l’air. L’exposition à ces substances peut favoriser le développement de divers types de cancers. Des études menées en Italie (Seniori Costantini, Merler et Saracci, 1990; Bonassi et coll., 1990) et une étude cas-témoin effectuée aux Etats-Unis (Garabrant et Wegman, 1984) ont mis en évidence un nombre excessif de cancers du poumon. D’autres travaux ne confirment pas ces résultats (Mikoczy, Schutz et Hagmar, 1994; Stern et coll., 1987; Pippard et Acheson, 1985). Le chrome et les substances à base d’arsenic contribueraient au nombre excessif de cas de cancers du poumon. On a observé un risque sensiblement accru de sarcomes des tissus mous dans au moins deux études distinctes sur le tannage, l’une menée en Italie, l’autre au Royaume-Uni; dans les deux cas, les chercheurs estiment que les chlorophénols utilisés dans les tanneries pourraient être responsables de ces tumeurs malignes (Seniori Costantini et coll., 1989; Mikoczy, Schutz et Hagmar, 1994). Il ressort d’une étude de cas menée en Suède que la mortalité due au cancer du pancréas est trois fois supérieure à la normale (Edling et coll., 1986); de même, un accroissement de 50% du cancer du pancréas a été observé dans d’autres études portant sur trois tanneries en Suède (Mikoczy, Schutz et Hagmar, 1994) et sur une tannerie en Italie (Seniori Costantini et coll., 1989). Même si une fréquence excessive du cancer du pancréas a été constatée, aucun agent lié au milieu professionnel n’a été identifié et des facteurs diététiques pourraient en être la cause. On a observé un risque élevé de cancer des testicules parmi les tanneurs employés au finissage dans une tannerie; les trois personnes souffrant de cette forme de cancer avaient travaillé pendant la même période et étaient exposées au diméthylformamide (Levin et coll., 1987; Calvert et coll., 1990). Une étude de cas réalisée dans une tannerie en Italie a fait apparaître un taux excessif de cancer des voies nasales et des sinus; le chrome, la poussière de cuir et les tanins seraient des agents étiologiques (Comba et coll., 1992; Battista et coll., 1995). Toutefois, les recherches menées par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) au début des années quatre-vingt n’ont pas montré d’association entre le tannage du cuir et le cancer des voies nasales (CIRC, 1981). En Chine, les résultats d’une étude menée dans l’industrie de la tannerie mettent en évidence un taux statistiquement significatif de morts par cancer de la vessie chez les tanneurs exposés aux colorants à base de benzidine (Chen, 1990) et qui augmente avec la durée de l’exposition.

Les accidents sont également une des premières causes d’invalidité chez les tanneurs. Les glissades et les chutes sur les sols humides et graisseux sont fréquentes, comme les coupures lors de l’équarrissage des peaux. Par ailleurs, diverses machines peuvent entraîner contusions, écorchures, écrasements et amputations. Ainsi, pour 1994, le Bureau américain des statistiques du travail (Bureau of Labor Statistics (BLS)) fait état d’un taux d’accident et de maladie (SIC 311) de 19,1% pour les travailleurs à temps plein, et d’un taux d’accident de 16,4%. Ces résultats dépassent de plus de 50% le taux d’accident et de maladie tous secteurs de l’industrie manufacturière confondus, qui est de 12,2% pour les travailleurs à plein temps et de 10,4% si l’on considère seulement les accidents (BLS, 1995).

L’industrie de la chaussure

Dans la fabrication des chaussures et des bottes, la manutention et le traitement du cuir peuvent entraîner des maladies causées par l’exposition à certaines des substances chimiques mentionnées précédemment et utilisées pour le tannage et le finissage. De plus, diverses substances chimiques peuvent produire d’autres maladies. L’exposition aux solvants toxiques, contenus dans les adhésifs et les produits nettoyants, et aux poussières de cuir en suspension dans l’air est particulièrement préoccupante. L’emploi du benzène peut provoquer une thrombopénie (diminution du nombre des globules rouges, des plaquettes et des globules blancs dans le sang) ou une pancytopénie. Le benzène a été presque éliminé de l’industrie de la chaussure. On a également constaté, dans certaines fabriques de chaussures, des cas de neuropathie périphérique dus au n -hexane contenu dans les adhésifs. Cette substance a également été largement remplacée par des solvants moins toxiques. Des cas de changements électroencéphalographiques, de lésions du foie et d’altérations du comportement dus à l’exposition à des solvants ont été signalés chez des travailleurs de l’industrie de la chaussure.

