Page d'accueil du BIT

Chapitre 69 - La chasse

PRÉSENTATION DE LA CHASSE ET DU PIÉGEAGE DANS LES ANNÉES QUATRE-VINGT-DIX

John N. Trent

Vue d’ensemble du secteur

La chasse et le piégeage des animaux sauvages sont deux activités humaines dont l’origine remonte à la nuit des temps et qui perdurent sous diverses formes dans le monde. Elles ont toutes deux pour but de capturer et de tuer certaines espèces cibles qui vivent dans des habitats sauvages ou relativement intacts. On chasse toutes sortes d’espèces animales. Le petit gibier, comme le lièvre, le lapin et l’écureuil, est chassé dans le monde entier. Parmi le gros gibier, qui fait souvent l’objet de la convoitise des chasseurs, on signalera les cervidés, les antilopes, les ours et les grands fauves. En ce qui concerne le gibier à plume, les espèces les plus appréciées des chasseurs sont la sauvagine et le faisan. Le piégeage est limité aux animaux à fourrure ayant une valeur marchande ou une utilité pour les trappeurs. Dans les zones tempérées nordiques, le castor, le rat musqué, le vison, le loup, le lynx roux, le lynx et le raton laveur font l’objet d’un piégeage intensif.

La chasse est l’affût et la mise à mort d’animaux sauvages, généralement pour se nourrir, se vêtir ou se divertir. Depuis peu, la chasse est considérée, dans certains cas, comme un moyen de maintenir la continuité d’une culture indigène. C’est notamment ce qui explique la reprise de la chasse de subsistance à la baleine boréale dans le nord de l’Alaska. Les chasseurs utilisent généralement des armes à projectiles telles que le fusil de chasse, la carabine ou l’arc. Les trappeurs sont plus spécialisés et doivent capturer quantité de mammifères à fourrure sans endommager la peau. Le collet et l’assommoir sont employés depuis des millénaires. Pour certaines espèces, le piège à mâchoires (capitonnées ou non) est toujours d’usage courant, mais pour d’autres, on se sert de préférence des pièges mortels de type Conibear.

L’évolution et la structure de l’activité

Il subsiste dans le monde des sociétés traditionnelles où la chasse demeure une activité de survie individuelle qui n’a pratiquement pas changé depuis l’ère antérieure à l’avènement de l’élevage et de l’agriculture. De nos jours, cependant, la plupart des chasseurs pratiquent la chasse comme un sport; certains chasseurs ou trappeurs professionnels en tirent une partie de leurs revenus, mais rares sont ceux qui exercent cette activité à plein temps. Le commerce lié à la chasse et au piégeage a probablement débuté par le troc de la chair et des peaux excédentaires. Il s’est progressivement transformé en une série d’activités spécialisées, mais interdépendantes telles que le tannage, la préparation des peaux et des fourrures, la confection de vêtements, la production de matériel et d’équipement de chasse, de piégeage et de plein air, auxquelles viennent se greffer également le métier de guide professionnel et la protection de la faune.

L’importance économique

Ainsi que l’attestent l’évolution de la faune, le sort des peuples indigènes et le caractère de bien des nations aujourd’hui, la quête des fourrures sauvages dans un but commercial a exercé une influence déterminante sur le cours de l’histoire durant les derniers siècles (voir Hinnis, 1973). Une des caractéristiques permanentes du commerce des fourrures est que la demande — et, par conséquent, les prix — peut fluctuer considérablement. Ainsi, du fait de l’évolution de la mode en Europe pendant les premières décennies du XIXe siècle, les chapeaux en feutre, fabriqués à base de fourrure de castor, ont été remplacés par des chapeaux en soie, et ce fut la fin de la belle époque des montagnards des Rocheuses en Amérique du Nord. L’influence d’une telle évolution sur des personnes qui vivent de la récolte de la fourrure peut être brutale et avoir de graves conséquences. Les manifestations publiques organisées contre l’abattage à coups de gourdin des bébés phoques du Groenland dans la région ouest de l’Atlantique Nord, au cours des années soixante-dix, ont eu des conséquences économiques et sociales catastrophiques pour certaines petites localités côtières de la province de Terre-Neuve, au Canada.

Le piégeage et la chasse jouent encore un rôle économique important dans bien des régions rurales. Les dépenses liées à ces activités peuvent atteindre des sommes considérables. En 1991, les chasseurs américains de gros gibier, dont le nombre était évalué à 10,7 millions, ont dépensé 5,1 milliards de dollars E.-U. pour leurs déplacements et leur équipement (US Department of the Interior, Fish and Wildlife Service et US Department of Commerce, Bureau of the Census, 1993).

