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Chapitre 60 - Les programmes de sécurité

VUE D’ENSEMBLE DE LA RECHERCHE SUR LA SÉCURITÉ AU TRAVAIL

Herbert I. Linn et Alfred A. Amendola

La recherche sur la sécurité au travail est l’étude de l’incidence, des caractéristiques, des causes et de la prévention des accidents sur les lieux de travail. Avec les travaux novateurs de John Gordon (1949) et de William Haddon Jr. (Haddon, Suchman et Klein, 1964), puis de plus en plus dans les années quatre-vingt et quatre-vingt-dix, les accidents ont été considérés comme un problème de santé publique auquel pouvait être appliquée l’approche «santé publique», qui avait fait ses preuves contre la maladie. L’épidémiologie, qui est la science de la santé publique, a été appliquée aux accidents, y compris aux accidents du travail. Le modèle épidémiologique décrit la relation entre l’agent (l’entité ou le phénomène environnemental qui est la cause nécessaire de la maladie ou de l’accident), l’hôte (la personne affectée) et l’environnement. Son adaptation à l’étude des accidents du travail est en grande partie due à la perspicacité de deux personnalités marquantes de la recherche sur les accidents, James J. Gibson (1961) et, plus tard, William Haddon Jr. (Haddon, Suchman et Klein, 1964). Haddon s’est aperçu que les diverses formes d’énergie — mécanique, thermique, rayonnante, chimique ou électrique — étaient les «agents» de l’accident, de la même manière que les micro-organismes provoquent des maladies infectieuses. Des chercheurs et des praticiens de nombreuses disciplines — essentiellement l’épidémiologie, l’ingénierie, l’ergonomie, la biomécanique, la psychologie du comportement, la gestion de la sécurité et l’hygiène du travail — étudient les facteurs associés au travailleur (l’hôte), à l’environnement, au type et à la source d’énergie en cause (l’agent) et aux outils, machines et tâches (les véhicules) dont la combinaison provoque l’accident du travail ou y contribue.

Deux approches complémentaires: l’approche santé publique et l’analyse de la sécurité

L’approche santé publique est un modèle qui fournit un cadre pour la recherche sur la sécurité au travail. Elle comprend:

Dans des conditions idéales, les problèmes de sécurité au travail peuvent être isolés systématiquement et résolus grâce à ce processus.

L’analyse de la sécurité est un autre modèle pertinent pour aborder les accidents du travail. On peut dire, pour la définir, qu’il s’agit de «l’examen systématique de la structure et des fonctions d’un système en vue d’identifier les éléments qui contribuent aux accidents, de modéliser les accidents potentiels et de trouver des mesures permettant de réduire les risques» (Suokas, 1988). Il s’agit d’une démarche de type technique, qui suppose la prise en compte des défaillances potentielles des systèmes (dont l’une des conséquences pourrait être l’accident du travail) pendant la conception ou l’évaluation des processus, équipements, outils, tâches et environnements de travail. Ce modèle présuppose une aptitude à analyser et comprendre les interactions entre les composantes des systèmes utilisés sur le lieu de travail, afin d’en prévoir les modes de défaillance possibles avant qu’ils soient mis en œuvre. L’idéal est de sécuriser ces systèmes au stade de la conception, au lieu de les modifier après la survenue d’un accident ou de dommages.

L’approche santé publique de la recherche sur la sécurité au travail

La recherche sur la sécurité au travail évolue à mesure que des approches et des perspectives différentes, comme l’épidémiologie et l’ingénierie, s’unissent pour donner naissance à de nouvelles méthodes permettant d’évaluer et de documenter les risques sur les lieux de travail, de manière à définir des stratégies de prévention possibles. Le présent article étudie l’approche santé publique de la recherche sur la sécurité au travail et les domaines dans lesquels l’analyse de la sécurité s’y intègre pour donner une vue d’ensemble de la question et un aperçu des possibilités et des défis futurs. A titre secondaire, il se propose également d’examiner: 1) la relation entre la recherche sur la sécurité au travail et la gestion de la sécurité, la réglementation et le transfert de technologies; et 2) l’impact des progrès techniques sur la recherche et la communication dans le domaine de la sécurité au travail.

La surveillance

Pour résoudre les problèmes posés par les accidents du travail, il faut d’abord identifier ceux auxquels sont confrontées les différentes populations de travailleurs. C’est pourquoi l’approche santé publique de la recherche sur la sécurité au travail commence par la surveillance épidémiologique, qui a été définie comme «la collecte, l’analyse et l’interprétation systématiques et continues de données sur la santé afin de décrire un événement de santé et d’en suivre l’évolution» (CDC, 1988). Dans la recherche sur la sécurité, il s’agit de recueillir, d’analyser et d’interpréter des données sur les accidents, les risques, les expositions, les méthodes de travail et les populations de travailleurs.

La surveillance répond aux questions fondamentales sur les accidents du travail. Elle permet d’obtenir des informations sur les accidents par catégories démographiques, y compris le sexe, l’appartenance ethnique, l’âge, la profession et le secteur d’activité, en plus des informations sur le moment et le lieu de l’accident et, parfois, sur les circonstances dans lesquelles il s’est produit. Avec ces informations de base, qui fournissent des dénominateurs pour le calcul des taux, les chercheurs ont pu décrire les risques en termes de: 1) fréquence des accidents, ce qui aide à définir l’ampleur ou la portée d’un problème; et de 2) taux d’accidents (nombre de lésions ou de décès pour 100 000 travailleurs), qui permet de définir le risque relatif encouru par certaines catégories de travailleurs dans des circonstances données. Ces analyses et comparaisons permettent d’identifier les problèmes, y compris ceux qui sont nouveaux ou qui s’aggravent, de définir des priorités, de formuler des hypothèses pour des recherches ultérieures, et de suivre les tendances afin d’évaluer l’efficacité des programmes de prévention. Les résultats de la surveillance des lésions et décès imputables à des accidents du travail ont permis aux chercheurs de planifier et d’entreprendre des recherches approfondies visant à identifier les causes ou les facteurs contributifs et, en dernière analyse, d’élaborer des stratégies de prévention. Les informations ainsi obtenues ont en outre une importante fonction sociale, car elles renforcent la prise de conscience des risques chez les personnes exposées, les gestionnaires des risques, les décideurs et le public, et mettent en évidence des domaines critiques auxquels il faudrait consacrer une attention et des ressources accrues pour la recherche et la prévention.

La recherche analytique

Du fait que la surveillance met en évidence les principaux problèmes liés aux accidents du travail, les chercheurs peuvent concevoir des études afin de répondre à des questions plus précises sur les risques qui menacent telle ou telle population cible. L’analyse épidémiologique et diverses techniques peuvent être utilisées pour étudier de plus près les circonstances et les facteurs susceptibles de provoquer directement ou indirectement des accidents. En général, la surveillance des accidents du travail ne fournit pas de données suffisamment détaillées pour permettre de déterminer les facteurs de risque, c’est-à-dire les caractéristiques associées aux composantes du lieu de travail (travailleurs compris), qui peuvent provoquer directement ou indirectement des incidents dommageables. De ce fait, on peut laisser échapper des possibilités de prévention. Or, il est indispensable de disposer d’informations de ce type, qui décrivent les circonstances de l’événement dommageable, si l’on veut analyser la séquence des tâches, l’interaction des facteurs associés à la victime, à ses collègues, aux tâches, aux outils et aux processus, le déroulement de l’événement (avant-pendant-après), les stratégies de prévention utilisées et les attitudes de l’employeur en matière d’organisation et de sécurité.

Une méthode permettant de recueillir des données détaillées consiste à enquêter sur les lésions ou les décès provoqués par un accident du travail. Ces enquêtes reposent généralement sur une méthodologie formelle associant la collecte d’informations — par des entretiens, l’analyse de rapports sur les accidents et d’autres documents — et l’analyse et l’observation sur le terrain ou en laboratoire (par exemple, à l’aide de techniques judiciaires), afin de reconstituer les événements et les circonstances qui ont conduit à l’incident. La recherche épidémiologique analytique fait appel à différents types d’études tels que des études cas-témoins ou des études prospectives ou rétrospectives pour tester les hypothèses se rapportant aux facteurs de risques spécifiques et leur contribution relative à certains résultats. Les techniques de l’analyse de la sécurité: analyse des risques, des emplois, des tâches, des arbres de défaillance ou autres instruments d’étude de la sécurité des systèmes peuvent également être utilisées pour définir les risques et les causes, et pour prévoir ou attribuer des probabilités aux divers modes de défaillance susceptibles de provoquer des accidents parmi les travailleurs. Il se peut que l’avenir de la recherche sur les risques professionnels et les causes des accidents du travail réside dans une combinaison de ces modes de recherche qui permettra aux modèles d’étiologie des accidents basés sur des méthodes d’analyse technique d’être validés par une expérience s’appuyant sur les résultats des enquêtes et de la recherche épidémiologique.

L’élaboration des stratégies de prévention et des interventions

Les possibilités de prévention peuvent apparaître à mesure que les risques et les causes sont identifiés et caractérisés et que l’on discerne l’importance relative des facteurs de risque multiples. Une connaissance plus approfondie des facteurs de risques et de causalité des accidents permet aux chercheurs et aux praticiens de la sécurité au travail d’envisager des stratégies de prévention visant à réduire les risques ou de proposer des interventions pour rompre l’enchaînement causal des accidents. Aujourd’hui, un large éventail de techniques et de stratégies sont déjà appliquées à la protection des travailleurs, et leur utilisation pourrait être encore étendue avec profit. Des techniques et des stratégies mises au point et appliquées dans d’autres domaines pourraient également être utiles pour la protection des travailleurs, de même que des techniques et des stratégies restant encore à découvrir. L’objectif de la recherche sur la sécurité au travail est d’identifier, de mettre au point et d’appliquer des stratégies de prévention efficaces pour réduire les risques d’accidents parmi les travailleurs.

Haddon (1973) a postulé dix stratégies générales de base pour réduire les dommages dus aux risques liés à l’environnement ou au lieu de travail. La priorité la plus élevée des chercheurs en sécurité au travail qui étudient les stratégies de prévention consiste à identifier, concevoir et évaluer des systèmes de prévention technique bien intégrés au milieu de travail, aux équipements, aux outils ou aux processus et assurant une protection automatique (systèmes de contrôle «passifs») n’impliquant ni geste ni comportement particulier de la part du travailleur. Parmi les trois catégories de stratégies de prévention, qui sont la persuasion (par l’information et l’éducation), l’imposition d’obligations (par l’intermédiaire de la législation ou des normes) (Robertson, 1983) et les stratégies qui assurent une protection automatique, ce sont les dernières qui sont généralement retenues comme étant les plus efficaces et souhaitables. A titre d’exemples de systèmes de contrôle passifs, ou automatiques, on peut citer les systèmes de verrouillage des circuits électriques qui coupent automatiquement ces derniers si des barrières de sécurité sont retirées ou neutralisées, ou les coussins gonflables des véhicules qui s’ouvrent automatiquement en cas de collision.