Le benzène a été considéré comme cancérogène pour l’humain (CIRC, 1982) et plusieurs chercheurs ont observé un nombre important de cas de leucémie parmi les travailleurs exposés à cette substance dans l’industrie de la chaussure. Une étude a été faite sur la plus grande manufacture de chaussures à Florence, en Italie, portant sur plus de 2 000 employés. Elle a mis en évidence un risque de leucémie quatre fois supérieur à la moyenne, l’exposition au benzène étant retenue comme la cause la plus probable (Paci et coll., 1989). Des recherches menées à la suite de cette étude ont montré un risque cinq fois supérieur pour les travailleurs très exposés au benzène (Fu et coll., 1996). Une étude au Royaume-Uni sur le taux de mortalité chez les travailleurs de l’industrie de la chaussure manipulant des colles et des solvants à base de benzène a mis en évidence un risque élevé de leucémie (Pippard et Acheson, 1985). Plusieurs études effectuées à Istanbul (Turquie) ont fait apparaître un taux de risque excessif de leucémie due à l’exposition au benzène. Lorsque cette substance a été remplacée par le pétrole, le nombre absolu de cas de leucémie et les risques de contracter cette maladie ont chuté considérablement (Aksoy, Erdem et Dincol, 1974, 1976; Aksoy et Erdem, 1978).

Plusieurs types de cancer des voies nasales (adénocarcinome, carcinome spinocellulaire et carcinome à cellules transitionnelles) sont liés au travail dans les fabriques de chaussures et de cordonnerie. Des risques de cette nature, dix fois supérieurs, ont été signalés dans des études faites en Italie et au Royaume-Uni (Fu et coll., 1996; Comba et coll., 1992; Merler et coll., 1986; Pippard et Acheson, 1985; Acheson, Cowdell et Rang, 1972; Acheson, 1976; Cecchi et coll., 1980), ces résultats ne s’appliquent pas aux Etats-Unis (Decoufle et Walrath, 1987; Walker et coll., 1993). Les risques élevés de cancer des voies nasales, dans presque tous les cas, touchent des personnes extrêmement exposées aux poussières de cuir dans les salles de préparation et de finissage. La relation entre l’exposition aux poussières de cuir et l’accroissement des risques de cancer des voies nasales n’est pas connue.

D’autres études ont mis en évidence un nombre excessif de cancers de l’appareil digestif et des voies urinaires, notamment le cancer de la vessie (Malker et coll., 1984; Morrison et coll., 1985), des reins (Walker et coll., 1993; Malker et coll., 1984), de l’estomac (Walrath, Decoufle et Thomas, 1987) et du rectum (Decoufle et Walrath, 1983; Walrath, Decoufle et Thomas, 1987), mais ces cas n’ont pas été systématiquement signalés et n’ont pas été associés à des expositions particulières dans le secteur en question.

Les dangers ergonomiques entraînant des troubles musculo-squelettiques liés au travail constituent des problèmes majeurs dans l’industrie de la chaussure. Ils sont dus à l’équipement spécialisé utilisé et au travail manuel répétitif, aux efforts physiques importants et aux postures incommodes. Il ressort des données dont dispose le BLS que l’industrie de la chaussure pour hommes est l’un des secteurs dans lequel les troubles consécutifs à des traumatismes répétés et entraînant des maladies non mortelles atteignent le taux le plus élevé (BLS, 1995). Pour l’industrie de la chaussure, dans son ensemble, le taux de fréquence des maladies prises conjointement et des lésions professionnelles est de 11,9% des travailleurs (et de 8,6% pour les lésions seules). Ces taux sont légèrement inférieurs à ceux enregistrés dans toutes les industries manufacturières. Dans l’industrie de la chaussure, les troubles musculo-squelettiques liés au travail comprennent notamment: tendinites, synovites, ténosynovites, hygromas, kystes ganglionnaires, tensions, syndrome du canal carpien, lombalgies et lésions des vertèbres cervicales.

