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Chapitre 64 - L'agriculture et les secteurs connexes

GÉNÉRALITÉS

Melvin L. Myers

Aperçu

Il y a douze mille ans, à l’ère néolithique, l’humanité découvrait que les aliments destinés à la consommation humaine, les fourrages et les fibres textiles pouvaient être produits par la culture des plantes, découverte qui permet aujourd’hui de nourrir et d’habiller plus de six milliards d’êtres humains.

Le présent article donne un aperçu général de l’évolution et de la structure du secteur agricole, de l’importance économique des diverses cultures et des principales caractéristiques de la main-d’œuvre dans cette branche où l’on distingue trois grandes catégories d’activités:

  1. les activités manuelles;
  2. les activités mécanisées;
  3. les activités faisant appel à la traction animale (ce sujet, qui intéresse particulièrement les éleveurs, est traité au chapitre no 70, «L’élevage»).

Secteur d’activité marqué par quatre grandes étapes séquentielles, l’agriculture permet de produire des aliments destinés à la consommation humaine, des aliments pour animaux et des fibres textiles; elle n’est toutefois pas sans avoir des conséquences sur la santé des travailleurs et, plus généralement, sur la santé publique et l’environnement.

Des produits de base comme le blé ou le sucre ne servent pas seulement à l’alimentation humaine, leurs sous-produits étant utilisés comme fourrages ou comme fibres. Plusieurs articles du présent chapitre sont consacrés aux méthodes de production, aux risques professionnels et aux mesures préventives spécifiques à chaque type de culture. La production d’aliments pour animaux et de fourrages est traitée au chapitre no 70 susmentionné, «L’élevage».

L’évolution et la structure du secteur agricole

La révolution néolithique, qui marque le passage de la chasse et de la cueillette à l’agriculture, s’est produite en trois différents points du globe: à l’ouest et au sud-ouest de la mer Caspienne, en Amérique centrale et en Thaïlande, près de la frontière birmane. C’est dans cette dernière région que l’agriculture débuta, vers 9 750 ans avant l’ère chrétienne. On y a en effet retrouvé des graines de pois, de haricots, de concombres et de châtaignes d’eau précédant de quelque 2 000 ans les premiers vestiges d’activité agricole proprement dite découverts dans les deux autres régions. La révolution néolithique et, par conséquent, l’agriculture sont essentiellement fondées sur la récolte de graines végétales, leur réintroduction dans le sol et leur culture jusqu’à la récolte suivante.

Au sud de la mer Caspienne, on cultiva tout d’abord le blé. Au fil de leurs migrations, les agriculteurs qui emportaient avec eux des graines de blé s’aperçurent que d’autres graminées, dont le seigle et l’avoine, étaient également comestibles. En Amérique centrale, où le maïs et le haricot constituaient la base de l’alimentation, on découvrit les propriétés nutritives de la tomate.

L’avènement de l’agriculture s’accompagna d’un cortège de problèmes:

La recherche de solutions à ces problèmes donna naissance à de nouvelles industries: l’introduction des pesticides pour lutter contre les mauvaises herbes, les insectes et les rongeurs; la production d’engrais pour rendre à la terre sa fertilité; la mise au point de réseaux de réservoirs, de canalisations, de canaux et de fossés pour l’irrigation des cultures.

Dans les pays en développement, l’agriculture repose essentiellement sur l’exploitation de terres familiales dont la plupart ont été transmises de génération en génération par voie d’héritage. Elle est aussi le fait de cultivateurs qui représentent la moitié des populations pauvres de la planète, mais qui produisent les quatre cinquièmes de la production alimentaire de ces pays. Par contre, dans les pays développés, les exploitations agricoles se transforment de plus en plus en entreprises commerciales de grande envergure où production, transformation, commercialisation et distribution sont intégrées au sein d’un système que l’on appelle l’industrie agroalimentaire (Loftas, 1995).

Pendant des siècles, l’agriculture a fourni aux cultivateurs et à leur famille leurs moyens de subsistance, et ce n’est que récemment qu’elle s’est transformée en système de production. Une série de «révolutions» ont permis d’accroître la productivité agricole. La première fut la mécanisation des travaux agricoles, processus au cours duquel la machine se substitua au travail manuel. La deuxième fut la révolution chimique qui apparut au lendemain de la seconde guerre mondiale et permit de lutter efficacement contre les ennemis des cultures; ses effets nocifs n’épargnèrent toutefois pas l’environnement. La troisième, la révolution verte, contribua en Amérique du Nord et en Asie à l’augmentation de la productivité par l’introduction de nouvelles variétés nées des progrès de la génétique.

L’importance économique

La population de la planète est passée de 2,5 milliards d’habitants en 1950 à 5,6 milliards en 1994, l’Organisation des Nations Unies estimant qu’elle continuera de croître pour atteindre 7,9 milliards d’habitants d’ici à 2025. Cet accroissement démographique continuel s’accompagnera d’une plus forte demande en aliments nutritifs et énergétiques, tant en raison du nombre supplémentaire de bouches à nourrir que des efforts déployés à l’échelle mondiale pour lutter contre la malnutrition (Brown, Lenssen et Kane, 1995). Le tableau 64.1 dresse une liste d’éléments nutritifs et de leurs sources.

Tableau 64.1 Sources de nutriments

Nutriments

Origine végétale

Origine animale

Glucides (sucres et amidon)

Fruits, céréales, légumes-racines, légumineuses à grains

Miel, lait

Lipides

Oléagineux, noix et légumineuses

Viande, volaille, beurre clarifié, poisson

Protéines

Légumineuses à grains, noix et céréales

Viande, poisson, produits laitiers

Sels minéraux

Calcium: pois, haricots
Fer: légumes à feuilles alimentaires vert foncé et noix

Calcium: lait, viande, fromage
Fer: viande, poisson, mollusques et crustacés

Vitamines

Carotène: carottes, mangues, papayes
Vitamine C: fruits et légumes
Complexe vitaminique B: céréales, légumineuses

Vitamine A: foie, œufs, lait
Complexe vitaminique B: viande, volaille, produits laitiers

Source: Loftas, 1995.

De nos jours, l’agriculture est considérée comme une activité qui procure les moyens de subsistance nécessaires à ceux qui cultivent la terre, ainsi que les aliments de base aux communautés vivant dans les zones de production, et qui permet de tirer des revenus de la vente de ces produits sur les marchés extérieurs. Un aliment de base est un aliment qui fournit une grande partie des éléments nutritifs et énergétiques dont les populations ont besoin, constituant ainsi la part la plus importante de leur alimentation. Si l’on fait exception de la production animale, la plupart des populations se nourrissent d’un ou de deux des aliments de base ci-après: riz, blé, maïs, mil, sorgho, et de racines et tubercules comme la pomme de terre, le manioc, l’igname et le taro. Bien que l’on ait dénombré 50 000 espèces de plantes comestibles dans le monde, 15 espèces principales apportent, à elles seules, 90% de l’énergie alimentaire nécessaire à l’humanité.

Les céréales constituent la catégorie principale de produits sur lesquels compte la population mondiale pour satisfaire ses besoins alimentaires de base. Elles comprennent le blé et le riz — aliments de base principaux — et des céréales secondaires qui sont utilisées dans l’alimentation des animaux. Trois céréales, le riz, le maïs et le blé, constituent la base alimentaire de plus de 4 milliards d’individus, et le riz nourrit pratiquement la moitié de la population mondiale (Loftas, 1995).

Les féculents comme le manioc, la patate douce, la pomme de terre, l’igname, le taro et la banane plantain font également partie des denrées vivrières de base. Les plantes, racines et tubercules constituent en fait la base alimentaire de plus de 1 milliard d’êtres humains dans les pays en développement, le manioc, à lui seul, en nourrissant quelque 500 millions. La production et la consommation de certaines de ces denrées restent essentiellement à un niveau de subsistance.

Parmi les produits de base, on trouve également les légumineuses à graines dont un certain nombre de légumes secs comme les pois cassés, les pois chiches, les haricots et les lentilles, qui sont des produits riches en amidon et en protéines.

D’autres légumineuses, comme les graines de soja et l’arachide, sont exploitées pour leur huile. On extrait aussi l’huile de cultures oléagineuses comme la noix de coco, la graine de sésame, la graine de coton et les fruits du palmier à huile et de l’olivier, sans oublier la production d’huiles végétales à partir du maïs et du son de riz. Les plantes oléagineuses sont en outre utilisées dans la fabrication de peintures et de détergents (Alexandratos, 1995).

Les petits exploitants produisent en général les mêmes cultures que celles que l’on trouve dans les grandes plantations. Les cultures de plantations, pour la plupart des produits d’exportation, comprennent le caoutchouc naturel, l’huile de palme, le sucre de canne, le coton, le tabac, la banane et les boissons tropicales comme le café, le cacao et le thé. Ces cultures peuvent être destinées à la fois à la consommation locale et à l’exportation, comme c’est le cas pour le café et la canne à sucre (BIT, 1994).

L’agriculture en milieu urbain est une activité à forte intensité de main-d’œuvre; elle est pratiquée sur de petites parcelles tant dans les pays développés que dans les pays en développement. Aux Etats-Unis, par exemple, ce secteur emploie jusqu’à 10% de la population urbaine et sa production représente plus d’un tiers de la valeur marchande des cultures. En revanche, 80% de la population des petites villes de Sibérie et d’Asie sont employés dans le secteur de la production et de la transformation des denrées agricoles. Le producteur urbain utilise parfois aussi ses produits comme monnaie d’échange, notamment pour payer son loyer (PNUD, 1996).

Les caractéristiques du secteur agricole et de sa main-d’œuvre

En 1994, la population mondiale s’élevait à 5,6 milliards d’habitants dont 2,7 milliards, soit 49%, travaillaient dans le secteur agricole, comme le montre la figure 64.1. La plupart des travailleurs agricoles habitaient dans les régions les plus pauvres du globe ou dans celles dont les économies étaient en état de transition, alors qu’ils étaient moins de 100 millions dans les pays développés où la mécanisation a permis d’accroître la productivité.

Figure 64.1 Importance (en millions d'individus) et pourcentage de la population
travaillant dans le secteur agricole, par région du monde, 1994

Figure 64.1

Le secteur agricole emploie des hommes et des femmes, des enfants et des personnes âgées dont les rôles respectifs sont bien différenciés. Par exemple, les femmes d’Afrique subsaharienne produisent et vendent 90% des denrées cultivées au niveau local et il leur incombe aussi traditionnellement de cultiver les produits réservés à la consommation familiale (Loftas, 1995).

Partout dans le monde, les enfants sont mis à contribution dès leur plus jeune âge (voir figure 64.2) et travaillent généralement 45 heures par semaine pendant les périodes de récolte. Ils ont de tout temps été utilisés comme main-d’œuvre dans les plantations, mais cet état de choses est aujourd’hui aggravé par la pratique qui consiste à rémunérer les travailleurs agricoles à la tâche, ce qui oblige des familles entières à travailler pour maintenir ou accroître leur revenu.

Figure 64.2 Jeune garçon travaillant la terre en Inde

Figure 64.2

Les données sur l’emploi dans les plantations montrent que les travailleurs les plus pauvres sont généralement les salariés agricoles qui travaillent dans des exploitations commerciales. Les plantations étant situées dans les régions tropicales et subtropicales de la planète, les conditions de vie et de travail qui y prévalent peuvent aggraver les problèmes de santé liés à la pauvreté (BIT, 1994).

L’agriculture en milieu urbain est une autre filière importante du secteur agricole. On estime à 200 millions le nombre d’agriculteurs qui travaillent à temps partiel — ce qui équivaut à 150 millions de travailleurs à plein temps — dans cette filière de production à des fins commerciales. Si l’on inclut l’agriculture de subsistance en milieu urbain, on arrive à un effectif de 800 millions de travailleurs agricoles (PNUD, 1996).

La figure 64.1 donne la répartition des emplois agricoles dans les différentes régions du monde. Aux Etats-Unis et au Canada, un faible pourcentage de la population est employé dans le secteur agricole et le nombre d’exploitations diminue à mesure qu’augmente celui des fusions des petites ou moyennes entreprises agricoles. En Europe occidentale, l’agriculture se caractérise par de petites exploitations, vestige d’un passé où les propriétés étaient partagées équitablement entre les enfants. Ces exploitations tendent néanmoins à s’agrandir à mesure que les populations quittent les campagnes et abandonnent l’agriculture. En Europe de l’Est, l’agriculture a longtemps été sous la coupe de l’économie planifiée. Dans l’ex-URSS, les exploitations atteignaient en moyenne plus de 10 000 ha, alors qu’elles ne représentaient que le tiers de cette superficie dans les autres pays de l’Europe de l’Est; néanmoins, des transformations sont en cours dans tous ces pays qui optent progressivement pour une économie de marché. De nombreux pays asiatiques ont modernisé leurs travaux agricoles et la production de riz est même devenue excédentaire dans certains d’entre eux. Plus de 2 milliards de travailleurs pratiquent l’agriculture dans ces régions et l’accroissement de la production rizicole, par exemple, est en grande partie dû à la culture de variétés à haut rendement. L’Amérique latine est une vaste région où l’agriculture joue un rôle économique capital. L’exploitation de plus en plus importante des ressources considérables dont elle dispose dans ce domaine se réalise cependant aux dépens des forêts tropicales. Dans d’autres régions, comme le Moyen-Orient et l’Afrique, la production vivrière par habitant accuse un déclin. Au Moyen-Orient, c’est l’approvisionnement en eau qui a toujours constitué un obstacle majeur pour l’agriculture. En Afrique, où la taille des fermes traditionnelles n’excède guère 3 à 5 ha de terres essentiellement cultivées par les femmes, les hommes travaillent à l’extérieur, voire s’expatrient pour accroître leurs revenus. Certains pays encouragent l’expansion des activités des entreprises agricoles.

Les exploitations familiales

Une exploitation familiale est une entreprise et une propriété rurale qui comprend aussi bien les enfants que les membres âgés de la famille. Dans certaines régions du monde, les familles d’agriculteurs vivent dans des villages entourés par leurs terres. L’exploitation est un lieu de relations familiales où l’on élève les enfants et où l’on produit des denrées alimentaires et autres matières premières. Ces exploitations vont de la petite ferme —où l’on pratique une agriculture de subsistance ou des activités agricoles en même temps que d’autres activités, et où l’on emploie des animaux de trait et un outillage léger — à la très grande entreprise familiale occupant de nombreux travailleurs agricoles à plein temps. Les types d’exploitations familiales varient suivant les pays, les régions, les cultures, l’histoire, l’économie, la religion et divers autres facteurs. La taille des exploitations et le type des opérations déterminent la somme de travail que devront accomplir les membres de la famille, ainsi que les besoins en main-d’œuvre à plein temps ou à temps partiel. Les activités d’une exploitation classique peuvent comprendre les soins aux animaux, l’évacuation du fumier, le stockage des grains, la conduite d’engins agricoles, la pulvérisation de pesticides, l’entretien des machines, des travaux de construction et bien d’autres tâches.

L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE, 1994) fait état de plusieurs tendances dans le secteur de l’agriculture, notamment:

  1. La domination économique croissante des grandes exploitations hautement mécanisées.
  2. L’augmentation du nombre de petits agriculteurs ayant à l’extérieur un emploi qui constitue leur principale source de revenus.
  3. Le rôle décisionnel des politiques agricoles nationales et internationales et des accords commerciaux.

La concentration des opérations agricoles et la réduction du nombre d’exploitations familiales est un phénomène que l’on observe depuis des dizaines d’années. Certaines forces économiques influent sur le travail et les charges de travail ainsi que sur la sécurité et la santé des membres de l’exploitation familiale. Des changements importants sont intervenus au sein de ces exploitations en conséquence directe de l’action de ces forces, parmi lesquels on citera l’augmentation des charges de travail, le recours accru à la main-d’œuvre extérieure, l’utilisation de nouvelles techniques, la présence d’adolescents livrés à eux-mêmes et la lutte quotidienne pour maintenir la viabilité économique de l’exploitation.

Les enfants proches de l’adolescence contribuent à la productivité de l’exploitation familiale. Les petites et moyennes exploitations comptent généralement sur cette main-d’œuvre, surtout quand les adultes doivent exercer un emploi à l’extérieur, laissant souvent les enfants travailler sans surveillance.

Les risques

Une exploitation agricole familiale est un environnement de travail dangereux. C’est l’un des rares lieux de travail qui serve également de milieu de vie et de lieu de divertissement à plusieurs générations de membres d’une même famille. Une exploitation de ce type présente de nombreux risques qui peuvent mettre la vie de ses membres en danger. L’indicateur le plus important pour la sécurité et la santé est la charge de travail incombant à chaque membre de la famille, sur les plans tant physique que psychologique et décisionnel. Il peut paraître étonnant que des personnes expérimentées, travaillant avec un matériel et sur des terres qu’elles connaissent bien, soient victimes d’accidents graves alors qu’elles se livrent à des tâches qu’elles accomplissent depuis des années, voire des dizaines d’années.

Des matières dangereuses, dont les pesticides, les engrais, les liquides inflammables, les solvants et autres produits de nettoyage, sont la cause d’affections aiguës et chroniques chez les travailleurs agricoles et les familles d’exploitants. Les tracteurs, les vis à grain et autres engins agricoles ont permis de multiplier les tâches agricoles (y compris dans le secteur de l’élevage) qui peuvent être accomplies par un seul fermier, mais la mécanisation est également à l’origine de graves accidents. Parmi les principaux risques de maladies et d’accidents, on citera les machines et engins agricoles, le renversement des tracteurs, la présence de bestiaux et de véhicules agricoles sur la voie publique, les chutes, les heurts d’objets, les manutentions, les espaces confinés et l’exposition aux produits et émanations toxiques, aux poussières, aux moisissures, aux vibrations et au bruit. Le climat et la topographie des lieux présentent également des risques en certaines circonstances.

L’agriculture est un secteur d’activité où les taux de mortalité et d’accident sont parmi les plus élevés. Les enfants comme les adultes y courent de grands dangers. L’expansion des exploitations familiales, aux fins de maintenir leur rentabilité, va de pair avec une augmentation de la charge de travail des membres de la famille, lesquels s’exposent ainsi à de plus grands risques de fatigue, de stress et d’accidents. C’est aussi dans ce cadre que les enfants aident le plus souvent leurs parents, travaillant sans surveillance. Les pressions incessantes des travaux agricoles peuvent conduire à des dépressions, des démembrements familiaux et des suicides. Il apparaît que les suicides sont plus nombreux chez les propriétaires d’exploitations familiales que chez les autres habitants des zones rurales (Gunderson, 1995). Par ailleurs, les coûts que représentent les maladies et les accidents, que ce soit les coûts directs ou les coûts indirects, sont le plus souvent à la charge des familles.

La prévention

Les programmes conventionnels de sécurité et de santé au travail mettent en général l’accent sur la conception technique du matériel agricole, la formation et les pratiques agricoles rationnelles. Il faut toutefois veiller à confier aux enfants, comme aux personnes âgées, des tâches à leur mesure. De même, on ne devrait pas permettre aux jeunes enfants de se trouver à proximité d’engins agricoles en marche et, surtout, de monter sur des tracteurs ou autres machines. Ils ne devraient pas non plus avoir accès aux bâtiments présentant des dangers liés à l’électricité, à la claustration, à l’entreposage de produits chimiques ou d’engins agricoles (National Committee for Childhood Agricultural Injury Prevention, 1996). Des mises en garde devraient être apposées sur les engins et les produits chimiques afin que les adultes soient informés des dangers potentiels de leur utilisation et prennent les mesures de protection voulues pour eux-mêmes et leur famille. Le recours à des travailleurs extérieurs à l’exploitation permettra de réduire la charge de travail des familles pendant les périodes de pointe; le concours de personnes plus âgées possédant une expérience et des compétences particulières sera lui aussi précieux.

Lorsqu’ils sont autosuffisants, les exploitants pourront vouloir accomplir leurs tâches quels qu’en soient les risques; ils ne se soucieront pas toujours de prendre les précautions qui s’imposent s’ils les jugent susceptibles de diminuer leur productivité. Outre un changement d’attitude et de comportement, l’amélioration de la sécurité et de la santé dans les exploitations agricoles familiales requiert par conséquent la participation active des exploitants et des travailleurs agricoles. Il faut également souligner l’intérêt qui s’attache à la collaboration des agronomes, des fournisseurs de matériel agricole, des assureurs, des banquiers, des médias locaux, des jeunes et des autres membres de la communauté si l’on veut créer et maintenir un haut niveau de sécurité au sein des exploitations et de la collectivité.

Ted Scharf, David E. Baker et Joyce Salg

LES SYSTÈMES DE PRODUCTION

LES PLANTATIONS

Melvin L. Myers et I.T. Cabrera*

* Adapté de la 3e édition de l'Encyclopaedia of Occupational Health and Safety.

Le terme plantation désigne communément une exploitation agricole de grande envergure axée sur un mode de production industriel. On trouve ce type d’exploitation essentiellement dans les régions tropicales d’Asie, d’Afrique, d’Amérique centrale et d’Amérique du Sud, mais aussi dans certaines régions subtropicales où le climat et le sol sont particulièrement propices à la production de plantes et de fruits tropicaux.

Les cultures de plantation incluent aussi bien des espèces à cycle court, comme l’ananas et la canne à sucre, que des arbres ou arbustes comme l’hévéa ou le bananier. Sont habituellement considérées comme cultures de plantation les cultures tropicales et subtropicales telles que le thé, le café, le cacao, la noix de coco, la mangue, le sisal et les fruits récoltés sur les diverses espèces de palmiers, mais aussi, lorsque l’exploitation en est réalisée à grande échelle, d’autres cultures comme le riz, le tabac, le coton, le maïs, les agrumes, le ricin, l’arachide, le jute, le chanvre et le bambou. Les cultures de plantation présentent les caractéristiques ci-après:

Etant donné leur grande diversité, les cultures de plantation sont exploitées dans des conditions géographiques, géologiques et climatiques qui diffèrent aussi considérablement les unes des autres, mais presque toutes prospèrent davantage dans les régions où les conditions climatiques et l’environnement sont particulièrement rudes. Par ailleurs, l’étendue des plantations et, dans la plupart des cas, leur isolement géographique ont donné naissance à des peuplements très différents de l’habitat local traditionnel (National Research Council (NRC), 1993).

Le travail dans les plantations

L’activité principale d’une plantation est la culture d’une ou de deux espèces végétales et comporte les travaux suivants: préparation des sols, plantation proprement dite, culture intercalaire, sarclage, traitement, récolte, transport et stockage des produits. Ces diverses opérations nécessitent un ensemble d’outils et d’engins agricoles ainsi que des produits chimiques. Quand il s’agit d’exploiter des terres vierges, il est tout d’abord nécessaire de procéder au défrichement par abattage des arbres, dessouchage et élimination par le feu du couvert végétal, puis d’entreprendre des travaux de terrassement pour aménager rigoles et fossés d’irrigation. A la culture proprement dite peuvent s’ajouter d’autres activités: élevage, transformation agroalimentaire, entretien et réparation des bâtiments agricoles, de l’outillage et des machines, des routes et des voies ferrées. Il sera éventuellement nécessaire de produire de l’électricité, de creuser des puits, d’entretenir des canaux d’irrigation, de faire tourner des ateliers de mécanique ou de charpenterie et d’acheminer les produits vers les marchés.

Dans le monde entier, les plantations font appel au travail des enfants. Ces enfants travaillent avec leurs parents, formant une équipe rémunérée à la tâche, ou sont affectés à des besognes particulières. Ils sont généralement occupés pendant de longues heures à des travaux pénibles, dans des conditions de sécurité et de santé très précaires, sans bénéficier d’une alimentation et d’un repos suffisants. Ils n’ont en outre guère la possibilité de s’instruire. Ces enfants sont souvent recrutés par l’intermédiaire de sous-traitants; c’est une pratique courante dans le cas des travaux occasionnels ou saisonniers. Ainsi, le patron de la plantation n’est pas en relation directe avec les travailleurs agricoles dont les conditions de travail sont, dans l’ensemble, nettement moins bonnes que celles des travailleurs recrutés sans intermédiaire.

La plupart des travailleurs employés dans les plantations sont payés à la tâche et non à l’heure. Par exemple, ces tâches peuvent être comptabilisées en nombre de rangs de canne à sucre coupés et chargés, en nombre d’hévéas incisés, de rangs désherbés, de boisseaux de sisal coupés, de kilos de thé cueillis ou d’hectares de terres fertilisés. Le temps consacré à ces travaux peut varier en fonction des conditions climatiques ou topographiques, et il n’est pas rare que des familles entières travaillent sans relâche du lever au coucher du soleil. Dans la majorité des pays possédant des plantations, les travailleurs agricoles sont employés, selon les chiffres officiels, plus de 40 heures par semaine. En outre, la plupart d’entre eux se rendent à leur lieu de travail à pied; comme les plantations sont très vastes, ces déplacements exigent de leur part un effort supplémentaire, parfois plusieurs heures de marche par jour (BIT, 1994).

Les risques et la prévention

Le travail dans les plantations comporte de nombreux risques liés à l’environnement, aux outils et engins utilisés, ainsi qu’à la nature même du travail. L’une des premières mesures à prendre pour améliorer la sécurité et la santé dans les plantations est de nommer un responsable de la sécurité et de mettre en place un comité paritaire de sécurité et de santé. Les responsables de la sécurité auront pour mission de veiller à ce que les bâtiments et l’équipement présentent toujours les garanties voulues de sécurité et à ce que le travail soit effectué selon les règles de sécurité établies. Les comités de sécurité ont l’avantage particulier de réunir la direction et les travailleurs dans une activité commune et de permettre à ces derniers de participer directement à l’amélioration de la sécurité. Ces comités sont notamment chargés d’élaborer les règles de sécurité au travail, d’enquêter sur les accidents et les maladies survenant dans les plantations et de recenser les lieux présentant des risques pour les travailleurs ou leur famille.

Un service médical et un équipement de premiers soins, accompagné d’instructions précises quant à son utilisation, devraient être mis en place. Les médecins devraient avoir reçu une formation leur permettant de dépister les maladies professionnelles, notamment les intoxications dues aux pesticides et les contraintes thermiques. Il conviendrait de mener une enquête sur le terrain pour déterminer les risques professionnels liés aux travaux effectués et d’y faire éventuellement participer des membres du comité de sécurité et de santé et des spécialistes, notamment le responsable de la sécurité, le responsable de la surveillance médicale et des inspecteurs sanitaires, afin de mieux appréhender les facteurs de risques et de faciliter la mise en œuvre de mesures préventives appropriées. Le tableau 64.2 présente les différentes étapes de l’organisation de ce type d’enquête qui devrait permettre d’adopter des mesures préventives à l’égard tant des risques potentiels que des risques ayant déjà été à l’origine d’accidents et de maladies (Partanen, 1996). On trouvera ci-après un aperçu des risques potentiels et des modes de prévention adéquats.

Tableau 64.2 Etude en dix étapes des risques professionnels sur une plantation

1.

Définition du problème et de son niveau de priorité

2.

Recherche des données existantes

3.

Justification du besoin de recueillir des informations supplémentaires

4.

Définition des objectifs de l’étude, de sa conception, de la population cible, du temps requis et des méthodes à utiliser

5.

Définition des tâches, des coûts et du calendrier d’exécution

6.

Préparation du protocole

7.

Collecte des données

8.

Analyse des données et évaluation des risques

9.

Publication des résultats

10.

Organisation du suivi

Source: Partanen, 1996.

La fatigue et les risques liés aux conditions climatiques

En raison des longues heures passées à accomplir des tâches pénibles, la fatigue est une source de préoccupation particulière. Les travailleurs fatigués sont généralement moins à même d’évaluer les risques auxquels ils sont exposés; il peut en résulter des accidents à l’origine de blessures ou d’expositions accidentelles. Des pauses obligatoires et une réduction des heures de travail permettront de limiter les risques de fatigue.

Les effets de la fatigue sur l’organisme sont aggravés par la chaleur et l’humidité ambiantes. Par conséquent, on veillera à ce que les travailleurs boivent régulièrement de l’eau et fassent des pauses appropriées.

Les risques liés à l’outillage et à l’équipement

Les outils mal conçus contraignent souvent les travailleurs à adopter des postures inadaptées, voire dangereuses; de même, les instruments tranchants mal affûtés exigent un effort plus important de leur part. Les postures inclinées ou voûtées et la manipulation de lourdes charges sont très contraignantes pour le dos; travailler les bras levés au-dessus des épaules peut également provoquer des troubles musculo-squelettiques dans la partie supérieure du tronc (voir figure 64.3). On choisira des outils permettant d’adopter une posture correcte et on veillera à leur parfait entretien. Il faudra également réduire les charges à soulever ou prévoir des effectifs supplémentaires pour ce faire.

Figure 64.3 Coupeurs de bananes, plantation «La Julia», en Equateur

Figure 64.3

Certains accidents peuvent résulter de l’utilisation inappropriée d’outils à main tels que machettes, faux, haches et autres instruments tranchants ou pointus, ou encore d’engins mécaniques portables comme les scies à chaîne. Sont aussi à l’origine d’accidents le positionnement inapproprié des échelles et leur mauvais état, de même que l’utilisation de cordes et de chaînes inadaptées. Les utilisateurs devraient avoir reçu des instructions précises sur le maniement et l’entretien de ces outils ou équipements, qui devraient par ailleurs être remplacés s’ils sont endommagés ou en mauvais état.

Les machines qui ne sont pas équipées de dispositifs de protection risquent de provoquer des accidents graves, voire mortels; elles peuvent, par exemple, happer une personne au passage par les vêtements ou par les cheveux. Il importe d’éviter tout risque de contact dangereux avec les pièces en mouvement. On devrait également mettre en place des systèmes de verrouillage et de signalisation de sécurité pour les travaux d’entretien et de réparation.

Les machines et engins agricoles sont aussi des sources de bruit intense entraînant des pertes d’audition chez les travailleurs exposés. On s’assurera donc qu’ils portent en cas de besoin une protection antibruit adéquate et, lors de l’acquisition de nouveaux équipements, on donnera la préférence aux moins bruyants.

Les accidents liés aux véhicules

Les routes et les pistes desservant les plantations sont souvent étroites et présentent de ce fait des risques de collisions frontales et de renversements sur le bas-côté. On veillera à équiper les véhicules de transport, y compris les camions, les remorques et chariots tirés par des tracteurs ou des animaux, de dispositifs permettant de monter à bord et de descendre en toute sécurité. Si le réseau est constitué de voies à deux sens de circulation, on les élargira à intervalles réguliers pour permettre les dépassements. Les ponts et tronçons surplombant les précipices et ravins devraient être pourvus de parapets solides.

Les tracteurs et beaucoup d’autres véhicules exposent les travailleurs à deux dangers majeurs. L’un est le renversement du véhicule, qui provoque fréquemment la mort du conducteur par écrasement. Les employeurs veilleront à équiper ces véhicules de structures de protection spéciales (cadres, etc.) pour prévenir ce type d’accident. Des ceintures de sécurité devraient être portées lors des déplacements. L’autre danger majeur est celui d’être renversé et écrasé par l’un de ces engins; il conviendrait que les travailleurs se déplaçant à pied se gardent d’emprunter les chemins réservés aux véhicules de transport et que les conducteurs de tracteurs refusent de prendre des passagers à bord à moins que leurs véhicules ne soient équipés de sièges adéquats.

Les risques liés à l’électricité

L’électrification des plantations est généralement limitée aux opérations de transformation, aux travaux en atelier et à l’éclairage des bâtiments et des champs. L’utilisation imprudente d’installations ou de matériels électriques expose à des commotions, à des brûlures et à des accidents mortels par électrocution. Le risque est accru dans les lieux humides ou lorsque le travailleur a les mains ou les vêtements mouillés. Les installations électriques extérieures ou proches d’une source d’eau devraient être équipées de disjoncteurs. Dans les régions où les orages sont fréquents ou violents, il conviendrait d’installer des paratonnerres sur tous les bâtiments et d’informer les travailleurs quant aux précautions à prendre pour éviter d’être foudroyés et aux endroits où chercher refuge.

Les risques d’incendie et d’explosion

L’électricité ainsi que la présence de flammes nues ou de cigarettes allumées sont source d’incendie ou d’explosion d’amas de poussières organiques. Les produits inflammables comme le kérosène, l’essence et le gasoil peuvent également provoquer des incendies ou des explosions s’ils ne sont pas manipulés ou entreposés convenablement. Les déchets graisseux ou combustibles présentent aussi un risque d’incendie dans les ateliers. Aucun matériau combustible ne devrait être laissé à proximité de produits inflammables. Des appareils électriques antidéflagrants devraient être utilisés si l’on se trouve à proximité de produits inflammables ou explosifs, et les circuits électriques devraient être munis de fusibles ou de disjoncteurs.

Les pesticides

L’emploi de produits agrochimiques toxiques est particulièrement préoccupant, surtout en cas d’application intensive d’herbicides, de fongicides et d’insecticides. On peut être exposé aux dangers que présentent ces produits à de nombreux stades de la production agricole ainsi qu’au cours des opérations de conditionnement, de stockage, de transport, de distribution pour la vente au détail, d’application (manuelle ou par voie aérienne), de recyclage ou d’élimination des déchets. Les risques sont aggravés par l’analphabétisme, un étiquetage insuffisant ou erroné, des récipients qui fuient, l’insuffisance ou l’inexistence d’équipements de protection individuelle adaptés, la modification de la formulation de ces produits, l’ignorance du danger, la non-observation des règles de sécurité ou l’absence de supervision ou de formation technique. Les travailleurs devraient recevoir des instructions relatives à l’utilisation de ces produits et porter un équipement de protection individuelle, règle difficile à imposer sous les tropiques dans la mesure où le port de cet équipement peut accentuer la contrainte thermique (voir figure 64.4). On devrait s’efforcer de trouver et d’utiliser des produits de substitution moins toxiques.

Figure 64.4 Vêtements de protection porté lors de l'application de pesticides

Figure 64.4

Les maladies et les traumatismes causés par les animaux

Sur certaines plantations, on a fréquemment recours aux animaux de trait tels que chevaux, ânes, mulets et bœufs pour porter ou tirer de lourdes charges. Il n’est pas rare que ces animaux blessent les travailleurs par ruades, coups de corne ou morsures, et qu’ils leur transmettent des zoonoses telles que le charbon, la brucellose, la rage, la fièvre Q ou la tularémie. On choisira par conséquent des animaux dociles, bien dressés, et l’on se gardera de faire travailler ceux qui sont susceptibles d’avoir un comportement agressif. On emploiera des brides, harnais, selles et autres harnachements appropriés, que l’on entretiendra convenablement et que l’on ajustera correctement sur les animaux. Les animaux malades devraient être traités ou éliminés.

Les plantations abritent parfois des serpents venimeux qui se déplacent sur le sol ou vivent dans les arbres d’où ils peuvent tomber sur les travailleurs. Ceux-ci devraient disposer d’une trousse d’urgence contre les morsures de serpent et avoir accès à des soins d’urgence et au sérum antivenimeux requis. Sur les lieux où l’on trouve des serpents arboricoles, les travailleurs devraient porter des coiffures protectrices faites d’un matériau résistant.

Les maladies infectieuses

Certaines maladies infectieuses sont transmises aux personnes travaillant dans les plantations par les rats qui pullulent dans les bâtiments, par l’eau consommée sur place ou par les aliments. La consommation d’eau insalubre est responsable de la dysenterie, maladie fréquente dans les plantations. Des installations sanitaires devraient être aménagées et entretenues conformément à la réglementation en vigueur. De même, l’approvisionnement des travailleurs et de leur famille en eau de boisson devrait répondre aux normes établies par les autorités compétentes.

Les espaces confinés

Dans certains espaces confinés, tels que les silos, l’émanation de gaz toxiques ou le manque d’oxygène peuvent entraîner de graves accidents. On devrait donc veiller à ce que ces espaces soient bien ventilés avant d’y pénétrer ou imposer le port d’un appareil de protection respiratoire approprié.

LES TRAVAILLEURS MIGRANTS ET SAISONNIERS

Marc B. Schenker

Les travailleurs migrants et saisonniers représentent, à l’échelle mondiale, une population importante, exposée à la fois aux risques professionnels et sanitaires liés aux travaux agricoles et aux risques inhérents à leur état de pauvreté et d’errance. Aux Etats-Unis, par exemple, bien que l’on n’en connaisse pas le nombre exact, on estime cette population à quelque cinq millions. La proportion de travailleurs agricoles recrutés à titre temporaire y est d’ailleurs en augmentation par rapport à celle des agriculteurs, qui est en voie de régression. Les mouvements migratoires dans le monde entier sont généralement liés au travail et se font le plus souvent des pays les plus pauvres vers les pays les plus riches. Fréquemment affectées aux tâches les plus pénibles et les plus dangereuses, les populations migrantes connaissent des taux de morbidité et d’accidents du travail plus élevés. En outre, vivant dans la pauvreté et ne bénéficiant pas d’une protection légale suffisante, elles risquent d’autant plus de contracter des maladies professionnelles ou autres.

Les études sur les risques d’accidents et les problèmes de santé auxquels ces populations sont exposées sont peu nombreuses. D’une part, en effet, les études spécifiques à la sécurité et à la santé dans l’agriculture sont rares et, d’autre part, ces populations sont difficiles à étudier dans la mesure où elles sont itinérantes, appartiennent à des groupes ethniques, linguistiques ou culturels différents, et sont économiquement pauvres et politiquement exclues.

Aux Etats-Unis, les populations de travailleurs agricoles migrants et saisonniers sont essentiellement constituées d’hommes jeunes d’origine hispanique. On trouve aussi des populations blanches, noires, d’Asie du Sud-Est et d’autres groupes ethniques. Les deux tiers de ces travailleurs, ou presque, sont nés à l’étranger; la plupart ont un faible niveau d’instruction, ne parlent et ne lisent pas l’anglais, et la moitié d’entre eux vit au-dessous du seuil de pauvreté. Les conditions de travail ne sont pas conformes aux normes en vigueur, les salaires sont modiques et les avantages sociaux peu nombreux: moins d’un quart de ces travailleurs bénéficie d’une assurance maladie. Ils sont généralement embauchés environ six mois par an pour accomplir des travaux à forte intensité de main-d’œuvre comme la cueillette des fruits et des noix ou la récolte des légumes.

L’état de santé de cette population est à l’image de ses conditions de travail et de ses faibles revenus. Les travailleurs agricoles souffrent de carences alimentaires, vivent dans des logements médiocres, manquent d’instruction, ont un niveau d’hygiène insuffisant et ont rarement accès aux soins médicaux. De mauvaises conditions de vie dans des logements surpeuplés et une alimentation inadéquate les rendent plus vulnérables aux maladies infectieuses aiguës. Ils consultent moins souvent le médecin que les populations non agricoles et, quand ils se rendent en consultation, c’est la plupart du temps pour le traitement d’une affection aiguë ou d’un traumatisme. En outre, ils n’ont guère accès aux soins préventifs. Les enquêtes effectuées sur ces populations révèlent qu’un nombre important d’individus présentent un état de santé nécessitant des soins médicaux. De même, les soins préventifs, dentaires ou ophtalmologiques, par exemple, sont insuffisants, et la couverture vaccinale est inférieure à la moyenne de la population. Les cas d’anémie, fréquents, sont probablement dus à d’importantes carences nutritives.

La pauvreté et les autres restrictions auxquelles se heurtent les travailleurs agricoles migrants et saisonniers entraînent de très mauvaises conditions de vie et de travail. Nombreux sont ceux qui ne disposent pas d’installations sanitaires sur leur lieu de travail. Ils sont logés de façon très variable, certains dans des logements sociaux convenables, d’autres dans des baraquements ou campements en piteux état qu’ils occupent tant qu’il y a du travail sur place. Les piètres conditions d’hygiène et la promiscuité régnant dans ces taudis posent généralement de graves problèmes, exposant leurs occupants à des risques accrus de contracter des maladies infectieuses. Ces difficultés sont aggravées chez les travailleurs migrants qui se déplacent en fonction des campagnes agricoles car, à chaque nouveau déplacement, ils perdent la possibilité de bénéficier des services mis en place dans les communautés établies.

Diverses études ont montré que les maladies infectieuses représentent une part importante de la morbidité et de la mortalité dans ces populations. Les maladies parasitaires sont nettement plus nombreuses chez les travailleurs migrants et on constate une augmentation du nombre des décès dus à la tuberculose et à d’autres maladies chroniques des appareils cardio-vasculaire, respiratoire et urinaire. Les lésions traumatiques sont, comme dans le cas des autres travailleurs agricoles, la principale cause de l’accroissement du taux de mortalité.

L’état de santé des enfants des travailleurs agricoles est particulièrement inquiétant. Une certaine carence de services de soins préventifs s’ajoute à la pauvreté, à la malnutrition et à la médiocrité de leurs conditions de vie. Ils sont aussi exposés dès leur plus jeune âge aux risques inhérents aux travaux agricoles, tant à la ferme qu’aux champs. Ce sont les enfants de moins de cinq ans qui sont les plus exposés aux accidents causés par les engins agricoles ou les animaux de ferme. Dès l’âge de dix ans, de nombreux enfants commencent à travailler, surtout durant les périodes (récoltes) où une main-d’œuvre supplémentaire est nécessaire. Ils n’ont pas toujours la force physique ou la capacité de coordination requises par les travaux agricoles; ils n’ont pas non plus une très grande capacité de jugement dans la plupart des situations. En outre, ils courent un danger particulier lors de la mise en œuvre des produits agrochimiques s’ils n’ont pas été prévenus que telle ou telle zone vient d’être traitée ou s’ils ne savent pas lire les mises en garde apposées sur les produits dangereux.

Les travailleurs agricoles risquent davantage de contracter des maladies liées à l’utilisation de pesticides pendant leur travail aux champs, le plus souvent par contact direct avec le produit en cours de pulvérisation, par contact prolongé avec des plantes traitées récemment, ou par les retombées de produits épandus par voie aérienne ou par d’autres techniques. Des délais d’attente avant de pénétrer dans une zone qui vient d’être traitée sont normalement imposés dans certains pays pour éviter le contact direct avec les plantes quand le produit appliqué est encore toxique. Ce type de réglementation n’existe cependant pas dans de nombreuses régions ou n’est pas observé afin d’accélérer les récoltes. Des intoxications collectives par exposition aux pesticides sont encore fréquentes chez les travailleurs agricoles.

Les entorses, élongations et autres traumatismes constituent les principaux risques auxquels les travailleurs agricoles sont exposés sur leurs lieux de travail. La nature répétitive des tâches accomplies augmente ces risques, d’autant que les travailleurs doivent souvent se courber ou s’accroupir. Certains travaux agricoles impliquent le port de lourdes charges, parfois sur une échelle et souvent en équilibre instable, ce qui multiplie les risques d’accidents et de troubles musculo-squelettiques.

Aux Etats-Unis, les accidents mortels les plus fréquents chez les travailleurs agricoles sont causés par les véhicules à moteur. Ces accidents se produisent le plus souvent très tôt ou très tard dans la journée, sur des routes de campagne dangereuses, quand les travailleurs se rendent aux champs ou en reviennent à bord de véhicules dont ils sont les conducteurs ou les passagers. Des collisions peuvent également se produire avec des véhicules et des machines agricoles se déplaçant à faible vitesse.

Le risque d’affection respiratoire chez les travailleurs agricoles est aggravé par l’exposition aux poussières et aux produits chimiques; il varie en fonction des conditions locales et des espèces cultivées. Dans les régions sèches, par exemple, l’exposition aux poussières inorganiques peut provoquer des bronchites chroniques et autres affections pulmonaires.

Les affections cutanées sont très fréquentes chez les travailleurs agricoles. Les causes en sont nombreuses. On peut citer les lésions dues aux objets coupants, à la manipulation de produits chimiques agricoles irritants ou allergisants, au contact avec des plantes et des substances animales allergisantes (sumac vénéneux, gui du chêne), des orties et d’autres plantes urticantes ainsi que les infections provoquées ou aggravées par la chaleur, par le contact prolongé avec l’eau ou par l’exposition au soleil (qui peut provoquer le cancer de la peau).

De nombreuses maladies chroniques sont fréquentes chez les travailleurs agricoles migrants et saisonniers, mais l’on ne dispose que de données limitées sur l’ampleur réelle de ces risques au nombre desquels figurent le cancer, diverses pathologies de la reproduction (notamment les fausses couches, la stérilité et les malformations congénitales) et des troubles neurologiques chroniques. Si ces diverses affections ont effectivement pu être observées chez d’autres populations agricoles ou chez les personnes dont le degré d’exposition aux produits agricoles toxiques est supérieur à la normale, on connaît toutefois mal l’importance des risques qu’elles peuvent présenter pour les travailleurs agricoles.

L’AGRICULTURE EN MILIEU URBAIN

Melvin L. Myers

L’agriculture en milieu urbain contribue dans une large mesure à la production alimentaire mondiale, mais elle est surtout pratiquée pour répondre aux besoins quotidiens des consommateurs vivant dans les villes, en exploitant ou en recyclant les ressources naturelles et les résidus urbains pour la culture et l’élevage. Le tableau 64.3 présente les divers systèmes d’exploitation agricole utilisés en milieu urbain. On estime que ces systèmes génèrent des revenus pour quelque 100 millions d’habitants et en nourrissent environ 500 millions. Les produits de cette agriculture sont davantage destinés aux marchés urbains qu’aux marchés nationaux et internationaux. La plupart des exploitations sont de petite taille, mais il existe aussi quelques exploitations agroalimentaires d’importance. L’agriculture en milieu urbain est pratiquée tant par des particuliers cultivant un potager de 20 m2 ou moins que par des petits producteurs cultivant une parcelle de 200 m2, ou par des gros exploitants qui peuvent louer une dizaine d’hectares de terre en zone industrielle (PNUD, 1996).

Tableau 64.3 Système d'exploitation agricole en milieu urbain

Systèmes d’exploitation

Production

Milieu ou technique

Aquaculture

Poissons et coquillages, grenouilles, légumes, algues et fourrage

Etangs, rivières, cages, estuaires, stations d’épuration, lagunes, zones humides et marécageuses

Horticulture

Légumes, fruits, herbes aromatiques, boissons, compost

Terrains résidentiels, parcs, chemins de passage, bacs, jardins suspendus, hydroculture, zones humides et marécageuses, serres, cultures à enracinement superficiel, marcottage

Floriculture

Fleurs, insecticides, plantes d’intérieur

Horticulture ornementale, jardins suspendus, bacs, serres, chemins de passage

Elevage

Lait, œufs, viande, engrais, cuirs et peaux, fourrures

Stabulation permanente, parcours, collines, coopératives, enclos, espaces ouverts

Agroforesterie

Combustibles, fruits et noix, compost, matériaux de construction

Arbres en bordure de rues, terrains résidentiels, pentes abruptes, vignes, ceintures vertes, zones humides et marécageuses, vergers, parcs forestiers, haies

Mycoculture

Champignons, compost

Champignonnières, caves

Vermiculture

Compost, vers pour animaux et aliments pour poissons

Cabanes, plateaux

Sériciculture

Soie

Terrains résidentiels, plateaux

Apiculture

Miel, pollinisation, cire

Ruches, chemins de passage

Paysagisme, arboriculture

Aménagement et entretien paysagistes, ornementation, pelouses, jardins

Jardins, parcs, aires de loisir, terrains jouxtant des espaces commerciaux, bordures des routes, équipements pour pelouses et jardins

Cultures destinées à la production de boissons

Raisins (vin), hibiscus, thé de palme, café, canne à sucre, qat, maté, banane (bière)

Pentes abruptes, production de boissons

Sources: PNUD, 1996; Rowntree, 1987.

Le paysagisme, branche dérivée de l’architecture, fait maintenant partie de la filière agricole urbaine. On s’adonne à cette activité dans un but ornemental, dans les parcs, les jardins publics ou privés et les propriétés commerciales et industrielles. Elle consiste notamment à entretenir les pelouses, planter et entretenir des espèces annuelles ou vivaces ainsi que des arbustes et diverses essences d’arbres. L’entretien des espaces comme les terrains de golf, les terrains de jeux et les parcs municipaux fait aussi partie des tâches liées au paysagisme (Franck et Brownstone, 1987).

Aperçu des activités agricoles en milieu urbain

L’agriculture en milieu urbain est considérée comme une méthode garantissant l’équilibre écologique durable des villes et des cités du futur. Privilégiant généralement les cultures maraîchères de cycle court et à forte valeur ajoutée, elle repose sur la polyculture et la gestion intégrée des techniques de production là où l’espace et l’eau font grandement défaut. Ce type d’agriculture tente de tirer parti des espaces tant verticaux qu’horizontaux et se caractérise par le recyclage des déchets. Les facteurs et les étapes de production sont les mêmes que pour l’agriculture classique, hormis l’utilisation faite des déchets animaux ou des résidus de l’activité humaine comme engrais, et des sources d’eau, pour la production végétale. Dans ce modèle presque parfait, les intrants exogènes existent encore, mais il s’agit essentiellement de pesticides (PNUD, 1996).

Dans le cas du paysagisme, c’est l’apparence qui crée le produit puisque l’entretien des pelouses, des arbres, des arbustes et des fleurs est au cœur des activités qui s’y déroulent. En règle générale, le paysagiste achète, chez un pépiniériste ou un horticulteur, les semences et les plants qu’il met en terre et entretient selon un calendrier bien établi. Ces travaux, qui font appel à une main-d’œuvre importante, ont largement recours aux produits chimiques et nécessitent l’emploi d’outils à main et d’engins à moteur conçus spécialement pour les travaux de jardinage et d’horticulture. L’entretien des pelouses fait partie des tâches classiques du paysagiste.

Les risques et leur prévention

L’agriculture en milieu urbain est généralement une activité pratiquée à petite échelle, à proximité des habitations, exposée à la pollution urbaine et impliquant l’exploitation des déchets. Pour ce qui est des risques liés aux différents types d’exploitation, à l’utilisation des pesticides et au compostage, ils sont similaires à ceux qui sont mentionnés dans d’autres parties du présent volume) (PNUD, 1996).

Dans les pays développés, les exploitations agricoles et les entreprises de paysagisme périurbaines utilisent un outillage et un équipement de jardinage comprenant généralement des petits tracteurs (auxquels sont attelés tondeuses, faucheuses, herses, chargeurs à benne frontale et outils divers) et des véhicules utilitaires semblables aux véhicules tout-terrain. Parmi les autres engins attelés ou portés, on trouve les brise-mottes, chariots, souffleuses (pour feuilles ou neige), coupe-bordures, etc. Les tracteurs de jardinage sont tous équipés d’un moteur, consomment du carburant, comportent des parties mobiles, transportent un conducteur et sont souvent équipés d’engins divers. Ils sont beaucoup plus petits que les tracteurs utilisés pour les besoins de la production agricole classique, mais ils peuvent tout aussi bien se renverser et causer de graves accidents. L’utilisation de carburants pour ces tracteurs et petits véhicules présente, par ailleurs, des risques d’incendie (Deere & Co., 1994).

Les accessoires tractés ou portés comportent eux aussi des risques spécifiques. Il est arrivé que des enfants se trouvant sur un tracteur avec un adulte tombent et soient écrasés sous les roues ou grièvement blessés par les lames des faucheuses. Ces lames présentent deux types de risques: contact direct avec les lames rotatives et projection d’objets entrés en contact avec les lames. Les chargeurs à benne frontale et les lames des faucheuses sont actionnés par un système hydraulique; ils peuvent retomber brusquement quand ils sont laissés en position levée et causer ainsi de graves accidents. Les utilitaires sont des véhicules peu coûteux par rapport aux camions de petit gabarit. Ils peuvent cependant se renverser en terrain escarpé, notamment pendant les manœuvres de braquage, et entrer en collision sur les voies publiques avec d’autres véhicules. Le tableau 64.4 donne quelques conseils de sécurité sur le maniement de certains types d’engins et de matériel de jardinage et d’entretien des pelouses.

