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Chapitre 68 - La foresterie

GÉNÉRALITÉS

Peter Poschen

Définition

Pour les besoins du présent chapitre, la foresterie se définit comme l’ensemble des travaux effectués sur le terrain pour créer, renouveler, aménager et protéger les forêts et pour récolter leurs produits. La dernière étape de la chaîne de production étudiée ici est le transport des produits bruts de la forêt. Les transformations ultérieures — bois de sciage, meubles ou papier, par exemple — sont traitées dans les chapitres nos 71, 72 et 86 de l’Encyclopédie consacrés respectivement au bois d’œuvre, au travail du bois et aux pâtes et papiers.

Les forêts peuvent exister à l’état naturel, être aménagées ou être entièrement plantées par l’humain. Les produits forestiers dont il sera question ci-après ne se limitent pas au bois, mais on s’intéressera surtout à ce dernier en raison de son importance dans le contexte de la sécurité et de la santé.

L’évolution des ressources forestières et du secteur forestier

L’exploitation et la gestion des forêts sont aussi anciennes que le monde. A l’origine, les forêts étaient presque exclusivement utilisées à des fins de subsistance: nourriture, bois de chauffage et matériaux de construction. Les premiers aménagements consistèrent essentiellement à brûler et à déboiser pour affecter la terre à d’autres usages, notamment l’agriculture, mais aussi, ultérieurement, le développement urbain et celui des infrastructures. La pression s’accentua avec les premières formes d’industrialisation. La transformation des forêts et leur surexploitation ont eu pour effet de réduire fortement les superficies boisées en Europe, au Proche-Orient, en Inde, en Chine et, plus tard, dans certaines parties de l’Amérique du Nord. Actuellement, les forêts couvrent environ un quart de la surface terrestre.

Le déboisement s’est arrêté dans les pays industriels où les forêts recommencent, en fait, à gagner lentement du terrain. Dans la plupart des pays tropicaux et subtropicaux, en revanche, les forêts se réduisent au rythme de 15 à 20 millions d’hectares, soit 0,8%, par an. Malgré la poursuite du déboisement, les pays en développement représentent encore approximativement 60% de la forêt mondiale, comme le montre le tableau 68.1. Les pays qui possèdent les plus grandes forêts sont, de loin, la Fédération de Russie, le Brésil, le Canada et les Etats-Unis. C’est en Asie que l’on observe la plus faible couverture forestière, tant par rapport à la superficie des terres qu’en nombre d’hectares par habitant.

Tableau 68.1 Surface boisée par région (1990)

Région

Superficie (en millions d’hectares)

% du total

Afrique

536

16

Amérique du Nord/Amérique centrale

531

16

Amérique du Sud

898

26

Asie

463

13

Europe

140

4

Ex-URSS

755

22

Océanie

88

3

Pays en développement (tous)

2 009

58

Pays industriels (tous)

1 432

42

Monde

3 442

100

Source: FAO, 1995.

Les ressources forestières sont très différentes d’une région à l’autre du monde. Ces différences ont une incidence directe sur le cadre de travail, sur les techniques forestières employées et sur les risques qu’elles présentent. Les forêts boréales du nord de l’Europe, de la Russie et du Canada se composent principalement de conifères, avec une densité d’arbres assez faible à l’hectare. La majorité de ces forêts sont naturelles et peuplées d’arbres de petite taille. A cause des longs hivers, les arbres poussent lentement et l’accroissement en bois se situe entre moins de 0,5 et 3 m3 par hectare et par an.

Les forêts tempérées du sud du Canada, des Etats-Unis, de l’Europe centrale, du sud de la Russie, de la Chine et du Japon englobent un large éventail de conifères et de feuillus. Elles sont densément peuplées d’arbres qui peuvent atteindre une taille imposante, avec plus de 1 m de diamètre et 50 m de hauteur. Les forêts peuvent être naturelles ou d’origine humaine (dans ce cas, elles font l’objet d’une gestion intensive, la taille des arbres est plus uniforme et les espèces moins variées). Le volume sur pied par hectare et son accroissement sont importants: ce dernier varie en gros de 5 à plus de 20 m3 par hectare et par an.

Pour la plupart, les forêts tropicales et subtropicales sont peuplées de feuillus. La taille des arbres et les quantités sur pied sont très variables mais, pour les besoins de l’industrie, on abat le plus souvent de grands arbres dotés d’une grosse cime. La dimension moyenne des arbres coupés est particulièrement élevée sous les tropiques: en règle générale, on arrive à récolter plus de 2 m3 par grume. Avant d’être abattus et ébranchés, les arbres sur pied en possession de leur cime pèsent fréquemment plus de 20 tonnes. La présence d’un épais sous-bois et de plantes grimpantes rend le travail encore plus pénible et dangereux.

Les plantations forestières revêtent une importance croissante en matière de production de bois et d’emplois. On estime que les plantations tropicales couvrent environ 35 millions d’hectares et qu’elles grossissent d’environ 2 millions d’hectares par an (Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), 1995). Elles se composent habituellement d’une seule espèce à très forte croissance (de 15 à 30 m3 par hectare et par an le plus souvent). Les arbres les plus couramment utilisés dans l’industrie sont différentes espèces de pin (Pinus) et d’eucalyptus (Eucalyptus) . Les plantations sont soumises à une gestion intensive et à une rotation rapide (de 6 à 30 ans), alors qu’il faut dans la plupart des cas 80 ans et parfois jusqu’à 200 ans pour que les forêts tempérées atteignent leur maturité. Les arbres sont relativement uniformes, de petite ou de moyenne taille, et donnent environ 0,05 à 0,5 m3 par unité. Le sous-bois est généralement peu développé.

Compte tenu de la raréfaction du bois et des pertes causées par les catastrophes naturelles telles que glissements de terrains, inondations et avalanches, une proportion de plus en plus grande de forêts a été soumise à une forme ou une autre de gestion humaine au cours des cinq siècles qui se sont écoulés. La majorité des pays industriels applique le principe de l’exploitation viable, selon lequel les usages que l’on fait de la forêt ne doivent pas réduire son utilité potentielle pour les générations futures. Dans ces pays, le coefficient d’exploitation du bois est inférieur au taux de croissance. Par contre, cela ne s’applique pas dans beaucoup de pays tropicaux.

L’importance économique

Le bois constitue incontestablement le produit forestier le plus important. La production mondiale de bois ronds atteint près de 3,5 milliards de m3 par an. La production de bois, qui a progressé de 1,6% par an dans les années soixante et soixante-dix et de 1,8% par an dans les années quatre-vingt, devrait augmenter de 2,1% par an pendant une bonne partie du XXIe siècle, avec des taux de croissance plus élevés dans les pays en développement que dans les pays industriels.

La part des pays industriels dans la production mondiale de bois ronds est de 42% (ce qui correspond à peu près à leur part de la couverture forestière). Cependant, les pays industriels se différencient sensiblement des pays en développement par la nature du bois exploité. Tandis que dans les premiers la récolte se compose à plus de 85% de bois ronds industriels destinés aux scieries et aux usines de panneaux et de pâte à papier, dans les seconds, elle est utilisée à 80% pour produire du bois de chauffage et du charbon de bois. C’est pourquoi seuls quatre pays en développement figurent sur la liste des dix principaux producteurs de bois ronds d’industrie (voir figure 68.1). Les produits forestiers autres que le bois continuent de jouer un rôle de premier plan dans la subsistance des populations de nombreux pays. Ils ne comptent certes que pour 1,5% des produits forestiers négociés sans transformation, mais quelques-uns d’entre eux comme le liège, le rotin, les résines, les noix et les gommes représentent une grande part des exportations de certains pays.

Figure 68.1 Les dix principaux pays producteurs de bois ronds d'industrie, 1993
(ex-URSS, 1991)

Figure 68.1

A l’échelle mondiale, la production forestière était évaluée à 96 milliards de dollars E.-U. en 1991, et celle des industries situées en aval à 322 milliards. A elle seule, la foresterie représentait 0,4% du produit intérieur brut (PIB) mondial. La place prise par la production forestière dans le PIB tend à être beaucoup plus importante dans les pays en développement (2,2% en moyenne) que dans les pays industriels (0,14% seulement). Dans plusieurs pays, elle dépasse de loin le taux moyen. Dans 51 pays, par exemple, la foresterie et les industries forestières ont représenté ensemble au moins 5% du PIB en 1991.

Dans plusieurs pays industriels et en développement, les produits forestiers sont un poste d’exportation important. Dans les pays en développement, la valeur totale des exportations de produits forestiers est passée de 7 milliards de dollars E.-U. en 1982 à plus de 19 milliards en 1993 (dollars de 1996). Parmi les pays industriels, les principaux exportateurs sont le Canada, les Etats-Unis, la Russie, la Suède, la Finlande et la Nouvelle-Zélande. Parmi les pays tropicaux, ce sont l’Indonésie (5 milliards de dollars), la Malaisie (4 milliards), le Chili et le Brésil (environ 2 milliards chacun).

Il est difficile d’exprimer en termes monétaires la valeur des biens et des avantages non commerciaux tirés des forêts, mais elle dépasse probablement de beaucoup leur valeur commerciale. On estime que quelque 140 à 300 millions de personnes vivent de la forêt ou en dépendent. Les forêts abritent aussi les trois quarts des espèces vivantes. Important dépôt de dioxyde de carbone, elles ont également une influence régulatrice sur le climat et le régime des eaux. Elles freinent l’érosion, les glissements de terrain et les avalanches et elles produisent une eau propre à la consommation. Enfin, elles contribuent aux activités récréatives et au tourisme.

L’emploi

Il n’est pas facile d’obtenir des chiffres sur l’emploi salarié dans le secteur forestier et ceux dont on dispose ne sont pas toujours fiables, même dans les pays industriels. Cela s’explique par la forte proportion d’artisans et d’agriculteurs qui, souvent, ne sont pas pris en compte dans les statistiques et par le caractère saisonnier de nombreux emplois forestiers. La plupart des pays en développement englobent simplement la foresterie dans l’agriculture en général et ne tiennent pas de statistiques distinctes. Toutefois, le principal problème est dû au fait que le travail forestier ne correspond généralement pas à des emplois rémunérés, mais à des activités de subsistance. On pense ici surtout à la production de bois de chauffage, notamment dans les pays en développement. Compte tenu de ces limites, la figure 68.2 donne une estimation très prudente des effectifs du secteur forestier dans le monde.

Figure 68.2 Effectifs du secteur forestier (équivalents plein temps)

Figure 68.2

En gros, la foresterie représente 2,6 millions d’emplois salariés dans le monde, dont environ 1 million dans les pays industriels. C’est peu comparativement au nombre d’emplois recensés en aval. Les industries du bois et des pâtes et papiers comptent officiellement au moins 12 millions de travailleurs. Dans le secteur forestier, comme on l’a déjà dit, l’essentiel de l’emploi prend la forme de travaux de subsistance non rémunérés — quelque 12,8 millions d’équivalents plein temps dans les pays en développement et 0,3 million dans les pays industriels. On peut donc estimer à environ 16 millions d’années-personne l’emploi total dans la foresterie. Cela équivaut approximativement à 3% des emplois agricoles et à 1% de tous les emplois à l’échelle mondiale.

Dans la majorité des pays industriels, les effectifs forestiers sont en recul depuis que la main-d’œuvre saisonnière cède peu à peu la place à des travailleurs qualifiés employés à plein temps et que la mécanisation connaît un essor rapide, notamment pour la récolte du bois. La figure 68.3 illustre les énormes écarts de productivité observés entre les principaux pays producteurs de bois. Ces écarts sont dus dans une certaine mesure aux conditions naturelles, au régime de sylviculture ainsi qu’à des erreurs statistiques. Mais ces facteurs n’expliquent pas tout. La main-d’œuvre va probablement continuer de se transformer. La mécanisation s’étend à un nombre croissant de pays, et de nouvelles formes d’organisation du travail, notamment le travail en équipe, favorisent la productivité, tandis que la récolte demeure dans l’ensemble constante. Il est à noter que, dans beaucoup de pays, le travail saisonnier et à temps partiel dans le secteur de la foresterie n’est pas comptabilisé, alors qu’il reste très répandu chez les agriculteurs et les petits propriétaires forestiers. Dans plusieurs pays en développement, l’emploi salarié est appelé à s’accroître dans le secteur forestier du fait d’une intensification de la gestion des forêts et de la plantation d’arbres. Par contre, les emplois de subsistance vont sans doute perdre progressivement de leur importance au fur et à mesure que d’autres formes d’énergie se substitueront au bois de chauffage.

Figure 68.3 Pays employant le plus grand nombre de salariés dans le secteur de
la foresterie et de la production de bois ronds d'industrie (fin des années
quatre-vingt-début des années quatre-vingt-dix)

Figure 68.3

Les caractéristiques de la main-d’œuvre

Dans le secteur de la foresterie industrielle, les effectifs restent largement dominés par les hommes. La proportion de femmes dépasse rarement 10%. Toutefois, certaines activités sont surtout assurées par des femmes, comme la plantation et la culture des jeunes arbres ou l’entretien des semis dans les pépinières. Dans bien des pays en développement, les travaux de subsistance incombent en majorité aux femmes, car ce sont elles qui sont habituellement chargées du ramassage du bois de chauffage.

La plus grande part du travail forestier, quelle que soit sa vocation, est liée à la récolte des produits du bois. Même dans les forêts et les plantations d’origine humaine, où la sylviculture joue un rôle important, la récolte représente plus de la moitié des journées de travail par hectare. Dans les pays en développement, on compte 1 surveillant ou technicien pour 3 chefs d’équipe et 1 pour 40 travailleurs parmi le personnel de récolte. Le rapport est plus faible dans la plupart des pays industriels.

On distingue deux secteurs d’emploi forestier: la sylviculture et la récolte. Les principales tâches de la sylviculture comprennent la plantation d’arbres, la fertilisation, le désherbage et la lutte antiparasitaire, et l’élagage. La plantation d’arbres, saisonnière, est confiée dans certains pays à des travailleurs qui se consacrent uniquement à cette activité. En ce qui concerne la récolte, il s’agit surtout d’abattre des arbres à l’aide d’une scie à chaîne, souvent par équipe de deux dans les forêts tropicales; de fixer des câbles aux tracteurs ou d’installer des câbles-grues pour amener les grumes en bord de route; d’aider à mesurer, déplacer, charger ou ébrancher les grumes; et de conduire tracteurs, chargeuses, câbles aériens, abatteuses-tronçonneuses et grumiers.

Il existe de grandes différences dans les formes d’emploi des diverses catégories de main-d’œuvre forestière, et cela influe indirectement sur la sécurité et la santé des travailleurs. La proportion de travailleurs employés directement par les propriétaires forestiers ou par l’industrie est en déclin, y compris dans les pays où cette pratique était auparavant la règle. De plus en plus, le travail est confié à des sous-traitants (c’est-à-dire à des entreprises de services relativement petites et géographiquement mobiles employées pour une tâche particulière), qui peuvent être des propriétaires exploitants (entreprises individuelles ou familiales) ou des sociétés comptant plusieurs employés. Ces entrepreneurs, comme leurs employés, vivent souvent dans une situation très instable. Obligés de réduire leurs coûts sous la pression de la concurrence, ils recourent parfois à des pratiques illégales, comme le travail clandestin et l’embauche d’immigrants non déclarés. S’il est vrai qu’elle aide souvent à limiter les dépenses, à accélérer la mécanisation et la spécialisation et à adapter le personnel à l’évolution de la demande, la sous-traitance a aussi pour effet d’aggraver certains maux courants dans la profession, comme en témoigne la fréquence relativement élevée, dans les entreprises concernées, des accidents du travail et des problèmes de santé.

Le recours à la sous-traitance contribue aussi à augmenter le taux de rotation des effectifs. Dans certains pays, près de 50% des travailleurs forestiers changent d’employeur et plus de 10% abandonnent purement et simplement le secteur chaque année. Cela ne fait qu’aggraver le problème de la sous-qualification qui concerne déjà une bonne partie de la main-d’œuvre. La formation continue se fait le plus souvent par l’expérience, parfois au prix d’erreurs. L’absence de formation structurée et la brièveté des périodes de pratique, du fait de la rotation rapide des effectifs ou du caractère saisonnier des tâches à effectuer, contribuent largement à l’ampleur des problèmes de sécurité et de santé que connaît le secteur forestier (voir l’article «Les qualifications et la formation» dans ce chapitre).

Le travail forestier demeure généralement payé à la tâche (c’est-à-dire uniquement en fonction de la production). Ce mode de rémunération, qui tend à imposer un rythme de travail rapide, passe aux yeux de beaucoup pour augmenter le nombre d’accidents. Il n’existe cependant aucune preuve scientifique en ce sens. Ce que l’on ne peut pas contester, en revanche, c’est que les gains d’un travailleur diminuent au fur et à mesure que ses capacités physiques déclinent. Dans les pays où la mécanisation est très développée, la rémunération au temps prend une place croissante parce que le rythme de travail est fortement déterminé par la machine. Divers systèmes de primes viennent la compléter.

Les salaires pratiqués dans le secteur forestier sont globalement bien inférieurs à la moyenne de l’industrie à l’intérieur d’un même pays. De ce fait, les salariés, les travailleurs indépendants et les sous-traitants travaillent souvent cinquante, voire soixante heures par semaine pour essayer de compenser. Il s’ensuit une augmentation du stress physique et des risques d’accident par fatigue.

Les associations professionnelles et les syndicats sont assez peu représentés dans ce secteur. Aux problèmes classiques posés par l’organisation de travailleurs géographiquement dispersés, mobiles et parfois saisonniers, s’ajoute la fragmentation de la main-d’œuvre entre un grand nombre de petites entreprises indépendantes. Parallèlement, le nombre de travailleurs appartenant à des catégories généralement syndiquées, comme ceux qui sont directement employés par les grandes entreprises d’exploitation forestière, baisse régulièrement. Les inspections du travail qui s’intéressent au secteur forestier connaissent donc des problèmes comparables à ceux des dirigeants syndicaux, et leurs interventions sont en conséquence très rares dans la plupart des pays. Faute d’organismes pour les défendre, les travailleurs forestiers ne connaissent souvent pas leurs droits, y compris ceux qui découlent des réglementations en vigueur concernant la sécurité et la santé, et il leur est très difficile de s’en prévaloir.

Les problèmes de sécurité et de santé

Dans de nombreux pays, le travail forestier est perçu comme étant malpropre, difficile et dangereux. Toute une série de facteurs naturels, techniques et organisationnels sont à l’origine de cette image. Le travail forestier s’effectue nécessairement à l’extérieur. Les travailleurs sont donc exposés à des conditions climatiques extrêmes: chaleur, froid, neige, pluie et rayons ultraviolets. Ils doivent souvent travailler même par mauvais temps et, de plus en plus, pendant la nuit lorsque l’exploitation est mécanisée. Ils sont aussi exposés à des dangers naturels divers: terrain accidenté, boue, végétation dense, agents biologiques, etc.

En outre, le lieu de travail est généralement éloigné des zones habitées et les communications sont mauvaises, ce qui rend difficiles les opérations de sauvetage et d’évacuation. Dans beaucoup de pays, il est encore fréquent que les travailleurs vivent dans des camps où ils sont longtemps coupés de leur famille et de leurs amis.

La nature du travail ajoute à ces difficultés — des arbres peuvent tomber inopinément, les travailleurs utilisent des outils dangereux et doivent souvent fournir un effort physique intense. D’autres facteurs comme l’organisation du travail, les formes d’emploi et la formation contribuent fortement à augmenter ou au contraire à réduire les risques associés au travail forestier. Dans la plupart des pays, le résultat net de tous ces facteurs est un environnement caractérisé par des risques d’accident élevés et de graves problèmes de santé.

Les accidents liés au travail forestier

Dans la majorité des pays, le travail forestier est l’un des métiers les plus dangereux, entraînant d’importantes pertes humaines et financières. Aux Etats-Unis, les assurances contre les accidents représentent, en coût, jusqu’à 40% de la masse salariale.

Une analyse prudente des données existantes conduit à penser que le nombre d’accidents tend à augmenter plutôt qu’à diminuer. Il est toutefois encourageant de constater que certains pays réussissent, depuis longtemps déjà, à réduire la fréquence des accidents (Suède et Finlande, notamment). La Suisse illustre quant à elle le cas le plus courant de pays où le nombre d’accidents augmente ou, au mieux, se stabilise. Les rares données que l’on possède sur les pays en développement font ressortir peu d’amélioration et révèlent habituellement une fréquence excessive d’accidents. Ainsi, une étude sur la sécurité du bûcheronnage du bois à pâte dans les plantations du Nigéria a révélé que 1 travailleur était en moyenne exposé à 2 accidents par an, et que 1 accident grave frappait entre 1 travailleur sur 4 et 1 travailleur sur 10 selon l’année (Udo, 1987).

Un examen plus approfondi montre que la coupe du bois est beaucoup plus dangereuse que les autres opérations forestières (Bureau international du Travail (BIT), 1991). L’abattage des arbres et le façonnage sont les tâches qui provoquent le plus d’accidents, notamment des accidents graves ou mortels. Dans certains pays, comme ceux du pourtour méditerranéen, la lutte contre les incendies est aussi une cause importante d’accidents mortels: certaines années, on enregistre jusqu’à 13 décès dans ces circonstances en Espagne (Rodero, 1987). Le transport routier peut aussi être la cause d’une part importante des accidents graves, en particulier dans les pays tropicaux.

La scie à chaîne est manifestement l’outil le plus dangereux en foresterie, et son utilisateur le travailleur le plus exposé. La situation telle qu’elle est décrite à la figure 68.4 pour un territoire de la Malaisie s’observe aussi, avec de légères variations, dans la plupart des autres pays. Malgré les progrès de la mécanisation, il est probable que l’utilisation de la scie à chaîne restera la principale source d’accident dans les pays industriels. Dans les pays en développement, elle est appelée à s’étendre, étant donné l’importance croissante des plantations.

Figure 68.4 Répartition des accidents mortels par activité, Malasie (Sarawak), 1989

Figure 68.4

Le travail forestier peut entraîner des blessures sur presque toutes les parties du corps mais, en général, les jambes, les pieds, le dos et les mains sont les plus touchés, dans cet ordre. Les coupures et les plaies ouvertes sont les blessures les plus couramment associées à la manipulation de scies à chaîne, tandis que les contusions arrivent au premier rang lors des opérations de débardage. S’y ajoutent aussi fractures et luxations.

Au moment de la coupe, les risques d’accident grave, déjà élevés, peuvent être multipliés dans deux cas particuliers: en présence d’arbres encroués, ou d’arbres couchés par le vent (chablis). Ces derniers étant maintenus sous tension, ils exigent des techniques de coupe spéciales (pour plus de précisions, voir Grunenfelder, 1996; Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture/Bureau international du Travail (FAO/BIT), 1980; BIT, 1998). Les arbres encroués sont des arbres qui ont été coupés au pied mais qui ne sont pas tombés, leur branchage étant resté pris dans d’autres arbres. Ces arbres, extrêmement dangereux, sont appelés dans certains pays «faiseurs de veuves» à cause du grand nombre de décès qu’ils provoquent. Pour faire tomber ces arbres en toute sécurité, on doit s’aider d’outils tels que des tourne-billes et des treuils. Il ne faut en aucun cas abattre d’autres arbres sur eux dans l’espoir de les faire tomber. Cette technique est extrêmement périlleuse.

Les risques d’accident varient non seulement avec la technique appliquée et le degré d’exposition inhérents au travail, mais aussi avec d’autres facteurs. Dans tous les cas, ou presque, pour lesquels on dispose de données, on observe des écarts très marqués entre les catégories de main-d’œuvre. Les travailleurs forestiers professionnels employés à plein temps dans les entreprises d’exploitation sont beaucoup moins touchés que les agriculteurs, les travailleurs indépendants ou les sous-traitants. En Autriche, les agriculteurs employés de façon saisonnière comme bûcherons ont deux fois plus d’accidents que les travailleurs professionnels par million de m3 récoltés (Sozialversicherung der Bauern, 1990); la proportion passe à quatre fois plus en Suède. En Suisse, les travailleurs des forêts domaniales sont deux fois moins souvent victimes d’accidents que les travailleurs employés par les sous-traitants, notamment les saisonniers et les migrants (Wettmann, 1992).

La mécanisation accrue de la collecte du bois s’avère très bénéfique sur le plan de la sécurité. Les conducteurs d’engins mécaniques sont bien protégés dans des cabines renforcées et les risques d’accident sont en net recul. Pour la même quantité de bois récolté, l’utilisation de moyens mécanisés réduit les accidents de 15% par rapport à l’emploi de scies à chaîne. En Suède, les conducteurs d’engins ont quatre fois moins d’accidents que les opérateurs professionnels de scies à chaîne.

La multiplication des maladies professionnelles

La mécanisation présente l’inconvénient de s’accompagner de problèmes au niveau du cou et des épaules chez les conducteurs de machines, problèmes qui peuvent être aussi invalidants qu’un accident grave.

Ces nouvelles pathologies viennent s’ajouter aux maux dont souffrent habituellement les opérateurs de scies à chaîne, à savoir les traumatismes du dos et les pertes d’audition. Les douleurs dorsales dues à l’intensité de l’effort physique et à de mauvaises postures sont très fréquentes chez ces travailleurs ainsi que chez ceux qui manipulent les billes de bois. En conséquence, on enregistre souvent chez les travailleurs forestiers une diminution prématurée de la capacité de travail et des départs à la retraite anticipés. Le symptôme du «doigt mort», trouble naguère très répandu chez les opérateurs de scies à chaîne à cause des vibrations du matériel, a en grande partie disparu aujourd’hui grâce à une meilleure conception des scies.

Les facteurs physiques, chimiques et biologiques à l’origine des problèmes de santé liés au travail forestier sont examinés dans les articles suivants de ce chapitre.

Les risques particuliers encourus par les femmes

Les problèmes de sécurité sont dans une large mesure les mêmes pour les hommes et les femmes qui travaillent dans le secteur forestier. Les femmes sont souvent chargées de planter et d’entretenir les arbres et de répandre des pesticides. Toutefois, en raison de leur plus petite taille et de leur capacité pulmonaire, cardiaque et musculaire moindre, leur capacité de travail est en moyenne inférieure d’un tiers environ à celle des hommes. En conséquence, la législation dans beaucoup de pays limite à environ 20 kg (BIT, 1988) le poids qu’elles sont autorisées à lever et à transporter, même s’il est illégal dans de nombreux pays d’appliquer des limites d’exposition différentes entre les sexes. Ces limites sont en fait souvent dépassées par les femmes qui travaillent dans la filière bois. D’après des études réalisées en Colombie-Britannique, province canadienne qui n’applique pas de normes distinctes, les hommes et les femmes transportent des chargements de plants moyens de 30,5 kg, et cela souvent sur des terrains en pente couverts d’une épaisse végétation (Smith, 1987).

Dans de nombreux pays en développement, les femmes chargées de l’approvisionnement en bois de chauffage transportent aussi fréquemment des charges excessives. D’après une enquête menée à Addis-Abeba (Ethiopie), par exemple, quelque 10 000 femmes et enfants assurent leur subsistance en charriant du bois de chauffage sur leur dos jusqu’à la ville (voir figure 68.5). Le fardeau, qui pèse en moyenne 30 kg, est transporté sur une distance de 10 km. Ce travail, extrêmement pénible, est la cause de multiples problèmes de santé graves, y compris de fréquentes fausses couches (Haile, 1991).

Figure 68.5 Femme transportant du bois de chauffage, Addis-Abeba (Ethiopie)

Figure 68.5

Dans cet article d’introduction, il a été souvent question du rapport entre les conditions de travail propres à la foresterie, les caractéristiques de la main-d’œuvre, les formes d’emploi et la formation, notamment, et la sécurité et la santé. Dans le secteur forestier, moins encore que dans tout autre, on ne peut analyser et promouvoir la sécurité et la santé de façon isolée. Ce thème reviendra souvent dans la suite de ce chapitre.

LA RÉCOLTE DU BOIS

Dennis Dykstra et Peter Poschen*

* Le présent article s'inspire abondamment de deux publications: Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), 1996; et Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture et Bureau international du Travail (FAO/BIT), 1980. Il ne donne qu'un aperçu de la question traitée, sur laquelle il existe beaucoup d'autres documents de référence. Pour plus de détails sur les mesures de prévention, voir Bureau international du Travail (BIT), 1998.

La récolte du bois désigne l’ensemble des opérations d’abattage et de façonnage des bois dans une forêt ou une plantation, conformément aux exigences de l’utilisateur, puis leur livraison à un consommateur. Autrement dit, il s’agit de couper des arbres, de les débiter en billes, de les débarder et de les transporter sur une longue distance jusqu’à un consommateur ou une usine de transformation. Les expressions exploitation forestière et coupe ou récolte du bois sont souvent synonymes. Le transport sur de grandes distances et la récolte de produits forestiers autres que le bois font l’objet d’articles distincts dans ce chapitre.