Les travailleurs de la fourrure

L’industrie de la fourrure comprend trois catégories de travailleurs. Les préparateurs, qui apprêtent et tannent les peaux; les teinturiers, qui teignent les peaux avec des colorants naturels ou synthétiques; et enfin les manutentionnaires qui classent, assemblent et emballent les fourrures apprêtées. Les deux premières catégories sont exposées à des substances potentiellement cancérogènes, notamment les tanins, les colorants oxydatifs, le chrome et le formaldéhyde, tandis que les travailleurs de la troisième catégorie peuvent être exposés aux résidus de tannage en manipulant les fourrures apprêtées. Rares sont les études épidémiologiques sur les fourreurs. La seule qui ait été menée de manière approfondie a fait apparaître, par rapport au taux global enregistré aux Etats-Unis, des risques statistiquement élevés de cancer colorectal et de cancer du foie parmi les teinturiers, de cancer du poumon chez les préparateurs et de maladies cardio-vasculaires parmi les manutentionnaires (Sweeney, Walrath et Waxweiler, 1985).

LA PROTECTION DE L’ENVIRONNEMENT ET LES PROBLÈMES DE SANTÉ PUBLIQUE

Jerry Spiegel

Le traitement et la transformation des peaux peuvent avoir des répercussions considérables sur l’environnement. Les rejets d’eaux usées contiennent des polluants provenant des peaux et des substances issues de leur décomposition, des produits chimiques et diverses solutions résiduaires qui sont utilisées pour la préparation des peaux et le tannage. A cela peuvent s’ajouter des déchets solides et des émissions dans l’atmosphère.

Les odeurs et la pollution de l’eau par des déchets non traités ont été de tout temps une préoccupation majeure des populations. Plus récemment, d’autres questions se sont posées avec l’emploi croissant de produits chimiques synthétiques comme les pesticides, les solvants, les colorants, les agents de finissage et de nouveaux procédés de traitement chimique qui posent des problèmes de toxicité et de rémanence.

De simples mesures destinées à contrôler la pollution peuvent à leur tour avoir des effets secondaires sur plusieurs milieux et d’un milieu sur l’autre (pollution des nappes phréatiques, contamination des sols, déversement de boues et intoxication par des substances chimiques).

Les techniques actuelles de tannage, plus économes en produits chimiques et en eau, ont moins d’impact sur l’environnement que les opérations traditionnelles. Toutefois, de nombreux obstacles subsistent à leur application généralisée.

La figure 88.8 présente les différents déchets et les impacts sur l’environnement liés aux opérations de tannerie.

Figure 88.8 Impacts sur l'environnement associés aux opération de tannerie

Figure 88.8

Les mesures de lutte contre la pollution

La lutte contre la pollution de l’eau

Les déchets non traités des tanneries dans les eaux de surface peuvent entraîner une détérioration rapide de leurs propriétés physiques, chimiques et biologiques. De simples procédés de traitement des effluents au point de rejet peuvent éliminer plus de 50% des matières en suspension et la demande biochimique en oxygène (DBO) de l’effluent. Des mesures plus perfectionnées permettent un degré plus élevé de traitement.

Les effluents de tannage contiennent divers éléments chimiques qui doivent être traités, et cela à plusieurs reprises. Il est nécessaire de séparer les écoulements pour permettre un traitement diversifié des flux de déchets concentrés.

Le tableau 88.1 résume diverses solutions techniques pour le traitement des effluents de tannerie.

Tableau 88.1 Possibilités techniques de traitement des effluents de tannerie

Prétraitement

Tri mécanique des matières brutes qui se sont décantées

Traitement primaire

Elimination du sulfure des effluents de l’atelier de travail de rivière

 

Elimination du chrome des effluents de tannage

 

Traitement physico-chimique pour éliminer la demande biochimique en oxygène et pour la neutralisation

Traitement secondaire

Traitement biologique

 

Boue activée (fosse d’oxydation)

 

Boue activée (conventionnel)

 

Lagunage (aéré, facultatif ou anaérobie)

Traitement tertiaire

Nitrification et dénitrification

Sédimentation et traitement des boues

Différentes formes et dimensions des réservoirs et bassins

La lutte contre la pollution de l’air

Les émissions dans l’air se divisent en trois grandes catégories: les odeurs, les vapeurs de solvants au moment des opérations de finissage et les gaz émis par l’incinération de déchets.