L’évaluation et la démonstration pratique des stratégies de prévention et des interventions

Une étape cruciale souvent omise dans les activités de recherche sur la sécurité est celle de l’évaluation formelle des stratégies de prévention et des interventions potentielles pour vérifier leur efficacité aussi bien en laboratoire, dans des conditions contrôlées, qu’en situation réelle, avant de les appliquer à grande ou très grande échelle. Il arrive que la mise en place, bien intentionnée, d’une stratégie de prévention ait pour effet de créer un nouveau risque imprévu. Même lorsqu’il existe des raisons impérieuses de mettre en œuvre une stratégie de prévention avant d’avoir pu en faire une évaluation en bonne et due forme, il ne faut pas renoncer définitivement à y procéder. L’évaluation est importante non seulement pour les systèmes de contrôle et les modifications techniques, mais aussi pour les tâches, les processus de travail, les procédures, les réglementations, les programmes de formation et les produits d’information sur la sécurité — c’est-à-dire pour toute stratégie, intervention ou modification visant à éliminer ou réduire le risque.

L’information sur les risques d’accidents du travail et sur la prévention

L’identification ou la mise au point de stratégies de prévention efficaces est la clé de la mise en œuvre de stratégies d’information. La recherche sur la sécurité au travail produit deux types d’informations qui sont utiles non seulement à la communauté scientifique, mais aussi aux particuliers et aux organisations: l’information sur les risques et l’information sur la prévention.

L’information sur les risques et sur la prévention doit s’adresser prioritairement aux populations exposées et aux personnes et organisations qui ont le pouvoir d’agir sur les risques au travail ou de les modifier par leurs décisions, leurs programmes et leurs politiques. Ces destinataires, qui comprennent les travailleurs, les employeurs, les praticiens de la sécurité et de la santé, les responsables de la réglementation, les assureurs, les législateurs et les décideurs, sont ciblés lorsque les chercheurs élaborent de nouvelles informations sur l’existence ou l’ampleur des problèmes d’accidents du travail ou des recommandations pour réduire les risques. Une autre population importante, à la fois pour les méthodes et les résultats de la recherche, est la communauté des chercheurs, qu’il s’agisse des collègues directs ou des scientifiques des organismes gouvernementaux, des organisations du secteur privé ou des établissements universitaires qui travaillent à mettre en évidence et à résoudre les problèmes d’accidents du travail et de maladies professionnelles. Les chercheurs doivent également entretenir de bonnes relations avec les médias, y compris au niveau régional, et promouvoir l’idée que les accidents et les décès d’origine professionnelle constituent un important problème de santé publique et sont évitables.

La communication

Il est nécessaire d’étudier la diffusion et l’application pratique des résultats des recherches sur la sécurité au travail. On évalue rarement la communication des informations sur la sécurité pour déterminer quels méthodes, messages, canaux et formats sont efficaces pour des groupes particuliers dans des situations données. Le besoin croissant de communication d’informations en rapport avec la santé a conduit à adopter plusieurs approches applicables à la communication d’informations sur la sécurité. L’éducation sanitaire, la communication en matière de santé, la promotion de la santé, l’information sur les risques existants et le marketing social sont certains des domaines dans lesquels les activités de communication sont systématisées et étudiées scientifiquement. La recherche sur le comportement, les motivations, les facultés cognitives et la perception de l’humain jouent un rôle évident lorsqu’on veut déterminer si et comment les processus d’information et de communication peuvent susciter une prise de conscience des questions de sécurité et donner naissance à des comportements sécuritaires chez les individus ou les groupes à risque. De nombreuses techniques de marketing commercial orientées vers les consommateurs ont été adaptées par les spécialistes du domaine pour favoriser des changements de comportement et d’attitudes dans un but social, y compris ceux qui peuvent contribuer à l’amélioration de la sécurité, de la santé et du bien-être des travailleurs.

Les relations entre les résultats de la recherche et la gestion de la sécurité

Les praticiens et les gestionnaires de la sécurité doivent se tenir informés des plus récents résultats des travaux de recherche qui ont des conséquences pratiques pour la sécurité au travail. L’information sur les nouveaux risques ou sur la prévention peut nécessiter un réexamen et une modification des procédures et programmes existants. Il est question dans les paragraphes qui suivent des liens entre la recherche et la réglementation en vigueur sur le lieu de travail et du transfert de technologies — c’est-à-dire du transfert de nouvelles stratégies et technologies de prévention ayant fait leurs preuves, depuis les sites où elles ont fait leur apparition vers d’autres lieux de travail comparables où les conditions et les risques sont similaires.

La recherche et la réglementation

Les responsables de la réglementation — ceux qui élaborent et font respecter les normes de sécurité au travail — doivent connaître les résultats des recherches en cours qui ont un impact sur les prescriptions réglementaires. Les règles de sécurité imposées aux employeurs devraient être fondées sur des stratégies de prévention scientifiquement établies et dont l’efficacité pour la réduction des risques d’accidents a été suffisamment démontrée. Cela suppose une relation étroite et des communications efficaces entre la recherche sur la sécurité au travail et les responsables de la réglementation. Que l’organe de réglementation soit un organisme d’Etat ou une organisation privée du secteur industriel, les normes de sécurité qu’il promulgue devraient tenir compte des meilleurs résultats scientifiques disponibles. C’est à la fois aux responsables de la réglementation et aux chercheurs qu’il appartient d’assurer une communication efficace.

La recherche et le transfert de technologie

Les travailleurs, les cadres, les entreprises, les spécialistes et les chercheurs dans le domaine de la sécurité résolvent tous les jours des problèmes de sécurité en élaborant et en appliquant des stratégies de prévention et des interventions. Malheureusement, il y a trop peu de mécanismes et d’incitations permettant aux individus ou aux entreprises de partager des mesures de prévention efficaces avec d’autres qui sont peut-être confrontés à des problèmes similaires, ou les encouragent à le faire. L’industrie et les associations professionnelles, les syndicats, les compagnies d’assurances et d’autres organisations ont pour rôle de recueillir, d’organiser et de distribuer à leurs membres ou clients des informations sur la prévention. Toutefois, un important avantage que pourrait procurer un partage des informations sur la prévention demeure irréalisé, en particulier dans les petites entreprises et parmi le personnel insuffisamment desservi. Les résultats des recherches dans les domaines de la diffusion des innovations, des communications et de la gestion de l’information pourraient contribuer utilement à combler cette lacune.

La recherche et la technologie

Les progrès de la technologie ont été étendus aux moyens de concevoir et de mener les recherches, de détecter, mesurer, enregistrer ou afficher et réduire les expositions dangereuses, de maîtriser les risques et de présenter et diffuser l’information. Les technologies les plus importantes pour la recherche sur la sécurité sont celles qui concernent les capteurs et les matériaux, et peut-être plus encore l’électronique numérique. La puissance de traitement, la capacité de stockage et la mise en réseau des ordinateurs ont ouvert une ère nouvelle de la simulation, de l’automatisation et de communications mondiales. Le défi, pour les chercheurs et praticiens de la sécurité au travail, est de tirer parti de ces outils technologiques de pointe pour la recherche et d’améliorer la transmission de l’information sur les risques et la maîtrise des risques. Certains outils technologiques peuvent améliorer notre capacité de mener des recherches difficiles, voire dangereuses — par exemple, au moyen de simulations qui évitent la destruction d’équipements ou d’outils onéreux, ou l’exposition de participants humains. Certains peuvent améliorer l’analyse ou la prise de décisions — par exemple, en simulant l’expérience humaine — et font donc appel à des compétences peu répandues: savoir comment conduire la recherche sur les accidents du travail et pouvoir les prévenir. Enfin, les outils technologiques peuvent renforcer notre capacité à diffuser des informations utiles sur les risques à ceux qui en ont besoin et leur permettre de rechercher activement eux-mêmes ces informations.

Les besoins et les tendances de la recherche

La recherche sur la sécurité au travail devrait être prête à tirer avantage de l’évolution des technologies et des manifestations d’une préoccupation sociale accrue, afin de se concentrer sur les domaines où elle devrait être plus intensive, en particulier:

Résumé

De tout temps, les chercheurs et les praticiens de la santé publique ont fait appel à l’épidémiologie, la biostatistique, la médecine, la microbiologie, la toxicologie, la pharmacologie, l’éducation sanitaire ainsi qu’à d’autres disciplines pour identifier, évaluer et prévenir les maladies infectieuses et, plus récemment, les maladies chroniques. Les lésions et les décès dus aux accidents, et notamment aux accidents du travail, sont également d’importants problèmes de santé publique et sont souvent associés à des causes et facteurs spécifiques qui contribuent à leur survenue. Les lésions et décès dus aux accidents ne sont pas des événements aléatoires, mais résultent de relations de causalité, et sont donc prévisibles et évitables. Leurs conséquences relèvent des mêmes techniques de résolution des problèmes que celles qui ont été employées pour identifier, caractériser et prévenir les maladies.

Une différence essentielle entre la démarche face à la maladie et l’approche quant aux conséquences des accidents tient à la nature des mesures de prévention qui peuvent être prises. Pour prévenir ou réduire le risque de maladies infectieuses ou chroniques, les praticiens de la santé peuvent préconiser ou employer toute une panoplie de moyens: vaccins, produits pharmaceutiques, changements des habitudes alimentaires ou du mode de vie, ou surveillance de l’environnement. De la même manière, pour prévenir ou réduire le risque d’accident du travail, les praticiens de la sécurité peuvent recommander ou utiliser divers moyens de prévention technique: dispositifs de protection sur l’équipement, systèmes de verrouillage, outils et machines ergonomiques, ou des mesures organisationnelles de prévention telles que des méthodes de travail, des programmes spéciaux et des cours de formation, ou encore des dispositifs de protection individuelle, comme des appareils de protection respiratoire, des casques ou des amortisseurs de chute. Dans leurs activités de prévention des accidents, cela signifie que les épidémiologistes, les biostatisticiens et les spécialistes de l’éducation sanitaire s’associent aux ingénieurs, aux physiciens, aux hygiénistes du travail et aux ergonomes. Le processus de résolution des problèmes est le même; seules certaines approches de l’intervention et, par conséquent, les disciplines impliquées dans la mise au point, le déroulement et l’évaluation des interventions peuvent différer.