Tableau 64.4 Conseils de sécurité relatifs à l'emploi d'enfins à moteur pour
pelouses et jardins

Tracteurs (microtracteurs)

Eviter les situations où le tracteur pourrait se renverser:

  • Eviter de conduire le tracteur sur des terrains trop accidentés, trop glissants ou trop pentus; faire attention à la présence de pierres, de fondrières et autres dangers analogues
  • Sur terrain pentu, conduire le véhicule dans le sens de la pente, jamais en biais
  • Ralentir, braquer avec précaution pour ne pas renverser le véhicule ou perdre sa maîtrise ou le contrôle des freins
  • Respecter les charges maximales; équilibrer les charges; consulter le manuel de l’opérateur

Ne jamais embarquer de passagers, à moins qu’un siège additionnel n’ait été prévu

Laisser les systèmes de verrouillage enclenchés; ils permettent de désaccoupler les engins auxiliaires et l’arbre moteur tant que le conducteur n’a pas rejoint son siège, ou au moment du démarrage

Tondeuses à gazon à lame horizontale (montées sur tracteur ou accompagnées)

Laisser les systèmes de verrouillage enclenchés

Utiliser des couteaux et des protecteurs adaptés

Maintenir les couteaux et les protecteurs en place et en bon état de fonctionnement

Porter des chaussures fermées pour éviter de glisser et pour se protéger contre d’éventuels accidents

Ne permettre à personne de poser les mains ou les pieds près du plateau ou du bac de ramassage de la tondeuse quand celle-ci est en marche; couper le contact de l’engin à proximité d’enfants

Couper le contact de la tondeuse quand elle n’est pas utilisée

Pour éviter tout accident causé par des objets projetés par la machine:

  • Dégager le terrain à tondre
  • Maintenir les protecteurs, le plateau, le bac ou le sac de ramassage en place
  • Couper le contact de l’engin à l’approche d’une personne

Dévisser les bougies pour empêcher le démarrage de la tondeuse lors des travaux d’entretien ou de réparation

Pour éviter tout incendie, ne pas renverser de carburant sur des surfaces chaudes et ne pas manipuler de carburant à proximité d’étincelles ou de flammes; ne laisser aucune trace de carburant ou de lubrifiant ni d’autres déchets près des surfaces chaudes

Chargeurs à benne frontale (attachés à l’avant d’un tracteur)

Eviter toute surcharge

Abaisser la benne en position de recul sur des talus ou des terrains pentus

Regarder le parcours plutôt que la benne

Actionner la commande hydraulique du chargeur uniquement une fois assis

Utiliser le chargeur uniquement pour les matériaux prévus

Abaisser la benne sur le sol avant de quitter l’engin

Véhicules utilitaires (semblables aux véhicules tout-terrain) conçus pour tous les types de terrain

Eviter les situations où le véhicule pourrait se renverser:

  • S’entraîner sur terrain plat avant de rouler sur des terrains accidentés
  • Ne pas rouler trop vite; ralentir avant de braquer (particulièrement sur les terrains pentus)
  • Réduire la vitesse sur les terrains pentus ou accidentés
  • Faire attention à la présence de fondrières, de pierres et autres dangers cachés

Ne jamais embarquer de passagers, à moins qu’un siège approprié n’ait été prévu

Répartir correctement les charges (pas trop haut, pas trop à l’arrière) pour éviter que le véhicule ne bascule

S’éloigner du bord des rampes de chargement au moment du chargement ou du déchargement

Lester la cargaison lors du remorquage pour permettre une meilleure traction

Eviter de circuler sur les voies publiques

Ne jamais permettre aux enfants de conduire ces engins

Le port d’un casque est recommandé

Source: d’après Deere & Co., 1994.

LES SERRES ET LES PÉPINIÈRES

Mark M. Methner et John A. Miles

Les pépinières produisent des plants pour les marchés spécialisés dans la vente de plants à repiquer (voir figure 64.5). Les variétés résistantes sont cultivées à l’extérieur et les moins résistantes à l’intérieur, généralement en serre, pour les protéger des basses températures, du rayonnement solaire trop intense ou du vent. Bon nombre de plantes que l’on fait pousser à l’intérieur quand les conditions climatiques sont trop rigoureuses sont ensuite transplantées à l’extérieur quand ces conditions deviennent plus favorables. Les arbres et les arbustes sont les cultures classiques des pépinières, tandis que les fleurs, les légumes et diverses plantes herbacées sont plus généralement des cultures de serre. Les pépinières produisent des plants pour les marchés spécialisés dans la vente de plants à repiquer, et les serres produisent des cultures comme la tomate pour les marchés saisonniers en période de gel.

Figure 64.5 Repiquage de jeunes plants de café dans une cafétière en Côte d'Ivoire

Figure 64.5

Les cultures de pépinière sont devenues une filière importante du secteur agricole et continuent de prendre de l’expansion. En Californie, par exemple, où l’on compte plus de 3 000 pépinières commerciales, celles-ci fournissent des produits à forte rentabilité qui occupent le cinquième rang dans l’échelle des revenus agricoles de cet Etat. La main-d’œuvre employée est habituellement originaire du Mexique ou d’autres pays d’Amérique centrale, comme dans nombre d’exploitations agricoles de la côte ouest des Etats-Unis. La plupart des travailleurs ne sont pas des travailleurs migrants et vivent dans des communautés locales avec leur famille (Mines et Martin, 1986). Ce sont, en grande majorité, des hispanophones qui ne parlent que l’espagnol et qui n’ont jamais ou guère fréquenté l’école. Les tâches qui leur sont confiées sont faiblement rémunérées et la main-d’œuvre est souvent excédentaire. On retrouve des situations de ce genre un peu partout dans le monde.

De nombreux travailleurs agricoles considèrent que le travail en pépinière est, par rapport aux autres travaux agricoles, un bon emploi, car ils sont occupés toute l’année, relativement bien payés et généralement assurés contre les accidents du travail et la maladie. Rares sont ceux qui appartiennent à un syndicat; pour la plupart, ils sont employés directement par l’entreprise plutôt que par le biais de sous-traitants.

Le milieu conditionné des serres est propice à la croissance des végétaux, notamment à la culture de plantes rares et d’espèces exotiques, au démarrage des jeunes plants et à des cultures telles que fleurs, tomates et poivrons qui y sont protégées des rigueurs de l’hiver. On peut aussi y faire pousser des cultures tout au long de l’année, quelles que soient les conditions climatiques qui prévalent à l’extérieur. On trouve également des serres en zone tempérée, comme en Ukraine, où la superficie qu’elles occupent est passée de 3 070 ha en 1985 à 3 200 ha en 1990, et a été estimée à 3 400 ha en 1995 (Viten, Krasnyuk et Ilyna, 1994).

La toiture des serres, généralement à deux pans, assure une bonne exposition aux rayons du soleil en hiver, un bon écoulement des eaux de pluie et une bonne protection contre le vent. La charpente est en aluminium, en bois ou en bois et tubes d’acier. Les murs sont faits de matériaux divers tels que contreplaqué, aluminium, bois ou vinyle. En Ukraine, par exemple, plus de 60% des serres sont en parpaing. La toiture peut être en verre ou en plastique; dans certaines régions du monde, la serre est entièrement faite de parois vitrées. Les matières plastiques servant à leur construction sont tantôt rigides, tantôt flexibles, les plastiques rigides étant généralement à base de fibre de verre, d’acrylique et de polycarbonate, et les plastiques flexibles comprenant des matières comme le polyéthylène, le poly(chlorure de vinyle) et le polyester. Le polycarbonate, matière qui résiste au bris, et les matériaux plastiques souples doivent cependant être remplacés régulièrement. Les toitures peuvent être transparentes ou translucides et ont un triple but: laisser pénétrer la lumière du soleil pour la croissance des plantes, réchauffer l’espace intérieur et protéger les cultures contre les intempéries (neige, pluie, grêle, vent) et les ravageurs (oiseaux, rongeurs et insectes).

L’exploitation d’une serre exige un contrôle des conditions intérieures de température, d’humidité ambiante et d’aération grâce à des systèmes artificiels de chauffage, de ventilation, d’ombrage (jalousies orientables, filets), de refroidissement (blocs de refroidissement, mécanismes d’évaporation), d’humidification et de climatisation (Jones, 1978).

Les personnes travaillant dans des pépinières ou des serres sont exposées à divers risques: produits irritants et urticants, poussières, bruit, chaleur, pesticides, troubles musculo-squelettiques (entorses et foulures), chutes et accidents causés par des véhicules, des machines ou l’électricité. Les risques décrits ci-après se limitent aux aspects ergonomiques du travail en pépinière et à l’utilisation de pesticides dans les serres. Ces risques sont souvent communs aux deux milieux.

Les pépinières

Les opérations classiques d’une grande pépinière spécialisée dans la vente en gros de plantes en pots à repiquer et de plantes ornementales comportent quatre phases distinctes:

  1. Multiplication . On démarre les nouveaux plants dans des milieux spéciaux par l’une des quatre méthodes classiques: bouturage, culture cellulaire, semis et greffage.
  2. Repiquage . Les plants sont repiqués dans des pots en plastique à raison de deux ou trois repiquages pendant le premier cycle de croissance. L’opération consiste à placer des pots vides d’une taille supérieure sur un tapis roulant qui les amène sous une trémie où ils sont remplis de terre, puis à y repiquer les plants à la main. Les pots sont ensuite retirés manuellement, placés sur une remorque et transportés au champ.
  3. Croissance et entretien . Les plantes sont laissées sur des planches de repiquage aménagées en plein champ jusqu’à maturité. Au cours de cette période et, au fur et à mesure de leur croissance, on procède à des opérations telles que l’arrosage, la taille, la fertilisation, le désherbage, le tuteurage et l’éclaircissage.
  4. Expédition . Les plantes arrivées à maturité sont transportées sur l’aire d’expédition, étiquetées, triées selon les commandes et chargées sur des camions. Cette étape comprend parfois le déchargement des camions à leur arrivée dans les divers points de vente.

Les risques de nature ergonomique

Les travaux en pépinière, tout comme les tâches associées aux autres productions agricoles, sont accompagnés de risques importants parmi lesquels entorses et foulures caractérisées par des taux d’incidence élevés. Selon AgSafe (1992), les élongations et distensions ligamentaires représenteraient 38,9% de tous les accidents déclarés survenant en horticulture, y compris dans les pépinières, chiffre légèrement supérieur à celui qui est donné pour l’ensemble des travaux agricoles. Est également cité le surmenage physique, responsable de 30,2% des accidents déclarés, pourcentage également supérieur à celui qui est rapporté pour l’ensemble du secteur agricole.

Les facteurs de risques contribuant le plus souvent au développement de troubles musculo-squelettiques sont associés à diverses tâches:

Pour la multiplication des plants, le travailleur est debout ou assis à un établi; il vide les paniers remplis de boutures, utilise un sécateur et coupe ces boutures en plusieurs petits fragments. Il se sert de sa main la plus forte pour tenir le sécateur et saisit le matériel végétal à l’aide de son autre main. Après chaque coupe, le sécateur est désinfecté en le plongeant dans une solution contenue dans un flacon placé sur l’établi.

Au cours de cette opération, l’une des mains du travailleur est sollicitée, de manière très répétitive (50 à 60 coupes par minute), dans un mouvement impliquant une flexion modérée du poignet et un déplacement du cubitus. L’autre main tient la bouture, l’oriente pour la coupe et rejette le résidu dans une poubelle. Tout au long de cette opération intervient également une extension modérée du poignet et un déplacement du cubitus.

Les travailleurs qui accomplissent ces tâches spécialisées sont hautement qualifiés et travaillent à plein temps durant toute l’année sans pratiquement jamais changer de poste. Ils se plaignent régulièrement de douleurs et d’engourdissements aux mains, aux poignets et aux bras et, au bout de quelques années, il n’est pas rare d’observer chez eux une forte prévalence du syndrome du canal carpien.

Lors de l’acheminement des plants du tapis roulant à la remorque, le travailleur saisit trois ou quatre pots de 3,8 litres dans chaque main et les place sur la remorque qui se trouve à ses côtés ou derrière lui, répétant cette opération entre treize et vingt fois par minute. Ces gestes répétitifs de préhension et de pincement, effectués dans des positions inconfortables (courbure du tronc, de la région lombaire et des épaules), sont autant de facteurs de risques.

Lors de l’acheminement des plants en pots de la remorque aux planches de repiquage en plein champ, le travailleur empoigne trois ou quatre pots de 3,8 litres dans chaque main, les transporte sur une distance atteignant souvent près d’une vingtaine de mètres et les dépose le long de rangées aménagées à cet effet, répétant cette opération entre trois et cinq fois par minute. Bon nombre de travailleurs sont occupés à ces tâches toute l’année et à temps complet; ils se plaignent de douleurs aux doigts, aux mains et aux membres supérieurs, ainsi que de lombalgies. Etant donné qu’ils sont en général assez jeunes, et bien que l’on ait de fortes présomptions à ce sujet, on ne possède pas encore de preuves formelles quant à la prévalence élevée des lésions lombaires chroniques dans cette population.

Les personnes occupées à la taille des plantes se servent de plusieurs types de sécateurs pour couper les segments morts ou indésirables de la couronne ou des parties latérales des plantes. Elles effectuent ce travail le plus souvent dans une posture debout ou courbée. Le travailleur tient le sécateur de sa main la plus forte et taille les plantes de manière répétitive entre quarante et cinquante coupes par minute. Les doigts de cette même main sont aussi utilisés pour retirer les petites brindilles ou d’autres parties de la plante. De son autre main, le travailleur saisit le pot et le replace, maintenant la bouture dans une prise statique tout au long de l’opération de taille, ce qui entraîne une flexion modérée du poignet et un déplacement du cubitus. Comme il s’agit généralement d’une activité à temps partiel pour la plupart des travailleurs agricoles, les risques qui lui sont associés sont de moindre conséquence et les travailleurs peuvent récupérer rapidement grâce à la diversité des autres tâches qu’ils doivent effectuer. Ils se plaignent toutefois de douleurs aux doigts, aux mains et aux poignets, ainsi que dans les membres supérieurs et dans la région lombaire.

Les plants doivent être régulièrement éclaircis pour pouvoir se développer convenablement; on doit alors saisir et arracher trois ou quatre plantes dans chaque main, les transporter à faible distance et les repiquer dans des rangs aménagés à cet effet, ces mouvements étant répétés trois à cinq fois par minute. A l’instar des travaux de taille, les travaux liés à l’éclaircissage sont des activités que la plupart des travailleurs effectuent à temps partiel, ce qui leur permet de récupérer. On note cependant des douleurs aux doigts et aux mains, ainsi qu’au niveau des membres supérieurs et de la région lombaire.

La plupart des travaux en pépinière exigent une dépense énergétique importante, source de microtraumatismes répétés susceptibles de porter gravement atteinte au système musculo-squelettique. On commence à mettre au point des outils qui permettent aux travailleurs de corriger leur posture et d’économiser leur énergie.

Les serres

Les activités classiques du travail en serre varient selon les types de cultures: plantes rares et exotiques ou plantes ou semis de grande culture. La production de plantes rares et exotiques est une activité qui exige des soins tout au long de l’année. L’utilisation de la serre, dans le cas des plantes de grande culture, est saisonnière, dictée par le souci de les protéger des aléas climatiques. La culture des semis se fait de la même manière qu’en pépinière, mais les objectifs sont différents, les semis de serre étant en effet destinés au repiquage de printemps après les dernières gelées. Les tâches à accomplir consistent à remplir les pots de terre, planter les graines dans chacun d’eux, arroser, appliquer des engrais, tailler, éclaircir ou démarier (voir figure 64.6), appliquer des fumigants ou des pesticides et transporter les plantes ou les produits à l’extérieur. Les opérations de remplissage des pots et de plantation sont désormais mécanisées; la terre employée peut être un mélange de tourbe, de perlite et de vermiculite. La taille peut être mécanisée dans le cas de certaines espèces. L’arrosage peut être effectué soit directement à l’aide d’un tuyau d’arrosage ou par arroseur automatique, soit par un système d’irrigation. On ajoute généralement des éléments nutritifs à l’eau pour fertiliser les cultures et l’on applique le plus souvent les pesticides avec des pulvérisateurs à main. La terre est stérilisée à la vapeur ou au moyen de produits chimiques comme, notamment, le dibromochloropropane (DBCP). Les plantes sont le plus souvent transportées manuellement d’un emplacement à l’autre.

Figure 64.6 Ecimage mécanique de plants de tabac dans une serre en Caroline
du Nord

Figure 64.6

L’application de pesticides dans les serres

Les maladies qui frappent les plantes et les ravageurs peuvent considérablement gêner l’exploitation des serres, Il est souvent plus facile d’appliquer des mesures de prévention que d’éliminer ces fléaux dont les insectes, les moisissures, les virus, les bactéries et les nématodes constituent les représentants les plus virulents. La lutte contre ces organismes indésirables repose sur l’application de produits chimiques (pesticides) sur les plantes.

Pour des raisons d’efficacité, les méthodes d’application des pesticides en serre sont variables, les plus courantes étant la pulvérisation, la nébulisation, le poudrage, la brumisation, la fumigation, la vaporisation en aérosol et l’utilisation de granulés. La pulvérisation se fait à partir du mélange d’un produit chimique avec de l’eau; versé dans un bac relié à un tuyau et à une buse de pulvérisation, ce mélange est réparti sous pression sur les plantes sous forme de gouttelettes. La nébulisation fait appel à une technique similaire, mais les gouttelettes sont plus fines. Le poudrage se fait généralement en pulvérisant de la poudre qui retombe sur le feuillage des plantes. Les brumisateurs sont dotés de dispositifs chauffants afin de produire de minuscules gouttelettes qui sont alors directement vaporisées sur les plantes. On déclenche la fumigation en provoquant à l’aide d’une étincelle la combustion du produit chimique placé dans un petit récipient ad hoc.

Les générateurs d’aérosols sont des récipients métalliques sous pression munis d’une valve qui, lorsqu’elle est actionnée, permet de propulser les pesticides dans l’air. Enfin, les pesticides en granulés sont placés à même le sol et arrosés, l’arrosage dissolvant le produit et l’acheminant vers les racines de la plante. Les parasites sont éliminés soit par absorption directe du produit, soit par absorption indirecte en se nourrissant des plantes ainsi traitées.

Quelles que soient les méthodes employées, les personnes chargées de leur application sont exposées à certains risques parmi lesquels l’intoxication par voie cutanée ou respiratoire est particulièrement fréquente. Moins commune est l’intoxication par voie digestive, après ingestion de liquides ou de solides contaminés. S’ils ne prennent pas les précautions nécessaires, les travailleurs qui manipulent en serre des produits chimiques ou des plantes traitées s’exposent à ce risque d’intoxication.

La prévention des risques d’intoxication passe par la mise en œuvre de systèmes de ventilation et par le port et l’entretien régulier d’un équipement de protection individuelle (combinaison, gants, masque, bottes; voir figure 64.7), le respect des délais d’attente recommandés avant de pénétrer dans une enceinte où des pesticides ont été appliqués et l’observation rigoureuse du mode d’emploi de ces produits. Il convient toutefois de prendre aussi d’autres précautions: entreposage de tous les pesticides dans un endroit verrouillé et bien ventilé; signalisation spéciale dans tous les endroits où de tels produits ont été mis en œuvre; formation complète des opérateurs aux techniques de manipulation et d’application de ces produits ainsi qu’aux méthodes d’élimination des produits périmés et des récipients vides.

Figure 64.7 Travailleur portant un équipement complet de protection lors de
l'application de pesticides en serre

Figure 64.7

LA FLORICULTURE

Samuel H. Henao

Depuis le début des années quatre-vingt-dix, la floriculture est une activité économique qui a rapidement pris de l’ampleur dans de nombreux pays et sur plusieurs continents. Son importance croissante sur les marchés d’exportation a permis un développement intégré de plusieurs branches de ce secteur d’activité, à savoir la production, la technologie, la recherche scientifique, le transport et la conservation.

La production

La production de fleurs coupées comporte deux volets essentiels:

  1. le processus de production proprement dit, qui comprend toutes les activités directement liées à la germination et à la croissance des produits jusqu’à l’emballage;
  2. les diverses activités de valorisation de la production, de promotion et de distribution.

Le processus de production se déroule en trois étapes principales: la germination, la culture proprement dite et les opérations postculturales.

La germination est l’opération qui consiste à obtenir des boutures à partir des plantes mères plantées préalablement.

Les boutures de différentes fleurs sont à leur tour plantées dans un substrat d’enracinement. Les couches de semis sont préparées avec un matériau traité à la vapeur auquel sont ajoutés des produits chimiques pour désinfecter ce milieu et faciliter le développement du système racinaire.

La culture proprement dite est réalisée en serre dans des substrats d’enracinement (voir à ce propos l’article précédent, «Les serres et les pépinières», ainsi que la figure 64.8). Cette étape comprend des opérations telles que la préparation du sol, le repiquage des boutures (voir figure 64.9) et la récolte des fleurs.

Figure 64.8 Entretien des fleurs en serre

Figure 64.8

Figure 64.9 Plantation de boutures en serre

Figure 64.9

Le cycle de culture, qui s’étend du repiquage des boutures à la floraison de la plante, comprend les opérations ci-après: plantation, irrigation, application d’engrais au goutte-à-goutte, désherbage, pincement de la couronne de la plante pour provoquer de nouvelles ramifications qui donneront davantage de fleurs, tuteurage.

Le cycle de croissance se termine par la floraison de la plante et les opérations de cueillette et de séparation des fleurs par catégories.

A l’issue de la cueillette , outre la sélection et la classification des fleurs, les opérations consistent à recouvrir les fleurs d’un capuchon en plastique, à les traiter et à les conditionner aux fins de leur expédition.

La surveillance phytosanitaire pour détecter les parasites et effectuer un diagnostic précoce de toute maladie éventuelle, l’obtention des matières premières dans les entrepôts et l’entretien des installations de chauffage font partie des opérations annexes liées à la floriculture.

Les facteurs de risques pour la santé

Les facteurs de risques les plus importants à chacune des étapes de la floriculture sont:

Les produits chimiques

Les intoxications et les maladies chroniques dues à l’utilisation de pesticides

Les cas de morbidité et de mortalité dus à l’exposition aux pesticides, relevés chez les travailleurs, ne sont pas la conséquence d’une relation directe entre l’agent chimique et la personne exposée, mais plutôt le résultat de l’interaction complexe de nombreux autres facteurs dont le temps d’exposition, la sensibilité individuelle, l’état nutritionnel de la personne exposée, diverses variables éducatives ou culturelles et la situation socio-économique des travailleurs.

Outre les principes actifs des pesticides, il est important de considérer les excipients qui leur servent de support et les additifs, car ces substances ont parfois des effets plus dangereux que ceux des principes actifs.

Les pesticides organophosphorés sont très toxiques et affectent le système nerveux central en inhibant l’activité de l’acétylcholinestérase. Les effets sur le système nerveux central et périphérique sont cumulatifs et parfois différés. Selon les résultats d’études réalisées dans plusieurs pays, les taux de prévalence de l’inhibition enzymatique chez les travailleurs qui manipulent des pesticides de ce type varient entre 3 et 18%.

A la suite d’expositions répétées aux pesticides, et après une période de latence, s’installent des processus pathologiques dont les effets à long terme se manifestent notamment par des lésions cutanées ou neurologiques et des effets mutagènes.

Les troubles respiratoires

Les plantes décoratives peuvent irriter l’appareil respiratoire et provoquer des accès de toux et des éternuements. En outre, s’ils ne sont pas directement mis en cause dans le déclenchement de réactions allergiques, le parfum ou l’odeur des fleurs peuvent cependant exacerber les symptômes accompagnant l’asthme ou les rhinites allergiques. Ainsi, le pollen du chrysanthème et du tournesol peut provoquer de l’asthme, tandis que la poussière des fleurs séchées peut causer des allergies.

Les dermites

En floriculture, les cas de dermites professionnelles sont à 90% des dermites de contact, dont 60% environ sont dues à l’exposition à des irritants primaires et 40% environ à des réactions allergiques. La dermite aiguë est caractérisée par des rougeurs (érythèmes), des gonflements (œdèmes), des boutons (papules), des vésicules ou des ampoules; elle est principalement localisée sur les mains, les poignets et les avant-bras. La dermite chronique est généralement caractérisée par des fissures profondes, par la lichénification (épaississement et durcissement) de la peau et par une xérose grave (sécheresse anormale). Cette affection peut être incapacitante, voire irréversible.

La floriculture est un domaine d’activité où les contacts avec des irritants primaires et des allergènes sont très fréquents; c’est pourquoi il est important d’encourager le port de gants de protection.

Les températures excessives — la chaleur

Dans les milieux très chauds, comme dans certaines serres, la charge thermique à laquelle le travailleur est soumis est égale à la somme de la chaleur ambiante et de l’énergie dépensée pour accomplir une tâche particulière.

L’exposition à une chaleur excessive provoque des effets sur l’organisme, notamment boutons de chaleur, crampes, spasmes musculaires, épuisement et évanouissement. Outre le fait qu’ils mettent le travailleur mal à l’aise, les boutons de chaleur réduisent sa tolérance à la chaleur. En cas de transpiration abondante, le manque d’eau et d’électrolytes dans le corps peut provoquer des crampes et des spasmes musculaires. L’épuisement survient lorsque le contrôle de la vasomotricité et le rythme cardiaque ne sont plus à même de compenser l’effort supplémentaire qu’exige l’excès de chaleur. L’évanouissement est un état clinique grave pouvant entraîner confusion, délire et coma.

Les précautions à prendre en pareils cas comprennent l’aménagement de pauses suffisantes dans des endroits frais, une réhydratation régulière, la diversification des tâches, particulièrement lors de travaux fatigants, et le port des vêtements de couleur claire.

Les rayonnements non ionisants

Les personnes travaillant dans le domaine de la floriculture sont exposées à différentes sortes de rayonnements non ionisants, dont les ultraviolets, la lumière visible et les infrarouges sont les plus importants. Les rayonnements ultraviolets sont responsables d’affections graves telles que l’érythème solaire, la dermite actinique, la conjonctivite d’irritation et la photokératite.

Les rayonnements du spectre de la lumière visible peuvent causer une dégénérescence maculaire et rétinienne. La brûlure superficielle de la cornée est l’un des symptômes de l’exposition aux infrarouges; une exposition prolongée peut conduire à l’apparition précoce d’une cataracte.

Parmi les précautions à prendre en pareil cas, on peut citer la protection de la peau par des vêtements adaptés et celle des yeux par des verres teintés. Une surveillance médicale est également recommandée.

Les maladies infectieuses

La floriculture peut exposer les travailleurs à divers agents biologiques. Les premiers signes d’une infection sont rarement spécifiques, mais ils sont en général suffisamment différenciés pour conduire à présumer l’existence d’une maladie. Les signes et symptômes de la maladie, ainsi que sa prévention, dépendent des agents pathogènes en cause au nombre desquels figurent très souvent ceux du tétanos, de la rage et de l’hépatite. Eau potable, installations sanitaires bien entretenues, services de premiers soins et traitement médical des coupures et écorchures font partie des moyens de prévention à mettre en œuvre sur les lieux de travail.

Les facteurs de nature ergonomique

Travaillant souvent de longues heures sans bouger (voir figure 64.10), les travailleurs souffrent fréquemment de contractions musculaires et d’autres altérations du système nerveux central et périphérique ou du système vasculaire. Les mouvements répétitifs sont fréquents dans le cas des tâches exigeant une certaine dextérité manuelle. L’utilisation des cisailles, par exemple, peut demander une grande force physique et elle s’accompagne, en outre, de mouvements répétés. Parmi les troubles musculo-squelettiques fréquemment observés figurent les tendinites du coude et du poignet, le syndrome du canal carpien et la gêne des mouvements au niveau de l’épaule.

Figure 64.10 La posture inclinée pendant une durée prolongée est une cause fréquente
de problèmes de nature ergonomique

Figure 64.10

La rotation des postes de travail et une conception ergonomique appropriée des outils utilisés (cisailles, par exemple) font partie des précautions à prendre en pareil cas. Le réaménagement des locaux peut aussi permettre de diminuer le nombre d’activités effectuées en position courbée.

Les autres facteurs de risques

Les risques les plus fréquents pour la sécurité et la santé au travail s’entendent des risques d’origine mécanique tels que coupures, écorchures et traumatismes (simples ou multiples) qui, dans la majorité des cas, touchent le visage et les mains. Ces blessures doivent être traitées immédiatement; en outre, les travailleurs doivent être à jour dans leur vaccination contre le tétanos et avoir accès à des services de premiers soins adéquats.

L’environnement psychosocial est aussi un facteur de risque pour la santé des travailleurs. Il est à l’origine des divers troubles physiologiques (indigestion, constipation, palpitations, difficultés respiratoires, hyperventilation, insomnie et anxiété) et psychologiques (tension et dépression) ainsi que des troubles du comportement (absentéisme, instabilité, mécontentement) qui ont été observés.

LA FORMATION DES TRAVAILLEURS AGRICOLES À L’UTILISATION DES PESTICIDES: UNE ÉTUDE DE CAS

Merri Weinger

Plusieurs cas d’intoxication au lannate (un pesticide) ayant été rapportés à la ferme San Antonio, au Nicaragua, une enquête menée sur les lieux a révélé que les travailleurs s’étaient servis de pulvérisateurs à dos sans porter de vêtements de protection, de bottes et de gants. Leur employeur ne leur en avait jamais fourni, pas plus qu’il n’avait mis à leur disposition du savon ou des douches sur leur lieu de travail. A la suite de ces intoxications, l’employeur a reçu l’ordre de prendre les mesures correctives nécessaires.

Lors d’une visite ultérieure, les inspecteurs du ministère de la Santé ont remarqué que de nombreux travailleurs ne portaient toujours pas leur équipement de protection individuelle. Interrogés sur les raisons de ce manquement, certains travailleurs ont déclaré que l’équipement était trop chaud et inconfortable. D’autres ont expliqué qu’ils avaient travaillé pendant des années sans porter aucun équipement de protection et qu’ils n’avaient jamais eu de problèmes. D’autres encore ont prétendu ne pas en avoir besoin, car ils buvaient un grand verre de lait après avoir manipulé des pesticides.

Cette situation, fréquente en de nombreux autres points du monde, révèle toute la difficulté du travail de sensibilisation qui doit être mené auprès des travailleurs agricoles. Toute action de formation doit se dérouler dans un milieu de travail sûr et s’accompagner du respect de la réglementation en vigueur et de la prise en compte des obstacles qui s’y opposent. Des questions telles que l’absence de sécurité sur les lieux de travail, le manque d’équipement de protection et les croyances et attitudes peu propices à la promotion de la santé devraient être abordées directement au cours des séances de formation afin d’élaborer des stratégies permettant d’y répondre.

Le présent article décrit une approche pragmatique de formation appliquée dans le cas de deux projets multidisciplinaires portant sur l’intoxication des travailleurs agricoles par les pesticides. Ces projets ont été mis en œuvre, l’un au Nicaragua par CARE Nicaragua et American Friends Service Committee (de 1985 à 1989) et l’autre, dans divers pays et divers sites d’Amérique centrale, par le Bureau international du Travail (BIT) (de 1993 à ce jour). Outre son intérêt fortement pédagogique, le projet du Nicaragua a permis de formuler de nouveaux procédés de préparation et d’utilisation de ces produits, de mettre en place un plan de surveillance médicale au profit des travailleurs surexposés et d’élaborer un système de collecte de données pour la recherche épidémiologique (Weinger et Lyons, 1992). Dans l’instauration de son programme régional polyvalent, le BIT a accordé une place importante à l’amélioration de la législation, à la formation et à la création d’un réseau régional de formateurs.

L’évaluation des besoins des stagiaires afin d’adapter le contenu pédagogique des programmes à leur profit, l’adoption d’approches participatives en matière d’enseignement (Weinger et Wallerstein, 1990) et la production d’un manuel du formateur et d’outils pédagogiques pour faciliter l’apprentissage ont été les éléments clés de ces deux projets. Les programmes de formation ont couvert des sujets tels que les effets des pesticides sur la santé, les symptômes de l’intoxication par ces produits, les aspects juridiques et les ressources; ils ont inclus des exercices pratiques tels que l’analyse des obstacles à la sécurité au travail et la manière de les surmonter.

En dépit de nombreuses similitudes, les deux projets se différencient par leur orientation, le projet national mettant l’accent sur la formation du travailleur agricole, le projet régional sur celle du formateur. Le présent article contient quelques lignes directrices relatives à ces deux types de formation.

La formation du travailleur agricole

L’évaluation des besoins

La première étape du programme de formation a consisté à analyser les besoins des travailleurs. Dans cette «phase d’écoute», les problèmes ont été identifiés, ainsi que les obstacles à l’amélioration des conditions de travail et les facteurs favorisant le changement; les valeurs et diverses croyances des travailleurs ont été définies; en outre, plusieurs expériences et certains facteurs de risques ont été étudiés. Munie d’un matériel photographique, l’équipe du projet national s’est rendue sur des lieux de travail en visite surprise pour observer les habitudes de travail et les diverses sources d’exposition des travailleurs aux pesticides. Les photographies prises lors de ces visites ont ensuite aidé les stagiaires à analyser la situation et à débattre des problèmes rencontrés. L’équipe a aussi prêté attention aux problèmes de type plus émotionnel pouvant s’opposer à une action rationnelle, comme l’accumulation de frustrations dues au manque de vêtements de protection, de savon ou d’eau, ou encore à l’absence de produits de remplacement moins toxiques.

Les objectifs de la formation et la méthodologie

L’étape suivante a consisté à déterminer les sujets d’étude en fonction des informations recueillies au cours de la première étape, et à choisir des méthodes de travail en fonction des objectifs d’apprentissage. Quatre objectifs ont été retenus: informer; identifier et changer les attitudes et les réactions d’ordre émotionnel; promouvoir des comportements rationnels; et développer la capacité d’agir et de résoudre les problèmes. On trouvera ci-après une description des diverses méthodes qui ont été utilisées, regroupées selon les objectifs sur lesquels elles étaient principalement axées. La formation, qui s’est étalée sur deux journées, a fait appel aux méthodes suivantes (Wallerstein et Weinger, 1992):

Les méthodes à visées informatives

Les tableaux à feuilles mobiles. Il était important que l’équipe du projet CARE puisse disposer d’un matériel pédagogique visuel, portable et autonome, dans le cadre de la formation sur le terrain et du plan de surveillance médicale. Le tableau à feuilles mobiles utilisé à cet effet comportait 18 dessins réalisés à partir de situations réelles et servant de point de départ aux diverses discussions. Chaque image ciblait des objectifs précis et était accompagnée de questions importantes figurant également dans le manuel du formateur.

L’utilité du tableau résidait dans le fait qu’il permettait de fournir des informations et de faciliter l’analyse des problèmes en vue de prévoir des mesures correctives. A titre d’exemple, un des diagrammes informait sur les voies d’absorption des pesticides et posait la question: «Comment les pesticides pénètrent-ils dans l’organisme?». Pour faciliter l’analyse du problème, le formateur demandait aux participants: «Que se passe-t-il sur ce dessin?», «Cette scène vous paraît-elle familière?», «Pourquoi cela se produit-il?», «Que peut-on faire pour résoudre ce problème?». La représentation de deux ou de plusieurs personnes sur les dessins (par exemple, deux personnes pénétrant dans un champ récemment traité) stimule la discussion sur les motivations et les réactions possibles: «Pourquoi lisent-elles le panneau?», «Pourquoi ont-elles pénétré dans le champ sans se soucier des risques?». Grâce à leur impact visuel, ces images peuvent déclencher divers types de débats susceptibles de varier en fonction de la composition du groupe de participants.

Les diapositives. Les diapositives montrant des scènes familières ont été utilisées dans la même optique que les tableaux à feuilles mobiles. Les photographies prises au cours de la phase d’évaluation des besoins ont permis de réaliser une projection sur le parcours des pesticides, depuis le choix et l’achat des produits jusqu’aux activités de rangement et de nettoyage en fin de journée.

Les méthodes à visées cognitives et affectives

Certaines attitudes et certains facteurs d’ordre affectif peuvent faire obstacle à l’apprentissage rationnel et nuire à la mise en œuvre des mesures de sécurité et de santé sur les lieux de travail.

Les jeux de rôles. Le jeu de rôles a souvent été utilisé pour explorer des comportements et stimuler la discussion sur les problèmes d’exposition aux pesticides. Le scénario ci-après a été confié à trois travailleurs qui ont lu leurs rôles respectifs en présence du groupe.

José: Que se passe-t-il?

Raphaël: J’en ai assez. Deux personnes ont été intoxiquées aujourd’hui, juste une semaine après le cours de formation. La situation ne changera donc jamais ici.

José: Qu’est-ce que tu espérais? Les patrons n’ont même pas assisté au cours.

Sarah: Mais, au moins, ils ont organisé cette formation pour les travailleurs. Les autres n’en font pas autant.

José: Organiser la formation est une chose; qu’est-ce que tu fais du suivi? Tu crois que les patrons nous installeraient des douches et nous fourniraient un équipement de protection?

Sarah: N’as-tu jamais pensé que les travailleurs pouvaient y être pour quelque chose dans ces intoxications? Comment peux-tu être sûr qu’ils respectent les consignes de sécurité?

Raphaël: Je ne sais pas. Tout ce que je sais, c’est que deux types sont à l’hôpital aujourd’hui et que je dois retourner au travail.

Ce jeu de rôles a été conçu pour explorer la complexité des problèmes de sécurité et de santé que pose l’utilisation des pesticides et les divers éléments dont il faut tenir compte pour les résoudre, y compris la formation. Lors de la discussion qui a suivi, l’animateur a demandé aux participants s’ils ne partageaient pas l’une des attitudes représentées par les acteurs; il a ensuite analysé les obstacles éventuels à la résolution des problèmes évoqués et leur a demandé de proposer des stratégies permettant de les surmonter.

Les questionnaires. S’ils fournissent un point de départ et une base factuelle à la discussion, les questionnaires sont également très utiles pour susciter de nouveaux comportements. Le questionnaire donné à l’équipe du projet CARE contenait, entre autres, les questions suivantes:

1. Boire du lait avant le travail protège contre l’intoxication aux pesticides.

Vrai

Faux

2. Les pesticides ont tous le même effet sur la santé.

Vrai

Faux

Les participants exprimant des opinions différentes ont été invités à s’expliquer entre eux et à justifier leur point de vue. Au lieu d’imposer la bonne réponse, le formateur a dégagé des diverses opinions exprimées les éléments qui paraissaient pertinents et utiles.

Les méthodes relatives à l’acquisition d’aptitudes comportementales

Les aptitudes comportementales s’entendent de celles que les travailleurs auront acquises à l’issue du stage de formation. Les exercices pratiques, la visualisation d’une situation réelle et les jeux de rôles constituent le meilleur outil pour parvenir à cette fin.

La démonstration de l’utilisation de l’équipement de protection individuelle. Un équipement de protection individuelle a été présenté aux participants, y compris des accessoires dont certains étaient adaptés et d’autres pas. L’animateur a demandé à un volontaire d’enfiler les vêtements de protection que celui-ci jugeait requis pour l’application de pesticides, puis aux autres participants de commenter son choix. La discussion a ensuite porté sur l’équipement de protection approprié et les options en cas de gêne dans le travail.

Les exercices pratiques. Les formateurs et les participants au projet CARE ont appris à interpréter les informations figurant sur les étiquettes des produits. Pour ce faire, de petits groupes ont été constitués et l’on a demandé aux participants de lire différentes sortes d’étiquettes. Pour les sous-groupes à faible niveau d’alphabétisation, des volontaires ont été invités à lire les étiquettes à haute voix et à aider les membres de leur sous-groupe à reconnaître des éléments visuels permettant de déterminer le niveau de toxicité des produits au moyen d’un questionnaire conçu à cet effet. Réunis ensuite en un groupe unique, les porte-parole des sous-groupes ont présenté aux autres participants les produits sur lesquels ils avaient travaillé, donnant des indications sur leur utilisation.

Les méthodes visant à développer la capacité d’agir et de résoudre les problèmes

L’un des buts essentiels de la formation était d’inculquer aux participants les connaissances et les aptitudes nécessaires pour changer leurs habitudes de travail.

La discussion. La discussion peut démarrer sur l’énoncé d’un problème ou l’évocation des obstacles potentiels au changement, lesquels seront analysés en groupe. Elle peut être lancée par des moyens divers: jeux de rôles, images sur un tableau à feuilles mobiles, diapositives, étude de cas. Le dialogue s’articule autour de cinq étapes successives: les participants identifient le problème, s’imaginent dans la situation, parlent de leurs réactions personnelles, analysent les causes du problème et proposent un plan d’action (Weinger et Wallerstein, 1990).

Les études de cas. Des études de cas ont été réalisées à partir de situations concrètes et connues au Nicaragua. Ces situations, identifiées au cours de la première étape de la formation, ont permis d’établir une typologie des problèmes fréquemment rencontrés, comme le non-respect par les employeurs ou les travailleurs des consignes de sécurité ou les dilemmes auxquels les employés ont à faire face quand ils présentent des symptômes d’intoxication susceptibles d’être liés à l’exposition à des pesticides. Une étude de cas type a été utilisée à cette fin.

Répartis en petits groupes, les participants ont lu à haute voix les conclusions de l’étude et ont répondu à une série de questions telles que: «Quelles sont les causes d’intoxication dans cet accident?», «Qui en profite?», «Qui en pâtit?», «Que feriez-vous pour éviter ce type d’accident à l’avenir?».

Le plan d’action. Avant de terminer la formation, les participants ont travaillé, individuellement ou en groupes, à la mise au point d’un plan d’action visant à renforcer la sécurité et la santé sur les lieux de travail lors de l’utilisation de pesticides. Au cours de cet exercice, ils ont pu identifier au moins une initiative qu’ils pouvaient prendre dans ce sens.

L’évaluation des résultats et la formation des formateurs

Déterminer dans quelle mesure la formation a atteint ses objectifs est un élément essentiel des projets de formation. Pour cela, des outils d’évaluation ont été utilisés, parmi lesquels: un questionnaire, à remplir par écrit, remis aux participants à l’issue du stage; des visites sur le terrain; des enquêtes et des entretiens avec les participants six mois après la formation.

Former les formateurs, chargés de mettre en œuvre la stratégie décrite ci-dessus, constituait un volet important du projet régional centraméricain parrainé par le BIT, dont les objectifs étaient: perfectionner les connaissances des futurs formateurs sur les questions de sécurité et de santé liées à l’utilisation des pesticides; renforcer leurs compétences pédagogiques; accroître le nombre de séances de formation destinées aux travailleurs agricoles, aux employeurs, aux conseillers agricoles et aux agronomes dans les pays ciblés et en améliorer la qualité; créer un réseau régional de formateurs spécialistes des problèmes de sécurité et de santé liés à l’utilisation des pesticides.

Au nombre des thèmes abordés pendant ce stage d’une durée d’une semaine figuraient: un aperçu de l’incidence des pesticides sur la santé; la sécurité au travail et les équipements de protection; les principes pédagogiques relatifs à la formation des adultes; les étapes de la planification d’un programme pédagogique et leur déroulement; la démonstration de certaines techniques pédagogiques; un aperçu des techniques de présentation; la mise en situation des participants invités à utiliser différentes méthodes de participation, y compris des séances d’analyse critique; l’élaboration d’un plan d’action pour organiser de futures séances de formation à l’utilisation des pesticides et de techniques de substitution à leur emploi. Une formation étalée sur quinze jours a permis d’organiser des visites sur le terrain, d’évaluer les besoins en formation, de mettre au point des outils pédagogiques et de conduire des séances de travaux pratiques sur le terrain.

Un manuel du formateur et un programme type ont été fournis aux participants pour leur faciliter les exercices de mise en situation tant en classe qu’après le stage. Le réseau des formateurs offre un autre type de soutien permettant des échanges à propos de stratégies et de moyens pédagogiques novateurs.

Conclusion

Le succès de cette méthode de formation, utilisée notamment pour des travailleurs agricoles des champs de coton au Nicaragua, des syndicalistes au Panama et des formateurs du ministère de la Santé au Costa Rica, a démontré son adaptabilité à une grande diversité de contextes professionnels et de groupes cibles. Cette approche n’a pas seulement pour but d’améliorer les connaissances et les compétences en matière d’utilisation des pesticides, mais aussi de fournir les outils permettant de résoudre des problèmes spécifiques après la période de formation. Il importe cependant de se rendre compte que la formation à elle seule ne saurait résoudre toutes les difficultés et tous les abus d’emploi des pesticides. Pour modifier en profondeur les comportements traditionnels, il est essentiel d’adopter une démarche multidisciplinaire alliant l’organisation des travailleurs, l’application des lois en vigueur, des mesures de prévention technique, une surveillance médicale et l’étude des produits de substitution possibles.

LES TRAVAUX DE PLANTATION ET DE CULTURE

Yuri Kundiev et V.I. Chernyuk

L’agriculture moderne fait appel à un matériel ultraperformant (tracteurs, machines agricoles, etc.) qui allie vitesse et puissance. Les tracteurs équipés d’engins portés ou tractés ont permis de mécaniser un bon nombre d’opérations agricoles.

Grâce à ces matériels, les cultivateurs peuvent accomplir des travaux agricoles divers en un temps record avec le minimum de travail manuel. L’agrandissement des exploitations, l’expansion des terres mises en culture et l’intensification des systèmes de rotation des cultures ont également permis d’accroître les performances et les rendements. L’emploi généralisé des matériels portés ou tractés rapides est toutefois freiné par deux facteurs principaux: l’existence de pratiques agricoles reposant essentiellement sur l’utilisation de machines et d’outils passifs, et les difficultés de garantir des conditions de travail sûres pour les conducteurs de ces matériels.

La mécanisation, jugée applicable à 70% des travaux liés à la plantation et à la culture des produits agricoles, intervient à toutes les étapes de la production et de la récolte. Cependant, chacune de ces étapes exige le recours à des machines et à des outils différents et se déroule dans des conditions différentes, ce qui influe sur les choix de l’opérateur.

La préparation des sols

La préparation des sols (labourage, hersage, binage, brise-mottes à disques, mise en culture et compactage) est une tâche importante; c’est, au stade préliminaire de la production végétale, l’opération qui requiert le plus de main-d’œuvre (30% environ des opérations de plantation et de culture).

En règle générale, les opérations d’ameublissement de la terre produisent beaucoup de poussières. Leur nature dépend du type de sol, des conditions météorologiques, de la saison et du genre de travail effectué. La concentration de poussières dans la cabine du tracteur varie entre quelques mg/m3 et plusieurs centaines de mg/m3 selon l’étanchéité de la cabine. Les niveaux admissibles de concentrations de poussières et les niveaux admissibles de poussières respirables (5 µm au plus) sont généralement dépassés, respectivement dans 60 à 65% et 60 à 80% des cas (voir figure 64.11). La teneur en silice des poussières varie de 0,5 à 20% (Kundiev, 1983).

Figure 64.11 Exposition des conducteurs de tracteurs à des poussières lors de la
mise en culture des sols

Figure 64.11

Le travail de la terre exige beaucoup d’énergie, particulièrement lors des labours, et mobilise au maximum la puissance des machines; les niveaux de bruit sont donc très élevés à l’endroit où se trouve le conducteur. L’intensité sonore peut atteindre 90 dBA, voire davantage, ce qui présente un risque élevé de troubles de l’audition.

Les vibrations transmises par le siège à l’ensemble du corps peuvent atteindre des intensités élevées; elles dépassent en général les niveaux prescrits par l’Organisation internationale de normalisation (ISO, 1997), en ce qui concerne tant leur intensité que la durée d’exposition.

Comme les travaux de préparation des sols se font essentiellement au printemps et en automne, le microclimat régnant en zone tempérée dans la cabine des engins, même sans climatisation, n’entraîne aucun risque pour la santé, si ce n’est les jours de grande chaleur.

Les semis et l’entretien des cultures

S’assurer que le semoir se déplace en ligne droite et que le tracteur suit les sillons tracés revêt une importance particulière et peut contraindre le conducteur à travailler dans des positions très inconfortables. Depuis son poste de travail celui-ci manque souvent de visibilité, ce qui entraîne une tension nerveuse et émotionnelle qui se traduit par l’apparition rapide de fatigue.

En outre, les opérations manuelles liées en particulier à la préparation et à la manipulation des matériels peuvent nécessiter des efforts physiques importants.

Plus la distribution géographique des variétés de semences est étendue, plus la diversité des conditions météorologiques au moment des semis est grande. Les semis d’hiver, pratiqués dans plusieurs zones climatiques, sont généralement effectués à des températures extérieures comprises entre 3-10 °C et 30-35 °C; ces températures sont comprises entre 0 °C et 15-20 °C dans le cas des semis de printemps. La température intérieure des cabines sans climatisation peut atteindre des valeurs élevées dans les climats chauds ou tempérés.

En zone tempérée, les conditions microclimatiques régnant dans les cabines de tracteurs sont généralement satisfaisantes lors des semis de plantes telles que la betterave, le maïs et le tournesol. La culture proprement dite se pratique aux époques où les températures extérieures sont élevées et l’ensoleillement intense. La température des cabines sans climatisation peut s’élever à 40 °C, voire davantage. Les conducteurs de tracteurs travaillent généralement entre 40 et 70% du temps dans des conditions peu confortables.

Les travaux aratoires entraînent le déplacement de grandes quantités de terre, ce qui produit énormément de poussières dont la concentration maximale dans l’air ambiant ne devrait pas dépasser 10 à 20 mg/m3. Ces poussières sont inorganiques à 90% et contiennent une proportion plus ou moins élevée de silice libre. Pendant les périodes de semis, le bruit et les vibrations émises à l’endroit où le conducteur est assis sont en général un peu moins élevés qu’à l’époque des cultures.

Au cours des semis et de l’entretien des cultures, les travailleurs agricoles sont fréquemment exposés au fumier, aux engrais chimiques et aux pesticides. Si la réglementation sanitaire concernant leur manipulation n’est pas respectée et si les machines ne fonctionnent pas convenablement, la concentration de ces produits nocifs dans l’air ambiant dépasse inévitablement les niveaux admissibles.

La récolte

En règle générale, la récolte s’étale sur une période de 25 à 40 jours, au cours de laquelle les poussières, les conditions microclimatiques et le bruit peuvent présenter certains risques.

La concentration des poussières dans la zone de respiration dépend essentiellement de leur concentration initiale extérieure et de l’étanchéité de la cabine de conduite. Les moissonneuses plus anciennes, qui ne sont pas équipées de cabines, exposent les conducteurs à de fortes concentrations de poussières. La formation de poussières est particulièrement intense au cours de la récolte du maïs, les concentrations pouvant atteindre 60 à 90 mg/m3 dans le cas d’engins sans cabine étanche. Les poussières sont essentiellement composées de particules végétales, de pollen et de spores fongiques qui, pour la plupart, ne sont pas respirables (plus de 10 µm); leur teneur en silice libre est inférieure à 5,5%.

La formation de poussières pendant la récolte des betteraves est plus faible, avec des concentrations maximales à l’intérieur de la cabine ne dépassant pas 30 mg/m3.

Les céréales sont le plus souvent récoltées pendant la saison chaude où la température à l’intérieur de la cabine peut s’élever jusqu’à 36-40 °C et où le rayonnement solaire direct peut atteindre 500 W/m2, voire davantage quand la cabine est équipée d’un vitrage ordinaire. L’utilisation de vitres teintées peut abaisser la température intérieure de 1 à 1,6 °C. Un système de ventilation mécanique d’une capacité de 350 m3/h à l’intérieur de la cabine peut créer une différence de température avec l’extérieur de 5 à 7 °C. Si la moissonneuse-batteuse est équipée de jalousies orientables, la différence de température n’est que de 4 à 6 °C.

Les cultures sur labour sont récoltées à l’automne, époque à laquelle les conditions microclimatiques à l’intérieur de la cabine sont plus favorables.

Dans les pays développés, l’expérience montre qu’il est généralement rentable de cultiver les petites exploitations dans des conditions de mécanisation légère (minitracteurs et autres engins motorisés dont la puissance ne dépasse pas 14 kW, auxquels peuvent être adaptés divers équipements auxiliaires).

L’utilisation de ces engins présente toutefois certains risques pour la santé dus, notamment, à la surcharge de travail saisonnière, à l’emploi d’enfants et de personnes âgées, à l’absence de moyens de protection contre le bruit, aux vibrations transmises au corps entier ou à une partie de celui-ci, à des conditions météorologiques défavorables, aux poussières, aux pesticides et aux gaz d’échappement. L’effort que nécessite le maniement des leviers de commande sur les engins motorisés peut atteindre entre 60 et 80 N.

Certaines tâches sont réalisées à l’aide d’animaux de trait ou manuellement en raison d’un manque d’équipement ou de l’impossibilité d’utiliser des engins motorisés. Le travail manuel exige en général un effort physique considérable; la dépense énergétique pendant les labours, les semis (avec traction animale) ou le fauchage manuel peut atteindre 5 000 à 6 000 cal/jour, voire davantage.

Les accidents survenant au cours de ces tâches manuelles sont fréquents, notamment chez les travailleurs non expérimentés. Il en est de même pour les cas d’irritations causées par les plantes, de piqûres d’insectes, de morsures de serpents et de dermites provoquées par la sève de certaines espèces végétales.

La prévention

L’amélioration des conditions de travail des conducteurs fait désormais partie des objectifs prioritaires des fabricants de tracteurs. Outre les perfectionnements qu’ils apportent à la conception des cabines et cadres de protection, les fabricants essaient à l’heure actuelle de mieux adapter les paramètres techniques des tracteurs aux aptitudes fonctionnelles des conducteurs, en tenant compte des caractéristiques ergonomiques de leur poste de conduite.