Les caractéristiques de la main-d’œuvre

La chasse professionnelle est devenue rare dans les pays développés (si l’on excepte les guides de métier) et elle se limite généralement à des opérations de tri éliminatoire (chez les prédateurs ou en cas de surpopulation chez les ongulés) et au contingentement des colonies d’animaux nuisibles (les alligators, par exemple). Autrement dit, la chasse est aujourd’hui en grande partie une activité de subsistance ou un divertissement, tandis que le piégeage reste une activité rémunératrice en milieu rural. La plupart des chasseurs et des trappeurs sont des hommes. En 1991, 92% des 14,1 millions de personnes (âgées de 16 ans ou plus) pratiquant la chasse aux Etats-Unis étaient de sexe masculin. La chasse et le piégeage attirent des personnes vigoureuses, de caractère indépendant, qui aiment travailler et vivre à la campagne. Ce sont deux activités traditionnelles pour de nombreuses familles rurales dans lesquelles les parents ou les aînés apprennent aux jeunes à chasser ainsi qu’à préparer la nourriture, les peaux et les vêtements. C’est aussi une activité saisonnière qui apporte un complément alimentaire et qui, dans le cas du piégeage, assure des rentrées d’argent. La connaissance approfondie des habitudes du gibier et l’aptitude à vivre dans la nature sont de précieux atouts. Un moyen de transport efficace vers les zones de chasse et de piégeage est également impératif.

Les principaux secteurs et procédés

La chasse consiste à repérer et à approcher de près un animal sauvage, puis à le tuer, en appliquant une série de règles officielles et de règles tacites (Ortega y Gasset, 1985). Le déplacement jusqu’à la zone de chasse représente souvent une dépense importante, surtout pour les chasseurs qui viennent des grandes villes. Le transport est également une source majeure de risques professionnels. Les accidents d’automobile, d’avion léger et d’embarcation, comme ceux qui peuvent arriver avec les chevaux, les véhicules tout terrain et les véhicules de transport sur la neige sont autant de dangers potentiels, sans oublier les intempéries et les difficultés du terrain. Il est aussi toujours possible de se perdre en pleine nature. Les chasseurs à la poursuite d’espèces cynégétiques dangereuses comme les ours, les éléphants et les buffles sont constamment sous la menace d’une attaque. Dans les petites cabanes ou les tentes, les incendies, l’intoxication au monoxyde de carbone et les accidents dus à l’utilisation du propane sont des risques omniprésents. Les chasseurs comme les trappeurs risquent à tout moment de se blesser en manipulant des objets tranchants et, dans le cas des chasseurs à l’arc, des flèches à pointe large. Les accidents dus aux armes à feu sont également une cause connue de lésions et de décès chez les chasseurs, malgré des efforts de prévention incessants.

Les trappeurs sont généralement exposés aux mêmes dangers que les chasseurs. En outre, dans les régions circumpolaires, les cas d’engelures et d’hypothermie sont plus fréquents. Les risques de chute dans les lacs et les rivières couverts de glace durant l’hiver sont également très élevés. Certains trappeurs parcourent de longues distances seuls et doivent manipuler leurs pièges avec précaution, dans des conditions souvent pénibles. Une erreur peut entraîner la luxation ou la fracture d’un ou de plusieurs doigts, voire d’un bras. De plus, la morsure d’un animal capturé vivant n’est jamais à exclure. Les attaques de renards atteints de la rage ou d’animaux de grande taille tels que des ours ou des élans pendant la saison des amours sont exceptionnelles, mais non inconnues. L’écorchage et la manipulation de la fourrure exposent les trappeurs à des coupures, voire à des maladies.

Les techniques cynégétiques

Les armes à feu

Les armes à feu sont l’équipement de base de pratiquement tous les chasseurs. Les fusils de chasse et les carabines modernes sont les plus en vogue, mais la chasse à l’arme de poing ou aux armes primitives à chargement par la bouche est devenue plus fréquente dans certains pays développés depuis le début des années soixante-dix. Toutes ces armes sont essentiellement des plates-formes de lancement et de pointage d’un seul projectile (une balle ) ou, dans le cas des fusils de chasse, d’une gerbe de petits projectiles à courte portée (appelés plombs ). La portée utile dépend du type d’arme à feu utilisé et de l’habileté du chasseur. Elle peut aller de quelques mètres à plusieurs centaines de mètres dans la plupart des conditions. Les balles de fusil peuvent encore causer des dégâts ou des blessures à plusieurs milliers de mètres.