Les opérations

Il existe de nombreuses méthodes de récolte du bois, mais elles comportent toutes une même suite d’opérations:

Ces opérations ne se déroulent pas obligatoirement dans l’ordre ci-dessus. Selon le type de forêt, le produit recherché et la technologie disponible, il peut être plus avantageux d’accomplir une opération soit plus en amont (c’est-à-dire plus près du lieu de coupe), soit plus en aval (c’est-à-dire au premier dépôt ou même à l’usine de transformation). On distingue habituellement les méthodes de récolte selon que l’exploitation se fait:

Pour le bois industriel, la récolte se fait le plus souvent par fûts entiers. L’exploitation par bois courts est la norme dans le nord de l’Europe, mais c’est aussi un mode d’exploitation très courant pour le bois de construction de petite taille et le bois de chauffage dans beaucoup d’autres régions du monde. Sa place est appelée à se développer. La récolte d’arbres entiers est la méthode la moins courante en ce qui concerne le bois industriel, n’étant pratiquée que dans un nombre limité de pays (Canada, Fédération de Russie et Etats-Unis). Elle compte au total pour moins de 10% du volume récolté et son importance tend à diminuer.

S’agissant de l’organisation du travail, de la sécurité et des inspections, il est utile de faire la distinction entre trois lieux de travail dans le cadre de la récolte du bois:

  1. le lieu d’abattage ou le parterre de coupe;
  2. le terrain compris entre le parterre de coupe et la route forestière;
  3. le premier dépôt.

Il est également intéressant de savoir si les opérations sont, dans une grande mesure, indépendantes les unes des autres sur le plan de l’espace et du temps ou si elles sont étroitement liées et interdépendantes. C’est cette deuxième situation qui prévaut en général dans les systèmes d’exploitation en continu, où les étapes de la chaîne de collecte sont synchronisées. Tout incident survenant entre l’abattage et le transport perturbe ainsi la chaîne au complet. Un tel système d’exploitation en flux tendu doit être géré rationnellement pour ne pas être une cause de stress et de fatigue excessifs pour le personnel.

Le stade auquel intervient la récolte dans le cycle de vie d’une forêt et le mode d’exploitation influent à la fois sur les techniques mises en œuvre et sur les risques en résultant. L’abattage des arbres a pour but soit d’opérer des éclaircies, soit de pratiquer une coupe définitive. L’éclaircie consiste à supprimer des éléments, en général indésirables, de jeunes peuplements forestiers pour faciliter la croissance et améliorer la qualité des arbres restants. Il s’agit le plus souvent d’une opération sélective, c’est-à-dire que l’enlèvement des arbres ne laisse pas de grands vides. La répartition spatiale qui en résulte se compare à celle que l’on obtient après une coupe d’exploitation sélective, à cela près que les arbres prélevés à ce dernier stade ont atteint leur maturité et sont souvent imposants. Mais, là aussi, seuls quelques arbres sont abattus et la futaie demeure bien fournie. Par conséquent, dans un cas comme dans l’autre, il peut se poser des problèmes d’orientation sur le terrain parce que les arbres restants et la végétation obstruent la vue. En outre, il est parfois très difficile de faire tomber des arbres dont le branchage a tendance à s’accrocher dans celui des sujets voisins. Les chutes de débris du haut de la cime sont alors très fréquentes. L’éclaircie et la coupe sélective se prêtent mal à la mécanisation. Compte tenu de ces difficultés, ces opérations exigent une grande préparation et beaucoup d’habileté pour être accomplies sans danger.

En matière de récolte finale, l’autre solution consiste à éliminer tous les arbres d’une parcelle; c’est ce que l’on appelle une «coupe à blanc». Une coupe à blanc peut se faire sur de petites superficies, de 1 à 5 hectares, ou sur un très grand territoire couvrant plusieurs kilomètres carrés. Les grandes coupes à blanc sont très critiquées dans de nombreux pays à cause de leur incidence sur l’environnement et le paysage. Quelle que soit la pratique suivie, la coupe d’une forêt ancienne et d’une forêt naturelle présente en général plus de risques que la coupe d’une futaie jeune ou d’une plantation forestière parce que les arbres sont hauts et tombent avec une grande force d’inertie. Leurs branches peuvent s’enchevêtrer avec celles d’autres arbres et avec des plantes grimpantes, et entraîner les branches d’arbres voisins dans leur chute. En outre, les arbres sont souvent morts ou pourris de l’intérieur, ce qui n’apparaît parfois que dans les derniers moments de l’abattage, et leur comportement est alors imprévisible. Les arbres pourris peuvent se casser et tomber dans une direction inattendue. A la différence des arbres verts, les individus morts et desséchés tombent rapidement.

Les progrès technologiques

Dans le domaine de l’exploitation forestière, les progrès technologiques ont été très rapides pendant la deuxième moitié du XXe siècle, et la productivité moyenne a fortement augmenté. Il existe aujourd’hui beaucoup de techniques différentes qui cohabitent parfois au sein d’un même pays. Une étude de la situation en Allemagne au milieu des années quatre-vingt, par exemple, recensait près de 40 combinaisons différentes d’équipements et de méthodes (Dummel et Branz, 1986).

Certaines méthodes de récolte sont beaucoup plus avancées que d’autres, mais aucune n’apparaît véritablement supérieure. Le choix dépend habituellement du bois commandé par le client, de l’état de la forêt et du terrain, de considérations environnementales et du coût — facteur souvent décisif. Par ailleurs, certaines techniques ne sont applicables qu’à des arbres de petite ou de moyenne taille et situés sur un terrain relativement plat, c’est-à-dire qui ne comporte aucune pente de plus de 15-20°.

Le coût et l’efficacité d’une méthode de récolte peuvent être extrêmement variables, selon qu’elle est plus ou moins adaptée aux conditions du site et, tout aussi important, selon les qualifications du personnel et le mode d’organisation des opérations. L’emploi d’outils à main et le débardage manuel des grumes, par exemple, se justifient parfaitement sur le plan économique et social dans des pays caractérisés par un chômage élevé, une main-d’œuvre bon marché et des équipements très coûteux, ainsi que pour les petites exploitations. Une mécanisation complète peut permettre d’obtenir une production quotidienne très importante, mais elle exige d’énormes dépenses d’investissement. Dans des conditions favorables, les machines modernes de récolte peuvent produire plus de 200 m3 de bois par journée de huit heures. Par comparaison, un opérateur de scie à chaîne ne produira probablement pas plus de 10% de ce volume. Pour ce qui est de l’investissement, il faut compter environ 500 000 dollars E.-U. pour une abatteuse-tronçonneuse ou un gros téléphérique forestier, contre 1 000 à 2 000 pour une scie à chaîne et 200 pour une bonne scie à débiter.

Les méthodes courantes, l’équipement et les risques

L’abattage et la conversion primaire

Cette étape comprend l’abattage, l’écimage et l’ébranchage, auxquels s’ajoutent éventuellement l’écorçage, le débitage et le cubage. C’est l’une des tâches industrielles les plus dangereuses. On utilise des outils à main et des scies à chaîne ou des machines pour abattre et ébrancher les arbres et pour les découper en billes. Les outils à main comprennent des outils tranchants tels que haches, merlins, serpes et machettes, et différentes sortes de scies telles que passe-partout et scies à archet. Les scies à chaîne sont très répandues dans la plupart des pays. Malgré les efforts et les progrès importants accomplis sur le plan de la réglementation et de la fabrication pour les améliorer, ces scies demeurent l’outil le plus dangereux en foresterie. La majorité des accidents graves et beaucoup de problèmes de santé sont attribuables à leur utilisation.

La première tâche consiste à abattre l’arbre, c’est-à-dire à le couper le plus près possible du sol. Le bas de la tige constitue en général la partie la plus intéressante parce qu’elle fournit un important volume de bois dépourvu de nœuds et d’une texture lisse. Il faut donc que le fût ne soit pas fendu et que l’entaille soit précise pour éviter la torsion des fibres. Il est important de bien diriger la chute, non seulement pour protéger l’arbre et ce qui l’entoure, mais aussi pour protéger les travailleurs et faciliter le débusquage. Quand l’abattage se fait à la main, on pratique une série de coupes particulières dans un ordre déterminé.

La méthode classique d’abattage à la scie à chaîne est illustrée à la figure 68.6. Après avoir déterminé le sens de la chute (1) et dégagé la base de l’arbre et les voies d’évacuation, on commence par pratiquer une entaille (2) sur une profondeur d’environ un cinquième ou un quart du diamètre de l’arbre et selon un angle d’environ 45°. Le trait oblique (3) est pratiqué avant le trait horizontal (4) qui doit rencontrer le premier sur une ligne droite faisant un angle de 90° par rapport au sens de la chute. Si la chute risque de provoquer des éclats, comme il est fréquent avec les bois tendres, il convient de terminer l’entaille par de petits coups de scie (5) des deux côtés de l’axe (6). La coupe arrière (7), elle aussi horizontale, doit être pratiquée entre 2,5 et 5 cm plus haut que la base de l’entaille de direction. Si le diamètre de l’arbre est infé-rieur à la longueur du guide-chaîne, la coupe arrière peut être effectuée en un seul mouvement (8). Sinon, on doit donner plusieurs coups de scie (9). C’est cette méthode que l’on utilise habituellement pour les arbres ayant un diamètre de plus de 15 cm à la base. On procède autrement si l’arbre a des branches d’un seul côté, s’il penche ou si son diamètre fait plus de deux fois la longueur de la lame de la scie. Pour des instructions plus détaillées, voir FAO/BIT (1980). Il existe beaucoup d’autres guides pratiques concernant l’utilisation des scies à chaîne.

Figure 68.6 Abattage à la scie à chaîne: ordre des entailles

Figure 68.6

Par les méthodes classiques, les travailleurs expérimentés peuvent abattre un arbre avec une très grande précision. Les arbres dont les branches sont symétriques ou qui penchent légèrement dans un sens autre que celui souhaité pour la chute peuvent rester debout ou tomber à côté de l’endroit prévu. Dans ce cas, il est nécessaire d’utiliser des outils, par exemple des leviers pour les petits arbres ou des coins enfoncés à la masse pour les gros, afin de déplacer dans le sens désiré le centre de gravité naturel de l’arbre.

Si l’on excepte les très petits arbres, il n’est pas recommandé de se servir d’une hache pour l’abattage et le débitage. Avec une scie à main, le travail est relativement long, ce qui donne le temps de déceler et de rectifier les erreurs. Avec une scie à chaîne, tout va très vite et le bruit de l’engin couvre les signes donnés par l’arbre avant qu’il ne tombe, notamment au moment de la rupture des fibres. Si l’arbre est retenu dans sa chute par les individus voisins, il peut rester encroué; c’est une situation extrêmement dangereuse à laquelle il est impératif de remédier immédiatement et de façon professionnelle. Pour amener à terre un arbre écroué avec efficacité et sans danger, on utilise des tourne-billes et des leviers s’il est petit, et des treuils à main ou montés sur tracteur s’il est gros.

Les risques encourus pendant l’abattage sont les suivants: arbres qui tombent ou qui roulent, chutes ou mouvements brusques de branches, blessures par des outils tranchants, bruit, vibrations et gaz d’échappement émis par les tronçonneuses. Les arbres renversés par le vent (chablis) sont particulièrement dangereux à cause des tensions qui subsistent dans le tronc et dans les racines partiellement endommagées; les arbres encroués sont fréquemment la cause d’accidents graves et mortels. Toute personne affectée à l’abattage doit donc recevoir une formation spécifique. Les outils servant à abattre les arbres et à les dégager doivent être accessibles sur place. Parmi les risques liés au débitage, on peut mentionner la manipulation des outils eux-mêmes, la rupture soudaine du bois ainsi que le roulement inopiné de billons ou de troncs, surtout sur les sols en pente.

Une fois qu’un arbre repose à terre, on procède habituellement à son écimage et à son ébranchage. Le plus souvent, cette opération est effectuée avec des outils à main ou avec des scies à chaîne sur le parterre de coupe. Des haches peuvent très bien faire l’affaire pour l’ébranchage. Si possible, on abat l’arbre en travers d’un tronc qui se trouve déjà au sol. Ce tronc sert ainsi de plan de travail naturel, qui permet de placer l’arbre à une hauteur commode et de l’ébrancher sans avoir à le retourner. Une fois coupées, les branches et la tête sont laissées sur place. Dans le cas d’un grand arbre feuillu, il peut être nécessaire de découper en morceaux la cime ou de la tirer à l’écart pour éviter qu’elle ne gêne le débusquage de la tige jusqu’à la route ou jusqu’au premier dépôt.

L’étape de l’ébranchage présente les dangers ci-après: coupures dues à la manipulation des outils ou des scies à chaîne, risque élevé de rebond de la scie à chaîne (voir figure 68.7), mouvements imprévus des branches encore sous tension, troncs qui roulent, faux pas et chutes, postures inadéquates et tension musculaire si l’on emploie une mauvaise technique de travail.

Figure 68.7 Recul de la scie à chaîne

Figure 68.7

Quand le travail est mécanisé, on fait tomber l’arbre dans la direction voulue en le retenant avec une flèche montée sur une machine suffisamment lourde et en coupant la tige avec une cisaille, une scie circulaire ou une scie à chaîne intégrée à la flèche. Pour cela, il faut amener la machine près de l’arbre à abattre. On tire ensuite l’arbre dans la bonne direction par des mouvements de la flèche ou de la machine. Les machines les plus couramment utilisées sont les abatteuses-empileuses et les abatteuses-tronçonneuses.

Les abatteuses-empileuses sont généralement des machines montées sur chenilles, mais il en existe aussi sur pneus. La flèche permet d’abattre et de ramasser plusieurs petits arbres, qui sont ensuite déposés le long de la voie de débardage. Certaines machines sont équipées d’une pince portante pour recevoir les tiges. Quand on se sert d’une abatteuse-empileuse, l’écimage et l’ébranchage sont généralement effectués par des moyens mécaniques au premier dépôt.

Si la machine est bien conçue et si l’on respecte les règles de prudence, les risques d’accident sont relativement faibles, sauf lorsque des personnes travaillent avec des scies à chaîne à proximité. Les risques pour la santé sont par contre importants — vibrations, bruit, poussières et fumées — parce que, souvent, la machine de base n’a pas été construite pour la foresterie. Il convient de ne pas utiliser l’abatteuse-empileuse sur une pente exces-sive et la flèche ne doit pas être surchargée, faute de quoi le sens de chute de l’arbre devient incontrôlable.

Les abatteuses-tronçonneuses sont des machines qui intègrent toutes les opérations de l’abattage sauf l’écorçage. Elles possèdent habituellement de six à huit roues, une transmission et une suspension hydrauliques, et une direction par châssis articulé. Leur grue a une portée de 6 à 10 m en charge. On distingue les abatteuses-tronçonneuses simples et les abatteuses-tronçonneuses doubles. Les abatteuses-tronçonneuses simples comportent une seule flèche dont la tête est équipée d’outils pour l’abattage, l’ébranchage, l’écimage et le débitage. On les utilise pour les petits arbres de 40 cm de diamètre ou moins à la base, principalement dans les coupes d’éclaircie, mais de plus en plus aussi pour la coupe d’exploitation. Les abatteuses-tronçonneuses doubles possèdent une tête pour l’abattage et une autre pour la conversion. La deuxième est montée sur la machine et non sur la flèche. Elle peut manipuler des arbres d’un diamètre allant jusqu’à 60 cm au pied. Les abatteuses-tronçonneuses modernes comportent un ordinateur intégré que l’on programme pour calculer le mode de débitage le plus rentable, compte tenu des mesures demandées.

L’abatteuse-tronçonneuse est l’engin le plus couramment employé dans les grosses exploitations du nord de l’Europe, mais elle représente actuellement une part assez petite du volume de bois récolté dans le monde. Elle est toutefois appelée à prendre de l’importance avec le développement des forêts de seconde venue créées par l’humain et des plantations comme source de matière première.

Globalement, la fréquence des accidents pendant l’abattage et le façonnage est plutôt faible, bien que les risques augmentent lorsque des opérateurs de scies à chaîne travaillent à côté des machines. L’entretien des abatteuses-tronçonneuses n’est pas non plus sans danger; les réparations ont toujours lieu quand la charge de travail est importante, de plus en plus pendant la nuit; le personnel est exposé à de nombreux risques: glissades et chutes, mauvaises postures, manipulation de lourdes charges et contact avec des fluides hydrauliques et des huiles chaudes sous pression. Mais les risques les plus courants sont liés à la tension musculaire en position statique et aux tâches répétitives de manœuvre de la machine, ainsi qu’au stress psychologique.

Le débardage

Le débardage consiste à transporter les grumes ou les billes jusqu’au premier dépôt ou jusqu’à la route, où elles sont converties ou empilées par taille. C’est une opération qui peut être extrêmement pénible et dangereuse. Elle a aussi des effets nuisibles sur la forêt et sa régénération, sur les sols et les cours d’eau. Les systèmes de débardage les plus courants sont les suivants:

Le traînage, qui est de loin la méthode la plus employée pour le bois industriel et pour le bois de chauffage, s’effectue habituellement avec des débardeuses à roues spécialement conçues pour la foresterie. Il peut être économiquement intéressant d’utiliser pour cela des tracteurs à chenilles et, plus spécialement, des tracteurs agricoles dans les forêts privées ou pour débusquer dans une plantation les arbres qui ne sont pas très grands, mais des adaptations sont nécessaires pour assurer la production du conducteur et de la machine. Par rapport aux engins forestiers spécialisés, les tracteurs sont moins robustes, moins stables et moins bien protégés. Quelle que soit la machine employée cependant, on retrouve les mêmes risques: retournement de l’engin, chute ou pénétration d’objets, incendie, vibrations transmises au corps entier et bruit. Il est préférable d’utiliser un véhicule à traction intégrale et de veiller à ce que le poids sur les roues directrices soit toujours d’au moins 20% du poids de la machine pendant les opérations, ce qui oblige parfois à lester l’avant. Il peut être nécessaire de prévoir un blindage du moteur et de la transmission. Le moteur doit avoir une puissance minimale de 35 kW pour les bois de petite dimension; pour les billes de taille normale, 50kW suffisent habituellement.

La débusqueuse à grappin se positionne devant les grumes, en vrac ou déjà empilées, lève la charge par le devant et la traîne jusqu’au premier dépôt. Les débusqueuses à treuils peuvent opérer depuis la voie de débardage. Les chargements sont habituellement assemblés à l’aide de colliers à boucle, de sangles, de chaînes ou de câbles fixés aux billes. Une personne prépare les billes qui sont ensuite accrochées au câble principal par des colliers à boucle, puis hissées sur la débusqueuse par des treuils mécaniques. La plupart des débusqueuses possèdent une arche sur laquelle on peut appuyer l’avant du chargement pour limiter le frottement au sol pendant le traînage. Quand la débusqueuse travaille au treuil, il est capital que les membres de l’équipe puissent bien communiquer au moyen d’émetteurs-récepteurs ou par signaux optiques ou acoustiques. Il importe de s’entendre sur une signalisation claire; tout signal qui n’est pas compris doit être assimilé à un signal «arrêt». La figure 68.8 donne des exemples de signaux à bras, normalisés pour le travail avec des débusqueuses équipées de treuils à moteur.

Figure 68.8 Signaux à bras internationalement recommandés à l'intention des
opérateurs de débusqueuses équipées de treuils à moteur

Figure 68.8

En règle générale, les débusqueuses ne doivent pas être utilisées sur des pentes supérieures à 15°. Les tracteurs à chenilles peuvent certes débusquer de grands arbres sur des terrains en forte pente, mais ils peuvent sérieusement endommager les sols si on les utilise sans précautions. Pour des raisons écologiques et de sécurité, toute opération de débusquage doit être interrompue lorsque le temps est particulièrement humide.

Le traînage par des animaux de trait est économiquement intéressant pour les billes de petite taille, surtout dans le cas d’opérations d’éclaircie. La distance à parcourir doit être courte (200 m ou moins) et la pente raisonnable. Il importe d’utiliser des harnais qui permettent un effort de traction maximal et, pour limiter le frottement au sol, des dispositifs tels que des pelles de débardage, triqueballes ou engins à patins.

Le traînage manuel est de moins en moins courant dans la foresterie industrielle, mais on continue de le pratiquer pour la collecte du bois de subsistance, notamment le bois de chauffage. On n’y a recours que pour de courtes distances et, en général, sur des terrains en pente, où la pesanteur facilite le déplacement du bois. Malgré les faibles dimensions des billes, le travail demeure très pénible, voire dangereux en cas de forte déclivité. Pour en améliorer l’efficacité et la sécurité, il est possible d’utiliser crochets, leviers et autres outils manuels de levage et de traction. Au lieu de traîner le chargement au sol, dans le cas de billes courtes, on peut, sur les pentes raides, le déplacer sur des glissoires qui sont habituellement en bois, mais qui peuvent aussi être des demi-tubes de polyéthylène.

Les débardeuses sont des machines qui permettent de soulever entièrement du sol un chargement de billes et de le déposer soit sur la plate-forme dont elles sont équipées, soit sur une remorque. Elles comportent habituellement une grue mécanique ou hydraulique pour le chargement ou le déchargement du bois. On les utilise en général avec des machines d’abattage et de conversion. Leur rayon d’action est de deux à quatre fois supérieur à celui des débusqueuses et elles sont particulièrement performantes lorsque les billes ont à peu près la même longueur.

Les accidents liés à l’utilisation de débardeuses sont dans l’ensemble semblables à ceux liés à l’utilisation de tracteurs et autres engins forestiers: retournement, pénétration et chute d’objets, contact avec des lignes électriques ou problèmes d’entretien. Les risques sanitaires tiennent, quant à eux, à l’exposition aux vibrations, au bruit et aux huiles hydrauliques.

Pour le transport de billes courtes, le travail humain est encore assez courant dans certains secteurs industriels (bois à pâte, étais de mine, etc.) et il demeure la règle pour la récolte du bois de chauffage. Les charges transportées dépassent fréquemment toutes les limites recommandées, notamment pour les femmes à qui incombe souvent la corvée de bois. Afin de réduire les risques physiques pour les porteurs, il faudrait enseigner à ceux-ci les techniques permettant d’éviter les efforts dangereux pour leur colonne vertébrale et leur apprendre à utiliser des accessoires tels que des harnais de portage pour mieux répartir la charge.

Les systèmes de débardage par câble-grue sont fondamentalement différents des autres systèmes en ce sens que la machine elle-même ne se déplace pas. Les billes sont transportées sur un chariot qui glisse le long de câbles suspendus. Les câbles sont mus par un treuil. La machine est installée soit sur l’aire du premier dépôt, soit à l’autre extrémité des câbles, souvent sur une butte. Les câbles sont tendus entre deux «mâts» qui peuvent être des arbres ou des pylônes en acier. Il existe de nombreux systèmes de transport par câbles. Les câbles porteurs, ou blondins, comprennent un chariot qui va et vient le long de la ligne centrale; le câble porteur peut être détendu pour permettre le tirage latéral des billes de bois jusqu’au point où elles sont levées pour être acheminées jusqu’au premier dépôt. Si le système est conçu pour que la charge soit totalement suspendue pendant le transport, les dommages causés au sol sont minimes. Comme la machine est fixe, le débardage par câbles peut se faire sur forte pente et en terrain humide. Il s’agit toutefois d’un système beaucoup plus coûteux que le traînage et qui requiert en outre une planification soigneuse et un personnel qualifié.

L’installation, le fonctionnement ou le démontage d’un système par câbles présentent de nombreux risques d’accidents: chocs; déformation de la cabine; rupture de câbles, de points d’ancrage, de mâts ou d’étais; mouvements imprévus ou incontrôlables de câbles, chariots, colliers à boucle ou chargements; pièces en mouvement causant des écrasements, des abrasions et d’autres blessures. Les risques pour la santé incluent aussi le bruit, les vibrations et les mauvaises postures.

Les systèmes de débardage par voie aérienne permettent de maintenir les billes ou les grumes suspendues en l’air d’un bout à l’autre de l’opération. Les deux moyens actuellement utilisés en théorie sont le ballon (aérostat) et l’hélicoptère, mais seul ce dernier l’est réellement. On trouve sur le marché des hélicoptères pouvant lever jusqu’à 11 tonnes. Le chargement est transporté sous l’hélicoptère au bout d’une élingue de 30 à 100 mètres de longueur, selon la topographie et la hauteur des arbres à survoler. La charge est accrochée par de longs colliers à boucle dont on commande l’ouverture depuis l’hélicoptère une fois arrivé au-dessus du chantier. Pour le transport de grosses billes, on peut utiliser un système de grappin électrique au lieu de colliers à boucle. Un aller et retour prend normalement entre deux et cinq minutes. Le débardage par hélicoptère entraîne des coûts directs très élevés, mais il permet d’accélérer la production et limite ou supprime en outre la nécessité de construire une route, ce qui représente de substantielles économies. De plus, les dommages pour l’environnement sont réduits. Dans la pratique, on n’utilise l’hélicoptère que pour récolter du bois de grande valeur situé dans des régions inaccessibles par d’autres moyens ou dans des circonstances particulières.

Pour que ce mode de transport soit rentable, il faut que la production soit élevée, ce qui suppose un effectif bien plus important qu’avec d’autres systèmes, tant sur l’aire du premier dépôt que sur le lieu d’abattage. En outre, l’utilisation d’un hélicoptère peut poser de graves problèmes de sécurité et notamment causer des accidents mortels si l’on ne prend pas les précautions qui s’imposent et si les équipes sont mal préparées.

Le débitage et le chargement des billes

Quand il a lieu sur l’aire du premier dépôt, le débitage est principalement effectué à la scie à chaîne. Il peut aussi être exécuté par une machine qui coupe le tronc à la bonne longueur après l’avoir ébranché et écimé. Le cubage s’effectue en général à la main au moyen d’un mètre à ruban. Pour trier et empiler les billes, on se sert actuellement d’une machine, débusqueuse ou grue forestière, qui permet de les déplacer et de les lever avec sa lame ou son grappin. Des travailleurs aident souvent à l’opération avec des outils à main, tels que des leviers. Le chargement du bois de chauffage ou de billes peu volumineuses sur les camions se fait habituellement à la main ou à l’aide d’un petit treuil. La manutention manuelle de grandes billes est une opération très pénible et dangereuse; de façon générale, on préfère utiliser une grue à grappin ou à flèche articulée. Dans certains pays, les camions grumiers sont équipés d’un dispositif de chargement. Le bois est retenu sur le camion par des ranchers et des câbles solidement tendus.

Le chargement manuel du bois implique un effort physique intense. Que le travail soit manuel ou mécanisé, il existe un risque pour les travailleurs d’être heurtés par des billes ou des machines en mouvement. Le chargement mécanisé présente, quant à lui, les risques spécifiques ci-après: bruit, poussières, vibrations, effort mental soutenu, manœuvres répétées, retournement d’engins, pénétration ou chute d’objets, contact avec des huiles hydrauliques.

Les normes et les réglementations

Actuellement, la plupart des normes de sécurité internationales applicables au matériel de foresterie sont des normes à caractère général; c’est le cas de la norme ISO sur la protection contre le retournement des engins (Organisation internationale de normalisation (ISO), 1994), par exemple. Mais l’ISO a aussi entrepris d’élaborer des normes spécialisées (voir dans ce chapitre l’article «Les règles, les lois, les réglementations et les codes régissant les pratiques forestières»).

Les scies à chaîne font partie des quelques équipements forestiers pour lesquels il existe des règles de sécurité internationales spécifiques. Diverses normes de l’ISO leur sont consacrées; elles ont été complétées et intégrées en 1994 dans la norme européenne EN 608 (Comité européen de normalisation (CEN), 1994), qui concerne le matériel agricole et forestier et, plus précisément, la sécurité des scies à chaîne portatives. Cette norme énonce des dispositions détaillées sur la conception des machines. Elle stipule aussi que les fabricants sont tenus de fournir des instructions et des renseignements complets sur tous les aspects de l’entretien courant et sur les précautions à prendre. Cela comprend le port de vêtements de sécurité et l’utilisation d’un équipement de protection individuelle ainsi que la nécessité d’une formation. Toutes les scies vendues dans l’Union européenne (UE) doivent porter une étiquette de mise en garde renvoyant au mode d’emploi. La norme énumère les éléments à inclure dans le mode d’emploi.

Les machines forestières, comme on l’a vu, sont moins bien couvertes par les normes internationales et il n’existe souvent pas non plus de réglementation nationale précise en matière de sécurité. Ces machines peuvent aussi présenter de sérieuses insuffisances sur le plan ergonomique qui jouent un rôle essentiel dans l’apparition de graves problèmes de santé chez les travailleurs. Ou bien il peut arriver que les machines conviennent à une population de travailleurs particulière, mais qu’elles soient moins adaptées dans tel ou tel pays d’importation parce que les travailleurs n’ont pas la même taille, que les pratiques de communication sont différentes, etc. Dans les cas les plus graves, il arrive que l’on supprime des dispositifs de sécurité et de protection essentiels pour réduire le prix des machines à l’exportation.

Afin de guider les organismes chargés des essais et les responsables de l’acquisition des machines, on a dressé dans plusieurs pays des listes de contrôles ergonomiques spécifiques. Ces listes portent habituellement sur les caractéristiques ci-après:

On trouvera des exemples précis de listes de contrôle chez Golsse (1994) ainsi que chez Apud et Valdés (1995). Le recueil de directives pratiques du Bureau international du Travail (BIT, 1998) contient, outre une liste des normes internationales en vigueur, des recommandations relatives aux machines et équipements.