Les modifications apportées visent surtout à améliorer la visibilité, à optimiser les systèmes de commandes et l’agencement du tableau de bord et à concevoir des sièges ergonomiques.

S’agissant de la visibilité, on peut, par exemple, élargir le champ de vision de la cabine à l’aide d’un vitrage panoramique, mieux agencer les équipements auxiliaires (notamment le réservoir de carburant), installer des rétroviseurs, etc.

L’optimisation des commandes est, quant à elle, liée aux améliorations qui peuvent être apportées aux mécanismes de transmission. En dehors des systèmes de commande hydraulique ou électrique, il existe à présent un nouveau système de pédales suspendues qui permet un meilleur accès aux commandes et offre un plus grand confort de conduite. On mentionnera également la signalétique (formes, couleurs ou symboles) qui joue un rôle important dans l’identification des organes de commande.

L’introduction d’opérations télécommandées et l’automatisation croissante du pilotage conduisent à rationaliser les panneaux d’instruments dont les modèles récents comportent de 15 à 20 différents indicateurs, cadrans et voyants lumineux.

Le siège du conducteur devrait être conçu pour garantir une position confortable et faciliter la conduite de l’engin. Les nouveaux modèles de sièges tiennent compte des données anthropométriques; ils sont en outre équipés d’un dossier et d’accoudoirs réglables tant horizontalement que verticalement (voir figure 64.12).

Figure 64.12 Paramètres angulaires relatifs à la posture optimale du conducteur
de tracteur

Figure 64.12

Les précautions à observer pour protéger les conducteurs de tracteurs comprennent les mesures de lutte contre le bruit et les vibrations, la prise en compte des conditions microclimatiques et le contrôle de l’étanchéité de la cabine.

En dehors des aménagements spéciaux apportés aux moteurs pour réduire le bruit à la source, on obtient actuellement d’excellents résultats en recourant à des montages antivibratiles et en isolant la cabine du châssis du tracteur grâce à des amortisseurs et à d’autres modifications visant à absorber le bruit à l’intérieur de la cabine. On peut mettre en place des revêtements absorbants à alvéoles sur les parois de la cabine et recouvrir le sol d’un tapis en caoutchouc ou en porolon. Il est aussi possible de doubler le plafond des cabines d’un panneau dur absorbant portant des perforations et placé à 30 à 50 mm du plafond. Grâce à ces aménagements, l’intensité sonore à l’intérieur de la cabine a pu être ramenée à 80-83 dBA.

Pour abaisser l’intensité des vibrations basse fréquence transmises au conducteur, on a surtout recours à des sièges à suspension. En dépit de leur introduction, il n’a pas été possible de diminuer de plus de 20 à 30% l’intensité des vibrations transmises au corps entier.

Un aplanissement du terrain reste évidemment l’un des moyens les plus efficaces pour réduire les vibrations, mais il est le plus souvent impraticable.

Les conditions microclimatiques régnant dans les cabines peuvent, elles aussi, être considérablement améliorées en équipant les tracteurs de ventilateurs à filtre, de vitres teintées thermo-isolantes, de pare-soleil, de jalousies orientables et de dispositifs spéciaux comme un système de climatisation. Les modèles récents possèdent un système de chauffage branché sur le circuit de refroidissement du moteur et qui utilise l’eau chaude pour réchauffer l’air. Des systèmes combinés de chauffage et de climatisation sont également disponibles sur le marché.

Les problèmes de bruit, de vibrations et d’isolation thermique peuvent être résolus par l’installation de cabines étanches munies de pédales suspendues ou de commandes par câble.

Il est important de pouvoir accéder sans difficulté au moteur du tracteur et aux pièces portées ou tractées pour leur entretien et leur réparation ou pour vérifier leur état de fonctionnement. Certains modèles récents de tracteurs disposent désormais d’un capot entièrement ou partiellement amovible ou d’une cabine inclinable vers l’avant, par exemple.

Les tracteurs du futur seront certainement équipés de systèmes de commande automatique, d’écrans de télévision permettant d’observer les équipements situés hors du champ de vision du conducteur et de systèmes de microclimatisation. Leurs cabines pourront pivoter sur des axes extérieurs et être amenées dans la position voulue.

L’organisation rationnelle du travail et des périodes de repos est très importante dans la prévention de la fatigue et des maladies qui menacent les travailleurs agricoles. Pendant la saison chaude, l’activité devrait être concentrée le matin et en fin d’après-midi, les heures les plus chaudes de la journée étant réservées au repos. Dans le cas de travaux pénibles (transport de charges, binage), il est nécessaire de ménager de courtes pauses à intervalles réguliers. Il convient en outre d’accorder une attention spéciale à l’alimentation des travailleurs, qui devrait être équilibrée et tenir compte de l’énergie requise pour accomplir les diverses tâches. Il faut aussi boire régulièrement quand il fait chaud. De manière générale, les travailleurs boivent non seulement de l’eau, mais aussi des boissons traditionnelles (thé, café, jus de fruits, infusions, bouillons, etc.). Il est très important de mettre à leur disposition des quantités suffisantes de boissons saines de bonne qualité.

Il est tout aussi important que les travailleurs portent des vêtements confortables et un équipement de protection individuelle approprié (masque, casque antibruit, etc.), surtout quand ils sont exposés à des poussières ou à des produits chimiques.

La surveillance médicale des travailleurs agricoles devrait être axée sur la prévention des risques professionnels courants (maladies infectieuses, exposition aux produits chimiques, traumatismes, etc.). L’enseignement des principes de sécurité et de santé est un autre aspect très important de la prévention.

LES TRAVAUX DE RÉCOLTE

William E. Field

La récolte des cultures végétales marque la fin du cycle de production et précède le stockage et la transformation des produits. Le volume et la qualité des cultures qu’il aura récoltées dans ses champs, vergers et vignes constituent les principaux critères d’évaluation de la productivité et de la réussite du producteur. Les résultats d’une récolte sont calculés quasi universellement en kilogrammes, en balles, en boisseaux ou encore en tonnes par hectare. Du point de vue agronomique, si ce sont les facteurs de production qui conditionnent les rendements, c’est la récolte qui détermine s’il y aura suffisamment de graines et d’autres ressources pour garantir la pérennité de l’exploitation et la subsistance des personnes qu’elle fait vivre. Etant donné son importance dans la production, la récolte a acquis partout dans le monde un rôle presque spirituel dans la vie de ceux qui cultivent la terre.

Peu de pratiques agricoles illustrent aussi bien que la récolte l’étendue et la diversité des risques liés aux techniques employées et aux formes de travail dans l’agriculture. La récolte s’effectue en effet dans des conditions très diverses, sur des terrains des plus hétérogènes, grâce à des machines simples ou perfectionnées permettant de manipuler divers types de produits végétaux. Elle demande par ailleurs un effort physique important de la part des travailleurs (Snyder et Bobick, 1995). Aussi est-il impossible de généraliser sommairement et de sérier les caractéristiques ou la nature des activités et des risques qu’elle comporte. Dans le cas, par exemple, des petites céréales comme le riz, le blé, l’orge ou l’avoine, qui sont des cultures dominantes dans le monde entier, la récolte est parfois hautement mécanisée, alors qu’elle repose encore, dans de nombreuses régions d’Afrique et d’Asie, sur des méthodes proches de celles que l’on pratiquait il y a 2 500 ans. L’utilisation de la faucille pour faucher quelques gerbes à la fois, les aires de battage en argile compactée et les instruments de battage rudimentaires restent les outils de récolte de base pour un nombre bien trop important de producteurs.

Les risques de base associés aux récoltes à forte intensité de main-d’œuvre ont très peu changé au fil du temps; leur importance est souvent sous-estimée en raison de l’augmentation des risques dus à une mécanisation croissante. Depuis toujours, les longues heures d’exposition aux intempéries et l’effort physique considérable que demandent certains travaux comme le port de lourdes charges, les mouvements répétitifs ou des postures de travail inconfortables, auxquels il convient d’ajouter les risques naturels tels que les piqûres d’insectes et les morsures de serpents, ont fait et continuent de faire de nombreuses victimes (voir figure 64.13). La récolte des céréales ou de la canne à sucre à l’aide d’une faucille ou d’une machette, la cueillette manuelle des fruits, des légumes et des arachides sont des tâches salissantes, inconfortables et épuisantes qui sont généralement effectuées dans de nombreuses communautés par les femmes et les enfants. La volonté d’éliminer les tâches physiquement pénibles associées à la récolte manuelle a été un des principaux moteurs de l’évolution des méthodes de récolte.

Figure 64.13 Récolte manuelle du mil

Figure 64.13

Même si les ressources disponibles permettaient de mécaniser les travaux de récolte et de réduire les risques qui y sont associés (ce qui n’est pas le cas pour les petits producteurs dans bien des régions du monde), les investissements consentis pour améliorer la sécurité et la santé lors des opérations de récolte seraient sans doute moins rentables que des investissements comparables consacrés à l’amélioration des conditions de logement, de la qualité de l’eau et de la santé publique. Cette constatation est particulièrement vraie quand les exploitants agricoles peuvent faire appel à un grand nombre de travailleurs au chômage ou sous-employés. Le chômage et le sous-emploi sont responsables d’accidents chez bon nombre de jeunes au cours des récoltes, car ils sont moins coûteux à employer que les machines. Même dans les pays où l’agriculture est hautement mécanisée, les lois portant sur le travail des enfants ne tiennent généralement pas compte de ceux qui travaillent dans le secteur agricole. Aux Etats-Unis, par exemple, des dispositions législatives spéciales ont été prises par le ministère du Travail pour permettre aux enfants de moins de 16 ans de travailler pendant les périodes de récolte et même de conduire des engins agricoles dans certaines circonstances (US Department of Labor (USDOL), 1968).

Contrairement à l’opinion générale selon laquelle la mécanisation augmente les risques liés à la production agricole, rien n’est plus loin de la réalité en ce qui concerne les travaux de récolte. Grâce à la mécanisation intensive de la culture dans les principales régions productrices de céréales et de fourrage, le temps nécessaire pour produire un boisseau, par exemple, a chuté de plus d’une heure à moins d’une minute (Griffin, 1973). Cette performance, bien que fortement tributaire des combustibles fossiles, a permis de libérer des dizaines de millions de travailleurs de tâches très pénibles et très dangereuses préalablement effectuées à la main. La mécanisation a pu non seulement augmenter les rendements dans des proportions considérables, mais aussi éliminer quasiment tous les accidents de plus grande gravité, notamment dans le secteur de l’élevage.

La mécanisation intensive des travaux de récolte a toutefois engendré de nouveaux risques. Dans certains cas, elle a nécessité une période d’adaptation; dans d’autres, il a fallu remplacer le matériel par des machines plus perfectionnées qui étaient soit plus productives, soit moins dangereuses. Un exemple de cette évolution technologique est la transition qui s’est opérée dans la récolte du maïs en Amérique du Nord entre les années trente et soixante-dix. Jusqu’à la fin des années trente, le maïs était essentiellement récolté à la main et transporté dans des silos par des chariots tirés par des animaux. Les chevaux, employés pour les récoltes, étaient alors responsables de la plupart des accidents recensés (National Safety Council (NSC), 1942). L’introduction et l’utilisation intensive, dans les années quarante, de cueilleuses-dépanouilleuses d’épis de maïs tractées ont fait diminuer rapidement le nombre des accidents plus ou moins graves liés à l’utilisation de chevaux et d’autres bêtes de trait, tout en faisant augmenter du même coup le nombre des accidents causés par les machines. Non pas que ces machines fussent dangereuses, mais les accidents étaient la conséquence d’un passage trop rapide à une nouvelle technique de récolte qui n’était pas suffisamment maîtrisée et à laquelle les exploitants et les travailleurs ne s’étaient pas encore habitués. A mesure qu’ils s’adaptaient à la nouvelle technologie, que les fabricants amélioraient les performances des machines et que de nouvelles variétés végétales plus uniformes et mieux adaptées à la récolte mécanique étaient introduites, le nombre des accidents plus ou moins graves a rapidement chuté. En d’autres termes, l’introduction de ce nouvel équipement s’est finalement traduite par une diminution du nombre d’accidents liés aux risques auxquels les travailleurs étaient exposés autrefois pendant la récolte.

Avec l’arrivée, dans les années soixante, des moissonneuses-batteuses automotrices qui pouvaient récolter des variétés de maïs à plus haut rendement à une cadence au moins décuplée, les accidents liés à l’utilisation des cueilleuses-dépanouilleuses disparurent pratiquement. Mais, comme pour ces dernières, les moissonneuses-batteuses engendrèrent de nouveaux risques et nécessitèrent une période d’adaptation. Ainsi, la possibilité de rassembler, couper, séparer et nettoyer les graines sur place à l’aide d’une seule machine modifia les opérations de manipulation du maïs: un processus caractérisé par l’écoulement d’épis entiers fut remplacé par un autre assurant le débit plus fluide du maïs égrené. On assista en conséquence, dans les années soixante-dix, à une recrudescence des accidents liés à l’utilisation des vis à grain, des chutes dans les machines et des cas de suffocation dans les structures de stockage et dans les véhicules de transport des grains (Kelley et Field, 1996). En outre, de nouveaux types d’accidents apparurent, liés cette fois à la taille et à la puissance des moissonneuses-batteuses, comme les chutes de travailleurs juchés à 4 m du sol sur des plates-formes ou des échelles, ou les travailleurs broyés par les rouages de la machine.

La mécanisation de la récolte du maïs a directement contribué à l’un des plus grands bouleversements qui aient marqué les populations rurales en Amérique du Nord. En effet, en moins de 75 ans, la population agricole est passée, après l’introduction des variétés hybrides de maïs et des machines, de 50% à moins de 5% de la population totale. Tout au long de cette période de grande productivité où la demande en main-d’œuvre a fortement diminué, les risques liés au travail agricole ont été considérablement réduits et le nombre d’accidents mortels a baissé de 14 000 en 1942 à moins de 900 en 1995 (NSC, 1995).

Les accidents liés aux opérations modernes de récolte sont souvent provoqués par les tracteurs, les machines, les matériels de manutention des grains et les structures de stockage. Depuis les années cinquante, les tracteurs étaient à l’origine de près de la moitié des accidents mortels dus, dans la plupart des cas, au renversement de ces véhicules. L’installation de structures de protection contre le risque de retournement (Rollover Protective Structures (ROPS)) s’est avérée la stratégie la plus efficace pour réduire le nombre d’accidents mortels associés aux tracteurs (Deere & Co., 1994). D’autres mesures de protection ont permis d’améliorer la sécurité et de protéger la santé des conducteurs: roues plus larges, améliorations permettant d’abaisser le centre de gravité afin d’accroître la stabilité de l’engin, installation de cabines conçues pour protéger des intempéries et des poussières, aménagement de sièges et de commandes ergonomiques, réduction des émissions sonores, etc.

Les accidents de tracteur sont cependant encore très nombreux et préoccupants dans les pays qui se mécanisent rapidement, comme la Chine ou l’Inde. Dans de nombreuses régions du monde, on voit souvent des tracteurs utilisés comme véhicules de transport sur les routes principales, ou dans les champs comme source d’énergie, au lieu d’être réservés aux fins pour lesquelles ils ont été conçus. Dans ces régions, les tracteurs sont généralement conduits par des personnes qui n’ont pratiquement aucune formation. Ils servent aussi souvent au transport de passagers, autre emploi auquel ils ne sont pas destinés; les passagers en surnombre peuvent être projetés au sol et se faire écraser, cette éventualité étant devenue la deuxième cause d’accidents mortels dus à l’utilisation de tracteurs. Si la tendance à équiper les tracteurs de structures de protection efficaces contre les risques de retournement et de renversement se perpétue, il se pourrait que le risque de chute suivie d’écrasement le remplace à l’échelle mondiale comme cause première des accidents mortels liés à l’utilisation de ces engins.

Bien qu’elles soient beaucoup moins nombreuses et moins utilisées que les tracteurs, les moissonneuses-batteuses sont responsables environ du double des accidents recensés par millier de machines (Etherton et coll., 1991). Ces accidents surviennent le plus souvent au cours de l’entretien, de la réparation ou des opérations de réglage, alors que le moteur est en marche (NSC, 1986). Des améliorations ont été apportées: dispositifs passifs ou actifs d’alerte, systèmes de verrouillage (dont des interrupteurs de sécurité placés au niveau du siège du conducteur qui coupent l’alimentation quand personne ne l’occupe), réduction du nombre des points d’entretien, etc. Ces nouveaux dispositifs de sécurité doivent, pour la plupart, être actionnés délibérément et ils sont souvent ignorés par les conducteurs. Ils ne sont pas non plus installés sur toutes les machines en service.

Les machines utilisées pour la fenaison exposent les travailleurs agricoles à des risques semblables à ceux auxquels ils sont en butte quand ils utilisent des moissonneuses-batteuses. Ces machines comportent des parties mobiles qui servent à couper, broyer, hacher et souffler les produits de récolte à très grande vitesse. Comme pour les moissons, la fenaison doit avoir lieu en temps opportun pour protéger les récoltes des intempéries. S’ajoutant aux risques inhérents à l’utilisation de ces machines, le stress engendré par la hâte de terminer est souvent la cause d’accidents (Murphy et Williams, 1983).

Les ramasseuses-presses sont considérées depuis longtemps comme la source de nombreux accidents graves. Ces machines sont utilisées dans des conditions qui sont souvent les plus difficiles que l’on puisse rencontrer; la chaleur, les accidents de terrain, les poussières et le besoin de procéder à des réglages fréquents contribuent à ce taux élevé d’accidents. La compression du foin en balles et la mécanisation des opérations de manutention ont généralement amélioré la sécurité; par contre, les premiers modèles de presses à balles cylindriques ont fait de nombreuses victimes. La compression très rapide des balles à l’avant de ces engins a été responsable d’un grand nombre d’amputations des mains ou des bras. Les plus récents sont équipés d’un système de ramassage moins agressif, ce qui a pratiquement éliminé le risque.

Le feu est un problème non négligeable pour de nombreux types de récoltes. Les produits récoltés, qui doivent être séchés pour que leur taux d’humidité soit inférieur à 15% et qu’ils puissent être entreposés dans de bonnes conditions, sont extrêmement combustibles. Les moissonneuses-batteuses et les récolteuses de coton sont particulièrement vulnérables au cours des récoltes. L’utilisation de moteurs diesel, de systèmes électriques protégés et d’un matériel bien entretenu, ainsi que des extincteurs à portée de main réduisent les risques d’accidents et l’ampleur des dommages causés par les incendies (Shutske et coll., 1991).

Le bruit et les poussières sont deux autres risques étroitement liés aux travaux de récolte et susceptibles d’exposer les travailleurs à des maladies graves à long terme. L’installation de cabines étanches sur les nouveaux modèles de moissonneuses a largement contribué à atténuer les niveaux de bruit et les concentrations de poussières. Toutefois, la plupart des cultivateurs n’ont pas encore accès à ce type d’amélioration et utilisent des équipements de protection individuelle (casque antibruit, masque antipoussières jetable) bien moins efficaces.

A mesure que la mécanisation progresse dans le monde, les accidents auparavant liés au milieu même, aux animaux de trait et aux outils à main sont progressivement remplacés par des accidents liés à l’utilisation des machines. L’expérience des agriculteurs et des fabricants de matériels de récolte ayant déjà vécu ce passage à la mécanisation devrait contribuer à limiter la durée de la période de transition et les risques d’accidents dus à la méconnaissance des nouveaux matériels. Toutefois, l’expérience montre que les agriculteurs qui utilisent un matériel très perfectionné ne sont pas totalement à l’abri des accidents; les erreurs humaines et les défauts de conception des engins seront toujours à l’origine d’accidents. Il n’en reste pas moins que la mécanisation a contribué non seulement à l’augmentation des rendements, mais aussi à une forte réduction des risques associés aux opérations de récolte.

LE STOCKAGE ET LE TRANSPORT

Thomas L. Bean

Le stockage

La culture et la récolte des plantes, tout comme la pratique de l’élevage en vue de la production animale, font partie des occupations humaines depuis longtemps admises au rang des plus anciens et des plus importants métiers du monde. Aujourd’hui, l’exploitation agricole et l’élevage comportent des travaux aussi divers qu’il y a de cultures, de fibres textiles et d’animaux d’élevage. Une ferme peut être constituée par une seule famille qui cultive la terre entièrement à la main et sur un espace limité; elle peut également être une vaste exploitation commerciale implantée sur de grandes étendues de terres et hautement mécanisée, faisant appel à un matériel très perfectionné et à des installations de pointe. Il en va de même pour le stockage des produits agricoles: il peut être réalisé dans des conditions rudimentaires, comme dans de simples cabanes et fosses creusées manuellement, ou avec des moyens beaucoup plus perfectionnés, comme dans des silos-tours, des silos-couloirs, des compartiments de stockage et des chambres froides.

Les risques et leur prévention

Les produits agricoles tels que céréales, fourrages, fruits, noix et légumes sont souvent stockés aux fins de la consommation animale et humaine ultérieure, ou de la vente au public ou à des industriels. Le stockage des produits avant leur acheminement sur les marchés peut se faire dans des fosses, silos-couloirs, compartiments de stockage, silos-tours, chambres froides, chariots, remorques, granges et wagons de marchandises, pour ne mentionner que ceux-ci. Quels que soient les produits stockés et les caractéristiques des entrepôts, les opérations de stockage comportent, elles aussi, des risques.

Les chutes de personnes et d’objets

Les chutes peuvent se produire à des hauteurs variables. Dans le cas des silos, compartiments de stockage, granges et autres structures semblables, les chutes peuvent avoir lieu du haut de ces structures comme à l’intérieur ou à l’extérieur de celles-ci. La plupart du temps, les personnes tombent de toits non protégés, à travers des ouvertures pratiquées dans le plancher, dans des escaliers, des greniers et cages diverses, d’échelles ou de plates-formes surélevées. Des chutes peuvent aussi se produire en montant sur un véhicule ou en en descendant (remorques, chariots, tracteurs), sur des surfaces glissantes, en trébuchant sur un objet ou encore en étant poussé par un objet en mouvement. Par mesure de protection contre les chutes, on veillera à:

Les produits agricoles peuvent être entreposés en vrac, en gerbes, en sacs, en cageots ou en balles. Le stockage en vrac s’applique généralement aux grains de céréales comme le blé et le maïs et aux graines de soja. Les produits entreposés en gerbes, en sacs, en cageots ou en balles comprennent le foin, la paille, les légumes, les céréales et le fourrage en général. Des chutes d’objets se produisent dans tous les types de stockage. Les travailleurs sont souvent blessés par la chute de sacs mal arrimés ou d’objets placés en hauteur ou mal empilés; on devrait par conséquent leur apprendre à empiler correctement les produits pour éviter tout effondrement. Les employeurs devraient s’assurer que les installations et les méthodes de stockage sont conformes à la réglementation en vigueur.

Les espaces confinés

Les produits agricoles peuvent être stockés dans deux sortes de structures: celles qui contiennent suffisamment d’oxygène, comme les granges, les charrettes ou les remorques ouvertes, et celles qui en sont dépourvues, comme les silos, les réservoirs et les chambres froides. Ceux-ci, qui sont des espaces confinés, devraient faire l’objet de précautions particulières. La teneur en oxygène devrait être vérifiée avant d’y pénétrer; le cas échéant, on y insufflera de l’air ou l’on portera un appareil de protection respiratoire autonome. En outre, une autre personne prête à porter secours devrait toujours se trouver à proximité. Des problèmes de suffocation peuvent survenir dans les deux types de structures si les produits qui y sont entreposés ont les caractéristiques d’un fluide, comme les tas de grains de céréales et autres produits similaires dans lesquels le travailleur peut se faire engloutir et mourir par asphyxie. Il n’est pas rare que les travailleurs pénètrent dans les silos à grains en cas de difficultés de remplissage ou de vidange dues au tassement des grains qui forment des bouchons ou des ponts. Pour remédier à la situation, les travailleurs peuvent être tentés de piétiner ces tas compacts pour les désagréger, encourant le risque de tomber et d’être engloutis ou aspirés dans la masse si le mécanisme de remplissage ou de vidange est en marche. Un risque analogue menace les personnes qui pénètrent dans un silo pour décoller les grains adhérant aux parois. Il y a lieu de prévoir des systèmes de verrouillage, de signalisation de sécurité et de protection contre les chutes, avec ceintures et cordes de sécurité, dans les cas où des travailleurs doivent effectivement pénétrer dans un silo à grains. Il faut veiller tout particulièrement à la sécurité des enfants que leur curiosité et leur envie de jouer ou d’imiter les adultes attirent dans ces lieux, avec des conséquences souvent fatales.

Les fruits et les légumes sont souvent conservés dans des chambres froides avant d’être acheminés sur les marchés. Selon le type d’installation, ces chambres doivent être considérées comme des espaces confinés et leur teneur en oxygène doit être contrôlée. Parmi les risques qu’elles présentent, citons les engelures et les accidents, parfois mortels, par hypothermie après une exposition prolongée au froid. Pour pénétrer à l’intérieur de ces enceintes, il convient de porter des vêtements de protection adaptés à la température qui y règne.

Les gaz et les substances toxiques

Selon la teneur en humidité du produit au moment du stockage, les conditions atmosphériques et autres, le fourrage et les grains peuvent produire des gaz dangereux et, notamment, du monoxyde de carbone (CO), du dioxyde de carbone (CO2) et des oxydes d’azote (NOx), dont certains peuvent provoquer la mort en quelques minutes. Le danger est également présent si le stockage des produits dans une enceinte s’accompagne d’une accumulation de gaz non mortels susceptible d’entraîner un manque d’oxygène. S’il y a production de gaz, ceux-ci devraient être contrôlés. En outre, il est possible que les produits stockés aient été traités avec un pesticide au cours de la période de croissance pour éliminer les adventices, les insectes et les maladies, ou encore au cours des opérations de stockage pour réduire les risques de pourriture ou de moisissure et autres dégâts causés par les spores ou les insectes; il peut en résulter des risques de formation de gaz, d’inhalation de poussières ou de contact avec des substances dangereuses. Les travailleurs devraient porter un équipement de protection individuelle et tenir compte de la nature du traitement, de la durée de vie du pesticide utilisé et des instructions relatives à son emploi.

Les risques liés aux machines

Les entrepôts peuvent contenir toutes sortes d’installations mécaniques destinées à acheminer les produits, comme les transporteurs à courroies ou à rouleaux, les souffleuses, les vis à grain, les toboggans et les autres appareils de manutention dotés de leur propre source d’énergie. Les risques sont liés notamment:

Les travailleurs devraient être instruits des risques auxquels ils peuvent être exposés et être familiarisés avec les règles élémentaires de sécurité et les méthodes de travail qu’il convient d’appliquer.

Les effets sur la santé

Les travailleurs affectés à la manutention et au stockage des produits agricoles sont exposés à des risques de troubles respiratoires. L’exposition aux poussières, aux émissions de gaz divers, aux produits chimiques, à la silice, aux spores fongiques ou aux endotoxines peut causer des lésions pulmonaires. Des études ont établi un lien entre les troubles pulmonaires causés par ces substances et les travailleurs qui manipulent grains de céréales, coton, lin, chanvre, foin ou tabac. Le risque existe par conséquent à l’échelle mondiale. Les affections pulmonaires contractées au cours de travaux agricoles s’entendent notamment des dénominations communes ci-après: asthme professionnel, poumon de fermier, maladie du tabac vert, poumon des mineurs de charbon, choc anaphylactique dû aux poussières organiques, maladie des ensileurs, bronchite, obstruction des voies respiratoires. Les premiers symptômes peuvent s’apparenter à ceux de la grippe (frissons, fièvre, toux, céphalées, myalgies et difficultés respiratoires), particulièrement dans les cas d’exposition à des poussières organiques. La prévention des troubles respiratoires devrait comprendre une évaluation du milieu de travail, des programmes de promotion de la santé axés sur la prévention primaire ainsi que l’utilisation d’appareils de protection respiratoire et d’autres éléments de protection individuelle en fonction des résultats de l’évaluation environnementale.

Le transport

Simple en apparence, l’acheminement des denrées vers le marché consiste en fait en une série d’opérations qui sont souvent aussi complexes et dangereuses que celles liées à la production et au stockage. Le transport peut être assuré par des personnes, à l’aide d’animaux, d’engins mécaniques simples tels que des bicyclettes ou des carrioles tirées par des animaux, ou encore à l’aide de chars et de remorques tirés par des tracteurs. On peut également employer des véhicules commerciaux (camions, trains et avions). Au fur et à mesure que la population mondiale s’accroît et que les centres urbains se développent, un nombre de plus en plus important d’engins et de matériels agricoles se trouvent mêlés à la circulation routière. Aux Etats-Unis, selon le Conseil national de la sécurité (National Safety Council (NSC)), 8 000 tracteurs et autres véhicules agricoles ont été impliqués dans des accidents de la route en 1992 (NSC, 1993). Bon nombre d’exploitations agricoles fusionnent et prennent de l’ampleur à la suite de l’achat ou du fermage d’exploitations plus petites et généralement dispersées. Une étude menée en 1991 dans l’Ohio a révélé que 79% des exploitations étudiées exerçaient leurs activités sur des sites multiples (Bean et Lawrence, 1992).

Les risques et leur prévention

S’il existe des risques spécifiques inhérents à chacun des moyens de transport mentionnés ci-dessus, la présence simultanée sur les routes de véhicules automobiles de type courant et d’engins de transport agricole est particulièrement préoccupante. En effet, le nombre sans cesse croissant de collisions entre ces véhicules et ces engins — lesquels circulent plus lentement et sont parfois plus larges que les voies qu’ils empruntent — va de pair avec l’augmentation du nombre des engins agricoles utilisant le réseau routier. Des facteurs contraignants, tels que la nécessité de planter à une période bien déterminée pour assurer la récolte et acheminer les denrées vers les marchés ou les lieux de stockage le plus rapidement possible, font que les machines agricoles doivent souvent emprunter les routes dans une semi-obscurité, à l’aube ou au crépuscule. Une étude approfondie conduite dans les 50 Etats américains a révélé que les règlements concernant l’éclairage et la signalisation des véhicules étaient loin d’être homogènes dans tout le pays. Ce manque d’uniformité est source de confusion pour les conducteurs de véhicules motorisés (Eicher, 1993). Si l’on songe à la vitesse supérieure des véhicules automobiles, le mauvais éclairage et la signalisation inadéquate des engins agricoles ont souvent des effets dévastateurs. Une autre étude menée aux Etats-Unis a révélé que les types d’accidents les plus fréquents étaient les collisions par l’arrière, les heurts latéraux lors d’un croisement ou d’un dépassement, les collisions en écharpe ou en biais, les collisions frontales ou celles provoquées par un véhicule en marche arrière. Dans 20% des 803 collisions entre deux véhicules, le véhicule agricole était touché en biais; dans 28% des cas, la collision était latérale (15% lors d’un croisement et 13% lors d’un dépassement). Dans 22% des cas, il s’agissait de collisions par l’arrière (15%), frontales (4%) ou lors d’une marche arrière (3%). Les autres accidents (25%) avaient été provoqués par un objet autre qu’un véhicule en mouvement (véhicules en stationnement, piétons, animaux, etc.) (Glascock et coll., 1993).

Dans de nombreuses régions du monde, on fait appel à la traction animale pour transporter les produits agricoles. Bien qu’elles soient généralement fiables, la plupart des bêtes de trait sont daltoniennes, ont un instinct de territorialité et un instinct maternel, des réactions imprévisibles qui leur sont propres et une force considérable; ces animaux ont provoqué de nombreux accidents de la route.

Les principes généraux de sécurité ci-après s’appliquent à toutes les activités de transport:

La réglementation en vigueur peut exiger un type spécifique de signalisation ou d’éclairage; or, le plus souvent, elle ne prescrit que des normes minimales. A moins que les textes n’en interdisent explicitement l’installation, les agriculteurs devraient installer des instruments de signalisation ou d’éclairage appropriés non seulement sur les véhicules automobiles, mais aussi sur les engins tractés.

L’éclairage est particulièrement important aux heures du jour et de la nuit où le véhicule ou l’engin agricole se déplace dans la pénombre ou dans l’obscurité. S’il possède une source d’énergie, le véhicule devrait être équipé au minimum de deux phares avant, de deux feux arrière, de deux clignotants et de deux feux stop.

Les feux arrière, les clignotants et les feux stop peuvent être intégrés en un seul bloc ou être installés séparément. On peut se renseigner sur les normes en la matière auprès des organisations de normalisation telles que la Société américaine des ingénieurs agronomes (American Society for Agricultural Engineers (ASAE)), l’Institut américain de normalisation (American National Standards Institute (ANSI)), le Comité européen de normalisation (CEN) et l’Organisation internationale de normalisation (ISO).

Si le véhicule ne possède pas sa propre source d’énergie, on utilisera un éclairage fonctionnant sur pile, bien que ces systèmes ne soient pas aussi efficaces. Ce type d’éclairage est en vente dans le commerce, dans divers modèles (projecteurs, lampes clignotantes, gyrophares, éclairage stroboscopique) et en plusieurs tailles. Si l’on ne peut s’en procurer, il faut alors poser des réflecteurs, drapeaux et autres dispositifs de substitution décrits ci-dessous.

On trouve actuellement beaucoup de nouveaux matériaux réflecteurs qui permettent de rendre les véhicules agricoles plus visibles. Ils sont vendus sous forme de plaquettes ou de bandes adhésives de différentes couleurs. La réglementation locale devrait être consultée pour savoir quelles sont les couleurs ou combinaisons de couleurs admises.

Les matériaux fluorescents permettent une excellente visibilité de jour grâce au rayonnement solaire qui fait ressortir leurs propriétés électroluminescentes. Une réaction photochimique complexe se produit quand les pigments fluorescents absorbent les rayonnements solaires non visibles et renvoient l’énergie sous forme d’ondes lumineuses plus longues. En un sens, les matériaux fluorescents «rayonnent» à la lumière du jour et sont plus lumineux que les couleurs conventionnelles dans les mêmes conditions d’éclairage; leur inconvénient majeur est qu’ils se détériorent assez rapidement à la suite d’une longue exposition au rayonnement solaire.

La réflexion est l’une des caractéristiques de la vue. Les ondes lumineuses qui frappent un objet sont absorbées ou réfléchies dans toutes les directions (réflexion diffuse) ou à un angle exactement opposé à l’angle sous lequel la lumière a frappé l’objet (réflexion spéculaire). La rétroréflectivité est très similaire à la réflexion spéculaire; toutefois, la lumière est réfléchie directement vers la source de lumière. Il existe trois sortes de matériaux rétroréflecteurs, chacun possédant un degré de réflectivité différent qui dépend essentiellement des méthodes de fabrication. Ils sont présentés ici par ordre croissant d’intensité de rétroréflectivité: lentilles protégées (type ID), lentilles encapsulées (haute intensité) et lentilles à facettes (diamant, prismatiques, homologation C2 ou IIIB par le ministère des Transports). Ces matériaux rétroréflecteurs permettent une visibilité excellente de nuit. Ils sont aussi très utiles pour mettre en évidence le gabarit des engins agricoles. Des bandes de matériaux rétroréflecteurs et fluorescents collées sur toute la largeur, à l’avant comme à l’arrière, permettent aux conducteurs de véhicules non agricoles d’apprécier la largeur de l’engin qu’ils vont croiser ou dépasser.

Aux Etats-Unis, au Canada et dans bien d’autres pays, on utilise également le triangle rouge avec un centre jaune-orange pour désigner les «véhicules lents», c’est-à-dire ceux qui se déplacent à moins de 40 km à l’heure. Les autres véhicules se déplacent à une vitesse bien supérieure et leur conducteur est enclin à mal évaluer la vitesse du véhicule plus lent, donc à freiner trop tard. Cette plaque distinctive triangulaire ou toute autre mise en garde appropriée devrait être fixée à demeure.

Les effets sur la santé

Les travailleurs chargés du transport des produits agricoles sont exposés à des risques d’affections respiratoires et de lésions pulmonaires dont l’apparition peut être due à l’exposition aux poussières, aux produits chimiques, à la silice, aux spores fongiques et aux endotoxines. Ces risques varient selon que le véhicule est ou n’est pas équipé d’une cabine étanche et que le conducteur est appelé ou non à charger et décharger les marchandises. Si le véhicule a été utilisé pour l’application de pesticides, ceux-ci pourront être encore présents à l’intérieur de la cabine, à moins qu’elle ne soit équipée d’un dispositif de filtration d’air. Les premiers symptômes sont de type pseudogrippal, particulièrement dans les cas d’exposition aux poussières organiques. La prévention des troubles respiratoires devrait comprendre l’évaluation du poste de travail et des programmes de promotion de la santé axés sur la prévention primaire et l’utilisation de masques, d’appareils de protection respiratoire et de tout autre élément de protection individuelle requis.

LES OPÉRATIONS MANUELLES EN AGRICULTURE

Pranab Kumar Nag

Les méthodes et les techniques de production agricole varient d’un pays à l’autre. On distingue:

Selon les conditions agroclimatiques, on distingue les systèmes de production ci-après:

Les activités d’une exploitation agricole, l’outillage à main et les engins mécaniques

Dans les pays tropicaux, les activités d’une exploitation agricole se caractérisent par une forte intensité de main-d’œuvre. Le rapport entre la population rurale et les terres arables en Asie est deux fois plus grand qu’en Afrique et trois fois plus grand qu’en Amérique latine. On estime que le travail humain fournit plus de 70% de l’énergie nécessaire aux travaux de production agricole (Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), 1987). Les améliorations apportées aux outils, aux équipements et aux méthodes de travail ont permis de réduire considérablement l’effort humain et la fatigue et, en même temps, d’augmenter la productivité. Pour les cultures de plein champ, les activités peuvent être classées en fonction de l’effort demandé par rapport à la capacité maximale de travail des individus (voir tableau 64.5).

Tableau 64.5 Classification des travaux agricoles

Intensité des tâches

Travaux agricoles

 

Préparation du lit de germination

Semis

Désherbage et travaux d’entretien

Récolte

Travaux légers

Hersage (deux travailleurs)

Semis et épandage d’engrais à la volée, pose d’épouvantails à moineaux, billonnage

Epandage d’engrais à la volée

Nettoyage des grains, triage, battage (en position accroupie), concassage des grains (aide), vannage (en position assise)

Travaux plus ou moins pénibles

Cheminement derrière des engins tirés par des animaux, nivellement du sol avec un râteau en bois, hersage (un travailleur), bêchage, débroussaillage

Arrachage manuel des plants (en position accroupie ou fléchie), repiquage des plants (en position fléchie), marche sur sols détrempés

Désherbage manuel à la faucille et à la houe à main (en position accroupie ou fléchie), irrigation, entretien des canaux d’irrigation, application de pesticides avec pulvérisateur à dos, désherbage sur sols engorgés et secs

Opérations de coupe, récolte de paddy, de blé (en position accroupie ou fléchie), arrachage des légumes, vannage manuel (en position assise ou debout), coupe de la canne à sucre, battage à la batteuse à pédales, port de charges (20-35 kg)

Travaux pénibles

Labourage, travaux d’irrigation (seau à balancier), sarclage des sols secs, construction de petites digues sur sols engorgés, bêchage, hersage avec pulvériseur à disques

 

Désherbage sur sols secs

Battage, concassage des grains

Travaux extrêmement pénibles

Construction de petites digues sur sols secs

Semis sur sols détrempés

 

Battage à la batteuse à pédale, port de charges sur la tête ou à l’aide d’une palanche (60-80 kg)

Sources: d’après Nag, Sebastian et Mavlankar, 1980; Nag et Chatterjee, 1981.

La préparation des lits de semences

Un bon lit de semences est un terrain meuble et compact à la fois, exempt de tout autre type de végétation pouvant gêner la croissance des cultures. La préparation du sol (labourage, hersage, etc.) nécessite l’utilisation de divers types d’outils à main, de sous-soleuses (charrues à soc tirées par des animaux) (voir figure 64.14) ou d’engins tractés.

Figure 64.14 Charrue sous-soleuse de faible profondeur tirée par des bœufs

Figure 64.14

Un bœuf attelé à une charrue peut retourner environ 0,4 ha de sol par jour, et deux bœufs attelés peuvent fournir une puissance équivalant à 0,75 kW environ.

Lorsqu’il utilise des animaux de trait, l’agriculteur surveille leur travail et les guide avec les rênes. Dans la plupart des cas, il marche derrière l’engin tracté ou est assis dessus (par exemple, pulvériseur à disques et fraise rotative). L’opération exige une dépense d’énergie humaine considérable. S’il laboure un champ d’une superficie de 1 ha en creusant des sillons distants de 15 cm, par exemple, l’agriculteur devra parcourir à pied une distance de quelque 67 km. A une vitesse de marche de 1,5 km/h, la dépense énergétique par minute étant de 21 kJ/min, on voit que la dépense énergétique totale sera de 5,6 ´ 104 kJ/ha environ. Si les mancherons de la charrue sont trop longs ou trop courts, le conducteur devra fournir un effort supplémentaire. Gite (1991) et Gite et Yadav (1990) recommandent que la hauteur optimale des mancherons soit comprise entre 64 et 84 cm (une à une fois et demie la hauteur du troisième métacarpien du laboureur).

Des outils à main (bêche, pelle, houe, etc.) sont souvent utilisés pour piocher et ameublir le sol. Pour réduire les efforts demandés par le pelletage, Freivalds (1984) a proposé des taux optimaux de 18 à 21 pelletées par minute, une charge de 5 à 7 kg par pelletée pour 15 à 20 pelletées par minute ou de 8 kg pour 6 à 8 pelletées par minute, avec projection à une distance de 1,2 m et à une hauteur comprise entre 1 et 1,3 m. Un angle de levée de 32°, un long manche, un fer carré pour retourner la terre, un fer arrondi pour piocher et un fer à dos creux pour réduire le poids sont également recommandés.

Nag et Pradhan (1992) parlent de binage lourd et de binage léger (voir figure 64.15), se référant à des études de physiologie et de biomécanique. En règle générale, la méthode de travail et le modèle de houe choisi sont des facteurs déterminants pour l’efficacité du binage (Pradhan et coll., 1986). La façon de heurter la terre avec le fer détermine l’angle de pénétration dans le sol. Pour le binage léger, on estime le nombre de coups de houe à 53 par minute pour une surface binée de 1,34 m2/min, et avec une alternance travail-repos de 10:7. Pour le binage lourd, le nombre de coups de houe est estimé à 21 par minute pour une surface binée de 0,33 m2/min. La forme du fer (rectangulaire, trapézoïdale, triangulaire, circulaire) dépendra de la nature de la tâche et des préférences des utilisateurs locaux. Pour les différents modes de binage, on recommande les valeurs suivantes: poids, 2 kg; angle entre le fer et le manche, 65 à 70 °; longueur du manche, 70 à 75 cm; longueur du fer, 25 à 30 cm; largeur du fer, 22 à 24 cm; diamètre du manche, 3 à 4 cm.

Figure 64.15 Travaux de binage et d'entretien de petites digues dans une rizière

Figure 64.15

Les travaux de semis/plantation et l’application d’engrais

Les travaux de semis et de plantation font appel à des instruments tels que plantoirs, semoirs ordinaires ou semoirs à la volée. Ces tâches — semis à la volée, arrachage et repiquage des plants — représentent environ 8% du temps total consacré aux travaux agricoles. On distingue plusieurs types d’opérations:

Le repiquage à la main oblige à travailler dans l’eau boueuse jusqu’aux genoux et nécessite environ 85 heures de travail par hectare. La position accroupie typique du repiquage sur terre sèche, une jambe (ou les deux) repliée sous le genou, ne peut être celle de terres inondées et, par conséquent, des rizières où la position inconfortable que les travailleurs doivent adopter et la charge statique qu’ils subissent imposent une activité accrue du système cardio-vasculaire et provoquent des douleurs lombaires (Nag et Dutt, 1980). Les appareils de repiquage manuels donnent de meilleurs rendements (ils sont huit fois plus efficaces que les travailleurs repiquant à la main), mais le maintien de l’appareil en équilibre dans une rizière demande environ deux fois et demie plus d’énergie qu’un repiquage entièrement effectué à la main (voir figure 64.16).

Figure 64.16 Utilisation d'un modèle maélioré de semoir de semences germées

Figure 64.16

La protection phytosanitaire

Le principe de fonctionnement des épandeurs d’engrais, de pesticides ou d’herbicides et des autres applicateurs de produits chimiques fait appel à la pression ou à la force centrifuge. La pulvérisation à grande échelle s’effectue à l’aide d’atomiseurs équipés de buses à commande hydraulique, qu’il s’agisse d’un équipement manuel ou monté sur tracteur. Les pulvérisateurs à dos sont des versions réduites des pulvérisateurs montés sur engin motorisé (Bull, 1982). Les pulvérisateurs incluent:

Les vibrations des pulvérisateurs dorsaux ont des effets nocifs sur l’organisme lorsque ces appareils sont portés pendant de longues périodes. En outre, leur utilisation entraîne des risques d’exposition cutanée; les jambes sont le siège de 61% de toutes les contaminations de ce type, les mains de 33%, le torse de 3%, la tête de 2% et les bras de 1% (Bonsall, 1985). Ces risques pourront être atténués grâce au port d’un équipement de protection individuelle (gants et bottes) (Forget, 1991, 1992). Le travail est pénible, car le travailleur doit porter toute la charge sur le dos et actionner le levier du pulvérisateur en permanence (20 à 30 fois par minute); de plus, les vêtements protecteurs tiennent très chaud. Le poids et la hauteur du pulvérisateur, la forme du réservoir ou de la bonbonne, le cadre sur lequel l’appareil est monté et la force requise pour actionner la pompe sont des facteurs ergonomiques qu’il importe de prendre en considération.

L’irrigation

L’irrigation est une nécessité pour la culture intensive dans les régions arides et semi-arides. Depuis des temps immémoriaux, de nombreux systèmes ont été inventés pour puiser et transporter l’eau. Les méthodes manuelles sont pénibles. Même si les pompes à eau motorisées sont maintenant d’usage courant, les techniques d’irrigation manuelle (seaux à balancier, mécanismes élévateurs à contrepoids, roues hydrauliques, pompes à chapelet et à godets, pompes à mouvement rectiligne alternatif) sont encore très répandues.

Figure 64.17 Puisage de l'eau dans un canal d'irrigation à l'aide d'un seau
à balancier

Figure 64.17

Le désherbage et les travaux d’entretien

Les mauvaises herbes et les plantes adventices sont responsables de pertes importantes, diminuant le rendement et la qualité des cultures, car elles hébergent des ravageurs et font augmenter les coûts d’irrigation. Les pertes de rendement varient entre 10 et 60% des récoltes, selon l’importance et le type de plante adventice en cause. Effectué principalement par les femmes, le désherbage mobilise environ 15% des effectifs employés aux travaux agricoles pendant la période de travail du sol. En règle générale, le désherbage manuel ou à la houe à main exige de 190 à 220 heures de travail par hectare. On utilise aussi la bêche pour des travaux de sarclage et d’entretien.

Quelles que soient les méthodes utilisées (mécaniques, chimiques, biologiques, pratiques agronomiques), le désherbage mécanique (par arrachage des mauvaises herbes) ou manuel (à l’aide d’un instrument à main comme la houe) est toujours efficace tant sur sols secs que sur sols humides (Nag et Dutt, 1979; Gite et Yadav, 1990). Sur les sols secs, les travailleurs s’accroupissent en fléchissant une jambe ou les deux et retirent les plantes adventices à l’aide d’une faucille ou d’une houe à main; sur les terres détrempées, ils adoptent une posture courbée, les genoux plus ou moins fléchis, pour retirer les mauvaises herbes à la main ou à l’aide d’une désherbeuse.

L’utilisation de désherbeuses (croc, râteau, serfouette, etc.) impose un effort physique relativement plus important que le désherbage manuel. Néanmoins, leur efficacité en termes de surface couverte est supérieure à celle des outils à main. La dépense d’énergie nécessaire pour le désherbage manuel représente environ 27% de la capacité de travail, alors que, pour les désherbeuses, elle peut aller jusqu’à 56%. La fatigue est toutefois moindre quand on utilise, par exemple, une houe montée sur roues avec laquelle il suffira de 110 à 140 heures de travail pour couvrir 1 ha. L’appareil consiste en une ou deux roues, une lame, un cadre et un manche. Une force (poussée ou traction) de 50 à 200 N environ sera nécessaire avec une fréquence de 20 à 40 coups par minute. Les spécifications techniques de la houe à roues doivent cependant être normalisées afin d’en améliorer la performance.

La récolte

Pour les cultures de riz et de blé, la récolte représente entre 8 et 10% du nombre total d’heures de travail nécessaires à la production végétale. Malgré la mécanisation rapide de la récolte, celle-ci repose encore largement sur des méthodes manuelles utilisant des outils tels que faucille, faux, etc. (voir figure 64.18), et cela pour de nombreuses années encore. Dans plusieurs régions du monde, l’usage de la faux est encore très répandu, même si son maniement requiert davantage d’énergie que la faucille, car elle permet de couvrir une surface plus importante.

Figure 64.18 Récolte du blé à la main

Figure 64.18

La popularité de la faucille vient de sa simplicité de fabrication et d’utilisation. L’outil est constitué d’une lame courbe au tranchant lisse ou dentelé, fixée à une poignée de bois. Les modèles de faucilles varient d’une région à l’autre. L’effort demandé dépend du modèle utilisé. La surface couverte à la faucille va de 110 à 165 m2/h, requérant entre 60 et 90 heures de travail par hectare. La posture inconfortable qu’imposent les travaux à la faucille peut conduire à des complications cliniques au niveau du dos et des articulations. La récolte en position inclinée a l’avantage d’accroître la mobilité, que ce soit en terrain sec ou détrempé, et la cadence de travail est d’environ 16% supérieure à celle atteinte en position accroupie; l’énergie dépensée en position inclinée est cependant supérieure de 18% à celle requise par la position accroupie (Nag et coll., 1988).

Les accidents liés à la récolte, comme les lacérations et les coupures, sont fréquents dans les rizières et les champs de blé ou de canne à sucre. Les outils à main sont essentiellement conçus pour les droitiers, mais sont souvent utilisés par des gauchers qui ne savent pas quelles peuvent en être les implications au niveau de la sécurité. Les facteurs importants dans une faucille sont la géométrie et l’indentation de la lame ainsi que la forme et la taille de la poignée. Selon les résultats d’une étude ergonomique, on recommande les valeurs ci-après: poids, 200 g; longueur totale, 33 cm; longueur de la poignée, 11 cm; diamètre de la poignée, 3 cm; rayon de courbure de la lame, 15 cm; concavité de la lame, 5 cm. Pour une lame dentelée: pas des dents, 0,2 cm; angle des dents, 60°; rapport entre la longueur de l’arc de la lame et la corde sous-jacente, 1,2. Le travail s’effectuant souvent dans des conditions climatiques extrêmes, les problèmes de sécurité et de santé sont des questions à ne pas négliger dans les exploitations en milieu tropical. La fatigue cardio-respiratoire s’accumule après de longues heures de travail. Les conditions climatiques extrêmes et les troubles imputables à la chaleur aggravent les contraintes imposées aux travailleurs et diminuent leur capacité de travail.

Parmi les machines de récolte, on trouve les faucheuses, les récolteuses-hacheuses, les ramasseuses-presses, etc. On utilise également des moissonneuses mécaniques ou à traction animale pour les cultures de plein champ. Les moissonneuses-batteuses (automotrices ou tirées par un tracteur) sont très utiles pour la culture intensive et en cas de pénurie de main-d’œuvre.

La récolte du sorgho est effectuée en coupant l’épi puis la plante, ou l’inverse. Le coton est récolté en trois ou cinq cueillettes à la main, à mesure que les capsules mûrissent. La récolte des pommes de terre et des betteraves à sucre s’effectue manuellement (voir figure 64.19) ou à l’aide d’une récolteuse excavatrice à traction animale ou mécanique. Dans le cas de l’arachide, l’arrachage de la plante se fait manuellement ou mécaniquement, les coques étant ensuite séparées de leurs tiges.

Figure 64.19 Arrachage des pommes de terre à l'aide d'une houe à main

Figure 64.19

Le battage

Le battage est une opération qui consiste à séparer les grains des épis. Pour le riz, les méthodes séculaires de battage consistent à piétiner les panicules, à les battre sur une planche ou à les faire fouler par des animaux. Le battage est classé dans la catégorie des tâches moyennement pénibles (Nag et Dutt, 1980). Dans le battage manuel (voir figure 64.20), les travailleurs séparent de 1,6 à 1,8 kg de grains et de 1,8 à 2,1 kg de paille par minute pour les gerbes de taille moyenne.