La majeure partie des accidents de chasse dus aux armes à feu surviennent lorsque l’arme se décharge accidentellement ou lorsque la victime n’a pas été vue par le tireur. Les fabricants actuels d’armes à feu utilisées pour la chasse et le piégeage sont parvenus, à quelques exceptions près, à produire un équipement techniquement sûr et fiable, à des prix concurrentiels. De très gros efforts ont été faits pour améliorer le dispositif de sécurité des armes afin d’éviter les décharges accidentelles, mais la prudence dans l’utilisation des armes à feu est toujours de rigueur. Les armuriers, les pouvoirs publics et les groupes privés tels que les clubs de chasse se sont tous efforcés d’accroître la sécurité des armes à feu et la protection des chasseurs en mettant surtout l’accent sur l’entreposage, l’utilisation et la manipulation sans danger des armes à feu.

Selon la définition adoptée par l’Association internationale de formation des chasseurs (International Hunter Education Association (IHEA)), est considéré comme un accident de chasse «tout événement attribué directement ou indirectement à une arme à feu ou à un arc, qui entraîne des blessures ou le décès d’une ou de plusieurs personnes à la suite d’actes d’une autre personne pendant la chasse» (IHEA, 1995). En 1995, 17 millions de personnes se sont fait délivrer un permis de chasse aux Etats-Unis (Alaska non compris); la même année, 107 décès et 1 094 blessures causés par des accidents de chasse ont été déclarés à l’IHEA. Le type d’accident le plus courant est celui où la victime n’a pas été vue par le tireur. On a constaté que le port de vêtements de couleur orange vif ou orange chasseur réduit le nombre d’accidents de ce genre dans les Etats où il est obligatoire. Le port systématique de vêtements de couleur orange vif est recommandé par l’IHEA. Il est actuellement obligatoire dans 40 Etats, mais dans certains d’entre eux, ce règlement ne s’applique qu’aux terres domaniales ou à la chasse au gros gibier. D’après les données de l’IHEA, les accidents où le chasseur se blesse lui-même viennent en deuxième position (31% du total en 1995).

Les pouvoirs publics encouragent la sécurité à la chasse et dans le maniement des armes à feu par divers moyens. Dans certains pays européens, les chasseurs doivent passer un examen écrit ou prouver leur compétence dans la chasse de telle ou telle espèce. Aux Etats-Unis, l’éducation des chasseurs, à laquelle on accorde une très grande importance, relève des Etats. Pour être autorisé à chasser, il est obligatoire, dans tout le pays, d’être porteur d’une carte attestant que l’on a suivi une formation. Un minimum de dix heures d’instruction est exigé. La formation porte notamment sur les responsabilités du chasseur, la préservation de la faune, les armes à feu, la déontologie cynégétique, les types de chasse, la survie et les soins d’urgence.

Autres techniques

Au cours des dernières décennies, la performance des arcs composites a mis la chasse à l’arc à la portée de millions de chasseurs sportifs. Ces arcs sont munis d’un système de poulies et de câbles qui réduisent considérablement la force et l’entraînement nécessaires pour chasser avec les arcs classiques. Les chasseurs à l’arc utilisent des flèches dont les extrémités sont tranchantes comme une lame de rasoir. Les deux types d’accidents courants dans la pratique de ce genre de chasse sont les coupures dues aux pointes de flèche et les chutes sur des pointes de flèche non protégées. Pour obtenir de bons résultats à la chasse à l’arc, une connaissance approfondie de la faune et des techniques d’affût est indispensable. Il faut généralement être au maximum à 30 mètres de l’animal pour avoir des chances de l’atteindre.

Les techniques de piégeage

La production mondiale de fourrure sauvage vient principalement de deux régions: l’Amérique du Nord et l’ex-Union soviétique. Les trappeurs exploitent généralement un parcours de piégeage ou une série d’endroits où sont posés un ou plusieurs dispositifs destinés à retenir ou à tuer l’espèce visée sans endommager la fourrure. Les collets et les pièges (y compris les boîtes, les pièges à mâchoires et les pièges moins cruels qui étouffent l’animal) sont les plus courants. Les parcours de piégeage peuvent se limiter à quelques pièges placés à proximité du lit d’un cours d’eau, à l’arrière d’une habitation, ou s’étendre sur plusieurs centaines de kilomètres de pistes parsemées de centaines de pièges. L’Alaska Trappers Manual (Alaska Trappers Association (ATA), 1991) est un ouvrage qui décrit les techniques de piégeage utilisées à l’heure actuelle dans cette région.

Les techniques de traitement des peaux

D’une manière générale, les trappeurs dépouillent leurs prises et vendent les peaux séchées à un acheteur de fourrures ou directement à une maison de vente aux enchères. Les peaux sont finalement vendues à un pelletier ou à un mégissier qui les prépare ou les tanne, après quoi elles sont transformées en vêtements. Les prix des fourrures sont très variables. La valeur d’une peau dépend de sa taille, de la teinte souhaitée, de la qualité de la fourrure, de l’absence de défauts et du marché. Les trappeurs expérimentés doivent capturer des animaux à fourrure et préparer les peaux pour la vente d’une façon qui rende cette opération suffisamment rentable. Pour une étude détaillée sur l’industrie de la fourrure des animaux sauvages, voir Novak et coll. (1987).