LE TRANSPORT DU BOIS

Olli Eeronheimo

Le transport du bois est l’étape comprise entre le chantier de récolte et la scierie. Cette opération est un élément important des coûts: dans l’hémisphère nord, elle représente entre 40 et 60% du coût d’achat total du bois à la scierie (non comprise la valeur des bois sur pied), et cette proportion est encore plus élevée dans les pays tropicaux. Les principaux facteurs qui influent sur le transport du bois sont les suivants: l’importance de l’exploitation, la situation géographique de la forêt et de l’usine, ainsi que la distance qui les sépare, l’assortiment de bois pour lequel la scierie est conçue, et les modes de transport disponibles et appropriés. S’agissant de l’assortiment de bois, on distingue principalement les arbres entiers avec leurs branches, les troncs entiers ébranchés, les billes longues (de 10 à 16 m), les billes courtes (de 2 à 6 m), les copeaux et les bûchettes. De nombreuses scieries peuvent traiter différents assortiments de bois; quelques-unes n’acceptent qu’un type particulier, par exemple les billes courtes livrées par la route. Le transport peut être effectué par camion, train ou bateau, par flottage ou, selon le parcours et la distance, par une combinaison de ces moyens. Le transport par camion, cependant, est le plus répandu.

Dans bien des cas, le transport du bois, notamment par la route, est une phase intégrante de l’opération de récolte, de sorte que tout problème survenant à ce niveau risque de bloquer le processus tout entier. Les contraintes de temps peuvent alors être invoquées pour justifier des dépassements d’horaires et des compromis en ce qui concerne les règles d’exploitation, qui sont susceptibles de mettre en péril la sécurité des travailleurs.

La récolte et le transport sont fréquemment sous-traités. Or, lorsque interviennent de nombreux entrepreneurs et sous-traitants, la question peut se poser de savoir qui est chargé d’assurer la sécurité et de protéger la santé de tel ou tel travailleur.

La manutention et le chargement du bois

Quand les circonstances le permettent, le bois peut être chargé directement à bord des camions sur le lieu d’abattage, ce qui permet d’économiser l’étape du débardage en forêt. Quand les distances sont courtes, on peut se servir d’engins forestiers (par exemple, un tracteur agricole muni d’une remorque ou d’une semi-remorque) pour transporter le bois directement jusqu’à la scierie. Habituellement, toutefois, le bois est d’abord acheminé jusqu’au chantier de façonnage avant d’être transporté sur de longues distances.

Dans les pays en développement et dans les exploitations peu mécanisées, le chargement s’effectue souvent à la main. Les pièces de petite taille sont levées, tandis que les grosses sont roulées à l’aide de rampes (voir figure 68.9). On peut employer pour ces opérations des outils manuels simples tels que crochets, leviers, sapis, et poulies, ou bien des animaux de trait.

Figure 68.9 Chargement manuel (avec et sans rampe)

Figure 68.9

Dans la plupart des cas, cependant, l’opération est mécanisée et s’effectue avec une chargeuse à flèche pivotante, à flèche articulée ou frontale. Les chargeuses à flèches peuvent être montées sur un châssis à roues ou à chenilles, ou sur un camion; elles sont habituellement munies de grappins. Les chargeuses frontales comportent généralement une fourche ou un grappin et elles sont montées sur un châssis à chenilles ou sur un tracteur articulé à quatre roues motrices. Lorsque l’opération est semi-mécanisée, les billes peuvent être levées ou roulées jusqu’à la rampe de chargement au moyen de câbles par différents types de tracteurs et de treuils (voir figure 68.10). Dans ce cas, il faut des travailleurs au sol pour attacher et détacher les câbles, guider la charge, etc., à l’aide de crochets, de leviers et d’autres outils manuels. Lorsque le bois est transformé en copeaux, la déchiqueteuse charge en général les copeaux directement sur le camion, la remorque ou la semi-remorque par soufflage.

Figure 68.10 Chargement mécanisé et semi-mécanisé

Figure 68.10

Les opérations au premier dépôt

Le premier dépôt est un endroit encombré et bruyant où beaucoup d’opérations se déroulent en même temps. Selon le système de récolte employé, ces opérations comprennent le chargement et le déchargement, l’ébranchage, l’écorçage, le tronçonnage, l’empilage, le tri, l’entreposage et le déchiquetage. Souvent, plusieurs grosses machines se déplacent et fonctionnent simultanément tandis que le débitage avec des scies à chaîne se poursuit à proximité. Pendant et après les périodes de pluie, de neige et de gel, les billes de bois peuvent être extrêmement glissantes et le sol, très boueux, est propice aux chutes. Le chantier est parfois jonché de débris et il peut devenir très poussiéreux par temps sec. Les piles de bois atteignent plusieurs mètres de hauteur et leur stabilité n’est pas toujours garantie. Pour toutes ces raisons, le premier dépôt est l’un des lieux de travail les plus dangereux de l’exploitation forestière.

Le transport routier

Le transport du bois par la route est effectué au moyen de véhicules dont la taille dépend des dimensions du bois, des conditions routières, des règles de circulation et des moyens disponibles pour acheter ou louer l’équipement. Dans les pays tropicaux, on emploie souvent des camions à deux ou trois essieux ayant une charge utile de 5 ou 6 tonnes. En Scandinavie, le grumier type est un véhicule à quatre essieux qui tire une remorque à trois essieux — ou inversement — et dont la charge utile varie de 20 à 22 tonnes. Sur certaines routes privées de l’Amérique du Nord, on peut rencontrer des trains routiers d’un poids total de 100 à 130 tonnes, voire davantage.

Le transport par voie d’eau

L’utilisation des voies d’eau pour le transport du bois est une pratique qui tend en général à se perdre au profit de la route, mais elle demeure très courante au Canada, aux Etats-Unis, en Finlande et en Russie, dans l’hémisphère Nord ainsi que dans les bassins de l’Amazone, du Paraguay et du Paraná en Amérique latine, sur beaucoup de fleuves et de lacs de l’Afrique occidentale et dans la plupart des pays de l’Asie du Sud-Est.

Dans les mangroves et les forêts maremmes, le bois est habituellement transporté par voie d’eau depuis le lieu même de la coupe; dans les autres cas, les billes doivent être transportées jusqu’au plan d’eau, en général par camion. On se sert du courant pour acheminer des billes de bois une à une ou par lots. On les attache en radeaux, qui sont tirés ou poussés sur des rivières, des lacs et le long des côtes, ou on les charge sur des bateaux ou des barges de grandeur variable. Le transport par cargo joue un grand rôle dans le commerce international du bois.

Le transport ferroviaire

En Amérique du Nord et sous les tropiques, le transport ferroviaire, comme le transport par voie d’eau, cède du terrain à la route. Cependant, il reste très courant dans des pays tels que le Canada, la Chine, la Finlande, et la Russie, où l’on trouve un bon réseau ferré qui comporte des points de débarquement intermédiaires adéquats. Pour certaines opérations de grande envergure, il arrive que l’on utilise des voies ferrées temporaires à faible écartement. Le bois peut être acheminé dans des wagons standards ou dans des wagons spécialement conçus à cette fin. Certaines gares sont équipées de grandes grues fixes pour le chargement et le déchargement des marchandises mais, en règle générale, ces opérations se font par les méthodes décrites plus haut.

Conclusion

Le chargement et le déchargement, opérations qui sont parfois répétées plusieurs fois entre la forêt d’origine et la destination finale, sont souvent particulièrement dangereux dans le secteur du bois. Même lorsqu’elles sont entièrement mécanisées, on peut avoir besoin de la participation de personnel à pied pour manipuler divers outils manuels, avec les risques que cela comporte. Certaines grandes exploitations et entreprises, reconnaissant le danger de ce travail, entretiennent correctement leur matériel et fournissent à leurs employés des équipements de protection individuelle tels que chaussures, gants, casque, lunettes et casque antibruit. Toutefois, même dans ce cas, il est nécessaire de disposer d’un encadrement bien formé et vigilant pour veiller à ce que les problèmes de sécurité ne soient pas négligés. La sécurité laisse en effet souvent à désirer dans les petites entreprises, notamment dans les pays en développement (voir, par exemple, figure 68.11, qui montre des travailleurs en train de charger des troncs sans aucune protection au Nigéria).

Figure 68.11 Chargement de bois au Nigéria par du personnel non protégé

Figure 68.11

LA RÉCOLTE DE PRODUITS FORESTIERS AUTRES QUE LE BOIS

Rudolf Heinrich

Le milieu de travail

La récolte de produits forestiers autres que le bois présente des risques nombreux et variés compte tenu de la grande diversité de ces produits. Pour mieux étudier ces risques, on peut regrouper les produits en question en différentes catégories, illustrées par quelques exemples (voir tableau 68.2).

Tableau 68.2 Catégories et exemples de produits forestiers autres que le bois

Catégories

Exemples

Produits alimentaires

Produits animaux, pousses de bambou, baies, boissons, fourrage, fruits, herbes, champignons, noix, huiles, cœurs de palmier, racines, graines, amidon

Produits chimiques et pharmacologiques, et dérivés

Plantes aromatiques, gommes et résines, latex et autres exsudats, extraits médicinaux, tanins et teintures, substances toxiques

Matériaux décoratifs

Ecorce, feuillage, fleurs, herbes, pot-pourri

Fibres non ligneuses servant à la fabrication d’ouvrages tressés, à la construction ou au rembourrage

Bambou, écorce, liège, kapok, feuilles de palmier, rotin, roseaux, chaume

La récolte des produits autres que le bois peut répondre à différentes fins (subsistance, commerce ou récréation) et à différents besoins. Les risques liés à la récolte varient donc selon le cas. L’amateur de champignons, par exemple, sera beaucoup moins exposé à des risques du fait du climat que le récoltant commercial, dont le revenu dépend des quantités cueillies et qui dispute à la concurrence un volume limité de produits à caractère saisonnier.

La récolte de ces produits peut se faire à plus ou moins grande échelle, ce qui a des conséquences positives ou négatives en matière de sécurité. Commerciale ou de subsistance, elle constitue souvent par nature une activité de faible envergure. Les cueilleurs qui travaillent seuls dans des zones isolées sont plus exposés que les autres et leur expérience individuelle est importante. Il peut arriver qu’une situation d’urgence ou autre exige l’intervention directe de services de conseils en matière de sécurité et de santé. Certains produits autres que le bois font l’objet d’un commerce à grande échelle et se prêtent même à la culture et à la plantation: bambou, champignons, produits résiniers, noix, caoutchouc, etc. La nature commerciale de ces opérations devrait faciliter théoriquement l’information systématique du personnel en matière de sécurité et de santé.

Les produits énumérés, aussi bien que l’environnement forestier où on les trouve et les méthodes employées pour les récolter, peuvent être associés à des risques particuliers en matière de sécurité et de santé. Ces risques sont tout à fait élémentaires, car ils correspondent à des actes très courants: escalade des arbres, utilisation d’outils à main tranchants, excavation, cueillette, ramassage et transport manuel. En outre, la récolte de certains produits alimentaires peut entraîner une exposition à des risques biologiques (plante vénéneuse ou serpent venimeux), ou biomécaniques (mouvements répétitifs, transport de lourdes charges), à des conditions climatiques extrêmes, aux dangers que représente l’utilisation de certains outils ou techniques (lacérations causées par une mauvaise technique de coupe) et à d’autres risques (terrains accidentés, traversées de rivières, travail en hauteur, etc.).

Comme la récolte de produits autres que le bois se prête rarement à la mécanisation, et parce que cette dernière solution est souvent d’un coût prohibitif, ce secteur se caractérise par une utilisation disproportionnée des méthodes manuelles ou employant des animaux de trait pour la récolte et le transport, par rapport à d’autres secteurs.

La limitation et la prévention des risques

Il convient de porter une attention particulière aux opérations de coupe, car elles apparaissent comme la source la plus évidente et la plus courante de risques en ce qui concerne la récolte des produits forestiers autres que le bois. Ces risques sont liés au choix et à la qualité de l’outil, à la taille et à la nature de la coupe à effectuer, à la force nécessaire pour pratiquer la coupe, à la position du travailleur et à sa façon de procéder.

D’une manière générale, il est possible de limiter ou d’atténuer les risques de la coupe:

Une formation réussie aussi bien sur le plan de la technique que sur celui de la philosophie de travail a pour objectif d’amener les travailleurs à planifier correctement leur travail, à prendre des précautions, à savoir reconnaître et éviter activement les risques et à minimiser les blessures en cas d’accident.

Les facteurs de risque

La récolte de produits autres que le bois s’effectuant par nature en plein air, dans des conditions atmosphériques et environnementales changeantes et, en général, par des méthodes non mécanisées, le personnel est particulièrement exposé aux conditions dictées par la géographie, la topographie, le climat et les saisons. Chez des travailleurs fatigués par des efforts physiques intenses et répétés, les conditions climatiques peuvent favoriser les problèmes de santé et d’accidents liés au travail (voir tableau 68.3).

Tableau 68.3 Risques liés à la récolte de produits autres que le bois

Dangers

Exemples

Agents biologiques

Morsures et piqûres (vecteur externe, poisons systémiques)
Contact avec des plantes (vecteur externe, poisons topiques)
Ingestion (vecteur interne, poisons systémiques)

Action biomécanique

Méthode de travail inadaptée ou troubles d’hypersollicitation (flexions du dos, portage, sciage, levage, chargement)

Conditions climatiques

Chaleur ou froid excessif, d’origine extérieure (environnement) ou attribuable au travail

Outils et techniques

Coupures, risques mécaniques, conduite d’un animal de trait ou d’un petit véhicule

Autres

Rixe, attaque d’animaux, terrain accidenté fatigue, désorientation, travail en hauteur, dans une zone reculée ou sur l’eau, traversée d’un cours d’eau

La récolte de ces produits ayant souvent lieu dans des endroits reculés, l’absence de services médicaux situés à proximité en cas d’accident représente un risque supplémentaire. Certes, ce facteur ne peut bien entendu en lui-même accroître la fréquence des accidents, mais il peut contribuer à l’aggravation des effets de ceux-ci.

LA PLANTATION D’ARBRES

Denis Giguère

Planter des arbres est l’opération qui consiste à mettre en terre des jeunes plants ou des arbustes. Habituellement, le but est de reboiser une surface après exploitation, de boiser pour la première fois une parcelle pour en changer l’exploitation ou pour lutter contre l’érosion en terrain en pente, par exemple. Une opération de plantation peut porter sur plusieurs millions d’unités. Elle peut être exécutée par des exploitants privés au service des propriétaires fonciers, par des entreprises de pâtes et papiers, des services forestiers d’Etat, des organismes non gouvernementaux ou des coopératives. Dans certains pays, la plantation d’arbres est devenue une véritable industrie. Il ne sera pas question ici de la plantation de gros arbres, qui relève plus du paysagisme que de la foresterie.

Les travailleurs participant à cette opération sont, outre les planteurs, le personnel assurant le transport et l’entretien des plants, le personnel auxiliaire et de logistique (gestion, cuisine, conduite et entretien des véhicules, etc.) et les contrôleurs de la qualité. Les femmes représentent entre 10 et 15% du personnel de plantation. Pour illustrer la place occupée par l’industrie et l’ampleur prise par cette activité dans des régions où la foresterie est un moteur de l’économie, il suffit de rappeler que le gouvernement du Québec (Canada), en 1988, s’était donné pour objectif de mettre en terre 250 millions de plants.

Le matériel de reproduction

Il existe plusieurs techniques pour produire des plants ou de jeunes arbres, et les conditions dans lesquelles s’effectue la plantation varient en conséquence. Sur terrain plat, on peut utiliser des machines. Le rôle du travailleur se limite alors à approvisionner la machine à la main ou simplement à contrôler la qualité du travail. Dans la plupart des pays et des situations, cependant, la préparation du terrain se fait à la machine, mais la plantation proprement dite s’effectue toujours manuellement.

Pour la majorité des opérations de boisement, ou de reboisement à la suite d’un incendie de forêt ou d’une coupe à blanc, par exemple, la hauteur des plants, qui peuvent être à racines nues ou cultivés en pot, varie de 25 à 50 cm. Dans les pays tropicaux, les pots utilisés ont une capacité généralement comprise entre 600 et 1 000 cm3. Ils sont disposés sur des plateaux en plastique ou en polystyrène qui peuvent habituellement en contenir entre 40 et 70. Certains usages nécessitent des plants de plus grande taille, de 80 à 200 cm, habituellement à racines nues.

La plantation d’arbres est saisonnière, car elle dépend des précipitations et de la température. Dans la majorité des régions, elle s’étend sur une période de 30 à 90 jours. Bien que l’on puisse, à première vue, la considérer comme une activité secondaire, il s’agit en fait d’une opération d’importance stratégique à long terme, sur les plans tant de l’environnement que des recettes générées dans les régions où la foresterie est une activité économique majeure.

Les paragraphes qui suivent traitent essentiellement de l’expérience canadienne, mais beaucoup de constatations faites peuvent être étendues à d’autres pays ayant des conditions géographiques et économiques comparables. Certaines pratiques en vigueur dans les pays en développement ainsi que les problèmes de sécurité et de santé qui se posent sont également évoqués ci-après.

Les méthodes de plantation

Une étude approfondie des lieux est indispensable pour pouvoir fixer des objectifs réalisables. Un examen superficiel risque de ne pas révéler les difficultés dues au terrain, qui ralentiront par la suite la plantation et rendront le travail des planteurs plus difficile. Il existe plusieurs méthodes pour planter de grandes superficies. L’une d’elles consiste à former une rangée de 10 à 15 planteurs régulièrement espacés, qui avancent à la même vitesse; un travailleur est chargé d’approvisionner l’équipe en plants, habituellement au moyen d’un petit véhicule tout-terrain. Une autre technique courante consiste à grouper les planteurs par équipes de deux qui vont chercher et transportent elles-mêmes leur réserve de plants. Les travailleurs expérimentés savent comment espacer leurs réserves pour éviter de perdre du temps lorsqu’ils s’approvisionnent en plants. Il n’est pas recommandé de travailler seul pour cette opération.

Le transport des plants

Un travail efficace de plantation nécessite un approvisionnement constant en plants. Ceux-ci arrivent par lots de plusieurs milliers des pépinières; ils sont acheminés sur des camions ou des camionnettes jusqu’au point où s’arrête la route. Les plants doivent être déchargés rapidement et arrosés régulièrement. Pour les transporter du dépôt principal jusqu’au chantier, on utilise parfois des engins forestiers transformés ou de petits véhicules tout-terrain. En l’absence de transport mécanisé, comme cela peut être le cas dans de nombreux pays en développement, ces plants doivent être portés à dos d’homme. La tâche étant particulièrement pénible, il importe d’utiliser des harnais de portage appropriés pour limiter la fatigue et les risques pour la santé. Chaque planteur doit porter entre quatre et six plateaux jusqu’à sa parcelle. Les planteurs étant pour la plupart payés à la pièce plantée, il est de leur intérêt de limiter le temps passé à se déplacer et à s’approvisionner en plants, temps qui ne leur rapporte rien.

L’équipement et l’outillage

L’équipement de base d’un planteur se compose d’une bêche ou d’un plantoir (tube en métal légèrement conique fixé à l’extrémité d’un manche, qui sert à faire dans le sol des trous ayant à peu près la dimension des plants), de deux ou trois plateaux pour transporter les plants fixés sur un harnais, et d’une tenue de protection (bottes à embout renforcé, gants, etc.). Lorsqu’il s’agit de plants à racines nues, on utilise à la place du harnais un seau qui contient suffisamment d’eau pour recouvrir les racines, que l’on porte à la main. Divers types de houes sont aussi couramment employés pour les plants à racines nues, en Europe et en Amérique du Nord. Certains outils sont fabriqués par des entreprises spécialisées, mais beaucoup d’autres, de production locale ou destinés en fait au jardinage et à l’agriculture, présentent des défauts de conception, tels qu’un poids excessif ou une longueur inadéquate. Le tableau 68.4 donne une idée du poids moyen transporté.

Tableau 68.4 Chargement normal d’un planteur d’arbres

Elément

Poids en kg

Harnais de portage

2,1

Trois plateaux de 45 pots

12,3

Outil courant (plantoir)

2,4

Total

16,8

Le cycle de plantation

Le cycle de plantation se définit comme la suite d’opérations à exécuter pour mettre un plant en terre. L’état des lieux — pente, nature du sol, couverture végétale — influe sensiblement sur la productivité. Au Canada, celle-ci varie de 600 plants par jour chez un débutant à 3 000 plants par jour chez un planteur expérimenté. On peut diviser le cycle comme suit:

Choix d’un microemplacement. Cette détermination, essentielle à la survie du jeune arbre, repose sur plusieurs critères pris en compte par les contrôleurs de la qualité, notamment la distance par rapport au plant qui précède et aux pousses naturelles, la proximité de matériaux organiques, l’absence de débris aux alentours et la nécessité d’éviter un terrain trop sec ou inondé. Le planteur doit respecter tous ces critères pour chaque arbre mis en terre, faute de quoi il s’expose à une pénalité.

Creusement du trou . Le planteur fait un trou dans le sol à l’aide d’un outil. Il existe deux façons de procéder, en fonction du type de poignée et de la longueur du manche. L’une consiste à peser de tout le poids du corps sur une barre de fer placée à la base de l’outil pour le faire pénétrer dans le sol; l’autre à lever l’outil à bout de bras avant de l’abattre dans le sol. Pour éviter que de la terre ne tombe dans le trou lorsqu’ils retirent l’outil, les planteurs ont pour habitude de lisser les parois en faisant tourner l’outil sur son axe d’un mouvement du poignet, ou d’évaser l’ouverture d’un mouvement circulaire du bras.

Mise en terre . S’il n’en tient pas déjà un à la main, le planteur prélève un plant, se penche, le dépose dans le trou et se redresse. Le plant doit être vertical, bien piqué dans le sol et ses racines être entièrement recouvertes. Il est à noter que l’outil joue un rôle secondaire non négligeable en tant que point d’appui pour le planteur lorsqu’il se penche et se redresse, ce qui ménage ses muscles dorsaux. Pendant le travail, le dos peut être droit ou courbé, selon la longueur du manche et le type de poignée.

Compactage du sol . Le planteur tasse la terre autour du plant pour bien le fixer dans le trou et pour éliminer l’air qui risquerait de faire sécher les racines. Bien que l’on recommande de simplement piétiner le pourtour, les planteurs ont plus souvent tendance à battre fortement le sol de la semelle ou du talon.

Passage à l’emplacement suivant . Le planteur se rend à l’emplacement suivant, situé en principe à environ 1,8 m plus loin. Une personne expérimentée parvient habituellement à évaluer la distance au jugé. Tout en avançant, le planteur doit repérer les obstacles, prévoir un chemin de contournement ou trouver un autre moyen de les franchir. A la figure 68.12, un planteur situé au premier plan s’apprête à déposer un plant dans le trou. A l’arrière-plan, un autre se prépare à creuser le sol avec un outil à manche droit. L’un et l’autre transportent les plants sur des plateaux suspendus à un harnais de portage. Les plants et le matériel peuvent au total peser plus de 16 kg (voir tableau 68.4). On remarquera aussi que les planteurs sont habillés des pieds à la tête pour se protéger des insectes et du soleil.

Figure 68.12 Planteurs d'arbres au travail au Canada

Figure 68.12

Les risques, les effets et les mesures de prévention

Très peu d’études sur la sécurité et la santé des planteurs d’arbres ont été effectuées dans le monde. Bien qu’il s’agisse d’une tâche en apparence bucolique, la plantation d’arbres, à l’échelle industrielle, peut être une activité pénible et dangereuse. D’après une étude novatrice conduite par Smith (1987) sur cette question peu connue en Colombie-Britannique, 90% des 65 personnes interrogées ont déclaré avoir été victimes pendant leur vie de planteur d’au moins une maladie, une blessure ou un accident d’origine professionnelle. Dans le cadre d’une étude analogue menée par l’Institut de recherche en santé et sécurité du travail (IRSST) du Québec (Giguère et coll., 1991, 1993), 24 planteurs sur 48 ont déclaré avoir subi une blessure liée à leur travail au cours de leur vie professionnelle. Au Canada, 15 planteurs d’arbres sont morts en activité entre 1987 et 1991, de diverses causes: accidents de la route (7); animaux sauvages (3); chutes de foudre (2); incidents dus aux conditions de logement (incendie, asphyxie) (2); et coup de chaleur (1).

Bien qu’elles soient rares et qu’elles portent seulement sur un petit nombre de travailleurs, les quelques enquêtes relatives aux indicateurs physiologiques de la fatigue (rythme cardiaque, paramètres hématologiques, niveau d’activité des enzymes sériques) amènent à conclure que la plantation d’arbres est un travail éprouvant pour le système cardio-vasculaire et le système musculo-squelettique (Trites, Robinson et Banister, 1993; Robinson, Trites et Banister, 1993; Giguère et coll., 1991; Smith, 1987). Banister, Robinson et Trites (1990) décrivent le syndrome d’épuisement des planteurs comme un état résultant d’une déficience hématologique et caractérisé par des symptômes de léthargie, de défaillance et d’étourdissements comparables au syndrome d’épuisement surrénalien des sportifs (on trouvera chez Apud et Valdés, 1995, des indications sur la situation au Chili, et chez Saarilahti et Asghar, 1994, des renseignements concernant le Pakistan).

Facteurs organisationnels . Les longues journées de travail, les trajets entre le logement et le lieu de travail et la rigueur des contrôles de la qualité, ajoutés à la pratique de la rémunération à la pièce (très répandue dans les entreprises de plantation), peuvent mettre en danger l’équilibre physiologique et psychologique de l’individu et causer une fatigue et un stress chroniques (Trites, Robinson et Banister, 1993). L’adoption de bonnes méthodes de travail et de courtes pauses à intervalles réguliers améliorent le rendement quotidien et limitent les risques d’épuisement.

Accidents et blessures . Le tableau 68.5 donne un aperçu de la nature et des causes des accidents et des blessures déclarés par les planteurs ayant participé à l’étude réalisée au Québec. Lorsqu’on examine l’importance relative des accidents selon la partie du corps touchée, on s’aperçoit que les extrémités inférieures (genoux, jambes, chevilles et pieds) sont plus fréquemment atteintes que les extrémités supérieures. Le milieu de travail favorise les faux pas et les chutes. Les blessures attribuables à des efforts trop violents et les lésions provoquées par des outils, des déchets de coupe ou des débris au sol doivent aussi être prises en considération.

Tableau 68.5 Fréquence des accidents subis par les planteurs d’arbres, selon le siège
de la lésion (en pourcentage, sur 122 cas signalés par 48 sujets au Québec)

Rang

Partie du corps

% du total

Causes

1

Genoux

14

Chutes, heurts contre un outil, compactage du sol

2

Peau

12

Ampoules et abrasions, morsures et piqûres d’insectes, coups de soleil, gerçures

3

Yeux

11

Insectes, insectifuges, brindilles

4

Dos

10

Flexions fréquentes du dos, transport d’une charge

4

Pieds

10

Compactage du sol, ampoules

5

Mains

8

Gerçures, écorchures par contact avec le sol

6

Jambes

7

Chutes, heurts contre un outil

7

Poignets

6

Pierres cachées

8

Chevilles

4

Faux pas et chutes, obstacles cachés, heurts contre un outil

9

Autres

18

Source: Giguère et coll., 1991, 1993.

Une bonne préparation du terrain, qui doit être exempt de buissons et d’obstacles gênants, permet d’accélérer la plantation et de réduire les accidents. Les déchets devraient être déposés en tas et non en andains pour faciliter les mouvements des planteurs sur les lieux. Les outils devraient avoir un manche droit et être de couleur bien visible afin d’éviter les accidents. Les chaussures et les bottes devraient être suffisamment robustes pour protéger les pieds du contact répété avec l’outil et des chocs lors du tassement du sol; des tailles appropriées pour les hommes et les femmes devraient être disponibles et les semelles devraient être antidérapantes pour la marche sur les pierres ou les souches humides. Les gants sont utiles pour protéger contre les ampoules, les coupures et les meurtrissures causées par le piquage des plants; ils facilitent aussi la manipulation des plans de conifères ou d’épineux.

Camp et travail en plein air . Dans beaucoup de pays, dont le Canada, les planteurs doivent souvent vivre dans un camp. Le travail en plein air nécessite une protection contre le rayonnement solaire (lunettes, chapeau, écran solaire) et contre les morsures et piqûres d’insectes. L’exposition à la chaleur peut aussi être une cause de contrainte thermique et les mesures de protection devraient inclure la modification des horaires travail-repos et la disponibilité de boissons pour éviter la déshydratation.

Il est important de disposer sur les lieux de matériel de premiers soins et de personnel ayant reçu une formation en secourisme, sachant traiter les urgences telles que coups de chaleur et réactions d’hypersensibilisation causées par le venin de guêpe ou de serpent. Avant de les envoyer dans des régions isolées, on devrait vérifier si les planteurs sont vaccinés contre le tétanos et s’ils sont sujets à des allergies. Il est indispensable d’établir un système de communication d’urgence, des procédures d’évacuation et un signal de rassemblement (en cas d’incendie de forêt, de tempête ou d’orage soudain, ou de présence d’animaux dangereux).