Figure 64.20 Battage des panicules de riz

Figure 64.20

Les batteuses mécaniques assurent le battage et le vannage simultanément. Les batteuses à pédale (actionnées par oscillation ou rotation) permettent des rendements de 2,3 à 2,6 kg de paddy et de 3,1 à 3,6 kg de paille par minute. L’entraînement par pédale (voir figure 64.21) est plus fatigant que celui par manivelle, car il entraîne une tension musculaire intense. Grâce à des améliorations ergonomiques de la pédale, il est possible de réduire quelque peu cette tension en permettant au travailleur d’alterner position assise et position debout et de faire des mouvements de jambes plus rythmés. La batteuse à pédale atteint une puissance de battage optimale lorsque la charge placée sur le tambour est de 8 kg environ.

Figure 64.21 Batteuse à pédale

Figure 64.21

Progressivement introduites dans les zones où s’est développée la révolution verte, les batteuses mécaniques sont des machines dotées d’un moteur d’entraînement, d’une unité d’alimentation, d’une unité de battage, d’une unité de vannage et d’une sortie pour le grain. On utilise aussi des moissonneuses-batteuses automotrices.

Des cas d’accidents mortels ont été signalés lors d’opérations de battage effectuées au moyen de batteuses et de faucheuses-hacheuses à moteur. Le taux des accidents, qualifiés de moyennement graves à graves, est de 13,1 pour 1 000 batteuses (Mohan et Patel, 1992). Les mains et les pieds peuvent être pris dans le rotor de la machine. L’emplacement de la trémie d’alimentation contraint le travailleur à adopter une posture inconfortable; la courroie d’entraînement de la batteuse est également une cause fréquente d’accidents. Dans le cas des hacheuses, des accidents peuvent survenir lors du déversement du fourrage sur les couteaux en mouvement. Des enfants sont parfois blessés en jouant avec ces engins.

La station debout sur des plates-formes instables est souvent de règle dans ce type de travail; en cas de secousse ou de perte d’équilibre, le poids du torse peut entraîner les mains vers le tambour ou les couteaux. Les batteuses doivent donc être conçues de manière que la trémie d’alimentation se trouve à la hauteur des coudes et que le travailleur puisse se tenir debout en position stable. On peut améliorer les hacheuses en adoptant les mesures ci-après: (Mohan et Patel, 1992):

Pour le battage des arachides, la méthode conventionnelle consiste à tenir la plante d’une main et à la frapper contre une barre ou une grille. Pour le battage du maïs, on utilise une décortiqueuse à cylindres qui permet d’atteindre un débit de 25 kg/h. Les décortiqueuses rotatives manuelles permettent de plus gros débits (environ 50 à 120 kg/h). La longueur de la manivelle, la force requise pour l’actionner et la vitesse de l’opération sont des caractéristiques importantes de ce type de machine.

Le vannage

Le vannage est un procédé de séparation des grains et de la paille par ventilation, à l’aide d’un tarare manuel, à pédale ou à moteur. Dans le cas du tararage manuel (voir figure 64.22), le contenu est lancé en l’air et le grain et la paille se séparent par inertie. Les vanneuses mécaniques à pédale ou à main ne peuvent en général être actionnées qu’au prix d’un effort physique considérable.

Figure 64.22 Tararage manuel

Figure 64.22

Les autres opérations suivant la récolte incluent le nettoyage et le calibrage des graines, le décorticage, l’égrenage, l’épluchage, le découpage, l’extraction des fibres, etc. On utilise pour ces opérations divers types d’instruments manuels (éplucheuses de pommes de terre, déchiqueteuse, décortiqueuse de noix de coco). Le décorticage est le procédé par lequel les coques sont brisées et les graines extraites (arachide, ricin). Les décortiqueuses manuelles donnent des débits très faibles (environ 2 kg d’arachides décortiquées par heure de travail). Les travailleurs se plaignent fréquemment d’inconfort, car ils sont assis ou accroupis la plupart du temps. Les décortiqueuses oscillantes ou rotatives ont des débits d’environ 40 à 60 kg/h. D’autres opérations de décorticage complet consistent à débarrasser les graines de leurs pellicules pailleuses, les glumelles (paddy, graines de soja). Les décortiqueuses de riz sont par tradition des instruments manuels (à pédale ou à manivelle); elles sont très répandues en Asie. La force maximale que l’on peut exercer sur les pédales ou les manivelles de ces engins est un facteur important dans le choix des machines (taille et autres caractéristiques). Actuellement, les machines à moteur pour le traitement du riz sont aussi utilisées pour le décorticage. Dans le cas de certaines graines, comme le pois cajan, dont les glumelles sont très solidaires du grain, le décorticage s’effectue avec des machines de dépanouillage ou à écaler spéciales.

Les dimensions de la poignée et la force requise pour l’actionner ont, pour les outils à main et les machines actionnées manuellement, d’importantes caractéristiques dont il convient de tenir compte. Dans le cas des cisailles, c’est la force exercée à deux mains qui est déterminante. Bien que la plupart des accidents liés à l’utilisation d’outils à main soient considérés comme des accidents mineurs, ils sont souvent accompagnés de séquelles douloureuses et invalidantes, car les lésions ne sont pas toujours soignées à temps. Les modifications apportées à la conception de l’outillage à main devraient se limiter à celles que les artisans du village peuvent facilement réaliser. Quant aux engins mécanisés, ils appellent une attention particulière. Les chaussures de sécurité et les gants de protection disponibles dans le commerce sont bien trop coûteux et ne sont pas adaptés aux besoins des cultivateurs des régions tropicales.

La manutention manuelle des charges

La plupart des activités agricoles sont des activités manuelles (soulever, déposer, tirer, pousser ou porter de lourdes charges) qui peuvent être à l’origine d’atteintes du système musculo-squelettique, de chutes, de lésions de la colonne vertébrale, etc. Le nombre et la gravité des traumatismes pouvant résulter d’une chute augmentent considérablement dès lors que la chute intervient d’une hauteur supérieure à 2 m par rapport au sol, à moins qu’elle ne soit amortie si la victime tombe sur du terrain meuble, du foin, de la paille ou du sable.

Dans les régions rurales, il n’est pas rare de voir des personnes porter tous les jours des charges de 50 à 100 kg sur des trajets de plusieurs kilomètres (Sen et Nag, 1975). Dans certains pays, les femmes et les enfants doivent parcourir de longues distances pour aller chercher de l’eau en grandes quantités. Pour alléger le plus possible ces tâches, le récipient est posé sur la tête, la hanche, le dos ou les épaules. Ces méthodes de portage sont souvent associées à des problèmes biomécaniques et à des lésions de la colonne vertébrale (Dufaut, 1988). Des tentatives ont été faites pour améliorer les systèmes de portage sur l’épaule et les modèles de brouette, etc. Il faut savoir aussi que le transport à l’aide d’un joug transversal ou d’un matériel spécialement adapté pour le port sur la tête est plus efficace que l’usage d’un joug frontal. Le nomogramme de la figure 64.23 permet d’évaluer les charges maximales que l’on peut porter en fonction de la vitesse de marche et de la demande en oxygène. Basé sur un modèle statistique de régression multiple, il considère la demande en oxygène (variable indépendante), la charge portée et la vitesse de marche (variables dépendantes). Deux variables doivent être connues pour permettre de trouver la troisième. Ainsi, pour une demande en oxygène de 1,0 litre/min (équivalant à environ 50% de la capacité de travail maximale) et un rythme de marche de 30 m/min, la charge maximale sera d’environ 65 kg.

Figure 64.23 Nomogramme pour le calcul de la charge maximale portée sur
la tête ou à l'aide d'une palanche en fonction de la vitesse de marche
et de la demande en oxygène

Figure 64.23

Compte tenu de la diversité de leurs activités, les conditions de travail des populations agricoles peuvent être considérablement améliorées par des mesures d’ordre organisationnel telles que la conception d’outils et d’engins mieux adaptés, l’élaboration de nouvelles méthodes de travail, l’installation de dispositifs de protection sur les machines, l’optimisation de la protection des travailleurs dans leur milieu de travail, etc. (Christiani, Durvasula et Myers, 1990). Des recherches ergonomiques approfondies sur les méthodes et pratiques agricoles, les outils et l’équipement en général devraient favoriser l’acquisition de connaissances susceptibles d’améliorer la sécurité, la santé et la productivité de milliards de travailleurs agricoles. L’agriculture demeure le secteur d’activité économique le plus important au monde. Il devrait être possible de transformer l’image, souvent primitive, de cette activité millénaire en une image dynamique, notamment dans le cas de l’agriculture tropicale pratiquée par des populations à très faibles revenus. Dans ce contexte, les travailleurs ruraux pourraient être amenés à suivre une formation méthodique sur les risques de leur métier en même temps que des procédures de sécurité seraient élaborées pour les en préserver.

LA MÉCANISATION

Dennis Murphy

Si la mécanisation du travail agricole a libéré partout de très nombreux travailleurs de tâches pénibles et monotones, la vitesse et la puissance des machines utilisées ont considérablement contribué à l’aggravation des accidents du travail. Dans le monde entier, les pays pratiquant une agriculture mécanisée s’accordent pour placer les tracteurs et autres engins utilisés dans les champs et dans les fermes en tête des causes des accidents mortels ou suivis d’incapacités. Les outils à moteur contribuent également à ces accidents, mais ceux-ci sont en général moins graves. Par ailleurs, bien des machines présentent des risques environnementaux (bruit, vibrations, émanations dangereuses, etc.).

Les accidents liés à l’utilisation des tracteurs

Les tracteurs présentent de nombreux avantages qui font d’eux l’engin agricole le plus employé dans les exploitations agricoles. La plupart ont des pneus en caoutchouc, un système hydraulique et une prise de force; ils peuvent travailler à différents régimes. Conjuguées, ces caractéristiques leur confèrent vitesse, puissance, souplesse et adaptabilité. Les tracteurs peuvent cependant être à l’origine d’accidents extrêmement graves en cas de renversement latéral ou de basculement de l’engin vers l’arrière (cabrage), ou encore d’écrasement par l’engin lui-même ou de happement par une prise de force. Les accidents provoqués par le renversement ou le basculement d’un tracteur dépourvu d’une cabine ou d’un cadre de protection suffisamment résistants sont responsables de beaucoup plus de lésions ayant entraîné la mort que tout autre type d’accident survenant dans l’agriculture. Le tableau 64.6 donne une liste des accidents liés à l’utilisation des tracteurs et indique la manière dont ils se produisent généralement.

Tableau 64.6 Risques usuels liés aux tracteurs

Risques

Types d’accident

Description de l’accident

Renversement du véhicule

Renversement latéral

Le conducteur emprunte des pentes, braque trop vite, circule sur des terrains trop accidentés; les roues arrière s’enfoncent dans un trou ou tombent dans une dépression sur le bas-côté

Cabrage

Attelage d’un engin auxiliaire à un endroit autre que la barre d’attelage; les roues arrière sont prises dans un trou

Ecrasement de personnes

Chute du passager

La plupart des tracteurs sont conçus pour être conduits par une seule personne; par conséquent, toute autre personne montant à bord n’est pas en sécurité

Chute du conducteur

Le conducteur est fauché par une branche d’arbre trop basse ou est éjecté de son siège en circulant sur un terrain trop accidenté

Ecrasement du conducteur debout près du tracteur

Démarrage du tracteur par connexion à la batterie d’un autre véhicule avec une vitesse enclenchée par inadvertance. Le conducteur monte ou descend du tracteur en marche. Le tracteur roule pendant l’attelage ou le dételage d’engins auxiliaires

Ecrasement d’un spectateur ou d’un aide à pied

Les accidents impliquant des tiers touchent généralement les enfants que le conducteur ne voit pas.
Les accidents impliquant des aides sont similaires à ceux impliquant les conducteurs descendus de leur tracteur

Prise de force

Happement par l’arbre de prise de force

Absence de protection. La prise de force est engagée quand le tracteur est en marche.
Le conducteur descend ou monte à l’arrière du tracteur

Dérapages et chutes

En montant sur le tracteur ou en en descendant

Chaussures humides ou boueuses; marchepied trop haut; poignées hors de portée; précipitation; descente du mauvais côté

Perte d’audition due au bruit

Conduite du tracteur

Le pot d’échappement est manquant ou endommagé ou n’est pas conforme aux normes; le moteur du tracteur est mal entretenu; les parois métalliques de la cabine répercutent le bruit à l’intérieur.
Le niveau sonore dangereux est accentué par le bruit de la machine attelée au tracteur (les tracteurs plus anciens font généralement davantage de bruit que les plus récents)

Les accidents par renversement latéral ou basculement vers l’arrière

La stabilité (ou l’instabilité) d’un tracteur dépend de la position de son centre de gravité (CG), c’est-à-dire du point d’application de la résultante de toutes les forces (pesanteur, etc.) qui s’exercent sur lui. Lorsqu’un tracteur à deux roues motrices est à l’arrêt sur une surface horizontale, son CG se trouve généralement dans l’axe longitudinal de l’engin, à environ 25 cm au-dessus de l’essieu arrière et à 60 cm environ en avant de celui-ci. Sur les tracteurs à quatre roues motrices qui représentent aujourd’hui une proportion croissante des tracteurs mis sur le marché, de même que sur les tracteurs à articulation centrale, le CG est situé un peu plus vers l’avant de l’engin. Pour que le tracteur maintienne son équilibre, il faut que la projection verticale de son CG demeure à l’intérieur du périmètre de stabilité, quadrilatère imaginaire qui relie les points où les roues du tracteur sont en contact avec le sol (voir figure 64.24). La position du CG lui-même ne change pas par rapport au tracteur, mais sa position par rapport au périmètre de stabilité peut changer. Cela se produit le plus souvent lorsque l’engin passe d’un terrain horizontal à un terrain en pente; dans ce cas, le tracteur peut se trouver dans une position instable. Si la projection verticale de son CG passe à l’extérieur du périmètre de sécurité, il va se renverser. Si le tracteur, par ailleurs, est équipé d’un chargeur à benne frontale, d’un élévateur de balles ou d’un réservoir latéral destiné à recevoir des produits chimiques, par exemple, son nouveau CG se trouvera décalé vers cet accessoire; plus celui-ci sera haut, plus le CG de l’ensemble s’élèvera lui aussi.

Figure 64.24 Périmètres de stabilité de deux types de tracteurs

Figure 64.24

D’autres facteurs importants peuvent compromettre la stabilité d’un tracteur. On peut citer parmi eux la force centrifuge, le couple moteur de l’essieu arrière et l’effet de levier qu’exerce la barre d’attelage lorsqu’un engin agricole est attelé au tracteur. La force centrifuge est la force subie par un objet mobile en rotation et qui l’entraîne à l’extérieur de sa trajectoire. Cette force est proportionnelle au carré de la vitesse de l’objet et inversement proportionnelle au rayon de sa trajectoire, en supposant que celle-ci soit un cercle. Pour un rayon de braquage donné, la force centrifuge sera donc multipliée par quatre si l’on double la vitesse.

Sur un tracteur dont les roues motrices sont à l’arrière, le couple développé par le moteur est transmis à l’essieu arrière et aux roues. Si la marche avant est enclenchée, cela entraînera l’avance de l’engin. Si, pour une raison ou une autre, les roues arrière sont immobilisées, ce sera le tracteur qui tournera en sens inverse; l’avant se soulèvera, on dira que l’engin se cabre. Une fois que le centre de gravité sera sorti du périmètre de stabilité, le tracteur basculera en arrière, entraîné par son poids, se retournera ou s’écrasera contre un obstacle. On peut limiter le couple de basculement en lestant l’avant du tracteur par des masses dont le poids peut aller d’une centaine de kg à plus d’une tonne.

La barre d’attelage est un autre facteur susceptible de provoquer un cabrage. Le poids de l’engin attelé et de la charge qu’il transporte a pour effet de déplacer le CG de l’ensemble «tracteur/engin attelé» vers l’arrière. Les points de contact des roues arrière avec le sol déterminent un axe de pivotement autour duquel le tracteur peut basculer. Sur les tracteurs modernes, le point d’attelage a été abaissé pour réduire ce risque.

Les accidents par écrasement

Des accidents de ce type peuvent survenir notamment lorsque le conducteur tombe de son siège, lorsqu’un passager occasionnel tombe du tracteur ou encore lorsqu’une autre personne se fait écraser par l’engin. Cette personne peut être un passant ou un travailleur. Lorsque des engins sont attelés, ce sont eux parfois qui sont responsables d’accidents. Les passagers sont particulièrement exposés lorsque aucun siège n’a été prévu à leur intention. Le conducteur embarque quelquefois une personne pour lui faire gagner du temps ou encore pour qu’elle l’aide aux champs; il arrive aussi qu’il emmène avec lui un enfant dont il a momentanément la garde. Il est instamment recommandé de n’accepter aucun passager, et cela sous aucun prétexte, à moins que la cabine de conduite ne comporte un siège additionnel. Cette consigne se heurte toutefois aux réalités du monde agricole: désir bien compréhensible d’avoir de l’aide pour terminer un travail avant la pluie ou la nuit, impossibilité matérielle d’acquérir d’autres véhicules pour transporter des personnes, garde d’enfants, leçons de conduite aux futurs conducteurs, etc. Des personnes se trouvant à terre — généralement le conducteur lui-même ou un enfant — peuvent être écrasées par un tracteur ou un engin tracté en mouvement. Un conducteur peut être tenté de faire démarrer son véhicule alors qu’il est à terre; l’accident survient généralement lorsqu’il essaie de mettre en marche un tracteur de type ancien avec une vitesse enclenchée ou lorsqu’il fait démarrer un engin de type plus moderne dont il a préalablement neutralisé le verrouillage de sécurité. De jeunes enfants, particulièrement ceux de moins de cinq ans, sont parfois écrasés par un tracteur dont le conducteur ignorait leur présence; ils sont souvent attirés par les bruits de démarrage et s’approchent sans faire attention. S’ils savent que le conducteur embarque volontiers des passagers, ils seront tentés d’accourir vers un tracteur prêt à démarrer ou déjà en marche.

Pour prévenir les divers risques mentionnés plus haut, il importe d’appliquer les précautions ci-après:

Les accidents liés à l’utilisation des machines agricoles

L’agriculture mécanisée fait appel à une multitude de machines très diverses: certaines sont équipées d’une prise de force ou peuvent y être accouplées, d’autres sont actionnées par la pression hydraulique, d’autres encore entraînées par un moteur électrique ou à combustion interne (essence ou huile lourde). Certaines machines possèdent leur propre source d’énergie, alors que d’autres sont accouplées à un arbre de prise de force ou simplement tractées ou portées. Le tableau 64.7 donne une liste des risques liés à l’utilisation de ces machines ainsi que de leur localisation.

Tableau 64.7 Risques mécaniques usuels

Risques

Sources

Sites

Pincement, coincement

Deux pièces mécaniques mobiles et solidaires dont l’une au moins a un mouvement circulaire

Au point de contact des courroies d’entraînement et des poulies, des chaînes d’entraînement et des engrenages

Enroulement

Pièce mécanique rotative exposée ou non protégée

Arbres de prise de force, barres de bennes basculantes d’ensilage, lames d’épandeurs de fumier

Happement par cisaillement

Croisement des bords de deux pièces mobiles ou contact entre le bord d’une pièce mobile et celui d’une pièce fixe ou d’un matériau souple

Faucheuses, récolteuses-hacheuses de fourrage, moissonneuses-batteuses (menus grains), hache-paille, vis à grain

Ecrasement

Rencontre de deux objets mobiles ou d’un objet mobile se déplaçant en direction d’un objet fixe

Pneus ou extrémités avant ou arrière de tracteurs articulés, dispositif d’attelage, main prise sous une pièce d’un circuit hydraulique

Pièces en roue libre

Des pièces mécaniques poursuivent leur mouvement après la coupure de leur alimentation, généralement un mouvement rotatif de lames de couteau ou de pales de ventilateur

Récolteuses-hacheuses de fourrage, broyeurs d’aliments pour animaux, faucheuses rotatives, ensileuses souffleuses

Projections

Opérations mécanique de hachage, de concassage, de tronçonnage De petits objets (pierre, métal, verre, bois ou débris végétaux) peuvent être ramassés au passage et violemment projetés

Faucheuses rotatives, hacheuses, moissonneuses-batteuses-hacheuses, épandeurs de fumier

Décharges

Décharge involontaire ou inopinée d’énergie accumulée

Ressorts, circuits hydrauliques, air comprimé, circuits électriques

Brûlures

Brûlures de la peau par contact avec des pièces mécaniques brûlantes

Pot d’échappement, blocs-moteurs, tuyaux, fluides (carburants, lubrifiants, produits chimiques)

Happement

Aux points d’alimentation des machines

Cueilleuses-dépanouilleuses d’épis de maïs, moissonneuses-batteuses, récolteuses-hacheuses, ramasseuses-presses

Perte d’audition liée au niveau sonore

Machines en marche

Tracteurs, vis à grain, machines utilisées dans les champs, séchoirs, souffleuses de silo, broyeuses d’aliments pour animaux, hache-paille Les niveaux sonores de plusieurs machines peuvent s’additionner pour constituer une nuisance. Le matériel récent est généralement moins bruyant que l’ancien

La puissance et la vitesse des machines

La plupart des machines agricoles sont des engins puissants qui tournent à des vitesses élevées, et les travailleurs ne se rendent souvent pas suffisamment compte des risques qu’ils peuvent encourir de ce fait. La puissance développée par une machine, même petite, peut certes varier considérablement suivant le régime adopté; elle n’en reste pas moins toujours très supérieure à celle de l’être humain. Ainsi, un mouvement rapide de traction exercé par le bras met en œuvre une puissance bien inférieure à 0,75 kW, voire beaucoup moins, alors qu’une tondeuse à conducteur accompagnant peut avoir un moteur de 12 kW et une force de succion vingt à quarante fois supérieure à celle qu’il faudrait à une personne pour s’en dégager. Une machine de dimensions moyennes pourra avoir une puissance de 30 à 45 kW, alors que la puissance maximale d’un tracteur dépasse couramment 100 kW.

La combinaison de la puissance et de la vitesse crée de nombreuses situations potentiellement dangereuses pour les travailleurs. Ainsi, l’arbre de prise de force qui permet de transmettre la puissance du moteur d’un tracteur à un engin qui lui est accouplé tourne à 540 tours/min (soit 9 tours par seconde) et peut atteindre 1 000 tours/min (soit 16,7 tours par seconde) à plein régime. Si un vêtement venait à être happé par un arbre en rotation de 75 mm de diamètre dépourvu de carter de protection, et même si cet arbre ne tournait qu’à vitesse réduite (par exemple, 270 tours/min) et si la personne réagissait rapidement (disons en une seconde), le vêtement se serait déjà enroulé sur une longueur de plus de 1 m autour de l’arbre. Une vitesse plus rapide de l’arbre ou une réaction plus lente de la victime lui laisserait encore moins de chances de se dégager.

Si une machine entraînée par la prise de force d’un tracteur fonctionne à plein régime, les produits agricoles qu’elle reçoit auront une vitesse de l’ordre de 3,7 m/s. Si le travailleur alimente la machine à la main et se fait happer, il ne pourra se libérer à temps car, en 0,3 seconde (temps de réaction plutôt court), sa main aura été entraînée sur plus de 1 m. Ce type d’accident survient le plus souvent lorsque des matières végétales obstruent l’entrée de la machine et que le travailleur essaie de la dégager avant l’arrêt complet de la machine.

Les règles de sécurité relatives aux machines agricoles

Ces règles consistent essentiellement à mettre et à maintenir en place tous les dispositifs et systèmes de protection fournis par le constructeur ou apportés par la suite, à contrôler leur bon fonctionnement de manière régulière et à les entretenir convenablement. Des autocollants devraient être apposés sur les machines et les engins mécanisés pour rappeler ces exigences aux exploitants et aux utilisateurs. Lorsqu’ils doivent être enlevés ou rendus inopérants à des fins de nettoyage, d’entretien ou de réglage, ces dispositifs et ces systèmes seront remis en place sans délai. Les consignes de sécurité devraient être observées rigoureusement. Ainsi, le moteur d’un tracteur devrait être arrêté, les prises de force déclenchées et les systèmes hydrauliques mis hors service avant toute intervention sur l’équipement considéré. Les recommandations du manuel d’utilisation devraient avoir été bien assimilées. Il conviendrait de dispenser aux travailleurs une formation appropriée et, en particulier, de les avoir rendus attentifs aux risques qu’ils peuvent encourir et aux précautions à prendre.

Les constructeurs de tracteurs et de machines agricoles s’efforcent d’améliorer constamment la sécurité et le confort des matériels qu’ils mettent sur le marché. Ainsi, en ce qui concerne plus particulièrement les tracteurs, on peut disposer aujourd’hui de cabines ventilées et climatisées, de filtres à air de cabine dont certains offrent également une protection contre le pollen, de postes de conduite réversibles assurant une meilleure visibilité à l’arrière et sur les côtés, de sièges-passager à suspension, d’une prise de force supplémentaire à l’avant et de divers autres perfectionnements destinés à alléger considérablement la conduite et à la rendre plus sûre.

Les machines agricoles

Les machines agricoles sont conçues pour travailler la terre et la rendre plus propice à la croissance des récoltes, pour semer le grain, pour épandre des produits chimiques qui favorisent le développement des plants ou luttent contre les maladies et les parasites; elles servent aussi à moissonner et à engranger les récoltes. Il existe une très grande variété de machines agricoles qui consistent essentiellement en une combinaison de rouages, d’arbres de transmission, de chaînes, de courroies, de couteaux, de vibreurs, etc., destinés à accomplir une tâche précise; ces organes se trouvent généralement à l’intérieur d’un bâti fixe ou plus souvent mobile. Les principales catégories de machines agricoles sont: les machines de labour, les machines à semer et à planter, à travailler le sol, à récolter les fourrages, les céréales, les fibres végétales, les légumes, les fruits et les noix; les machines de chargement et de transport; les pulvérisateurs de produits chimiques agricoles; et les machines de triage et de conditionnement.

Les machines de labour . Elles comprennent les charrues, les cultivateurs, les sous-soleuses, les herses, les rouleaux, les niveleuses, les calibreuses, etc., et sont conçues pour retourner la terre, la remuer, la tasser ou l’aplanir pour la préparer à l’ensemencement. Ces machines peuvent être soit petites et ne nécessiter dans ce cas qu’une source de faible énergie (comme les motoculteurs pour labourer les rizières), soit beaucoup plus grosses et exiger une source d’énergie considérable, comme les machines combinées fouilleuses-semoirs-herses.

Les machines à planter . Elles comprennent les semoirs simples, les semoirs rayonneurs, les semoirs à la volée, etc., et sont conçues pour reprendre les semences contenues dans un bac ou une trémie et les enfouir dans le sol à une profondeur et un espacement prédéterminés ou pour les répandre uniformément à la surface du sol. Les semoirs peuvent être simples et travailler sur un seul rang à la fois, ou beaucoup plus complexes, comme les semoirs rayonneurs qui traitent simultanément plusieurs rangs et, grâce à divers accessoires, peuvent en outre épandre des engrais, des pesticides ou des désherbants en une seule opération.

Les machines à travailler le sol . Elles comprennent les bineuses rotatives, les cultivateurs, les scarificateurs (mécaniques ou par le feu), etc., et servent à arracher les mauvaises herbes qui envahissent les cultures, leur disputent l’humidité du sol et rendent la récolte plus difficile. Elles servent aussi à remuer la couche superficielle de manière à favoriser la pénétration des eaux pluviales.

Les machines à récolter les fourrages . Ce sont les faucheuses, les hacheuses, les presses, etc. Elles sont conçues pour couper près de leur racine les tiges des fourrages grossiers et les préparer pour la presse ou l’utilisation immédiate. Ces machines sont également d’une complexité très variable. La simple faucheuse ne fait que couper les tiges au niveau des racines, alors que la faucheuse-hacheuse-chargeuse réduit en outre la plante entière en menus morceaux qu’elle charge dans un véhicule ou une remorque attelée à la machine. Les crêpeurs, qui écrasent ou brisent la tige des plantes, servent à activer sur place le processus de séchage des cultures fourragères afin d’éviter leur détérioration, surtout pour les légumineuses destinées à l’entreposage à sec ou à la mise en balles. Les presses à agglomérer servent à comprimer les cultures fourragères pour les transformer en blocs compacts destinés à l’alimentation mécanique du bétail, les presses à balles à mettre le fourrage en balles de forme cylindrique afin d’en faciliter l’entreposage et la manutention. Il y a des balles assez petites (20 à 40 kg) pour être manipulées manuellement, alors que d’autres sont d’un tel poids (400 à 500 kg) qu’elles nécessitent l’utilisation d’engins de manutention mécaniques.

Les machines à récolter les céréales et les fibres végétales. Elles comprennent les moissonneuses, les moissonneuses-lieuses, les cueilleuses-dépanouilleuses d’épis de maïs, les batteuses et les moissonneuses-batteuses. Elles servent à séparer de leurs tiges le grain ou la fibre arrivés à maturité et à les recueillir dans une benne ou des sacs pour les transporter jusqu’au lieu d’entreposage. La récolte des céréales peut nécessiter l’emploi de plusieurs engins tels qu’une moissonneuse-lieuse pour couper les céréales sur pied, des camions pour transporter les gerbes à la batteuse et des élévateurs pour charger les sacs de grain dans des véhicules qui les achemineront au lieu d’entreposage. Il se peut aussi que la plupart de ces opérations soient effectuées par une seule machine, comme la moissonneuse-batteuse-ensacheuse (voir figure 64.25) qui coupe la tige sur pied, sépare les grains de la tige et les déverse dans des sacs tout en avançant dans le champ. Ces machines combinées peuvent aussi déverser les grains dans des véhicules de transport. Les ramasseuses de maïs et de coton n’effectuent qu’une seule opération et, en général, séparent uniquement le grain ou la touffe fibreuse de la tige.

Figure 64.25 Moissonneuse-batteuse-ensacheuse sans cabine étanche
pour la récolte du blé

Figure 64.25

Les machines à récolter les légumes. Elles comprennent les défonceuses et les arracheuses destinées soit à recueillir les récoltes en retournant la terre, soit à arracher toute la plante après l’avoir dégagée. Les arracheuses de pommes de terre, par exemple, peuvent être des machines complexes effectuant le ramassage, le tri, le classement, le nettoyage, l’emballage et le chargement par élévateurs ou bandes transporteuses. A l’autre extrême, il y a l’arracheuse simple de betteraves, à deux roues et à soc, qui doit être suivie par des travailleurs accomplissant le reste des opérations à la main.

Les machines à récolter les fruits et les noix . Elles peuvent consister en un simple vibreur monté sur tracteur qui sépare le fruit mûr de l’arbre, mais aussi en machines très complexes qui récoltent le fruit, interceptent sa chute pour le déposer dans un récipient de stockage et le charger ensuite sur des véhicules de transport.

Les machines de chargement et de transport . Elles sont également de complexité très variables; leur taille peut aller, par exemple, d’une simple plate-forme sur roues à des véhicules autochargeurs effectuant l’empilage des produits. Des sauterelles à chaîne, à barettes ou à bande sont utilisées pour transporter les matériaux encombrants (foin, paille, épis de maïs, etc.) d’un véhicule au lieu de stockage ou d’un bâtiment à un autre. Les élévateurs à vis servent à élever d’un niveau à un autre le grain ou les matières granuleuses; les machines pneumatiques ou soufflantes sont utilisées pour transporter les produits légers ou pulvérulents soit horizontalement, soit verticalement.

Les pulvérisateurs de produits chimiques agricoles . Ils servent à épandre des engrais pour favoriser la croissance, et des désherbants ou des pesticides pour lutter contre les mauvaises herbes et les ravageurs. Ces produits peuvent être liquides, en poudre ou en granulés; les applicateurs agissent soit par pression à travers une buse, soit par application de la force centrifuge. Divers modèles sont transportables à dos d’homme, d’autres sont montés sur des véhicules. L’utilisation d’avions et d’hélicoptères pour épandre les produits chimiques est de plus en plus courante.

Les machines de tri et de conditionnement . Ces machines sont généralement fixes. Elles peuvent être très simples, tel le van mécanique qui trie et nettoie le grain en un seul passage sur une succession de tamis, ou, au contraire, fort complexes, comme le trieur de semences qui non seulement trie et nettoie, mais aussi sépare les différentes espèces de semences. Les machines de conditionnement font généralement partie d’un système perfectionné de tri; elles sont utilisées surtout pour les fruits et les légumes et permettent aussi bien d’envelopper les produits dans du papier que de les ensacher ou de les introduire dans un emballage en matière plastique.

Les sources d’énergie . Les machines fixes placées à proximité d’un réseau de distribution peuvent être actionnées par des moteurs électriques. Cependant, étant donné que de nombreuses machines agricoles sont mobiles et doivent souvent être employées sur de grands espaces, elles sont généralement mues par leur propre moteur à combustion interne ou par le moteur d’un engin auxiliaire, tracteur ou autre. La force motrice du tracteur peut être transmise à la machine par courroie, par chaîne, par engrenage ou par un arbre de transmission. La plupart des tracteurs sont équipés d’une prise de force spécialement conçue à cette fin.

L.W. Knapp, Jr.*

* Adapté de la 2e édition de l’Encyclopédie de médecine, d’hygiène et de sécurité du travail.

LES CULTURES VIVRIÈRES

LE RIZ

Malinee Wongphanich

Le riz constitue la denrée de base des populations asiatiques; il est consommé cuit ou moulu pour obtenir la farine qui servira à la panification et, à ce titre, c’est un aliment qui intéresse la planète tout entière. Plusieurs variétés de riz sont cultivées pour répondre aux goûts des consommateurs. La riziculture est pratiquée sur des terres inondées et marécageuses de plaine ou sur des plateaux et collines où l’eau de pluie est suffisamment abondante.

Les étapes de la riziculture

Le riz peut être cultivé soit manuellement soit en faisant appel à une mécanisation partielle ou totale, le choix étant dicté par le niveau de développement technologique local et les exigences de productivité. Toutefois, quel que soit le mode de culture adopté, il faut nécessairement passer par les étapes suivantes:

  1. Labour . La terre est labourée en trois étapes successives pour éliminer les mottes de terre, ameublir le sol et le rendre aussi bourbeux que possible. Les charrues de labour sont le plus souvent tirées par des buffles, des bœufs ou des vaches de trait, bien que l’on fasse de plus en plus appel à la mécanisation.
  2. Désherbage . Cette étape est réalisée en trois passages successifs au cours desquels on irrigue les terres cinq jours durant et on les laisse sécher pendant cinq autres. A la fin de chaque cycle, la terre est battue à l’aide d’un outil en bois assez lourd pour tuer les jeunes plantes adventices que l’on utilise ensuite comme engrais.
  3. Préparation des semis . Les semis sont tout d’abord placés dans une jarre remplie d’eau à laquelle on ajoute du sel pour que les graines saines tombent au fond. Ces graines sont ensuite rincées, mises à tremper pendant une nuit, emballées dans un tissu épais ou dans un sac pendant deux nuits pour qu’elles commencent à germer, puis elles sont semées sur les terres qui auront été préparées préalablement. On les laissera se développer pendant une trentaine de jours.
  4. Repiquage. Les jeunes plants ou plantules sont rassemblés en bottes de trois à cinq plants et ensuite repiqués en ligne dans la terre où ils continuent de se développer pendant une dizaine de jours. Au bout de 45 jours au total, la plante est entièrement levée et des panicules commencent à se développer.
  5. Récolte. Au bout d’une centaine de jours, on procède à la récolte. Les gerbes sont cueillies à la main (voir figure 64.26) ou coupées à la faucille ou avec d’autres outils similaires.
  6. Figure 64.26 Récolte manuelle du riz en Chine, 1992

    Figure 64.26

  7. Séchage . Il se pratique à l’air libre et au soleil pour abaisser le taux d’humidité du paddy à moins de 15%.
  8. Battage . Cette étape consiste à séparer les grains de paddy des panicules. On fait ordinairement appel à des buffles ou à des bœufs pour traîner un peigne sur les gerbes afin d’en séparer les grains, mais on utilise aussi des machines de fabrication locale.
  9. Stockage . Les grains et la paille sont stockés dans des granges ou silos.

Les risques

Les risques les plus fréquents sont liés aux facteurs ci-après:

Les mesures de sécurité et de santé

Les conditions de travail peuvent être améliorées et les risques de maladies réduits par une mécanisation plus poussée des activités rizicoles. Les mesures d’ordre ergonomique concernant l’organisation du travail et les équipements ainsi que la formation systématique à l’adoption de bonnes postures de travail sont également des facteurs essentiels.

Les mesures de prévention médicale nécessaires devraient être strictement appliquées: cours d’initiation au secourisme, ouverture de dispensaires, lancement de campagnes de promotion de la santé et suivi médical des travailleurs.

L’amélioration des conditions de vie des travailleurs rizicoles passe nécessairement par l’attention portée à l’habitat et aux normes d’hygiène, l’accès à l’eau potable, une meilleure hygiène alimentaire, la salubrité de l’environnement et une économie stable.

Les conventions et recommandations de l’Organisation internationale du Travail (OIT) devraient être observées dans toutes les situations où elles sont applicables. On mentionnera à cet égard:

LES CULTURES CÉRÉALIÈRES ET OLÉAGINEUSES

Charles V. Schwab

Les plantes de la famille des graminées — blé, seigle, orge, avoine, maïs, riz, sorgho, mil, etc. — sont des marchandises de valeur, occupant une place centrale dans la production agricole. Les céréales apportent des hydrates de carbone sous une forme hautement concentrée et constituent une importante source d’aliments pour les êtres humains et les animaux.

Les céréales fournissent environ 60% des calories et 55% des protéines composant habituellement le régime alimentaire des êtres humains, le pain étant la forme sous laquelle les céréales sont le plus souvent transformées; toutefois, celles-ci entrent aussi dans la composition de boissons comme la bière ou d’autres alcools et spiritueux fabriqués par distillation, dont elles constituent l’ingrédient principal. Les céréales servent aussi à l’alimentation des animaux comme les bêtes de somme, les animaux domestiques ou de compagnie et ceux qui sont élevés pour la production de viande destinée à la consommation humaine.

Les cultures céréalières sont nées avec la civilisation. En 1996, la production mondiale a atteint 2 003 380 000 tonnes, ce volume ayant augmenté de plus de 10% depuis le milieu des années quatre-vingt.

Les plantes cultivées pour leur huile, que l’on appelle aussi des oléagineux, sont principalement le soja, le colza et le tournesol et, bien qu’il en existe plus d’une dizaine, ces trois cultures se partagent la plus grande part du marché avec le soja comme première production. Pratiquement tous les oléagineux sont broyés pour en extraire de l’huile végétale et des farines à haute teneur protéique. Ces huiles sont pour la plupart des huiles à salade ou de cuisson, alors que les farines servent principalement à l’alimentation animale. En 1996, la production mondiale a atteint 91 377 790 tonnes, soit presque 41% d’augmentation en dix ans (base de données FAOSTAT, http:/apps.fao.org/debut.htm).

La production céréalière et oléagineuse est influencée par des facteurs régionaux tels que le climat et la géographie. Les sols secs ne conviennent pas à la production du maïs, tandis que les sols humides ne favorisent pas la culture du blé. La température, la pluviosité, la fertilité des sols et la topographie sont aussi des facteurs pouvant gêner ou favoriser la croissance de certaines cultures céréalières et oléagineuses.

La production s’articule autour de quatre activités principales: préparation des semis et plantation, récolte, stockage, acheminement des produits vers les marchés ou les usines de transformation. Certaines activités ont considérablement évolué avec l’agriculture moderne, mais d’autres sont restées pratiquement inchangées depuis les débuts de la civilisation. La mécanisation agricole a engendré de nouveaux risques pour les travailleurs.

Les risques et leur prévention

Tous les outils et les machines servant à la récolte des cultures céréalières, de la simple faux à la moissonneuse-batteuse, sont potentiellement dangereux. Ce sont des outils agressifs, conçus pour couper, broyer ou hacher les végétaux, et ils ne font malheureusement pas la différence entre une plante et une personne. Les risques mécaniques associés à l’utilisation de ces outils sont nombreux: ils peuvent couper, happer, écraser, pincer et entraîner les vêtements et d’autres matériaux dans leurs rouages et leurs mécanismes. Une moissonneuse-batteuse happe les tiges de maïs à une vitesse de l’ordre de 3,7 m/s, rythme trop rapide pour éviter l’accrochage, même pour un individu ayant une vitesse de réaction normale. Les vis sans fin et les prises de force tournent respectivement à des vitesses de 3 m/s et 2 m/s et présentent des risques du même genre.

Les travailleurs agricoles peuvent aussi être atteints d’hypoacousie en raison du niveau sonore élevé des machines et des équipements. Le bruit généré par les ventilateurs hélicoïdes soufflant de l’air chaud à l’intérieur des entrepôts ou des silos pour sécher le grain peut atteindre 110 dBA, voire davantage. Comme ces structures sont souvent situées près des logements et tournent continuellement pendant les campagnes, les travailleurs et les membres de leur famille souffrent souvent de pertes d’audition après avoir été exposés à ce type de nuisances pendant de longues périodes. Parmi les autres sources de bruit pouvant contribuer à une perte d’audition, on mentionnera les machines telles que les tracteurs, les moissonneuses-batteuses et les convoyeurs, ainsi que le passage du grain dans une goulotte de déchargement.

Les travailleurs agricoles sont également exposés à un risque important de suffocation s’ils se font engloutir dans le grain que l’on déverse ou si des amas de grains cèdent sous leurs pieds. Il est quasiment impossible de leur venir en aide en raison de la masse considérable des grains qui les recouvrent. On peut prévenir de tels accidents en coupant systématiquement l’alimentation des chargeurs ou des convoyeurs avant de pénétrer dans ces enceintes et en fermant toutes les vannes de déversement par gravité. Il est difficile de prévenir l’enlisement quand un tas de grains s’effondre, mais les travailleurs peuvent éviter ce genre d’accident en se renseignant sur la structure de l’installation et la nature du produit qui y est stocké. Ils doivent en outre observer les procédures d’entrée dans un espace confiné quand ils manipulent le grain.

Pendant les phases de récolte, de stockage et de transport des céréales et des oléagineux, les travailleurs sont exposés aux poussières, aux spores fongiques, aux mycotoxines et aux endotoxines qui peuvent être dangereuses pour l’appareil respiratoire. Les poussières sont des substances biologiquement actives qui peuvent produire des irritations, des réactions allergiques ou inflammatoires ou encore des infections pulmonaires. Les travailleurs peuvent éviter ou réduire leur exposition aux poussières en portant un équipement de protection individuelle approprié comme un appareil de protection respiratoire automatique à filtre ou à adduction d’air. Certains systèmes de manutention et de stockage réduisent au minimum la formation de poussières, alors que certains additifs, comme les huiles végétales, peuvent empêcher que les poussières ne passent en suspension dans l’air.

Au cours du stockage, il peut arriver que le grain pourrisse et dégage des gaz toxiques, présentant alors un risque de suffocation pour les travailleurs. Le dioxyde de carbone (CO2) peut s’accumuler à la surface du grain et éliminer l’oxygène, créant un grand danger pour les travailleurs si le taux d’oxygène chute à moins de 19,5%. Les appareils de protection respiratoire ordinaires à filtre sont inutiles dans ce cas.

Un autre risque est celui de l’incendie ou de l’explosion au cours du stockage ou de la manutention de grains ou d’oléagineux. Les particules de poussières mises en suspension dans l’air lorsqu’on remue le grain créent une atmosphère propice à une puissante explosion; un palier surchauffé ou une courroie frottant contre un autre élément pourront suffire pour déclencher une explosion. Ce sont les grands silos-élévateurs installés dans les zones portuaires où d’énormes quantités de grain sont stockées qui présentent le plus de risques. On veillera au bon entretien des lieux où le grain est entreposé pour réduire le plus possible les risques d’incendie et d’explosion.

S’ils permettent d’améliorer la fertilité des sols, de réduire la concurrence des mauvaises herbes et des ravageurs et d’accroître le rendement, les produits chimiques — que l’on utilise au début du cycle de production pour la préparation des couches de semis et la plantation — présentent aussi des risques pour la santé des travailleurs. La principale source d’inquiétude vient du danger que représente une exposition prolongée à de tels produits. Certains, notamment l’ammoniac (NH3) lorsqu’il est utilisé comme engrais conditionné sous forme de liquide sous pression, peuvent provoquer des lésions immédiates. Composé hygroscopique, l’ammoniac absorbe l’humidité, provoquant des brûlures par corrosion des tissus corporels. Puissant irritant des poumons, mais facilement décelable, l’ammoniac est caractérisé par un faible point d’ébullition et gèle au contact, causant un autre type de brûlures graves. Le port d’un équipement de protection individuelle est le plus sûr moyen d’éviter ce type de risques. Si l’on a été en contact avec ce gaz, il faut immédiatement rincer abondamment à l’eau la zone affectée.

Les travailleurs agricoles sont aussi exposés à des risques de glissade ou de chute. Une chute d’une hauteur de 3,7 m peut être mortelle. Or, les plates-formes de nombreuses machines et de la plupart des installations de stockage se trouvent souvent à des hauteurs bien supérieures pouvant atteindre jusqu’à 30 m et ne sont accessibles qu’à l’aide d’échelles. Les facteurs climatiques comme la pluie, la boue, la glace ou la neige peuvent aussi causer des accidents en rendant les surfaces glissantes; il faut donc installer garde-corps et mains courantes et porter des chaussures munies de semelles antidérapantes. On utilisera également des harnais et des filins de sécurité pour arrêter les chutes et réduire ainsi les risques d’accidents.

LA CULTURE ET LA TRANSFORMATION DE LA CANNE À SUCRE

R.A. Muñoz, E.A. Suchman, J.M. Baztarrica et Carol J. Lehtola*

* Adapté de la 3e édition de l'Encyclopaedia of Occupational Health and Safety.

La culture

La canne à sucre est une plante vivace cultivée dans les régions tropicales et subtropicales aux fins de l’extraction du saccharose et de sous-produits tels que la mélasse et la bagasse (résidu cellulosique). Elle croît en massifs de tiges cylindriques de 1,25 à 7,25 cm de diamètre pouvant atteindre 6 à 7 m de hauteur. Ses tiges poussent en hauteur jusqu’à ce qu’elles deviennent trop lourdes pour se maintenir droites et tombent sur le côté pendant que d’autres tiges continuent de pousser verticalement. On obtient ainsi un champ de cannes à sucre poussant les unes sur les autres, formant un quadrillage ressemblant à la trame d’un filet. Les tiges de la plante contiennent une sève dont on extrait le sucre. On cultive la canne à sucre partout aux Caraïbes, en Amérique centrale et du Sud, en Inde, dans les îles du Pacifique, en Australie, en Afrique centrale et australe, à Maurice et dans le sud des Etats-Unis. La canne à sucre est utilisée principalement pour la production sucrière, mais elle sert également à la fabrication du rhum par fermentation et distillation. La bagasse, résidu ligneux laissé après l’extraction du jus, peut être employée dans la fabrication de pâte à papier ou d’autres produits, ou encore comme combustible.

Dans des conditions favorables et moyennant l’emploi judicieux de pesticides et d’engrais, la canne à sucre croît rapidement. Si l’on veut en extraire le maximum de sucre (de 1 à 17% de son poids total), il faut la récolter dès l’instant où la plante a atteint son dernier stade de croissance. Avant de procéder à la récolte, on brûle les champs (en veillant bien à ne pas abîmer la canne) pour éliminer les mauvaises herbes et détruire les serpents, les insectes dangereux et les autres ravageurs qui vivent sous l’épais couvert végétal. La récolte se fait soit manuellement à l’aide de machettes, soit mécaniquement avec des coupeuses de canne, procédé de plus en plus répandu actuellement. La récolte reste toutefois manuelle dans de nombreuses régions du monde, ainsi que dans les champs qui ne se prêtent pas à l’utilisation de machines. On emploie beaucoup de travailleurs migrants ou saisonniers, surtout dans les régions où la récolte se fait manuellement.

Pour ne pas perdre de son contenu en sucre, la canne doit être traitée aussitôt la récolte terminée; c’est la raison pour laquelle les raffineries sont généralement situées à proximité des principales régions productrices. Les cannes y sont acheminées par tracteur ou semi-remorque ou encore, dans certaines régions, par voie ferrée spécialement aménagée sur les plantations.

Les risques et leur prévention

Dans les régions où les récoltes sont réalisées surtout à l’aide d’outils à main, la machette est une cause fréquente d’accidents, allant de la simple coupure au sectionnement d’un membre. De tous les outils, la machette est aussi celui qui est le plus souvent utilisé par les travailleurs les moins qualifiés. On peut éviter un certain nombre d’accidents en gardant toujours les lames de machettes bien affûtées, car une lame bien aiguisée permet au travailleur de limiter l’ampleur de son geste et de mieux contrôler son outil. Il peut arriver qu’au cours de querelles les travailleurs se servent de leur machette comme d’une arme. Parmi les mesures de protection contre les coupures de machette, on mentionnera les gants de protection spéciaux doublés d’un revêtement en mailles métalliques, les chaussures avec embouts renforcés et les protections spéciales pour les bras et les jambes. Le port de bottes protégera également des morsures de serpents. Les yeux ne sont pas non plus à l’abri d’accidents tels que blessures ou coupures provoquées par des tiges de cannes; on recommandera donc aux travailleurs de porter un masque quand ils récoltent à la main. Comme la culture de la canne à sucre est pratiquée dans les régions tropicales et subtropicales, on pensera aux problèmes de santé liés à la chaleur que le port de vêtements de protection peut accentuer. Dans ces régions où l’on est exposé à d’intenses rayonnements solaires, les cas de cancer de la peau ne sont pas rares; on prendra donc les précautions nécessaires pour se protéger du soleil ou limiter l’exposition à ses rayonnements.

La récolte manuelle est aussi propice à l’apparition de troubles musculo-squelettiques dus à l’effort physique et aux mouvements répétitifs. Le poids de la machette, son tranchant et la fréquence des coups administrés par le travailleur constituent d’autres facteurs à prendre en compte dans les affections de ce type. On se reportera à ce sujet à l’article «Les opérations manuelles en agriculture» dans ce chapitre.

Il faut éviter les risques d’infection en cas de coupures ou d’écorchures. Dans les récoltes mécanisées, les risques liés à l’utilisation des machines sont similaires à ceux que posent tous les engins de récolte.

Les pesticides et autres produits chimiques présentent des risques d’intoxication s’ils sont absorbés par la peau ou inhalés. Les travailleurs chargés d’appliquer ces produits devraient être informés des risques que ces opérations comportent. Des tenues spéciales de protection leur seront fournies et des douches et installations sanitaires adéquates mises à leur disposition. Le matériel utilisé devrait être convenablement entretenu et réparé en cas de besoin pour éviter toute fuite accidentelle. Les pulvérisateurs à dos devraient faire l’objet d’une attention particulière, car les cas de fuite ne sont pas rares et le produit risque de couler sur l’utilisateur. L’épandage aérien pose aussi des problèmes dans la mesure où les retombées de pesticides risquent de toucher les personnes se trouvant à proximité de la zone traitée. Les bidons de pesticides portent des étiquettes sur lesquelles on peut lire des instructions pratiques et relatives à la manipulation et à l’élimination du produit après emploi; des indications y sont notamment données sur le délai d’attente à respecter avant de pénétrer dans un champ qui vient d’être traité.

Les raffineries (sucreries)

L’industrie sucrière ne produit pas uniquement des aliments destinés à la consommation humaine, mais également certaines qualités de sucre et certains résidus qui sont utilisés comme éléments nutritifs d’appoint dans l’alimentation du bétail, ainsi que divers produits d’importance commerciale, extraits de la matière première et de ses sous-produits.

Parmi les dérivés immédiats des plantes sucrières, les plus importants sont le saccharose, le glucose, le lévulose, la raffinose, la pectine, les cires et les bétaïnes. Parmi les sous-produits, on peut citer les émondes (utilisées pour l’affouragement), la bagasse, le rhum et les mélasses. La transformation industrielle de la canne à sucre permet la fabrication de produits tels que l’octacétate de saccharose, l’alcool éthylique et les acides acétique, citrique, glutamique, oxalique, formique et saccharique. Diverses sortes de papiers et de panneaux d’aggloméré sont fabriqués à partir de la bagasse, qui peut être également utilisée, une fois séchée, comme source de biogaz ou comme combustible dans les raffineries.

A la sucrerie, les cannes sont broyées entre de gros cylindres (moulins à cannes) pour en extraire le jus. Ce jus contient du saccharose, du glucose, du lévulose, des sels et des acides organiques; on y trouve également, en suspension, des fibres de bagasse, des impuretés, de l’argile, des substances colorantes, de l’albumine et de la pectine. En raison de la présence de ces deux dernières substances, le jus ne peut être filtré à froid; il sera nécessaire de procéder à un traitement thermique et chimique pour éliminer les impuretés et en extraire le saccharose.