Les problèmes d’environnement et de santé publique

Depuis la seconde guerre mondiale, les progrès techniques ont amélioré le sort des chasseurs et des trappeurs à maints égards, tout au moins dans les pays développés. Ils ont réduit leur isolement et rendu leur travail moins exténuant, tout en diminuant la malnutrition occasionnelle. L’amélioration des méthodes de navigation, de recherche et de sauvetage a généralement accru la sécurité dans ces professions. Les chasseurs autochtones de morses et de baleines de l’Alaska, par exemple, reviennent désormais presque toujours indemnes de la chasse.

Au XXe siècle, deux facteurs importants ont sérieusement remis en cause l’avenir de ces filières, à savoir la nécessité de protéger les écosystèmes et les questions éthiques soulevées par l’interaction des chasseurs et des trappeurs avec les animaux sauvages. La recherche et la réglementation sont généralement les moyens privilégiés par les pouvoirs publics pour tenter de résoudre le très vieux problème de l’exploitation de la faune par l’humain. La gestion de la faune est devenue une discipline scientifique vers le milieu du XXe siècle et elle a évolué pour faire place à la biologie de gestion des espèces, qui vise à préserver l’équilibre des écosystèmes et la diversité génétique.

En ce qui concerne les Etats-Unis, la destruction des habitats et l’exploitation commerciale du début du XXe siècle avaient contribué à l’épuisement des ressources ichtyques et cynégétiques. En 1937, les chasseurs, les trappeurs et les défenseurs de la nature sont parvenus à faire adopter une loi (US Federal Aid in Wildlife Restoration Act), qui impose une taxe de 10 à 11% sur la vente des fusils de chasse, des pistolets, des carabines, des munitions et du matériel de tir à l’arc. Le produit de cette taxe s’ajoute aux recettes de la vente des permis, plaques et timbres de chasse et de piégeage.

Depuis la fin des années trente, le gouvernement fédéral a investi des millions de dollars dans la recherche sur la faune, sa conservation, sa gestion et l’éducation des chasseurs. Un des effets positifs de ces efforts est que les espèces fauniques d’Amérique du Nord exploitées activement par les chasseurs et les trappeurs sont désormais généralement capables de supporter une chasse de subsistance. L’expérience de l’aide fédérale montre que, lorsqu’on est disposé à financer les frais de recherche et de gestion de la faune, l’avenir des espèces concernées est relativement assuré. Ce n’est malheureusement pas le cas pour la plupart des écosystèmes et des espèces sauvages du monde. En ce début du nouveau siècle, la perturbation des habitats et l’extinction de certaines espèces sont de véritables problèmes.

L’autre obstacle persistant est la controverse qui entoure les droits des animaux. La chasse et le piégeage, surtout à des fins récréatives ou sans rapport avec la subsistance, sont-ils des activités socialement acceptables en ce début du XXIe siècle qui sera marqué par la croissance de la population et la diminution des ressources? Ce débat de société s’est intensifié depuis quelques décennies. L’un de ses aspects positifs est que les chasseurs et les trappeurs ont dû mieux exposer leur position et respecter des normes très strictes. Certaines activités que le grand public juge cruelles, comme l’abattage à coups de gourdin des bébés phoques du Groenland, au large des côtes de Terre-Neuve, ont été interdites — ce qui a entraîné en l’occurrence des coûts sociaux et économiques énormes pour les Terre-Neuviens dont c’était le mode de vie depuis des générations. La menace d’interdiction des Communautés européennes sur l’importation de fourrures d’animaux capturés au moyen de pièges à mâchoires a intensifié la recherche de méthodes efficaces plus humaines pour la capture de certains animaux à fourrure. Cette menace met cependant en péril un mode de vie de subsistance traditionnel en Amérique du Nord (pour plus de détails, voir Herscovici, 1985.)

LES MALADIES ASSOCIÉES À LA CHASSE ET AU PIÉGEAGE

Mary E. Brown

Les risques

Les risques associés à la chasse et au piégeage sont nombreux — chutes, noyades, gelures, blessures causées par les pièges, morsures d’animaux, réactions aux morsures et aux piqûres d’insectes, accidents en coupant du bois ou éblouissement. De telles mésaventures surviennent toutefois la plupart du temps chez les chasseurs et les trappeurs les moins expérimentés. L’isolement et la distance sont les principaux facteurs qui déterminent la gravité de ces risques professionnels. En effet, les chasseurs et les trappeurs travaillent souvent seuls dans des régions sauvages, éloignées de tout centre de soins et il arrive que personne ne sache exactement où ils se trouvent pendant plusieurs semaines. Une blessure, une morsure ou un autre accident bénin en temps normal peut avoir de graves conséquences dans de telles conditions.