Le mécanisme de la recherche sur la sécurité et la santé au travail est l’approche santé publique, une approche intégrée et pluridisciplinaire de l’identification par: 1) la surveillance et les enquêtes; 2) l’analyse épidémiologique et de sécurité; 3) les activités de recherche et de développement débouchant sur des technologies et stratégies de prévention; 4) l’évaluation et la démonstration, pour vérifier que ces technologies et stratégies sont efficaces; et 5) la communication de l’information sur les risques, des méthodes et des résultats de la recherche, et des technologies et stratégies efficaces. L’approche santé publique et l’approche analyse de la sécurité s’unissent dans l’étude de la sécurité au travail. Les disciplines principales que sont l’épidémiologie et l’ingénierie coopèrent pour apporter de nouvelles connaissances sur les causes et la prévention des accidents. De nouvelles technologies de pointe, en particulier l’informatique numérique, font l’objet d’adaptations pour résoudre les problèmes de la sécurité au travail.

LES SERVICES FOURNIS PAR L’ÉTAT

Anthony Linehan

On considère dans le monde entier que la définition de normes acceptables de sécurité et de santé au travail et le contrôle de leur application sont des fonctions qui reviennent à l’Etat, même si c’est l’employeur qui est légalement responsable de leur respect (il convient de noter que dans de nombreux pays les normes de sécurité sont définies par consensus entre les fabricants, les utilisateurs, les assureurs, le public et l’Etat, et que ce dernier les adopte ensuite ou y renvoie dans des règlements). Pour s’acquitter de sa fonction, l’Etat fournit un certain nombre de services de sécurité. Dans ce contexte, «l’Etat» désigne aussi bien les autorités nationales que les pouvoirs publics régionaux et provinciaux.

Le cadre législatif

L’un des services les plus importants à l’appui de la sécurité au travail est le cadre législatif dans lequel celle-ci doit opérer, et la mise en place de ce cadre est l’une des fonctions essentielles de l’Etat. Cette législation doit être complète dans sa portée et son application; elle doit refléter aussi bien les normes internationales que les besoins particuliers du pays, prendre en compte les pratiques de sécurité établies et éprouvées de l’industrie et prévoir les moyens de mettre en pratique ses intentions. Une législation sur la sécurité et la santé fondée sur une large consultation des partenaires sociaux, de l’industrie et de la collectivité aura beaucoup plus de chances d’être observée et respectée, et contribuera de ce fait largement à l’établissement de normes de protection valables.

Le respect de la législation

Pour important qu’il soit, en tant que tel, le cadre juridique doit être mis en pratique de manière efficace au niveau de l’entreprise. Il est indispensable que l’Etat crée un corps d’inspection pour faire appliquer la loi, le dote de ressources financières et humaines adaptées à sa mission et lui accorde des pouvoirs suffisants pour s’acquitter de sa tâche.

L’information sur la sécurité et la santé

La promotion de la sécurité et de la santé est un service clé qui, naturellement, n’est pas réservé aux pouvoirs publics. Les associations de sécurité, les organisations d’employeurs, les syndicats et les consultants peuvent tous contribuer à mieux faire connaître les obligations légales, les normes, les solutions techniques et les nouveaux risques et dangers. L’Etat peut jouer un rôle déterminant en donnant des conseils sur la manière de respecter la législation et les normes qui régissent les pratiques de sécurité, depuis les méthodes acceptables pour la protection des machines à la publication de tableaux des limites d’exposition à des substances dangereuses.

L’Etat devrait également donner l’impulsion en identifiant les thèmes de campagnes et d’initiatives spécifiques. Ces activités sont habituellement menées en collaboration avec les organisations d’employeurs et les syndicats, et résultent souvent de l’analyse des statistiques officielles, de celles des employeurs et des associations sur les accidents et les maladies. En mettant au point leur stratégie en matière de publicité et d’information, les pouvoirs publics doivent veiller à cibler non seulement les secteurs les plus développés et les plus complexes, mais aussi ceux qui n’ont qu’une connaissance très limitée des questions de sécurité et de santé. Une telle orientation est particulièrement importante dans les pays en développement et dans ceux où l’économie est fortement tributaire de l’agriculture et de la famille en tant qu’unité d’emploi.

La collecte, l’analyse et la publication de statistiques sur la sécurité et la santé sont un service important. Les statistiques fournissent aux corps d’inspection et à leurs partenaires sociaux la matière première qui leur permet de voir se dessiner les nouvelles tendances ou les modifications de la typologie des causes des accidents et des maladies, et d’évaluer, en termes mesurables, l’efficacité des politiques nationales, des campagnes spécifiques et des normes de conformité. Les statistiques permettent aussi jusqu’à un certain point de comparer les normes et les résultats au niveau international.

L’exactitude des informations statistiques sur les accidents est évidemment de première importance. Certains pays ont un système de déclaration des accidents entièrement distinct du système de prestations sociales ou de réparation des accidents et où on mise sur l’obligation légale de signaler les accidents à l’autorité compétente. Des études statistiques ont montré une tendance marquée à la sous-déclaration des accidents (autres que les accidents mortels), laquelle pouvait atteindre jusqu’à 60% dans certains secteurs. Ces chiffres ne peuvent que dévaluer les statistiques produites. L’intégrité et l’exactitude des statistiques sur les accidents et sur les maladies doivent être des objectifs prioritaires des pouvoirs publics.

La formation à la sécurité

La formation à la sécurité est un autre domaine où un service peut être fourni par l’Etat. La plupart des lois relatives à la sécurité et à la santé comprennent des dispositions prévoyant une formation adéquate. La participation directe de l’Etat à l’organisation et à la fourniture d’une telle formation est très variable. Aux niveaux les plus élevés — ceux qui s’adressent aux professionnels de la sécurité —, ce sont habituellement les universités et les instituts de technologie qui sont chargés de ces activités. La contribution directe de l’Etat à ce niveau est relativement rare, encore que des scientifiques, des juristes et des ingénieurs des services d’inspection publics donnent souvent des conférences et fournissent des crédits et des matériels didactiques.

Le schéma est à peu près le même aux niveaux inférieurs de la formation. Les cours destinés aux travailleurs sont souvent organisés par la branche, des associations professionnelles ou des organismes spécialisés, avec un apport et un financement des services d’inspection, tout comme les cours de sensibilisation des travailleurs à la sécurité. La tâche de l’Etat n’est pas tant d’organiser et de diriger les services de formation que de stimuler et d’encourager des organismes privés à le faire et de ne contribuer directement que lorsque c’est nécessaire. Une aide plus directe peut être fournie par le biais de subventions permettant de défrayer les entreprises. Une grande partie des matériels de formation à la sécurité est basée sur des publications, des notes d’orientation et des normes officielles.

Les services fournis aux petites entreprises

Le problème de la prestation de services aux petites entreprises est particulièrement complexe. Il y a un besoin très réel d’apporter une aide bienveillante et des encouragements à ce maillon important de l’économie nationale et locale, mais il faut en même temps veiller à le faire efficacement, sans abaisser les normes de protection du personnel et mettre éventuellement en danger sa sécurité et sa santé. Les services fournis par l’Etat jouent un rôle essentiel dans la recherche d’une solution permettant de concilier ces deux impératifs.

De nombreux pays fournissent aux petites entreprises un service particulier qui comprend la gestion de la sécurité et de la santé. Ce service prend diverses formes, par exemple des dossiers d’information spéciaux dans lesquels on trouve: 1) des précisions sur les moyens de se conformer dans la pratique aux obligations légales; 2) des indications sur la localisation des sources d’information; et 3) un point de contact avec les services d’inspection. Certains corps d’inspection disposent d’un personnel chargé spécialement de répondre aux besoins particuliers des petites entreprises et d’organiser, conjointement avec les associations professionnelles, des séminaires et des réunions où les questions de sécurité et de santé peuvent être débattues de manière constructive dans un climat non conflictuel.

La recherche sur la sécurité

La recherche est également un service fourni par l’Etat soit directement par le soutien qu’il apporte à ses propres laboratoires et programmes de recherche sur les problèmes de sécurité et de santé, soit indirectement par l’octroi de subventions à des organismes de recherche indépendants pour des projets déterminés. La recherche sur la sécurité et la santé peut être subdivisée en deux grandes catégories:

Il existe aussi un service de laboratoire qui fournit des installations pour des tests tels que l’analyse d’échantillons et pour l’agrément des équipements de protection. Ce service est important à la fois pour les inspecteurs et pour les partenaires sociaux concernés, car il permet de valider les normes de santé dans les entreprises. Il y a un débat sur la question de savoir si l’Etat devrait avoir des laboratoires et des installations de recherche ou s’il ne vaudrait pas mieux en confier la responsabilité aux universités et à des centres de recherche indépendants. Mais ces discussions portent plus sur les moyens que sur l’objectif fondamental. Peu contesteraient qu’en matière de sécurité et de santé la fonction de recherche, au sens le plus large, est un service essentiel de l’Etat, que celui-ci utilise à cette fin ses propres installations ou qu’il incite, en les finançant, des organismes privés à s’en charger.

La représentation dans le domaine de la sécurité

Enfin, l’Etat fournit un service du fait de son rôle de représentation dans la communauté internationale. De nombreux problèmes de sécurité et de santé ont un caractère international qui transcende les frontières des pays. La coopération entre les Etats, l’établissement de normes internationalement acceptées sur les substances dangereuses, l’échange d’informations entre pays et le soutien aux organisations internationales s’occupant des questions de sécurité et de santé sont des fonctions de l’Etat, et la bonne exécution de ces obligations ne peut que contribuer à améliorer le niveau et les normes de sécurité et de santé aux niveaux national et international.

LES SERVICES DE SÉCURITÉ: LES CONSULTANTS

Dan Petersen

Il arrive, dans les entreprises, que les responsables de la sécurité — qu’ils s’occupent des comportements, du système de sécurité ou de l’environnement physique — fassent appel à des ressources extérieures comme des consultants professionnels en sécurité. En pareil cas, il importe de ne pas oublier que la responsabilité de la conduite à bonne fin de la tâche consistant à analyser un système donné et à lui apporter des améliorations ne peut (à la différence de l’exécution de la tâche elle-même) être déléguée à des organismes extérieurs. Les analystes internes (par opposition aux consultants externes), qui étudient un système, peuvent généralement obtenir des données plus fiables, car l’entreprise leur est plus familière. Un consultant extérieur, qui a une vaste expérience de l’analyse des problèmes de sécurité et des solutions envisageables, peut néanmoins apporter une aide précieuse.