Risques chimiques . L’utilisation de pesticides et de fongicides pour protéger les plants (pendant la période de culture et d’entreposage) présente des risques pour les personnes qui manipulent des plants fraîchement traités (Robinson, Trites et Banister, 1993). L’utilisation répétée d’une lotion ou d’un pulvérisateur insectifuges peut également causer une irritation oculaire.

Problèmes physiologiques et du système musculo-squelettique. Bien qu’il n’existe aucune étude épidémiologique établissant une relation entre l’existence de problèmes du système musculo-squelettique et le travail de plantation d’arbres, les efforts violents liés au transport de charges, ainsi que les différentes postures et le travail musculaire que nécessitent les étapes successives de la plantation, constituent sans aucun doute des facteurs de risque, lesquels sont aggravés par la nature répétitive du travail.

Les flexions et extensions extrêmes des poignets qui surviennent, par exemple, lors de la saisie des plants sur le plateau, et les chocs qui sont transmis aux mains et aux bras lorsque le plantoir heurte une pierre enfouie dans le sol peuvent être la source de problèmes biomécaniques au niveau des membres supérieurs. Le poids total transporté, la fréquence des mouvements de levage, le caractère répétitif et physique du travail et, surtout, les efforts musculaires intensifs à fournir pour faire pénétrer le plantoir dans la terre ajoutent à la fatigue musculaire des membres supérieurs.

Certaines affections lombaires peuvent résulter des flexions répétées du dos. La manipulation des plateaux de plants (qui pèsent entre 3 et 4 kg chacun lorsqu’ils sont pleins) au moment du déchargement des camions de livraison est aussi un facteur de risque. Le transport d’une charge avec un harnais favorise aussi l’apparition de douleurs dorsales, surtout si le poids n’est pas convenablement réparti sur les épaules et autour de la taille.

L’effort musculaire imposé aux membres inférieurs est évidemment intense. Le fait de marcher plusieurs kilomètres par jour en transportant une charge sur un terrain inégal, parfois en montée, est souvent pénible. De plus, le travail oblige à fléchir fréquemment les genoux, et les pieds sont constamment en mouvement. Avant de faire un trou, la plupart des planteurs se servent de leurs pieds pour pousser de côté les débris qui se trouvent à terre. Ils se servent aussi de leurs pieds pour peser sur l’outil afin qu’il entre mieux dans le sol et pour tasser celui-ci autour du plant fraîchement mis en terre.

La prévention des problèmes du système musculo-squelettique passe par une diminution des efforts en ce qui concerne le poids de la charge, la fréquence des transports et la distance à parcourir, ainsi que par une optimisation des postures de travail, laquelle implique l’utilisation de méthodes et d’outils de travail appropriés.

Si les plants doivent être transportés dans un seau, par exemple, on peut remplacer l’eau par de la tourbe humide pour réduire la charge. Au Chili, on a réussi à augmenter la productivité de 50% en remplaçant les lourdes caisses en bois par des cartons plus légers (Apud et Valdés, 1995). Il faut aussi veiller à ce que les outils soient bien adaptés à la tâche. Lors d’une opération de reboisement au Pakistan (Saarilahti et Asghar, 1994), le remplacement de la pioche et de la pelle par une espèce de houe spécialement conçue a permis de diminuer de moitié l’effort de travail et d’améliorer le rendement de 100%. Le poids des outils est aussi très important. Au cours d’une enquête effectuée sur le terrain au Québec, par exemple, on a constaté que le poids des plantoirs était compris entre 1,7 et 3,1 kg; cela signifie qu’en choisissant le modèle le plus léger et, à raison de 1 000 mouvements par jour, on peut diminuer de 1 400 kg le poids total soulevé quotidiennement.

Les outils munis d’un manche long et droit sont préférables car, lorsqu’ils heurtent une pierre enterrée, la main glisse sur la poignée au lieu de subir le choc. Une poignée lisse et conique offre une prise optimale pour une forte proportion d’individus. L’Institut canadien de génie forestier (Forest Engineering Research Institute) recommande l’emploi d’outils réglables absorbant les chocs, mais signale qu’aucun n’était en usage au moment de son enquête de 1988 (Stjernberg, 1988).

Il faut aussi apprendre aux planteurs à adopter de meilleures postures. Pour limiter l’apparition de problèmes du système musculo-squelettique, par exemple, ils pourront utiliser le poids du corps pour enfoncer le plantoir au lieu de recourir à l’effort musculaire; ils éviteront de faire travailler leur dos en torsion ou leurs bras en extension complète, ou de planter face à la pente et se serviront du plantoir comme appui lorsqu’ils devront se pencher. Tant que les planteurs débutants ne sont pas suffisamment entraînés, ils ne devraient pas être rémunérés à la pièce.

LA GESTION DES INCENDIES DE FORÊT ET LES MOYENS DE LUTTE

Mike Jurvélius

L’importance des incendies de forêt

Un élément important de la gestion forestière consiste à protéger la ressource elle-même.

Parmi les nombreuses atteintes à la forêt, le feu est souvent le plus dangereux. Ce danger constitue aussi une menace réelle pour la population qui vit à l’intérieur ou à proximité du secteur boisé. Chaque année, des milliers de personnes perdent leur maison dans des incendies dévastateurs et des centaines y laissent leur vie, de même que des dizaines de milliers d’animaux domestiques. Le feu détruit les cultures et entraîne une érosion des sols qui s’avère à long terme encore plus désastreuse que l’accident lui-même. Lorsque de fortes pluies s’abattent sur un sol mis à nu par le feu, elles peuvent provoquer d’énormes coulées de boue ou des glissements de terrain.

On calcule que chaque année le feu détruit:

L’être humain est responsable à plus de 90% de ces incendies. Il est donc évident que la gestion forestière doit accorder la plus haute priorité à la prévention des incendies et aux moyens de lutte.

Les facteurs de risque en cas d’incendie forestier

Les facteurs ci-après rendent particulièrement difficile et dangereuse la lutte contre les incendies de forêt:

La gestion des incendies de forêt

Les activités relevant de la gestion des incendies de forêt s’articulent autour de trois axes auxquels correspondent des objectifs différents:

Les dangers professionnels

En ce qui concerne la prévention des incendies, elle ne présente, dans la plupart des cas, aucun danger.

A l’étape de la détection, les problèmes de sécurité ont trait essentiellement à la conduite des véhicules, sauf bien entendu si l’on utilise un avion. A ce propos, les appareils à voilure fixe sont particulièrement vulnérables aux forts courants ascendants d’air et de gaz chauds. Tous les ans, des dizaines d’équipages se tuent à cause de fautes de pilotage, notamment en montagne.

Quant à l’extinction d’un incendie, c’est-à-dire le travail de lutte proprement dit contre le feu, c’est une tâche très spécialisée. Elle doit être organisée comme une opération militaire parce que la négligence, la désobéissance et d’autres défaillances humaines peuvent non seulement mettre en péril la vie des pompiers eux-mêmes, mais aussi causer la mort de nombreuses autres personnes, ainsi que des dommages matériels considérables. L’organisation d’ensemble doit répondre à une structure claire et garantir une bonne coordination entre le personnel forestier, les services de secours, les pompiers, la police et, pour les grands incendies, les forces armées. Il importe qu’il y ait un seul commandement, centralisé et situé sur les lieux.

L’extinction d’un incendie requiert principalement la mise en place ou l’entretien d’un réseau de coupe-feu. Il s’agit habituellement de bandes de terre ayant une largeur de 10 à 20 m, d’où l’on a éliminé toute végétation et toute matière inflammable. La plupart des accidents survenant dans cette activité sont dus à la manipulation d’outils tranchants.

Les incendies à grande échelle sont évidemment les plus dangereux, mais des problèmes du même genre peuvent se poser avec les brûlages dirigés et contrôlés ou les brûlages localisés, qui consistent à brûler une petite étendue pour réduire les dépôts inflammables sans endommager la végétation. Les mêmes précautions doivent s’appliquer dans tous les cas.

L’intervention précoce

Il est d’autant plus facile et moins dangereux de maîtriser un incendie qu’on le détecte suffisamment tôt, alors qu’il est encore faible. Dans le passé, cette détection se faisait par observation à partir du sol, mais aujourd’hui les appareils à rayons infrarouges et à micro-ondes fixés aux avions permettent de détecter un incendie dès ses débuts. L’information est transmise au sol à un ordinateur qui en effectue le traitement et donne avec précision l’emplacement et la température de l’incendie, même en présence de nuages. Cela permet aux équipes à terre et aux pompiers parachutistes d’attaquer le feu avant qu’il ne se propage sur une grande étendue.

L’outillage et l’équipement

Le personnel de lutte contre le feu, qu’il s’agisse de travailleurs forestiers, de volontaires civils, d’employés de l’Etat ou de militaires détachés doit respecter de nombreuses règles de sécurité. La toute première est: ne jamais s’engager dans un incendie sans avoir avec soi son outil de coupe . Il arrive en effet que la seule façon d’échapper au feu soit d’utiliser cet outil pour éliminer l’un des éléments de l’incendie défini par le «triangle du feu», à la figure 68.13. La qualité de cet outil est donc vitale; en bref, si l’outil se rompt, le pompier peut perdre la vie dans l’incendie. Les autres éléments du matériel de sécurité d’un pompier sont décrits à la figure 68.14.

Figure 68.13 Le traingle de feu

Figure 68.13

Figure 68.14 Equipement de sécurité dans la lutte contre les feux de forêt

Figure 68.14

L’extinction du feu sur le terrain

L’aménagement des coupe-feu pendant l’incendie proprement dit présente un risque particulier parce que l’on doit travailler vite pour enrayer l’avance du feu, dans des conditions rendues plus dangereuses encore par une mauvaise visibilité et par les retournements du vent. Lorsqu’il s’agit de combattre des incendies produisant beaucoup de fumée (comme les incendies de tourbière), il faut tenir compte des enseignements d’un cas survenu en Finlande en 1995, ayant eu des conséquences graves, à savoir:

Lorsque le feu menace des habitations, il peut être nécessaire d’évacuer leurs occupants. Cette situation est propice aux voleurs et aux vandales, et il faut alors mettre en place une surveillance efficace par la police.

La tâche la plus dangereuse de toutes est celle qui consiste à établir un contre-feu, c’est-à-dire à tracer rapidement au travers des arbres et des buissons un chemin parallèle à la ligne de l’incendie et à y mettre le feu à un moment précis afin de produire un fort appel d’air en direction de l’incendie, de sorte que les deux rideaux de flammes se rencontrent. Le courant d’air produit par l’incendie s’explique par le fait que ce dernier absorbe tout l’oxygène environnant pour avancer. Mais cette méthode présente manifestement un risque: si le moment a été mal choisi, toute l’équipe se trouvera entourée d’une épaisse fumée et d’une chaleur insupportable, dans un air privé d’oxygène. L’établissement des contre-feux doit donc être confié uniquement aux personnes les plus expérimentées, qui doivent penser à aménager des voies d’évacuation de part et d’autre du feu. La pratique des contre-feux devrait toujours faire l’objet d’exercices avant la saison des incendies. Le personnel devrait entre autres apprendre à se servir de torches, les allumettes ne permettant pas d’allumer le feu assez rapidement.

En dernier recours, s’il ne peut évacuer à temps les lieux, le pompier peut se protéger en enlevant toute matière inflammable dans un cercle de 5 m de diamètre, puis creuser une fosse au milieu, se recouvrir de terre et se protéger la tête de son casque ou de sa veste après les avoir abondamment mouillés. Souvent, dans ces cas, il ne subsiste plus d’oxygène respirable qu’à 1 ou 2 cm du sol.

Le bombardement d’eau par avion

Le recours à l’avion pour combattre les incendies n’est pas nouveau (l’aviation et les risques qu’elle présente sont décrits ailleurs dans l’Encyclopédie ). Cependant, dans un incendie de forêt, certaines activités liées à l’usage des avions sont très dangereuses pour le personnel au sol. Le premier facteur de risque a trait à l’application correcte des règles de signalisation s’adressant aux avions, lesquelles doivent être bien apprises pendant la formation.

Le deuxième facteur est le marquage des secteurs où l’avion doit aller faire le plein d’eau. Pour que cette opération présente le moins de danger possible, le parcours devrait être balisé au moyen de bouées afin que le pilote ne soit pas contraint d’effectuer l’opération au jugé.

Le troisième facteur est la nécessité de maintenir un contact radio permanent entre l’avion et le sol lorsque le pilote se prépare à larguer l’eau. La masse d’eau transportée par les petits hélicoptères, dont le volume des réservoirs varie de 500 à 800 litres, n’est pas spécialement dangereuse. Par contre, de gros hélicoptères comme le MI-6 en transportent 2 500 litres, tandis que l’avion C-120 peut emporter 8 000 litres et que l’IL-76 peut larguer 42 000 litres en une fois. L’impact d’une telle masse d’eau sur du personnel serait mortel.

La formation et l’organisation

Il est indispensable d’organiser des exercices communs avec tous les pompiers, les habitants des villages et les travailleurs forestiers avant la saison des incendies. C’est le meilleur moyen de garantir l’efficacité et la sécurité de la lutte contre le feu. De même, toutes les tâches correspondant aux différents échelons de commandement doivent également faire l’objet d’exercices préalables sur le terrain.

Le chef des pompiers et les chefs d’équipe devraient être choisis parmi les personnes qui connaissent le mieux la situation locale, les pouvoirs publics et le secteur privé. Il est manifestement contre-indiqué de désigner des personnes situées trop haut dans l’échelle hiérarchique (elles connaissent mal la région) ou trop bas (elles manquent souvent d’autorité).

LES RISQUES POUR LA SÉCURITÉ PHYSIQUE

Bengt Pontén

Les conditions climatiques, le bruit et les vibrations sont autant de facteurs de risque inhérents au travail forestier. Le degré d’exposition à de tels risques varie grandement selon la nature des tâches et l’équipement utilisé. Nous prendrons ici l’exemple de la coupe du bois, en distinguant entre travail manuel, travail motorisé (surtout à l’aide de scies à chaînes) et travail mécanisé.

Le travail manuel

Les conditions climatiques

Le fait de travailler en plein air, dans des conditions climatiques variables, présente à la fois des côtés positifs et négatifs. Il est agréable de travailler dehors par beau temps, mais il en va tout autrement lorsque le temps est mauvais.

Le travail par grande chaleur aggrave le stress résultant d’un travail déjà pénible. Le rythme cardiaque tend à augmenter pour maintenir constante la température du corps, et la transpiration cause une perte de liquides organiques. Une personne qui travaille par temps chaud peut avoir besoin de boire jusqu’à un litre d’eau par heure pour éviter la déshydratation.

Avec le froid, par contre, les muscles fonctionnent mal. Le risque d’accidents et de traumatismes du système musculo-squelettique augmente. En outre, la dépense énergétique s’accroît sensiblement, car le maintien de la chaleur corporelle consomme beaucoup d’énergie.

La pluie, surtout quand elle se conjugue au froid, augmente les risques d’accident parce que l’on tient moins bien les outils en main. Elle contribue aussi à l’engourdissement du corps.

Il est indispensable que le travailleur forestier porte des vêtements adaptés au climat pour se protéger de l’humidité et du froid. En période de chaleur, par contre, des vêtements légers suffisent, à condition de disposer d’une protection suffisante contre les épines, les branches et les plantes irritantes. Les quartiers d’hébergement doivent être pourvus d’un nombre suffisant de machines à laver et à sécher. Dans de nombreux pays, l’amélioration du confort des camps a permis d’éliminer beaucoup de problèmes rencontrés par les travailleurs.

Il est très difficile de définir des conditions climatiques accep-tables en se fondant uniquement sur la température. D’une part, celle-ci varie fortement d’un endroit à l’autre de la forêt. D’autre part, divers facteurs influent sur l’état d’un individu, comme l’humidité, le vent et les vêtements portés.

Les risques liés à l’outillage

Le bruit, les vibrations et les gaz d’échappement, bien entendu, ne sont pas des problèmes lorsque le travail forestier s’effectue manuellement. Par contre, le coude et la main sont particulièrement vulnérables aux chocs transmis par les outils lorsque ceux-ci heurtent un nœud ou une pierre, par exemple en cas d’ébranchage à la hache et pendant la plantation.

Le travail avec des outils motorisés

On entend par là le travail accompli avec un appareil à moteur tenu à la main: scie à chaîne, débroussailleuse, etc. L’exposition aux conditions climatiques est la même que pour le travail manuel; les besoins en matière de vêtements et d’hébergement sont par conséquent identiques. Un problème particulier qui se pose, toutefois, est celui de la nécessité de porter un équipement de protection individuelle par temps chaud. Il existe, d’autre part, des risques directement liés aux machines utilisées.

Le bruit produit par une scie à chaîne ou une débroussailleuse pose un problème sérieux. Dans le cas de la plupart des scies à chaîne d’usage courant, il dépasse 100 dBA et le travailleur y est exposé pendant deux à cinq heures par jour. Il est difficile d’atténuer le niveau sonore de ces instruments sans les alourdir sensiblement et sans les rendre d’usage incommode. Le port de protecteurs d’ouïe est donc essentiel. Beaucoup d’utilisateurs de scies à chaîne souffrent néanmoins de déficit auditif. En Suède, environ 30% d’entre eux ont de graves problèmes d’ouïe. On relève aussi des chiffres élevés dans d’autres pays, mais qui varient selon la définition que l’on donne de la perte d’audition, la durée d’exposition, le port de protecteurs d’ouïe, etc.

Les vibrations sont un autre inconvénient des scies à chaîne. La sensation de «doigt mort» qui en résulte est un handicap sérieux pour certains travailleurs forestiers qui utilisent ce genre d’engin. Sur les scies à chaîne modernes, cet effet a été en grande partie supprimé grâce à l’installation d’amortisseurs efficaces (et de poignées chauffantes, dans les climats froids). En Suède, par exemple, ces améliorations ont permis de ramener à 7 ou 8% la proportion d’utilisateurs souffrant du syndrome du «doigt mort», ce qui correspond au chiffre enregistré en général dans la population. D’autres pays font état de chiffres plus élevés, mais cela tient sans doute au fait qu’ils n’utilisent pas de scies à chaîne modernes munies de dispositifs antivibration.

Le problème se pose aussi pour les débroussailleuses et les scies à élaguer; toutefois ces engins n’ont pas fait l’objet d’études approfondies, car leur durée d’utilisation est généralement réduite.

Des chercheurs ont souligné le risque d’une perte de force musculaire sous l’effet des vibrations, parfois même en l’absence de symptômes d’engourdissement.

Le travail mécanisé

Il est plus facile de se protéger des rigueurs du climat lorsque les machines sont équipées d’une cabine, puisque celle-ci peut être isolée du froid, climatisée, dotée d’un filtre antipoussières, etc. Toutefois, comme ces perfectionnements sont coûteux, la plupart des machines anciennes et une bonne partie des nouvelles machines n’en bénéficient pas, ce qui laisse le conducteur exposé au froid, à la chaleur, à la pluie et à la poussière.

En ce qui concerne le bruit, les solutions sont les mêmes. Pour les engins mis en service dans des climats froids, par exemple dans les pays nordiques, il est prescrit une isolation thermique efficace; ils sont aussi le plus souvent bien protégés contre le bruit, le niveau sonore dans la cabine ne dépassant pas 70 à 75 dBA. Sans cette protection, en revanche, le bruit peut atteindre des niveaux très élevés, supérieurs à 100 dBA.

Le problème de la poussière se pose principalement dans les régions chaudes et sèches. Une bonne isolation thermique ou acoustique offre aussi une protection efficace contre la poussière et une légère surpressurisation de la cabine permet d’obtenir des résultats encore meilleurs.

En forêt, les irrégularités du sol, les mouvements de la grue et d’autres parties mobiles de la machine, ainsi que les organes de transmission sont sources de vibrations transmises au corps entier de l’opérateur. En outre, lorsque la machine franchit un obstacle, par exemple un rocher, les chocs reçus peuvent entraîner des douleurs lombaires, fréquentes chez les conducteurs de véhicules tout-terrain — débusqueuses, débardeuses, etc. Les vibrations augmentent aussi le risque de troubles d’hypersollicitation dans le cou, les épaules, les bras ou les mains. L’intensité des vibrations s’accroît sensiblement avec la vitesse du véhicule.

Pour réduire les vibrations, les cabines des machines utilisées dans les pays nordiques sont équipées de sièges amortisseurs. On peut aussi atténuer les chocs produits par la grue en améliorant le mécanisme pour obtenir un fonctionnement plus doux et en appliquant de meilleures techniques de travail. Ces modifications en outre prolongent la vie du véhicule et de son équipement. Il convient de signaler enfin l’innovation que constitue la «cabine Pendo», dont le montage suspendu permet de l’isoler des sources de bruit et de la protéger plus facilement des vibrations. Les résultats sont concluants.

Il existe d’autres moyens pour réduire les chocs engendrés par la circulation sur un sol inégal, comme les systèmes «intelligents» de suspension et de transmission. Le but de ces derniers est d’atténuer les dégâts pour le milieu ambiant, mais ils permettent aussi d’améliorer le confort du conducteur. En règle générale, les machines de moindre coût sont aussi de conception plus rustique et donc moins bien isolées du bruit, de la poussière et des vibrations. Ces dernières peuvent aussi poser un problème quand elles s’exercent dans les poignées et les commandes.

Si aucun moyen technique n’est appliqué pour limiter les risques, il ne reste qu’une solution: réduire la durée d’exposition, par exemple en instaurant une rotation des postes.

Il existe des listes de contrôle ergonomique utiles pour évaluer les engins forestiers, guider l’acheteur et favoriser l’adoption de machines mieux conçues (voir Apud et Valdés, 1995).

La combinaison de tâches manuelles, partiellement motorisées et mécanisées

Dans beaucoup de pays, les travailleurs manuels cohabitent sur le chantier avec des opérateurs de scies à chaîne ou d’engins mécaniques. Alors que ceux-ci sont assis dans une cabine ou disposent d’un équipement de protection, ce qui les protège notamment contre le bruit, tel n’est pas le cas en général des travailleurs manuels. Lorsque, en outre, les distances de sécurité par rapport aux machines ne sont pas respectées, il existe un risque élevé de dommages auditifs et d’accidents pour ces derniers.

La rotation des postes

Tous les risques susmentionnés augmentent avec la durée d’exposition. La rotation des postes est donc une excellente mesure de prévention qui ne doit cependant pas faire oublier la nécessité d’agir également pour réduire les risques.

L’EFFORT PHYSIQUE

Bengt Pontén

Le travail manuel

Charge de travail. De façon générale, le travail manuel en forêt exige un effort physique intense, c’est-à-dire une forte dépense d’énergie de la part du travailleur. L’énergie dépensée est bien entendu fonction de la nature de la tâche et du rythme auquel elle est exécutée, mais pour accomplir son travail, le travailleur forestier a de toute façon besoin d’une ration alimentaire beaucoup plus importante qu’un employé de bureau.

Le tableau 68.6 recense diverses tâches typiques du secteur forestier, classées selon la charge de travail, c’est-à-dire selon l’énergie à fournir. Les chiffres donnés ne sont que des approximations, car ils dépendent en fait de la morphologie, du sexe, de l’âge, de la condition physique et du rythme de travail, ainsi que des techniques et des outils employés. Ils indiquent cependant que, en général, le travail du pépiniériste correspond à un effort physique faible ou modéré, le travail de plantation et l’abattage à la scie à chaîne à un effort modéré ou intense, et l’abattage manuel à un travail très intense (on trouvera des études de cas et une analyse détaillée du concept de charge de travail appliqué à la foresterie dans Apud et coll., 1989; Apud et Valdés, 1995; et Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), 1992.)

Tableau 68.6 Energie dépensée par les travailleurs forestiers

   

KJ/min (personne de 65 kg)

 

Intensité de l’effort physique

   

Fourchette

Moyenne

 

Travail dans une pépinière

Cultiver des plants d’arbres

   

18,4

F

Sarcler

   

24,7

M

Désherber

   

19,7

F

Planter

       

Nettoyer les fossés avec une bêche

   

32,7

I

Conduire un tracteur/herser en position assise

 

14,2-22,6

19,3

F

Planter à la main

 

23,0-46,9

27,2

M

Planter à la machine

   

11,7

F

Travail à la hache — coups horizontaux et verticaux

Poids du fer de hache

Cadence (coups/min)

     

1,25 kg

20

 

23,0

M

0,65-1,25 kg

35

38,0-44,4

41,0

TI

Abattage, ébranchage, etc. avec des outils à main

Abattre

 

28,5-53,2

36,0

I

Transporter les billes

 

41,4-60,3

50,7

EI

Tirer les billes à la main

 

34,7-66,6

50,7

EI

Travail à la scie en forêt

Transporter une scie à chaîne

   

27,2

M

Tronçonner à la main

 

26,8-44,0

36,0

I

Scier horizontalement avec une scie à chaîne

 

15,1-26,8

22,6

M

Travailler à l’aide d’engins mécaniques

       

Conduire une abatteuse/une débardeuse

 

12-20

 

F

Préparation du bois de chauffage

Scier de petites bûches à la main

   

15,1

F

Fendre le bois

 

36,0-38,1

36,8

I

Tirer le bois à la main

 

32,7-41,0

36,8

I

Empiler le bois

 

21,3-26,0

23,9

M

F = Faible; M = Modéré; I = Intense; TI = Très intense; EI = Extrêmement intense.

Source: d’après Durnin et Passmore, 1967.

Efforts pour le système musculo-squelettique. L’empilage manuel du bois nécessite des mouvements de levage répétés avec de lourdes charges. Si la méthode de travail n’est pas parfaite et si le rythme est trop rapide, le risque de lésions du système musculo-squelettique est très élevé. Il en va de même lorsque de lourdes charges sont portées pendant un temps prolongé ou sur de longues distances, comme l’exige la collecte du bois à pâte ou du bois de chauffage.

Dans certaines situations, la brusque mobilisation de toute la force du corps peut provoquer quant à elle des lésions soudaines du système musculo-squelettique: par exemple, l’utilisation d’un levier pour faire tomber un arbre encroué ou l’effort déployé pour rattraper une bille qui tombe de la pile.

Ce type de travail ne fait intervenir que la force musculaire et, le plus souvent, il implique une utilisation dynamique et non pas simplement répétitive des mêmes groupes de muscles. Il ne s’agit pas d’un effort statique et le risque de troubles d’hypersollicitation est donc habituellement minime. Cependant, le travail dans des positions incommodes peut engendrer des problèmes tels que des douleurs lombaires. C’est ce qui se produit lors de l’ébranchage à la hache des arbres abattus, opération qui oblige à adopter une position courbée pendant de longues heures: un effort important s’exerce alors au niveau des vertèbres lombaires, tandis que les muscles du dos sont soumis à une tension statique. Pour faciliter cette opération, on peut faire tomber l’arbre abattu en travers d’un tronc qui se trouve déjà au sol et qui fera ainsi office de support naturel.

Le travail avec des outils motorisés

L’usage de matériels portatifs tels que les scies à chaîne peut demander encore plus d’énergie que le travail manuel, à cause de leur poids important. En fait, les scies à chaîne employées sont souvent de trop grosse taille pour la tâche à accomplir. Il faudrait donc toujours opter pour le modèle le plus léger et le plus court possible.

Chaque fois qu’un travailleur forestier chargé d’un travail motorisé doit également empiler du bois à la main, il s’expose aux problèmes décrits plus haut. Tous les travailleurs doivent donc apprendre à garder le dos droit et à se servir des muscles principaux des jambes pour lever des charges.

Le travail avec des outils motorisés est plus statique que le travail manuel. Le rôle de l’opérateur consiste à choisir la machine appropriée, à la faire fonctionner et à la maintenir dans la bonne position.

Parmi les problèmes rencontrés, un grand nombre découlent de la faible hauteur de travail. Ainsi, l’ébranchage d’un arbre abattu oblige à adopter une position courbée, ce qui présente les mêmes inconvénients que dans le cas du travailleur manuel, éventuellement aggravés par le poids de la scie à chaîne. En principe, les opérations devraient être organisées pour que la personne travaille à hauteur de taille (en utilisant, par exemple, d’autres arbres comme supports pour l’ébranchage, ainsi que mentionné plus haut); la scie à chaîne devrait autant que possible être en appui sur le tronc de l’arbre.

Les tâches motorisées extrêmement spécialisées engendrent des risques très élevés de troubles musculo-squelettiques, car les cycles sont de courte durée et les mouvements spécifiques sont répétés un grand nombre de fois. Un exemple particulièrement typique est celui des bûcherons qui travaillent avec une scie à chaîne pour alimenter une machine de conversion primaire (ébranchage, tronçonnage). La plupart de ce type de travailleurs forestiers ayant fait l’objet d’une étude en Suède souffraient de douleurs au niveau du cou et des épaules. Pour les travailleurs qui participent à toutes les étapes du processus (abattage, ébranchage, débitage et empilage de tronçons d’un poids raisonnable), les fonctions sont plus variées et les risques d’avoir à exécuter des tâches répétitives dans une position statique préjudiciable moins élevés. Cependant, même avec un matériel et une méthode de travail adaptés, un travailleur forestier ne devrait pas avoir à tenir une scie à chaîne en fonctionnement plus de cinq heures par jour.