Les accidents

Etant donné que les trappeurs professionnels travaillent principalement l’hiver dans des régions nordiques, la réverbération du soleil sur la neige peut causer des lésions oculaires; par ailleurs, le froid peut provoquer des gelures et un abaissement dangereux de la température corporelle appelé hypothermie . L’hypothermie, dont les principaux symptômes sont l’euphorie et la léthargie, peut être mortelle si elle n’est pas décelée à temps. Il est essentiel de prendre les plus grandes précautions lorsqu’on se déplace sur des lacs et des cours d’eau gelés, car si la glace cède, une chute dans l’eau glacée peut entraîner la noyade ou l’hypothermie en quelques minutes. L’exposition prolongée au froid, même s’il n’est pas extrême, peut également entraîner l’hypothermie lorsqu’on n’est pas correctement habillé. Les autres accidents possibles sont les blessures par cartouches ou par balles, les accidents de motoneige, les blessures que l’on peut se faire en dépouillant un animal et en coupant du bois ou lors du déclenchement accidentel de pièges, les morsures ou les lésions causées par les animaux pris au piège, les serpents ou autres animaux rencontrés en chemin. En plus des risques d’infection, il est aussi possible de contracter certaines maladies transmises par les animaux.

Les maladies

Les chasseurs et les trappeurs peuvent être exposés à de multiples agents infectieux susceptibles de causer des maladies, notamment des zoonoses , transmises aux êtres humains par les animaux. Les zoonoses sont causées par de nombreux types de bactéries, virus, parasites et champignons. Les risques de contracter des zoonoses varient selon le lieu, la saison et les conditions de vie. Il est possible d’être infecté directement (à la suite d’une morsure ou du contact avec le sang d’un animal pendant l’écorchage) ou indirectement (consécutivement à une piqûre d’insecte qui transmet la maladie d’un autre animal à un être humain).

La rage est une des plus graves maladies transmissibles par les animaux sauvages (généralement par morsure), parce qu’elle est mortelle dans pratiquement tous les cas en l’absence de soins. La rage est endémique dans de nombreuses régions et peut infecter la plupart des animaux à sang chaud, tels les renards, les chiens, les chats, les chauves-souris, les ratons laveurs, les mouffettes, les loups, les ours et les castors ainsi que des animaux de grande taille, comme les caribous, les élans, les bovins et les chevaux. Le virus de la rage attaque le cerveau; par conséquent, tout animal sauvage qui semble avoir perdu la crainte de l’humain ou qui fait preuve d’un comportement bizarre doit être jugé dangereux. Etant donné que le virus de la rage, à l’instar de plusieurs autres virus et bactéries, se transmet par la salive, toutes les morsures d’animaux doivent être lavées à fond avec de l’eau et du savon. Le chasseur ou le trappeur qui est mordu par un animal susceptible d’être porteur de la rage doit immédiatement consulter un médecin et essayer de se procurer la tête de l’animal pour que des tests soient effectués.

La tularémie est une bactériose qui peut être transmise indirectement (par des tiques, des mouches à chevreuil et autres mouches piqueuses) ou directement (par morsure d’animaux infectés ou lors de la manipulation de carcasses, de fourrures et de peaux d’animaux infectés). Elle peut également contaminer l’eau et la viande. Ses symptômes, qui s’apparentent à ceux de la brucellose et de la peste, sont la fièvre, les frissons, la fatigue et la tuméfaction des ganglions lymphatiques. Dans les régions où l’on soupçonne la présence de cette maladie, l’eau destinée à la consommation doit être désinfectée. Il est recommandé de cuire à fond la chair du gibier avant de la consommer. Il faut veiller à avoir les bras et les mains toujours très propres et à prendre soin de les désinfecter. Il est conseillé de porter des gants de caoutchouc en cas de coupures ou d’abrasions. L’endroit où l’on manipule les carcasses, les peaux et les fourrures doit également rester propre et être désinfecté.

Le charbon bactérien est une autre bactériose qui peut infecter les trappeurs et les chasseurs, car elle sévit à l’état endémique chez les animaux sauvages et domestiques dans la plupart des régions du monde. Le mode de contamination le plus courant est la voie cutanée lors du contact avec des peaux bien qu’il soit également possible d’être infecté en consommant de la viande contaminée. La transmission de la maladie par inhalation est moins courante, mais n’est pas à exclure. En tout état de cause, il faut se faire soigner immédiatement.