La recherche d’une aide extérieure

Si personne, dans une entreprise, n’est familiarisé avec la législation et les normes nationales de sécurité, il peut être utile de faire appel à un expert en réglementation de sécurité. Il arrive souvent aussi que personne ne soit capable d’analyser les comportements, auquel cas il est souhaitable de rechercher l’aide de quelqu’un qui puisse le faire. Kenneth Albert (1978) considère que l’on devrait solliciter une aide extérieure dans six situations précises:

Bien que ces remarques n’aient pas été faites à propos de la sécurité, elles semblent valables, lorsqu’on veut déterminer s’il est nécessaire de recourir à un consultant extérieur en sécurité. Il est fréquent qu’un problème de sécurité soit lié à la personnalité des dirigeants et qu’il soit alors extrêmement difficile de le résoudre sur le plan interne. En pareil cas, une solution peut être acceptable par toutes les parties simplement parce qu’elle est proposée par quelqu’un de l’extérieur. Si une entreprise nécessite d’urgence une analyse, celle-ci sera souvent faite plus rapidement par un consultant extérieur, dont la recommandation aura souvent plus de poids que celle d’un membre du personnel. En matière de sécurité, de nombreuses entreprises ont apparemment besoin d’une aide extérieure pour l’analyse des comportements, un certain nombre pour l’analyse des systèmes de sécurité et quelques-unes pour l’analyse de l’environnement physique. Toutefois, si l’on considère la disponibilité des consultants extérieurs, l’offre et la demande sont en relation inverse, car il semble y avoir un grand nombre de spécialistes de l’environnement physique, alors qu’il y a moins d’analystes des systèmes de sécurité et que les experts en analyse des comportements sécuritaires sont pratiquement inexistants.

Les consultants en sécurité

Les types de consultants extérieurs en sécurité varient selon les pays, mais ils peuvent généralement être classés dans les catégories suivantes:

Les consultants des compagnies d’assurances. Aux Etats-Unis, la plupart des consultants et ingénieurs de sécurité qui ne travaillent ni pour l’Etat, ni pour des entreprises sont employés par des compagnies d’assurances. Beaucoup d’autres professionnels de la sécurité ont commencé leur carrière de cette façon. Presque toutes les entreprises, à l’exception des très grandes et de celles qui ont leur propre système d’assurance, sont couramment aidées par les représentants des compagnies d’assurances chargés du suivi des sinistres.

Les consultants du secteur public. Les prestataires de services de consultants dans le secteur public diffèrent selon les pays et selon leur rattachement (niveau national, d’un Etat, provincial ou local) et le type de tâches qu’ils sont autorisés à exécuter et pour lesquelles ils sont qualifiés. Aux Etats-Unis, l’objectif déclaré du programme de conseils sur le terrain de l’Administration de la sécurité et de la santé au travail (Occupational Safety and Health Administration (OSHA)) est d’obtenir «des lieux de travail sûrs et sains pour le personnel». Autrement dit, les consultations ne porteront que sur l’environnement physique. Une organisation qui recherche ce type d’aide devrait considérer les offres de l’OSHA, mais si elle a besoin d’un consultant pour une analyse des systèmes de sécurité ou des comportements, il faut qu’elle s’adresse ailleurs.

Les attributions des consultants de l’OSHA sur le terrain sont les suivantes:

Il est évident que certains aspects de ce service de consultants de l’OSHA sont inhabituels. Les consultants ont pour mission de contribuer à améliorer l’environnement physique, mais dans deux cas ils ont également d’autres obligations:

En d’autres termes, une consultation de l’OSHA n’est une véritable consultation que lorsque les consultants ne trouvent rien de particulièrement grave. S’ils découvrent un risque grave ou imminent, le «client» perd le contrôle du processus de décision, tant pour ce qui est de la manière de résoudre le problème que du moment où il faut agir.

Les cabinets de consultants privés. Une troisième source d’aide extérieure est le consultant privé (à plein temps) ou le cabinet de consultants privé, qui peuvent apporter une aide dans tous les domaines — comportements, systèmes de sécurité ou environnement physique — sans aucune des limitations particulières mentionnées précédemment. La seule difficulté consiste à s’assurer que le consultant sélectionné possède les compétences et les connaissances nécessaires pour fournir l’aide attendue.

Les consultants privés à temps partiel et autres . La quatrième source de consultants privés est constituée des personnes qui offrent des services de conseil à temps partiel pour compléter leurs revenus. Ce sont soit des professionnels de la sécurité retraités qui restent actifs, soit des professeurs de l’enseignement supérieur ou de l’université qui complètent ainsi leurs revenus et se tiennent informés de ce qui se passe en dehors du milieu universitaire. Là encore, il s’agit de trouver ces personnes et de s’assurer qu’elles possèdent les compétences requises. Il y a également des consultants qui proposent leurs services par l’intermédiaire des commissions nationales ou locales de sécurité, et des consultants des associations professionnelles.

Comment trouver un consultant

Dans les deux premières catégories ci-dessus — secteur public et assurances —, il est facile de trouver un consultant. Aux Etats-Unis, par exemple, on peut contacter l’organisme assureur des travailleurs ou le bureau local des subventions de l’OSHA et leur demander de visiter l’entreprise. De nombreux autres pays offrent des ressources similaires.

Il est plus difficile de trouver un consultant dans les deux autres catégories, les consultants privés indépendants et les cabinets de consultants. Aux Etats-Unis, plusieurs organisations publient des annuaires de consultants. La Société américaine des ingénieurs de la sécurité (American Society of Safety Engineers (ASSE)), par exemple, publie un annuaire national où figurent les noms de quelque 260 consultants (ASSE, 1974). L’utilisation de cet annuaire semble cependant poser des problèmes considérables. Une analyse de la liste montre que 56% des personnes indiquent qu’elles sont disponibles, mais ne précisent pas si elles travaillent pour des sociétés et cherchent à se procurer un revenu supplémentaire ou si elles sont des consultants à plein temps ou des retraités travaillant à temps partiel. De plus, 32% supplémentaires avaient des liens avec des cabinets de consultants et 5% avec des universités, 3% étaient des courtiers en assurances, 3% avaient des liens avec des entreprises industrielles et 1% avec des administrations des Etats. En fait, cet annuaire, vanté comme un document indiquant au lecteur «où se trouvent les experts en sécurité et santé au travail», n’est rien d’autre qu’une liste des personnes qui ont versé leur cotisation et sont membres de la division «consultants» de l’ASSE.

Il n’existe pas de moyen facile de trouver un consultant ayant les compétences nécessaires. En dehors des compagnies d’assurances et du secteur public, le mieux est probablement: 1) d’entrer en rapport avec d’autres entreprises confrontées à des problèmes similaires, pour voir à qui elles ont fait appel et si elles ont été satisfaites des résultats; 2) de prendre contact avec une organisation professionnelle au niveau national; ou 3) de consulter les annuaires professionnels comme celui cité plus haut, en gardant à l’esprit les réserves faites à son sujet.

Les consultants des compagnies d’assurances

Les consultants extérieurs les plus facilement disponibles sont ceux des compagnies d’assurances. Dès le début du mouvement en faveur de la sécurité au travail, le secteur des assurances s’est intéressé à la question. Pendant de nombreuses années, la seule aide extérieure possible, pour la plupart des entreprises, était celle que pouvait leur fournir leur assureur. Bien que cela ne soit plus le cas, c’est le plus souvent aux consultants des compagnies d’assurances que l’on continue de faire appel.

Les départements sécurité des grandes compagnies d’assurances ont trois fonctions spécifiques:

Seule la troisième est utile au client qui a besoin d’une assistance dans le domaine de la sécurité. La fonction d’assistance à la souscription est exercée par un représentant de terrain qui est le «poste avancé» de la compagnie d’assurances; il observe tout ce qui se passe sur le lieu d’activité du souscripteur de la police et en rend compte à l’assureur au siège de la compagnie. La troisième fonction consiste à aider les clients à améliorer leurs programmes de sécurité et de prévention des sinistres et à réduire la probabilité qu’ils aient des accidents et enregistrent des pertes financières. L’assistance offerte varie considérablement d’une compagnie à l’autre.

Au fil des années se sont dégagées différentes philosophies qui déterminent la valeur du service que les compagnies d’assurances sont en mesure de fournir. Dans certaines d’entre elles, le département chargé des services de sécurité fait encore nettement partie de la fonction de souscription et sa tâche consiste à observer et à rendre compte, alors que dans d’autres le département technique rend compte au service souscription. Dans d’autres compagnies, le département de suivi des sinistres est indépendant, sa fonction première étant de servir le client; c’est seulement à titre secondaire qu’il exerce des fonctions d’assistance à la vente et à la souscription. Lorsque la mission première du service est l’assistance à la vente, le service à la clientèle est pénalisé. Si le département du suivi des sinistres fait partie de la fonction souscription, il peut être difficile d’en obtenir un service en matière de sécurité, pour la simple raison qu’il n’a peut-être pas de personnel suffisamment qualifié pour ce genre de service. S’il ne fait pas partie de la fonction souscription, il peut être en mesure de fournir un bon service à la clientèle. Mais il peut aussi être totalement inefficace, car de nombreux facteurs sont susceptibles d’intervenir et d’entraver la prestation efficace d’un service de sécurité.

Lorsque le service se limite à une inspection, comme c’est le plus souvent le cas, le système de sécurité et les comportements sont totalement ignorés. Lorsqu’il consiste uniquement à fournir de la documentation et des aides en matière de sécurité, il est pratiquement inutile. Lorsqu’il consiste essentiellement ou entièrement à organiser des réunions sur la sécurité pour le client, par exemple en proposant un programme de sécurité «prêt à l’emploi» conçu au siège de la compagnie d’assurances pour toutes les entreprises assurées, ou simplement à vérifier que l’environnement physique est conforme à la réglementation, il n’est pas très utile non plus.

Selon la philosophie dont s’inspire l’assureur, d’autres services pourront être proposés, en plus de celui qui est fourni par le représentant se rendant chez le client. La figure 60.1 énumère un certain nombre de services supplémentaires types qui peuvent être particulièrement utiles pour les clients, comme l’hygiène du travail, les soins infirmiers et des services spécialisés (services techniques ou de protection contre l’incendie), selon les besoins de l’entreprise. Les services de formation sont relativement moins courants, mais ils n’en sont pas moins utiles.