Suit une étape de clarification où le jus, auquel on ajoute des précipitants à base de chaux, est chauffé. Le jus ainsi clarifié est alors concentré par évaporation sous vide jusqu’à ce que l’on obtienne un précipité qui se présente sous forme de cristaux grisâtres. Le jus concentré, appelé mélasse, contient 45% d’eau; après centrifugation, on obtient du sucre granulé (sucre roux) qui peut être directement commercialisé; cependant, ce produit est généralement soumis à un raffinage qui permet d’obtenir le sucre blanc. Dans les raffineries, le sucre roux est dissous au moyen de substances chimiques comme le trioxyde de soufre et l’acide phosphorique, puis il est filtré, avec ou sans noir animal, selon le degré de pureté que l’on désire obtenir. Le sirop filtré est évaporé sous vide jusqu’à la cristallisation; il est ensuite soumis à une opération de centrifugation qui permet d’obtenir une poudre blanche cristallisée.

Les risques et leur prévention

Les conditions de vie des travailleurs employés dans l’industrie de la canne à sucre diffèrent d’une plantation à l’autre. Les travailleurs saisonniers sont particulièrement vulnérables. Les risques pour la santé varient selon les conditions de vie et de travail et en fonction d’autres facteurs socio-économiques ou liés à l’environnement.

En raison des températures élevées régnant dans les régions productrices de canne à sucre, les travailleurs doivent boire de grandes quantités de liquides.

Certaines opérations, aux différents stades du raffinage, donnent lieu à des émanations de vapeurs et de gaz toxiques (dioxyde de carbone, dioxyde de soufre, monoxyde de carbone, acide chlorhydrique). De même, les opérations auxquelles sont associées des températures élevées entraînent la production de fumées et de vapeurs nocives qui sont irritantes et parfois toxiques.

Dans certains secteurs de la sucrerie, le bruit dépasse les limites admissibles.

La bagassose est une maladie pulmonaire professionnelle, caractérisée par une alvéolite allergique extrinsèque que l’on contracte en respirant des particules de poussières contenant des spores d’actinomycètes thermophiles qui se développent dans les dépôts de bagasse moisie. Ce type d’exposition peut également causer des pneumopathies par hypersensibilité.

Dans les pays en développement, les travailleurs sont parfois peu qualifiés et sans formation en matière de sécurité. Dans les plantations, le taux de roulement de la main-d’œuvre peut être élevé, ce qui n’est pas sans poser des problèmes pour assurer le suivi de la formation et le perfectionnement des niveaux de qualification des travailleurs. Les données statistiques révèlent une faible incidence des maladies professionnelles dans ce secteur d’activité. Cet état de choses pourrait être dû en partie à des problèmes de déclaration ou d’analyse puisque les sucreries et les raffineries ne sont ouvertes que cinq ou six mois par an. Dans ces conditions, les taux annuels d’accidents peuvent paraître peu élevés. Pendant le reste de l’année, les travailleurs saisonniers sont employés à des travaux complètement différents, alors que les employés permanents sont occupés à l’entretien des machines et des outils ainsi que des bâtiments et autres installations.

Les accidents du travail — chutes, foulures, entorses, etc. — ne diffèrent guère de ceux que l’on observe habituellement dans les autres filières du secteur industriel et agricole. On a constaté cependant, avec les progrès de la mécanisation, que ces accidents, s’ils sont plus rares, sont en revanche souvent plus graves. Outre les affections liées aux phénomènes d’insolation et de contrainte thermique, les dermatites et les conjonctivites, les accidents les plus fréquents sont les brûlures et les chutes.

L’élaboration et la mise en œuvre d’un programme de sécurité et de santé dans une raffinerie nécessite, dans un premier temps, une évaluation qualitative et quantitative des risques et l’identification des mesures correctives telles que l’installation de systèmes d’aspiration des poussières, des vapeurs et gaz divers. Les locaux de travail devraient être convenablement aérés et ventilés, de façon à réduire la chaleur ambiante lorsqu’elle est trop élevée; ils seront également suffisamment éclairés. Les machines devraient être équipées de protecteurs et les travailleurs munis d’un équipement de protection individuelle. Il conviendrait par ailleurs de mettre en place un programme de sécurité, sous la responsabilité d’un personnel qualifié.

Le bruit constitue un risque important. Les machines bruyantes devraient être insonorisées et, dans les secteurs de la raffinerie où l’on ne peut réduire suffisamment le niveau sonore, il y aurait lieu de fournir aux travailleurs un équipement de protection spécial et de mettre en place un programme de surveillance de l’acuité auditive, programme conjuguant tests audiométriques et formation des travailleurs.

LA RÉCOLTE DES POMMES DE TERRE

Steven B. Johnson

Les racines et les tubercules, riches en énergie alimentaire et en éléments nutritifs, ont une très large place dans l’alimentation de plus d’un milliard d’individus dans les pays en développement. De même, les produits de leur transformation tels que farines, pâtes, chips et produits déshydratés composent environ 40% de l’apport alimentaire de la moitié des populations d’Afrique subsaharienne. Le manioc est devenu l’aliment de base le plus important dans tous les pays en développement, nourrissant plus de 500 millions de personnes; c’est aussi un produit d’exportation important pour l’alimentation des animaux dans les pays européens.

Les racines et les tubercules, dont la pomme de terre, la patate douce, le manioc, l’igname et le taro, sont mieux connus sous le nom de féculents. Riches en hydrates de carbone, calcium et vitamine C, mais pauvres en protéines, ces aliments assurent la subsistance des populations des pays les plus pauvres. Parmi ces plantes racines, l’igname est surtout cultivée en Indochine, en Indonésie et en Afrique; la pomme de terre en Amérique du Sud, en Amérique centrale, au Mexique et en Europe; le manioc et la patate douce en Amérique du Sud (Alexandratos, 1995).

La pomme de terre fut introduite en Irlande vers 1580; une petite parcelle permettait alors de nourrir une famille de six enfants, une vache et un cochon. En outre, comme il s’agit d’une culture souterraine, elle est protégée des gelées d’hiver et des incendies d’été. La pomme de terre devint la nourriture des pauvres en Irlande, en Angleterre, en France, en Allemagne, en Pologne et en Russie. En 1845, une pandémie de mildiou se répandit dans toute l’Europe, causant une famine meurtrière en Irlande où il n’y avait à l’époque aucun produit de substitution (Tannahill, 1973).

La pomme de terre demeure une culture principale dans les pays développés. Sa production continue de s’accroître aux Etats-Unis où une bonne part de cette augmentation est attribuée à la demande croissante en produits de transformation qui en sont dérivés. On note un accroissement de la consommation de pommes de terre sous forme de chips, frites et autres produits surgelés ou en conserve. Les accidents du travail dans cette filière surviennent essentiellement pendant les opérations de récolte mécanique. Une étude réalisée au Canada a révélé que les agriculteurs spécialisés dans la culture de la pomme de terre constituaient une population à haut risque de cancer du pancréas, mais aucun lien n’a pu être scientifiquement établi.

Les risques

Les pièces mobiles des arracheuses de pommes de terre présentent un risque potentiel d’accident. L’arbre de prise de force du tracteur, qui relie le tracteur à l’arracheuse par un joint de cardan, est une source d’énergie cinétique, donc d’accidents. La prise de force devrait toujours être équipée de carters de protection, l’arbre en rotation étant à l’origine du type d’accident le plus fréquent qui survient lorsqu’il arrive qu’il happe un vêtement trop ample.

Tous les systèmes hydrauliques fonctionnent sous pression, parfois à plus de 14 000 kPa, soit trois fois la pression nécessaire pour traverser la peau. Un travailleur ne devrait jamais tenter de boucher une canalisation hydraulique percée avec le doigt, car le liquide sous pression pourrait y pénétrer. Si tel était le cas, il faudrait procéder rapidement à une intervention chirurgicale pour prévenir tout risque de gangrène. Toute rupture du système en quelque point que ce soit peut provoquer un accident grave; si une canalisation lâche, le liquide peut être projeté à grande distance. Les systèmes hydrauliques emmagasinent une énergie considérable; un mauvais entretien ou un réglage défectueux peut conduire à des accidents dramatiques.

Des accidents par pincement peuvent survenir lorsque deux pièces mécaniques mobiles normalement solidaires cessent de l’être et que l’une d’entre elles se met à tourner à vide, cet incident se produisant généralement au point de contact des courroies d’entraînement, engrenages, etc. Des vêtements ou des parties du corps peuvent être happés dans ces mécanismes; on veillera donc à mettre sous carter les parties mobiles des arracheuses de pommes de terre.

Des accidents par entraînement ont lieu lorsqu’un organe rotatif exposé ou non protégé, comme un arbre de prise de force, accroche une manche de vêtement, un pan de chemise, un morceau de tissu effiloché, voire des cheveux longs. Un arbre de prise de force normalement lisse peut avoir à sa surface des points de rouille ou des encoches qui en rendent la surface suffisamment rugueuse pour que des vêtements s’y accrochent; même si l’arbre tourne à vitesse ralentie, il faut donc toujours s’en méfier. Les arbres lisses et ronds offrent toutefois moins de prise aux textiles que les arbres carrés. Les joints de cardan placés aux extrémités des arbres de prise de force sont les éléments qui offrent le plus de prise aux vêtements. Ils sont volumineux et saillants et présentent un danger même si l’on n’est pas en contact avec l’arbre.

Des accidents peuvent se produire par cisaillement entre deux pièces mécaniques en mouvement. Si l’on place un doigt dans un joint d’attelage ou entre une courroie et sa poulie, il risque fort d’être sectionné. Entraînée par le moteur, la courroie est particulièrement dangereuse et peut être à l’origine de blessures corporelles. L’installation de dispositifs de protection sur les pièces tranchantes des arracheuses de pommes de terre permet de se prémunir contre ce type de risques.

Des accidents par écrasement sont possibles aux endroits où deux objets mobiles se rencontrent, ou quand un objet mobile rencontre un objet fixe. On utilise, pour récolter les pommes de terre, de gros camions qui risquent de renverser et de blesser, en particulier en leur écrasant les jambes ou les pieds, les personnes qui se trouvent aux champs ou, a fortiori, dans des espaces clos comme les entrepôts.

Des accidents par happement peuvent se produire lorsqu’un travailleur est happé par les rouages d’une machine. De tels accidents risquent de survenir toutes les fois que l’on essaie de retirer un objet d’une arracheuse de pommes de terre dont le moteur est en marche, même si l’engin lui-même n’avance pas.

Des accidents par projection se produisent quand des objets durs sont rejetés avec force. Les arracheuses de pommes de terre à commande pneumatique projettent de la terre et de petites pierres lors du triage des tubercules. Les débris sont projetés avec suffisamment de force pour causer des lésions oculaires.

La prévention

Fort heureusement, les possibilités de prévention de ces accidents sont nombreuses. Le port de vêtements ajustés est capital. Bien attachés, les cheveux risqueront moins d’être pris dans les rouages et d’entraîner la tête vers les points dangereux d’une machine. Le port de chaussures à semelles antidérapantes évite de glisser sur les plates-formes de triage dont la fiabilité laisse à désirer quand elles sont recouvertes de boue ou de fanes. Portés en guise de protection à la table de triage, les gants devraient être à la taille du travailleur, sans bords effilochés ni poignets trop larges.

Outre un équipement approprié, le comportement du conducteur d’engins et de ses passagers, notamment leur vigilance, contribuera à éviter les accidents. Personne ne devrait monter sur une arracheuse de pommes de terre ou en descendre lorsqu’elle est en marche; il faut toujours attendre que la machine soit complètement à l’arrêt. Une posture stable devrait être adoptée avant de faire démarrer un tracteur auquel est attelée une arracheuse, ce qui réduira les risques de chute si le tracteur fait une embardée. Personne ne devrait se trouver entre le tracteur et l’arracheuse quand ces engins roulent ou au moment du démarrage. Le conducteur du tracteur et les travailleurs à bord de l’arracheuse ne devraient jamais se tenir près de l’arbre de prise de force lorsqu’il tourne ou au moment du démarrage. Les arracheuses ne devraient pas être lubrifiées, ajustées ou réparées quand elles sont en marche, et l’on ne devrait jamais tenter de dégager quoi que ce soit des courroies en mouvement.

LES LÉGUMES ET LES CUCURBITACÉES

B.H. Xu et Toshio Matsushita

On cultive une grande variété de légumes (plantes herbacées) pour leurs feuilles, tiges, racines, fruits et graines comestibles. Ces cultures comprennent les plantes à feuilles vertes (laitue, épinard), les plantes racines (betterave, carotte, navet), les plantes crucifères (chou, brocoli, chou-fleur), et de nombreuses autres plantes cultivées pour leurs fruits ou pour leurs graines (pois, haricot, courge, melon, pastèque, concombre, tomate).

Depuis les années quarante, la culture maraîchère, particulièrement en Amérique du Nord et en Europe, a considérablement évolué. Auparavant, la plupart des légumes frais, cultivés par des maraîchers à proximité des centres urbains, n’étaient disponibles que pendant la récolte ou juste après celle-ci. Le développement des supermarchés et la croissance de l’industrie agroalimentaire ont créé une demande pour des légumes et primeurs que l’on peut désormais acheter tout au long de l’année. Parallèlement, la culture maraîchère industrielle entreprise dans de vastes exploitations commerciales est devenue possible dans des régions très éloignées des agglomérations grâce au développement des systèmes d’irrigation, à l’amélioration de la protection phytosanitaire et à la mise au point de machines spécialisées pour effectuer les opérations de plantation, d’épandage de pesticides, de fumure, de récolte et de calibrage. Aujourd’hui, les principales sources de légumes frais aux Etats-Unis se trouvent dans des régions où la belle saison dure longtemps, comme dans les Etats de Californie, de Floride, du Texas et d’Arizona, ainsi qu’au Mexique. L’Europe méridionale et l’Afrique du Nord sont d’importantes sources de produits maraîchers pour les pays d’Europe du Nord. La culture maraîchère de serre constitue aussi une activité importante. Les marchés où l’on vend des produits cultivés localement restent toutefois le meilleur débouché des maraîchers dans le monde, plus particulièrement en Asie, en Afrique et en Amérique du Sud.

La culture maraîchère exige un grand savoir-faire et des soins attentifs pour assurer une production de haute qualité qui se vende bien. Font partie des opérations nécessaires la préparation des sols, la plantation et l’entretien des cultures, la récolte, la transformation et le transport des produits. La lutte contre les ravageurs et les adventices et la gestion de l’eau revêtent une importance capitale.

Les travailleurs des entreprises cultivant les légumes et les cucurbitacées sont exposés à des risques professionnels lorsqu’ils manipulent les plantes et leurs sous-produits ou lorsqu’ils utilisent des produits chimiques pour lutter contre les ravageurs ou des huiles et des détergents pour entretenir et réparer les machines. Les opérations manuelles ou mécaniques forcent parfois les travailleurs à adopter des postures inconfortables (voir figure 64.27), entraînant ainsi des troubles musculo-squelettiques, notamment dans la région lombaire. Les outils et les machines agricoles utilisés pour la culture des légumes et des cucurbitacées présentent des risques non négligeables d’accidents traumatiques et de maladies diverses similaires à ceux qui ont pu être observés pour d’autres travaux agricoles. Par ailleurs, les maraîchers qui travaillent en plein air doivent se prémunir contre le rayonnement solaire et la chaleur, alors que ceux qui travaillent dans les serres sont davantage exposés au pollen, aux endotoxines et aux champignons. En résumé, la variété des affections rencontrées est fonction du milieu de travail.

Figure 64.27 Travail agricole manuel dans une exploitation maraîchère près
d'Assam (Jordanie)

Figure 64.27

Les allergies alimentaires aux légumes et aux cucurbitacées sont bien connues. Elles sont, dans la plupart des cas, provoquées par des agents allergènes et peuvent causer une réaction immédiate. Du point de vue clinique, des symptômes mucocutanés et respiratoires apparaissent chez la plupart des sujets. Les allergies frappant les maraîchers diffèrent des allergies alimentaires classiques à plusieurs égards. Les agents allergènes sont variés: on trouve des allergènes d’origine végétale, chimique et biologique. Certains produits (artichaut, chou de Bruxelles, chou, carotte, céleri, chicorée, ciboulette, endive, ail, raifort, poireau, laitue, gombo, oignon, persil et panais) contiennent des allergènes qui provoquent une sensibilisation chez certains cultivateurs. Les allergies dues au melon sont cependant rares. Peu d’agents allergènes d’origine végétale ont pu être isolés et identifiés en raison de la complexité des techniques de laboratoire nécessaires. La plupart des allergènes, particulièrement ceux d’origine végétale, sont liposolubles; peu d’entre eux sont hydrosolubles. La réaction qu’ils produisent varie également en fonction de certains facteurs botaniques. Les allergènes enfermés dans des canaux de résine peuvent se répandre dans l’atmosphère lorsque la plante est meurtrie. Dans d’autres cas, ils peuvent être libérés par des poils granulaires ou excrétés à la surface de la feuille; ils peuvent aussi recouvrir le pollen ou être dispersés par l’action du vent sur les trichomes (sortes de poils poussant sur certaines plantes).

Du point de vue clinique, les allergies le plus souvent rencontrées chez les maraîchers sont les dermites allergiques, l’asthme et les rhinites. L’alvéolite allergique extrinsèque, la dermite de photocontact allergique et l’urticaire allergique peuvent aussi se développer dans certains cas. Il faut rappeler que légumes, cucurbitacées, fruits et pollens ont certains allergènes en commun, c’est-à-dire qu’ils provoquent des réactions croisées. Cela signifie que des individus atopiques souffrant d’allergie à l’un des allergènes communs aux produits cités ci-dessus seront éventuellement plus sensibles que d’autres à ces allergies professionnelles qu’un certain nombre de tests permettent actuellement de dépister et de diagnostiquer. Les «prick-tests», les tests par injection intradermique, ceux qui consistent à mesurer les anticorps IgE spécifiques de l’allergène et les tests in vivo de provocation sont utilisés dans les cas de réactions allergiques immédiates, tandis que le test épicutané est employé pour les réactions différées. Le test de prolifération des lymphocytes spécifiques de l’allergène et le test de la production de cytokines sont utiles pour diagnostiquer les deux types d’allergies. Ces tests peuvent être réalisés avec des légumes frais, avec leurs extraits ou avec les produits chimiques qu’ils libèrent.

On observe chez les maraîchers des dermatoses comme la pachylose, l’hyperkératose, la chromatose de l’ongle, des dermites et tout particulièrement la dermite de contact, à la fois irritante et allergique. Les dermites irritantes sont causées par des facteurs chimiques ou physiques. Les organes végétaux comme les trichomes, les spicules, les poils rugueux, les raphides et les épines sont responsables de la plupart de ces irritations. D’autre part, les dermites allergiques sont classées en deux catégories selon leur immunopathogenèse: les dermites à réaction allergique immédiate et les dermites à réaction différée, les premières faisant intervenir l’immunité humorale et les secondes l’immunité cellulaire.

Les dermites allergiques sont accompagnées de prurit, de démangeaisons, d’érythèmes, de rougeurs, de gonflements et de l’apparition de vésicules. Les lésions siègent principalement aux mains, aux bras, au visage et au cou. D’après une étude sur le terrain portant sur des producteurs de gombo au Japon (Nomura, 1993), plus de 50% des cultivateurs présentaient des lésions cutanées, celles-ci apparaissant principalement sur les mains et les bras. La réaction au test épicutané était positive pour 20 à 30% des travailleurs. On a observé en outre que l’activité protéolytique des extraits de gombo provoquait, elle aussi, des lésions cutanées.

Les produits chimiques agricoles sont également d’importants allergènes responsables de dermites allergiques. On trouve parmi ces produits les insecticides (DDVP, diazinon, EPN, malathion, nalède, parathion, etc.), les fongicides (bénomyl, captafol, captan, manèbe, mancozèbe, nitrofène, Plondrel®, thirame, zinèbe, zirame, etc.), les herbicides (carbyne, randox, etc.) et les mélanges fumigants (D-D® contenant du 1,3-dichloropropène, du 1,1,2-dichloropropane et d’autres composés). En outre, certaines bactéries opportunistes et Streptococcus pyogenes jouent un rôle important dans les dermites allergiques et l’urticaire.

Les maraîchers, surtout ceux qui travaillent en serre, sont exposés à de nombreux produits et composés tels que les pesticides, responsables de maladies pulmonaires. Une étude menée en Suisse auprès d’exploitants agricoles a donné, pour l’ensemble des maladies pulmonaires, la bronchite associée à l’asthme et l’asthme seul, des taux comparatifs de mortalité atteignant respectivement 127, 140 et 137. Les produits maraîchers peuvent être directement responsables de l’asthme allergique professionnel, être une source d’irritants non spécifiques ou véhiculer d’autres allergènes dont des pollens, des spores, des acariens et d’autres organismes. Ceux qui sont capables de provoquer de l’asthme allergique sont le brome, le ricin, le freesia, les grains de pollen, la gomme de guar, la papaïne, le paprika, le houblon, l’ipécacuana, l’acide plicatique, l’acide quillaïque, la saponine et le pollen de tournesol.

Les champignons produisent de nombreuses spores dont certaines sont responsables d’asthme allergique ou d’alvéolites allergiques extrinsèques. Il est néanmoins assez rare que ces deux maladies apparaissent simultanément chez un même sujet. Parmi les micro-organismes responsables de ces affections, on a pu identifier Alternaria, Aspergillus niger, Cladosporium, Merulius lacrymans, Micropolyspora faei, Paecilomyces et Verticillium . Dans la plupart des cas, des antigènes d’origine fongique sont présents dans les spores et décomposent les produits.

Les victimes d’asthme professionnel causé par des végétaux ont également des niveaux élevés d’anticorps sériques IgE, une éosinophilie importante et une réaction positive au prick-test. Les sujets atteints d’alvéolite allergique extrinsèque présentent des niveaux élevés d’anticorps spécifiques précipitants, une intradermoréaction positive et des symptômes visibles à la radiologie. Outre l’allergie pulmonaire aux produits végétaux et aux spores, on observe des affections nasales chez certains sujets atopiques qui manipulent des végétaux comme les carottes et la laitue. En revanche, les affections gastro-intestinales sont plutôt rares.

Certains produits agrochimiques appliqués sur les cultures de serre et de plein champ peuvent aussi causer des réactions asthmatiques. On mentionnera à ce sujet le captafol, le chlorothalonil, la créosote, le formaldéhyde, la pyréthrine et la streptomycine. L’utilisation incorrecte des pesticides peut mener à une contamination des sols et des végétaux; leur application sans équipement de protection individuelle peut provoquer des intoxications aiguës ou chroniques.

LES ARBRES PRODUCTIFS, LES RONCES ET LA VIGNE

LES BAIES ET LES RAISINS

William E. Steinke

Le présent article expose les méthodes de prévention des accidents et des maladies qui surviennent fréquemment dans la production et la transformation du raisin (raisin de table, production viticole, jus de fruits et raisins secs) et des baies et fruits rouges (mûres, framboises, fraises, myrtilles, airelles).

La vigne est un arbrisseau sarmenteux grimpant sur des structures de soutien. Les cépages sont habituellement plantés à 2-3,5 m d’intervalle au printemps à partir de ceps d’un an ou de boutures greffées. Tous les ans, on procède au déracinement des souches, à la fumure des vignes, au démariage et à l’émondage des ceps. Les procédés d’émondage varient d’une région du monde à l’autre. Aux Etats-Unis, par exemple, toutes les nouvelles pousses sont émondées pour ne conserver que deux ou trois bourgeons, à l’exception des plus robustes qui seront taillées plus tard. Le cep se développe alors en un pied robuste qui peut croître sans soutien jusqu’à ce qu’il porte des fruits. A un stade donné de la croissance, on fixe les tiges du cep de manière assez lâche sur un support vertical de 1,8 m de hauteur, voire davantage. Au moment de la croissance des fruits, les vignes sont soigneusement émondées pour contrôler le nombre de bourgeons.

Les fraises sont plantées au début du printemps, au milieu de l’été ou plus tard en fonction de la latitude du pays considéré. Les fraisiers portent des fruits au printemps de l’année suivante, mais il existe une variété, appelée fraisier des quatre saisons, qui produit une deuxième récolte, moins abondante, à l’automne. La plupart des fraisiers se propagent par stolons qui se forment environ deux mois après la plantation. Le fruit pousse à même le sol. Les framboisiers sont des ronces ou arbrisseaux dont les rameaux lignifiés armés de durs aiguillons portent les fruits comestibles. Les parties souterraines des ronces sont pérennantes et les rameaux (ou tiges) sont bisannuels, donnant fleurs et fruits à partir de la deuxième année. Les fruits se développent généralement à moins de 2 m de hauteur. Tout comme la vigne, le framboisier doit être fréquemment émondé.

Les pratiques culturales diffèrent d’une espèce à l’autre selon le type de sol, le climat et les besoins nutritifs des plantes. Il importe de veiller à une bonne protection phytosanitaire en appliquant fréquemment des pesticides. Les cultivateurs modernes adoptent aujourd’hui des méthodes de lutte biologique et surveillent très attentivement les populations de ravageurs, pulvérisant des produits chimiques aux périodes où les traitements sont les plus efficaces. La récolte du raisin et des baies se fait la plupart du temps à la main.

Selon une étude portant sur les accidents non mortels survenus en Californie entre 1981 et 1990, les foulures et les entorses constituent les accidents le plus souvent rencontrés (42% de tous les accidents déclarés), les lacérations, fractures et contusions étant un peu moins fréquentes (37%). Au nombre des causes les plus fréquentes d’accidents, on peut citer les traumatismes provoqués par des objets (27%), le surmenage (23%) et les chutes (19%) (AgSafe, 1992). D’après une étude réalisée par Steinke (1991), les foulures, entorses, lacérations, fractures et contusions représentent 65% des accidents survenant dans ce secteur de production en Californie. L’auteur relève que les parties du corps le plus souvent atteintes sont les doigts (17%), suivis du dos (15%), des yeux (14%) et des mains ou des poignets (11%). Villarejo (1995) a recensé 6 000 déclarations d’accidents par 100 000 individus travaillant à temps plein dans les fraiseraies californiennes en 1989. Il a également fait remarquer que, dans la mesure où la plupart des travailleurs n’étaient pas employés toute l’année, le nombre d’accidents dont ils étaient victimes pouvait en fait être beaucoup plus élevé que celui des accidents officiellement déclarés.

Les troubles du système musculo-squelettique

Les troubles du système musculo-squelettique sont le plus souvent liés à la cadence de travail. Les exploitants se hâtent d’achever une activité pour en commencer une autre. Les travailleurs sont souvent rémunérés à la tâche (au kg de baies récoltées ou au nombre de ceps émondés). Ce type de rémunération n’est pas dépourvu de risques, car on se coupe plus facilement le doigt avec un sécateur si l’on est pressé et les risques de chute augmentent si l’on ne prend pas les précautions requises pour décharger les paniers remplis de fruits. Des cadences de travail trop rapides conduisent à adopter des postures inconfortables, à prendre des risques inutiles et à ne pas respecter les consignes de sécurité.

L’émondage manuel des rameaux de ronces ou des sarments de vignes exige de serrer fortement le sécateur que l’on a en main ou d’utiliser fréquemment des couteaux ou des cisailles. Les risques liés à de telles manipulations sont évidents dans la mesure où il n’existe aucune structure solide sur laquelle fixer les tiges pour mieux assurer ses gestes, ce qui multiplie les risques de coupures aux doigts, aux mains, aux bras, aux jambes et aux pieds. L’émondage au couteau ne devrait être pratiqué qu’en dernier recours.

Bien que le sécateur soit l’outil de prédilection pour l’émondage, que ce soit à la saison morte ou à l’époque de la feuillaison, son utilisation comporte des risques. On sera tout particulièrement prudent en plaçant la tige dans la mâchoire du sécateur afin de ne pas se couper un doigt par inadvertance. Des gants épais en cuir ou en toile offrent une bonne protection contre un tel risque et aussi pour se préserver d’éventuelles dermites, allergies, piqûres d’insectes ou d’abeilles et coupures au contact des treilles.

La cadence et l’effort nécessaires pour les travaux d’émondage déterminent les probabilités d’apparition de microtraumatismes répétés. Bien que les rapports concernant les accidents ne fassent pas état d’un taux élevé de traumatismes de ce type, on pense que cette faible incidence est surtout due au fait que les travailleurs changent fréquemment d’occupation. La force nécessaire pour se servir d’un sécateur est supérieure aux valeurs recommandées et, d’après les normes applicables en la matière, la cadence de l’effort fourni représente une source potentielle de microtraumatismes répétés (Miles, 1996).

Pour réduire les risques d’accidents, les sécateurs devraient toujours être lubrifiés et la lame tranchante régulièrement affûtée. Pour couper des rameaux plus gros, comme c’est le cas pour les grappes de raisin, on devrait se servir d’un sécateur de taille appropriée afin de ne pas mettre trop de pression sur le poignet ou sur le sécateur. On devrait se servir d’ébrancheurs ou de scies d’élagage pour tailler de gros ceps de vigne ou des branchages de fort calibre.

Soulever et transporter des charges fait partie des tâches habituelles associées à la récolte. Les fruits sont le plus souvent récoltés à la main et transportés dans des paniers ou des corbeilles en bordure de terrain. Les charges ne sont pas très lourdes (10 kg, voire moins), mais la distance parcourue est bien souvent importante et les terrains peuvent être accidentés, détrempés et glissants. Les travailleurs ne devraient jamais courir sur les terrains au relief inégal et veiller à ne pas perdre l’équilibre.

Les récoltes se font souvent dans des postures inconfortables et à une cadence élevée. Les travailleurs se retournent et se penchent fréquemment sans fléchir les genoux et se déplacent rapidement entre les arbrisseaux et les paniers qui sont généralement placés à même le sol et tirés ou poussés par les travailleurs. Les hauteurs de cueillette varient, selon le type de culture, de 0 à 2 m du sol. En règle générale, les baies poussant à 1 m de hauteur ou moins, les cueilleurs doivent donc travailler constamment en position courbée, mais pour les fraises qui poussent à même le sol, ils doivent se baisser encore davantage pour les cueillir.

Le mouvement accompli pour couper les grappes de raisin, reproduit plusieurs centaines de fois par heure, nécessite une force non négligeable, et les microtraumatismes répétés qu’il occasionne pourraient constituer une source d’inquiétude si la saison de la récolte devait se prolonger au-delà de quelques semaines.

La culture de la vigne et des baies se pratique parfois sur un treillage ou sous une tonnelle. Installer ou réparer une tonnelle oblige généralement à travailler les bras tendus au-dessus de la tête; cette position prolongée peut conduire à des microtraumatismes répétés. Chaque mouvement exige en effet un effort particulier dans une posture inconfortable et expose le corps, notamment les épaules et les bras, à des risques d’élongation et de déchirure musculaires. La force requise pour enrouler les tiges volubiles de la vigne autour des treilles est encore augmentée par le poids de la vigne, du feuillage et des fruits. Pour ce type de tâches, ce sont généralement les bras, les épaules et le dos qui se trouvent sollicités, ce qui les rend particulièrement sensibles aux traumatismes aigus et aux affections chroniques.

Les pesticides et les engrais

Les raisins et les baies font l’objet de fréquentes applications de pesticides pour lutter contre les insectes et les agents pathogènes. Toute personne chargée d’appliquer, de mélanger et de transporter ces produits et toute personne se trouvant sur place devrait suivre impérativement les consignes de sécurité figurant sur les étiquettes ou prescrites par la réglementation en vigueur. Des risques particuliers peuvent toutefois survenir dans le cas de certains modes d’application requis pour assurer l’efficacité de la protection phytosanitaire. Il peut être nécessaire, par exemple, d’appliquer le produit de façon à en recouvrir toutes les parties de la plante, y compris le dessous des feuilles et toutes les surfaces des fruits et des baies. Pour projeter le produit en très fines gouttelettes et assurer l’efficacité de l’opération, il faut recourir à des diffuseurs d’aérosols dont on sait qu’ils sont dangereux pour l’être humain, les pesticides ainsi atomisés pouvant être inhalés ou pénétrer dans les yeux ou la peau.

Les fongicides sont fréquemment utilisés sous forme de poudre appliquée directement sur les grappes et les baies. Il s’agit le plus souvent de soufre, un produit également utilisé par l’agriculture biologique, qui est très irritant pour la personne chargée de l’appliquer et pour celles se trouvant à proximité. On sait d’autre part que, s’il atteint des concentrations importantes dans l’air, ce produit peut provoquer des explosions et des incendies. On ne devrait donc pas traverser un nuage de soufre avec un engin comportant une source potentielle d’ignition (moteur électrique ou tout autre dispositif générateur d’étincelles).

La fumigation des champs avec des produits hautement toxiques est un procédé régulièrement utilisé avant de planter ceps et arbrisseaux, afin de réduire les populations de ravageurs tels que nématodes, bactéries, champignons et virus pouvant s’attaquer aux jeunes plants. La fumigation consiste habituellement à injecter du gaz ou un liquide directement dans le sol, puis à bâcher la zone traitée pour éviter une dissipation trop rapide du produit. Il s’agit d’une tâche spécialisée qui ne devrait être confiée qu’à des personnes ayant reçu la formation voulue. Une signalisation spéciale devrait être prévue dans les champs ainsi traités et personne ne devrait être autorisé à y pénétrer avant que la bâche ait été enlevée et que les effets du fumigant se soient totalement dissipés.

Au cours de leur application, les engrais peuvent présenter des risques: inhalation de poudre, dermites de contact et irritation des poumons, de la gorge et des voies respiratoires. Le port d’un masque antipoussières devrait permettre d’abaisser le niveau d’exposition à un seuil acceptable.

Les travailleurs peuvent être appelés à pénétrer dans les champs pour irriguer les cultures, tailler les plantes ou récolter les fruits juste après l’application de pesticides. S’ils doivent le faire avant l’échéance du délai d’attente prescrit sur l’étiquette ou par la réglementation en vigueur, ils devraient porter des vêtements de protection. La protection minimale comprend une chemise à manches longues, des pantalons longs, des gants, une coiffure, des chaussures imperméables et des lunettes de protection. Des mesures plus strictes — port d’un appareil de protection respiratoire, de vêtements imperméables et de bottes en caoutchouc — peuvent s’imposer en fonction de la toxicité des pesticides, du temps écoulé depuis leur application et de la réglementation en vigueur. Les autorités locales devraient être consultées pour toutes les questions relatives aux normes de sécurité recommandées.

Les machines agricoles

L’utilisation de machines dans l’exploitation de la vigne et des ronces est une pratique courante, notamment pour la préparation des sols, les semis, le désherbage et la récolte. Bon nombre de ces cultures poussent sur des collines ou sur des terrains accidentés, ce qui accroît les risques d’accidents par retournement ou renversement des tracteurs et autres équipements. On devrait, par conséquent, suivre strictement les consignes de sécurité en la matière, tout comme on ne devrait jamais faire monter une autre personne à bord, à moins que la présence d’un autre travailleur ne soit nécessaire pour actionner la machine et qu’une plate-forme spéciale n’ait été prévue pour sa sécurité. On trouvera d’autres informations sur l’utilisation rationnelle des machines agricoles dans l’article «La mécanisation» du présent chapitre et dans d’autres parties de l’Encyclopédie .

Les vignes et les baies peuvent également être cultivées sur des terrains accidentés, comme sur des crêtes et dans des dépressions. On se méfiera de ces terrains, car ils peuvent être boueux et glissants et leurs irrégularités pourraient être cachées par les mauvaises herbes ou tout simplement par le couvert végétal. Une chute devant une machine en mouvement constitue un risque particulier. On devrait prendre des précautions spéciales lorsqu’on travaille sur un terrain détrempé ou, pendant la récolte, lorsque des fruits tombés à terre rendent le terrain glissant.

L’émondage mécanique des vignes est de plus en plus répandu dans le monde. Cette opération fait appel à des bras rotatifs qui rassemblent les tiges et les placent devant des couteaux immobiles. Cet équipement n’est pas sans présenter des dangers pour quiconque se trouve près des couteaux; il ne devrait être employé que par des opérateurs dûment formés.

Lors des récoltes, on utilise habituellement plusieurs machines à la fois, dont les opérations doivent être coordonnées par les différents opérateurs. En raison de leur nature, ces opérations font intervenir des outils divers tels que perches et palettes vibrantes, pinces-cueillette, sécateurs, râteaux, etc., qui présentent tous des risques d’accidents graves. Aucune personne ne devrait s’approcher de la trémie de ces machines lorsqu’elles sont en marche. Celles-ci devraient également être équipées en permanence de protections spéciales et entretenues régulièrement. Si ces protections doivent être retirées pour lubrifier, ajuster ou nettoyer la machine, elles devraient être remises en place avant de faire repartir l’engin. Par ailleurs, elles ne devraient jamais être ouvertes ou enlevées aussi longtemps que la machine est en marche.

Autres risques

Les infections

Les cueilleurs de raisins et de baies sont particulièrement exposés aux coupures, lacérations et piqûres provoquées par les outils, la treille ou d’autres supports, ou encore par les ronces elles-mêmes. Les blessures ouvertes peuvent être infectées par un grand nombre de bactéries, de virus ou d’autres agents infectieux présents dans l’environnement. Ces infections peuvent provoquer de sérieuses complications, voire entraîner la perte d’un membre ou la mort. Tous les travailleurs devraient avoir été vaccinés en temps voulu contre le tétanos. Les coupures seront nettoyées immédiatement et un produit antibactérien sera appliqué; toutes les infections devraient être traitées immédiatement.

Les piqûres d’insectes

Les travailleurs agricoles chargés d’entretenir les cultures et de récolter les fruits sont exposés à des risques importants de piqûres d’insectes et particulièrement d’abeilles. Ces risques augmentent lorsque les travailleurs doivent glisser leurs mains dans le feuillage pour cueillir les fruits mûrs dont certains insectes, rongeurs et autres vermines sont très friands. Dans ce cas, la meilleure protection consiste à porter des vêtements à manches longues et des gants.

Le rayonnement solaire

La contrainte thermique

L’exposition au rayonnement solaire et à la chaleur excessive peut provoquer des coups de chaleur, des insolations, l’épuisement, voire la mort. La transpiration et les mécanismes de régulation thermique (par déperdition de chaleur) servent à éliminer la chaleur accumulée dans le corps du fait du rayonnement solaire, de l’effort physique et du transport de chaleur de l’environnement. Quand la température ambiante dépasse 37 °C (c’est-à-dire la température normale du corps), il n’y a plus de perte de chaleur sensible, la transpiration devenant le seul moyen de refroidir le corps.

L’eau est indispensable au bon fonctionnement du mécanisme de la transpiration. Toute personne travaillant sous le soleil ou sous un climat chaud devrait boire de grandes quantités de liquides tout au long de la journée; il est généralement recommandé de boire un litre d’eau à l’heure et de boire de l’eau ou d’autres boissons non alcoolisées avant même de ressentir la soif. L’alcool et la caféine devraient être évités, car ils tendent à agir comme diurétiques, accélérant en fait la déshydratation et interférant avec les mécanismes de régulation thermique. Si l’on ne ressent pas le besoin d’uriner, il faut y voir un signe de manque d’eau dans l’organisme.

Les troubles liés à la chaleur peuvent être dangereux et demandent une attention immédiate. Les personnes souffrant d’épuisement dû à la chaleur devraient s’allonger à l’ombre et boire beaucoup. Toute victime d’un coup de chaleur ou d’une insolation est en grand danger et a besoin de soins immédiats. Un service d’assistance médicale devrait être mis en place dans les minutes qui suivent; si la chose est impossible, on tentera de refroidir la victime en l’immergeant dans de l’eau froide. Si la victime est inconsciente, on pratiquera la respiration artificielle et on ne lui fera absorber aucune boisson par voie buccale.

Les signes des troubles liés à la chaleur comprennent une transpiration excessive, une faiblesse dans les membres, un état de désorientation, des céphalées, des étourdissements et, dans des cas extrêmes, une perte de conscience, voire un état d’anhidrose. Ce dernier symptôme implique un danger de mort et nécessite une intervention immédiate.

Les personnes travaillant dans les vignobles et les champs de petits fruits sont exposées à de plus grands risques de troubles liés à la chaleur. En effet, la circulation de l’air est réduite entre les rangées et l’on croit, souvent à tort, que l’on travaille à l’ombre. L’humidité relative élevée et la couverture de nuages peuvent aussi donner une fausse impression quant aux effets du rayonnement solaire. Il est donc essentiel de boire beaucoup d’eau lorsqu’on travaille aux champs.

Les affections cutanées

L’exposition au soleil pendant de très longues périodes peut provoquer un vieillissement cutané précoce et accroître l’incidence des cancers de la peau. Les personnes exposées aux rayons du soleil devraient porter des vêtements protecteurs ou appliquer des crèmes protectrices. Aux latitudes peu élevées, quelques minutes d’exposition au soleil suffisent parfois à provoquer de graves coups de soleil, particulièrement chez les personnes à la peau claire.

Des cancers de la peau peuvent apparaître sur n’importe quelle partie du corps; les cas suspects devraient être immédiatement examinés par un médecin. Parmi les signes de cancer de la peau ou de lésion précancéreuse, on citera les altérations des grains de beauté ou des taches de naissance, une irrégularité sur les bords de ceux-ci, un saignement ou une modification de leur couleur qui devient brunâtre à grisâtre. Les personnes qui ont passé de longues périodes de leur vie au soleil devraient se soumettre à un dépistage annuel.

Les dermites de contact et autres allergies

Le contact fréquent et prolongé avec des plantes ou leurs excrétions peut provoquer une sensibilisation et des allergies ainsi que des dermites de contact. La prévention consiste essentiellement à porter des vêtements à manches longues, des pantalons longs et des gants de protection. On peut également appliquer des crèmes qui feront écran à la pénétration dans la peau des produits irritants. Si l’on ne peut se protéger convenablement de l’action irritante des plantes, on rincera immédiatement les parties exposées. Les dermites accompagnées d’éruptions et celles qui ne parviennent pas à guérir devraient être examinées par un médecin.

L’ARBORICULTURE FRUITIÈRE

Melvin L. Myers

De façon générale, les exploitations des zones tempérées où l’on cultive des arbres fruitiers sont appelées vergers; en région tropicale, on parle plus généralement de plantations ou de jardins fruitiers. Les espèces sauvages d’arbres fruitiers ont été sélectionnées au cours des siècles pour produire une grande variété de porte-greffes. Dans les vergers des zones tempérées, on trouve le pommier, le poirier, le pêcher et ses variétés (nectarine), le prunier, l’abricotier, le cerisier et le plaqueminier du Japon (kaki). Les noix sont cultivées tant dans les zones tempérées que sous les climats subtropicaux; on y trouve le pacanier, l’amandier, le noyer, le noisetier, le châtaignier et le pistachier. En région subtropicale, on trouve l’oranger, le pamplemoussier, le mandarinier, le limettier, le citronnier, le figuier, le kiwi, le tangelo, le kumquat, l’oranger de Panama, le cédratier, le pomelo de Java et le dattier.

Les systèmes de production

La production des arbres fruitiers se fait en plusieurs étapes. Pour la multiplication des cultures, les producteurs ont le choix entre semer des graines ou recourir à des techniques de multiplication asexuée telles que le bouturage, l’écussonnage, le greffage ou la culture tissulaire. La préparation des sols se fait par labour ou par herse à disques; les arbres sont plantés dans des trous creusés préalablement et dans lesquels on verse eau et engrais.

La culture des arbres fruitiers nécessite l’application d’engrais, le sarclage, l’irrigation et la protection contre les gelées printanières. Les engrais sont appliqués en quantité au cours des premières années de la croissance des arbres. Les engrais composés peuvent contenir du nitrate et du sulfate d’ammonium, des fertilisants simples (azote, phosphore, potassium), des tourteaux de semences de coton, du sang desséché, de la farine de poisson, des boues d’épuration stérilisées ou de l’urée-formaldéhyde (infiltration lente). Les mauvaises herbes sont éliminées par application de paillis, ameublissement de la terre, fauchage, binage et application de désherbants; sur les grandes exploitations, on pulvérise aussi insecticides et fongicides au moyen de pulvérisateurs tractés. Certains ravageurs comme les écureuils, les lapins, les ratons laveurs, les opossums, les souris, les mulots et les cerfs attaquent l’écorce des arbrisseaux ou dévorent les fruits. La lutte contre ces ravageurs consiste essentiellement à poser des filets de protection, des pièges, des clôtures électriques et à utiliser des fusils ainsi que des dispositifs de dissuasion visuels et odorants.

Les gelées de printemps peuvent détruire les fleurs en quelques heures. On installe généralement un réseau d’arrosage par aspersion sur frondaison où circule un mélange d’eau et de glace de manière que la température ne descende pas au-dessous de zéro. Des produits antigel mélangés à l’eau sont parfois appliqués pour empêcher que les bactéries qui se développent dans la glace n’attaquent les tissus abîmés. On se sert aussi d’appareils chauffants pour empêcher l’apparition du gel; ils peuvent être soit à pétrole en plein air, soit électriques (lampes à incandescence) sous dôme ou tunnel plastique.

Les outils d’émondage peuvent transmettre des maladies; on les fera donc tremper dans une solution d’eau chlorée ou on les frottera à l’alcool chaque fois que l’on aura taillé un arbre. Après émondage, les chutes seront enlevées, broyées et compostées. Les branches seront attachées à des échalas enfoncés dans le sol au pied de l’arbre.

L’abeille est le principal pollinisateur des arbres fruitiers. On peut stimuler la production fruitière par recépage en pratiquant une légère entaille dans l’écorce des troncs des pêchers ou des poiriers. Afin d’éviter le rabougrissement, la cassure des branches et une production irrégulière, l’exploitant procède à des coupes d’éclaircie soit manuellement, soit à l’aide de produits chimiques comme le carbaryle (Sevin), un insecticide qui inhibe la photosynthèse.

La cueillette manuelle des fruits se fait à l’aide d’échelles; les fruits sont placés dans des paniers que l’on transporte ensuite sur une aire de ramassage. Les noix sont gaulées et rassemblées manuellement ou à l’aide d’un appareil spécial doté de mécanismes permettant d’envelopper et de secouer le tronc de l’arbre, puis de recueillir et de canaliser directement les noix dans un conteneur. Camions et remorques sont généralement utilisés dans les vergers au cours de la récolte et pour le transport.

Les risques de l’arboriculture fruitière

Les arboriculteurs utilisent une grande variété de produits chimiques, dont les engrais, les herbicides, les insecticides et les fongicides. Ils sont exposés aux pesticides pendant les opérations d’épandage, quand ils sont en contact avec des résidus au cours de tâches diverses, en cas de retombées de pesticides, au cours des opérations de mélangeage, de chargement, et pendant les récoltes. Les travailleurs sont également exposés au bruit, aux gaz d’échappement, aux solvants, carburants et lubrifiants. On observe un taux relativement élevé de mélanomes malins chez les arboriculteurs, notamment sur le tronc, le cuir chevelu et les membres, vraisemblablement en raison des rayonnements solaires (exposition aux ultraviolets). La manipulation de certains fruits, notamment les agrumes, peut provoquer des allergies et des affections cutanées.

Les faucheuses rotatives tirées par des tracteurs sont largement utilisées pour le désherbage. Les conducteurs de tracteurs peuvent tomber et être grièvement blessés ou tués en cas de renversement de ces engins, qui peuvent aussi projeter des débris à grande distance.

L’installation de clôtures, treilles et échalas se fait à l’aide de tarières qui creusent des trous de 15 à 30 cm de diamètre, ou d’enfonce-pieux. Ces machines, montées sur des tracteurs, sont des instruments dangereux si on ne les maîtrise pas.

Les engrais solides peuvent provoquer des brûlures de la peau et irriter la bouche, le nez et les yeux. Sont également sources d’accidents les mécanismes rotatifs à l’arrière des distributeurs centrifuges et les épandeurs qui, nettoyés au gasoil, présentent en outre des risques d’incendies.

Des accidents mortels peuvent survenir lors de collisions entre véhicules ou du retournement de tracteurs et être aussi provoqués par l’utilisation imprudente des machines agricoles, ou encore par électrocution lors d’un contact avec des tuyaux mobiles d’irrigation ou lorsqu’une échelle entre en contact avec des lignes électriques. Il n’est pas rare que les protections des tracteurs soient ôtées lors de travaux dans les vergers, car elles se prennent souvent dans les branchages et gênent les arboriculteurs dans leur travail.

Les travailleurs ne sont pas non plus à l’abri de risques d’entorses et de foulures lorsqu’ils cueillent des fruits ou des noix ou lorsqu’ils les portent à l’aire de ramassage. Ils risquent en outre de se couper en manipulant des outils à main comme les couteaux et les cisailles. Les risques de chute de personnes ou d’objets au cours de la cueillette ne sont pas non plus négligeables.

La prévention

Lorsqu’on utilise des pesticides, il importe en premier lieu d’identifier les ravageurs afin de pouvoir appliquer en temps opportun la méthode de lutte la plus efficace. Les précautions d’emploi figurant sur les étiquettes devraient être strictement observées, y compris le port d’un équipement de protection individuelle. Celui-ci étant source de contraintes thermiques, il faut ménager des pauses régulières et boire beaucoup d’eau. Il faut aussi respecter le délai d’attente prescrit avant de pénétrer dans un champ qui vient d’être traité pour éviter d’être exposé aux résidus des pesticides et aux retombées en provenance de champs contigus. Des installations sanitaires adaptées devraient être prévues. Le tableau 64.8 donne la liste des précautions à prendre lorsqu’on utilise faucheuses rotatives, tarières, enfonce-pieux et épandeurs d’engrais à moteur.

Tableau 64.8 Mesures de prévention pour les faucheuses rotatives, tarières,
enfonce-pieux et épandeurs d'engrais mécanique

Faucheuses rotatives

  • Eviter les souches d’arbre, les fragments de métal et les pierres qui peuvent être projetés au passage
  • Tenir les autres personnes à l’écart de l’aire de travail pour les mettre à l’abri des projections
  • Maintenir en place le bouclier de protection autour de la faucheuse pour éviter toute projection d’objets
  • Ne laisser personne monter à bord du tracteur pour éviter qu’il ne tombe sous la faucheuse
  • Maintenir en place les protecteurs de la prise de force
  • Débrayer la prise de force avant de mettre le tracteur en marche
  • Braquer avec précaution dans les virages prononcés et relever la faucheuse pour qu’elle ne se prenne pas dans les roues du tracteur, au risque d’être projetée en direction de l’opérateur
  • Lester les roues avant lorsque la faucheuse est attachée par un attelage à trois points, de manière qu’elles adhèrent bien au sol et permettent de garder le contrôle de la direction
  • Utiliser si possible des pneus larges pour accroître la stabilité du tracteur
  • Abaisser la faucheuse au niveau du sol avant de quitter l’engin

Tarières montées sur tracteur

  • Mettre au point mort avant toute opération
  • Serrer les freins avant de commencer à creuser
  • Actionner lentement la tarière pour garder la maîtrise de l’engin
  • Creuser le trou par étapes
  • Ne jamais travailler avec des cheveux non attachés, des vêtements amples ou munis de cordons
  • Ne permettre à personne de se tenir près de la tarière et de l’arbre de transmission lors des opérations
  • Arrêter la tarière et l’abaisser au niveau du sol lorsqu’on ne s’en sert pas pour creuser
  • Ne pas mettre le contact au moment de déloger la tarière; la déloger manuellement en la faisant pivoter en sens inverse des aiguilles d’une montre, et la relever à l’aide du système de relevage hydraulique du tracteur

Enfonce-pieux montés sur tracteur

  • Couper l’alimentation du tracteur et abaisser le maillet avant lubrification ou réglage
  • Ne jamais placer les mains entre le sommet du pieu ou du poteau et le maillet
  • Ne jamais dépasser le nombre de coups de maillet recommandé par minute
  • Utiliser un guide pour tenir le poteau lors de l’opération au cas où il se fendrait
  • Ne pas mettre les mains sur le poteau lorsque celui-ci est sur le point d’être enfoncé
  • Veiller à ce que toutes les protections soient en place avant l’opération
  • Porter des lunettes de protection et des protège-tympans au cours des opérations

Epandeurs d’engrais mécaniques

  • Ne pas rester à l’arrière des épandeurs d’engrais
  • Ne pas débrancher l’épandeur en cours d’opération
  • Travailler dans des lieux bien ventilés, loin de toute source possible d’inflammation, au moment de nettoyer les épandeurs avec du gasoil
  • Enlever toute trace de poussière d’engrais qui serait en contact avec la peau, porter des chemises à manches longues et boutonner le col lors de la manipulation d’engrais solides. Prendre plusieurs douches par jour
  • Travailler dans la direction du vent
  • Les conducteurs des tracteurs devraient veiller à ce que le vent souffle latéralement par rapport à l’épandeur pour éviter que la poussière ne revienne sur eux

Si les cadres de protection des tracteurs gêne les opérations, on peut installer des protections pliables ou télescopiques. Le conducteur devrait déployer ces dispositifs dès que l’espace libre le permet et n’attacher sa ceinture de sécurité qu’après les avoir mis en place.