La tuberculose est une menace de plus en plus fréquente dans bien des régions. De nombreuses espèces d’animaux peuvent être une source d’infection pour les chasseurs. Bien que la plupart des cas de tuberculose chez l’humain soient dus à l’exposition à la toux et aux éternuements de sujets humains porteurs de la maladie, de nombreuses espèces d’animaux, y compris les oiseaux et les animaux à sang froid, peuvent également être infectées. La tuberculose est également transmise par la consommation de produits laitiers non pasteurisés. Il est en outre possible d’être infecté par l’inhalation de gouttelettes de salive projetées par la toux ou par la consommation de chair d’animaux infectés. Les personnes immunodéficientes (à cause de médicaments ou d’infection à VIH) sont particulièrement exposées aux agents les plus courants de la tuberculose ainsi qu’à ceux qui se trouvent dans le sol et dans l’eau.

Les chasseurs et les trappeurs peuvent également souffrir de mycoses véhiculées par des animaux ainsi que par les champignons telluriques. Trichophyton verrucosum et T. mentagrophytes sont les principaux agents de dermatomycose pour l’humain. Par ailleurs, les chiens servent de réservoir à Microsporum canis , qui est la principale cause de dermatomycose transmise par les animaux chez l’humain. Les chasseurs et les trappeurs peuvent être exposés à des champignons qui poussent dans le sol et dans la végétation en décomposition, plus particulièrement dans des sols contaminés par des excréments d’oiseaux ou de chauves-souris; ces champignons, qui ne causent pas de zoonoses, ont des habitats spécifiques. Coccidioides immitis n’est commun que dans les régions arides et semi-arides, alors que Blastomyces dermatitidis préfère les sols humides situés en bordure des cours d’eau et les régions vierges. Cryptococcus neoformans et Histoplasma capsulatum sont les plus courants et vivent dans des sols enrichis par des excréments d’oiseaux et de chauves-souris. Ces champignons peuvent causer, par voie inhalatoire, des symptômes analogues à ceux de la pneumonie ainsi que des maladies systémiques graves, aussi bien chez l’être humain que chez les animaux.

Le tétanos est une autre maladie grave qui affecte l’humain, mais aussi les animaux. Les bactéries du tétanos sont très courantes dans les sols, ainsi qu’un peu partout dans l’environnement, et leur présence est normale dans le tube digestif de nombreux animaux. Les lésions cutanées, et plus particulièrement les plaies punctiformes profondes et souillées, sont les plus susceptibles de s’infecter. Les mesures préventives consistent à bien soigner les blessures et à se faire vacciner régulièrement.

Les tiques, les moustiques, les puces et autres insectes piqueurs sont souvent des vecteurs d’infections. La peste bubonique est un exemple de bactériose transmise par les puces. L’infection chez la puce se produit suite à la consommation du sang d’un animal infecté — généralement un rongeur, un lapin ou un lièvre, mais aussi de divers carnivores. La puce transmet ensuite cette infection à un autre animal ou à un être humain. Chez ce dernier, l’infection peut aussi être causée par la manipulation de tissus d’animaux infectés ou par l’inhalation de gouttelettes projetées par d’autres personnes ou par des animaux, généralement des chats, atteints de peste pulmonaire. Les premiers symptômes de la peste bubonique ne sont pas spécifiques à cette maladie: fièvre, frissons, nausée et prostration. Au cours d’une phase ultérieure, les ganglions lymphatiques peuvent se tuméfier et s’enflammer (c’est le terme bubon qui a donné son nom à la maladie).

Une maladie plus courante transmise par la piqûre ou la morsure d’un insecte est la maladie de Lyme . C’est une des nombreuses maladies transmises par les tiques. Le premier symptôme est généralement une éruption en forme de cocarde pâle entourée d’une auréole rouge à l’endroit touché. L’éruption se résorbe; par contre, en l’absence de soins, la maladie peut progresser et causer de l’arthrite ainsi que des complications plus graves.

Les hantavirus infectent les rongeurs dans le monde entier et on signale des cas d’infection chez l’être humain depuis des décennies, la plupart du temps avec atteintes rénales. En 1993, le syndrome pulmonaire à hantavirus a été déclaré aux Etats-Unis. Ce virus provoque une insuffisance respiratoire évoluant rapidement vers le décès du sujet. Les hantavirus sont généralement transmis par des aérosols d’urine ou de déjections des rongeurs. On pense que les personnes infectées ont été exposées à des souris ayant contaminé des chalets et des maisons.

En outre, les chasseurs et les trappeurs peuvent contracter toutes sortes d’autres infections virales, bactériennes, fongiques et parasitaires parfois présentes chez les animaux sauvages (voir tableau 69.1). Pour de plus amples détails, le lecteur pourra consulter les ouvrages de référence courants.