Figure 60.1 Services supplémentaires de consultants

Figure 60.1

Les consultants du secteur public

Comme pour les consultants des compagnies d’assurances, les entreprises doivent peser un certain nombre de facteurs avant de décider si elles doivent ou non faire appel à des consultants du secteur public, parmi lesquels il faut citer:

Avant toute chose, l’entreprise doit se demander si elle souhaite avoir affaire à l’Etat. Lorsqu’elle fait appel à des consultants privés ou aux consultants d’une compagnie d’assurances, les conclusions de la consultation, quelles qu’elles soient, ne sont jamais communiquées à des tiers. Quoi qu’elle décide de faire, la décision appartient à elle seule, et elle garde le contrôle de la diffusion des informations. Avec des consultants du secteur public, les choses en vont autrement. S’ils constatent par hypothèse qu’il y a des violations de la législation ou des risques présentant une menace immédiate pour la vie ou la santé, ils peuvent décider d’imposer quelles mesures prendre à l’égard du risque et quand le faire; l’entreprise n’est alors plus maître de la situation.

Les consultants du secteur public peuvent aider à déterminer si une entreprise respecte ou non la réglementation et les normes. Ce service est très limité et présente de nombreuses faiblesses, comme l’a souligné Peters (1978) dans un article intitulé «Why only a fool relies on safety standards» (Pourquoi seul un imbécile fait-il confiance aux normes de sécurité): «Pour ceux qui savent peu de choses sur la sécurité, il semble tout à fait plausible et raisonnable de penser que l’existence de bonnes normes de sécurité et un respect suffisant de ces normes sont un moyen satisfaisant de garantir la sécurité». Peters estime non seulement qu’une telle attitude est erronée, mais aussi que la confiance en des normes nuit aux activités professionnelles nécessaires à la réduction des sinistres.

Les consultants privés

Avec un consultant privé, qu’il soit indépendant ou employé d’un cabinet, et qu’il travaille à plein temps ou à temps partiel, il n’y a aucune obligation de faire rapport. Le consultant privé n’a pas à se soumettre à une obligation de rendre compte; il n’y a de relation qu’entre l’entreprise et lui. La portée de la consultation est limitée, car le «client» peut contrôler très directement la cible des activités du consultant. Sa seule préoccupation est donc de savoir si le consultant est compétent ou non dans les domaines où son aide est nécessaire, et si les honoraires qu’il demande paraissent justifiés. La figure 60.2 indique certaines des fonctions fondamentales d’un consultant en gestion.

Figure 60.2 Fonctions de base d'un consultant en gestion

Figure 60.2

G. Lippit (1969), auteur de nombreuses publications sur le processus de consultation, a défini huit activités spécifiques de cette profession:

  1. Aider la direction à examiner les problèmes d’organisation (par exemple, en mettant sur pied une réunion des cadres afin d’identifier les problèmes posés par les relations entre le personnel du siège et le personnel de terrain).
  2. Aider la direction à examiner comment un véritable dialogue pourrait contribuer à résoudre ces problèmes (par exemple, pour ceux concernant le personnel du siège et le personnel de terrain, étudier avec la direction comment une conférence sur les blocages dans la communication pourrait contribuer à les surmonter).
  3. Examiner les objectifs à court et à long terme de la réforme envisagée (on peut penser à la participation de la direction pour définir et affiner les objectifs).
  4. Rechercher avec la direction des solutions de remplacement aux plans de réforme proposés.
  5. Mettre au point avec la direction les plans de réforme (par exemple, en se basant sur les objectifs, définir avec un groupe de travail un processus de réforme comprenant un système d’évaluation intégré, au lieu de soumettre simplement à la direction, pour approbation, un plan établi de façon indépendante).
  6. Rechercher des ressources appropriées pour mettre en œuvre des plans de réforme (par exemple, fournir à la direction une liste de différentes ressources internes et externes; la personne chargée d’encourager la réforme doit aider la direction à comprendre en quoi chaque ressource pourra contribuer à une résolution efficace du problème).
  7. Conseiller la direction quant à l’évaluation et au réexamen du processus de réforme (l’évaluation doit se faire en termes de résolution des problèmes et en collaboration avec la direction; la personne chargée d’encourager la réforme doit évaluer l’état actuel du problème et non vérifier si certaines activités ont été exécutées ou non).
  8. Définir avec la direction les mesures de suivi à prendre pour faciliter la résolution du problème et améliorer les résultats de la réforme (en encourageant, entre autres, la direction à étudier les conséquences des mesures déjà prises et à évaluer la situation actuelle de l’entreprise afin de déterminer les autres mesures éventuellement nécessaires pour assurer le suivi de l’application de la réforme).

Lippit (1969) a également identifié cinq positions que le consultant peut adopter en fonction des besoins de son client (voir figure 60.3).

Figure 60.3 Cinq types de consultant

Figure 60.3

Le choix d’un consultant

Pour choisir un consultant, il est préconisé de procéder comme l’indique la figure 60.4.

Figure 60.4 Choix d'un consultant

Figure 60.4

La décision de faire appel ou non à un consultant devrait être fondée sur les besoins définis de l’utilisateur et du type de connaissances et de compétences que devra posséder le consultant pour être vraiment utile. Il semblerait alors logique de se tourner vers les individus ou les groupes qui ont les connaissances et les compétences requises. Ce processus peut avoir pour résultat de révéler que le travail peut être fait sans aide extérieure, par exemple en trouvant les compétences nécessaires sur le plan interne et en les appliquant aux problèmes de sécurité identifiés. Inversement, il peut être décidé d’aller chercher à l’extérieur les compétences nécessaires.

L’évaluation du travail du consultant

Après avoir travaillé avec des consultants pendant un certain temps, une entreprise est à même de juger de façon beaucoup plus précise leur travail et leur utilité (voir figure 60.5). A la suite de l’analyse fournie par le consultant, on conclura peut-être que le reste du travail, ou un travail similaire, peut être fait également grâce aux ressources internes. Beaucoup d’entreprises procèdent ainsi et celles qui envisagent de le faire sont de plus en plus nombreuses tant pour la sécurité que pour d’autres domaines.

Figure 60.5 Evaluation du travail du consultant

Figure 60.5

Les méthodes de résolution des problèmes

Dans son ouvrage intitulé How to Be Your Own Management Consultant , K. Albert (1978) considère qu’il y a quatre méthodes de résolution interne des problèmes:

Albert estime en outre que, quelle que soit l’approche retenue, le succès dépend du respect des règles fondamentales suivantes:

LA MISE EN ŒUVRE D’UN PROGRAMME DE SÉCURITÉ

Tom B. Leamon

La mise en œuvre d’un programme de sécurité devrait s’effectuer comme toute autre activité courante normale de gestion générale. Pour qu’elle réussisse, il faut disposer des informations nécessaires pour la prise de décisions à chaque étape du programme et pour la communication entre tous les niveaux de l’entreprise.

Le niveau de la direction

L’introduction d’un programme de sécurité — nouveau ou modifié — exige au départ l’accord de la direction générale, qui peut la considérer comme une décision sur le rapport coûts/avantages à prendre en fonction des demandes concurrentes de ressources émanant d’autres secteurs de l’entreprise. La volonté de réduire les dommages, la souffrance et la douleur sur le lieu de travail en appliquant un programme de sécurité sera tempérée par la capacité de l’entreprise de maintenir l’effort nécessaire. Pour décider en connaissance de cause, la direction devra disposer de trois éléments:

  1. Une description explicite du programme, avec une définition complète de la démarche proposée.
  2. Une évaluation de l’impact du programme sur les activités de l’entreprise.
  3. Une estimation du coût de la mise en œuvre du programme, avec une prévision des avantages potentiels.

La seule exception concerne les cas où le programme est imposé par la législation et doit être institué pour que l’entreprise soit autorisée à poursuivre ses activités.

En ce qui concerne le troisième élément, il est utile d’ajouter une estimation du coût réel des mesures déjà en vigueur dans l’entreprise pour assurer la sécurité, ainsi que des coûts couverts par l’assurance directe ou des dépenses courantes diverses. On peut penser que les coûts indirects seront toujours importants; les estimations relatives aux incidents graves au Royaume-Uni montrent que les coûts réels (supportés par l’entreprise comme coûts indirects) sont deux à trois fois et jusqu’à dix fois supérieurs aux frais réels directs d’assurance. Dans les pays où l’assurance est obligatoire, la dépense et, par conséquent, l’économie varient considérablement en fonction de l’environnement social. Les frais d’assurance sont probablement plus élevés dans les pays où les assureurs sont tenus de couvrir la totalité des frais médicaux et de réadaptation, comme aux Etats-Unis, que dans ceux où la prise en charge des travailleurs accidentés fait partie du contrat social. Pour bien montrer l’importance de ces pertes, le mieux est de calculer la production annuelle nécessaire pour obtenir les recettes perdues du fait de l’indemnisation des dommages. Cela est parfaitement compatible avec l’idée selon laquelle, si une entreprise doit nécessairement assumer le risque inhérent à son activité, elle devrait gérer ce risque pour réduire ses pertes et améliorer ses résultats financiers.

Le niveau de l’encadrement

Lorsque l’accord de la direction générale aura été obtenu, il faudra constituer une équipe chargée de mettre au point la stratégie et le plan de lancement du programme. Cette approche a plus de chances de réussir que celle qui consiste à confier la responsabilité de la sécurité à une personne désignée comme ingénieur de sécurité. L’importance de l’engagement de ces équipes sera extrêmement variable selon l’entreprise et le contexte social. Mais il est indispensable d’avoir au moins la participation des responsables des opérations, du personnel, de la gestion des risques et de la formation, ainsi que des principaux représentants des catégories de travailleurs qui seront concernées par le programme. Il est probable qu’une équipe ainsi constituée détectera les conflits éventuels (par exemple, entre la production et la sécurité) à un stade précoce, avant que les attitudes et les positions, ainsi que les procédures, le matériel et l’équipement aient été définitivement arrêtés. C’est à ce stade que la collaboration, et non la confrontation, devrait offrir de meilleures chances de résoudre les problèmes. Cette équipe devrait présenter ses conclusions dans un document exposant comment l’entreprise voit le programme, ses principaux éléments, le calendrier de son application et les responsabilités de ceux qui y participent.

Il faudrait s’assurer que l’engagement de la direction soit tout à fait clair pour les cadres au niveau opérationnel auquel le programme pourra être appliqué. Le meilleur moyen d’y parvenir est peut-être d’instituer un système de rétro-facturation ou d’imputation des coûts réels des accidents à ce niveau de gestion. La direction devrait éviter de considérer les frais médicaux et d’indemnisation (ou les frais d’assurance correspondants) comme des frais généraux de l’entreprise. Le chef de service, soucieux du contrôle financier au jour le jour de l’entreprise, devrait pouvoir prendre connaissance du coût réel des programmes de sécurité insuffisants sur le même document comptable que les coûts de production et de développement. Par exemple, le chef de service d’une entreprise dans laquelle tous les coûts de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles sont passés en frais généraux sera incapable de justifier l’emploi de ressources pour éliminer un risque grave concernant un petit nombre de travailleurs. Cette difficulté peut surgir au niveau local, alors que la dépense permettrait de réaliser des économies substantielles au niveau de l’entreprise. Il est essentiel que les cadres responsables de la conception des postes de travail et des opérations supportent les conséquences, ou tirent avantage, de la mise en œuvre du programme de sécurité dont ils ont la charge.