Pour parer au risque de chute, on ne devrait jamais monter sur le dernier barreau d’une échelle. Les barreaux devraient être revêtus d’une matière antidérapante. On devrait utiliser des échelles en matériaux non conducteurs ou isolées pour éviter toute décharge en cas de contact avec une ligne électrique.

LES ARBRES TROPICAUX ET LES PALMIERS

Melvin L. Myers*

* Certaines parties du texte sont une adaptation des articles «Dattiers», de D. Abed; «Raphia» et «Sisal», de E. Arreguin Velez; «Coprah», de A.P. Bulengo; «Kapok», de U. Egtasaeng; «Cocotiers», de L.V.R. Fernando; «Bananes» de Y.C. Ko; «Coir», de A.E. Quinn; et «Palmiers à huile», de G.O. Sofoluwe, publiés dans la 2e édition de l'Encyclopédie de médecine, d'hygiène et de sécurité du travail.

Bien que l’on ne possède aucune preuve archéologique concluante à ce sujet, les arbres des forêts tropicales que l’on aurait transplantés dans les villages semblent avoir été le premier type de culture humaine. Plus de 200 espèces d’arbres fruitiers ont été recensées dans les régions tropicales humides. De nombreuses espèces ligneuses et de palmiers, telles que les bananiers et les cocotiers, sont cultivées dans de petites exploitations ou des coopératives, ainsi que sur de vastes plantations. Si le dattier est une plante complètement domestiquée, d’autres espèces comme la noix du Brésil poussent encore à l’état sauvage. Il existe, dans le monde, plus de 150 variétés de bananiers et 2 500 espèces de palmiers qui donnent une grande diversité de produits. Le sagoutier nourrit des millions d’individus dans le monde entier. Le cocotier et ses produits sont utilisés de plus de mille manières, et le rônier (ou borasse) et ses produits de plus de 800 façons différentes. Environ 400 000 personnes dépendent du cocotier et de ses produits pour leur subsistance. Le tableau 64.9 donne la liste d’un certain nombre d’arbres, de fruits et de palmiers des zones tropicales et subtropicales, tandis que le tableau 64.10 énumère quelques espèces commerciales de palmiers et d’arbres de la famille des palmiers, ainsi que leurs produits.

Tableau 64.9 Arbres, fruits et produits tropicaux et subtropicaux commerciaux

Catégories

Fruits, arbres et produits

Fruits tropicaux et semi-tropicaux (sauf agrumes)

Figue, banane, sagou, nèfle du Japon, papaye, goyave, mangue, kiwi, datte, chérimole, pomme mexicaine, durian, fruit à pain, cerise du Suriname, litchi, olive, carambole, caroube, cacao, avocat, sapotille

Agrumes semi-tropicaux

Orange, pamplemousse, citron vert, citron, tangerine, tangelo, calamondin, kumquat, cédrat

Noix tropicales

Noix de cajou, noix du Brésil, amande, pignon, noix de macadamia

Plantes oléagineuses

Huile de palme, olive, noix de coco

Aliments pour insectes

Feuilles de mûrier (pour vers à soie), moelle de sagoutier en décomposition (pour larves)

Plantes textiles

Kapok, sisal, chanvre, coir (fibre de coco), raphia, fibre de piassava, rônier, caryote brûlant

Amidon

Sagoutier

Gousse de vanille

Vanillier

Tableau 64.10 Produits de différentes espèces de palmiers

Groupes

Produits

Utilisation

Noix de coco

Pulpe
Coprah (pulpe déshydratée)


Eau de coco
Coques

Coir (fibre de coco)

Feuilles
Bois
Sève de l’inflorescence

Alimentation, coprah, aliments pour animaux
Alimentation, huiles, savon, bougies, huile de cuisine, margarine, cosmétiques, détergents, lait de coco, crèmes, confitures
Boisson
Combustibles, charbon de bois, bols, cuillers, tasses
Nattes, ficelle, mélange pour empoter, brosses, cordes, cordage
Confection de toitures de chaume, tissage
Matériel de construction
Miel de palme, sucre de palme, alcool, arack (eau-de-vie de palme)

Datte

Fruit
Sève

Dattes sèches, sucrées
Sucre de datte

Huile de palme

Fruit (huile de pulpe de palme, similaire à l’huile d’olive)
Graines (huile de palmiste)

Cosmétiques, margarine, assaisonnements, combustibles, lubrifiants
Savon, glycérine

Rônier

Feuilles

Pétioles et gaines foliaires
Tronc
Fruits et graines
Sève, racines

Papier, abri, tissage, éventails, corbeilles, chapeaux
Nattes, corde, ficelle, balais, brosses
Charpentes, sagou, chou palmiste
Alimentation, pulpe de fruit, amidon, boutons
Sucre, vin, alcool, vinaigre, sura (boisson à base de sève), alimentation, diurétiques

Sagou (moelle du tronc de diverses espèces)

Amidon
Aliments pour insectes

Tourteaux, gruau, puddings, pain, farine
Moelle de sagoutier en décomposition pour larves

Chou palmiste (diverses espèces)

Bourgeon apical (partie supérieure du tronc)

Salades, cœurs de palmier en boîte

Raphia

Feuilles

Tresses, vannerie, ficelles

Sucre (diverses espèces)

Sève de palme

Sucre de palme (gur, caryote brûlant)

Cire

Feuilles

Bougies, rouge à lèvres, cirage, cire pour voiture, encaustique

Rotin

Tiges

Meubles

Noix de bétel

Fruit (noix)

Stimulants (mastication de noix de bétel)

La production

La culture des arbres tropicaux et des palmiers comprend les opérations de multiplication, d’entretien, de récolte et de postrécolte.

La multiplication de ces cultures peut faire intervenir des techniques de reproduction sexuée ou asexuée. La production fruitière se fait uniquement par reproduction sexuée; le stade de la pollinisation est critique. Le dattier étant un arbre dioïque, le pollen des plantes mâles doit être dispersé sur les plantes femelles. La pollinisation se fait généralement à la main ou mécaniquement. Manuelle, elle est réalisée par des travailleurs qui grimpent dans l’arbre en pratiquant des entailles sur le tronc, ou qui y montent en utilisant des échelles pour placer de petites branches de régimes mâles au centre de chaque régime femelle. Mécanique, elle se fait à l’aide d’un pulvérisateur suffisamment puissant pour projeter le pollen sur les grappes à fertiliser. Outre ces techniques de multiplication, on utilise aussi des techniques de reproduction sexuée pour produire des graines qui sont ensuite plantées, donnant ainsi de nouveaux plants. Parmi les méthodes de reproduction asexuée, il faut citer le bouturage à partir de plants arrivés à maturité.

L’entretien des cultures se fait à la main ou à l’aide d’engins mécaniques. La production bananière est essentiellement manuelle, mais elle peut aussi être mécanisée sur les terrains plats où l’on peut faire circuler de gros tracteurs. On utilise des pelleteuses mécaniques pour creuser des canaux de drainage. L’apport d’engrais se fait suivant un calendrier mensuel; les pesticides sont appliqués soit à l’aide de pulvérisateurs à rampe, soit par épandage aérien. Les plants sont soutenus par des tiges de bambou pour les protéger en cas d’orage. Les bananiers donnent des fruits au bout de deux ans.

La récolte se fait essentiellement à la main, plus rarement à la machine. Les récolteurs de bananes coupent les régimes, appelés mains, à l’aide d’un couteau emmanché à une longue perche et les recueillent sur l’épaule; un second travailleur attache un fil de nylon au régime et à un câble suspendu qui transporte le régime vers un tracteur ou une remorque. L’incision des inflorescences du cocotier pour en recueillir la sève est une opération qui demande aux travailleurs de passer d’un arbre à l’autre sur des cordes suspendues à des hauteurs très élevées. Les travailleurs grimpent également dans les cocotiers pour cueillir les noix à la main ou à l’aide d’un coupe-coupe fixé sur une longue tige de bambou. Dans les régions du sud-ouest du Pacifique, on se contente de ramasser les noix de coco mûres tombées d’elles-mêmes. Les dattes mûrissent à l’automne; les travailleurs montent sur les arbres à deux ou trois reprises à cette période et coupent les régimes qui présentent une maturité convenable. Les anciens procédés de récolte à la machette ont été remplacés par un système avec perche et crochet, mais la machette continue à être utilisée dans la récolte de nombreuses cultures (les feuilles de sisal, par exemple).

Les opérations postculturales varient selon les cultures et les produits que l’on en tire. Les travailleurs des bananeraies, dont la plupart sont des femmes et des enfants, lavent les bananes après la récolte, les enveloppent dans du polyéthylène et les emballent dans des caisses en carton ondulé avant de les expédier. Les feuilles de sisal sont séchées, liées en gerbes et acheminées à l’usine de transformation. Les fruits du kapok sont d’abord séchés au champ pour faciliter l’ouverture de la coquille qui sera cassée à l’aide d’un maillet ou d’une tige de métal. On sépare ensuite les fibres en secouant simplement les coques pour en faire sortir les graines; mises dans des sacs de jute, les fibres sont soumises à une opération de battage pour les rendre plus souples, puis compactées en balles. Les dattes sont réhydratées et mises à mûrir par des moyens artificiels après avoir été récoltées. Elles sont ensuite exposées à l’air chaud (100 à 110 °C) pour glacer l’épiderme du fruit avant pasteurisation et emballage.

L’endosperme charnu de la noix de coco, l’albumen, est commercialisé après dessiccation sous le nom de coprah ; l’enveloppe fibreuse du fruit, appelée coir est, elle aussi, commercialisée. L’opération de défibrage des noix pour obtenir le coir consiste à frapper les noix et à en extraire les fibres à l’aide de pointes plantées fermement dans le sol. Une fois défibrée, la coque du fruit est fendue en deux à la hache et mise à sécher soit au soleil, soit au four ou au séchoir à air chaud. Après le séchage, on extrait de la coque le coprah qui servira à produire l’huile de coco, des résidus d’extraction, c’est-à-dire le tourteau de coprah ou poonac , et le coco râpé déshydraté. On procède également au rouissage du coir en le faisant tremper dans l’eau pendant trois à quatre semaines, après quoi on passe au décorticage, à la décoloration et à la transformation.

Les risques et leur prévention

Les risques que présente la production des fruits tropicaux et des palmiers comprennent ceux d’accidents corporels, l’exposition aux éléments naturels et aux pesticides, les troubles respiratoires et les affections cutanées. Les arbres tropicaux sont souvent très hauts comme le bananier des sages qui atteint jusqu’à 5 m, le kapokier, 15 m, le cocotier, entre 20 et 30 m, le dattier, 30 m et le palmier à huile, 12 m. Les chutes de personnes ou d’objets représentent les accidents les plus sérieux; des baudriers de sécurité et des casques de protection devraient être portés au travail. La culture de variétés naines peut contribuer à atténuer ces risques de chute. Il y a lieu de mentionner aussi les risques de chute en grimpant aux kapokiers dont les branches se cassent et les petites blessures qu’on peut s’infliger aux mains en cassant les coques.

Des accidents peuvent survenir lors du transport des récoltes sur les camions ou remorques tirées par les tracteurs, ou lorsque les travailleurs grimpent aux arbres où ils risquent de se couper ou de s’érafler les mains avec les épines des feuilles de dattiers, les fruits des palmiers à huile et les feuilles de sisal. Les entorses lors de chutes dans des fossés ou des fondrières sont aussi à craindre, ainsi que les blessures, souvent graves, que peuvent occasionner les machettes et autres outils tranchants. Les travailleurs, essentiellement des femmes, portent souvent des charges très lourdes. Les tracteurs devraient être équipés de cabines. Il conviendrait que les conducteurs soient formés au maniement des machines agricoles et à la conduite rationnelle des engins et qu’ils soient sensibilisés à la nécessité d’observer les consignes de sécurité. La récolte des fruits de palmiers nécessite le port de gants de protection couvrant également les bras et l’utilisation de crochets. La mécanisation des opérations de sarclage et d’entretien permet de réduire le risque d’entorses dues à des chutes dans des trous ou des fossés. On devrait, en outre, veiller à soulever correctement les charges pesantes, à demander de l’aide en cas de besoin et à ménager des pauses régulières.

Parmi les risques naturels, on citera la présence de serpents qui posent un problème particulier lors des campagnes d’éclaircie des forêts et dans les plantations d’établissement récent, ainsi que les insectes et les maladies telles que le paludisme, l’ankylostomiase, l’anémie et les maladies entériques. Les opérations de rouissage exposent les travailleurs à des parasites et à des infections cutanées. La lutte contre les moustiques, les mesures d’assainissement et la fourniture d’eau potable constituent des mesures importantes contre ces risques.

L’intoxication par les pesticides est l’un des risques associés à la production d’arbres tropicaux où l’on utilise ces produits en grandes quantités. Les palmiers sont peu attaqués par les ravageurs et ceux qui présentent un problème n’affectent les arbres qu’à des époques données du cycle de croissance et peuvent donc être facilement identifiés et éliminés. La lutte intégrée contre les ravageurs et l’observation des consignes de sécurité lors de l’épandage des pesticides font partie des mesures de protection essentielles dans ce secteur d’activité.

Des études médicales ont révélé des cas d’asthme bronchique chez les producteurs de dattes, en rapport probablement avec une sensibilisation au pollen. On a également observé des cas de dermite avec peau sèche et d’onychie (infection de l’ongle). Les travailleurs devraient porter un appareil de protection respiratoire pendant la pollinisation, ainsi que des gants, et devraient se laver les mains fréquemment pour se protéger la peau quand ils sont au contact des palmiers dattiers et de leurs fruits.

L’ÉCORCE ET LA SÈVE

Melvin L. Myers*

* Certaines parties du texte sont une adaptiation des articels «Chanvre», de A. Barbero-Carcinero; «Liège», de L.C. Cancella de Abreu; «Caoutchouc nauturel (industrie)», de The Dunlop Co. Ltd.; «Térébenthine», de W. Grimm et H. Gries; «Cuir (tannage et corroyage)», de V.P. Gupta; «Epices», de S. Hrubý; «Camphre». de Y.C. Ko; «Résines naturelles», de J. Kubota; «Jute», de K.M. Nyunt; et «Ecorce», de F.J. Wenzel, publiés dans la 2e édition de l'Encyclopédie de médecine, d'hygiène et de sécurité du travail.

Le terme écorce désigne l’enveloppe protectrice des arbres, arbustes ou arbrisseaux. Certaines plantes herbacées, comme le chanvre, sont aussi cultivées pour leur écorce. L’écorce est composée d’une couche interne et d’une couche externe. Elle se forme au niveau du cambium de la couche interne qui donne naissance au phloème ou tissu conducteur qui transporte les éléments nutritifs des feuilles aux racines et aux autres parties de la plante, ainsi que la sève, des racines au reste de la plante. La fonction essentielle de la couche externe, ou épiderme, est de protéger l’arbre de la chaleur, du vent et des infections. On extrait une grande variété de produits de l’écorce et de la sève, comme le montre le tableau 64.11.

Tableau 64.11 Produits dérivés de l'écorce et de la sève et leurs utilisateurs

Produits de base

Produits (essences)

Utilisations

Résines (écorce interne)

Résine de pin, copal, frankincense
Myrrhe, résine rouge (palme grimpante)

Vernis, gommes-laques, laques
Encens, parfums, teintures

Oléorésines (aubier)

Térébenthine

Colophane


Benjoin
Camphre (camphrier-laurier)

Solvants, diluants, matières premières en parfumerie, désinfectants, pesticides
Traitement des crins des archets d’instruments à cordes, vernis, peintures, cire à cacheter, adhésifs, ciment, savon
Poudre pour gymnastes
Parfums, encens, plastiques et films pour l’alimentation, laques, explosifs à base de poudre sans fumée, désinfectants, lotions anti-insectes

Latex

Caoutchouc
Gutta-percha

Pneumatiques, ballons, joints, préservatifs, gants
Isolants, gaines de câbles souterrains et sous-marins, balles de golf, instruments chirurgicaux, certains adhésifs, chiclé pour chewing-gum

Substances médicinales et poisons (écorce)

Noisette de sorcière (hamamélis)
Cascara
Quinine (quinquina)
Cerise
If du Pacifique
Curare
Caféine (yoco)
Lonchocarpus (cubé)

Lotions
Emétiques
Antipaludéens
Antitussifs
Traitement du cancer de l’ovaire
Flèches empoisonnées
Soda amazonien
Asphyxiants pour poissons

Arômes (écorce)

Cannelle (cassier)
Amer, muscade et macis, girofle, racine de sassafras

Epices, aromates
Soda racinette («root beer») (jusqu’à ce qu’on ait établi un lien avec le cancer du foie)

Tannins (écorce)

Tsuga, chêne, acacia, saule, palétuvier, mimosa, quebracho, sumac, bouleau

Teintures végétales pour cuirs durs, transformation des denrées alimentaires, mûrissage des fruits, préparation de boissons (thé, café, vin), colorants d’encres, mordants pour teinture

Liège (écorce externe)

Liège naturel (chêne-liège), liège reconstitué

Flotteurs, bouchons et capsules, joints, feuilles et panneaux en liège, dalles de liège, carreaux acoustiques, semelles intérieures de chaussures

Fibres (écorce)

Tissu (bouleau, tapa, figuier, hibiscus, mûrier)
Baobab (écorce interne)
Jute (famille du tilleul, tiliacées)

Tille du lin, du chanvre (famille du mûrier, cannabinacées), ramie (famille de l’ortie, urticacées)

Canoës, papier, pagnes, jupes, rideaux, tentures, cordes, filets de pêche, sacs, étoffes grossières
Chapeaux
Toile de jute, grosse toile à sac, toile d’emballage, ficelle, tapis, habillement
Cordages, toile de lin

Sucres

Sirop de sucre d’érable (aubier)
Gur (nombreuses espèces de palmiers)

Sirops aromatisants
Sucre de palme

Résidus d’écorce

Copeaux, bandelettes de liège

Stabilisateurs du sol, paillis (copeaux), revêtements pour sentiers de jardins, panneaux de fibres agglomérées, panneaux de particules, panneaux de fibres durs, cartons, combustibles

On exploite les arbres pour les produits que l’on peut tirer de leur écorce et de leur sève dans le cadre de systèmes de cultures ou dans le milieu naturel. Les raisons pour ce choix sont diverses: ainsi, l’écorce des chênes de culture présente certains avantages par rapport aux chênes sauvages qui sont contaminés par le sable et poussent de manière irrégulière. En revanche, la lutte contre la rouille des feuilles des hévéas au Brésil est plus efficace pour les arbres à l’état sauvage, car ils sont plus espacés. Toutefois, dans les endroits où ils ne sont pas attaqués par les champignons, comme en Asie, la culture des hévéas a un rendement plus élevé en plantation.

La production

Trois grands procédés marquent la production d’écorce et de sève: l’écorçage partiel pour ne retirer que des plaques d’écorce, l’écorçage à blanc et l’écorçage pour extraire les fluides de l’arbre par coupe ou par incision.

Les plaques

L’écorçage des arbres sur pied est plus facile lorsque la sève coule, ou après injection de vapeur entre le bois et l’écorce. Deux techniques d’écorçage sont décrites ci-dessous, l’une pour le chêne-liège et l’autre pour le cannelier.

On cultive le chêne-liège dans la région occidentale du bassin méditerranéen, le Portugal étant le plus gros producteur. Comme dans le cas d’autres arbres tels que le baobab africain, l’écorce externe du chêne-liège repousse après écorçage. Le liège fait partie de l’écorce externe; il se situe sous la couche la plus externe appelée rhytidome. La couche de liège s’épaissit d’année en année. Après la première levée ou démasclage, un deuxième déliégeage peut avoir lieu au bout de six à dix ans. Le déliégeage consiste à pratiquer deux incisions circulaires et une ou plusieurs incisions verticales en prenant soin de ne pas toucher le cambium. Les déliégeurs se servent d’une hachette biseautée pour détacher les plaques de liège. Celui-ci est ensuite porté à ébullition, gratté et coupé en plaques de dimensions commercialisables.

La culture du cannelier s’est étendue du Sri Lanka à l’Indonésie, à l’Afrique orientale et aux Antilles. On utilise encore une technique ancestrale pour son exploitation (ainsi que pour celle du saule et de la cascara) qui est celle du régime du taillis ou coupe de rajeunissement. Cette technique fut découverte à l’ère néolithique quand on s’aperçut qu’un arbre coupé près du sol rejetait de nouvelles branches autour de la souche et que ces tiges pouvaient être régénérées par une coupe régulière juste au-dessus du sol. Le cannelier peut atteindre 18 m de hauteur, mais on le maintient généralement à 2 m. La tige principale est coupée à l’âge de trois ans et les rejets sont récoltés tous les deux ou trois ans. Après la coupe et le bottelage des drageons, les écorceurs incisent les bords de l’écorce à l’aide d’une lame courbée. Ils détachent ensuite l’écorce et, au bout d’un ou de deux jours, séparent l’écorce interne de l’écorce externe. Celle-ci est raclée à l’aide d’un grattoir et le résidu est jeté. L’écorce interne (portion fibreuse du phloème) est découpée en lamelles de 1 m de long pour donner les bâtonnets de cannelle que nous connaissons.

Les sous-produits

Le deuxième procédé consiste à écorcer de grosses bûches dans de grands tambours rotatifs, appelés tambours d’écorçage. On utilise les produits de cet écorçage comme combustible, fibre, paillis et tannin. Le tannin est l’un des produits de l’écorce les plus importants; on l’utilise dans l’industrie du cuir et de l’agroalimentaire (voir chapitre no 88, «Le cuir, la fourrure et la chaussure»). Les tannins sont dérivés de l’écorce de nombreuses essences d’arbres par diffusion ou percolation.

Outre le tannin, on récolte aussi l’écorce pour les substances qu’elle contient, comme l’hamamélis et le camphre. L’hamamélis est une lotion extraite par distillation à la vapeur des tiges de l’hamamélis d’Amérique du Nord. Des procédés similaires sont utilisés pour l’extraction du camphre des branches du camphrier.

Les fluides

Le troisième procédé consiste à récolter la résine et le latex de l’écorce interne, ainsi que des oléorésines et des sirops de la sève. La résine se trouve surtout dans les espèces de pins. Elle suinte des incisions faites sur le tronc pour protéger l’arbre d’une éventuelle infection. Pour récolter cette résine, les travailleurs doivent blesser le tronc en enlevant une fine pellicule d’écorce ou en la perçant.

La plupart des résines épaississent et durcissent quand elles sont exposées à l’air, mais certaines essences produisent des résines liquides que l’on appelle oléorésines, comme la térébenthine des conifères. On la recueille en pratiquant de grandes incisions sur un côté du tronc d’où la térébenthine s’écoule. Sa distillation donne l’essence de térébenthine et un résidu, la colophane ou arcanson.

Toute sève laiteuse exsudée par les plantes est appelée latex qui, dans le cas des hévéas, se forme dans l’écorce interne. La récolte du latex se fait par saignée de l’écorce de l’hévéa en pratiquant des incisions circulaires dans le tronc tout en évitant d’endommager le cambium. Le latex est recueilli dans une tasse (voir chapitre no 80, «L’industrie du caoutchouc»). Pour empêcher que le latex ne durcisse, on le coagule ou on lui ajoute un fixatif, l’hydroxyde d’ammonium. En Amazonie, la coagulation se fait par des fumées acides ou par des applications d’acide formique. Le caoutchouc brut est ensuite expédié dans les usines de traitement.

Au début du printemps, dans les climats froids des Etats-Unis, du Canada et de Finlande, on procède à l’extraction du sirop d’érable. Dès que la sève commence à suinter, on fixe des gouttières dans des trous pratiqués dans le tronc par lesquels la sève s’écoule dans un seau ou dans un système de canalisation en plastique relié à une citerne. Cette sève est portée à ébullition pour la réduire à 1/40e de son volume initial et produire le sirop d’érable. Une procédure d’osmose inversée peut être utilisée pour enlever l’eau restante avant de procéder à l’évaporation. Le sirop concentré est ensuite refroidi et mis en bouteille.

Les risques et leur prévention

Les risques associés à la production d’écorce et de sève pour leur transformation sont généralement l’exposition aux éléments naturels, les accidents, l’exposition aux pesticides, les allergies et les dermites. Les risques naturels comprennent les morsures de serpents et les piqûres d’insectes, ainsi que le risque d’infection lorsque des maladies transmises par certains vecteurs ou par l’eau deviennent endémiques. La lutte contre les moustiques, les mesures d’assainissement et l’approvisionnement en eau potable jouent un rôle préventif important.

Les opérations d’écorçage, d’incision et de saignée comportent des risques de coupures qui devraient, le cas échéant, être traitées immédiatement pour prévenir l’infection. Il existe aussi des risques lors des opérations d’abattage, mais la mécanisation a permis de les réduire. Les sources de chaleur auxquelles on a recours pour «fumer» les hévéas et pour faire évaporer les huiles essentielles, les résines et la sève exposent à d’éventuelles brûlures. Le sirop d’érable brûlant risque d’ébouillanter les travailleurs. Parmi les autres risques liés à ces activités, on mentionnera les accidents occasionnés par les animaux de trait, les véhicules et outils divers, sans oublier les accidents corporels auxquels on s’expose lors du levage des grumes ou des conteneurs. L’écorçage mécanique expose les travailleurs à des risques d’accidents graves, ainsi qu’à des troubles de l’audition. Il convient de prendre toutes les mesures de prévention utiles et de suivre les consignes de sécurité. On veillera également à porter un équipement de protection individuelle.

Dans les plantations d’hévéas, l’exposition aux pesticides, notamment à l’arsénite de sodium, présente des risques qui peuvent être évités en suivant les recommandations des fabricants relatives aux opérations de stockage, de manipulation des formules et de pulvérisation.

Des protéines allergisantes présentes dans la sève du caoutchouc naturel sont tenues responsables de l’allergie au latex (Makinen-Kiljunen et coll., 1992). Certaines substances qu’on retrouve dans la résine et la sève de pin peuvent occasionner des réactions allergiques chez les personnes présentant une sensibilisation au baume du Pérou, à la colophane ou à la térébenthine. Les résines, les terpènes et les huiles essentielles peuvent également provoquer des dermites allergiques de contact chez les travailleurs qui manipulent du bois non traité. On évitera tout contact direct de la peau avec le latex, la sève et la résine en suivant les consignes en la matière et en portant des vêtements de protection.

La pneumonie par hypersensibilité aux poussières organiques, également connue sous le nom du poumon des écorceurs d’érable, résulte de l’exposition aux spores de Cryptostroma corticale , moisissure noire qui se développe sous l’écorce au cours de l’écorçage des grumes d’érable stockées. De même, la pneumonie progressive est souvent associée au contact avec le bois de séquoia ou de chêne-liège. La prévention consiste à éliminer les opérations de sciage, à humidifier le bois au cours de l’écorçage avec un détergent et à bien ventiler l’aire d’écorçage.

LE BAMBOU ET LE ROTIN

Melvin L. Myers et Y.C. Ko*

* Adapté de l'article «Bambou et rotin», de Y.C. Ko, publié dans la 2e édition de l'Encyclopédie de médecine, d'hygiène et de sécurité du travail.

Le terme bambou désigne une plante de la famille des graminacées et s’applique à plus de mille espèces différentes dont quelques-unes seulement sont cultivées dans des plantations commerciales (bambouseraies) ou en pépinière. Le bambou est un arbrisseau à tige ligneuse, qui peut aller du buisson à tiges de 1 cm de diamètre aux très grandes essences subtropicales qui atteignent 30 m de haut et dont les tiges mesurent 30 cm de diamètre. Certaines essences poussent à un rythme prodigieux, jusqu’à 16 cm par jour. Les bambous fleurissent rarement (lorsqu’ils fleurissent, la floraison peut se produire à intervalles de 120 ans), mais on peut les cultiver en plantant simplement leurs tiges. La plupart des espèces de bambous viennent d’Asie où elles poussent à l’état sauvage dans les régions tropicales et subtropicales. Certaines espèces ont été exportées dans les régions tempérées où elles ont besoin d’être irriguées et nécessitent un entretien particulier pendant l’hiver.

Certaines espèces sont utilisées comme légumes, en saumure ou en conserve. Le bambou est aussi employé comme médicament oral en cas d’empoisonnement, car il contient de l’acide silicique qui absorbe le poison contenu dans l’estomac (cet acide est aussi produit synthétiquement).

Grâce à leurs propriétés ligneuses, les tiges de bambou ont bien d’autres usages. On s’en sert notamment dans la construction d’habitations, les tiges entières servant de piliers ou de montants, et les tiges fendues ou lattes plus fines (entrecroisées pour former un treillis) servant de murs, de cloisons ou de toitures. On utilise aussi le bambou dans la construction de bateaux ou de mâts de bateaux, de radeaux et dans la fabrication de clôtures, meubles, récipients et produits artisanaux tels que parasols et cannes. Parmi les autres utilisations possibles, on peut citer des tuyaux pour canaliser l’eau, des essieux de brouettes, des cannes à pêche, des échafaudages, des persiennes, des cordages, des râteaux, des balais et des armes (arcs et flèches). En outre, la pulpe du bambou est employée pour confectionner un papier de très haute qualité. Le bambou est également cultivé en pépinière; on le trouve dans des jardins comme plante d’ornement et il sert aussi à l’aménagement de brise-vent et de haies (Recht et Wetterwald, 1992).

On confond parfois rotin et bambou, quoique la distinction botanique soit très nette, le rotin étant une variété de palmier. Le jonc d’Inde (Calamus rotang) ou rotin pousse librement dans les régions tropicales et subtropicales, en particulier en Asie du Sud-Est. Il sert à fabriquer des meubles (des sièges, notamment), des paniers et d’autres produits artisanaux. C’est un matériau très apprécié pour son aspect et sa souplesse. En fabrication, il est souvent nécessaire de fendre les rameaux.

La culture

La culture du bambou comprend les étapes de multiplication, de plantation, d’irrigation, de taille et de récolte. Les bambous sont propagés de deux manières, par semis ou en plantant directement des morceaux du rhizome (la tige souterraine). Certaines bambouseraies dépendent de la propagation naturelle des graines. Comme le bambou fleurit rarement et que les graines ne sont utilisables que pendant quelques semaines, la plupart des opérations de multiplication consistent à démarier une plante volumineuse comportant rhizome et tiges. On utilise pour cette opération des outils tels que pelle, couteau, hache ou scie.

Les opérations de plantation et de replantation consistent à creuser un trou dans lequel on place la plante et à remettre de la terre autour des rhizomes et des tiges. Il faut une dizaine d’années pour obtenir une bambouseraie exploitable. La culture de bambous dans leur habitat naturel ne pose pas de problème d’irrigation, car il pleut fréquemment, mais dans les régions plus sèches, il faut recourir à des moyens d’irrigation artificielle. Le bambou a besoin de beaucoup d’engrais, de l’azote en particulier. On utilise pour cela des déjections d’animaux et des engrais commerciaux. La silice (SiO2) est un engrais aussi important que l’azote pour le bambou. A l’état sauvage, les bambous contiennent suffisamment de silice par le recyclage naturel des feuilles tombées à terre. Dans les pépinières commerciales, on laisse les feuilles tombées autour des bambous et l’on ajoute parfois des minéraux riches en silice, comme de la bentonite. Les vieilles tiges de bambou sont taillées pour faire de la place à la nouvelle poussée végétative. Dans les bambouseraies d’Asie, les tiges mortes sont fendues pour faciliter leur décomposition et viennent s’ajouter à l’humus.

Le bambou est récolté pour les produits alimentaires que l’on peut en tirer, tels que les pousses de bambous, ou pour son bois ou sa pulpe. On récolte les tiges au bout de trois ou cinq ans après la plantation, à un moment où elles ne sont ni trop dures ni trop tendres. Elles sont coupées au couteau ou à la hache, puis chauffées pour les courber ou fendues à l’aide d’un couteau et d’un maillet en fonction de l’usage qui leur est réservé.

Le rotin est habituellement récolté sur des plantes sauvages, souvent dans des régions montagneuses incultes. Les tiges de la plante sont coupées près des racines, sorties des fourrés et séchées au soleil. Après effeuillage et écorçage, elles sont expédiées à l’usine de traitement.

Les risques et leur prévention

Les risques auxquels les travailleurs sont exposés dans les bambouseraies comprennent les morsures de serpents venimeux, la possibilité de trébucher sur les souches de bambous et les coupures qui peuvent entraîner des risques de tétanos. En outre, les déjections des oiseaux et des poulets qui vivent sur les plantations peuvent être contaminées par Histoplasma capsulatum (Storch et coll., 1980). Des coupures sont possibles lors des manipulations, en particulier quand on fend les tiges. Celles-ci présentent à leurs extrémités des arêtes acérées sur lesquelles on peut se couper ou se piquer. Par ailleurs, les cas d’hyperkératose palmaire ou digitale ne sont pas rares chez les travailleurs qui fabriquent des caisses en bambou. L’exposition aux pesticides présente aussi des risques. Il faut se munir d’une trousse de soins d’urgence en cas de morsure de serpent et faire traiter la victime par un médecin. On devrait prévenir le tétanos par la vaccination et ses rappels.

Les couteaux et les scies devraient être convenablement entretenus et utilisés avec précaution. Si l’on travaille en présence de déjections d’oiseaux, on devrait mener les opérations sous la pluie pour éviter l’exposition à la poussière ou porter un équipement de protection respiratoire.

La récolte du rotin comporte les risques inhérents aux lieux où ces plantes poussent, c’est-à-dire dans les forêts éloignées où vivent serpents et insectes venimeux. L’écorce du rotin est garnie d’épines qui peuvent lacérer la peau. Les travailleurs peuvent aussi se couper et devraient donc porter des gants pour manipuler les tiges. Il en est de même pour les travailleurs de l’industrie de transformation du rotin qui risquent d’être atteints d’hyperkératose palmaire et digitale, probablement en raison de la rugosité du matériau.

LES CULTURES SPÉCIALES

LA CULTURE DU TABAC

Gerald F. Peedin

Le tabac (Nicotiana tabacum) est une plante qui contient dans ses feuilles une substance de grande valeur commerciale, la nicotine. Bien que l’on cultive le coton sur de plus grandes étendues, le tabac est la culture non alimentaire la plus répandue dans le monde. On le cultive dans plus de 100 pays et sur tous les continents. On consomme du tabac dans le monde entier sous forme de cigarettes, de cigares, de tabac à chiquer, à fumer et à priser. La consommation annuelle de cigarettes, évaluée à près de 5,6 milliards, absorbe plus de 80% de la production. En 1995, la Chine, les Etats-Unis, le Brésil et l’Inde ont produit plus de 60% de la production mondiale, estimée à 6,8 millions de tonnes.

Les différentes utilisations du tabac par les fabricants sont conditionnées par les propriétés chimiques et physiques des feuilles de tabac sec qui, à leur tour, sont conditionnées par l’interaction de facteurs génétiques, pédologiques, climatiques et culturaux. On cultive ainsi de nombreuses variétés de tabac; certaines d’entre elles ont des utilisations commerciales très diverses. Aux Etats-Unis, le tabac est classé en sept grandes catégories qui comprennent au total 25 types différents de tabac. Les techniques de production changent en fonction des variétés que l’on cultive dans les divers pays, mais l’utilisation d’engrais azotés, la densité des plants, l’époque d’écimage et la hauteur à laquelle le pratiquer, ainsi que l’époque de récolte et de séchage, sont des facteurs qui varient également selon les types de tabac que l’on veut produire et leur utilisation spécifique. La qualité des feuilles dépend toutefois beaucoup des conditions liées à leur environnement.

Les tabacs blonds, les tabacs de type Burley et les tabacs d’Orient sont les principaux types de tabac qui entrent dans la composition des cigarettes fumées dans le monde; ils représentaient respectivement 57%, 11% et 12% de la production mondiale en 1995. Le commerce international de ces types de tabac est très important, les Etats-Unis et le Brésil étant les plus gros exportateurs de tabacs blonds et de tabacs de type Burley, tandis que la Turquie et la Grèce sont les plus gros fournisseurs de tabac d’Orient. La Chine, premier producteur mondial de tabac et de cigarettes, consomme à l’heure actuelle la plus grosse partie de sa production à l’intérieur de ses frontières. En raison d’une demande croissante pour les cigarettes «américaines», les Etats-Unis sont devenus le premier exportateur mondial au début des années quatre-vingt-dix.

La culture du tabac se pratique essentiellement par repiquage; on prépare les plants à partir de graines minuscules (environ 12 000 au gramme) que l’on sème à la main dans des lits de semences soigneusement composés et on les prélève ensuite manuellement pour les besoins du repiquage au champ dès qu’ils ont atteint une hauteur de 15 à 20 cm. Sous les climats tropicaux, les lits de semences sont généralement recouverts de paillis pour préserver l’humidité du sol et protéger les plants des grosses pluies. En zone plus tempérée, ils sont recouverts de bâches en matériau synthétique ou en étamine pour les protéger du givre et du gel jusqu’à l’époque du repiquage. Les lits de semences sont habituellement traités au bromure de méthyle ou au dazomet pour les prémunir contre les principaux ravageurs. Dans certains pays, on utilise également des herbicides en complément d’autres traitements, mais le sarclage est plutôt manuel dans les régions où la main-d’œuvre est abondante et peu onéreuse. Des pesticides sont régulièrement utilisés contre les insectes et maladies foliaires. Aux Etats-Unis et au Canada, les plants de tabac sont préparés essentiellement en serres, qui sont en plastique aux Etats-Unis et en verre au Canada. Les plants poussent d’ordinaire dans de la tourbe horticole ou dans un mélange à base de fumier que l’on stérilise à la vapeur, dans le cas du Canada, avant d’y planter les graines. Aux Etats-Unis, on a plutôt recours à des plateaux de polystyrène où est étalé le mélange qui est généralement traité au bromure de méthyle ou avec une solution chlorée entre les époques de repiquage pour protéger les semis contre les maladies fongiques. Seuls quelques types de pesticides étant toutefois autorisés dans les serres de ce pays, les cultivateurs dépendent essentiellement de méthodes de ventilation, de circulation horizontale de l’air et d’assainissement pour lutter contre la plupart des maladies foliaires.

Quelle que soit la méthode de repiquage employée, les plants sont régulièrement écimés au niveau du méristème apical pendant plusieurs semaines avant le repiquage, pour des raisons d’uniformité et de survie une fois le repiquage effectué au champ. Cette opération est réalisée mécaniquement dans certains pays développés et manuellement dans les pays où la main-d’œuvre est abondante (voir figure 64.28).

Figure 64.28 Ecimage manuel de plants de tabac à l'aide de cisailles (Zimbabwe)

Figure 64.28

Selon la disponibilité et le coût de la main-d’œuvre et de l’équipement, les plants sont repiqués manuellement ou mécaniquement dans des champs préalablement préparés à cet effet et traités avec une ou plusieurs sortes de pesticides pour protéger la terre des organismes pathogènes et des plantes adventices (voir figure 64.29). Afin de protéger les travailleurs contre les pesticides, ceux-ci sont rarement appliqués pendant les opérations de repiquage, mais il est souvent nécessaire d’utiliser des produits désherbants et certains traitements au cours de la saison de végétation et de la récolte. Dans de nombreux pays, on a recours à des méthodes culturales telles que l’utilisation de variétés tolérantes et la rotation des cultures avec des plantes non hôtes (quand il y a assez de terres) pour réduire la dépendance envers les pesticides. Au Zimbabwe, par exemple, la législation prescrit que les lits de semences, ainsi que les tiges et les racines, doivent être détruits à certaines époques pour réduire l’incidence et la propagation de certains virus transmis par les insectes.

Figure 64.29 Repiquage mécanique de tabac blond en Caroline du Nord (Etats-Unis)

Figure 64.29

Selon le type de tabac, des apports plus ou moins importants d’engrais sont effectués, le plus souvent manuellement dans les pays en développement. Pour garantir un bon mûrissage et une bonne dessiccation du tabac blond, il faut veiller à ce que l’absorption d’azote diminue rapidement en fin du cycle de croissance; c’est pour cette raison que le fumier d’animaux est rarement employé pour les cultures de ce type et que des quantités d’azote inorganique variant de 35 à 70 kg sont appliquées à l’hectare en fonction des caractéristiques du sol et de la pluviosité. Le tabac de type Burley et la plupart des tabacs à mâcher ou à cigare sont généralement cultivés sur des sols plus fertiles que ceux qui servent à la culture des tabacs blonds, mais les premiers reçoivent trois ou quatre fois plus d’azote pour renforcer certaines caractéristiques intéressantes.

Le tabac est une plante à fleurs dont le méristème central inhibe la croissance des bourgeons auxiliaires (rejets) par action hormonale jusqu’à ce que le méristème commence à fleurir. Pour la plupart des types de tabac, l’élimination des fleurs (écimage) avant la maturation des graines et le contrôle de la croissance des rejets sont des pratiques culturales auxquelles on a recours pour améliorer les rendements en détournant les ressources de la plante vers la production de feuilles. Les fleurs sont ôtées manuellement ou mécaniquement (essentiellement aux Etats-Unis) et, dans la plupart des pays, on retarde la croissance des rejets au moyen de régulateurs de croissance. Aux Etats-Unis, des produits chimiques ciblant spécialement la destruction des rejets sont appliqués mécaniquement sur le tabac blond dont la campagne de récolte est la plus longue de tous les types de tabac du pays. Dans les pays en développement, ces produits sont souvent appliqués manuellement. Toutefois, quelle que soit la méthode d’application et le type de produit utilisé, on obtient rarement les résultats escomptés et il faut alors éliminer les rejets à la main.

Les techniques de récolte varient considérablement en fonction des types de tabac. Les feuilles du tabac blond, celles du tabac d’Orient et celles qui entrent dans la fabrication de la tripe et de la sous-cape des cigares sont les seules qui soient récoltées à mesure qu’elles mûrissent, depuis la base jusqu’au sommet de la plante. Les signes de maturité apparaissent sur les feuilles qui se cloquent et jaunissent à mesure que la chlorophylle se dégrade. Plusieurs feuilles sont cueillies sur chaque plante à chaque passage effectué au long d’une période de six à douze semaines après l’écimage; la cueillette dépend de la pluviométrie, de la température, de la fertilité des sols et de la variété cultivée. La récolte d’autres types de tabac comme le Burley, le Maryland, la tripe et la sous-cape des cigares, ainsi que les tabacs à mâcher séchés au feu, se fait en tiges, autrement dit, en sectionnant la tige de la plante à sa base quand la plupart des feuilles sont jugées mûres. Dans le cas de certaines variétés séchées à l’air, on prélève l’étage foliaire inférieur puis on coupe le reste de la tige. Quel que soit le type de tabac, les opérations de récolte et de préparation des feuilles pour le séchage et la commercialisation sont celles qui demandent le plus de main-d’œuvre (voir figure 64.30). La récolte est essentiellement une opération manuelle, surtout pour la récolte en tiges (voir figure 64.31). La récolte du tabac blond est aujourd’hui hautement mécanisée dans la plupart des pays développés où la main-d’œuvre coûte cher. Aux Etats-Unis, environ la moitié de cette opération se fait à l’aide de machines, ce qui nécessite l’absence quasi totale de mauvaises herbes et de rejets dans les feuilles traitées.

Figure 64.30 Préparation du tabac d'Orient pour le séchage à l'air naturel après
la récolte manuelle

Figure 64.30

Figure 64.31 Récolte manuelle du tabac blond par un petit exploitant (sud de Brésil)

Figure 64.31

Lors de l’étape de dessiccation de la plupart des types de tabac, il est nécessaire de contrôler la température et l’humidité dans l’installation de séchage. Le séchage artificiel à l’air chaud exige une structure de séchage extrêmement élaborée, car le contrôle de la température et de l’humidité se fait en fonction d’un programme très strict, la température atteignant plus de 70 °C au cours des dernières étapes du séchage qui s’effectue sur une période de cinq à huit jours. En Amérique du Nord et en Europe occidentale, le séchage à l’air chaud est effectué principalement dans des cuves en métal chauffées au gaz ou au gasoil, équipées d’un dispositif automatique ou semi-automatique de contrôle de la température et de l’humidité. Dans la plupart des pays, les installations de séchage sont contrôlées manuellement; elles sont construites en bois ou en briques et fonctionnent souvent au bois (Brésil) ou au charbon (Zimbabwe) que l’on charge à la main. L’étape initiale, et la plus importante, du processus de séchage à l’air chaud est appelée jaunissement. Au cours de cette étape, la chlorophylle est dégradée et la plupart des hydrates de carbone sont convertis en sucres donnant aux feuilles un arôme caractéristique. Les cellules des feuilles sont ensuite aérolysées avec un air plus sec et plus chaud pour enrayer le processus de perte des sucres. Les matériaux de combustion ne sont pas en contact avec les feuilles. La plupart des autres types de tabac sont séchés à l’air en séchoir sans chaleur, mais en faisant généralement appel à des moyens de ventilation manuelle partielle. Ce processus s’étale sur quatre à huit semaines selon les conditions de l’environnement et le niveau de contrôle de l’humidité à l’intérieur de l’installation. Ce processus, plus long et plus graduel, donne des feuilles dont la teneur en sucre est moins élevée. Le séchage à la fumée est un procédé utilisé dans le cas du tabac à mâcher ou à priser. Il s’agit d’un séchage à l’air dans une structure à l’extérieur de laquelle brûlent de petits feux entretenus avec du bois de chêne ou de caryer pour fumer les feuilles et leur donner l’odeur et le goût du bois, tout en améliorant leurs propriétés de conservation.

La couleur des feuilles de tabac sec, et leur uniformité au sein d’un lot, sont des caractéristiques importantes sur lesquelles les acheteurs se basent pour déterminer l’utilisation ultérieure de ces produits. Les feuilles de couleur indésirable (vertes, noires et marron) sont éliminées du lot manuellement avant leur mise en vente (voir figure 64.32). Dans la plupart des pays, les feuilles de tabac séchées sont séparées en lots homogènes en fonction des variations de couleur, de leurs dimensions et d’autres caractéristiques visuelles (voir figure 64.33). Dans certains pays d’Afrique australe où la main-d’œuvre est abondante et peu onéreuse et où la plus grande partie de la production est exportée, la récolte pourra être triée en 60 lots ou davantage (grades) avant sa mise en vente, comme le montre la figure 64.33. La plupart des types de tabac sont mis en balles pesant entre 50 et 60 kg (100 kg au Zimbabwe) (voir figure 64.34). Aux Etats-Unis, où le tabac blond est conditionné dans de la toile d’emballage en plaques d’environ 100 kg, on étudie la possibilité d’un conditionnement en balles de 200 kg. Dans la plupart des pays, la vente du tabac fait l’objet d’un contrat entre les producteurs de tabac et l’acheteur, contrat aux termes duquel les prix correspondant aux diverses qualités sont fixés d’avance. Dans certains pays grands producteurs, la production annuelle est réglementée ou fait l’objet de négociations entre producteurs de tabac et acheteurs, et le tabac est vendu aux enchères, qu’un prix minimum ait été fixé (Etats-Unis et Canada) ou non (Zimbabwe) pour les diverses qualités. Aux Etats-Unis, les tabacs blonds ou de type Burley qui ne sont pas vendus aux acheteurs commerciaux sont achetés à un prix spécial par les coopératives de producteurs et vendus plus tard à des acheteurs locaux et étrangers. Bien que la commercialisation du tabac se soit considérablement mécanisée dans certains cas, comme au Zimbabwe (voir figure 64.35), nombre d’opérations de déchargement des balles, de présentation de la marchandise pour la vente, de chargement et de transport vers les usines de transformation des acheteurs sont encore réalisées manuellement et font appel à une main-d’œuvre importante.

Figure 64.32 Les feuilles sèches de tabac de type Burley sont détachées à la main

Figure 64.32

Figure 64.33 Triage manuel du tabac blond traité (séché à l'air chaud)
en grades homogènes (Zimbabwe)

Figure 64.3

Figure 64.34 Chargement des balles en vue de leur acheminement vers un centre de
vente (sud de Brésil)

Figure 64.34

Figure 64.35 Déchargement des balles dans un centre de vente aux enchères
au Zimbabwe

Figure 64.35

Les risques et leur prévention

Les besoins en main-d’œuvre manuelle pour produire et commercialiser le tabac varient considérablement d’une région du monde à l’autre en fonction du niveau de mécanisation des opérations de plantation, de récolte et de commercialisation. Le travail manuel entraîne des risques tels que des troubles musculo-squelettiques occasionnés lors d’activités comme le repiquage, l’application de produits chimiques pour détruire les rejets, la récolte, le triage des feuilles de tabac sec en diverses qualités et le soulèvement des balles. Ces problèmes peuvent être évités en formant les travailleurs aux techniques de levage des charges et en leur fournissant des outils bien étudiés. Les travailleurs peuvent également se couper et contracter le tétanos; pour minimiser ces risques, il faut leur fournir des couteaux bien conçus et bien aiguisés et leur apprendre à s’en servir correctement.

La mécanisation des opérations peut atténuer ces risques, mais elle présente elle-même certains dangers, dont les accidents liés au transport des marchandises. Là aussi, l’amélioration des cabines et des cadres de protection sur les tracteurs, l’aménagement de boucliers et de protecteurs sur les machines ainsi qu’une formation adéquate des travailleurs seront autant de mesures de prévention.

L’épandage de pesticides et de fongicides comporte des risques d’exposition aux produits chimiques. Aux Etats-Unis, l’Agence de protection de l’environnement (Environmental Protection Agency (EPA)) exige des producteurs de tabac qu’ils protègent les travailleurs des risques liés aux pesticides en prenant diverses mesures, à savoir: 1) qu’ils les forment à l’utilisation rationnelle des pesticides, notamment des pesticides qu’ils utilisent sur leurs propres exploitations; 2) qu’ils leur fournissent un équipement et des vêtements de protection individuelle, qu’ils veillent à la bonne utilisation et au bon entretien de ce matériel et s’assurent que les travailleurs respectent les délais d’attente prescrits avant de pénétrer dans les champs traités; et 3) qu’ils aménagent des sites de décontamination et prévoient des soins d’urgence en cas d’exposition. On devrait également remplacer les pesticides dangereux par des produits moins nocifs chaque fois que la chose est possible.

Les travailleurs dans les champs de tabac, surtout ceux qui n’en ont pas l’habitude, souffrent parfois de nausées ou de vertiges peu après avoir été en contact direct avec le tabac vert au cours des récoltes, peut-être en raison de la nicotine ou d’autres substances absorbées par la peau. Aux Etats-Unis, cette réaction que l’on appelle «la maladie du tabac vert» touche un petit pourcentage de travailleurs; les symptômes surviennent la plupart du temps lorsque des individus sensibles à ce type de réactions sont occupés à la récolte du tabac humide et que leurs vêtements ou leur peau sont pratiquement toujours en contact avec le tabac vert. Cette réaction est temporaire et ne présente pas de danger si ce n’est une sensation de malaise pendant quelques heures après l’exposition. On recommande aux travailleurs qui y sont sensibles de réduire le temps pendant lequel ils sont exposés au tabac vert durant la récolte ou à l’occasion d’autres tâches nécessitant un contact prolongé avec ce produit, notamment de ne travailler qu’avec des feuilles sèches ou, si elles sont humides, de porter des vêtements imperméables légers et des gants imperméables. On leur recommande en outre de porter des pantalons longs, des chemises à manches longues et, si possible, des gants, même si le tabac est sec, par mesure de précaution. On leur recommande enfin de quitter le champ et de se laver immédiatement si des symptômes apparaissent.

Des affections cutanées peuvent survenir chez les travailleurs qui manipulent les feuilles de tabac engrangées. Il arrive aussi que des personnes travaillant dans les entrepôts de stockage, particulièrement les nouvelles recrues, souffrent de conjonctivite ou de laryngite.

Parmi les mesures de prévention possibles, on mentionnera les mesures sanitaires (accès aux douches et autres installations), les soins d’urgence et la formation.