Le travail mécanisé

Dans la plupart des cas, le travail mécanisé implique un effort physique beaucoup moins important que le travail manuel ou partiellement motorisé. Cependant, le conducteur ou le mécanicien sont parfois amenés à soulever de lourdes charges lors de l’entretien et de la réparation des machines. Le travail du conducteur consiste à commander les mouvements de la machine à l’aide de manettes, leviers et boutons. Les cycles d’intervention sont très courts. Il s’agit pour une bonne part d’un travail répétitif et statique qui comporte un grand risque de troubles d’hypersollicitation au niveau du cou, des épaules, des bras, des mains et des doigts.

Sur les machines en service dans les pays nordiques, les tensions musculaires sont minimes, car le conducteur est assis sur un siège ergonomique muni d’accoudoirs et actionne de petits manches à balai. Les troubles d’hypersollicitation n’en demeurent pas moins un gros problème: d’après certaines études, entre 50 et 80% des conducteurs de machine se plaignent de douleurs au niveau du cou ou des épaules. Toutefois, ces chiffres se prêtent assez mal à la comparaison, non seulement parce que les troubles n’apparaissent que sur une longue période, mais aussi parce que les résultats obtenus varient selon la définition des troubles observés ou rapportés.

L’apparition de troubles d’hypersollicitation dépend de nombreux facteurs:

Degré de tension musculaire. Une tension musculaire statique forte ou répétée et monotone peut être causée, entre autres, par la manœuvre de commandes trop dures, par des postures de travail inconfortables ou par des vibrations et des chocs transmis au corps entier, mais aussi par un important stress mental, lui-même dû à une concentration intense, à la complexité des décisions à prendre ou à un problème d’ordre psychosocial (difficulté à maîtriser une situation professionnelle, relations avec les supérieurs et les collègues, etc.).

Durée d’exposition à un travail statique. Le seul moyen de soulager les tensions musculaires statiques est de les interrompre par des pauses fréquentes, même de courte durée, par une variation des tâches, par une rotation des postes, etc. L’exécution de gestes monotones et répétitifs pendant de longues années accroît les risques de lésions de cette nature. Celles-ci apparaissent progressivement et peuvent être irréversibles au stade où elles deviennent manifestes.

Etat (résistance) de l’individu. La résistance d’un individu évolue avec le temps; elle dépend de ses prédispositions naturelles, de son état physique et psychologique et de sa situation sociale.

Il ressort d’études menées en Suède que la seule façon de prévenir ces problèmes est d’intervenir sur tous les facteurs qui y contribuent, en encourageant notamment la rotation des postes et la diversification des tâches, afin de réduire la durée d’exposition et d’améliorer par là même le bien-être et la situation psychosociale des travailleurs.

Ces principes valent pour tous les types de travail forestier: manuel, partiellement motorisé ou mécanisé.

La combinaison de tâches manuelles et mécanisées

La combinaison de tâches manuelles et mécanisées sans rotation des postes aboutit toujours à une spécialisation accrue du travail. C’est le cas, par exemple, comme on l’a déjà vu, du travail d’abattage manuel ou à la scie à chaîne précédant la conversion mécanisée. Caractérisée par des cycles brefs et monotones, cette opération présente des risques élevés de lésions du système musculo-squelettiques et de troubles d’hypersollicitation.

Une comparaison effectuée en Suède entre les opérateurs de scies à chaîne et les conducteurs de machines montre que les premiers sont davantage sujets à des lésions du système musculo-squelettique dans la région des lombaires, des genoux et du bassin, ainsi qu’à des pertes d’audition, tandis que les seconds présentent plus de troubles d’hypersollicitation au niveau du cou et des épaules. Ces deux catégories de travailleurs sont donc exposées à des risques très différents et il est probable que l’on constaterait d’autres divergences si l’on étudiait par comparaison les travailleurs manuels. Dans bien des cas, cependant, la rotation des postes et la diversification des tâches offrent un bon moyen de prévention grâce à la réduction de la durée d’exposition.

LES FACTEURS PSYCHOSOCIAUX

Peter Poschen et Marja-Liisa Juntunen

Ainsi que l’indiquent différents articles de ce chapitre, il existe une assez bonne documentation sur les risques physiques liés au travail forestier. On est beaucoup moins bien renseigné, en revanche, sur l’incidence des facteurs psychologiques et sociaux (Slappendel et coll., 1993), c’est-à-dire, en l’occurrence: satisfaction et sécurité au travail; effort mental; sensibilité et réaction au stress; adaptation aux risques perçus; charge de travail, heures supplémentaires et fatigue; exposition à des conditions pénibles d’environnement; isolement social dans les camps et séparation d’avec la famille; organisation du travail; et travail en équipe.

En forêt, la sécurité et la santé dépendent de toute une série de facteurs décrits dans ce chapitre: emplacement et état du terrain; infrastructure; climat; technologie; méthodes de travail; organisation du travail; situation économique; type de contrat; logement; éducation et formation. On sait que ces facteurs interagissent et peuvent même se combiner pour rendre le milieu de travail plus dangereux ou, au contraire, plus sûr (voir plus loin l’article «Les conditions de travail et la sécurité en forêt»).

De plus, leur interaction avec un ensemble de facteurs sociaux et psychologiques influe à son tour sur l’image du travail forestier, sa base de recrutement ainsi que la réserve de qualifications et de compétences dont il peut disposer. Dans le pire des cas, les problèmes s’enchaînent alors dans un cercle vicieux comme l’illustre la figure 68.15, ce qui est malheureusement assez courant dans les pays en développement et pour certaines catégories de la main-d’œuvre forestière des pays industriels, notamment les travailleurs migrants.

Figure 68.15 Le cercle vicieux des problèmes rencontrés dans le travail forestier

Figure 68.15

Le profil social et psychologique de la main-d’œuvre et le processus de sélection situé en amont jouent probablement un rôle déterminant dans les effets du stress et les comportements à risque, mais on s’y est peu intéressé jusqu’ici. En règle générale, les travailleurs forestiers sont issus du monde rural et assimilent leur travail autant à un mode de vie qu’à un métier. Beaucoup sont attirés par l’image d’une activité indépendante et par la possibilité de travailler en plein air. Or, bien souvent, les méthodes d’exploitation forestière modernes ne répondent plus à de telles aspirations. Les rapides mutations technologiques et structurelles survenues dans la foresterie depuis le début des années quatre-vingt ont été difficiles à suivre, y compris pour ceux dont le profil correspondait assez bien au départ aux exigences des postes proposés. Quant aux travailleurs incapables de s’adapter à la mécanisation et à la vie d’entrepreneur indépendant, ils sont souvent marginalisés. C’est pour prévenir les problèmes de désadaptation que le Laboratoire d’ergonomie de l’Université de Concepción au Chili a mis au point une stratégie de sélection des travailleurs forestiers tenant compte à la fois des besoins de l’industrie, des aspects sociaux et des facteurs psychologiques.

En outre, beaucoup de débutants arrivent encore mal préparés sur le marché. La formation sur le lieu de travail, avec tout ce qu’elle a d’approximatif, reste une pratique courante. Même lorsqu’il existe un bon système de formation, il est courant que la majorité des travailleurs n’ait pas reçu de formation véritable. Ainsi, bien que la Finlande forme des opérateurs d’engins forestiers depuis presque trente ans, et bien qu’elle ait produit au total plus de 2 500 diplômés dans cette filière, 90% des exploitants et 75% des travailleurs du secteur à la fin des années quatre-vingt n’avaient encore reçu aucune formation organisée.

Divers facteurs sociaux et psychologiques ont sans doute une incidence majeure sur l’impact des risques et le stress. Ainsi, en Allemagne, parmi les causes mentionnées par les travailleurs forestiers victimes d’un accident, les facteurs psychologiques occupent une place de premier plan: environ 11% des accidents sont attribués au stress et un autre tiers à la fatigue, à la monotonie des tâches, à la prise de risques et au manque d’expérience. Certains modèles cognitifs internes contribuent peut-être à la création de situations à risque qui débouchent sur des accidents, et il serait bon de les étudier pour renforcer la prévention.

Les attitudes face au risque

Des études intéressantes ont été réalisées en Finlande sur la perception et l’évaluation du risque et la prise de risque dans le domaine forestier. Elles montrent que les travailleurs, dans leur métier, se construisent des modèles qui leur sont propres et qui conduisent à des automatismes ou semi-automatismes. La théorie des modèles internes rend compte de l’activité normale d’un travailleur forestier, tel que l’opérateur de scie à chaîne ou le conducteur d’engin, des changements apportés par l’expérience et de leur raison d’être, et de la création de situations à risque (Kanninen, 1986). Elle a aidé à donner une explication cohérente à de nombreux accidents et à proposer des mesures de prévention.

Selon cette théorie, les modèles internes évoluent par paliers successifs avec l’expérience. Kanninen (1986) distingue ainsi un triple modèle dans le travail à la scie à chaîne, tout d’abord, celui de la maîtrise des mouvements, puis celui de la manipulation des arbres et, enfin, celui de l’environnement de travail. Selon cet auteur, les risques apparaissent lorsque le modèle interne du travailleur forestier s’écarte de ce que la situation requiert objectivement. Il se peut que le modèle ne soit pas suffisamment élaboré, qu’il comporte des facteurs de risque intrinsèques, qu’il ne soit pas appliqué à un moment donné (à cause de la fatigue, par exemple), ou qu’il n’existe aucun modèle applicable à une situation inhabituelle, telle que la présence d’un arbre abattu par le vent. On peut alors s’attendre à un accident.

La mise au point et l’utilisation de modèles dépendent de l’expérience et de la formation suivie, ce qui peut expliquer les contradictions relevées par Slappendel et coll. (1993) dans les conclusions d’études sur la perception et l’évaluation des risques. Les travailleurs forestiers trouvent généralement normal d’avoir à prendre des risques. Lorsque cette tendance est marquée, leur attitude de compensation risque de neutraliser les efforts déployés pour améliorer la sécurité et d’induire des changements de comportement pour revenir au niveau de risque accepté. Cela explique peut-être en partie les progrès limités obtenus par le port d’équipements de protection individuelle. Se sachant protégés par des bottes et des vêtements résistants, les travailleurs accélèrent le rythme, tiennent leur machine plus près du corps et négligent les règles de sécurité, qu’ils considèrent comme des entraves. De manière générale, ce mécanisme de compensation semble au moins fonctionner partiellement et il existe sans doute des variations entre individus et entre catégories professionnelles. Il est aussi probable que les facteurs d’incitation favorisent les mécanismes de compensation; ces facteurs peuvent être le gain de confort procuré par le fait de ne pas porter sa tenue protectrice par temps chaud, ou la rémunération au rendement, par exemple, mais on peut aussi concevoir que la reconnaissance sociale, dans une culture «machiste», joue également un rôle. C’est pourquoi la sélection du personnel, sa formation et l’organisation du travail devraient viser à minimiser tous les facteurs d’incitation négatifs.

L’effort mental et le stress

Le stress se définit comme la pression psychologique qui s’exerce sur un individu à cause du décalage qu’il ressent entre ce qu’il est capable de faire et ce que requiert à ses yeux la tâche qui lui est confiée. Les facteurs de stress les plus courants chez les forestiers sont les suivants: rythme du travail; tâches répétitives et ennuyeuses; chaleur; surcharge ou charge insuffisante dans des équipes mal équilibrées; course au rendement chez les travailleurs débutants ou âgés; isolement vis-à-vis des collègues, de la famille et des amis; manque d’intimité dans le camp. S’y ajoutent le statut social généralement peu valorisé des travailleurs forestiers et les conflits occasionnel entre bûcherons et population locale ou associations écologistes. En fin de compte, les changements qui ont sensiblement accru la productivité du travail forestier ont aussi eu pour effet d’augmenter le stress et de diminuer le bien-être général des travailleurs (voir figure 68.16).

Figure 68.16 Représentation schématique des relations causales affectant la
situation des opérateurs indépendants

Figure 68.16

Deux catégories de personnel sont particulièrement sujettes au stress: les conducteurs d’abatteuses-tronçonneuses et les petits entrepreneurs indépendants. Le conducteur d’un engin d’abattage perfectionné est exposé à un stress sous différentes formes en raison de la brièveté des cycles de travail, de la quantité d’informations à absorber et du nombre important de décisions à prendre rapidement. Il est beaucoup plus difficile de conduire une abatteuse-tronçonneuse que des machines classiques comme les débusqueuses, les chargeuses et les débardeuses. Le conducteur est en outre habituellement responsable de l’entretien de sa machine, de la préparation des pistes de débardage, ainsi que du débitage, du cubage et d’autres tâches que l’entreprise contrôle attentivement et dont la rémunération a une incidence directe sur son salaire. La tension nerveuse est particulièrement forte dans le cas des opérations d’éclaircie, car le conducteur travaille alors généralement seul et doit prendre des décisions irréversibles. Dans une étude sur des coupes d’éclaircie réalisées avec des abatteuses-tronçonneuses, Gellerstedt (1993) a analysé l’effort mental fourni et en a conclu qu’il constituait le facteur limitatif de la productivité des travailleurs. Face à la pression, certains conducteurs ne savaient pas interrompre le cycle de travail par de courtes pauses et ils souffraient de ce fait de problèmes du cou et des épaules. Quant à savoir quelles décisions et tâches sont jugées les plus difficiles, il apparaît que la réponse est très variable selon les individus, en fonction de facteurs comme les origines, l’expérience professionnelle et la formation (Juntunen, 1993, 1995).

Les petits exploitants qui utilisent leurs propres machines, cas assez fréquent, constituent un autre groupe de travailleurs soumis à des tensions encore plus fortes. Ayant souvent contracté des emprunts pouvant s’élever jusqu’à 1 million de dollars E.-U., ces entrepreneurs courent un risque financier important sur un marché particulièrement instable et compétitif, et il n’est pas rare que leur semaine de travail dépasse 60 heures. Chez ce groupe, la capacité de résistance au stress est un atout important. Selon une étude effectuée en Suède (Lidén, 1995), 54% de ces exploitants forestiers envisageaient de changer d’activité pour les motifs suivants: premièrement parce qu’ils voulaient préserver leur vie familiale; deuxièmement pour des raisons de santé; troisièmement à cause de la surcharge de travail; et quatrièmement, parce que cette activité n’était pas rentable pour eux. Aussi bien les chercheurs que les intéressés eux-mêmes considéraient par conséquent la résistance au stress comme une qualité indispensable pour pouvoir se lancer et réussir dans ce type d’activité sans risquer de graves problèmes de santé.

Lorsque le processus de sélection est efficace, il est possible que les travailleurs de ce groupe ne présentent pas de sérieux problèmes de santé mentale (Kanninen, 1986). Toutefois, dans bien des cas, et pas seulement dans les pays nordiques, certains entrepreneurs s’engagent dans ce secteur faute d’autres possibilités; ils sont alors exposés à plus de risques, sur le plan de la sécurité et de la santé, que des personnes dont le profil cadre mieux avec les exigences du métier. L’amélioration du confort des cabines et de leur aménagement, notamment des commandes, ainsi que les mesures d’hygiène individuelle, comme la pratique de courtes pauses régulières et d’exercices physiques, peuvent atténuer le stress. La théorie des modèles internes pourrait également être utilisée pour renforcer la formation de façon à mieux préparer les intéressés à la complexité et à la difficulté toujours croissantes du travail mécanisé, ce qui contribuerait à abaisser le «niveau de fond» du stress. La diversification des tâches et la rotation des postes dans le cadre du travail organisé en équipe sont probablement les solutions les plus difficiles à mettre en pratique, mais aussi celles qui pourraient offrir le plus d’efficacité.

LES RISQUES CHIMIQUES

Juhani Kangas

Les carburants et les lubrifiants des machines

Les machines portatives — scies à chaîne, débroussailleuses, etc. — et les engins mobiles utilisés en foresterie produisent des émissions d’hydrocarbures. L’essence contient principalement des hydrocarbures aromatiques (y compris jusqu’à 5% de benzène dans certains pays) et aliphatiques, plus des additifs et des traces d’autres substances. Pendant la saison froide, l’essence contient plus d’hydrocarbures légers et volatils qu’en saison chaude. Les additifs sont des composés de plomb organiques, des alcools et des éthers dont on se sert pour augmenter l’indice d’octane. Souvent, depuis quelque temps, le plomb a été entièrement remplacé par des éthers et des alcools.

Les machines portatives sont équipées de moteurs à deux temps dans lesquels l’huile est mélangée à l’essence. Les huiles moteur et les huiles de chaîne et les graisses sont des huiles minérales, synthétiques ou végétales. La préparation du mélange, le remplissage du réservoir et l’utilisation du matériel exposent à un risque de contact avec l’essence et les huiles. De plus, les carburants, évidemment, présentent un risque d’incendie, d’où la nécessité de les stocker de manière sûre et de les manipuler avec prudence.

Les aérosols d’huiles peuvent causer des problèmes de santé tels que des irritations des voies respiratoires supérieures et des yeux, et des problèmes cutanés. Des études ont été réalisées sur le degré d’exposition des bûcherons aux aérosols d’huiles (minérales et végétales) pendant des opérations d’abattage. On a relevé une moyenne de 0,3 mg/m3 pour les huiles minérales et un chiffre encore inférieur pour les huiles végétales.

Le travail forestier se mécanise à un rythme accéléré. Les moteurs et les systèmes hydrauliques des engins utilisés consomment de grandes quantités de gazole, d’huile moteur et de liquide hydraulique. Le contact des mains avec ces produits pendant les opérations d’entretien et de réparation peut entraîner des affections inflammatoires de la peau. Les huiles minérales caractérisées par une chaîne carbonée courte (C14-C21) sont les plus irritantes. Le port de gants est donc recommandé, de même qu’une bonne hygiène individuelle.

Les gaz d’échappement

Les gaz d’échappement provenant des scies à chaîne contiennent principalement de l’essence non brûlée. De façon générale, environ un tiers de l’essence consommée par le moteur d’une scie à chaîne est rejeté comme imbrûlé. Ces émanations sont composées des constituants habituels de l’essence, tels que des hydrocarbures aromatiques, notamment du toluène, mais aussi du benzène. Certains gaz d’échappement se forment pendant la combustion, le plus toxique étant l’oxyde de carbone. La combustion produit aussi des aldéhydes, principalement du formaldéhyde, et des oxydes d’azote.

L’exposition des travailleurs forestiers aux gaz émis par les scies à chaîne a fait l’objet d’une étude en Suède. Plusieurs situations ont été prises en considération. Pour les opérations de façonnage, les mesurages ne révèlent aucune différence entre les niveaux moyens d’exposition en présence ou en l’absence de neige. Pendant l’abattage, en revanche, on observe des degrés d’exposition ponctuellement élevés, surtout lorsque le sol est couvert d’une épaisse couche de neige, ce qui explique apparemment la gêne et les malaises éprouvés par les bûcherons. Le degré moyen d’exposition est en effet deux fois plus important chez les travailleurs uniquement chargés de l’abattage que chez ceux qui assurent aussi l’ébranchage, le tronçonnage et le débusquage à la main. Ces dernières opérations, beaucoup moins polluantes, se caractérisent par les niveaux d’exposition suivants: hydrocarbures, 20 mg/m3; benzène, 0,6 mg/ m3; formaldéhyde, 0,1 mg/m3; oxyde de carbone, 20 mg/m3.

Ces chiffres sont nettement inférieurs aux limites fixées dans les pays industriels pour une exposition de huit heures. Pourtant, les bûcherons se plaignent souvent d’une irritation des voies aériennes supérieures et des yeux, ainsi que de maux de tête, de nausées et de fatigue, qui peuvent s’expliquer, du moins en partie, par l’exposition aux polluants susmentionnés.

Les pesticides et les herbicides

Dans les forêts et les pépinières, les pesticides servent à éliminer champignons, insectes et rongeurs. Globalement, les quantités utilisées sont toutefois minimes par rapport à ce que l’on observe dans l’agriculture. On se sert aussi d’herbicides comme débroussaillants et pour nettoyer les jeunes peuplements de résineux (herbicides du type phénoxy, glyphosates ou triazines). A l’occasion, des insecticides peuvent également être employés, principalement des composés organophosphorés ou organochlorés et des pyréthroïdes synthétiques. Dans les pépinières, on utilise régulièrement des dithiocarbamates pour protéger les jeunes plants de résineux contre le champignon des pins. Le tableau 68.7 dresse la liste des principaux produits chimiques employés en Europe et en Amérique du Nord dans les années quatre-vingt. Beaucoup de pays ont pris des mesures pour leur trouver des produits de remplacement ou pour en restreindre l’utilisation. Pour plus de détails sur la composition de ces substances, les symptômes d’intoxication et les traitements, voir dans cette Encyclopédie les chapitres nos 61, 62 et 63 consacrés aux produits chimiques.

Tableau 68.7 Exemples de produits chimiques utilisés dans le secteur forestier en
Europe et en Amérique du Nord dans les années quatre-vingt

Fonctions

Produits chimiques

Fongicides

Bénomyl, borax, carbendazim, chlorothalonil, dicropropène, bromure de méthyle, endosulphan, gamma-HCH, mancozèbe, manèbe, métirame, thirame, zinèbe

Destruction d’animaux

Acétate de polyvinyle

Limitation des dommages provoqués par les animaux

Thirame

Effet répulsif sur les animaux

Huile de poisson, tallöl

Herbicides

Alcool allylique, cyanazine, dachtal, dalapon, dicamba, dichlobénile, diuron, fosamine, glyphosate, herbicides au phénol (par exemple, 2,4,5-T*, 2,4-D), hexazinone, MCPA, MCPB, Mecoprop (MCPP), MSMA, oxyfluortène, paraquat, piclorame, pronoamide, simazine, soufre, TCA, terbuthiuron, terbuthylazine, trichlopyre, trifluraline

Insecticides

Azinphos, Bacillus thuringiens, bendiocarpanate, carbaryle, cyperméthrine, deltaméthrine, diflubenzuron, dibromure d’éthylène, fénitrothion, fenvalérate, lindane, lindane+promécarbe, malathion, parathion, parathionméthyle, perméthrine, pyréthrine, propoxur, propyzamide, tétrachlorvinphos, trichlorfon

Pesticides

Captane, chlorpyrifos, cyanure de sodium, diazinon, métalaxyl, napropamide, séthoxydime, triadiméfon

Rodenticides

Phosphure d’aluminium, phosphure de zinc, strychnine, warfarine, zirame

Stérilisation du sol

Dazomet

Protection des souches

Urée

Combustibles et huiles

Huiles minérales, huiles synthétiques, huiles végétales, essence, gazole

Autres produits chimiques

Engrais (par exemple, urée), solvants (par exemple, éthers de glycol, alcools à chaîne longue), desmétryne

* Usage soumis à des restrictions dans certains pays.

Source: d’après Patosaari, 1987.

Il existe un large éventail de techniques pour appliquer les pesticides aux endroits voulus dans les forêts et les pépinières. Les plus courantes sont l’épandage par voie aérienne, l’application mécanisée par tracteur, la pulvérisation à bas volume ou l’emploi d’un pulvérisateur dorsal ou relié à une débroussailleuse.

Le risque d’exposition est le même que dans toute application de pesticides. Pour l’éviter, les travailleurs forestiers doivent porter un équipement de protection individuelle (chapeau, combinaison, bottes et gants), et se munir également d’un appareil respiratoire s’ils pulvérisent des pesticides toxiques. Souvent, le port d’un équipement efficace de protection individuelle est inconfortable parce qu’il tient trop chaud et fait transpirer exagérément. Les pulvérisations se font donc de préférence pendant les heures les plus fraîches de la journée et par vent modéré. Il importe aussi de laver immédiatement à l’eau les épanchements de produit et d’éviter de fumer et de manger pendant les opérations d’épandage.

Les symptômes causés par une exposition excessive à des pesticides varient sensiblement selon les composés, mais il s’agit le plus souvent de manifestations cutanées (pour plus de précisions sur les pesticides employés en Europe et en Amérique du Nord, on se reportera au document du Comité mixte FAO/CEE/OIT, 1991).

Autres produits

Parmi les autres produits chimiques d’usage courant dans le secteur forestier, on peut mentionner les engrais et les colorants qui servent à marquer les arbres. Le marquage s’effectue à l’aide d’un marteau ou d’un vaporisateur. Les colorants renferment des éthers de glycol, des alcools et d’autres solvants organiques, mais le degré d’exposition à ces substances pendant leur utilisation est probable-ment faible. Quant aux engrais, ils sont peu toxiques et leur emploi pose rarement un problème pour la santé au travail.

LES RISQUES BIOLOGIQUES CHEZ LES TRAVAILLEURS FORESTIERS

Jörg Augusta

Comparativement au reste de la population, les personnes qui travaillent en plein air, notamment dans l’agriculture et la foresterie, sont plus exposées à des risques biologiques, c’est-à-dire d’origine animale, végétale, bactérienne ou virale.

Les plantes et le bois

Les problèmes les plus courants sont des réactions allergiques à des plantes et à des produits ligneux (bois, écorce, sciure) et végétaux, notamment au pollen. S’y ajoutent les blessures de contact (avec des épines, des aiguilles, de l’écorce, etc.) et les risques d’infections secondaires qui peuvent entraîner des complications. Il est donc particulièrement important de porter des vêtements de protection appropriés.

Il est impossible de dresser un tableau exhaustif des propriétés toxiques des plantes, des produits du bois et de leurs constituants. Dans ce domaine, les notions théoriques ne suffisent pas, seule l’expérience pratique peut permettre d’acquérir les connaissances spécifiques indispensables pour prendre des mesures de sécurité.

Les grands mammifères

L’utilisation de chevaux, bœufs, buffles, éléphants, etc. comme animaux de trait peut être à l’origine de situations dangereuses imprévues, susceptibles d’avoir des conséquences graves. Les maladies que ces animaux peuvent transmettre à l’humain constituent aussi un risque important.

Les infections et les maladies transmises par les animaux

Elles représentent le principal risque biologique. Leur nature et leur incidence étant très différentes d’une région à l’autre, il est impossible de les passer toutes en revue. Le tableau 68.8 présente une liste d’infections communes en foresterie.

Tableau 68.8 Quelques infections courantes chez les travailleurs forestiers

 

Cause

Transmission

Localisation

Effets

Prévention/thérapie

Amibiase

Entamoeba histolytica

De personne à personne, ingestion avec des aliments (eau, fruits, légumes); porteurs souvent asymptomatiques

Tropiques et zones tempérées

Troubles fréquents de l’appareil digestif

Hygiène individuelle; chimioprophylaxie et vaccination impossibles
Thérapie: chimiothérapie

Dengue

Arbovirus

Piqûres de moustiques

Zones tropicales et subtropicales, Caraïbes

Maladie conférant une immunité d’un an ou plus, non mortelle

Réduction et élimination des moustiques porteurs, filets antimoustiques
Thérapie: symptomatique

Echinococcose alvéolaire

Echinococcus multilocularis

Animaux sauvages, notamment le renard; moins fréquent chez les animaux domestiques (chats, chiens)

Zones endémiques mal connues

Touche surtout le foie

Interdiction de consommer des fruits sauvages crus; humidification de la fourrure lorsqu’on transporte la dépouille d’un renard; gants, protection de la bouche
Thérapie: traitement clinique

Encéphalite japonaise

Arbovirus

Piqûres de moustiques (espèce Culex); de personne à personne; de mammifère à humain

Endémique en Chine, en Inde, au Japon, en Corée et dans les pays voisins

Mortalité pouvant atteindre 30%; guérison partielle à concurrence de 80%

Prévention contre les moustiques; vaccination possible
Thérapie: symptomatique

Erysipéloïde

Erysipelotrix rhusiopathiae

Blessures profondes chez les personnes au contact de tissus de poissons ou d’animaux

Partout dans le monde; infecte surtout le porc

Guérison généralement spontanée après 2 ou 3 semaines, bactériémie possible (arthrite aiguë suppurée, atteinte des valvules cardiaques)

Vêtements de protection
Thérapie: antibiotiques

Fièvre fluviale du Japon (tsutsugamushi)

Rickettsia (R. orientalis)

Présence d’acariens (réservoir animal: rats, souris, marsupiaux); infection contractée sur une plantation ou dans la brousse; risques particulièrement élevés pour les dormeurs en plein air

Extrême-Orient, Pacifique, Australie

Pronostic sérieux, mortalité presque nulle lorsque le traitement est rapide

Lutte contre les rongeurs et les acariens; chimioprophylaxie très
discutée
Thérapie: administration rapide d’antibiotiques

Fièvre jaune

Virus

Piqûres de moustiques infectés par contact avec des primates vivant dans les forêts

Afrique centrale, Amérique du Sud et centrale

Mortalité pouvant atteindre 10%

Vaccination

Fièvre à papatacci

Flavivirus

Piqûres de moustiques (Phlebotomus papatasii)

Endémique et épidémique autour de la Méditerranée, en Asie du Sud et de l’Est, en Afrique orientale, en Amérique du Sud et centrale

Pronostic généralement favorable, convalescence souvent longue, maladie conférant une immunité durable

Lutte contre les insectes
Thérapie: symptomatique

Fièvre récurrente

Borrelia spirochetes

Tiques, poux de tête et du corps, rongeurs

Amérique du Nord, Afrique, Asie, Europe

Forte fièvre, jusqu’à 5% de mortalité en l’absence de traitement

Hygiène individuelle
Thérapie: médication (tétracycline, etc.)