Le niveau de la maîtrise

Il est demandé aux agents de maîtrise de comprendre, de communiquer et de faire respecter les objectifs du programme de sécurité définis par la direction. Les programmes efficaces aborderont la question de la formation théorique et pratique des agents de maîtrise à cette fonction. Bien que l’on fasse parfois appel à des spécialistes pour former les travailleurs, ce sont les agents de maîtrise qui devraient être responsables de cette formation ainsi que du comportement des travailleurs. En particulier, ceux qui sont informés considèrent que leur responsabilité englobe la prévention des actes contraires à la sécurité et le refus de tolérer des conditions de travail dangereuses. On considère que le contrôle du processus de fabrication est la principale responsabilité des agents de maîtrise et que ce contrôle procure des avantages en réduisant les dommages et les lésions involontaires. Que la fonction de sécurité soit confiée à des agents de sécurité, à des commissions paritaires travailleurs-employeurs ou à des consultants, la responsabilité courante du déroulement sûr et sans erreur du processus devrait figurer explicitement dans la description d’emploi des agents de maîtrise.

Le niveau des travailleurs

Au début du siècle, le principal moyen utilisé pour inciter les travailleurs à la sécurité était le renforcement négatif. Des règles étaient fixées et les travailleurs étaient censés les observer sans poser de questions, toute transgression donnant lieu à des mesures disciplinaires. Avec la complexification des postes de travail, les systèmes de gestion souple et les attentes sociales croissantes des travailleurs, les insuffisances et les défauts de cette approche sont devenus manifestes. Le domaine militaire n’est pas le seul où la souplesse et la responsabilité au niveau local sont des caractéristiques fondamentales des unités les plus performantes. Cette approche a conduit à miser davantage sur le renforcement positif et la responsabilisation des travailleurs, avec les exigences que cela suppose aux niveaux de la formation et de la compréhension. Cette orientation vers la sécurité reflète la tendance observée chez les travailleurs du monde entier à vouloir une amélioration de la qualité de la vie professionnelle et l’apparition de groupes de travail autogérés.

Le plan de lancement du programme de sécurité

Les éléments essentiels du programme de sécurité consisteront à définir les besoins de familiarisation avec la base conceptuelle du programme, le développement de compétences spécifiques en matière de sécurité et l’utilisation d’instruments de mesure. Les responsabilités seront attribuées au moment du lancement de chacune des étapes du programme. Ce processus de préparation se terminera par la mise en place d’un système de mesure, ou audit du programme de sécurité, afin d’en évaluer en continu l’exécution. Le plan devra mentionner explicitement la nécessité d’une solution appropriée en matière de communication. Dans de nombreuses cultures, de multiples langues et dialectes coexistent sur le lieu de travail et il arrive même que, dans certaines, le dialecte ou la langue «des cadres» n’est pas nécessairement employé par les autres travailleurs. Ce problème inclut celui de l’usage d’un jargon et d’acronymes dans la communication entre les groupes. La participation des travailleurs à l’élaboration du programme de lancement peut contribuer à éviter ces problèmes et conduire à des solutions comme des instructions et directives multilingues, un recours plus large à des symboles et pictogrammes, et le choix d’un langage simple. L’approche plus globale de la participation des travailleurs au plan favorisera leur adhésion aux objectifs et méthodes du plan et leur acceptation.

L’audit du programme de sécurité devrait être répété à intervalles réguliers (annuels) et servir de base à des plans triennaux glissants (ou cycliques), qui définiront l’orientation future du programme et inciteront à une amélioration continue, même s’il y a des changements dans les systèmes de production et de traitement.

Une amélioration continue

Les programmes de sécurité qui réussissent ne restent pas statiques, mais évoluent en fonction des mutations de l’environnement social et de l’entreprise. De même, ils évitent les objectifs spectaculaires, mais irréalisables. Le concept clé est celui d’amélioration continue et de relèvement sans relâche des normes. Le plan glissant de trois ans est un bon moyen d’y parvenir, car il permet chaque année de déterminer des objectifs généraux et d’estimer les coûts et les avantages probables au cours des trois années suivantes, ce qui assure automatiquement une adaptation et une amélioration continue. Un avantage supplémentaire est que, du fait que ces plans doivent être examinés chaque année par la direction, les objectifs de la fonction sécurité sont alignés en permanence sur ceux de l’entreprise.

Conclusion

La mise en œuvre du programme de sécurité doit refléter le fait que ce dernier fait partie intégrante de la gestion de l’entreprise. Son succès dépend d’une définition claire des responsabilités aux différents niveaux de la direction. La participation des travailleurs à la mise en œuvre du programme et, en particulier, au plan de lancement, ne peut que contribuer à une large adoption du plan. Le plan de lancement est un document dans lequel sont définies les activités nécessaires, leur chronologie et les responsabilités dans la mise en œuvre de chacune d’entre elles. Les composantes de chaque activité — qu’il s’agisse de la formation, de l’élaboration d’une procédure de travail ou de l’enseignement — doivent être décrites d’une manière non ambiguë pour le personnel de l’entreprise à tous les niveaux. La dernière étape du plan consiste à faire en sorte qu’un cycle d’amélioration continue puisse s’instaurer grâce à la mise en place d’un audit du programme de sécurité sur une base au moins annuelle.

LES PROGRAMMES DE SÉCURITÉ EFFICACES

Tom B. Leamon

Le respect de l’impératif moral qui consiste pour toute entreprise à chercher activement à réduire les dommages, les douleurs et les souffrances sur le lieu de travail a pour limites la capacité de le faire de façon soutenue. La plupart des activités humaines comportent des risques, et les risques sur le lieu de travail varient considérablement, depuis ceux qui sont nettement inférieurs aux risques des activités non professionnelles normales jusqu’à ceux qui sont beaucoup plus élevés. Une décision fondamentale pour une entreprise est d’accepter les risques qui sont susceptibles d’entraîner des pertes financières et qui sont définis à partir de la douleur et des souffrances des travailleurs victimes d’accidents. Un programme de sécurité efficace a pour but de maîtriser une partie de ces pertes en réduisant les risques, notamment lorsque ceux-ci découlent de conditions ou d’actes dangereux. Le programme de sécurité est donc simplement un élément du système de gestion et consiste, comme tel, en stratégies, procédures et normes complémentaires. De même, comme les autres programmes de gestion, on le mesure à son efficacité, c’est-à-dire à sa capacité de réduire le nombre des accidents et les dommages qui en résultent.

La sécurité des lieux de travail dépend de la maîtrise des risques et des comportements dangereux, qui est une des tâches fondamentales de la direction. Un programme de sécurité devrait procurer des avantages complémentaires: une réduction des dommages et des souffrances des travailleurs, (qu’elles résultent d’accidents ou de maladies aiguës ou chroniques) et une réduction corrélative de la charge financière que représentent ces accidents pour l’entreprise. Pour obtenir ces avantages, il faudra procéder comme avec tous les outils de gestion, à savoir définir des objectifs, suivre les résultats et corriger les écarts. Cette approche sera appliquée à un éventail relativement large d’activités, y compris la conception organisationnelle, les procédés de production et le comportement des travailleurs.

La sécurité dans l’entreprise

Un lieu de travail sûr est l’aboutissement d’un processus complexe et interactif, qui est différent dans chaque entreprise. Un processus type est illustré à la figure 60.6. Pour réussir, le programme de sécurité devra prendre en compte les différents aspects d’un tel système.

Figure 60.6 Processus de gestion et sécurité au travail

Figure 60.6

La sécurité est souvent considérée comme une question qui concerne les travailleurs et les postes de travail, mais la figure 60.6 montre que la direction joue un rôle fondamental, car la sécurité fait partie des objectifs généraux de l’entreprise. Il est clair en effet que la direction est responsable du choix des procédés industriels utilisés, du contrôle des agents de maîtrise, des conditions de travail, de l’attitude des travailleurs et de leurs méthodes qui sont autant de facteurs déterminants de l’étendue d’un risque en un lieu de travail donné. Il y a généralement une forte probabilité qu’aucun accident ne survienne, et une faible probabilité qu’il s’en produise un et qu’il provoque des dommages matériels ou corporels. Un programme de sécurité a pour but de réduire ce risque et de limiter au minimum les dommages corporels.

Comprendre le processus accidentel

Il existe plusieurs théories concurrentes des causes des accidents, mais le modèle proposé pour la première fois par Frank Bird (1974) est particulièrement utile, car il fournit une analogie facile compatible avec de nombreuses méthodes de gestion. Bird a comparé le processus qui conduit à des dommages corporels ou matériels à une rangée de dominos posés sur la tranche (voir figure 60.7). Lorsqu’un domino tombe, il peut entraîner les autres, et il se produit alors une succession d’événements qui finit par entraîner la chute de la dernière pièce, qui correspond à la survenue de dommages. Cette analogie implique que, si l’un quelconque des dominos est retiré de la rangée ou est suffisamment solide pour supporter l’impact de celui qui le précède, la succession des événements est interrompue, et le dernier événement, qui correspond à un dommage corporel ou matériel, ne se produit pas.

Figure 60.7 Théorie des dominos de Bird modifiée par E. Adams

Figure 60.7

Bien qu’il existe des modèles plus récents, cette approche reste valable, car elle met clairement en lumière la notion d’intervention dans le processus accidentel et le rôle que peut jouer un programme de sécurité efficace en permettant des interventions qui empêchent le déroulement du processus, et donc éviteront des dommages corporels.

Les buts de l’organisation

La plupart des auteurs s’accordent sur le fait que l’aspect le plus important de tout programme de sécurité est l’engagement visible et continu de la direction générale. Cet engagement doit être reconnu et manifesté aux différents niveaux de l’encadrement jusqu’à la maîtrise. La direction a souvent l’impression que son souci de la sécurité est visible par tous dans l’entreprise, alors qu’en réalité il peut y avoir un phénomène de dilution dans les couches successives de la hiérarchie. Pour qu’un programme de sécurité réussisse, il faut que la direction montre clairement son attachement à l’idée que la sécurité est une responsabilité de tout le personnel, depuis les cadres supérieurs jusqu’aux travailleurs temporaires. Elle devrait l’exprimer sous la forme d’un court document écrit, distribué à tout le personnel et utilisé le plus tôt possible pour l’initiation des nouvelles recrues. Certaines entreprises, récemment, sont allées plus loin en introduisant l’idée que l’engagement d’instaurer un lieu de travail sûr et sain pour tous ses travailleurs et tous ses clients faisait partie de leurs valeurs explicites. Elles exposent souvent cette position dans des documents, à côté d’autres valeurs plus traditionnelles telles que la recherche du profit, la fiabilité, le service à la clientèle et l’engagement en faveur de la communauté.