La décomposition biologique des matières organiques ainsi que le sulfure et l’ammoniac émis par les eaux usées sont à l’origine des odeurs gênantes qui caractérisent les tanneries. En raison de ces odeurs, l’emplacement des installations pose aussi des problèmes. La diminution de ces odeurs est plus une question d’entretien que de technologie.

Les vapeurs de solvants et d’autres produits qui se dégagent pendant les opérations de finissage varient selon les types de produits chimiques et les techniques appliquées pour réduire la production et le rejet de ces vapeurs. Jusqu’à 30% des solvants utilisés peuvent être rejetés dans l’air. Dans de nombreux cas, les techniques modernes disponibles permettent d’abaisser ces émissions à environ 3%.

La pratique qui consiste dans beaucoup de tanneries à brûler les déchets solides et les chutes de cuir impose l’emploi de bons incinérateurs et une surveillance attentive de ces opérations.

La gestion des déchets

Le traitement des boues résiduaires constitue le principal problème d’élimination, abstraction faite des effluents. Les boues organiques, si elles ne contiennent pas de chrome ou de sulfures, peuvent servir à traiter les sols et, dans une moindre mesure, à les fertiliser grâce à leurs composés azotés. C’est en labourant le sol immédiatement après l’épandage des résidus qu’on obtient les meilleurs résultats. Dans diverses régions, l’autorisation d’exploiter des sols contenant du chrome a suscité des controverses.

Plusieurs débouchés existent pour la transformation des déchets et des chairs en produits dérivés destinés à de multiples usages, comme la production de gélatine, de colle, de synderme, de suif et de protéine pour l’alimentation des animaux. Les effluents de fabrication, une fois soumis à un traitement approprié et à un contrôle de qualité, sont parfois utilisés pour l’irrigation des terres lorsqu’il y a pénurie d’eau ou lorsque le rejet d’effluents fait l’objet de sévères restrictions.

Pour éviter les problèmes entraînés par la formation et les odeurs de lixiviat, seules les boues solides et déshydratées devraient être mises en décharge. Il faut s’assurer que les déchets de tannerie ne réagissent pas avec d’autres résidus industriels, comme les déchets acides, qui peuvent, par réaction, créer des gaz de sulfure d’hydrogène toxiques. L’incinération dans des conditions incontrôlées est déconseillée, car elle peut entraîner des émanations non tolérables.

La prévention de la pollution

L’amélioration des techniques de production, afin d’accroître le rendement écologique, peut permettre d’atteindre plusieurs objectifs, tels que:

La consommation d’eau peut varier dans des proportions considérables, allant de 25 l/kg de peau brute à plus de 80 l/kg. L’eau peut être mieux utilisée grâce à diverses techniques comme le contrôle accru du volume des eaux de production; le lavage en bassins plutôt qu’en eau courante; la modification ou la modernisation des équipements existants pour diminuer la quantité d’eau nécessaire; la réutilisation des eaux usées dans les processus de fabrication moins délicats et le recyclage des bains de traitement.

Le reverdissage et le pelanage représentent plus de 50% des charges de demande biochimique en oxygène (DBO) et de demande chimique en oxygène (DCO) dans les effluents de tannage ordinaires. Diverses méthodes peuvent être utilisées pour remplacer le sulfure, recycler les bains de chaux ou de sulfure et appliquer des techniques de fonte.

La pollution par le chrome peut être réduite au moyen de mesures visant à accroître la quantité de chrome fixée dans le bassin de tannage et à réduire celle qui est déversée pendant les stades ultérieurs de fabrication. Pour réduire les émissions de chrome, on peut également recycler directement les bains qui contiennent du chrome (ce qui abaisse également la teneur en sel des effluents résiduaires) et traiter avec de l’alcali les bains contenant du chrome pour précipiter le chrome en tant qu’hydroxyde, lequel peut alors être recyclé (voir figure 88.9).

Figure 88.9 Diagramme d'une usine municipale de récupération du chrome

Figure 88.9

En cas de tannage végétal, le préconditionnement des peaux peut améliorer leur imprégnation et leur fixation et contribuer à diminuer les concentrations de tanin dans les effluents. D’autres agents tanniques comme le titanium sont utilisés en tant que produits de remplacement du chrome pour produire des sels en général moins toxiques ainsi que des boues inertes plus sûres à manipuler.

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