Filariose

Wuchereria bancrofti, Brugia malayi

De l’animal à l’humain, mais aussi par certains moustiques

Zones tropicales et subtropicales

Effets très divers

Hygiène individuelle; lutte contre les moustiques
Thérapie: médication possible

Gangrène gazeuse

Diverses formes de Clostridium

Au début de l’infection, milieu anaérobie possédant un faible potentiel redox, et présence obligatoire de tissus nécrosés (écrasement avec plaie ouverte de parties molles)

Partout dans le monde; dans le sol, dans les intestins d’humains et d’animaux

Mortalité élevée; fatale en l’absence de traitement (en 1 à 3 jours)

Pas d’antitoxine spécifique connue jusqu’à présent, sérum contre la gangrène gazeuse très discuté
Thérapie: traitement clinique

Leptospirose

Diverses formes de Leptospira

Urine d’animaux sauvages ou domestiques infectés (souris, rats, lapins de garenne, renards, chiens), lésions cutanées, muqueuses

Zones endémiques partout dans le monde

Asymptomatique, ou infection pouvant toucher plusieurs organes

Port de vêtements de protection lorsqu’on s’approche d’animaux infectés, vaccination impossible
Thérapie: pénicilline, tétracycline

Maladie de Lyme

Borrelia burgdorferi

Ixodes ricinus, probablement aussi d’autres insectes

Europe, Amérique du Nord, Australie, Japon, Chine

Nombreuses formes de maladie, possibilité d’infection d’organes avec complications

Mesures de protection individuelle pour éviter l’infection par des tiques; vaccination impossible
Thérapie: antibiotiques

Méningite, méningo- encéphalite

Bactéries (méningo-, pneumo- staphylocoques et autres)

Infection essentiellement transmise par voie aérienne

Méningocoques, épidémie de méningite, ou présence généralisée

Moins de 10% de mortalité sous réserve d’un diagnostic précoce et d’un traitement spécifique

Hygiène individuelle; isolement des personnes infectées
Thérapie: antibiotiques

 

Virus (arbovirus, coxsackie, echo, de la poliomyélite, de l’herpès et de la varicelle)

Infection des muqueuses et respiratoire (voies aériennes, tissu conjonctif, lésion de la peau), infection par des souris dans une proportion élevée de cas

Partout dans le monde

Forte mortalité (70%) avec infection herpétique

Hygiène individuelle; lutte contre les souris
Thérapie: symptomatique, traitement spécifique efficace contre certains virus de la varicelle

 

Champignons

Infections systémiques pour la plupart

Partout dans le monde

Pronostic incertain

Thérapie: antibiotiques (traitement prolongé)

 

Mycobactéries (voir tuberculose)

 

 

 

 

 

Leptospira (voir leptospirose)

 

 

 

 

Méningo-encéphalite verno-estivale

Flavivirus

Présence de l’ixodes ricinus, transmission sans vecteur dans quelques cas isolés (par exemple, par le lait)

Réservoirs naturels limités à certaines régions, zones endémiques connues pour la plupart

Complications pouvant entraîner des dommages ultérieurs

Vaccination et immunisation passive possibles
Thérapie: symptomatique

Onchocercose
Loase
Dracunculose
Dirofilariose

Diverses formes de Filaria

Mouches, eau

Afrique occidentale et centrale, Inde, Pakistan, Guinée, Proche-Orient

Effets très variés

Lutte contre les mouches; hygiène individuelle
Thérapie: chirurgie ou médication

Ornithose

Chlamydia psittaci

Oiseaux, notamment variétés de perroquets et de colombes

Partout dans le monde

Cas mortels relevés

Elimination du réservoir de pathogènes, vaccination impossible
Thérapie: tétracycline

Paludisme

Diverses formes de Plasmodium (tropica, vivax, ovale, falciparum, malariae)

Moustiques (anophèles)

Régions subtropicales et tropicales

30% de mortalité avec P. tropica

Chimioprophylaxie possible, mais incertaine; moustiquaire et produits antimoustiques, vêtements
Thérapie: médication

Rage

Rhabdovirus

Morsure d’un animal sauvage ou domestique infecté (salive extrêmement infectieuse), infection connue par voie aérienne

Beaucoup de pays, fréquence très variable

Mort fréquente

Vaccination (y compris après l’exposition) et immunisation passive possibles
Thérapie: traitement clinique

Tétanos

Clostridium tetani

Voie parentérale, blessure profonde souillée, absorption de corps étrangers

Partout dans le monde; particulièrement courant dans les zones tropicales

Mort fréquente

Vaccination et immunisation passive possibles
Thérapie: traitement clinique

Trichocéphalose

Trichuris trichiura

Ingestion d’œufs incubés 2 ou 3 semaines dans le sol

Zones tropicales et subtropicales; cas isolés aux Etats-Unis

Présence de symptômes uniquement dans le cas d’une infection grave

Hygiène individuelle
Thérapie: médication possible

Tuberculose

Diverses formes de Mycobacterium (m. bovis, avium balnei, etc.)

Inhalation de gouttelettes infectées, lait contaminé, contact avec des animaux sauvages infectés (bouquetins, cervidés, blaireaux, lapins, poissons), lésions cutanées, muqueuses

Partout dans le monde

Mortalité toujours élevée, variable selon l’organe infecté

Vaccination possible; chimioprophylaxie très discutée
Thérapie: traitement clinique, isolement, médication

Tularémie

Francisella tularensis

Lésions de l’appareil digestif, eau contaminée, rongeurs, contact avec lapins de garenne, tiques, arthropodes, oiseaux; germes pouvant entrer à travers une peau saine

Partout dans le monde

Affections variées; immunité obtenue après une première maladie; mortalité nulle avec traitement et de 6% environ sans traitement

Précautions par rapport aux animaux sauvages dans les zones endémiques, désinfection de l’eau
Thérapie: antibiotiques

Les serpents venimeux

Toute morsure de serpent venimeux constitue une urgence médicale. Elle requiert un diagnostic exact et un traitement immédiat. Vu la grande variété des espèces et les particularités territoriales, le savoir nécessaire à cette fin ne peut s’acquérir que localement et, pour cette raison, ne peut être décrit en termes généraux. La pose d’un garrot et la pratique d’une incision de la peau au niveau de la morsure (uniquement par une personne expérimentée) en tant que techniques de secourisme, sont sujettes à controverse. Il est nécessaire d’administrer rapidement une dose d’un antidote approprié. Il faut également surveiller les réactions allergiques généralisées à l’antidote, qui peuvent mettre la vie en danger. La personne blessée doit être transportée en position allongée. Il ne doit être administré ni alcool ni morphine.

Les araignées

Seuls quelques poisons d’araignées ont été étudiés à ce jour. Il est capital d’identifier l’araignée (ce qui n’est possible que par la connaissance du milieu local) et d’administrer éventuellement un antisérum, sachant qu’il n’existe de toute façon aucune mesure de secours valable dans toutes les situations. Les règles mentionnées pour les serpents venimeux s’appliquent aussi aux araignées.

Les abeilles, les guêpes, les frelons et les fourmis

Le poison d’un insecte peut avoir différents effets selon le siège de la piqûre. Dans un premier temps, il est recommandé de retirer le dard de la peau (en prenant soin de ne pas inoculer plus de poison dans l’organisme pendant l’opération) et de refroidir la région touchée. La complication la plus à craindre après une piqûre d’insecte est une réaction allergique généralisée qui peut mettre la vie en péril. Les sujets allergiques aux piqûres d’insectes devraient donc toujours emporter avec eux de l’adrénaline et un antihistaminique injectable.

Les scorpions

Après une piqûre, il est capital d’administrer une dose d’antidote. Là encore, la connaissance du milieu local est nécessaire pour dispenser les premiers soins.

LES RÈGLES, LES LOIS, LES RÉGLEMENTATIONS ET LES CODES RÉGISSANT LES PRATIQUES FORESTIÈRES

Othmar Wettmann

Dans un secteur qui présente beaucoup de risques, comme la foresterie, il est fondamental d’adopter des règles de sécurité appropriées et spécifiques si l’on veut réduire la fréquence des accidents et des problèmes de santé. Il est malheureusement beaucoup plus difficile en foresterie que dans beaucoup d’autres disciplines d’élaborer de telles règles et de les faire respecter. Souvent, les lois sur la sécurité professionnelle et les réglementations générales en vigueur ne s’appliquent pas spécifiquement à la foresterie. En outre, comme elles sont conçues à l’origine pour le travail en usine, il est souvent difficile de les appliquer à des métiers pratiqués en plein air, dans des conditions extrêmement variables.

Cet article décrit la réglementation de la sécurité dans le secteur forestier, en allant des dispositions générales aux règles spécifiques; il formule aussi quelques suggestions sur ce qui pourrait être fait pour renforcer l’application de cette réglementation. Il se termine par une brève présentation des codes de pratiques forestières, qui s’annoncent très prometteurs en tant que moyens de réglementation ou d’autoréglementation.

Les principes posés par la loi

En général, les lois sur la sécurité se contentent de poser quelques principes fondamentaux, se résumant ainsi:

Le contenu des réglementations générales

La réglementation relative à la prévention des accidents et des maladies professionnelles apporte, quant à elle, un certain nombre de précisions sur:

La réglementation contient aussi des dispositions sur:

Etant donné que la législation est évolutive, il arrive souvent que des lois relatives à d’autres domaines et branches d’activité contiennent des dispositions également applicables à la sécurité des travailleurs forestiers. En Suisse, par exemple, tel est le cas du code du travail, de la loi sur les explosifs, de la loi sur les poisons et du code de la route. Il serait très souhaitable pour les usagers que toutes ces prescriptions soient réunies en un seul et même texte de loi.

La réglementation de la sécurité dans le secteur forestier: une exigence de pragmatisme et de souplesse

Dans la plupart des cas, les lois et règlements, trop abstraits, se prêtent mal à une application quotidienne sur le terrain. Ils ne sont pas adaptés aux dangers et aux risques engendrés par l’emploi des machines, des véhicules et des matériaux utilisés dans les diverses branches et usines, et cela est d’autant plus vrai dans un secteur comme la foresterie, où les conditions de travail sont particulièrement variées et atypiques. C’est pourquoi il existe des commissions sectorielles chargées de mettre au point des règles de sécurité pour chaque industrie et ses divers corps de métiers, ainsi que pour les équipements et les machines utilisés. En général, ce processus se déroule selon la démarche, consciente ou inconsciente, décrite ci-après:

Premièrement, on analyse les dangers que peuvent présenter une activité ou un système particulier. Les blessures aux jambes, par exemple, sont un risque fréquent chez les opérateurs de scies à chaîne.

Deuxièmement, on fixe des objectifs de protection sur la base des dangers recensés et en précisant «ce qui ne doit pas arriver». Exemple: «Des mesures doivent être prises pour éviter que les opérateurs de scies à chaîne ne se blessent aux jambes».

Et, troisièmement, c’est seulement à cette étape que l’on étudie les solutions ou les mesures susceptibles d’atténuer ou d’éliminer les dangers, compte tenu de l’état des techniques. Dans l’exemple susmentionné, le port de pantalons renforcés fait partie des mesures conseillées. En ce qui concerne le niveau technologique exigé, on peut se référer à la norme européenne EN 381-5 (Comité européen de normalisation (CEN), 1995).

Cette façon de procéder offre les avantages suivants:

La création de commissions sectorielles bi- ou tripartites comprenant des représentants des employeurs et des organisations syndicales se révèle dans la pratique un bon moyen de faire accepter et appliquer plus largement les règles de sécurité.

Le contenu des règles de sécurité

Une fois que l’on s’est fixé des objectifs en matière de protection après avoir analysé les risques associés à certains postes ou types d’équipement, il est possible d’arrêter des mesures dans les domaines de la technologie, de l’organisation et du personnel.

Les questions techniques

Le niveau technologique exigé pour certains équipements et matériels employés en foresterie, comme les scies à chaîne, les débroussailleuses ou les jambières portées par les opérateurs de scies à chaîne, est défini dans des normes internationales, ainsi qu’il est expliqué dans ce chapitre. A terme, les normes européennes et celles de l’Organisation internationale de normalisation (ISO) devront être unifiées. L’adoption de ces normes par chaque pays contribuera à uniformiser la protection garantie aux travailleurs de l’industrie. En apportant la preuve que tel équipement respecte ces normes, le vendeur ou le fabricant donne à l’acheteur l’assurance que ledit équipement est conforme au niveau technologique exigé. Dans les nombreux cas où il n’existe pas de normes internationales, des groupes d’experts devraient définir des minima nationaux.

En plus du niveau technologique, les aspects suivants ont aussi leur importance:

Le travail forestier laisse souvent beaucoup à désirer sur ces plans.

Les questions d’organisation

Dans l’entreprise et sur le lieu de travail, il faut que certaines conditions soient remplies pour que chacun puisse s’acquitter de sa tâche en toute sécurité. Ces conditions revêtent différents aspects:

Les questions relatives au personnel

Les questions relatives au personnel comportent deux volets:

Formation de base et formation permanente . Dans certains pays, une formation est prévue pour les salariés des entreprises forestières; les utilisateurs de scies à chaîne, par exemple, sont tenus de suivre des cours de formation et de perfectionnement.

Orientation, bien-être et soutien. Il importe, par exemple, de montrer à tout nouveau travailleur comment s’acquitter de sa tâche et de l’encadrer. L’expérience révèle que le degré de sécurité observé dans une entreprise dépend dans une large mesure de la manière dont l’encadrement maintient la discipline et supervise le travail.

L’exécution du travail

La plupart des règlements en matière de sécurité formulent des principes sur la manière de se comporter et auxquels le travailleur est censé se conformer. En foresterie, ces règles visent principalement des opérations essentielles, comme:

Outre les normes internationales et les réglementations nationales qui se sont révélées efficaces dans plusieurs pays, le recueil de directives pratiques du Bureau international du travail (BIT) offre des exemples et des conseils sur la conception et l’élaboration de règles applicables au niveau national ou au niveau de l’entreprise (BIT, 1969, 1998).

Il est nécessaire de revoir ou d’adapter constamment les règles de sécurité à mesure que les circonstances évoluent ou de les compléter pour tenir compte de nouvelles technologies ou méthodes de travail. A cette fin, il serait très utile de mettre en place un système de notification et d’enquête relatif aux accidents. Malheureusement, peu de pays appliquent cette solution. Le BIT (1991) présente pourtant quelques exemples concluants à ce sujet. Même des systèmes relativement simples donnent de bons résultats (pour plus de détails, voir Strehlke, 1989). Dans le secteur forestier, les causes des accidents sont souvent complexes. Faute de reposer sur une appréciation suffisamment approfondie de la situation, les mesures de prévention et les règles de sécurité sont souvent inadaptées. Le fait que la cause d’un accident soit souvent attribuée, à tort, à un «comportement imprudent» illustre bien ce propos. Lorsqu’on enquête sur un accident, le plus important est d’essayer de comprendre les causes, plutôt que d’établir les responsabilités individuelles. La recherche de l’enchaînement des causes est trop onéreuse pour qu’on l’effectue systématiquement, mais elle donne de bons résultats dans des cas compliqués et quand on souhaite sensibiliser les groupes concernés à la sécurité et améliorer la communication dans l’entreprise (la situation de la Suisse est illustrée par Pellet, 1995).

Faire appliquer la réglementation

Toute réglementation en matière de sécurité est vouée à rester lettre morte tant que l’ensemble des acteurs concernés ne participent pas à son application. A cet égard, Jokiluoma et Tapola (1993) nous donnent un exemple de coopération qui, en Finlande, a donné d’excellents résultats. Les associations d’entrepreneurs et de propriétaires forestiers contribuent très activement à l’information, à l’éducation et à la formation dans ce domaine, y compris auprès de groupes difficiles à joindre comme les entrepreneurs indépendants et les forestiers paysans.

Les règles de sécurité doivent être mises à la disposition des usagers sous une forme commode. La publication en format de poche d’extraits concis et illustrés applicables à des tâches particulières, comme le travail avec une scie à chaîne ou le débusquage avec des câbles-grues aériens, est une bonne pratique. Dans beaucoup de pays, les travailleurs migrants représentent un fort pourcentage du personnel forestier. Les réglementations et les guides pratiques devraient être mis à leur disposition dans leurs langues respectives. Les fabricants de matériel forestier devraient aussi être tenus d’inclure dans leurs modes d’emploi des informations et des instructions complètes sur tous les aspects de l’entretien et de l’utilisation sans risque des équipements qu’ils proposent.

La coopération des travailleurs et des employeurs est évidemment très importante, non seulement au niveau sectoriel, mais aussi et surtout au niveau de l’entreprise. Le BIT (1991) a recensé plusieurs exemples d’une coopération réussie et très efficace au regard des coûts. L’insécurité générale en foresterie est souvent aggravée quand le travail est accompli par des sous-traitants. Dans ce cas, le marché proposé par le donneur d’ordre, propriétaire forestier ou industriel, devrait toujours comprendre une clause exigeant le respect des règles de sécurité, ainsi que des sanctions en cas d’infraction à la réglementation. Celle-ci devrait d’ailleurs être annexée au contrat.

Dans certains pays, la législation générale établit l’existence d’une responsabilité solidaire ou subsidiaire pour le donneur d’ordre — en l’occurrence, un propriétaire forestier ou une entreprise — à l’égard du sous-traitant. Ce genre de mesure peut faire beaucoup pour écarter les entrepreneurs irresponsables et contribuer au développement d’un secteur de services de qualité.

Autre mesure plus spécifique, mais allant dans le même sens: l’accréditation des sous-traitants par un organisme gouvernemental ou par les caisses d’indemnisation des accidents du travail. Dans certains pays, les soumissionnaires doivent démontrer qu’ils sont à la fois suffisamment équipés, économiquement indépendants et techniquement compétents pour effectuer des travaux forestiers. On pourrait très bien envisager qu’ils se regroupent en associations pour organiser eux-mêmes leur profession, mais cette approche volontaire n’a guère trouvé d’écho jusqu’à présent.

En foresterie, l’inspection du travail est une tâche très difficile parce que les lieux de travail, dispersés et temporaires, sont souvent situés dans des régions très éloignées, voire inaccessibles. Dans ces conditions, la sécurité est mieux servie par des initiatives visant à motiver les intéressés que par des interventions de contrôle isolées. Dans les pays où prédominent les grands exploitants ou propriétaires forestiers, les contrôles opérés par ces derniers chez les sous-traitants, sous la surveillance de l’inspection du travail ou des organismes d’indemnisation des accidents du travail, peuvent améliorer la sécurité. Pour une utilisation optimale du personnel et des moyens de transport, toute intervention directe de l’inspection du travail devrait être clairement définie, aussi bien dans ses objectifs qu’en termes de périmètre géographique. Comme les inspecteurs du travail, le plus souvent, ne sont pas des professionnels de la forêt, il vaudrait mieux qu’ils s’appuient sur des listes de contrôle par thèmes («scies à chaîne», «camps», etc.) après avoir suivi une formation de un ou deux jours. On peut obtenir du BIT un film vidéo sur l’inspection du travail en foresterie (BIT, 1993).

Une des plus grandes difficultés consiste à intégrer les règles de sécurité aux opérations courantes. Lorsqu’un règlement forestier se présente sous la forme d’un texte distinct, les chefs d’équipe et les travailleurs tendent à le considérer comme une nouvelle contrainte s’ajoutant aux problèmes techniques, logistiques et autres. En conséquence, les questions de sécurité tendent à être reléguées au second plan. Le reste de cet article décrit une solution pour remédier à ce problème.

Les recueils de directives pratiques forestières

Ces recueils se différencient des réglementations générales en matière de sécurité et de santé au travail par le fait qu’ils constituent des ensembles de règles, prescriptions ou recommandations propres à la foresterie, centrés sur la pratique et théoriquement étendus à tous les aspects d’une opération, y compris ceux de la sécurité et de la santé. Leur contenu varie énormément en pratique. Certains sont très concis, d’autres complexes et extrêmement détaillés. Ils peuvent porter sur toutes les opérations forestières ou seulement sur celles jugées essentielles, comme la récolte.

Les recueils de directives pratiques peuvent se révéler un excellent complément des réglementations générales ou spécifiques à la foresterie en matière de sécurité. Ils apparaissent dans un nombre croissant de pays. L’Afrique du Sud, l’Australie, les Fidji, la Nouvelle-Zélande, et de nombreux Etats des Etats-Unis en sont déjà pourvus et ils sont en préparation dans plusieurs autres, dont le Chili, l’Indonésie, la Malaisie et le Zimbabwe.

Il existe aussi deux recueils internationaux qui peuvent servir de guides. Celui de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO, 1996) aborde tous les aspects de l’exploitation forestière en général, alors que celui du BIT (1998), dont la première édition remonte à 1969 (BIT, 1969), traite uniquement de la sécurité et de la santé professionnelles.

Les nouveaux codes répondent davantage à des préoccupations environnementales qu’à un souci de sécurité. On admet cependant de plus en plus que, dans le domaine de l’exploitation forestière, l’efficacité opérationnelle, la protection de l’environnement et la sécurité sont indissociables. Elles résultent de la même planification, des mêmes méthodes et pratiques de travail. Les cas de l’abattage dirigé, dont le but est de préserver les arbres restés sur pied ou la régénération de la forêt, et les règles adoptées pour le débardage sur fortes pentes en sont de bons exemples. Certains codes, comme ceux de la FAO et des Fidji, font explicitement état de ces liens et abordent simultanément les questions de productivité, de protection de l’environnement et de sécurité au travail. L’idéal serait en fait que les codes ne traitent pas de la sécurité dans une partie distincte, mais intègrent cette dimension et celle de la santé dans l’ensemble de leurs dispositions.

Un code devrait être fondé sur les méthodes de travail et les techniques les plus sûres; il devrait faire intervenir la sécurité dès le stade de la planification, définir les normes de sécurité des équipements de protection individuelle obligatoires et énoncer les règles de la sécurité au travail. Le cas échéant, il devrait aussi contenir des prescriptions sur l’aménagement des camps, l’alimentation et le transport des travailleurs. Enfin, les questions de sécurité devraient aussi être prises en compte dans les règles concernant l’encadrement et la formation.

Un tel code peut résulter d’une initiative privée et être adopté comme texte obligatoire par des groupements d’entrepreneurs ou par l’ensemble du secteur forestier d’un pays. Il peut aussi être juridiquement contraignant. Dans tous les cas, l’application peut en être imposée par des voies légales ou par des procédures de recours.

Beaucoup de codes sont élaborés par l’industrie forestière elle-même, ce qui garantit leur côté pratique et leur pertinence, et favorise leur application par les intéressés. Au Chili, c’est une commission tripartite qui a été chargée de rédiger le code de pratiques forestières, tandis qu’aux Fidji le texte a été élaboré dès le départ en étroite concertation avec l’industrie, avant d’être rendu exécutoire par le ministère des Forêts.

Compte tenu des constatations qui précèdent et des résultats obtenus jusqu’ici, on peut dire que les codes sont un moyen extrêmement intéressant de promouvoir la sécurité du travail forestier et qu’ils offrent la possibilité d’une coopération très fructueuse entre les contrôleurs de sécurité, les organismes d’indemnisation des accidents du travail, les inspecteurs du travail et les professionnels de la foresterie.

L’ÉQUIPEMENT DE PROTECTION INDIVIDUELLE

Eero Korhonen

Le travail forestier est l’un de ceux qui exigent en permanence le port d’un équipement de protection individuelle. La mécanisation a certes réduit le nombre d’utilisateurs de scies à chaînes, mais il existe encore des tâches, souvent dans des endroits difficiles d’accès, que les gros engins ne peuvent effectuer.

Malheureusement, alors que les scies à chaîne portatives gagnaient en efficacité et en vitesse de coupe, la protection apportée par les vêtements et les chaussures de travail tendait à diminuer. En fait, le supplément de protection exigé a alourdi l’équipement porté par les travailleurs forestiers, ce qui rend leur tâche encore plus pénible, en particulier l’été dans les pays nordiques, et tout au long de l’année dans d’autres. Cet article est centré sur les utilisateurs de scies à chaîne, mais la plupart des travaux forestiers nécessitent en fait une protection. Le tableau 68.9 donne un aperçu des équipements normalement exigés.

Tableau 68.9 Equipement de protection individuelle conseillé pour les travaux forestiers

Partie du corps à protéger

Pieds

Jambes

Tronc, bras, jambes

Mains

Tête

Yeux

Yeux/visage

Oreilles

Equipement normalement approprié

Bottes ou chaussures de sécurité1

Pantalon de protection2

Vêtements ajustés

Gants

Casque de sécurité

Lunettes

Visière

Oreillettes antibruit3

Tâche

               

Plantation

               

   Manuelle

X

   

X4

       

   Mécanisée

X

 

X

       

X5

Désherbage nettoyage

               

   Outils à arêtes douces

X

   

X

 

X

   

   Scie à main

X

   

X

       

   Scie à chaîne

X 6

X

X

X7

X

X

X

X

   Scie à dégager

               

      à lame métallique

X

X

X

X

X

X

X

X

      à fil de nylon

X

X

 

X

 

X

 

X

   Couteau rotatif/fléau

X

 

X

X

     

X5

Application de pesticides

Se conformer aux instructions spécifiques pour chaque substance et chaque technique d’application.

Elagage8

               

   Outils à main

X9

   

X

X10

X

   

Abattage11

               
Outils à main

X

 

X

X12

X

     

   Scie à chaîne

X6

X

X

X7

X

 

X

X

   Mécanisé

X

 

X

 

X

   

X

Ecorçage

               

   Manuel

X

   

X

       

   Mécanisé

X

 

X

X

 

X

 

X5

Fendage

               

   Manuel

X

   

X

 

X

   

   Mécanisé

X

 

X

X

 

X

 

X

Débusquage/ débardage

               

   Manuel

X

   

X

X13

     

   Glissoire

X

   

X

X13

     

   Traction animale

X

   

X

X13

     

   Mécanisé

               

      débusqueuse

X

 

X

X14

X

   

X5

      débardeuse

X

 

X

 

X

   

X5

      câble-grue

X

 

X

X14

X

   

X5

      hélicoptère

X

 

X15

X14

X16

X

 

X

Empilage/chargement

X

 

X

X

X

   

X5

Déchiquetage

X

 

X

X

X

 

X

X5

Travail dans les arbres

               

   avec scie à chaîne

X6

X

X

X7

X17

X

 

X

   sans scie à chaîne

X

     

X

     

1Avec embout en acier pour les charges moyennes ou lourdes. 2Pantalon fait d’un matériau ayant un effet de bourrage sur la chaîne de scie; dans les climats chauds ou par temps chaud, on peut porter des guêtres. Les pantalons de sécurité et les guêtres contenant des fibres inflammables pouvant fondre ne devraient pas être portés durant les opérations de lutte contre le feu. 3 Les bouchons auriculaires ne conviennent généralement pas aux travaux forestiers en raison des risques d’infection. 4 En cas de plantation de jeunes plantes avec épines ou de plantes chimiquement traitées. 5En cas de travail sous un niveau sonore dépassant les 85 dB(A). 6 Bottes à empeigne avant et cou-de-pied renforcés, utilisées lors du maniement de scies à chaîne. 7 Matériau résistant à la déchirure renforçant le dessus du gant de la main gauche. 8 Si, pour élaguer, un travailleur doit grimper à une hauteur supérieure à 3 m, il doit utiliser un dispositif limiteur de chute. 9En cas de risque de blessures provoquées par des chutes de branches. 10En cas d’élagage à une hauteur de plus de 2,5 m. 11L’abattage comprend l’ébranchage et le tronçonnage. 12En cas d’utilisation d’une scie à main. 13En cas de débusquage près d’arbres ou de branches instables. 14Seulement en cas de manipulation de grumes; gants à paume renforcée en cas de manutention de câbles, de colliers chokers ou de câbles métalliques. 15De couleur très voyante. 16Avec jugulaire. 17Des casques d’escalade sont préférables mais, à défaut, on peut utiliser un casque de sécurité avec jugulaire.

Source: d’après Bureau international du Travail (BIT), 1998.

Les mécanismes de protection et l’efficacité des dispositifs de protection individuelle

Les vêtements de protection

Les vêtements destinés à protéger contre les coupures offrent trois formes de protection: 1) le plus souvent, le pantalon et les gants comportent un rembourrage composé de plusieurs couches de fibres à grande résistance à la traction. Quand la lame en mouvement touche les fibres, celles-ci s’étirent et entravent le mouvement de la chaîne; 2) le matériau de rembourrage peut se prendre dans le pignon d’entraînement et la glissière du guide, augmentant ainsi le frottement de la chaîne contre le guide jusqu’à ce qu’elle se bloque; 3) enfin, le tissu peut être fait de telle façon que la chaîne glisse à sa surface et ne puisse l’entamer facilement.

Chaque tâche forestière requiert une protection particulière. Pour les tâches ordinaires, le rembourrage ne protège que le devant du pantalon et le dos des gants. Certaines tâches spéciales (jardinage, chirurgie des arbres, etc.) demandent souvent une protection plus étendue. Le rembourrage couvre alors entièrement les jambes, y compris la partie arrière. Si la scie est tenue au-dessus de la tête, il faut aussi que le haut du corps soit protégé.