LE GINSENG, LA MENTHE ET LES AUTRES PLANTES AROMATIQUES

Larry J. Chapman

Il n’existe pas de définition homogène du terme «herbe», et la distinction entre herbes et plantes condimentaires n’est pas toujours évidente. Le présent article indique les caractéristiques générales de certaines herbes dites aussi fines herbes ou plantes aromatiques. Il existe plus de 200 herbes, si l’on considère uniquement les plantes cultivées principalement dans les zones tempérées ou méditerranéennes pour leurs feuilles, leurs tiges et leurs fleurs. On utilise les herbes essentiellement comme condiments; parmi ces herbes culinaires, on trouve le basilic, le laurier, les graines de céleri, le cerfeuil, l’aneth, la marjolaine, la menthe, l’origan, le persil, le romarin, la sauge, la sarriette, l’estragon et le thym. Le plus gros demandeur de condiments est le secteur de la distribution alimentaire, suivi par l’industrie agroalimentaire et la restauration. Les Etats-Unis sont de loin les plus gros consommateurs d’herbes culinaires, suivis par le Royaume-Uni, l’Italie, le Canada, la France et le Japon. On emploie des herbes également dans l’industrie cosmétique et le secteur pharmaceutique pour donner aux produits un parfum et un goût agréables, ainsi que pour leurs vertus thérapeutiques; elles sont aussi utilisées en phytothérapie et par les adeptes de la médecine par les plantes.

Le ginseng

Le ginseng est une plante herbacée dont la racine sert dans la pratique de la médecine par les plantes. La Chine, la République de Corée et les Etats-Unis en sont les plus gros producteurs. En Chine, la plupart des plantations appartiennent à l’Etat et sont exploitées par lui. En République de Corée, l’industrie est constituée de plus de 20 000 exploitations familiales dont un bon nombre sont de petites exploitations qui cultivent moins d’un demi-hectare de terre chaque année. Aux Etats-Unis, la majorité des plantations sont aussi de petites exploitations cultivant moins d’un hectare par an. Toutefois, la majorité des cultures de ginseng dans ce pays sont produites par quelques producteurs qui dépendent d’une main-d’œuvre extérieure et de la mécanisation des opérations, ce qui leur permet de cultiver jusqu’à 30 hectares par an. Le ginseng est le plus souvent une culture de plein champ que l’on protège par des structures artificielles qui simulent l’effet d’ombrage du couvert forestier.

On pratique également la culture intensive du ginseng en forêt. Une petite partie de la production mondiale (et la plus grande partie des cultures organiques) est récoltée par des ramasseurs de racines sauvages. Les racines prennent entre cinq et neuf ans pour atteindre une dimension marchande. Aux Etats-Unis, la préparation des lits de semences en forêt ou en plein champ s’effectue généralement à la charrue tirée par un tracteur. Des opérations manuelles sont parfois nécessaires pour entretenir les rigoles et donner aux plates-bandes leur forme définitive. On utilise souvent des plantoirs mécaniques tirés par tracteur, mais le repiquage manuel est encore une pratique courante en République de Corée et en Chine. La construction de structures d’ombrage au moyen de perches et de lattes de bois ou de morceaux de toile, atteignant 2 à 2,5 m de hauteur, est une opération qui nécessite une main-d’œuvre importante et demande beaucoup d’efforts physiques. En Asie, on utilise bois, chaumes et tiges de roseau tressées que l’on peut trouver sur place pour la construction de ces structures. Dans les exploitations mécanisées des Etats-Unis, on paille les plates-bandes. Cette opération se fait à l’aide de déchiqueteuses de paille tirées par tracteur et analogues aux machines utilisées dans les opérations de paillage des fraisiers, mais adaptées pour le ginseng.

L’utilisation de machines pour la culture du ginseng présente certains dangers. Par exemple, les travailleurs risquent d’être happés s’ils sont en contact avec l’arbre de prise de force du tracteur, la trémie de la déchiqueteuse ou toute autre pièce mécanique en mouvement, particulièrement si les protections de ces machines sont inadaptées ou en mauvais état. Chaque année, il est nécessaire de sarcler à trois reprises avant la récolte. Les travailleurs doivent se baisser et se courber pour désherber à hauteur de la plante, ce qui met le système musculo-squelettique à rude épreuve. Le sarclage représente un travail important, notamment lors de la première et de la deuxième année. Un hectare de cultures de plein champ peut demander plus de 3 000 heures de travail au total pendant les cinq à neuf années qui précèdent la récolte. L’adoption de nouvelles méthodes de lutte chimique et organique contre les plantes adventices, y compris l’amélioration des paillis, peut contribuer à une moindre sollicitation de l’appareil musculo-squelettique. L’introduction de nouveaux outils et, plus généralement, la mécanisation des opérations devraient elles aussi faciliter le désherbage. Dans le Wisconsin, aux Etats-Unis, certains cultivateurs ont mis à l’essai un appareil à pédales permettant de désherber tout en gardant une position assise.

L’ombrage artificiel crée un environnement particulièrement humide où peuvent se développer champignons et moisissures. Aux Etats-Unis, on applique des fongicides de façon systématique au moins une fois par mois avec des engins tirés par tracteur ou au moyen de pulvérisateurs à dos. On applique également des pesticides et des rodenticides en cas de besoin. Parmi les stratégies visant à limiter l’exposition aux pesticides, on mentionnera la mise en œuvre de produits de faible toxicité, l’amélioration des moyens mécaniques d’application et les méthodes de substitution à la lutte chimique contre les ravageurs.

Lorsque les racines sont prêtes à être récoltées, les structures d’ombrage sont démontées et entreposées. Les opérations mécanisées se font à l’aide d’arracheuses tirées par tracteur, versions adaptées des engins utilisés pour la récolte des pommes de terre. Là encore, si les protections de l’arbre de prise de force et autres parties mobiles sont inadaptées, ces points pourront être source d’accidents. Le ramassage des racines constitue la dernière étape de la récolte; celle-ci se fait manuellement et oblige les travailleurs à se baisser et à s’accroupir.

Dans les petites exploitations aux Etats-Unis, en Chine et en République de Corée, la plupart des opérations, sinon la totalité, sont effectuées manuellement.

La menthe et les autres plantes aromatiques

Il existe une grande diversité de modes de production de plantes aromatiques, de sites de cultures, de méthodes de travail et de risques. Les plantes peuvent être récoltées à l’état sauvage ou cultivées. Les cultiver présente certains avantages dont une plus grande efficacité de production, une qualité plus uniforme ainsi que la possibilité d’établir un calendrier des cultures et de mécaniser les opérations. Aux Etats-Unis, la production de menthe et d’autres herbes est hautement mécanisée. Des opérations comme la préparation des sols, les semis, l’entretien et la protection des cultures, ainsi que la récolte, sont toutes pratiquées à partir du siège d’un tracteur auquel sont attelés divers engins agricoles.

Les risques potentiels ressemblent à ceux que présente toute autre production agricole mécanisée, parmi lesquels les risques de collisions de véhicules sur la voie publique, les traumatismes occasionnés par l’utilisation de tracteurs et autres machines, les intoxications dues aux produits chimiques et les brûlures.

On utilise encore des méthodes de culture à forte intensité de main-d’œuvre en Asie, en Afrique du Nord, dans les pays du bassin méditerranéen et dans d’autres régions (par exemple, pour la culture de la menthe en Chine, en Inde, aux Philippines et en Egypte). Les parcelles sont labourées à l’aide de charrues tirées par des animaux, et les sols sont préparés et fertilisés manuellement. Selon le climat, on creuse des tranchées pour l’irrigation des cultures et, selon le type de productions, on plante graines, boutures, plantules ou bouts de rhizomes. Le désherbage, opération qu’il faut répéter régulièrement, fait appel à une main-d’œuvre importante et les longues journées passées à travailler en position courbée, ou à répéter les gestes d’arrachage, mettent le système musculo-squelettique à rude épreuve. Toutefois, même si l’on fait appel à un grand nombre de personnes pour ces opérations, le désherbage manuel est souvent insuffisant. Dans ce cas, et pour certaines cultures, on a recours à des pesticides, puis on termine à la main, mais l’utilisation d’herbicides n’est pas très répandue dans la mesure où les cultures sont aussi sensibles à ces produits. Le paillage des cultures contribue à réduire le nombre d’opérations de désherbage, à protéger les sols et à préserver l’humidité. Cette technique favorise également la croissance de la plante et l’amélioration des rendements du fait que le paillis ajoute de la matière organique à la terre à mesure qu’il se décompose.

En dehors des opérations de désherbage, les travaux de préparation des sols, de plantation, de construction des structures d’ombrage, de récolte et d’autres opérations peuvent solliciter le système musculo-squelettique pendant de longues périodes. La modification des techniques de production, l’utilisation d’outils à main spéciaux et la mécanisation sont des possibilités à envisager pour réduire la demande en main-d’œuvre et les troubles musculo-squelettiques.

Les risques de brûlures et d’intoxications dus à l’emploi de pesticides et autres produits chimiques sont préoccupants dans le cas des opérations nécessitant une main-d’œuvre importante, car les pulvérisateurs à dos et autres méthodes d’application ne protègent pas efficacement contre l’absorption de produits par voie cutanée, par les muqueuses ou par inhalation. Le travail en serre présente des risques particuliers en raison de l’atmosphère confinée qui y règne. Le remplacement des produits chimiques dangereux par des produits moins toxiques, l’adoption de stratégies de lutte intégrée, l’amélioration du matériel et des méthodes d’application, ainsi que des équipements de protection individuelle, peuvent contribuer à atténuer ces risques.

L’extraction d’essences naturelles volatiles concerne un certain nombre d’herbes (distillation des feuilles de menthe). A cette fin, on charge le matériel végétal coupé dans des cuves hermétiques. Une chaudière produit de la vapeur qui est propulsée dans la cuve par des tuyaux à basse pression; l’huile en suspension est ensuite extraite des vapeurs par distillation.

Les risques liés à ce processus d’extraction comprennent les brûlures causées par la vapeur et, plus rarement, l’explosion des chaudières. Les mesures de prévention consistent à effectuer des inspections régulières des chaudières et des conduits renfermant de la vapeur sous pression pour s’assurer de leur intégrité.

Dans des environnements moins mécanisés, la production d’herbes aromatiques peut nécessiter un contact prolongé avec les plantes et les huiles et, dans une moindre mesure, avec les poussières qu’elles produisent. Les publications médicales mentionnent des réactions allergiques, des dermites professionnelles, des cas d’asthme professionnel ou autres troubles respiratoires et immunologiques associés à un certain nombre de plantes et d’épices. Les rapports sur la question sont peu nombreux, ce qui est peut-être dû davantage au fait que tous les cas ne sont pas nécessairement déclarés qu’à la faible incidence de ces problèmes sur la santé.

Les dermites professionnelles ont pu être associées à la menthe, au laurier, au persil, au romarin et au thym, à la cannelle, à la chicorée, au clou de girofle, à l’ail, à la noix de muscade et à la vanille. L’asthme professionnel et certains symptômes respiratoires ont pu être rapportés à la poussière de ginseng brésilien et de persil, aux cultures telles que poivre, cannelle, clou de girofle, coriandre, ail, gingembre, paprika et piment rouge, ainsi qu’aux bactéries et endotoxines que renferment les poussières soulevées par les graines et les herbes. Toutefois, la plupart des cas se produisent dans les usines de transformation; seuls quelques rapports font état de problèmes directement liés à l’exposition aux éléments naturels lors de la culture proprement dite (par exemple, dermites contractées lors de la cueillette du persil; asthme contracté lors de la manipulation des rhizomes de chicorée; réactions immunologiques lors de travaux dans les serres avec des plants de paprika). La plupart des rapports ne signalent des réactions que pour une partie de la main-d’œuvre seulement, les autres travailleurs étant moins affectés ou asymptomatiques.

L’industrie de transformation

L’industrie de transformation des herbes aromatiques et des épices présente de plus grands risques que leur culture. Par exemple, le broyage, le concassage et le mélange des feuilles, des graines et autres parties végétales sont des opérations pratiquées dans des locaux bruyants et extrêmement poussiéreux. Les risques liés aux opérations de transformation comprennent la perte d’audition, des traumatismes causés par des machines dont les pièces en mouvement sont mal protégées, l’exposition à la poussière et l’explosion éventuelle de poussières. Les systèmes de transformation fermés ou l’encoffrement des machines peuvent atténuer les niveaux de bruit. Les trémies des broyeurs devraient être conçues de manière à exclure toute possibilité d’introduction des mains et des doigts.

Les risques pour la santé incluent l’apparition d’affections cutanées, d’irritations des yeux, de la muqueuse buccale et de l’appareil gastro-intestinal, ainsi que de troubles respiratoires et immunologiques liés aux poussières, aux champignons et autres agents qui contaminent l’air. Un phénomène d’autosélection reposant sur leur aptitude à tolérer les effets de leur travail sur leur santé a pu être observé chez les broyeurs d’épices dans la première quinzaine suivant leur embauche. Des mesures de prévention comme la séparation des opérations, l’amélioration de la ventilation et des méthodes de collecte des poussières, le balayage régulier et le passage de l’aspirateur dans les locaux de travail, ainsi que le port d’un équipement de protection individuelle, peuvent contribuer à limiter les risques d’explosion de poussières et d’exposition aux contaminants de l’air.

LES CHAMPIGNONS

L.J.L.D. Van Griensven

Les champignons comestibles les plus cultivés au monde sont Agaricus bisporus , champignon de couche ou champignon de Paris, dont la production annuelle atteignait environ 1,6 million de tonnes en 1991, Pleurotus spp., pleurote ostracé ou oreille de noyer (environ 1 million de tonnes) et le shiitake, Lentinus edodes (environ 0,6 million de tonnes) (Chang, 1993). Le champignon de couche est cultivé principalement dans l’hémisphère Nord, alors que le pleurote ostracé, le shiitake ainsi qu’un certain nombre d’autres espèces de champignons de moindre importance commerciale sont essentiellement cultivés en Asie de l’Est.

La production de Agaricus bisporus et la préparation des substrats et du compost sont des opérations hautement mécanisées. Ce n’est pas le cas pour les autres champignons comestibles, bien qu’il y ait des exceptions.

Le champignon de couche

Le champignon de couche est cultivé sur un compost élaboré à partir d’un mélange fermenté de crottin de cheval, de paille, de fientes de volaille et de gypse. Ces matières sont humidifiées, mélangées et déposées en larges monticules si elles sont mises à fermenter à l’extérieur, ou transportées à l’intérieur de chambres de fermentation ou galeries souterraines. Habituellement fabriqué en très grandes quantités, parfois plusieurs centaines de tonnes à la fois, le compost nécessite des équipements lourds de grandes dimensions pour préparer le mélange, puis remplir et vider les galeries souterraines. Le compostage est un processus biologique, conditionné par un régime particulier de température, nécessitant le brassage minutieux des composants. Avant de pouvoir l’utiliser comme substrat, il faut le pasteuriser par un traitement thermique et le conditionner de manière à en retirer l’ammoniac. Au cours du compostage, d’importantes quantités de substances organiques volatiles contenant du soufre s’évaporent, pouvant occasionner des problèmes d’odeur dans le voisinage. L’ammoniac contenu dans l’air des galeries souterraines peut être éliminé par l’application d’acides, et les émanations peuvent être contrôlées soit par des moyens biologiques, soit par oxydation de l’air avec des produits chimiques (Gerrits et Van Griensven, 1990).

Débarrassé de tout résidu ammoniacal, le compost est alors piqué (c’est-à-dire inoculé avec une culture pure de Agaricus qui se développe sur des graines stérilisées). La croissance mycélienne se produit au cours d’une période d’incubation de deux semaines à 25 °C dans une pièce spéciale aménagée dans la galerie, après quoi le compost est étalé sur des étagères ou plateaux aménagés en échafaudage comportant quatre à six paliers espacés de 25 à 40 cm et recouverts d’un mélange de tourbe et de carbonate de calcium. Après une nouvelle période d’incubation, la production des champignons est induite par un changement de température et une forte ventilation. Les champignons apparaissent en poussées soudaines à intervalles hebdomadaires, et on les cueille à la main ou au moyen de ramasseuses mécaniques. Après trois à six poussées, la galerie est soumise à un traitement de pasteurisation par injection de vapeur, puis elle est vidée, nettoyée et désinfectée afin qu’un nouveau cycle de production puisse commencer. La réussite de la culture des champignons dépend étroitement de facteurs tels que propreté et protection phytosanitaire. Bien que les mesures d’hygiène soient des facteurs essentiels de la prévention des maladies dans les champignonnières, on les complète par l’emploi de désinfectants, de pesticides et de fongicides.

Les risques pour la santé

Les équipements électriques et mécaniques

Les contacts accidentels avec le courant électrique constituent un risque majeur dans les champignonnières, environnement humide où l’on met en œuvre des voltages et des ampérages souvent très élevés. C’est pour cette raison que des dispositifs de protection comme des disjoncteurs différentiels sont absolument nécessaires. La réglementation nationale en matière de protection des travailleurs devrait être scrupuleusement observée.

De même, les équipements mécaniques présentent de grands dangers du fait de leur poids ou de leur fonction particulière. Les machines à compost sont constituées de nombreuses parties mobiles de grande taille qui sont dangereuses. L’équipement utilisé lors de la culture et de la récolte des champignons comporte souvent des organes rotatifs tels que les arracheuses et barres de coupe auxquelles il faut faire très attention. Cela s’applique à toutes les machines en mouvement, qu’elles soient automotrices ou tirées sur des plates-bandes, étagères ou rangées de plateaux. Ces machines devraient être équipées de protections spéciales et les personnes affectées à la marche d’équipements électriques ou mécaniques dans les champignonnières devraient être formées avant d’entrer en fonction et suivre toutes les consignes de sécurité. Il conviendrait d’installer des systèmes de verrouillage et d’accorder une attention particulière à l’entretien des équipements, car une maintenance insuffisante peut les rendre extrêmement dangereux. La rupture des chaînes d’entraînement, par exemple, a provoqué des accidents mortels dans les champignonnières.

Les facteurs physiques

Certains facteurs physiques comme le climat, l’éclairage, le bruit, la charge musculaire et la posture de travail ont une grande influence sur la santé des travailleurs. La différence de températures entre l’intérieur de la chambre de croissance et l’extérieur peut être considérable, surtout en hiver. On devrait toujours marquer un temps d’adaptation du corps à une nouvelle température chaque fois que l’on change de milieu, sinon on s’expose à des troubles des voies respiratoires, voire à une sensibilité accrue aux infections bactériennes et virales. De plus, des variations importantes de température peuvent provoquer des raideurs ou des inflammations musculaires ou articulaires douloureuses au niveau du cou et du dos chez les travailleurs qui se trouveront dès lors dans l’incapacité de travailler.

L’éclairage insuffisant des galeries est non seulement dangereux, mais il diminue le rythme de la cueillette et empêche les ramasseurs de déceler les symptômes éventuels de maladies cryptogamiques. Le niveau d’éclairement devrait être d’au moins 500 lux.

La charge musculaire et la posture de travail peuvent aussi poser problème. La culture manuelle des champignons, en particulier la cueillette, conduit à adopter une posture inconfortable étant donné les dimensions de certaines chambres de culture. Cela peut endommager les articulations, provoquer une surcharge musculaire, en particulier pendant la cueillette, et entraîner une inflammation articulaire et musculaire, menant finalement à des dysfonctions partielles ou totales. On préviendra ce genre d’accidents par des pauses régulières, des exercices physiques et des mesures telles que l’adaptation des gestes aux dimensions et aux possibilités du corps humain.

Les facteurs chimiques

Les facteurs chimiques tels que l’exposition aux produits dangereux présentent certains risques pour la santé. La préparation d’importantes quantités de compost nécessite des opérations qui peuvent être la source de graves dangers. Les fosses dans lesquelles circulent les eaux de drainage du compost n’ont généralement pas d’oxygène et ces eaux peuvent avoir des concentrations létales de sulfure d’hydrogène et d’ammoniac. Une modification de l’acidité (pH) de l’eau peut aussi entraîner une concentration létale de sulfure d’hydrogène autour de la fosse. L’accumulation de crottin de cheval ou de fientes de poule humides dans un espace clos peut aussi avoir des conséquences fatales en raison de l’importante concentration de gaz carbonique, de sulfure d’hydrogène et d’ammoniac. Le sulfure d’hydrogène a une odeur très puissante à de faibles concentrations; il est particulièrement dangereux dans la mesure où il devient inodore à des concentrations létales, car il inhibe les nerfs olfactifs chez l’être humain. Les galeries souterraines renfermant du compost ne contiennent pas suffisamment d’oxygène pour assurer la vie humaine. Il faut absolument limiter les concentrations d’oxygène et de gaz toxiques dans ces espaces confinés et imposer le port d’un équipement de protection individuelle. Une personne devrait rester postée à l’extérieur pour prêter secours en cas de besoin.

L’application d’acides pour ôter l’ammoniac contenu dans l’air des galeries à compost demande une attention particulière en raison des grandes quantités d’acides sulfurique et phosphorique qu’il faut utiliser en concentrations élevées; un système d’aération et de ventilation devrait être mis en place.

L’exposition aux désinfectants, fongicides et pesticides s’accompagne de risques de lésions par absorption cutanée ou buccale, ainsi que par inhalation. Les fongicides sont généralement appliqués grâce à des techniques à haute densité telles que les pulvérisateurs automoteurs, les pistolets de pulvérisation ou les techniques de détrempage. Les pesticides sont en revanche pulvérisés par des techniques à faible densité (brumisation, nébulisation, génération d’aérosols) et par fumigation. Les fines particules ou gouttelettes ainsi vaporisées restent en suspension dans l’air pendant des heures. Pour réduire le plus possible les risques liés à ces activités, les travailleurs devraient porter un équipement de protection individuelle et un appareil de protection respiratoire adapté au produit utilisé. Bien que les effets de l’intoxication aiguë soient très graves, on ne devrait jamais oublier que ceux de l’intoxication chronique, bien que moins spectaculaires, exigent une surveillance médicale constante dans tous les cas.

Les facteurs biologiques

Les agents biologiques peuvent provoquer des maladies infectieuses ainsi que de graves réactions allergiques (Pepys, 1967). A ce jour, aucun cas de maladie infectieuse humaine causée par la présence d’agents pathogènes dans le compost n’a été rapporté. Cependant, le poumon des champignonnistes est une maladie respiratoire très grave associée à la manipulation du compost pour la culture de Agaricus (Bringhurst, Byrne et Gershon-Cohen, 1959). Cette maladie, qui appartient au groupe des maladies appelées génériquement alvéolite allergique extrinsèque, est occasionnée par une exposition aux spores des actinomycètes thermophiles Excellospora flexuosa, Thermomonospora alba, T. curvata et T. fusca qui se développent au cours de la phase initiale de conditionnement du compost. On peut trouver ces organismes en concentrations élevées dans l’air pendant la phase d’inoculation du compost (plus de 109 cellules souches formant des colonies par m3 d’air) (Van den Bogart et coll., 1993); pour que survienne une alvéolite allergique extrinsèque, il suffit de 108 spores par m3 d’air (Rylander, 1986). La maladie s’accompagne de symptômes tels que fièvre, difficultés respiratoires, toux, malaise, augmentation du nombre des leucocytes et activité pulmonaire restreinte trois à six heures après exposition (Sakula, 1967; Stolz, Arger et Benson, 1976). A l’issue d’une période d’exposition prolongée, le poumon est atteint de lésions irréversibles dues à une inflammation et à une fibrose de réaction. Dans une étude menée aux Pays-Bas, 19 sujets atteints du poumon des champignonnistes ont été recensés parmi 1 122 travailleurs (Van den Bogart, 1990). Tous ces sujets avaient une réaction positive au test d’inhalation et possédaient des anticorps contre les antigènes d’un à plusieurs actinomycètes mentionnés ci-dessus. Aucune réaction allergique n’a été mise en évidence pour les spores de Agaricus (Stewart, 1974), ce qui peut indiquer une faible antigénicité du champignon ou une exposition limitée. Le poumon des champignonnistes est une maladie que l’on peut facilement prévenir en procurant aux travailleurs, pendant les opérations d’inoculation du compost, un appareil de protection respiratoire mécanique purifiant l’air ambiant, équipé d’un filtre à poussières.

Certains ramasseurs souffrent de lésions cutanées au bout des doigts; ces lésions sont causées par les glucokinases et protéases exogènes présentes dans Agaricus . Le port de gants au cours de la cueillette devrait permettre d’éviter les risques de ce type.

Le stress

Le cycle de culture des champignons est court et complexe. Gérer une champignonnière n’est donc pas facile et suscite des préoccupations et des tensions qui peuvent se répercuter sur le personnel. Le stress et la façon de le gérer sont des questions traitées ailleurs dans l’Encyclopédie.

Le pleurote ostracé

Le pleurote ostracé, Pleurotus spp., pousse sur un certain nombre de substrats contenant de la lignocellulose ou de la cellulose pure. Le substrat est humidifié, le plus souvent pasteurisé et conditionné. Après inoculation, on le place sur des plateaux ou étagères, dans des récipients spéciaux ou même dans des sacs en plastique où la croissance mycélienne peut avoir lieu. La fructification se fait quand les concentrations de gaz carbonique dans l’air diminuent par l’effet de la ventilation ou lorsqu’on ouvre les sacs et autres récipients.

Les risques pour la santé

Les risques pour la santé liés à la culture des pleurotes ostracés sont comparables à ceux que l’on a évoqués pour la culture du champignon de couche, à la seule exception que les différentes espèces de pleurotes présentent des lamelles à nu, c’est-à-dire qu’elles ne sont pas recouvertes d’un voile, ce qui se traduit par la dispersion précoce d’un grand nombre de spores. Sonnenberg, Van Loon et Van Griensven (1996) ont compté les spores produites par ces espèces et en ont trouvé, selon les espèces et le stade de développement, plus d’un milliard par gramme de tissu et par jour. Les variétés de Pleurotus ostreatus , qui sont censées ne pas produire de spores, en créent quelque 100 millions. De nombreux rapports font état de cas d’alvéolite allergique extrinsèque après exposition aux spores de Pleurotus (Hausen, Schulz et Noster, 1974; Horner et coll., 1988; Olson, 1987). Cox, Folgering et Van Griensven (1988) ont établi une relation causale entre l’exposition aux spores de Pleurotus et la manifestation des symptômes d’une alvéolite allergique extrinsèque contractée par inhalation. Tous les travailleurs devraient porter un masque protecteur contre la poussière en raison de la gravité de la maladie et du degré de sensibilité des êtres humains à celle-ci. Les spores présentes dans la chambre de croissance devraient être au moins partiellement éliminées avant que les travailleurs n’y pénètrent. On peut, dans ce but, faire passer le flux de ventilation à travers un filtre humide ou brancher le ventilateur à pleine puissance dix minutes avant l’arrivée des travailleurs. La pesée et l’emballage des champignons peuvent être effectués sous une bâche spéciale. Au cours du stockage, les plateaux devraient être recouverts de feuilles d’aluminium pour éviter que les spores ne se dispersent dans l’air.

Le shiitake

En Asie, on cultive depuis des siècles, sur des billes de bois, un champignon savoureux, Lentinus edodes . La mise au point d’une technique de production peu coûteuse sur des substrats artificiels dans des chambres de croissance permet de faire pousser ces champignons à peu de frais dans les pays occidentaux. Les substrats artificiels consistent le plus souvent en un mélange humide de sciure de bois de feuillu, de paille et de farine très riche en protéines, mélange que l’on pasteurise ou stérilise avant l’inoculation. La croissance mycélienne a lieu, selon les systèmes de production, dans des sacs ou sur des plateaux ou étagères. La fructification est induite le plus souvent par choc thermique ou par immersion dans de l’eau glacée, comme cela se pratique sur les billes de bois. En raison de son acidité importante (pH faible), le substrat est sensible à l’infection par des moisissures vertes telles que Penicillium spp. et Trichoderma spp. Les mesures de prévention de la croissance de ces organismes consistent à stériliser le substrat et à appliquer des fongicides.

Les risques pour la santé

Les risques pour la santé liés à la culture du shiitake sont comparables à ceux que présente la culture de Agaricus et Pleurotus. De nombreuses souches de shiitake sporulent facilement, menant à des concentrations de plus de 40 millions de spores par m3 d’air (Sastre et coll., 1990).

La culture du shiitake en espace clos conduit régulièrement à l’apparition, chez les travailleurs, des symptômes de l’alvéolite allergique extrinsèque (Cox, Folgering et Van Griensven, 1988, 1989; Nakazawa, Kanatani et Umegae, 1981; Sastre et coll., 1990) qu’ils contractent par inhalation des spores (Cox, Folgering et Van Griensven, 1989). Van Loon et coll. (1992) ont montré que, dans un groupe de cinq sujets testés, tous présentaient des anticorps circulants de type IgG contre les antigènes des spores de shiitake. Malgré le port de masques antipoussières, 14 travailleurs au sein d’un seul groupe présentaient une élévation d’anticorps proportionnelle à la durée de leur emploi, ce qui souligne la nécessité de recourir à une protection plus efficace comme un appareil de protection respiratoire mécanique à adduction d’air filtré, par exemple, ou tout autre dispositif approprié.

Remerciements: les opinions et les résultats présentés ici sont pour beaucoup ceux du regretté docteur Jef Van Haaren, médecin du travail de grand talent, dont l’approche humaine des effets du travail est parfaitement exprimée par Van Haaren (1988) dans le chapitre qui a servi de référence pour la rédaction du présent article.

LES PLANTES AQUATIQUES

Melvin L. Myers et J.W.G. Lund*

* Adapté de l'article «Algues» de J.W.G. Lund, publié dans la 2e édition de l'Encyclopédie de médecine, d'hygiène et de sécurité du travail.

En 1992, la production aquacole mondiale a atteint 19,3 millions de tonnes, dont 5,4 millions provenant des plantes aquatiques. En outre, les aliments pour poissons qui sont utilisés dans les fermes piscicoles sont constitués en grande partie d’algues et de plantes aquatiques et contribuent donc à la croissance de cette production et à l’aquaculture en général.

Les plantes aquatiques cultivées dans le cadre d’exploitations commerciales comprennent l’épinard d’eau, le cresson, la châtaigne d’eau, le lotus et diverses algues marines, qui sont cultivés comme aliments bon marché en Asie et en Afrique. Les plantes aquatiques flottantes qui ont un certain potentiel commercial sont la lentille d’eau et la jacinthe d’eau (Eichhormia crassipes) (FAO, 1995).

Les algues forment un groupe de plantes très diverses; si l’on inclut les cyanophycées (algues bleu-vert), elles vont des bactéries de 0,2 à 2 µm aux espèces géantes de varech qui peuvent atteindre 40 m. Toutes les algues sont capables de photosynthèse et peuvent libérer de l’oxygène.

Les algues sont presque toutes des plantes aquatiques, mais elles peuvent aussi recouvrir roches et arbres sous forme de lichen résultant de leur symbiose avec des champignons. Le phytoplancton est presque exclusivement formé d’algues. On trouve des algues en tout lieu humide; elles foisonnent dans les lacs et les cours d’eau comme au bord de la mer. C’est l’agrégation d’algues microscopiques sur les galets et les rochers qui les rend glissants et qui est responsable de l’aspect visqueux de l’eau et de sa décoloration. On trouve aussi des algues dans les sources thermales, les champs de neige et les glaces de l’Antarctique. Sur les montagnes, elles forment des traînées sombres et glissantes (Tintenstriche), formations dangereuses pour les varappeurs.

Tout le monde ne s’accorde pas sur la classification des algues; on les classe généralement en 13 grands groupes pouvant présenter des différences significatives de couleur d’un groupe à l’autre. Les cyanophycées (algues bleu-vert) sont considérées par de nombreux microbiologistes comme des bactéries (cyanobactéries), car ce sont des procaryotes, organismes ne possédant ni membrane nucléaire ni organites limités par une membrane, à la différence des eucaryotes. Elles descendent probablement des premiers organismes photosynthétiques; on peut trouver leurs fossiles dans des rochers vieux de deux milliards d’années. Les chlorophycées (algues vertes), dont la chlorelle fait partie, présentent de nombreuses caractéristiques communes avec d’autres végétaux à chlorophylle; on trouve aussi les rhodophycées (algues rouges) dont la chlorophylle est recouverte d’un pigment rouge et les phéophycées (algues brunes), recouvertes d’un pigment jaune. Les chrysophycées, généralement d’un ton doré, comprennent les diatomées dont l’enveloppe est siliceuse (dioxyde de silicium polymérisé) et qui produisent, au stade fossile, des minéraux de grande valeur industrielle (kieselguhr, diatomite, terre à diatomées). Les diatomées forment la base principale de la vie océanique, constituant de 20 à 25% de la production végétale mondiale. Les dinoflagellés (péridiniens) sont des organismes unicellulaires, souvent marins, dont certains sont très toxiques pour la vie marine.

Les applications

L’aquaculture varie considérablement en fonction des types de cultures, allant des cycles de production habituels de deux mois à des cycles annuels comprenant les étapes classiques de multiplication, de fertilisation et d’entretien des cultures, de récolte, de transformation, de stockage et de commercialisation. Le cycle de production se fait parfois sur une seule journée, comme c’est le cas pour la lentille d’eau, la plus petite des plantes phanérogames.

Certaines algues marines sont exploitées industriellement: on en tire des alginates, de la carrageenan et de l’agar-agar (gélose), substances utilisées en médecine et dans divers secteurs de production (textiles, additifs alimentaires, cosmétiques, produits pharmaceutiques, émulsifiants, etc.). L’agar-agar est le milieu solide sur lequel sont habituellement cultivés bactéries et autres micro-organismes. En Extrême-Orient, au Japon principalement, plusieurs variétés d’algues entrent dans l’alimentation humaine. Les algues constituent par ailleurs un bon engrais, mais leur utilisation connaît un certain déclin que l’on attribue aux coûts importants de main-d’œuvre et à l’abondance des engrais industriels relativement bon marché. Le rôle des algues est important en pisciculture tropicale et en riziculture. En effet, les rizières sont le plus souvent très riches en cyanophycées qui peuvent, dans le cas de certaines espèces, utiliser l’azote gazeux comme source unique d’alimentation azotée. Le riz étant la nourriture de base de la plus grande partie de l’humanité, le développement des algues dans les rizières fait l’objet d’études approfondies dans des pays rizicoles comme l’Inde et le Japon. On peut aussi extraire de l’iode et du brome de certaines algues.

L’exploitation industrielle des algues microscopiques pour les besoins de l’alimentation humaine a souvent été préconisée vu les rendements élevés que l’on pourrait obtenir, mais le coût inhérent à l’élimination de l’eau qu’elles contiennent s’y oppose encore.

Dans les pays chauds, notamment dans ceux où la terre est bon marché, on peut utiliser les algues dans le processus d’épuration des eaux usées et les récolter pour servir de fourrage. Bien qu’elles soient des organismes utiles participant à la vie de la plupart des plans d’eau, les algues risquent de compromettre l’alimentation en eau ou d’en accroître les coûts. On utilise des algicides dans les piscines pour lutter contre leur prolifération mais, à l’exception du cuivre que l’on peut ajouter en faibles concentrations, ces produits ne peuvent être additionnés à l’eau réservée à l’usage domestique. L’enrichissement excessif des eaux, notamment par des produits phosphorés, entraînant une prolifération d’algues, est devenu si préoccupant dans certaines régions du monde que plusieurs pays ont interdit l’usage de détergents riches en phosphore. La meilleure solution consiste toutefois à éliminer l’excès de phosphore par des moyens chimiques en station d’épuration.

La lentille d’eau et la jacinthe d’eau peuvent être cultivées pour l’affouragement et le compostage et être utilisées comme sources de combustible. Les établissements aquacoles exploitent trois grands types de produits: les poissons, les crustacés et les mollusques. La pisciculture proprement dite est constituée à 85% d’espèces de poissons non carnivores, surtout la carpe; les crustacés et les mollusques, quant à eux, se nourrissent essentiellement d’algues (FAO, 1995).

Les risques

Les algues d’eau douce contiennent souvent de grandes quantités de cyanophycées potentiellement toxiques. Ces proliférations d’algues présentent peu de risques pour les êtres humains, car le goût de l’eau est tellement déplaisant qu’ils ne se risqueraient pas à en boire, et encore moins en grandes quantités, ce qui serait toxique. En revanche, en s’abreuvant, les animaux courent le risque d’une intoxication létale, particulièrement dans les régions chaudes et sèches où il n’existe pas d’autres points d’eau dans les environs. Certains dinoflagellés contiennent des substances très toxiques pouvant entraîner la paralysie si l’on consomme certains mollusques qui s’en nourrissent, sans que ceux-ci y soient eux-mêmes sensibles. Ces toxines présentent un danger mortel pour les êtres humains et la vie marine en général.

Le prymnesium (chrysophycée) est très toxique pour les poissons; il foisonne dans des eaux où la salinité est de faible à modérée. Cet organisme présentait un grand danger pour la pisciculture en Israël jusqu’à ce que la recherche ait mis au point un test permettant le dépistage de cette toxine avant qu’elle n’atteigne des concentrations létales. Les cas d’infection d’humains et de mammifères par la protothèque, espèce d’algue incolore de la famille des chlorophycées, ne sont pas rares.

Quelques cas d’irritation cutanée due aux algues ont été signalés; on sait, par exemple, que Oscillatoria nigroviridis provoque des dermites et que, en eau douce, Anaebaena, Lyngbya majuscula et Schizothrix sont responsables de dermites de contact. Les algues rouges sont connues pour être source de gêne respiratoire, voire d’angoisse. Les diatomées contiennent de la silice et peuvent donc, à l’état de poussières, provoquer une silicose. Un autre risque lié à la culture des plantes aquatiques en eau profonde est celui de la noyade. L’emploi d’algicides comporte aussi certains dangers; les précautions d’emploi inscrites sur les étiquettes des produits devraient être rigoureusement observées.

LES PLANTES DESTINÉES À LA PRODUCTION DE BOISSONS

LA CULTURE DU CAFÉ

Jorge da Rocha Gomes et Bernardo Bedrikow

On pense que le terme café vient de Kaffa, village d’Ethiopie d’où la plante serait originaire. Certains considèrent, en revanche, que le mot dériverait de qahwa , qui veut dire vin en arabe. La culture du café s’est répandue dans le monde entier; elle a commencé en Arabie (Coffea arabica en est l’une des espèces, et Moka l’une des variétés nommée d’après un village arabe), s’étendant à de nombreux pays tels que le Sri Lanka, l’Indonésie, l’Inde, les Philippines, Hawaï et le Viet Nam, parmi d’autres, dont certains sont devenus de grands producteurs. Le café fut introduit sur le continent américain avec des plants acclimatés à Amsterdam et à Paris, puis plantés en Martinique, au Suriname et en Guyane française, exportés ensuite au Brésil qui est aujourd’hui le premier producteur mondial.

La figure 64.36 donne les chiffres de production par pays ainsi que la production mondiale (échelle non respectée). La récolte 1995-96 a rapporté environ 27 millions de dollars E.-U., ce qui souligne l’importance économique du café à l’échelle mondiale.

Figure 64.36 Production mondiale de café, 1995-96

Figure 64.36

La mondialisation de l’économie, la concurrence croissante et la recherche de technologies permettant une plus grande productivité ont marqué la culture du café. La mécanisation s’étend et se modernise. En outre, de nouvelles méthodes de culture sont introduites, notamment la culture à haute densité où l’on réduit la distance entre les pieds de café. Cette nouvelle méthode a permis d’augmenter le nombre de caféiers, de 3 000 ou 4 000 pieds à 10 000 pieds par hectare et, par conséquent, d’accroître la productivité d’environ 50% par rapport aux méthodes traditionnelles. Cette méthode de culture n’est pas sans importance pour la santé des travailleurs, car les risques sont moindres et l’on utilise moins d’herbicides, en particulier à compter de la troisième année. En revanche, la fréquence de coupe des pieds est plus élevée et la lutte antifongique est plus intense.

Le café est très sensible aux fluctuations du commerce international; de nombreux pays tendent à remplacer le café par d’autres cultures dont le rapport financier est plus prévisible. Au Brésil, par exemple, le café représentait 68% du volume total des exportations en 1920, mais seulement 4% dans les années quatre-vingt-dix. Le café est progressivement remplacé par le soja, les agrumes, le maïs, les arbres à latex et aussi, en particulier, par la canne à sucre.

Il est très difficile d’obtenir des estimations fiables sur le total des effectifs de travailleurs intervenant dans la culture du café en raison des fluctuations de l’emploi dans ce secteur d’activité. Ainsi, une importante main-d’œuvre saisonnière est recrutée pour être débauchée dès que les récoltes sont terminées. En outre, les petites exploitations font souvent appel à une main-d’œuvre non déclarée qui n’entre donc pas dans les rapports officiels. Au Brésil, on avait recensé, en 1993, 1,1 million d’emplois directs et 4 à 5 millions d’emplois indirects pour une production de 28,5 millions de sacs de café. Si l’on applique les mêmes paramètres à la production mondiale pour la même année, la main-d’œuvre employée dans le café pourrait être estimée à environ 3,6 millions de personnes.

Il est tout aussi difficile de savoir quel est le nombre moyen de travailleurs par exploitation. En général, les petites et moyennes exploitations sont les plus nombreuses. On ne connaît pas non plus la distribution par sexe et par âge de la population travaillant sur les plantations, bien que l’on constate une augmentation des effectifs de la main-d’œuvre féminine et que l’on sache que les enfants y travaillent aussi. La proportion des travailleurs syndiqués varie selon les politiques de travail en vigueur dans chaque pays, mais on sait que ceux-ci constituent une minorité.

Les façons culturales et postculturales

La culture du café comprend les phases suivantes: abattage des arbustes; préparation des sols; plantation (les plants poussent tout d’abord dans des pépinières appartenant à l’exploitation ou proviennent de l’extérieur); entretien des cultures (amélioration des sols, apport d’engrais, lutte contre les ravageurs et désherbage manuel ou à l’aide d’herbicides); cueillette (le fruit est généralement rouge, d’où le nom de «cerise» — voir figure 64.37); tamisage pour éliminer les impuretés; transport; lavage pour ôter pulpe et mucilage; séchage au soleil en retournant les cerises à l’aide d’un râteau, ou séchage mécanique dans des séchoirs à air chaud pulsé; séparation manuelle des grains; stockage en silos; enfin, ensachage.

Figure 64.37 Culture de plants de café à haute densité

Figure 64.37

Les risques potentiels

Les facteurs pouvant poser un problème de santé aux personnes travaillant sur les plantations de café sont généralement les mêmes que pour toute autre activité agricole.

De l’abattage des arbustes et de la préparation du terrain aux opérations finales de stockage des sacs de café, chaque étape implique des risques pour la sécurité et la santé des travailleurs. Les accidents surviennent essentiellement à l’occasion des opérations mécanisées, de l’abattage des arbustes, de la préparation des sols, de la cueillette mécanique, du transport des produits et des travailleurs, de la transformation des fruits (y compris le risque d’explosion des chaudières) et de l’utilisation d’outils à main qui sont souvent de fabrication très artisanale et ne sont pas toujours bien entretenus.

Les risques potentiels de maladies sont liés à l’exposition à la chaleur lors des opérations de séchage, au rayonnement solaire, au bruit et aux vibrations des machines et tracteurs, au froid et à l’humidité, ainsi qu’aux problèmes d’ordre ergonomique liés à l’utilisation des outils à main.

Les produits chimiques qui présentent le plus de risques pour la santé des travailleurs sont les pesticides et les herbicides, parmi lesquels le glyphosate (herbicide), les sulfates de cuivre (fongicides), et les composés organophosphorés pour lutter contre d’autres ravageurs du caféier. Le nombre d’applications de pesticides varie selon l’âge de l’arbuste, la composition du sol, les conditions climatiques, les espèces ou variétés de café, les systèmes de production (haute ou faible densité) et d’autres facteurs. La pulvérisation est généralement effectuée manuellement à l’aide de pulvérisateurs à dos, ou mécaniquement par tracteur. De grandes quantités de produits sont habituellement nécessaires et l’on dit volontiers que, sans pulvérisation, il n’y aurait pas de café.

Les engrais chimiques présentent eux aussi des risques pour la santé des travailleurs. On les emploie souvent sous forme de composés dérivés de corps et d’éléments tels que bore, zinc, azote, sodium, potassium, calcium, magnésium et soufre. La mise en suspension dans l’air des particules libérées par la manipulation d’engrais devrait faire l’objet d’une surveillance particulière.

Les agents biologiques peuvent présenter certains risques pour la santé des travailleurs. On citera, par exemple, les morsures de serpents et d’araignées et les piqûres d’abeilles, de moustiques et d’acariens, dont certains sont des vecteurs importants de maladies. Dans certaines régions, les maladies endémiques peuvent être particulièrement dangereuses pour les travailleurs.

Les facteurs d’ordre ergonomique, psychosocial et organisationnel sont abordés plus loin.

Les effets sur la santé

Les lésions liées à la culture du café comprennent les coupures avec des outils à main, les entorses et fractures dues à l’utilisation de machines et les accidents de tracteurs. On observe certains accidents mortels par renversement ou retournement de tracteurs ou d’autres véhicules inadaptés au transport des travailleurs. Brûlures et risques d’explosion sont à redouter lors du séchage artificiel des grains de café.

Des affections cutanées peuvent résulter de l’exposition aux rayons solaires ultraviolets; elles vont du simple érythème au cancer de la peau. Parmi les autres troubles, on peut mentionner la perte d’audition chez les personnes travaillant sur des machines, les allergies pulmonaires, l’intoxication due aux herbicides et aux pesticides, les callosités ou kératoses, les affections pulmonaires, les troubles de la circulation et les ostéopathies dues aux vibrations des machines, ainsi que les troubles du système musculo-squelettique consécutifs à des postures inadaptées ou à la manutention de charges excessives (un sac de café peut peser 60 kg). Bien que ces affections touchent essentiellement les personnes attachées aux opérations de transformation, certains troubles respiratoires et oculaires sont rapportés par des travailleurs qui manipulent les cafés verts. Les poussières libérées par les grains de café sont également à l’origine d’affections professionnelles.

Les maladies tropicales telles que paludisme, fièvre jaune, filariose, trypanosomiase, leishmaniose et onchocercose sont très répandues dans certaines régions de production, tout comme le tétanos dont le taux de prévalence est toujours important dans les régions rurales.

Les travailleurs peuvent connaître des problèmes de santé plus complexes liés à des facteurs psychosociaux ou organisationnels. En effet, la culture du café fait appel à un grand nombre de travailleurs pendant la récolte mais n’en requiert que très peu tout le reste de l’année; la main-d’œuvre saisonnière à laquelle les exploitations ont recours pendant les périodes d’intense activité travaille et vit dans des conditions de précarité qui la fragilisent nécessairement.

Pendant la récolte, la plupart des travailleurs quittent leur famille et vivent dans des logements souvent insalubres, dépourvus d’installations sanitaires adéquates. En outre, si la plantation est située à proximité d’une ville, l’exploitant n’engagera qu’un seul homme par famille; toutefois, et pour accroître les profits, le travailleur pourra lui-même faire venir toute sa famille, femmes et enfants compris, pour prêter main forte. Dans certaines régions, le nombre d’enfants travaillant dans les plantations est tellement élevé que les écoles demeurent fermées pendant toute la durée de la récolte.

Dans ce type d’activités saisonnières, les travailleurs passent souvent d’une culture à l’autre en fonction des périodes de récolte. Les hommes quittant leur famille, cette situation a valu aux femmes le surnom de «veuves de maris vivants». Très souvent, l’homme parti élève une autre famille loin de son village d’origine.

Les bienfaits de la législation du travail et de la sécurité sociale sont souvent un privilège réservé aux grandes plantations. L’inspection du travail dans les régions rurales est, dans l’ensemble, inefficace. Les soins de santé sont, la plupart du temps, très limités; les heures de travail sont très longues et les fins de semaine et congés réguliers rarement observés.

Les facteurs psychosociaux et ceux liés à l’organisation du travail ont des effets délétères sur la santé des travailleurs. Ces effets se manifestent par un vieillissement précoce, une espérance de vie réduite, une augmentation de la prévalence et de la durée des maladies, ou encore par la malnutrition (la consommation aux champs d’aliments en conserve non réchauffés a valu aux travailleurs le surnom de boias frias en portugais), l’anémie et des hypovitaminoses qui perturbent l’aptitude au travail, sans oublier les troubles mentaux et autres.

La prévention

Les mesures préventives à mettre en œuvre dans les plantations de café sont les mêmes que pour toute autre activité agricole. La protection collective comprend la sécurité des machines, l’application rationnelle des pesticides et herbicides, la mécanisation des activités qui demandent normalement trop d’efforts et d’énergie et des moyens adéquats de transport des travailleurs. Dans les plantations pratiquant la culture à très haute densité, la coupe régulière des arbustes empêche les pieds de café d’atteindre une taille nécessitant l’utilisation d’échelles dangereuses et inconfortables pour la cueillette à la main. Lorsque les opérations de séchage nécessitent l’utilisation de chaudières, leur surveillance et leur entretien régulier revêtent la plus haute importance. La lutte biologique contre les ravageurs, d’une part, et la sélection de variétés résistantes aux divers fléaux, d’autre part, sont des gestes préventifs importants pour mettre les travailleurs à l’abri de certaines maladies, tout en protégeant l’environnement.

Le port d’un équipement de protection individuelle n’est pas toujours facile à promouvoir, car il est souvent inadapté aux conditions climatiques ou au biotype des travailleurs. En outre, la formation concernant son utilisation est généralement insuffisante et la sélection des différents articles n’est pas toujours des plus judicieuses. Les équipements de protection se limitent souvent aux bottes, aux chapeaux et aux vêtements contre les intempéries, alors que la protection devrait être étendue aux mains, aux voies respiratoires, aux yeux et aux oreilles.

La prise en charge des problèmes psychosociaux et organisationnels n’est évidemment pas chose facile. Des programmes de promotion et de sensibilisation devraient être mis en œuvre dans le cadre d’activités éducatives organisées par les syndicats de travailleurs agricoles et d’autres associations, afin d’aider les travailleurs à prendre conscience de leur droit à de meilleures conditions de vie et de travail. De leur côté, il conviendrait que les employeurs soient davantage conscients de leurs responsabilités sociales à l’égard des travailleurs. L’Etat devrait donner des orientations cohérentes et veiller à l’application de la législation en vigueur. Certains pays ont mis en place une réglementation spéciale au profit des travailleurs ruraux. Au Brésil, par exemple, la réglementation fixe des directives générales concernant la sécurité des activités en milieu rural, l’organisation des services de médecine du travail, la mise en place de comités de sécurité dans les plantations, l’utilisation des équipements de protection individuelle et la manipulation des produits chimiques (pesticides, engrais et produits d’amélioration et de protection des sols).

La surveillance sanitaire dans le cadre de la médecine du travail devrait inclure l’évaluation des effets sur la santé de l’exposition aux pesticides, au rayonnement ultraviolet, au bruit excessif et à d’autres risques. Dans certains cas, il faudra éventuellement privilégier la lutte contre l’ankylostomiase, l’anémie, l’hypertension, les problèmes comportementaux, les troubles oculaires et autres problèmes de santé en raison de leur prévalence dans les régions rurales. L’éducation sanitaire, y compris les campagnes de vaccination antitétanique au profit des femmes enceintes pour prévenir le tétanos néonatal, devrait recevoir une attention particulière. Dans certaines régions, la vaccination contre la fièvre jaune est souvent nécessaire. On recommande de mener des campagnes chimioprophylactiques dans les régions où le paludisme est endémique, et d’utiliser des insecticides ou de prendre d’autres mesures de prévention contre les moustiques jusqu’à ce que les mesures sanitaires aient permis de contrôler ou d’éliminer les vecteurs de maladies. Des sérums antivenimeux devraient également être disponibles.

Remerciements: les auteurs tiennent à remercier le professeur Nelson Batista Martin, de l’Institut d’économie rurale, et secrétaire d’Etat à l’Agriculture, à São Paulo; Andre Nasser et Ricardo Luiz Zucas, de la Société rurale brésilienne; et Monica Levy Costa du Centre de santé scolaire au Collège de santé publique de l’Université de São Paulo, pour leur participation à la préparation de cet article.

LA CULTURE DU THÉ

L.V.R. Fernando*

* Adaptéde la 2e édition de l'Encyclopédie de médecine, d'hygiène et de sécurité du travail.

Le thé (Camellia sinensis) est originaire de Chine; la plus grande partie de la production mondiale vient d’Asie, une plus petite proportion d’Afrique et d’Amérique du Sud. L’Inde et le Sri Lanka sont actuellement les plus grands producteurs, mais d’autres pays produisent des quantités assez importantes: la Chine, le Japon, l’ex-URSS, l’Indonésie et le Pakistan. La République islamique d’Iran, la Turquie, le Viet Nam et la Malaisie sont de petits producteurs. Depuis la seconde guerre mondiale, les surfaces consacrées aux plantations de thé en Afrique se sont étendues rapidement, particulièrement au Kenya, au Mozambique, au Zaïre, au Malawi, en Ouganda et en République-Unie de Tanzanie. Maurice, le Rwanda, le Cameroun, la Zambie et le Zimbabwe possèdent également de petites plantations. Les plus grands producteurs d’Amérique latine sont le Brésil, l’Argentine et le Pérou.