Tableau 69.1 Maladies susceptibles d'avoir de graves conséquences pour les
chasseurs et les trappeurs

Agent

Maladie

Réservoir

Mode de transmission

Répartition géographique

Bactérioses

Bacillus anthracis

Charbon bactérien

Animaux, peaux, poils, os, sol

Contact direct et indirect, morsures et piqûres d’insectes, inhalation, ingestion

Amériques, Europe, Asie, Afrique

Borellia spp.

Maladie de Lyme, fièvre récurrente

Rongeurs, petits mammifères, cervidés, tiques

Morsures de tiques et de poux

Monde entier, sauf Australie

Brucella spp.

Brucellose, fièvre ondulante

Animaux

Contact, ingestion, inhalation

Monde entier

Campylobacter spp.

Entérite

Animaux

Ingestion

Monde entier

Coxiella burnetii

Fièvre Q

Animaux

Inhalation, contact

Monde entier

Clostridium tetani

Tétanos

Sol

Contact

Monde entier

Ehrlichia spp.

Ehrlichiose

Inconnu

Morsures de tiques

Amérique du Nord, Afrique, Asie

Francisella tularensis

Tularémie

Animaux

Morsures et piqûres d’insectes, contact, ingestion et inhalation

Monde entier, sauf Australie

Leptospira spp.

Leptospirose

Animaux

Contact, ingestion, inhalation

Monde entier

Listeria monocytogenes

Listériose

Sol, animaux, humains

Ingestion

Etats-Unis

Mycobacterium spp.

Tuberculose

Humains, mammifères, oiseaux, animaux à sang froid, environnement

Inhalation, ingestion, blessure, contamination

Monde entier

Rickettsia spp.

Rickettsioses transmises par les tiques (groupe fièvre pourprée des montagnes Rocheuses)

Tiques, rongeurs

Morsures de tiques et de mites

Monde entier

Salmonella spp.

Salmonellose

Mammifères, oiseaux, animaux à sang froid

Ingestion

Monde entier

Vibrio cholera

Choléra

Humains

Ingestion

Monde entier

Yersinia pestis

Peste, peste bubonique

Rongeurs, lièvres, lapins, humains, carnivores

Morsures de puces, inhalation, contact

Monde entier

Viroses

Arbovirus (plus de 100 types)

Fièvres, éruptions, fièvres virales hémorragiques (dengue, fièvre jaune, encéphalite à virus, hépatite enzootique, babésioses)

Humains, animaux, insectes

Morsures et piqûres d’insectes: moustiques, tiques, moucherons, phlébotomes, autres insectes

Monde entier

Virus d’Ebola/de Marburg

Fièvres virales hémorragiques

Inconnu, singes

Inconnu, contact avec des liquides organiques

Afrique, exposition aux singes

Hantavirus

Fièvre virale hémorragique, syndromes rénaux et pulmonaires

Rongeurs

Inhalation

Asie, ex-Union soviétique, Amériques

Virus de Lassa

Fièvre de Lassa

Rongeurs

Inhalation, contact avec des liquides organiques

Afrique occidentale

Virus de la rage

Rage

Mammifères

Virus dans la salive, généralement morsure ou éraflure, parfois inhalation, greffes d’organes

Monde entier, sauf certains pays insulaires

Mycoses

Blastomyces dermatitidis

Blastomycose

Sol

Inhalation

Afrique, Inde, Israël, Amérique du Nord, Arabie saoudite, Afrique du Sud

Coccidioides immitis

Coccidioidomycose, fièvre des vallées et fièvre du désert

Sol

Inhalation

Argentine, Paraguay, Colombie, Venezuela, Mexique, Amérique centrale, Etats-Unis

Cryptococcus neoformans

Cryptococcose

Sol, excréments d’oiseaux et de chauves-souris

Inhalation

Monde entier

Agent

Maladie

Réservoir

Mode de transmission

Répartition géographique

Histoplasma capsulatum

Histoplasmose

Sol, excréments d’oiseaux et de chauves-souris

Inhalation

Amériques, Afrique, Asie de l’Est, Australie

Microsporum spp., Trichophyton spp.

Teigne

Humains, animaux, sol

Contact direct ou indirect

Monde entier

Parasitoses

Babesia spp.

Babesiose

Rongeurs, bovins

Morsures de tiques

Europe, Mexique, Russie, Yougoslavie, Etats-Unis

Baylisascaris spp.

Baylisascaris larva migrans

Ratons laveurs, blaireaux, mouffettes, pékans, martres, ours

Ingestion

Amérique du Nord

Cryptosporidium parvum

Cryptosporidiose

Humains, bovins, animaux domestiques

Ingestion

Monde entier

Diphyllobothrium latum

Infection par ténia

Humains, chiens, ours, mammifères piscivores

Ingestion

Régions de lacs

Echinococcus spp.

Echinococcose

Animaux

Ingestion

Monde entier

Giardia spp.

Giardiase

Humains, animaux

Ingestion

Monde entier

Leishmania spp.