On ne doit pas perdre de vue qu’un équipement de protection individuelle n’offre qu’une protection limitée et que la sécurité dépend en réalité des méthodes de travail. Les nouvelles scies à chaîne portatives sont si efficaces que la chaîne peut facilement entailler les meilleurs matériaux de protection à grande vitesse ou sous une forte pression. Un rembourrage réalisé avec les matériaux les plus performants dont on dispose aujourd’hui serait inutilisable pour les travaux forestiers intensifs. Le compromis adopté entre protection et confort résulte d’essais effectués sur le terrain. Fatalement, tout accroissement du confort d’un vêtement a eu pour effet de diminuer le degré de protection.

Les chaussures de sécurité

Les chaussures de sécurité en caoutchouc offrent une assez bonne protection contre les entailles causées par une scie à chaîne. Les blessures les plus fréquentes se produisant dans la zone des orteils, une bonne chaussure doit donc comporter une doublure résistante à l’avant et un renfort métallique au-dessus des orteils. La protection ainsi obtenue est excellente. Par temps chaud, le port de bottes en caoutchouc est désagréable, et il convient de les remplacer par des bottes ou des chaussures montantes en cuir, qui doivent impérativement comporter elles aussi un renfort métallique au niveau des orteils. La protection étant alors en général bien inférieure à celle qu’offrent les bottes en caoutchouc, il faut se montrer encore plus vigilant. On optera pour des méthodes de travail qui limitent le plus possible le risque de contact de la chaîne avec les pieds.

La botte doit être de la bonne taille et sa semelle doit être antidérapante pour éviter les glissades et les chutes, accidents très courants. Lorsque le sol est couvert de glace et de neige ou lorsque les travailleurs sont appelés à marcher sur des troncs glissants, il est préférable qu’elle puisse être équipée de crampons.

Le casque de sécurité

Le casque protège contre les chutes de branches et d’arbres, ainsi que contre un rebond éventuel de la scie à chaîne. Il doit être le plus léger possible pour ne pas trop fatiguer le cou. On veillera à ajuster la coiffe pour qu’il tienne bien sur la tête. Sur la plupart des modèles, la coiffe permet aussi un réglage en hauteur. Le casque doit être suffisamment bas sur le front pour que son poids ne crée pas de ballant quand on travaille penché vers le sol. Par temps froid, il est nécessaire d’ajouter une cagoule en tissu ou en fourrure sous le casque. Ces cagoules doivent être spécialement conçues à cette fin. Si la cagoule gêne la mise en place du casque, elle peut diminuer la protection offerte. Les casques utilisés en foresterie comportent une attache permettant de fixer une visière et un serre-tête antibruit. Ce dernier doit être porté directement sur les oreilles, à travers les ouvertures pratiquées à cet effet dans la cagoule. Lorsque les oreillettes sont posées par-dessus la cagoule, le serre-tête antibruit peut en effet perdre quasiment toute efficacité.

Par temps chaud, le casque doit comporter des trous d’aération. Ces orifices devront être d’origine. Des trous dans le casque ne devraient jamais être percés après coup, ce qui en réduirait beaucoup la résistance.

La protection du visage et des yeux

Le casque comporte habituellement un protecteur ou un écran facial, le plus souvent en treillis métallique. Les écrans en plastique se salissent facilement après une durée d’utilisation relativement courte, et leur nettoyage est difficile parce que le plastique résiste mal aux solvants. Le treillis métallique réduit la lumière qui arrive jusqu’aux yeux du travailleur, et les reflets qui se produisent sur les mailles peuvent rendre la vision difficile. Les lunettes étanches portées sous le protecteur facial s’embuent facilement et donnent une vision souvent trop déformée. Il est préférable d’utiliser un masque métallique peint en noir et percé d’ouvertures rectangulaires plutôt que rondes.

Les serre-tête antibruit

Les serre-tête antibruit ne sont efficaces que si les oreillettes serrent bien la tête. C’est pourquoi leur utilisation nécessite quelques précau-tions. Le moindre interstice entre la tête et le bourrelet des oreillettes, notamment celui que peuvent causer des branches de lunettes, en diminue fortement l’efficacité. On doit inspecter fréquemment le bourrelet des oreillettes et le changer s’il est endommagé.

Le choix de l’équipement de protection individuelle

Avant de commencer le travail sur un nouveau chantier, il convient d’évaluer les risques susceptibles d’être rencontrés. Cela comprend notamment l’examen des outils, des méthodes et du milieu de travail, des qualifications des travailleurs et la planification de tous les aspects techniques et organisationnels. Si ces mesures ne permettent pas d’éliminer les risques, on pourra recourir aux équipements de protection individuelle pour accroître la sécurité. Ces équipements ne peuvent jamais constituer le seul moyen de prévention; ils doivent être considérés tout au plus comme une mesure d’appoint. La scie à chaîne doit par exemple être équipée d’un frein de chaîne et le travailleur doit avoir suivi une formation.

Les résultats de l’analyse des risques permettent ensuite de définir les dispositifs de protection à utiliser. Il faut tenir compte des facteurs environnementaux pour limiter la gêne créée par l’équipement. Compte tenu des dangers liés à la manipulation de la scie à chaîne, on déterminera l’étendue de la zone à protéger et le degré de protection. Si les travailleurs ne sont pas des professionnels, ces exigences seront renforcées, mais il ne faudra pas oublier la surcharge qui en résultera lorsqu’il s’agira de fixer les périodes de travail. Une fois les besoins définis en fonction des risques et des tâches à accomplir, le choix se fera parmi les équipements homologués. Les travailleurs devraient avoir la possibilité d’essayer différents modèles et différentes tailles pour choisir la tenue qui leur convient le mieux. Des vêtements inadaptés peuvent être à l’origine de postures et de mouvements préjudiciables et augmenter les risques d’accidents et les problèmes de santé. La figure 68.17 illustre les différentes pièces de l’équipement à adopter.

Figure 68.17 Localisation des lésions corporelles et épquipements de protection
individuelle recommandé pour les travaux forestiers, Pays-Bas, 1989

Figure 68.17

La détermination des conditions d’utilisation

Tous les travailleurs doivent recevoir des instructions appropriées sur l’utilisation de l’équipement de protection individuelle. On doit leur décrire comment fonctionne la protection pour qu’ils sachent eux-mêmes inspecter et évaluer quotidiennement l’état de l’équipement, leur expliquer clairement les conséquences de sa non-utilisation et leur fournir également tout renseignement requis en matière de nettoyage et de réparation.

L’équipement de protection employé en foresterie, comme on l’a dit, peut représenter un supplément de poids relativement important pour les travailleurs. ce qui doit être pris en compte quand on détermine les périodes de travail et de repos.

Le port d’un équipement de protection individuelle donne souvent un faux sentiment de sécurité. Les chefs d’équipe doivent donc s’assurer que les travailleurs ne prennent pas de ce fait davantage de risques et qu’ils connaissent bien les limites de la protection que leur confère leur tenue.

L’entretien et la réparation

Un équipement de protection qui n’est pas entretenu et réparé correctement peut perdre de son efficacité.

La coque du casque doit être nettoyée à l’aide d’un détergent doux. Il est difficile d’enlever la résine sans utiliser de solvant, mais les solvants sont à éviter car ils peuvent endommager le casque. Il faut impérativement suivre les instructions du fabricant et mettre au rebut le casque si l’on ne peut le nettoyer. Pour le travail en forêt, on choisira les matériaux qui résistent le mieux aux solvants.

D’autres facteurs environnementaux peuvent avoir des effets sur les matériaux entrant dans la fabrication du casque. Les matières plastiques sont sensibles aux rayons ultraviolets du soleil, qui rendent la coque cassante, surtout par temps froid; le vieillissement rend le casque plus fragile et diminue le degré de protection. Les signes de vieillissement, qui ne sont pas toujours évidents, se manifestent par de fines craquelures et par une perte de brillant. La coque peut aussi émettre des bruits de craquement quand on la soumet à une torsion légère. Le casque doit faire l’objet d’une inspection visuelle détaillée au moins tous les six mois.

Lorsqu’une chaîne de scie est entrée en contact avec le pantalon, la protection peut se trouver fortement réduite, ou devenir nulle. Si des fibres du matériau de rembourrage ont été arrachées, il faut remplacer le pantalon. Si seul le tissu extérieur est endommagé, on le réparera soigneusement en veillant à ne pas coudre à travers le matériau de rembourrage. Le degré de protection dépendant en général des fibres résistantes du rembourrage, si celles-ci sont prisonnières sous les points de couture à la suite d’une réparation, elles n’assureront plus la protection prévue.

Pour le nettoyage, il est impératif de suivre les instructions du fabricant. On s’est aperçu que certaines méthodes de nettoyage peuvent réduire à néant la protection. Les vêtements du travailleur forestier étant difficiles à nettoyer, il importe de les choisir dans des matériaux qui résistent aux lavages les plus intensifs.

L’étiquetage des équipements de protection homologués

La conception et la qualité de fabrication des équipements de protection individuelle doivent satisfaire à des normes élevées. Dans la zone économique européenne, ces équipements doivent subir des essais avant d’être mis sur le marché. Les conditions à remplir en matière de sécurité et de santé sont énoncées dans la directive 89/656 (Commission économique européenne (CEE), 1989). Pour les rendre plus claires, l’Union européenne (UE) a élaboré des normes harmonisées. Elles ne sont pas obligatoires, mais tous les équipements qui s’en réclament sont réputés conformes à la directive 89/656. L’Organisation internationale de normalisation (ISO) et le Comité européen de normalisation (CEN) travaillent de concert à ces normes en s’inspirant de l’Accord de Vienne. Techniquement, les normes de l’UE et celles de l’ISO sont donc en partie identiques.

Les équipements sont essayés dans des centres officiels qui délivrent un certificat lorsque les conditions sont remplies. Ensuite, le fabricant peut apposer sur son produit le label «CE» indiquant qu’un contrôle de conformité a eu lieu. Dans d’autres pays, après une procédure analogue, la marque d’homologation nationale est apposée sur le produit.

Le dépliant qui accompagne le produit joue un rôle essentiel car il renseigne l’utilisateur sur son mode d’emploi, sur le degré de protection qu’il offre et sur la façon de le nettoyer, de le laver et de le réparer.

LES CONDITIONS DE TRAVAIL ET LA SÉCURITÉ EN FORÊT

Lucie Laflamme et Ester Cloutier

La sécurité du travail forestier repose sur l’adéquation entre les conditions d’exécution des tâches et les capacités individuelles. Plus les exigences physiques et mentales du travail concordent avec ce dont l’individu est capable (selon son âge, son expérience et son état de santé), moins la sécurité risque d’être compromise par les efforts pour atteindre les objectifs de production. Un équilibre précaire entre capacités individuelles et conditions de travail ne peut que nuire à la sécurité, individuelle et collective.

Comme l’illustre la figure 68.18, les risques que présente le travail forestier en matière de sécurité ont trois origines: l’environnement physique (conditions climatiques, éclairage, terrain, types d’arbres), l’insuffisance de la législation et des normes (qui peuvent être mal conçues ou mal appliquées) et la mauvaise organisation du travail, du point de vue technique et humain.

Figure 68.18 Origine des risques pour la sécurité du travail forestier

Figure 68.18

L’organisation technique et humaine du travail comporte des facteurs de risque à la fois distincts et étroitement liés. Distincts, parce qu’ils font intervenir deux types de ressources intrinsèquement différentes (l’humain et la machine) et liés, parce qu’ils s’influencent mutuellement et se complètent dans l’exécution du travail, permettant ainsi d’atteindre les objectifs de production sans accidents.

Nous verrons ci-après comment des carences au niveau des composantes de l’organisation du travail, énumérées à la figure 68.18, peuvent compromettre la sécurité. Quelles que soient les méthodes d’exploitation et les machines utilisées, il faut rappeler que la sécurité et la santé au travail ne peuvent s’inscrire dans une démarche a posteriori; elles doivent être prises en compte dès les premiers stades de la conception et de la planification.

L’organisation technique du travail

L’organisation technique du travail concerne les modes d’exploitation de la forêt, c’est-à-dire le type de coupe, le choix des machines et des équipements, leur conception et leur entretien, la taille et la composition des équipes et les délais de production prévus.

Le type de coupe

L’exploitation forestière met en œuvre deux types de coupe selon la technique employée pour l’abattage et l’ébranchage des arbres: la coupe traditionnelle, à la scie à chaîne, et la coupe mécanisée, à l’aide d’engins avec cabine de commande et flèche articulée. Dans l’un et l’autre cas, c’est le plus souvent à l’aide de débusqueuses, notamment à chaînes ou à grappins, que les arbres abattus sont transportés jusqu’en bordure de route ou de cours d’eau. La coupe traditionnelle, la plus répandue encore à ce jour, reste aussi le mode d’exploitation le plus dangereux.

On sait en effet que la mécanisation conduit à une réduction considérable de la fréquence des accidents pendant les opérations de coupe, grâce au remplacement des scies à chaîne par des machines dont le conducteur, installé dans une cabine, est plus isolé des sources de danger. Toutefois, il apparaît que la mécanisation a par contre pour effet d’accroître les risques d’accidents associés aux tâches d’entretien et de réparation des machines. Les facteurs sont à la fois des raisons technologiques, telles que la mauvaise conception des machines (voir plus loin) et les conditions souvent improvisées, quand ce n’est pas franchement précaires, dans lesquelles se font les opérations d’entretien et de réparation, ainsi que l’existence de diverses incitations au rendement qui font que ces tâches, jugées secondaires, sont souvent effectuées à la hâte.

La conception des machines

Il n’existe pas de norme pour la conception du matériel forestier et très peu de manuels d’entretien véritablement complets. Les machines utilisées (abatteuses, ébrancheuses, débusqueuses) sont souvent des assemblages d’éléments d’origines diverses (flèche, cabine, marche-pied, etc.) dont certains n’ont même pas été conçus pour le travail forestier. Elles sont donc parfois mal adaptées à certaines conditions d’environnement, notamment à l’état de la forêt et du terrain, ou encore à l’emploi continu qui en est fait. A cela s’ajoutent des difficultés considérables d’exécution des réparations en cas de pannes, alors que celles-ci sont fréquentes.

L’entretien des machines et des équipements

En milieu forestier, l’entretien est plus souvent correctif que préventif. Divers aspects des conditions de travail peuvent expliquer cette situation: contraintes de rendement, absence de consignes et de plans rigoureux pour l’entretien, absence de sites (garages, abris) adaptés aux tâches d’entretien et de réparation, précarité des conditions dans lesquelles ce type de travail doit être effectué ou encore manque d’outils adéquats. Il s’y ajoute parfois, pour les opérations menées par des propriétaires artisans ou des entrepreneurs indépendants, l’insuffisance des ressources financières.

L’organisation humaine du travail

L’organisation humaine du travail désigne l’ensemble des moyens utilisés pour administrer et encadrer les efforts individuels ou collectifs, ainsi que les politiques de formation mises en œuvre pour remplir les objectifs de production.

La supervision

La supervision du travail forestier est une activité difficile étant donné le déplacement constant du lieu de travail et la dispersion des travailleurs sur les chantiers. Le contrôle des objectifs de production prend des formes indirectes, dont les incitations au rendement et le maintien de l’emploi précaire sont probablement celles qui ont les effets les plus insidieux. Par ailleurs, ce cadre de travail ne favorise pas une bonne gestion de la sécurité, dans la mesure où il est plus facile de transmettre l’information relative aux consignes et aux règlements de sécurité que de s’assurer de leur application et d’apprécier leur valeur pratique ou la façon dont ils ont été assimilés. Les employeurs et le personnel d’encadrement doivent bien comprendre que la sécurité est une responsabilité qui leur incombe. Comme le montre la figure 68.19, le travailleur ne peut exercer de contrôle que sur quelques-uns des facteurs humains dont dépend sa sécurité.

Figure 68.19 Facteurs humains ayant une incidence sur la sécurité du travail forestier

Figure 68.19

Le type de contrat

Quel que soit le type de coupe, les contrats de travail sont le plus souvent négociés sur une base individuelle, pour une durée déterminée (ou saisonnière). Dans ce contexte de précarité, il y a peu de chance que la sécurité du travail reçoive une haute priorité et soit favorisée, alors qu’il n’existe aucune garantie de l’emploi. Il est en effet difficile pour un travailleur de respecter les consignes de sécurité si cela compromet les objectifs de production dont dépend le maintien de son emploi. Les contrats de longue durée, par contre, qui garantissent un volume de travail minimal sur l’année, ont pour effet de stabiliser la main-d’œuvre et de renforcer la sécurité.

La sous-traitance

La sous-traitance de certaines tâches de production (et donc de certains coûts) à des entrepreneurs indépendants tend à se répandre dans l’industrie forestière du fait de la mécanisation et de la spécialisation du travail à laquelle elle conduit (à chaque machine correspond une tâche précise: abattage, ébranchage, abattage-ébranchage ou débusquage).

Ce phénomène affecte la sécurité à plusieurs égards. Tout d’abord, la sous-traitance ne réduit pas en soi les risques en matière de sécurité; elle les transfère simplement de l’entrepreneur principal aux sous-traitants. Ensuite, elle peut amplifier certains risques, car elle constitue une incitation au rendement plutôt qu’à la prudence. On observe en effet que les sous-traitants ont tendance à négliger certains aspects de la sécurité, notamment l’entretien préventif, la formation des nouvelles recrues, la fourniture d’équipements de protection individuelle et la sensibilisation des travailleurs aux avantages de leur utilisation, ainsi que le respect des règles de sécurité. Enfin, la sous-traitance introduit parfois un flou juridique nuisible quant au partage des responsabilités en matière de sécurité sur les chantiers. Il est même quelquefois difficile de savoir à qui il revient de déclarer les accidents du travail qui surviennent. Il faudrait donc que les contrats de sous-traitance imposent le respect des règles de sécurité, sous peine de sanctions en cas d’infraction, et définissent clairement les responsabilités en ce qui concerne la supervision.

La division du travail

La division du travail sur les chantiers forestiers est souvent rigide et encourage la spécialisation plutôt que la polyvalence. La coupe traditionnelle permet d’effectuer une certaine rotation des tâches, mais cela dépend surtout de la composition des équipes. La coupe mécanisée encourage pour sa part la spécialisation, même si la technologie (spécialisation des machines) n’en est pas en soi la seule cause. La division du travail (un opérateur par machine, travail posté), sa dispersion géographique (éloignement des machines et des zones de coupe) ou encore le fait que les opérateurs sont aussi les propriétaires des machines, cas fréquent sur les chantiers mécanisés, sont autant de facteurs qui poussent aussi à la spécialisation.

L’isolement et les difficultés de communication qui résultent de cette division du travail peuvent être lourds de conséquences pour la sécurité du travail, notamment lorsqu’ils ont pour effet d’entraver la circulation d’informations concernant l’imminence d’un danger ou la survenue d’un incident ou d’un accident.

Il est très important de bien combiner les capacités de travail des êtres humains et des machines et de composer les équipes en conséquence, afin d’éviter des surcharges dans la chaîne de production. On peut envisager des horaires alternés qui maximisent l’utilisation de machines coûteuses tout en offrant aux opérateurs un temps de repos suffisant et une plus grande variété dans le travail.

La rémunération au rendement

Les travailleurs forestiers sont souvent payés à la tâche, ce qui signifie que leur paie est déterminée par leur production (nombre d’arbres abattus, ébranchés ou transportés ou un autre indicateur de productivité) et non par sa durée. Pour les propriétaires de machines, par exemple, le tarif est fonction du rendement. En l’absence de possibilité de contrôle direct, un avantage notoire de ce mode de rémunération est qu’il constitue une incitation constante au rendement.

Entre autres effets nuisibles sur la sécurité, la rémunération au rendement peut encourager le maintien d’un rythme de travail élevé et le recours à des méthodes dangereuses pendant la phase de production, ainsi que des négligences en matière d’entretien et de réparation. C’est une pratique qui persiste parce qu’elle permet un gain de temps, même si cela est au mépris des consignes de sécurité et des risques encourus. Plus grande est l’incitation à produire, plus la sécurité se trouve compromise. On a constaté que, à travail comparable, les travailleurs rémunérés au rendement sont victimes d’accidents plus nombreux et d’autre nature que les travailleurs rémunérés à l’heure. Il faut donc veiller à ce que les tarifs à la pièce et le montant des contrats soient suffisants pour permettre l’exécution du travail en toute sécurité et selon des horaires de travail acceptables (pour une étude empirique effectuée en Allemagne, voir Kastenholz, 1996).

Les horaires de travail

En forêt, la durée quotidienne et hebdomadaire du travail est généralement longue, puisque l’éloignement du chantier ou du parterre de coupe, le caractère saisonnier du travail, les conditions climatiques et l’environnement souvent difficiles encouragent à travailler autant qu’il est possible. Le temps de travail tend aussi à se prolonger pour d’autres raisons, comme les incitations au rendement (rémunération, sous-traitance) ou l’intérêt d’utiliser certaines machines en continu (par exemple, sans interruption la nuit).

Or, les longs horaires de travail s’accompagnent fréquemment d’une baisse de vigilance et d’une perte d’acuité sensorielle, ce qui a des conséquences pour la sécurité individuelle et collective. Ces problèmes sont en outre aggravés par la tentation d’abréger ou d’espacer les pauses. La recherche ergonomique démontre pourtant que la production pourrait en fait être accrue si l’on respectait le nombre maximal d’heures de travail et les temps de repos.

La formation

Il est manifeste que le travail forestier exige de gros efforts aussi bien physiquement que mentalement. Il nécessite aussi de plus en plus de compétences du fait du progrès technologique et de la complexité croissante des machines. La formation des travailleurs forestiers, avant et pendant l’emploi, est donc très importante. Son contenu doit répondre à des objectifs clairement définis et refléter le travail réel à accomplir. Plus les programmes de formation prendront en compte les conditions de travail effectives et plus ils intégreront les principes de sécurité et de productivité, plus ils seront utiles sur le plan individuel et collectif. Ils permettront non seulement de limiter les pertes matérielles et les retards de production, mais aussi d’éviter l’apparition de nouveaux risques pour la sécurité. A ce sujet, voir ci-après l’article «Les qualifications et la formation».

Conclusion

La sécurité du travail forestier dépend de la façon dont il est organisé; les aspects techniques et humains de cette organisation peuvent compromettre l’équilibre entre les objectifs de la production et ceux de la sécurité. Certes, l’influence de chacun de ces aspects sur la sécurité des conditions de travail varie selon les cas, mais elle est toujours globalement déterminante. En outre, c’est de l’interaction entre ces divers facteurs que dépendent essentiellement les limites de la prévention.

On notera aussi que le progrès technologique ne peut pas à lui seul éliminer tous les risques. La conception des machines nouvelles doit tenir compte des impératifs de sécurité en matière de fonctionnement, d’entretien et de réparation. Enfin, il semble que certaines pratiques de gestion de plus en plus courantes, la sous-traitance notamment, contribuent davantage à aggraver qu’à atténuer les risques pour la sécurité.

LES QUALIFICATIONS ET LA FORMATION

Peter Poschen

Les qualifications, la formation et les risques

Dans de nombreuses industries, l’attention portée à la sécurité dans la conception des équipements, l’organisation du cadre de travail et le choix des méthodes peuvent grandement réduire les risques professionnels en matière de sécurité et de santé. Dans l’industrie forestière, l’exposition aux risques dépend en grande partie des connaissances techniques, des compétences et de l’expérience du travailleur et du chef d’équipe, et des efforts que l’un et l’autre sont disposés à faire dans le cadre de la planification et de l’exécution du travail. La formation influe donc de manière décisive sur la sécurité et la santé dans le secteur forestier.

Toutes les études réalisées dans divers pays et sur différents métiers de la foresterie aboutissent à la conclusion que trois groupes de travailleurs présentent un taux d’accidents exagérément élevé: les travailleurs non qualifiés, souvent saisonniers, les jeunes et les débutants. En Suisse, par exemple, 73% des accidents touchent des travailleurs ayant moins d’un an d’expérience dans le métier; de même, les trois quarts des victimes d’accidents n’ont suivi aucune formation, ou seulement une formation rudimentaire (Wettmann, 1992).

Souvent, les travailleurs non qualifiés manipulent aussi des charges beaucoup plus lourdes et sont davantage exposés à des lésions dorsales parce qu’ils utilisent de mauvaises techniques (voir l’article «La plantation d’arbres», dans ce chapitre). Très importante sur le plan de la sécurité et de la productivité en temps normal, la formation est absolument indispensable pour les travailleurs appelés à courir des risques élevés, comme ceux qui sont chargés de récupérer des arbres abattus par le vent ou de lutter contre les incendies. Personne ne devrait être autorisé à exécuter ce genre de tâches sans y avoir été spécialement préparé.

La formation des travailleurs forestiers

La formation en poste demeure extrêmement répandue dans le secteur forestier. Elle est en général très peu efficace, parce qu’elle se réduit à imiter des gestes ou à procéder par tâtonnements. Toute formation doit être fondée sur des objectifs clairement définis et être dispensée par des instructeurs compétents. Un cours de deux semaines, suivi d’un accompagnement individuel systématique sur le lieu de travail, constitue par exemple un strict minimum pour les débutants appelés à utiliser une scie à chaîne.

Heureusement, dans les pays industriels, la formation a tendance à s’allonger et à se structurer, tout au moins pour la main-d’œuvre employée directement et pour la plupart des débutants. Divers pays européens ont institué un apprentissage de deux ou trois ans pour les travailleurs forestiers. On trouvera dans le document du Comité mixte FAO/CEE/OIT (1996) une description des systèmes de formation et une liste de points de contacts dans les écoles. Cependant, même dans ces pays, l’écart se creuse entre cette catégorie de personnel et d’autres groupes plus mal lotis, comme les travailleurs indépendants, les sous-traitants et leurs employés et les agriculteurs qui exploitent leur propre forêt. Plusieurs projets pilotes organisés à leur intention ont montré que leur coût était largement compensé par les économies résultant d’une réduction de la fréquence et de la gravité des accidents. Bien que ses avantages soient prouvés et malgré quelques exemples encourageants, comme celui de l’Ecole forestière des Fidji, la formation des travailleurs forestiers est toujours quasiment inexistante dans la majorité des pays tropicaux et subtropicaux.

La formation du personnel forestier doit être adaptée aux besoins de l’industrie et de ceux qui la reçoivent. Elle doit être concrète et ne pas mettre uniquement l’accent sur les connaissances théoriques. Elle peut être dispensée par différents mécanismes. Il existe en Europe beaucoup d’écoles ou de centres de formation qui obtiennent d’excellents résultats. Ces établissements représentent toutefois des coûts fixes élevés; ils doivent pouvoir compter sur un effectif annuel assez important pour être rentables et sont souvent éloignés du lieu de travail. C’est pourquoi de nombreux pays ont opté pour la solution de l’école mobile. Sous sa forme la plus simple, elle consiste à envoyer sur les lieux de travail des instructeurs spécialement formés à cette fin et à proposer des programmes de cours standards ou modulaires et adaptables aux besoins locaux. Le recours, comme instructeurs à temps partiel, à des travailleurs qualifiés ayant suivi une formation complémentaire ajoute à l’efficacité de la formule. Quand la demande de formation est plus importante, on utilise des camions ou des remorques spécialement équipés qui font office de classes ou d’ateliers mobiles. Il existe des modèles d’aménagement et des listes de matériels à prévoir pour équiper des véhicules de ce genre (Moos et Kvitzau, 1988). L’école mobile est parfois le seul moyen de toucher certaines catégories de travailleurs, comme les sous-traitants ou les agriculteurs.

Les compétences minimales et la validation des qualifications

Dans tous les pays, il convient de définir les compétences minimales requises pour exercer les principaux métiers de la foresterie ou, tout au moins, pour l’abattage des arbres, opération la plus dangereuse. La validation des qualifications à l’aide de petits examens théoriques et pratiques est un excellent moyen de vérifier que ce minimum de connaissances est effectivement une réalité dans l’industrie. Dans la plupart des cas, on utilise des examens d’aptitude et de connaissances normalisés sans chercher à savoir quelle est la part respective de la formation et de l’expérience dans les compétences. Divers systèmes de validation ont été adoptés depuis le milieu des années quatre-vingt, très souvent sous la pression des organismes d’indemnisation des accidents du travail ou des administrations chargées de la sécurité et de la santé, mais aussi à l’initiative de grands propriétaires forestiers et de l’industrie. Il existe des examens standards pour les utilisateurs de scies à chaîne et les conducteurs de débusqueuses (National Proficiency Test Council (NPTC) et Scottish Skill Testing Service (SSTS), 1992, 1993; Ministry of Skills Development, 1989). L’expérience prouve que ces examens peuvent être transposés, moyennant parfois quelques aménagements mineurs. En 1995, par exemple, le Bureau international du Travail (BIT) et la Zimbabwe Forestry Commission ont mis en place avec succès, pour les opérateurs de scies à chaîne, un examen conçu dans le cadre d’un projet de formation du BIT aux Fidji.