La clarté de la communication est particulièrement importante dans les grandes organisations, où le lien direct entre les chefs d’entreprise et les travailleurs peut facilement être rompu. L’un des meilleurs moyens d’y parvenir consiste à élaborer une série de politiques et de procédures écrites, et, en premier lieu, la fixation, par la direction générale, des objectifs à atteindre par le programme de sécurité. Ces objectifs devraient être clairs, concis, réalisables, défendables et surtout dépourvus d’ambiguïté. La direction ne doit pas se contenter de supposer que chacun, aux différents niveaux de la hiérarchie, a la même connaissance, la même compréhension et la même perception du programme de sécurité; il faut que tous ces aspects soient parfaitement explicités. De même, en énonçant cette procédure écrite, il est essentiel de fixer des objectifs réalistes.

Le contrôle exercé par la direction

La mise au point de programmes de sécurité efficaces, sur la base de cet engagement initial, exige que l’on intègre la mesure des résultats obtenus en la matière à l’évaluation annuelle des résultats de l’ensemble du personnel d’encadrement. Conformément à la conception selon laquelle la sécurité n’est que l’une des nombreuses mesures du contrôle des processus par la direction, les résultats obtenus dans ce domaine doivent être pris en compte au même titre que la production, les coûts unitaires et la rentabilité de tel ou tel service. Dans la mesure où les accidents résultent d’un manque de contrôle du processus, cette approche semble parfaitement compatible avec la place accordée aujourd’hui à la notion de management total de la qualité (TQM). Il s’agit dans les deux cas de réduire au minimum les écarts par rapport à la normale afin de mieux contrôler la réalisation des objectifs de l’entreprise. En outre, la notion, propre à la TQM, d’amélioration graduelle, année après année, s’applique parfaitement à la gestion à long terme des programmes de sécurité.

La formation et l’éducation

La formation et l’éducation sont des composantes capitales de tout programme de sécurité. Elles commencent avec la diffusion, par la direction, non seulement des objectifs du programme, mais aussi d’informations sur les progrès accomplis dans leur poursuite, mesurés grâce à la tenue de dossiers et à la comptabilité analytique. L’éducation, au sens d’une démarche visant à faire mieux comprendre la nature d’un risque et les méthodes utilisées pour le réduire, paraît efficace, notamment dans les cas où subsistent des doutes sur les facteurs de risque individuels. On en a un exemple avec la multiplication des cas de troubles musculo-squelettiques par hypersollicitation des membres supérieurs en Australie, en Europe et en Amérique du Nord. Ces troubles sont devenus un problème important, notamment parce que tout le monde n’est pas d’accord quant aux critères à appliquer pour les prévenir. Il apparaît toutefois qu’en raison de leur caractère cumulatif la solution pourrait fort bien résider dans l’éducation. S’ils sont conscients des risques qu’ils encourent, les travailleurs sauront reconnaître les expositions nocives et y remédier en changeant leur manière de travailler. De même, s’ils comprennent les mécanismes de développement des lombalgies, les travailleurs éviteront certaines pratiques de travail potentiellement dangereuses et leur substitueront des méthodes plus sûres.

Mais la formation des travailleurs ne suffit pas. Il est tout aussi impérieux de former les cadres et agents de maîtrise pour qu’ils comprennent quelles sont leurs responsabilités et obligations et prennent davantage conscience des risques éventuels. Il leur incombe d’indiquer aux travailleurs des procédures claires et non ambiguës pour qu’ils s’acquittent de leurs tâches sans danger. Il faudrait qu’ils comprennent les risques que comportent des opérations particulières et les effets que telle ou telle exposition à des agents toxiques ou physiques est susceptible d’avoir. En outre, les cadres, agents de maîtrise et travailleurs devraient bien connaître les procédures à suivre pour limiter au minimum les dommages après un accident.

Un comportement sécuritaire

Au XXe siècle, des conceptions fluctuantes concernant les programmes de sécurité ont attribué la responsabilité du comportement des travailleurs, dans des proportions variables, aux individus, aux employeurs et à la société. Mais il est clair qu’un comportement sécuritaire est la clef de voûte du processus de sécurité. Un exemple de l’importance de ce comportement est le développement d’une éthique de groupe (ou normes d’équipe) selon laquelle l’hypothèse, par un membre du groupe, qu’il y a un risque peut être perçue négativement par les autres membres. L’inverse est également vrai: l’acceptation de pratiques dangereuses peut finir par être considérée comme «normale». De tels comportements peuvent être modifiés par des méthodes spéciales de formation et de renforcement, comme le prouvent les programmes extrêmement efficaces de lutte contre la propagation du sida due à l’utilisation négligente des aiguilles dans le secteur des soins de santé. L’insistance de la direction, associée à une formation et à un recours à du matériel pédagogique, a permis de modifier radicalement les procédures utilisées et de réduire la fréquence de ce risque.

La participation

De plus en plus, les sociétés obligent les travailleurs à participer aux programmes de sécurité. Bien que la validation de cette participation tende à être assez variable, une telle implication des travailleurs peut être utile dans plusieurs phases du processus de sécurité. Il ne fait pas de doute que les personnes exposées à des risques sont des sources très utiles pour l’identification de ces risques et qu’elles connaissent fréquemment les solutions qui permettraient de les réduire. Lorsque les problèmes ont été définis et des solutions mises au point, il sera beaucoup plus facile de les appliquer si les travailleurs ont participé à la tenue de dossiers, ainsi qu’à l’identification, la mise au point et la validation des interventions proposées. Enfin, la participation au programme de sécurité aide à comprendre l’engagement de la direction et les contraintes budgétaires.

Les incitations

Certains pays ont largement recouru à des mesures d’incitation en faveur des comportements sécuritaires. Ces mesures sont loin d’avoir fait la preuve de leur efficacité, mais elles peuvent, dans le cadre d’un programme de sécurité global, servir à montrer que la direction reste soucieuse de la sécurité et stimuler fortement l’obtention de résultats. Ainsi, les programmes de sécurité qui comportent l’envoi d’une petite récompense financière par courrier à une personne ont peu de chances d’être efficaces, alors que la même récompense, remise en public par la direction, et fondée sur des résultats concrets — par exemple, 2 500 heures de travail sans accident — constituera vraisemblablement une mesure de renforcement positif. Dans la pratique, c’est, dans beaucoup de secteurs, l’inverse qui est vrai: il existe de nombreuses mesures qui récompensent des comportements peu conformes à la sécurité. Par exemple, il est clair que les systèmes de rémunération à la pièce récompensent les travailleurs qui, dans un cycle de travail, suppriment tous les éléments qui prennent du temps, y compris ceux qui peuvent rendre le travail plus sûr. Les entreprises qui appliquent des mesures d’incitation ont sans doute plus besoin de systèmes de prévention technique et de méthodes de surveillance active si elles souhaitent vraiment protéger la sécurité et la santé de leur personnel.

Le mesurage et le contrôle

L’information est l’élément moteur de la gestion, et la documentation est un élément essentiel de l’information de gestion. En l’absence de source de données fiable, on ne sera pas assuré de progresser vers une réduction des accidents, et la volonté de la direction de consacrer des ressources à la réduction des risques peut être ébranlée. Dans certains pays, la collecte de telles données est une obligation légale, et il est évident qu’un programme de sécurité efficace doit faciliter le rassemblement et l’exploitation de ces données. Le respect des prescriptions réglementaires peut être nécessaire, mais il est rarement suffisant pour que le programme de sécurité soit efficace. Ces prescriptions peuvent varier d’un endroit à l’autre, ce qui occulte la valeur des données; cette situation est particulièrement problématique dans les entreprises implantées en des sites multiples relevant de juridictions régionales ou nationales différentes. En conséquence, la normalisation de la collecte des données et la méthode à appliquer doivent être définies spécialement dans le cadre du programme de sécurité. Chaque programme doit donc commencer par définir les informations nécessaires au respect des réglementations, puis déterminer ensuite les besoins de collecte et d’analyse complémentaires en vue de réduire les accidents.

Le coût des accidents

Le calcul du coût des pertes est un élément capital de la gestion des données. L’analyse des sources de pertes, c’est-à-dire la détermination des sources de pertes effectives, comprend le mesurage du nombre d’incidents, de leur gravité et du coût direct des dommages, matériels et corporels, et des maladies. Ces informations sont essentielles pour que la direction puisse faire porter ses efforts sur les véritables problèmes qui se posent sur le lieu de travail. Dans de nombreux pays, les prestations de réparation — qu’elles soient directement à la charge de l’employeur, d’une fédération ou d’un organisme public — sont présumées proportionnelles à la souffrance des travailleurs. De ce fait, en identifiant la source de la perte, la direction s’acquitte de sa responsabilité consistant à instaurer des conditions de travail sûres d’une manière parfaitement compatible avec l’approche de l’analyse coûts-avantages appliquée pour d’autres activités.

Les coûts directs ne correspondent pas aux coûts financiers réels supportés par l’entreprise du fait des accidents du travail et des dommages corporels. De nombreux pays du monde ont essayé, avec une rigueur variable, d’estimer les coûts indirects liés aux accidents. Ces coûts comprennent la perte de temps d’encadrement, la perte de temps de production pendant l’enquête sur l’accident, la remise en état, la formation du personnel de remplacement et les heures supplémentaires nécessaires pour respecter le calendrier de production. On a constaté que ces coûts indirects dépassaient nettement les coûts directs, souvent dans une proportion de trois à dix fois le montant des pertes directement couvertes par l’assurance.