Leishmaniose

Humains, animaux

Piqûres de phlébotomes

Régions tropicales et subtropicales

Trichinella spiralis

Trichinose

Animaux

Ingestion

Monde entier

Trypanosoma spp.

Trypanosomiase

Humains, animaux

Piqûres et morsures d’insectes

Afrique, Amériques

On peut éviter la plupart des zoonoses et autres agents infectieux en faisant preuve de bon sens et en prenant certaines précautions générales. L’eau doit être bouillie ou traitée au moyen d’un produit chimique. Tous les aliments doivent être suffisamment cuits, surtout ceux d’origine animale. La chair de tous les animaux sauvages doit être cuite à 71 °C. Les aliments consommés crus doivent être lavés à fond. Pour éviter les morsures et les piqûres d’insectes, il est recommandé de rentrer les jambes de pantalon dans les bottes, de porter des chemises à manches longues et de se protéger à l’aide d’insectifuges ou, au besoin, d’une moustiquaire portative. Les tiques doivent être enlevées dès qu’on les remarque. Le contact direct avec les tissus animaux et les liquides organiques doit être évité. Le port de gants est recommandé, surtout quand on a des crevasses ou des abrasions aux mains. Il faut se laver les mains à l’eau et au savon après avoir manipulé un animal et toujours avant de manger. Les morsures et les blessures doivent être rincées à l’eau et au savon aussitôt que possible et des soins médicaux sont indispensables, surtout si l’on craint d’avoir été infecté par un animal atteint de la rage. Les chasseurs et les trappeurs doivent être vaccinés contre les maladies courantes dans leur région. Une trousse médicale d’urgence à portée de la main et des notions élémentaires de secourisme peuvent faire toute la différence entre un incident mineur et un incident sérieux.

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

Alaska Trappers Association (ATA), 1991: Alaska Trappers Manual (Fairbanks, Alaska).

Herscovici, A., 1985: Second Nature: The Animal Rights Controversy (Toronto, CBC Enterprises).

Hinnis, H.A., 1973: The Fur Trade in Canada: An Introduction to Economic History (Toronto, University of Toronto Press).

International Hunter Education Association (IHEA), 1995: 1995 Hunting Accident Report (Wellington, Colorado).

Novak, M., Baker, J.A., Obbard, M.E. et Malloch B. (directeurs de publication), 1987: Wild Furbearer Management and Conservation in North America (Toronto, Ontario Trappers Association).

Ortega y Gasset, J., 1985: Meditations on Hunting (New York, Scribner’s).

US Department of the Interior, Fish and Wildlife Service et US Department of Commerce, Bureau of the Census, 1993: 1991 National Survey of Fishing, Hunting and Wildlife-associated Recreation (Washington DC, US Government Printing Office).

RÉFÉRENCES COMPLÉMENTAIRES

Acha, P.N. et Szyfres, B. 1987: Zoonoses and Communicable Diseases Common to Man and Animals, 2e édition, Scientific Publication No. 503 (Washington, DC, Pan-American Health Organization).

American Veterinary Medical Association (AVMA), 1996: Zoonoses Updates from the Journal of the American Veterinary Medical Association (Schaumberg, Illinois).

Beneson, A.S. (directeur de publication), 1995: Control of Communicable Diseases Manual, 16e édition (Washington, DC, American Public Health Association (APHA)).

Braid, P., 1977: Guide du trappeur (Bruxelles, Les Editions de l’Homme).

Centers for Disease Control and Prevention (CDC), 1995: Health Information for International Travel (Atlanta, Géorgie).

Doby, J.M. et Chastel, C., 1995: «Pathologies humaines liées aux tiques. I. Viroses et rickettsioses», La revue du praticien , vol. 9, no 303, pp. 23-25 et 27-29.

—.1995: «Pathologies humaines liées aux tiques. II. Maladie de Lyme, tularémie et piroplasmoses», ibid ., vol. 9, no 304, pp. 25-27 et 29-31.

Docherty, D., Eckerson, J., Collis, M.L. et Hayward, J., 1977: «Changes in fitness level of humans attributable to hunting activities», Journal of Sports Medicine and Physical Fitness , vol. 17, no 3, pp. 315-320.

Rogeaux, O. et Bourrel, M., 1997; «Maladie de Lyme», Encyclopédie médico-chirurgicale. Maladies infectieuses, p. 8-037-E-10 (Paris, Editions scientifiques et médicales Elsevier).

Takeda, J., 1972: «An ecological study of bear hunting activities of the Matagi: Japanese traditional hunters», Journal of Human Ergology , vol. 1, no 2, pp. 167-187.

Winkler, W.G. (directeur de publication), 1985: Rabies Concepts for Medical Professionals (Miami, Floride, Merieux Institute, Inc.).