LES CONDITIONS DE VIE

Elías Apud

Les travaux forestiers, spécialement dans les pays en développement, ont souvent un caractère temporaire et saisonnier. Ils se déroulent en général loin des centres urbains, et les travailleurs doivent parcourir de grandes distances quotidiennement ou séjourner plusieurs jours ou plusieurs semaines dans un camp situé à proximité du chantier. Pour ceux qui rentrent chez eux tous les jours, les conditions de vie dépendent en grande partie du salaire, de la taille de la famille, du niveau d’études et de l’accès aux services de santé. Ces variables, qui sont liées au niveau de développement du pays et à l’organisation du groupe familial, sont déterminantes pour la satisfaction des besoins élémentaires. Ces derniers comprennent notamment une alimentation appropriée, particulièrement importante vu l’intensité de l’effort fourni par les travailleurs forestiers. Dans de nombreuses régions, même pour les travailleurs qui n’habitent pas sur le chantier, il faut prévoir une protection contre les intempéries pendant les pauses et, surtout, contre la pluie et le froid. Il existe des abris mobiles spécia-lement conçus et équipés pour la foresterie. A défaut, on peut utiliser des cabanes de chantier. Dans les camps, la situation est différente, car les conditions de vie dépendent alors des équipements fournis par l’entreprise et de la qualité de leur entretien. Le reste de cet article traite des conditions de vie dans les camps forestiers en ce qui concerne le logement, les loisirs et la nourriture.

L’infrastructure

Un camp peut se définir comme le domicile temporaire de travailleurs forestiers occupés sur un chantier éloigné ou difficile d’accès. Pour remplir leur rôle, les camps doivent assurer des conditions d’hygiène et de confort minimales. Malgré le caractère subjectif de cette notion de normes minimales, susceptible d’acceptions diverses, on peut affirmer que, dans le cas d’un camp, cela signifie des installations et des services de base décents, qui permettent à chaque travailleur de vivre avec ses coéquipiers sans avoir à modifier sensiblement ses habitudes ou ses convictions.

Quand on prévoit d’installer un camp forestier à un endroit donné, il faut se demander pour combien de temps. Comme les travailleurs doivent normalement se déplacer d’un lieu à l’autre, le camp fixe, bien que plus commode à installer et à entretenir, n’est souvent pas la bonne solution. En général, les structures mobiles sont les plus pratiques. Elles doivent être faciles à démonter et à transporter, ce qui pose un problème complexe, car même les modules les plus solides finissent par se détériorer à force d’être déplacés. Les conditions de vie dans les camps mobiles sont donc souvent très rudimentaires.

En ce qui concerne les locaux et les services, le camp doit avoir de bonnes réserves d’eau, des dortoirs de capacité suffisante, une cuisine, plusieurs salles d’eau et des installations de loisirs. Ses dimensions dépendront du nombre de personnes qu’il devra abriter. Il faudra aussi prévoir des entrepôts séparés pour la nourriture, le carburant, les outils et les matériaux.

L’idéal serait que les travailleurs soient logés dans des locaux leur permettant de préserver une certaine intimité. Cela est généralement impossible dans un camp, mais on veillera cependant à ne pas mettre plus de six personnes par dortoir. L’expérience montre en effet qu’une structure démontable peut loger six travailleurs confortablement et contenir des casiers suffisamment grands pour qu’ils puissent y ranger leurs effets personnels. Un dortoir surpeuplé et malpropre, par contre, est absolument incompatible avec le fait d’offrir des conditions de vie décentes. Ce qu’il faut, c’est une pièce salubre, dotée d’un sol propre, bien aérée et aménagée avec un minimum d’efforts pour créer une ambiance confortable, agréable et conviviale.

La cuisine, quant à elle, constitue l’une des installations clés d’un camp. Tout d’abord, il faut que les personnes qui y travaillent aient reçu la formation nécessaire en matière d’hygiène et de manipulation des aliments. Elles doivent détenir une autorisation délivrée par un organisme officiel et être contrôlées régulièrement. La cuisine doit être facile à nettoyer et suffisamment grande pour que l’on puisse y entreposer les aliments. Si l’approvisionnement se fait une fois par semaine ou par quinzaine, elle doit être équipée d’un réfrigérateur pour les produits périssables. S’il est impossible aux travailleurs, pour des raisons de temps ou autres, de revenir au camp pour le déjeuner, des mesures doivent être prises pour qu’ils puissent emporter avec eux leur repas emballé proprement ou pour qu’on le leur livre sur place dans des conditions d’hygiène satisfaisantes.

Pour ce qui est des loisirs, le réfectoire est souvent le seul endroit où les travailleurs peuvent se détendre après leur journée. Il doit donc être suffisamment bien équipé pour leur permettre de se sentir à l’aise et de récupérer sur le plan physique et mental après la journée de travail. Une bonne ventilation s’impose et, si la saison le nécessite, un système de chauffage. Les tables ne doivent pas accueillir plus de six personnes et elles doivent être recouvertes d’un matériau facile à nettoyer. Si le réfectoire sert aussi de local de loisirs, on y installera, si possible, un poste de télévision ou de radio pour que le personnel reste en contact avec le monde extérieur. Il est également souhaitable de prévoir quelques jeux, tels que dames, cartes ou dominos. Comme d’autre part le personnel forestier comprend une forte proportion de jeunes, il serait judicieux d’aménager un espace pour les activités sportives.

Autre aspect extrêmement important: la qualité des installations sanitaires, des douches et des locaux pour la lessive et le séchage du linge. Il ne faut jamais oublier que les excréments et les déchets en général constituent l’une des principales voies de transmission des maladies. Il vaut donc mieux puiser l’eau en profondeur et, si l’on peut installer une pompe électrique, la stocker dans des réservoirs pour approvisionner le camp. Si, pour une raison quelconque, il est impossible d’aménager des installations sanitaires répondant à ces conditions, des toilettes chimiques devront être installées. Dans tous les cas, il est impératif de porter beaucoup d’attention à l’élimination hygiénique des eaux sanitaires et autres déchets, en veillant tout spécialement à ce qu’ils ne soient pas rejetés à proximité des lieux de conservation des aliments et d’approvisionnement en eau potable.

L’alimentation

Comme chacun le sait, l’alimentation est fondamentale à la vie et à la santé de tous les êtres humains. Les aliments apportent non seulement les matières nutritives dont le corps a besoin, mais aussi l’énergie consumée par l’accomplissement de tous les actes de la vie quotidienne. Chez les travailleurs forestiers, l’apport calorique des aliments absorbés revêt une importance particulière parce que la plupart des activités liées à la coupe et à la manutention du bois, et à la protection de la forêt exigent un gros effort physique (voir l’article «L’effort physique» dans le présent chapitre pour plus de détails sur la consommation d’énergie dans le travail forestier). Les travailleurs forestiers ont donc besoin de s’alimenter davantage que d’autres catégories. Lorsqu’un travailleur n’absorbe pas assez d’énergie pour compenser celle qu’il dépense quotidiennement, il commence par brûler les réserves accumulées dans les tissus adipeux et à perdre du poids. Mais cette situation ne peut durer qu’un temps. A moyen terme, on observe que les travailleurs qui n’absorbent pas chaque jour dans leur alimentation une énergie égale à celle qu’ils consomment doivent limiter leur activité et ralentir leur production. S’ils sont rémunérés au rendement, leur revenu diminue donc également.

Avant de calculer quel doit être l’apport énergétique qu’un travailleur doit tirer de son alimentation, il convient de souligner que le travail forestier moderne fait de plus en plus intervenir des moyens techniques élaborés qui permettent de remplacer l’être humain par des machines. Cela signifie que, dorénavant, les travailleurs courent le risque d’absorber plus d’énergie qu’ils n’en brûlent, d’accumuler des graisses et de tendre à l’obésité. Dans nos sociétés modernes, l’obésité est une maladie très répandue, mais elle est habituellement rare chez les travailleurs forestiers lorsque les méthodes traditionnelles sont appliquées. D’après des études réalisées au Chili, elle apparaît en revanche de plus en plus fréquemment chez les conducteurs de machines. L’obésité nuit à la qualité de vie parce qu’elle diminue les aptitudes physiques et prédispose ceux qui en souffrent à des accidents ainsi qu’à des troubles cardio-vasculaires, articulaires et musculaires.

Pour cette raison, tous les travailleurs forestiers, qu’ils soient très actifs ou sédentaires, doivent pouvoir bénéficier d’une alimentation équilibrée qui leur apporte la quantité d’énergie appropriée. L’idéal serait de leur apprendre à régler eux-mêmes leur alimentation en fonction de leurs besoins alimentaires, ce qui, malheureusement, se révèle difficile. Toujours selon des études menées au Chili, les travailleurs ont en effet tendance à consommer toute la nourriture fournie par l’entreprise, et ils jugent même en général que leur alimentation est insuffisante, y compris lorsque leur courbe de poids indique le contraire. Il faudrait donc les éduquer pour qu’ils apprennent à se nourrir en fonction de leurs besoins énergétiques.

Dès lors que les travailleurs sont bien informés des problèmes causés par une alimentation trop abondante, les repas servis dans les camps doivent être composés en tenant compte de ceux qui dépensent le plus d’énergie. Chez l’être humain, la consommation et la dépense énergétiques s’expriment en principe en kilojoules, mais l’unité kilocalorie est plus couramment connue. L’énergie dont a besoin un travailleur forestier qui effectue un travail physiquement éprouvant, comme l’abattage à la scie à chaîne ou à la hache, peut atteindre et même dépasser 5 000 calories par jour. Cependant, pour dépenser autant d’énergie, un travailleur doit aussi posséder une très bonne aptitude physique de manière à pouvoir terminer sa journée sans être épuisé. Les auteurs des études réalisées au Chili recommandent un apport moyen de 4 000 calories par jour, réparti entre trois repas principaux (petit déjeuner, déjeuner et dîner). Au besoin, cet apport peut être complété par un casse-croûte pris en milieu de matinée et en milieu d’après-midi. Des enquêtes portant sur des périodes supérieures à un an révèlent qu’avec un régime de ce genre les travailleurs maintiennent en général leur poids de départ et parviennent à augmenter leur production, ce qui se traduit par une hausse de revenu lorsque la rémunération est liée au rendement.

Une bonne alimentation doit être équilibrée et doit aussi apporter, en plus de l’énergie nécessaire, les matières nutritives essentielles à la vie et à la santé: glucides, protéines, graisses, minéraux et vitamines, entre autres éléments. Dans les pays en développement, les populations pauvres ont tendance à absorber moins de protéines et de graisses et plus de glucides, faute de pouvoir consommer des aliments d’origine animale. L’insuffisance de l’apport en protéines animales, fruits et légumes dans le régime de ces populations est à l’origine d’un déficit en vitamines et en sels minéraux. En résumé, le régime alimentaire doit être varié pour assurer l’apport de tous les éléments nutritifs essentiels. Pour composer les repas, la solution la plus pratique est de consulter des diététiciens spécialisés connaissant les besoins des travailleurs de force. Ceux-ci sont en mesure de mettre au point des régimes à la fois satisfaisants et économiques, qui tiennent compte des goûts, des traditions et des convictions religieuses des travailleurs, tout en leur fournissant l’énergie dont ils ont besoin pour leurs activités quotidiennes.

Il est également indispensable de prévoir un approvisionnement en boissons de bonne qualité (non contaminées) et en quantité suffisante. Par temps chaud, un travailleur qui manie des outils à main ou une scie à chaîne a besoin d’environ 1 litre de liquide par heure. La déshydratation réduit fortement la capacité de travail et la faculté de concentration, ce qui accroît les risques d’accident. De l’eau, du thé ou d’autres boissons adéquates doivent donc être disponibles en quantité sur le chantier et au camp.

L’alcool et les drogues devraient être rigoureusement interdits. La consommation de tabac, qui présente un risque d’incendie et qui nuit à la santé, ne doit être autorisée que dans des zones réservées, et jamais dans les dortoirs, les aires de loisirs, les réfectoires ou sur le chantier.

Observations

Il a été question dans cet article de quelques mesures générales susceptibles d’améliorer les conditions de vie et l’alimentation dans les camps forestiers. Mais ce ne sont pas les seuls aspects importants. Il faut aussi penser à la dimension ergonomique du travail parce que les accidents, les maladies et la fatigue générale qui résultent de l’activité professionnelle ont une incidence sur le rendement et, partant, sur le revenu des travailleurs. Ce dernier point est primordial pour la qualité de vie de ceux-ci et de leur famille.

LES PROBLÈMES D’ENVIRONNEMENT

Shane D. McMahon

Les travaux forestiers influent inévitablement sur l’environnement d’une manière ou d’une autre, de façon positive ou négative. Ce sont évidemment les effets négatifs qui préoccupent à la fois les organismes de réglementation et le public.

L’environnement

Quand on parle de l’environnement, on pense souvent à ses caractéristiques physiques et biologiques: le sol, la végétation, la faune et les cours d’eau. De plus en plus, cependant, les valeurs culturelles, historiques et d’agrément liées à ces caractéristiques fondamentales sont considérées comme faisant partie intégrante de l’environnement. La prise en compte des retombées de l’exploitation et de la gestion des forêts au niveau du paysage, non seulement du point de vue physique et biologique, mais aussi du point de vue social, a favorisé l’apparition de concepts tels que la gestion des écosystèmes et l’entretien des forêts. La présente analyse des aspects environnementaux en foresterie nous amènera donc aussi à aborder certains problèmes sociaux.

Certains faits positifs

Il est compréhensible que, partout dans le monde, les organes de réglementation et les populations concentrent leur attention sur les conséquences négatives de l’exploitation forestière pour l’environnement. Pourtant, la foresterie peut avoir une action bénéfique pour l’environnement. Le tableau 68.10 énumère quelques-unes des répercussions positives que peuvent avoir aussi bien la plantation d’espèces commerciales que l’exploitation de forêts naturelles ou plantées. Ces aspects bénéfiques doivent entrer en ligne de compte dans un bilan de l’effet net de la gestion forestière sur l’environnement (somme des incidences positives et négatives). L’existence d’éventuels bénéfices, et leur ampleur sont souvent fonction des pratiques en vigueur (ainsi, la biodiversité dépend de l’assortiment des espèces, de l’étendue de la monoculture sylvicole et du traitement des restes de végétation naturelle).

Tableau 68.10 Avantages potentiels pour la qualité de l’environnement

Activité forestière

Avantage potentiel

Plantation (boisement)

Augmentation de l’absorption de carbone (piégeage du carbone)
Stabilisation des pentes
Développement des activités récréatives (forêts d’agrément)
Augmentation de la biodiversité
Lutte contre les inondations

Coupe

Meilleur accès du public
Diminution des risques d’incendie et de maladie
Promotion du développement sélectif des forêts naturelles

La foresterie et les problèmes d’environnement

Bien que les ressources forestières, les réglementations et les préoccupations environnementales, ainsi que les pratiques forestières, varient considérablement dans le monde, de nombreux problèmes relatifs à la protection de l’environnement concernent toute l’industrie forestière. Nous examinerons tour à tour les suivants:

Le degré de préoccupation que suscitent ces divers problèmes dans une région donnée dépend dans une large mesure de la fragilité de la forêt exploitée, de la nature des ressources hydriques et des usagers de l’eau en aval ou en dehors de la forêt.

Les activités menées dans une zone forestière peuvent avoir des répercussions sur d’autres zones: répercussions directes, comme les dégradations visuelles, ou indirectes, comme les effets d’une augmentation des sédiments en suspension sur l’aquaculture marine. C’est pourquoi il est important de bien comprendre la façon dont s’enchaînent les causes et les conséquences. Ainsi, les pratiques de débusquage influent d’abord sur la qualité du sol, puis sur celle des eaux qui coulent à proximité et, enfin, sur les activités de loisirs en aval du cours d’eau.

La diminution de la qualité des sols

L’exploitation forestière peut agir sur la qualité des sols (Powers et coll., 1990; Comité mixte FAO/CEE/OIT, 1989, 1994). Lorsqu’on plante une forêt pour réhabiliter des sols dégradés par l’érosion ou par des restes d’exploitation minière, l’impact net peut être un gain de qualité par l’amélioration de la fertilité et de la structure du sol. A l’inverse, des activités forestières menées sur un sol très riche risquent d’en réduire la qualité, surtout s’il s’agit d’activités qui provoquent un épuisement des éléments nutritifs, une perte de matières organiques et un appauvrissement structurel sous l’action du compactage.

Les végétaux puisent dans les nutriments du sol pendant leur cycle de croissance. Certains de ces nutriments sont restitués au sol sous la forme de déchets, d’organismes en décomposition ou de résidus du bois coupé. Si l’on enlève du site toute la matière végétale (exploitation par arbre entier), ces éléments nutritifs sont soustraits du cycle local. A mesure que les cycles de culture et de récolte se succèdent, la teneur du sol en nutriments peut diminuer au point qu’il devienne impossible de maintenir le rythme de croissance et l’état de nutrition des arbres.

Pour régénérer un sol ou pour préparer le terrain d’une future plantation, on pratiquait par le passé le brûlage des déchets d’exploitation, mais des recherches ont montré qu’un brûlage à haute température peut entraîner une déperdition de nutriments (carbone, azote, soufre, certains éléments phosphorés, potassium et calcium), ce qui a pour conséquence de ralentir la croissance des arbres et de modifier la composition par espèces. Le remplacement des nutriments perdus par des engrais inorganiques peut remédier en partie au problème. Toutefois, cela n’atténue pas les effets de la perte de matières organiques, qui offrent un milieu essentiel à la faune du sol.

L’emploi d’engins lourds pour la récolte et pour la préparation des plantations peut entraîner un compactage du sol, avec une diminution des mouvements de l’air et de l’eau et un durcissement de la terre qui peuvent aller jusqu’à bloquer le passage des racines. En conséquence, le tassement du sol dans une forêt peut compromettre la survie et la croissance des arbres, tout en favorisant le ruissellement des eaux de pluie et l’érosion. Il faut savoir en outre que, en l’absence de cultures, cet effet peut persister pendant vingt ou trente ans après l’abattage. Les méthodes de coupe qui limitent la superficie et le degré de compactage de manière à réduire la dégradation du sol sont aujourd’hui de plus en plus fréquentes. Elles sont prescrites dans les codes de pratiques forestières adoptés par un nombre croissant de pays et traitées plus haut dans l’article «Les règles, les lois, les réglementations et les codes régissant les pratiques forestières».

L’érosion des sols

L’érosion des sols est un problème qui préoccupe tous les utilisateurs de ceux-ci, car elle peut se solder par une perte définitive de terres productives, nuire à l’aspect visuel et à la valeur récréative d’un paysage ainsi qu’à la qualité de l’eau (Brown, 1985). Les forêts peuvent protéger les sols de l’érosion:

En revanche, quand une forêt est mise en coupe, le sol perd une grande partie de sa protection et se trouve ainsi davantage exposé à l’érosion.

Il est généralement admis que, pendant le cycle de l’exploitation forestière, les travaux liés aux activités suivantes contribuent fortement à aggraver l’érosion des sols:

Les travaux routiers, notamment sur les fortes pentes où l’on procède par déblai-remblai, donnent naissance à de grandes étendues de terre meuble sans aucune protection contre la pluie et le ruissellement. Si le système de drainage des eaux de pluie sur les routes et les pistes n’est pas entretenu, elles peuvent canaliser les eaux de ruissellement, ce qui crée un risque accru d’érosion au bas des pentes et au bord des routes.

La coupe des arbres peut augmenter l’érosion des sols principalement de quatre façons:

Le brûlage et la mise en culture sont deux techniques auxquelles on a souvent recours pour préparer la régénération ou la plantation d’une parcelle. Ces pratiques peuvent favoriser une érosion de la surface du sol en exposant cette dernière aux précipitations.

L’aggravation de l’érosion soit par érosion superficielle, soit par mouvement de la masse, dépend de nombreux facteurs dont la superficie déboisée, le degré de déclivité, la résistance des matériaux du versant et le temps écoulé depuis la coupe. Une coupe à blanc à grande échelle (c’est-à-dire l’abattage de presque tous les arbres) peut donner lieu à une grave érosion.

Le risque d’érosion peut être extrêmement élevé pendant la première année qui suit la coupe par rapport à ce qu’il était avant la construction de la route et la récolte. A mesure que le rétablissement ou la régénération de la couverture commencent à prendre effet, il diminue grâce à une meilleure interception de l’eau (protection de la surface du sol) et à une augmentation de la transpiration. Habituellement, le risque d’érosion retombe à son niveau d’avant la coupe lorsque la frondaison des arbres masque le sol (fermeture du couvert).

Les entreprises forestières s’efforcent de limiter la durée de vulnérabilité ou la surface d’exposition des bassins versants à un moment donné. Pour ce faire, elles ont le choix entre étaler la coupe sur plusieurs zones de captage ou réduire la superficie de chaque parcelle exploitée.

Les variations qualitatives et quantitatives des ressources en eau

L’eau qui provient de bassins de captage forestiers non perturbés est souvent d’excellente qualité par rapport à celle des zones de collecte situées en milieu agricole ou horticole. Mais certaines activités sylvicoles peuvent nuire à cette qualité en augmentant la teneur en nutriments et en sédiments de l’eau, en élevant sa température et en diminuant son degré d’oxygénation.

Un accroissement de la concentration de nutriments et de la quantité de matériaux provenant d’une forêt que l’on a brûlée, dont le sol a été perturbé (scarifié) ou qui a reçu des engrais peut favoriser la croissance d’algues et causer une pollution dans les eaux en aval. L’azote et le phosphore sont particulièrement importants de ce point de vue, en raison de leur implication dans la prolifération d’algues toxiques. De même, une augmentation de l’apport de sédiments dans les cours d’eau peut mettre en péril la faune et la flore d’eau douce et marine, accroître les risques d’inondation et altérer l’eau utilisée pour la boisson ou à des fins industrielles.

La destruction de la végétation le long des rivières et l’introduction de feuillages et de matières ligneuses dans les cours d’eau pendant les opérations d’éclaircie ou d’abattage peuvent déséquilibrer les écosystèmes aquatiques en causant l’augmentation de la température de l’eau et de sa teneur en oxygène dissous respectivement.

L’exploitation forestière peut aussi avoir une influence sur les variations saisonnières du volume d’eau qui s’écoule d’un bassin versant et sur les pointes de débit observées pendant les orages. La plantation d’arbres (boisement) dans un bassin de captage précédemment utilisé comme pâturage peut réduire le débit d’eau. Cet aspect peut être particulièrement important si ce bassin alimente en aval des ouvrages d’irrigation.

A l’inverse, la coupe d’arbres dans une forêt peut accroître le débit d’eau parce qu’elle entraîne une diminution de la quantité d’eau évaporée et interceptée et qu’elle augmente les risques d’inondation et d’érosion le long des cours d’eau. L’étendue du bassin de captage et la proportion de forêt déboisée à un moment donné influent sur le degré d’accroissement du débit d’eau. L’exploitation par blocs permet de limiter au minimum ce phénomène.

Les incidences sur la biodiversité

La diversité des espèces végétales et animales vivant dans les forêts est devenue un sujet de débat important dans l’industrie forestière à l’échelle mondiale. La biodiversité est une notion complexe qui ne se limite pas aux populations végétales et animales. Elle englobe aussi la diversité fonctionnelle (rôle d’une espèce particulière dans l’écosystème), la diversité structurelle (étages de la couverture forestière) et la diversité génétique (Kimmins, 1992). Les activités forestières peuvent avoir des répercussions sur la diversité des espèces, mais aussi sur la diversité structurelle et la diversité fonctionnelle.

Il n’est pas possible de définir objectivement le degré de biodiversité optimal d’un peuplement forestier en termes d’espèces, d’âges, de structures et de fonctions, mais on s’entend en général pour estimer qu’une faible diversité des espèces et des structures fragilise la forêt face aux dégâts que peut provoquer un agent pathogène ou un ravageur. Cela est sans doute en partie vrai; cependant, dans une forêt naturelle mélangée, certaines espèces sont parfois exposées à un seul ravageur. D’autre part, un faible niveau de biodiversité ne résulte pas nécessairement de causes non naturelles et indésirables liées à l’exploitation forestière. Ainsi, beaucoup de forêts naturelles mélangées qui sont sujettes à des feux incontrôlés et à des attaques de ravageurs connaissent des périodes de faible diversité végétale et structurelle.

La perception négative du public à l’égard de la foresterie

La perception du public et ses réactions face à certaines pratiques sont deux questions qui acquièrent de plus en plus d’importance dans l’industrie forestière. De nombreuses zones forestières offrent un cadre agréable et diverses possibilités d’activités récréatives aux populations locales et aux touristes, et le public associe souvent le plaisir d’activités de plein air à la présence de massifs boisés naturels ou aménagés. En pratiquant des coupes sans discernement, notamment de vastes coupes rases, l’exploitation forestière peut transformer radicalement un paysage, et cela pour de nombreuses années. Tel n’est pas le cas d’autres formes d’utilisation du sol, comme l’agriculture ou l’horticulture, dont les cycles sont moins marqués.

Les réactions négatives du public résultent en partie d’une méconnaissance des régimes de gestion forestière, des pratiques et des résultats. Il est donc clair qu’il incombe à l’industrie forestière d’éduquer le public tout en modifiant ses méthodes pour les rendre plus acceptables. Les grandes coupes rases et l’abandon sur place des résidus d’exploitation (branches et arbres morts) sont deux aspects qui froissent souvent la population parce qu’elle y voit une atteinte à la préservation de l’écosystème. Cette perception n’est pourtant pas toujours fondée, car tout ce qui est agréable à l’œil n’est pas nécessairement bon pour l’environnement. L’abandon des résidus sur le site, bien qu’inesthétique, offre en réalité abri et nourriture à certaines espèces animales et contribue au recyclage partiel des nutriments et des matières organiques.

Les rejets d’huiles minérales dans l’environnement

Les rejets d’huiles minérales en forêt peuvent provenir de l’abandon d’huiles moteur et de filtres usés, de l’utilisation de l’huile pour abattre la poussière sur les routes en terre ou des pertes d’huile de chaînes de scies. Etant donné le risque de contamination du sol et de l’eau qui s’ensuit, les deux premières pratiques sont devenues inacceptables.

Cependant, dans une bonne partie du monde, on continue d’utiliser couramment des huiles minérales pour lubrifier les chaînes de scies. Sachant qu’il faut environ 2 litres d’huile par scie et par jour, il s’agit de très grosses quantités à l’échelle annuelle. Ainsi, d’après les estimations, l’huile de graissage utilisée au total chaque année pour ces scies représente entre 8 et 11,5 millions de litres en Allemagne, environ 4 millions de litres en Suède et quelque 2 millions de litres en Nouvelle-Zélande.

Les huiles minérales ont été associées à certaines affections cutanées (Lejhancova, 1968) et respiratoires (Skyberg et coll., 1992) chez les travailleurs exposés à leur contact. En outre, le rejet d’huiles minérales dans la nature peut contaminer le sol et l’eau. Lorsqu’ils ont étudié le devenir des huiles de chaînes de scies, Skoupy et Ulrich (1994) se sont aperçus que celles-ci sont pour une large part retenues par la sciure (50 à 85%), qu’elles restent sur les arbres (3 à 15%), qu’elles tombent sur le sol (moins de 33%) ou qu’elles sont projetées sur les travailleurs (0,5%).

C’est donc avant tout par souci pour l’environnement que l’on a rendu l’utilisation d’huiles biodégradables obligatoire dans les forêts suédoises et allemandes. Ces huiles, à base de colza ou à base synthétique, sont moins nocives pour l’environnement et le personnel et s’avèrent en outre plus efficaces que les lubrifiants minéraux car elles prolongent la durée de vie des chaînes, tout en en réduisant la consommation et celle de carburant.

L’utilisation d’herbicides et d’insecticides

L’industrie forestière se sert d’herbicides (produits chimiques qui détruisent les végétaux) pour lutter contre les mauvaises herbes qui disputent l’eau, la lumière et les éléments nutritifs aux jeunes plants ou aux arbres qui repoussent. Souvent, les herbicides offrent une solution d’un coût intéressant par rapport au désherbage mécanique ou manuel.

Malgré la méfiance générale dont ils font l’objet, sans doute consécutive à l’emploi de défoliant (l’agent Orange) pendant la guerre du Viet Nam, rien ne prouve vraiment que l’application d’herbicides dans les forêts nuise aux sols, à la faune et à l’être humain (Kimmins, 1992). Certaines études ont fait apparaître une diminution du nombre de mammifères à la suite d’un traitement aux herbicides mais, lorsqu’on fait la comparaison avec les effets d’un désherbage manuel ou mécanique, on remarque que cette diminution coïncide davantage avec la perte de végétation qu’avec l’utilisation même d’herbicides. Les herbicides vaporisés à proximité d’une rivière peuvent retomber dans l’eau, qui les transportera plus loin, mais les concentrations relevées sont habituellement faibles et de courte durée à cause de la dilution (Brown, 1985).

Avant les années soixante, l’utilisation d’insecticides (produits chimiques qui détruisent les insectes) était très répandue en agriculture, en horticulture et dans certains services de santé publique, mais moins en foresterie. Le DDT est sans doute l’un des produits les plus connus de cette époque. Toutefois, la sensibilisation du public aux problèmes sanitaires posés par ces produits a incité à limiter l’utilisation inconsidérée d’insecticides et à mettre au point des solutions de remplacement. Depuis les années soixante-dix, on a plutôt tendance à recourir aux organismes entomopathogènes ainsi qu’aux parasites et aux prédateurs entomophages, ou à modifier les méthodes de sylviculture pour réduire les risques d’attaque par des insectes.

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