Les plantations

Le thé est produit à la fois plus efficacement et plus économiquement dans les grandes plantations, bien qu’il soit également cultivé par de petits propriétaires. En Asie du Sud-Est, une plantation est une unité qui se suffit à elle-même: procurant logement et toutes autres commodités à ses travailleurs et à leur famille, elle constitue une communauté. En Inde et au Sri Lanka, les femmes forment une grande partie de la main-d’œuvre, mais la situation est quelque peu différente en Afrique, où les travailleurs sont essentiellement des hommes, immigrants et saisonniers, et où les familles ne sont pas logées. On se référera à l’article «Les plantations» au début du présent chapitre.

La culture

Le terrain est défriché et préparé pour de nouvelles plantations, ou l’on arrache les plants qui produisent un thé de qualité médiocre pour les remplacer par des boutures à haut rendement. Il faut aux nouveaux champs deux ans pour arriver à leur plein rendement. Des travaux réguliers — fumage, sarclage et application de pesticides — sont effectués tout au long de l’année.

La cueillette des jeunes pousses de thé — «deux feuilles et un bourgeon», comme on dit couramment — est effectuée toute l’année dans la plus grande partie de l’Asie du Sud-Est, mais elle n’a pas lieu pendant les périodes d’arrêt de la végétation dans les régions connaissant une saison froide bien marquée (voir figure 64.38). Après un cycle de récolte d’environ trois à quatre ans, les plants de thé subissent une taille complète et l’on sarcle la terre. Le sarclage manuel est remplacé peu à peu par l’application d’herbicides chimiques. La récolte est transportée à dos dans des paniers jusqu’à des hangars centraux, où elle est pesée puis expédiée à l’usine. Certains pays, principalement le Japon et l’ex-URSS, ont réussi à mécaniser la cueillette du thé, mais l’usage de machines nécessite un terrain plat et des arbres plantés en rangées.

Figure 64.38 Cueillette du thé dans une plantation en Ouganda

Figure 64.38

Les risques et leur prévention

Les accidents les plus courants sont les chutes et les blessures causées par les outils tranchants et ceux qui servent à creuser le sol. Ce n’est guère surprenant: le thé, dans la plupart des cas, pousse sur des pentes très raides et défrichage, déracinage et taille exposent à ce type d’accidents. Outre le risque d’être frappés par la foudre, par exemple, les travailleurs peuvent être mordus par des serpents ou piqués par des araignées venimeuses, des frelons, des guêpes ou des abeilles. On trouve cependant rarement des serpents très venimeux aux altitudes élevées où pousse le meilleur thé. On a enregistré en Assam (Inde) des cas d’allergie provoquée par le contact avec une certaine espèce de chenilles.

L’exposition des travailleurs à des quantités toujours accrues de pesticides hautement toxiques requiert une surveillance étroite. Leur remplacement par des produits peu toxiques et une bonne hygiène personnelle sont des mesures de prévention indispensables. Bien qu’assez lent, le processus de mécanisation fait appel à un nombre sans cesse croissant de tracteurs, de véhicules à moteur et d’instruments divers, augmentant du même coup la fréquence des accidents (voir figure 64.39), lesquels ne pourront être éliminés que par des tracteurs bien conçus, équipés d’une cabine ou d’un cadre de protection et conduits par des opérateurs formés et compétents.

Figure 64.39 Récolte mécanique du thé dans une plantation près de la mer Noire

Figure 64.39

En Asie, où la population inactive qui réside dans les plantations est presque aussi importante que la main-d’œuvre elle-même, les accidents domestiques sont à peu près aussi nombreux que les accidents du travail.

Les conditions de logement sont généralement très mauvaises. Les principales maladies sont les maladies respiratoires consécutives surtout aux conditions de vie et de travail en altitude ainsi qu’à l’exposition au froid et au mauvais temps; elles sont suivies de près par les maladies entériques, l’anémie et la sous-nutrition. Les maladies intestinales sont dues à l’insuffisance de l’équipement sanitaire et de l’hygiène des travailleurs. Ces conditions sont en grande partie évitables, ce qui ne fait que souligner la nécessité d’améliorer les installations sanitaires et de renforcer l’action éducative. L’anémie est très fréquente, surtout chez les femmes en âge de procréer; elle est occasionnée en partie par l’ankylostomiase, mais surtout par le manque de protéines dans le régime alimentaire. Cependant, les journées de travail perdues par suite de maladie sont dues à des indispositions légères plutôt qu’à des affections graves. La surveillance médicale des conditions de logement et de travail est une excellente mesure de prévention. Des conditions sanitaires convenables devraient être assurées par des inspections régulières.

LE HOUBLON

Thomas Karsky et William B. Symons

Le houblon, que l’on utilise en brasserie, est une culture courante dans le nord-ouest des Etats-Unis, en Europe (surtout en Allemagne et au Royaume-Uni), en Australie et en Nouvelle-Zélande.

Plante grimpante poussant à partir de rhizomes de plantes femelles, le houblon peut atteindre de 4,5 à 7,5 m de haut, voire davantage. Ses tiges volubiles poussent en s’enroulant autour de treilles métalliques ou de cordes épaisses. Les plantes sont généralement espacées de 2 m dans chaque direction, chaque plante étant attachée aux treilles par deux cordes faisant entre elles un angle d’environ 45°. Les treilles mesurent environ 5,5 m de haut; elles sont généralement fabriquées avec des échalas de bois traité sous pression d’une section de 10 × 10 cm, enfoncés dans le sol à une profondeur de 0,6 à 1 m.

Les tiges de houblon sont enroulées manuellement autour des treilles dès qu’elles atteignent environ 30 cm de hauteur. Un peu plus tard, on pratique une taille partielle sur 1 m à partir du sol pour permettre à l’air de circuler et réduire ainsi les risques de maladies.

Le houblon est récolté à l’automne. Au Royaume-Uni, on le cultive parfois sur des treilles hautes de 3 m, et on le récolte à l’aide de cueilleuses mécaniques spéciales. Aux Etats-Unis, des moissonneuses spéciales permettent de récolter le houblon sur des treilles hautes de 5,5 m. Dans les endroits où ces machines ne peuvent pénétrer, on procède à une récolte manuelle à l’aide de machettes. Les tiges récemment récoltées sont mises à sécher dans des fours afin que leur taux d’humidité tombe de 80 à 10%. Elles sont ensuite refroidies, mises en balles et transportées dans des entrepôts frigorifiques en vue de leur transformation ultérieure.

Les questions de sécurité

Les travailleurs devraient porter des chemises à manches longues et des gants quand ils travaillent à proximité des tiges de houblon, car les poils de la plante risquent de causer des irritations; certaines personnes y sont plus sensibles que d’autres.

La majorité des accidents sont des entorses et des foulures dues au fait que les travailleurs soulèvent de lourdes charges telles que tuyaux d’irrigation et balles, et sollicitent de manière excessive leur appareil musculo-squelettique lorsqu’ils travaillent sur les treilles. Ils devraient être formés aux techniques appropriées de levage ou se servir d’engins mécaniques.

Les travailleurs devraient porter des jambières et des lunettes de protection.

Bon nombre d’accidents surviennent lorsque les travailleurs attachent les tiges aux treilles métalliques; pour ces opérations, ils sont la plupart du temps juchés sur des structures ou plates-formes surélevées montées sur tracteurs. Ces accidents ont cependant diminué grâce au port de ceintures de sécurité, à l’aménagement de dispositifs de protection sur les structures en question et au port de lunettes de protection. La fréquence rapide des mouvements de la main peut être à l’origine d’une pathologie telle que le syndrome du canal carpien.

Le houblon étant souvent traité aux fongicides au cours de son cycle de croissance, il est indiqué d’afficher à l’entrée du champ la date à laquelle il sera possible d’y pénétrer à nouveau.

Les demandes de réparation enregistrées dans l’Etat de Washington, aux Etats-Unis, mettent en évidence un taux d’incidence de l’ordre de 30 à 40 accidents pour 100 années-personnes. Les associations de planteurs ont institué des comités de sécurité qui s’emploient activement à réduire ces taux d’accidents du travail, dont la fréquence est d’ailleurs généralement plus élevée en août et en septembre.

La production du houblon fait le plus souvent appel à des moyens mécaniques de fabrication souvent locale. La vigilance des comités de sécurité a permis de réduire les accidents par happement lors des opérations de récolte et de transformation. La formation devrait se concentrer sur l’utilisation correcte des couteaux, le port d’un équipement de protection individuelle et la prévention des chutes de véhicules et de machines agricoles.

LES PROBLÈMES DE SANTÉ ET D’ENVIRONNEMENT

LES PROBLÈMES DE SANTÉ ET LES TYPES DE MALADIES DANS LE SECTEUR AGRICOLE

Melvin L. Myers

A la fin du XXe siècle, moins de 5% de la population active des pays industriels était employée dans le secteur agricole, alors que la proportion était de 50% à l’échelle mondiale (Sullivan et coll., 1992). Alliant des opérations hautement mécanisées à des tâches manuelles ardues, le travail agricole est extrêmement varié. Certaines entreprises agroalimentaires ont, depuis longtemps, une vocation internationale; c’est le cas notamment des grandes plantations et des exploitations qui produisent des cultures d’exportation. Aujourd’hui, le commerce des produits de l’agriculture est international; il est organisé autour de productions telles que le sucre, le blé et l’élevage de bovins. L’agriculture se pratique dans divers contextes: exploitations familiales comprenant l’agriculture de subsistance; grandes exploitations commerciales et plantations; exploitations en zones urbaines, incluant les entreprises spécialisées et l’agriculture de subsistance; travail agricole saisonnier. Quant aux cultures, elles vont des cultures de base comme le blé et le riz aux cultures spécialisées comme le café et les fruits. En outre, la proportion de jeunes travailleurs et de travailleurs âgés est, en général, plus importante dans le secteur agricole que dans tout autre secteur d’activité. Le présent article décrit les risques pour la santé et mentionne les maladies les plus courantes parmi les travailleurs agricoles, exception faite des éleveurs de bétail dont le cas est traité au chapitre no 70 «L’élevage».

Généralités

L’image que l’on se fait du travail agricole est celle d’une occupation saine que l’on mène loin des centres pollués et encombrés et qui permet de faire le plein d’air frais et beaucoup d’exercice. Dans un certain sens, ce n’est pas faux. Aux Etats-Unis, par exemple, l’ischémie du myocarde et le cancer sont des causes de décès moins fréquentes dans l’agriculture que dans les autres catégories professionnelles.

Le travail agricole n’en est pas moins associé à un certain nombre de risques pour la santé. Les travailleurs agricoles sont des populations à risque en ce qui concerne certaines formes de cancer, de maladies respiratoires et de traumatismes (Sullivan et coll., 1992). En outre, comme le travail agricole est souvent effectué dans des lieux éloignés des agglomérations, l’accès aux services de soins d’urgence est difficile et la médecine agricole n’a pas encore acquis ses lettres de noblesse (voir encadré et tableau 64.12). Les travailleurs agricoles sont exposés à de nombreux risques: conditions climatiques et topographiques; intoxication par les pesticides et les engrais; accidents dus à l’utilisation des machines; exposition aux poussières; etc. Comme le montrent les tableaux 64.13 à 64.19, les divers risques rencontrés peuvent être rattachés à six grandes catégories: 1) troubles respiratoires; 2) affections cutanées; 3) intoxications et affections néoplasiques; 4) traumatismes; 5) contraintes thermiques et mécaniques; 6) troubles du comportement.

Agromédecine et médecine agricole

L’agriculture et la médecine sont des secteurs d’activité étroitement liés depuis les débuts de l’élevage et de la production agricole. Une exploitation agricole ou un élevage sains reposent sur une main-d’œuvre en bonne santé. La famine, la sécheresse et les ravageurs peuvent menacer le bien-être de toutes les espèces présentes sur l’exploitation, particulièrement dans les pays en développement dont la survie dépend essentiellement de la production agricole. A l’ère coloniale déjà, les planteurs devaient prendre des mesures d’hygiène pour protéger leurs cultures, leurs animaux et leur personnel. Aujourd’hui, l’agromédecine s’intéresse à la lutte intégrée contre les ravageurs (approche écologique de la protection phytosanitaire), aux mesures de prévention et de lutte contre la tuberculose bovine (animaux, produits laitiers et travailleurs) et à l’utilisation du génie agricole (réduction de l’incidence des lésions traumatiques et des cas de poumon de fermier). L’agriculture et la médecine donnent d’excellents résultats lorsqu’elles sont bien intégrées.

Définitions

Les termes ci-après sont souvent utilisés indifféremment, bien qu’ils aient des acceptions résolument distinctes:

  • La médecine agricole se réfère au domaine de spécialisation de la santé publique ou de la médecine du travail qui fait partie de la formation et de la pratique des professionnels de la santé.
  • L’agromédecine est un néologisme formé dans les années cinquante dans le but de donner une plus grande importance aux démarches interdisciplinaires et pragmatiques qui privilégient un solide partenariat entre les deux disciplines (médecine et agriculture) et accordent une plus grande place aux professionnels de l’agriculture.

Au cours de ces dernières années, la définition du concept de médecine agricole , comme domaine de spécialisation de la médecine du travail et du milieu ayant déjà sa place dans les facultés des sciences de la santé, a dû être élargie pour inclure la notion d’agromédecine, définie comme un processus réunissant les ressources agricoles et sanitaires d’un Etat ou d’une région en un partenariat voué au service public, selon le modèle des universités créées grâce à une donation foncière du gouvernement.

L’unité essentielle des sciences biologiques est bien connue des chimistes dont les recherches, axées sur la nutrition végétale, animale ou humaine, dépassent l’étroit domaine de leur spécialisation en raison du chevauchement et de l’intégration de leurs travaux.

Champ d’application

L’agromédecine s’intéresse à trois grands domaines d’application:

  1. les lésions traumatiques;
  2. les affections pulmonaires;
  3. les accidents et les affections impliquant des produits chimiques agricoles.

Parmi les autres domaines d’intérêt de l’agromédecine, on citera les zoonoses, les services de santé rurale et autres services communautaires, la salubrité des denrées alimentaires (par exemple, la relation entre nutrition et cancer), l’éducation sanitaire et la protection de l’environnement. Ces divers sujets de préoccupation ont toutefois été relégués au second plan. Les biotechnologies, les enjeux de l’accroissement démographique et la durabilité de la production agricole retiennent aussi l’attention.

Les programmes de recherche et de formation universitaires sont établis, pour chaque domaine clé, en fonction des compétences du corps enseignant, des crédits et des subventions disponibles, des besoins des programmes d’enseignement postscolaire ainsi que des besoins des producteurs agricoles et de l’industrie alimentaire en matière de consultation et de coopération interuniversitaires. Ainsi, les compétences nécessaires pour traiter les lésions traumatiques pourront faire l’objet d’un enseignement dans une faculté de génie agricole conduisant à l’obtention d’un diplôme spécialisé dans cette branche des sciences agronomiques; la pneumopathie par hypersensibilité aux poussières organiques (poumon de fermier) pourra être étudiée dans le cadre d’un internat axé sur la médecine du travail (internat de spécialisation du troisième cycle) ou sur la médecine préventive (conduisant à une licence ou un doctorat en santé publique); un programme interuniversitaire sur la salubrité des denrées alimentaires pourra associer des disciplines comme les sciences vétérinaires, les sciences de l’alimentation et une spécialisation médicale en maladies infectieuses (voir tableau 64.12 pour une comparaison entre deux types de programmes).

Aux Etats-Unis, plusieurs Etats ont mis en place des programmes actifs d’agromédecine: Alabama, Californie, Caroline du Sud, Colorado, Géorgie, Iowa, Kansas, Kentucky, Minnesota, Mississippi, Nebraska, New York, Oregon, Pennsylvanie, Virginie et Wisconsin. D’autres Etats, comme le Michigan, la Floride et le Texas, ont mis en œuvre des programmes qui ne font pas référence aux termes agromédecine ou médecine agricole ou qui sont encore à un stade de développement préliminaire. La province de la Saskatchewan, au Canada, s’est également dotée d’un programme d’agromédecine.

Conclusion

Au-delà d’une collaboration interdisciplinaire dans les sciences dites fondamentales, les collectivités ont besoin de mieux coordonner les compétences agronomiques et médicales dont elles disposent. Un travail spécialisé doit être entrepris et poursuivi au sein d’équipes locales pour mettre en œuvre une stratégie de prévention et d’éducation donnant accès au meilleur ensemble de connaissances scientifiques et de services de proximité que l’on est en droit d’attendre de la part d’une université subventionnée par l’Etat.

Stanley H. Schuman et Jere A. Brittain

Tableau 64.12 Comparaison de deux types de programme d'agromédecine

Paramètres

Programme A

Programme B

Site (université)

Médical

Médical et agricole

Subventionnement

Fédéral, fondation

Etat, fondation

Recherche

Primaire (fondamentale)

Secondaire (appliquée)

Education des patients

Oui

Oui

Formation des producteurs et des travailleurs

Oui

Oui

Formation des agents de santé

Oui

Oui

Enseignement périscolaire

Optionnel

Oui

Formation interdisciplinaire

Optionnel

Oui

Activités de proximité à l’échelle de l’Etat

Intermittentes

Continuelles (40 heures par semaine)

Circonscription: viabilité

Pairs universitaires
Pairs au niveau national
Pairs au niveau international

Producteurs, consommateurs
Professionnels de la santé
Médecins ruraux

Prestige (académique)

Oui

Faible

Croissance (capital, subventions)

Oui

Faible

Gestion

Propre

En partenariat

Intérêt principal

Recherche, publications, recommandations de principe

Formation, service public, recherche axée sur les clients

Tableau 64.13 Troubles respiratoires

Sources d’exposition

Effets sur la santé

Pollen de céréales, petits fragments de poils d’animaux, antigènes fongiques dans les issues de grains et les plantes, acariens, insecticides organophosphorés

Asthme et rhinites: asthme causé par les immunoglobulines E

Poussières organiques

Asthme non immunologique (causé par les poussières de céréales)

Fragments de plantes, endotoxines, mycotoxines

Inflammation des muqueuses

Insecticides, arsenic, poussières irritantes, ammoniac, vapeurs chimiques, issues de grains (blé, orge)

Bronchospasme, bronchite aiguë et bronchique chronique

Spores fongiques ou actinomycètes thermophiles libérés par des grains ou du foin moisis, antigènes de moins de 5 µm de diamètre

Pneumopathie par hypersensibilité

Actinomycètes thermophiles: canne à sucre moisie

Bagassose

Spores fongiques (au cours du nettoyage des lits de semences)

Poumon des champignonnistes (ouvriers des champignonnières)

Foin ou compost moisis

Poumon de fermier

Champignons: écorce d’érable moisie

Poumon des écorceurs d’érable

Arthropodes: blé infesté

Maladie du charançon du blé

Débris de plantes, granules d’amidon, moisissures, endotoxines, mycotoxines, spores, champignons, bactéries Gram négatif, enzymes, allergènes, fragments d’insectes, particules de terre, résidus chimiques

Syndrome toxique dû aux poussières organiques

Poussières de céréales ensilées

Fièvre des céréales

Moisissures à la surface de l’ensilage

Maladie des ouvriers de silo

Gaz de décomposition: ammoniac, sulfure d’hydrogène, monoxyde de carbone, méthane, phosgène, chlore, dioxyde de soufre, ozone, paraquat (herbicide), gaz ammoniac (engrais), oxydes d’azote

Réactions pulmonaires aiguës

Dioxyde d’azote émanant de l’ensilage en fermentation

Maladie des ouvriers de silo

Vapeurs de soudage

Maladie des fondeurs

Insuffisance en oxygène dans les espaces clos

Asphyxie

Poussière de terre dans les régions arides

Fièvre de la vallée (coccidioïdomycose)

Mycobacterium tuberculosis

Tuberculose (travailleurs migrants)

Mesures de prévention: ventilation, élimination ou limitation des poussières, port d’un appareil respiratoire auxiliaire, contrôle de la moisissure, désaccoutumance au tabac.

Sources: Merchant et coll., 1986; Meridian Research, Inc., 1994; Sullivan et coll., 1992; Zejda, McDuffie et Dosman, 1993.

Tableau 64.14 Affections cutanées

Sources d’exposition

Effets sur la santé

Ammoniac et engrais solides, végétaux, plantes bulbeuses, fumigants, issues d’avoine et d’orge, divers pesticides, savons, produits pétroliers, solvants, hypochlorite, composés phénoliques, liquide amniotique, aliments pour animaux, furazolidone, hydroquinone, halquinol

Dermite de contact irritative

Acariens

Gale des céréales

Plantes sensibilisantes (sumac vénéneux ou gui du chêne), divers pesticides (dithiocarbamates, pyréthrines, thioates, thiurames, parathion et malathion)

Dermite allergique de contact

Manipulation des tulipes et de leurs bulbes

Doigt du manipulateur de tulipes

Créosote, plantes contenant des furocoumarines

Dermite de photocontact

Rayonnement solaire, rayonnements ultraviolets

Dermite due au soleil, mélanome, cancer des lèvres

Milieux chauds et humides

Dermite due à la chaleur

Feuilles de tabac humides

Intoxication à la nicotine (intoxication par le tabac vert)

Feu, électricité, produits chimiques acides ou caustiques, engrais solides (hygroscopiques), friction, ammoniac liquéfié

Brûlures

Morsures et piqûres de guêpes, polistes, abeilles, acariens, frelons, fourmis rouges, araignées, scorpions, mille-pattes, autres arthropodes, serpents

Dermatite causée par les arthropodes, envenimation, maladie de Lyme, paludisme

Piqûres d’épines et perforation de la peau

Tétanos

Mesures de prévention: lutte intégrée contre les ravageurs, vêtements de protection, mesures d’hygiène, vaccination, lutte contre les insectes, crèmes protectrices.

Sources: Estlander, Kanerva et Piirilä, 1996; Meridian Research, Inc., 1994; Raffle et coll., 1994; Sullivan et coll., 1992.

Tableau 64.15 Intoxications et maladies néoplasiques

Sources d’exposition

Effets potentiels sur la santé

Solvants, benzène, vapeurs, fumigants, insecticides (par exemple, organophosphorés, carbamates, organochlorés), herbicides (par exemple, acides phénoxyaliphatiques, bipyridyls, triazines, arsenic, acentanilides, dinitro-toluidine), fongicides (par exemple, thiocarbamates, dicarboximides)

Intoxication aiguë, maladie de Parkinson, névrite périphérique, maladie d’Alzheimer, encéphalopathies aiguës et chroniques, lymphome non hodgkinien, maladie de Hodgkin, myélome multiple, sarcome des tissus mous, leucémies, tumeurs du cerveau, de la prostate, de l’estomac, du pancréas et des testicules, gliome

Rayonnement solaire

Cancer de la peau

Dibromochloropropane (DBCP), dibromure d’éthylène

Stérilité (hommes)

Mesures de prévention: lutte intégrée contre les ravageurs, port d’un appareil respiratoire autonome, protection de la peau, application correcte des pesticides, observation d’un délai d’attente avant de retourner dans les champs après application de pesticides, étiquetage des récipients, consignes de sécurité, identification d’éventuelles substances cancérogènes et consignes d’élimination.

Sources: Connally et coll., 1996; Hanrahan et coll., 1996; Meridian Research, Inc., 1994; Pearce et Reif, 1990; Popendorf et Donham, 1991; Sullivan et coll., 1992; Zejda, McDuffie et Dosman, 1993.

Tableau 64.16 Traumatismes

Sources d’exposition

Effets sur la santé

Collisions entre véhicules, entre machines et véhicules, projections d’objets, chutes, manque d’oxygène, incendies

Accidents mortels et autres

Tracteurs

Ecrasement de la poitrine, extravasation (perte de fluides — par exemple, hémorragie — et épanchement pleural), strangulation/asphyxie

Vis à grain

Hypovolémie (perte de sang), sepsis et asphyxie

Electricité

Electrocution

Machines et véhicules, ruades et attaques par des animaux de trait, chutes

Accidents non mortels: infection (par exemple, tétanos)

Ramasseuses-presses

Brûlures par friction, écrasement, accident neurovasculaire, avulsion, fractures, amputation

Prises de force

Arrachement de la peau ou du cuir chevelu, sectionnement de la main, amputation, traumatismes multiples

Cueilleuses-dépanouilleuses d’épis de maïs

Blessures aux mains (brûlures par friction, écrasement, avulsion ou sectionnement de la main ou des doigts)

Incendies et explosions

Brûlures graves ou mortelles, inhalation de fumée

Mesures de prévention: protections contre le renversement ou le cabrage des tracteurs, utilisation correcte des équipements, installation électrique conforme aux normes en vigueur, prévention des incendies, équipement de protection individuelle, bon entretien des machines et des locaux de travail.

Sources: Deere & Co., 1994; Meridian Research, Inc., 1994; Meyers et Hard, 1995.

Tableau 64.17 Taux des accidents suivis d'arrêt de travail (en %), par sources et
types d'accident et par types d'activité survenus aux Etats-Unis en 1993

 

Céréales commerciales

Cultures de plein champ

Légumes, fruits, noix

Cultures en pépinière

Sources d’accident

Tracteurs

11,0

9,7

1,0

Machines

18,2

18,6

25,1

12,5

Bétail

11,0

12,1

1,7

Outils à main

13,4

13,0

19,3

3,8

Outils à moteur

4,3

4,6

0,4

17,9

Pesticides/produits chimiques

1,3

2,8

0,4

0,5

Plantes, arbres

2,2

3,1

7,4

4,6

Lieux de travail

11,5

11,6

6,8

5,1

Camions, automobiles

4,7

1,4

1,5

Autres véhicules

3,6

3,5

Liquides

3,1

1,0

Autres

15,6

22,2

34,0

54,5

Types d’accident

Entorses/foulures

20,5

23,5

39,3

38,0

Coupures

16,4

32,3

18,9

21,7

Fractures

20,3

6,5

4,3

5,6

Contusions

9,3

9,5

12,6

14,8

Ecrasement

10,4

2,6

2,4

1,0

Autres

23,1

25,6

22,5

18,9

Types d’activité

Entretien de l’exploitation

23,8

19,1

10,8

33,3

Travail aux champs

17,2

34,6

34,0

38,2

Manutention des cultures

14,1

13,8

9,4

7,7

Gestion du bétail

17,1

14,7

5,5

3,2

Entretien des machines

22,6

10,1

18,0

Autres

5,1

7,5

22,3

17,6

Source: Meyers, 1997.

Tableau 64.18 Contraintes thermiques et mécaniques

Sources

Effets sur la santé

Interventions

Suractivité des tendons, étirements, force excessive

Affections des tendons (tendinite, ténosynovite)

Conception ergonomique, réduction des vibrations, vêtements chauds, pauses

Mouvements répétitifs, mauvaise position du poignet

Syndrome du canal carpien

 

Vibrations des mains

Syndrome de Raynaud

 

Mouvements répétitifs, force intense, mauvaise posture de travail, vibrations à l’ensemble du corps

Dégénérescences, douleurs lombaires, hernies discales, affections des systèmes nerveux périphérique, vasculaire, gastro-intestinal et vestibulaire

 

Bruits de machines et de moteurs

Pertes d’audition

Lutte contre le bruit, protection de l’ouïe

Accélération du métabolisme, hautes températures, forte humidité, eau et électrolytes insuffisants

Crampes de chaleur, épuisement dû à la chaleur, insolation

Eau potable, pauses, protection solaire

Basses températures, vêtements mouillés

Gelures superficielles, engelures, gelures, hypothermie systémique

Vêtements chauds et secs, dégagement calorifique lié au mouvement

Source: Meridian Research, Inc., 1994.

Tableau 64.19 Troubles du comportement

Sources

Effets sur la santé

Mesures de prévention

Isolement, difficultés économiques, conflits de générations, violence, abus de drogues, inceste, pesticides, risques inconsidérés, attitudes patriarcales, climat instable, immobilité

Dépression, anxiété, incapacité de réagir, suicide

Diagnostic précoce, soutien psychologique, responsabilisation, contrôle des pesticides, cellules de soutien au niveau de la communauté

Tuberculose, maladies sexuellement transmissibles (travailleurs migrants)

Maladies interpersonnelles

Diagnostic précoce, vaccination, utilisation de préservatifs

Sources: Boxer, Burnett et Swanson, 1995; Davies, 1995; Meridian Research, Inc., 1994; Parrón, Hernández et Villanueva, 1996.

Les troubles respiratoires

Les travailleurs agricoles sont sujets à des troubles respiratoires liés à divers types d’exposition professionnelle comme le montre le tableau 64.13. L’incidence de ce type d’affections est particulièrement marquée dans certains pays.

L’aggravation de l’asthme dû à des allergènes spécifiques et autres causes non spécifiques est associée à la présence de poussières en suspension dans l’air et d’autres agents tels que le pollen, les acariens qui foisonnent dans les structures de stockage et les issues de grains. L’inflammation des muqueuses est une réaction fréquente aux poussières chez les personnes souffrant de rhinites allergiques ou ayant des antécédents d’atopie. Le matériel végétal contenu dans les issues de grains semble être capable de provoquer des irritations mécaniques oculaires, tandis que l’exposition aux endotoxines et aux mycotoxines peut également être responsable de réactions inflammatoires au niveau des yeux, des voies nasales et de la gorge.

La bronchite chronique est plus fréquente chez les travailleurs agricoles que dans le reste de la population. La majorité des agriculteurs atteints de cette maladie ont des antécédents d’exposition aux issues de grains ou ont travaillé dans des porcheries industrielles. La cigarette paraît être un élément favorisant les maladies de ce type. On observe des cas de bronchite aiguë chez les céréaliers, surtout pendant les périodes de récolte.

La pneumopathie par hypersensibilité (alvéolite allergique extrinsèque) est provoquée par une exposition répétée à des antigènes d’un certain nombre de substances. Ces antigènes comprennent des micro-organismes que l’on trouve dans le foin, le grain ou l’ensilage moisis. Cette pathologie s’observe aussi chez les travailleurs qui nettoient les lits de semences dans les champignonnières.

Le syndrome toxique dû aux poussières organiques a tout d’abord été associé à l’exposition à des produits d’ensilage moisis; une maladie similaire est associée à l’exposition aux issues de grains. Ce syndrome apparaît sans qu’il y ait sensibilisation préalable, comme c’est le cas pour la pneumopathie par hypersensibilité. Son épidémiologie n’est pas encore bien définie.

Les travailleurs agricoles peuvent être exposés à différentes substances pouvant causer des réactions pulmonaires aiguës. Le dioxyde d’azote présent dans les silos à grains peut provoquer la mort des travailleurs qui s’y trouvent. Emis par diverses sources de combustion, notamment les appareils de chauffage et les moteurs à combustion, le monoxyde de carbone peut provoquer lui aussi des accidents mortels chez les travailleurs exposés à de fortes concentrations de ce gaz à l’intérieur des bâtiments. Enfin, outre l’exposition aux substances toxiques, le manque d’oxygène dans les espaces confinés des exploitations agricoles constitue un problème permanent.

Au cours des processus de transformation auxquels ils sont soumis, de nombreux végétaux sont à l’origine d’affections pulmonaires. On peut citer, par exemple, la pneumopathie par hypersensibilité causée par le malt moisi (provenant de l’orge), les poussières de paprika ou celles de café. La byssinose est provoquée par les poussières de coton, de lin et de chanvre. Un certain nombre de produits naturels subissant des opérations de transformation sont également associés à l’asthme professionnel: les gommes végétales, les graines de lin, le ricin, les graines de soja, les grains de café, les produits céréaliers, la farine, les racines d’iris, la poussière de tabac et la papaïne (Merchant et coll., 1986; Meridian Research, Inc., 1994; Sullivan et coll., 1992).

Les affections cutanées

Les travailleurs agricoles sont exposés à un certain nombre d’affections cutanées comme le montre le tableau 64.14; les plus fréquentes sont les dermites irritantes de contact. La dermite allergique de contact est une réaction à l’exposition à des sensibilisateurs comme certaines plantes et pesticides. D’autres affections cutanées comprennent les dermites dues à l’exposition au soleil, à la chaleur, aux arthropodes et aux rayonnements ultraviolets ainsi que les dermites de photocontact.

Des brûlures peuvent être provoquées de différentes manières, par exemple par les engrais solides qui sont hygroscopiques (Deere & Co., 1994) et brûlent la peau en absorbant son humidité par simple contact. L’ammoniac liquéfié est utilisé pour injecter de l’azote dans le sol où il se transforme en gaz et se combine immédiatement avec l’humidité ambiante. Si le liquide ou le gaz entre en contact avec la peau, surtout avec les yeux et l’appareil respiratoire, il peut entraîner une destruction des cellules ou des brûlures ainsi que des lésions irréversibles en l’absence de traitement rapide.

Dans la culture du tabac, les travailleurs risquent de contracter la maladie du tabac vert en manipulant le tabac humide. L’eau de pluie ou la rosée déposée sur les feuilles de tabac dissout probablement la nicotine et facilite son absorption par la peau. Cette maladie se manifeste par des céphalées, une pâleur, des nausées, des vomissements et un état de prostration.

Parmi les lésions cutanées, il faut citer les morsures de serpents, les piqûres d’insectes et autres arthropodes et les écorchures d’épines qui transmettent des maladies.

Les intoxications et les maladies néoplasiques

Les risques d’exposition à des substances toxiques dans le milieu agricole sont nombreux, comme l’indique le tableau 64.15. Les produits chimiques utilisés en agriculture comprennent les engrais, les pesticides (insecticides, fumigants et herbicides) et les combustibles. L’exposition aux pesticides est un risque très fréquent, aussi bien dans les pays en développement que dans les pays industriels. Aux Etats-Unis, on a recensé plus de 900 pesticides commercialisés sous plus de 25 000 marques différentes; l’agriculture en utilise environ 65%. On les emploie principalement pour lutter contre les insectes et pour réduire les pertes de récolte. Deux tiers (en poids) des pesticides sont des herbicides. On les applique sur les semences, les sols, les plantes ou les récoltes, généralement à l’aide de pulvérisateurs ou d’avions-poudreurs. Après application, l’exposition aux pesticides peut résulter d’effluents gazeux, de la dispersion des produits par le vent ou d’un contact de la peau ou des vêtements avec les plantes traitées. L’exposition par voie dermique est le type d’exposition le plus fréquent. Un certain nombre de conditions pathologiques sont associées à l’exposition aux pesticides, parmi lesquelles on peut citer diverses affections aiguës, chroniques, cancéreuses, immunologiques ou neurotoxiques ainsi que des troubles de la reproduction.

Les travailleurs du secteur agricole sont davantage exposés que ceux des autres secteurs d’activité à certains cancers localisés au niveau du cerveau, de l’estomac, du système lymphatique, de la moelle osseuse, des lèvres, de la prostate et de la peau. L’exposition au rayonnement solaire et aux pesticides (surtout aux herbicides) entraîne un risque de cancer plus marqué chez les populations agricoles (Meridian Research, Inc., 1994; Popendorf et Donham, 1991; Sullivan et coll., 1992).

Les traumatismes

Selon la plupart des études, les travailleurs agricoles sont des populations à haut risque en ce qui concerne les accidents mortels. Aux Etats-Unis, selon une étude sur les accidents mortels du travail survenus entre 1980 et 1989, le taux de mortalité enregistré dans le milieu agricole était de 22,9 pour 100 000 travailleurs contre 7,0 pour l’ensemble des catégories professionnelles. Les taux moyens de mortalité pour les hommes et les femmes étaient respectivement de 25,5 et 1,5 pour 100 000 travailleurs agricoles. Les causes principales de décès dans le secteur agricole sont liées à l’utilisation de machines et de véhicules à moteur. D’après de nombreuses études, le tracteur est l’engin qui est à l’origine du plus grand nombre d’accidents mortels, le plus souvent par renversement ou retournement. D’autres causes majeures d’accidents mortels sont l’électrocution, le happement, les objets projetés, l’environnement et la noyade. L’âge est un facteur de risque important chez les travailleurs agricoles de sexe masculin. Aux Etats-Unis, par exemple, le taux de mortalité chez les travailleurs agricoles âgés de plus de 65 ans était d’environ 50 cas pour 100 000 travailleurs, soit plus du double de la moyenne générale (Meyers et Hard, 1995) (voir figure 64.40). Le tableau 64.16 dresse une liste des sources possibles de traumatismes et de leurs conséquences.

Figure 64.40 Taux d'accidents mortels chez les travailleurs agricoles aux
Etats-Unis, 1980-1989

Figure 64.40

Selon une étude réalisée en 1993 aux Etats-Unis, les accidents du travail dans l’agriculture étaient principalement causés par le bétail (18%), les machines (17%) et les outils à main (11%). Les entorses et les foulures (26%), les coupures (18%) et les fractures (15%) représentaient les types d’accidents les plus fréquents. Dans 95% des cas, les victimes étaient des travailleurs de sexe masculin, la majorité appartenant à la tranche d’âge 30-39 ans. Le tableau 64.17 indique les sources et la nature des traumatismes dans quatre grands secteurs d’activités agricoles. Aux Etats-Unis, le Conseil national de la sécurité (National Safety Council) estimait à 13,2% le taux d’incidence des accidents et des maladies liés au travail parmi les travailleurs agricoles en 1992. Plus de la moitié de ces accidents et maladies avaient entraîné un arrêt de travail de 39 jours en moyenne. En revanche, chez les travailleurs des secteurs de la fabrication et du bâtiment, ces taux étaient respectivement de 10,8 et 5,4%. Selon une autre étude réalisée aux Etats-Unis, 65% de tous les accidents survenus dans les exploitations agricoles avaient nécessité des soins médicaux, et près de la moitié de ceux qui ont entraîné une incapacité permanente avaient été causés par des machines autres que les tracteurs (Meridian Research, Inc., 1994; Boxer, Burnett et Swanson, 1995).

Les contraintes thermiques et mécaniques

Comme le montre le tableau 64.18, les travailleurs agricoles sont exposés à certaines contraintes thermiques et mécaniques pouvant entraîner des accidents. Un grand nombre de ces contraintes sont liées à la manutention de lourdes charges, à des mouvements répétitifs et dynamiques et à des postures inconfortables. De plus, les conducteurs d’engins agricoles sont exposés à des vibrations transmises au corps entier. Une étude rapporte un taux de prévalence de lombalgies de plus de 10% chez les conducteurs de tracteurs.

Les pertes d’audition consécutives à l’exposition au bruit sont fréquentes; une étude signale que les travailleurs âgés de plus de 50 ans présentent une perte d’audition pouvant aller jusqu’à 55%. Une étude portant sur les étudiants en milieu rural montre qu’ils souffrent deux fois plus de déficits auditifs que les étudiants en milieu urbain.

Les travailleurs agricoles sont également exposés à des températures extrêmes. Il peut s’agir d’ambiances très chaudes et humides comme celles qui prévalent quasiment tout au long de l’année dans les régions tropicales et subtropicales et, pendant l’été, dans les zones tempérées. De telles conditions sont extrêmement propices aux contraintes thermiques, aux coups de chaleur et aux insolations. A l’inverse, le froid très intense auquel peuvent être exposés les travailleurs des régions tempérées pendant l’hiver peut être à l’origine d’engelures, voire de décès par hypothermie (Meridian Research, Inc., 1994).

Les troubles du comportement

Certains aspects de l’activité agricole peuvent être des facteurs de stress pour les travailleurs. Comme le montre le tableau 64.19, ces facteurs peuvent avoir diverses origines: isolement, prise de risques inconsidérés, attitudes patriarcales, exposition aux pesticides, difficultés économiques, intempéries ou encore immobilité. Les problèmes qui leur sont associés vont des dysfonctionnements dans les relations et des conflits à la consommation de stupéfiants, à la violence domestique et au suicide. La plupart des suicides ayant suivi des crises dépressives dans les exploitations agricoles américaines ont touché des sujets mariés travaillant à plein temps; la plupart d’entre eux se sont servis d’armes à feux pour mettre fin à leurs jours. Les suicides surviennent souvent au cours des périodes de pointe saisonnières (Boxer, Burnett et Swanson, 1995).

Les travailleurs agricoles migrants sont très exposés à la tuberculose. Dans les milieux où la population agricole est surtout masculine, on redoutera plus particulièrement les maladies sexuellement transmissibles. Dans cette même catégorie de travailleurs, les femmes doivent faire face à des problèmes périnataux et à des taux de mortalité infantile ou néonatale importants. Elles n’ont par ailleurs qu’une perception partielle des risques professionnels auxquels elles sont exposées. La population des travailleurs migrants agricoles a fait l’objet d’études portant sur de nombreux aspects liés au comportement, notamment les mauvais traitements infligés aux enfants, la violence domestique, la consommation de stupéfiants, les troubles mentaux et les maladies causées par le stress (BIT, 1994).

LES PROBLÈMES D’ENVIRONNEMENT ET DE SANTÉ PUBLIQUE DANS LE SECTEUR AGRICOLE

Melvin L. Myers

La poussée démographique ne fait que s’accroître et s’accompagne d’une demande toujours plus importante de produits alimentaires, mais la population sans cesse plus nombreuse fait aussi une utilisation accrue des terres arables à des fins non agricoles. Pour nourrir cette population, plusieurs options se présentent aux agriculteurs: ceux-ci ont notamment le choix entre l’accroissement des rendements, la valorisation des terres incultes et la réduction, voire l’arrêt complet de la destruction des terres agricoles existantes. Au cours des 25 dernières années, le monde a fait l’expérience de la «révolution verte», notamment en Amérique du Nord et en Asie. Cette révolution s’est traduite par une augmentation considérable de la production alimentaire, production stimulée par la mise au point de nouvelles souches génétiques plus productives, l’emploi accru d’engrais et de pesticides et le recours croissant à la mécanisation. La nécessité d’accroître encore cette production se heurte, d’une certaine manière, à celle de relever un certain nombre de défis visant l’environnement et la santé publique: lutte contre la pollution et l’appauvrissement des sols, mise au point de nouvelles méthodes de lutte contre les ravageurs, promotion de l’agriculture durable, réduction du travail des enfants et élimination de la culture des plantes servant à fabriquer des drogues illicites.

L’eau et les mesures de conservation des eaux

La pollution de l’eau est le plus grave de tous les problèmes liés à l’environnement. L’agriculture est largement responsable de cette situation puisqu’elle favorise la pollution par l’accumulation de sédiments et de sels et par l’utilisation d’engrais et de pesticides. Le ruissellement de sédiments conduit à l’érosion des sols aux dépens de la production agricole. Le remplacement naturel de 2,5 cm de couche arable à partir de la roche mère et des matériaux de surface est un processus qui s’étale sur une durée de 200 à 1 000 ans, durée extrêmement longue à l’échelle humaine.

La sédimentation dans les cours d’eau, lacs et estuaires accroît la turbidité de l’eau, phénomène qui se traduit par une diminution de la lumière dont les plantes aquatiques submergées ont besoin et menace gravement, en outre, les espèces qui dépendent de ce type de végétation. Elle envahit aussi les voies fluviales et les retenues artificielles, augmentant les coûts de dragage et réduisant la capacité de stockage des sources d’approvisionnement en eau, des systèmes d’irrigation et des centrales hydroélectriques. Les résidus d’engrais, tant synthétiques que naturels, apportent à l’eau phosphore, nitrates et autres éléments nutritifs qui stimulent le développement d’algues, menaçant les plans d’eau d’une éventuelle eutrophisation et risquant de décimer les populations de poissons. Les pesticides, en particulier les herbicides, contaminent les eaux de surface et ne sont que très partiellement éliminés par les systèmes conventionnels de traitement de l’eau en aval des cours d’eau. En outre, ils contaminent les aliments et le fourrage. Les eaux souterraines sont une source d’eau potable pour de nombreuses populations; elles servent aussi à abreuver les animaux et à irriguer les cultures. Elles sont également contaminées par les pesticides et par les nitrates provenant des engrais.

L’irrigation a certes permis d’étendre la production agricole à des régions où l’exploitation intensive était auparavant impossible, mais elle a aussi des retombées négatives. Les nappes aquifères s’épuisent là où les quantités d’eau souterraine puisées sont telles qu’elles excèdent leur capacité de se reconstituer; il peut aussi en résulter un affaissement des sols. Dans les régions arides, l’irrigation est en partie responsable de la minéralisation et de la salinisation des terres et de l’eau, en même temps qu’elle épuise les cours d’eau. Des mesures d’exploitation rationnelle et de conservation des eaux peuvent contribuer à limiter l’impact de ces divers phénomènes (National Research Council (NRC), 1989).

La lutte contre les ravageurs

Au lendemain de la deuxième guerre mondiale, l’utilisation des pesticides organiques synthétiques (fumigants, insecticides, herbicides et fongicides) connut un succès considérable mais s’accompagna très vite d’une pléthore d’interrogations. Les producteurs virent d’abord dans les pesticides synthétiques à large spectre une solution aux problèmes que posaient les vermines et autres fléaux qui ravageaient les cultures depuis toujours. Toutefois, leur utilisation a fait apparaître des problèmes de santé chez les humains et a exercé un impact préjudiciable important sur l’environnement. Ainsi, les hydrocarbures chlorés subsistent dans le sol et s’accumulent dans l’organisme des poissons, des coquillages et des oiseaux. Il y a lieu de noter que la charge corporelle d’hydrocarbures chez les animaux a baissé dans les communautés qui ont éliminé ou limité l’utilisation de ces produits.

L’application des pesticides a eu des effets délétères sur des espèces autres que celles qui étaient visées. De plus, les ravageurs peuvent acquérir une résistance à ces produits et l’on connaît aujourd’hui de nombreux exemples d’espèces résistantes qui sont devenues des prédateurs encore plus virulents. Les producteurs doivent donc envisager de nouveaux moyens de lutte contre les ravageurs. La lutte intégrée fait partie des moyens d’action basés sur des principes écologiquement rationnels; elle se fonde sur des méthodes de lutte chimique et biologique, les moyens chimiques étant utilisés dans la mesure où ils ne s’opposent pas, ou le moins possible, aux moyens biologiques. En fait, ce système de protection des cultures vise moins à éliminer les insectes et les plantes nuisibles qu’à endiguer leur prolifération à un niveau n’ayant aucune incidence dommageable sur l’économie (NRC, 1989).

Aujourd’hui, on exploite de plus en plus des cultures transgéniques (voir tableau 64.20), mais les bons résultats obtenus ne peuvent occulter les risques qu’elles présentent. Parmi les aspects positifs de ces manipulations génétiques, on citera le cas d’une variété de coton à laquelle on a incorporé un gène de résistance aux insectes. Cette souche, maintenant utilisée aux Etats-Unis, ne nécessite plus qu’une seule application d’insecticides, au lieu des cinq ou six applications précédemment requises. La plante produit son propre insecticide, réduisant ainsi les coûts d’application et la contamination de l’environnement. Toutefois, les ravageurs développent une résistance à ces nouvelles formes de pesticides. Lorsqu’un petit nombre de ravageurs survit à un pesticide synthétique, ils peuvent lui devenir résistants. Les ravageurs les plus virulents peuvent ainsi subsister et ce nouveau type de fléau, en s’étendant de cultures en cultures, peut prendre des proportions considérables. Ainsi, une variété de coton génétiquement modifiée permet actuellement de lutter contre le charançon des capsules de coton. Mais un charançon résistant est apparu, et il se pourrait que 200 autres cultures soient attaquées par ce ravageur devenu insensible au pesticide (Toner, 1996).

Tableau 64.20 Cultures transgéniques

Cultures

Variétés

Colza

Une variété modifiée pour produire une huile riche en acide laurique

Coton

Trois variétés résistantes aux insectes et aux herbicides

Courges

Une variété résistante à deux virus

Graines de soja

Une variété résistante aux herbicides

Maïs

Deux variétés résistantes aux insectes

Pommes de terre

Une variété résistante aux insectes

Tomates

Cinq variétés à mûrissage étalé dans le temps et à peau plus épaisse

Source: Toner, 1996.

L’agriculture durable

En raison des inquiétudes que suscitent aujourd’hui les problèmes économiques et écologiques, de nouvelles méthodes de production commencent à être mises en place pour réduire le coût des intrants, conserver les ressources naturelles et protéger la santé des êtres humains. Ces nouvelles méthodes privilégient la gestion rationnelle des ressources, les relations biologiques et les processus naturels.

En 1987, la Commission mondiale sur l’environnement et le développement a défini la notion de développement durable comme étant un développement pouvant répondre «aux besoins et aspirations des générations présentes sans compromettre la capacité des générations futures à répondre à leurs propres besoins» (Myers, 1992). Dans son sens le plus large, une agriculture durable fournit en quantités suffisantes des produits alimentaires de qualité, protège les ressources et l’environnement tout en étant rentable. Les risques pour la santé humaine sont abordés dans le cadre d’une approche fondée sur des systèmes. Le concept d’agriculture durable repose sur une autre notion qui est celle de la sécurité sur les lieux de travail. Par agriculture durable, il faut entendre aussi l’utilisation rationnelle de toutes les ressources dont on peut disposer, c’est-à-dire la terre, l’eau, les engrais, les pesticides, les bâtiments agricoles, les animaux, le capital et le crédit, sans oublier les personnes qui font partie de la communauté agricole.

Le travail des enfants et des travailleurs migrants

Dans le monde entier, les pays industriels ne faisant pas exception à la règle, les enfants participent aux tâches agricoles. Deux millions d’enfants âgés de moins de 19 ans vivent dans des exploitations agricoles aux Etats-Unis et l’on estime à quelque 100 000 le nombre de ceux qui sont blessés chaque année par suite d’accidents liés aux travaux agricoles. Ce sont généralement des enfants de producteurs ou de travailleurs agricoles (National Committee for Childhood Agricultural Injury Prevention, 1996). L’agriculture est l’un des rares secteurs d’activité économique, tant dans les pays développés que dans ceux en développement, où les enfants sont autorisés à effectuer des travaux d’adultes. Les enfants sont aussi exposés à certains risques quand ils accompagnent leurs parents au travail ou leur rendent visite pendant leurs loisirs. Les causes principales d’accidents sont les tracteurs, les machines agricoles, le bétail, les bâtiments et les chutes. Les enfants sont aussi exposés aux pesticides, aux combustibles, aux vapeurs nocives, aux substances irritantes en suspension dans l’air, au bruit, aux vibrations, aux zoonoses et au stress. On emploie des enfants dans les plantations du monde entier; ils travaillent avec leurs parents au sein d’une équipe rémunérée à la tâche et au titre de travailleurs migrants; ils sont parfois recrutés directement pour accomplir certaines tâches sur les plantations (BIT, 1994).

Les problèmes et les conditions de vie et de travail des travailleurs migrants et des enfants sont traités dans une autre section du présent chapitre et dans d’autres chapitres de l’Encyclopédie.

La culture des plantes servant à fabriquer des drogues illicites

Certaines plantes n’apparaissent pas dans la littérature officielle, car elles sont illicites. Elles sont cultivées pour produire des stupéfiants destinés à la consommation humaine. Ces substances ont le pouvoir d’altérer les capacités de jugement, elles engendrent la toxicodépendance et peuvent entraîner la mort. De plus, la culture de ces plantes dérobe aux terres leur potentiel de production agroalimentaire. Parmi ces plantes, on trouve le pavot (utilisé pour la production d’opium et d’héroïne), les feuilles de coca (utilisées pour la production de cocaïne et de crack) et le cannabis ou chanvre indien (utilisé pour la production de marijuana). Depuis 1987, la production mondiale de pavot et de coca s’est accrue, mais celle du cannabis a baissé, comme le montre le tableau 64.21. Le commerce de drogues illicites comprend cinq étapes entre le producteur et le consommateur: la culture, la transformation, le transit, la distribution en gros et la vente au détail. Pour enrayer l’approvisionnement en drogues illicites, les gouvernements essaient de concentrer leurs efforts sur l’éradication de la production. Ainsi, la destruction de 200 hectares de coca peut priver le marché de la drogue d’environ une tonne de cocaïne raffinée pendant deux ans, c’est-à-dire le temps requis pour reconstituer le stock à partir d’une nouvelle récolte. Bien que certains gouvernements s’y opposent, l’épandage d’herbicides par voie aérienne constitue l’un des moyens de lutte les plus efficaces. L’éradication manuelle constitue une autre option, mais elle expose les travailleurs à des réactions violentes de la part des producteurs (US Department of State, 1996). Certaines des plantes considérées ont cependant un usage légal; on fabrique la morphine et la codéine à partir de l’opium, par exemple. L’exposition à leurs poussières peut entraîner des risques d’intoxication sur les lieux de travail (Klincewicz et coll., 1990).

Tableau 64.21 Cultures illicites, 1987, 1991 et 1995

Cultures

Produits

Hectares cultivés

   

1987

1991

1995

Pavot

Opiacés

112 585

226 330

234 214

Coca (feuilles)

Cocaïne

175 210

206 240

214 800

Cannabis

Marijuana

24 423

20 919

12 205

Source: US Department of State, 1996.

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