La détermination des coûts

Le mesurage des pertes suppose normalement qu’on exerce une surveillance passive , qui exige une analyse de la fréquence et de la gravité des accidents survenus dans le passé. La surveillance passive ne suffit pas toujours, notamment dans les cas où les probabilités d’erreurs sont très faibles, mais où les dommages potentiels non maîtrisés sont très importants lorsqu’elles se concrétisent. En pareilles circonstances, en particulier dans les industries de transformation complexes, il est nécessaire de faire une évaluation des pertes potentielles . Il est évidemment inadmissible, au prétexte qu’il n’y a jamais eu de victime, que des processus mettant en jeu de grandes quantités d’énergie ou de produits toxiques ne soient pas analysés avant qu’un accident se produise. Dans certaines branches, il est donc sage d’instituer une surveillance active , surtout lorsque des processus similaires ont déjà entraîné des pertes ailleurs. Les informations émanant des organisations professionnelles et des organismes nationaux et internationaux s’occupant des questions de travail et de sécurité sont des sources précieuses dont on peut se prévaloir pour établir, avant un incident, des estimations qui auront des chances d’être valables. D’autres techniques, notamment l’analyse par arbre de défaillance et l’analyse des modes de défaillance, sont étudiées dans des rubriques distinctes de l’Encyclopédie . Dans des cas tels qu’une exposition à des produits chimiques, la surveillance active peut comprendre des examens médicaux réguliers du personnel. Cela est particulièrement important lorsque des valeurs limites bien établies ont été déterminées. La méthode consistant à estimer des pertes potentielles et réelles met en lumière un aspect qu’un programme de sécurité efficace devrait prendre en compte, et qui est la différence entre le risque quotidien et les effets d’une catastrophe potentielle.

La rétro-information

Il a été démontré que la rétro-information était fondamentale dans de nombreuses activités des entreprises, y compris les programmes de sécurité. Le calcul des taux d’incidence et de gravité servira de base à l’affectation rationnelle des ressources par l’entreprise et au mesurage de la réussite du programme. Ces informations sont aussi utiles à la direction pour l’évaluation de la fonction sécurité qu’aux travailleurs pour l’exécution du programme. La présentation de ces données devrait cependant être conçue en fonction de l’utilisateur final: les données globales permettront à la direction de faire des comparaisons entre les unités opérationnelles, tandis que les données propres aux différents services et les moyens visuels (tels que graphiques à thermomètre indiquant, au niveau de l’atelier, le nombre de journées de travail sans accident) peuvent contribuer à améliorer la compréhension et l’adhésion de l’ensemble du personnel.

Les observations sur le terrain

Dans un programme de sécurité efficace, le système d’information est un élément dérivé qui doit être complété par une approche pratique de la sécurité sur le lieu de travail. Cela suppose une inspection sommaire , consistant pour un observateur informé et spécialement formé à repérer subjectivement les dangers d’un lieu de travail. Cette méthode est en outre particulièrement indiquée pour détecter les manquements au règlement de l’entreprise ou aux prescriptions légales. Ainsi, la réduction des dangers grâce à l’emploi de protecteurs de machines est inefficace s’il apparaît qu’un grand nombre de ces dispositifs ont été enlevés, ce que permet de constater une inspection sommaire. Cette dernière étant une procédure ouverte et adaptable, elle est aussi le moyen le plus facile de mettre en évidence des insuffisances dans la formation des travailleurs et peut-être dans celle de l’encadrement.

Pour être efficaces, les programmes de sécurité devraient appliquer cette technique régulièrement, mais de façon aléatoire. L’inspection sommaire n’est cependant pas la seule façon de repérer les dangers. Les travailleurs eux-mêmes peuvent fournir des informations précieuses. Dans de nombreux cas, ils ont l’expérience de «quasi-accidents» jamais signalés, et ils sont donc bien placés pour en parler avec le responsable de la sécurité pendant l’inspection. D’une manière générale, ils devraient être encouragés par l’encadrement à signaler toutes les lacunes, réelles ou potentielles, sur le plan de la sécurité.

L’enquête après accident

Tous les accidents doivent être analysés par le supérieur responsable. Les accidents comme ceux qui se produisent dans les industries de transformation nécessitent souvent une enquête par une équipe de personnes compétentes représentant des intérêts divers et comprenant éventuellement un expert extérieur. Les programmes efficaces associent souvent les travailleurs à ces enquêtes, ce qui permet de mieux comprendre ce qui s’est passé et de diffuser rapidement des recommandations. Il ressort clairement de la figure 60.6 que les accidents ne sont pas seulement les événements qui aboutissent à des dommages corporels, mais aussi ceux qui occasionnent des dommages matériels, voire des événements importants ne provoquant ni les uns ni les autres (ce sont les «quasi-accidents»). Il apparaît sur la figure que ces incidents devraient faire l’objet d’une enquête et d’un contrôle de la part de la direction, même si personne n’a été blessé. En évitant des incidents similaires à l’avenir, on réduira le risque qu’ils provoquent des dommages corporels. Les enquêtes après accident, qui visent à trouver un coupable, paraissent moins efficaces que celles qui ont pour objectif de déterminer les causes. Lorsqu’on cherche un coupable, la pression des collègues et d’autres comportements psychosociaux risquent de nuire gravement à la qualité des informations recueillies.

Le rapport d’accident est essentiellement une démarche formalisée, comportant des descriptions écrites des événements qui se sont produits avant, pendant et après l’accident, et une évaluation des facteurs qui y ont conduit. Il devrait se terminer par une recommandation précise: modifier immédiatement la méthode de travail ou, dans le cas de situations complexes, demander qu’une nouvelle enquête soit faite par des professionnels. Le rapport d’accident devra être signé par le supérieur responsable, ou par le chef de l’équipe chargée de l’enquête, et transmis à l’échelon approprié de la hiérarchie. L’examen et l’acceptation des recommandations par la direction sont un élément essentiel du processus de comptes rendus d’accidents. En signant, le directeur devrait préciser s’il accepte ou refuse les changements proposés dans le but de prévenir de nouveaux accidents, et tout refus devrait être motivé. Les enquêtes sur des accidents qui ne débouchent pas sur la désignation d’une personne chargée de donner suite aux recommandations risquent d’être inefficaces et d’être rapidement considérées comme sans intérêt par toutes les parties concernées. Pour réussir, un programme de sécurité doit être conçu de telle manière que les enseignements tirés d’un accident soient acceptés ailleurs dans l’entreprise.

La maîtrise des risques

Le meilleur moyen de maîtriser un risque sera toujours de le supprimer par des moyens de prévention technique prévus dès la conception, ou en guise de substitution ou de modification. Si le risque est éliminé (ou du moins si des mesures ont été prises pour le limiter et s’en prémunir), l’opérateur sera protégé, quelles que soient les différences individuelles tenant à la formation, la force physique, l’attention, la fatigue ou au rythme circadien.

Malheureusement, dans certains cas, le coût de ces mesures de prévention technique peut atteindre ou dépasser les limites de la viabilité économique. Certains procédés sont par nature beaucoup plus risqués que d’autres, et les moyens techniques applicables n’apportent qu’une solution partielle. Les travaux de construction en hauteur, l’exploitation des mines de charbon souterraines, la production d’acier et la conduite d’un véhicule sur de très longs parcours sont autant d’activités qui exposent les travailleurs à des risques supérieurs à la «normale». En pareils cas, il peut s’avérer nécessaire de prendre des mesures organisationnelles de prévention et d’imposer des dispositifs de protection individuelle. Les mesures organisationnelles peuvent consister en une formation et des procédures spécifiques pour réduire les risques: par exemple, l’interdiction de pénétrer seul dans des espaces confinés ou la mise en place de systèmes de verrouillage pour isoler des équipements ou des processus dangereux par rapport à l’opérateur pendant le cycle de travail. Ces procédures peuvent être efficaces, mais elles supposent un entretien permanent. Les pratiques de travail, en particulier, tendent à s’écarter des procédures administratives requises. Il faut mettre un terme à cette tendance en organisant des séances de formation et de recyclage pour tous les travailleurs et agents de maîtrise concernés.

Le dernier élément de la maîtrise des risques est l’utilisation de dispositifs de protection individuelle tels qu’appareils de protection respiratoire, gants de protection, harnais et casques de sécurité, pour n’en mentionner que quelques-uns. En général, ces dispositifs sont utiles lorsque les risques n’ont pas été complètement éliminés du lieu de travail ou ne font pas l’objet de mesures organisationnelles de prévention. Ces dispositifs qui ont pour but de réduire les effets de ces risques sur les travailleurs peuvent néanmoins poser certains problèmes parmi lesquels il faut citer: une utilisation inappropriée, une mauvaise conception, un contrôle inadéquat de la part des supérieurs et un défaut d’entretien.

Les premiers secours

Malgré tous les efforts entrepris pour réduire les risques, le programme de sécurité doit prévoir les mesures à prendre après un accident. La mise en place de moyens de premiers secours et de traitement médical d’urgence peut apporter des avantages considérables au programme de sécurité. Il faudra établir un protocole pour le traitement médical après un accident. Des travailleurs sélectionnés devront se familiariser avec les instructions écrites pour demander une assistance médicale sur le lieu de travail. Cette assistance devrait être organisée à l’avance, car tout retard risque d’aggraver l’état de la victime. Pour les accidents qui ne provoquent que des lésions mineures, on peut limiter les pertes grâce à un traitement médical sur le lieu même de l’accident. Le traitement des coupures et contusions légères dans les locaux de l’entreprise permet de réduire le temps pendant lequel les intéressés ne sont pas à leur poste.

Pour les premiers secours, il faut disposer d’une quantité suffisante de fournitures, mais surtout assurer une formation appropriée, qui peut influer directement sur les chances de survie en cas de lésions potentiellement mortelles, et réduire la gravité de nombreux accidents moins critiques. Les premiers soins, comme la réanimation cardio-respiratoire ou la stabilisation d’une hémorragie, peuvent être déterminants pour la vie d’une personne qui a besoin d’un traitement lourd urgent. Souvent, les premiers soins dispensés sur le lieu d’un accident facilitent d’importantes interventions chirurgicales ultérieures. Les premiers secours jouent un rôle plus important encore dans les entreprises implantées loin des centres urbains, où un traitement médical peut être retardé de plusieurs heures.

Les premiers secours peuvent également faciliter le retour au travail dans de bonnes conditions lorsque les lésions sont mineures. Il a été montré que ces interventions sur place rendent moins nécessaires les longues consultations médicales à l’extérieur de l’entreprise et évitent ainsi une perte de productivité. Surtout, elles réduisent les risques de médicalisation en cas d’accident, problème qui commence à se poser dans plusieurs pays.

La planification en prévision des catastrophes

Un programme de sécurité devrait identifier périodiquement, au moins une fois par an, les causes potentielles de catastrophe. Dans certaines situations — par exemple, le stockage de grandes quantités de produits inflammables ou dangereux —, cela n’est pas trop difficile. Dans d’autres, en revanche, il faut faire preuve de beaucoup d’ingéniosité pour présenter des propositions utiles en vue de prévoir d’éventuelles catastrophes. Par définition, les catastrophes sont rares, et il est peu probable qu’une entreprise soit victime deux fois du même type de catastrophe. La prise en charge médicale, la circulation de l’information et la gestion de la situation sont autant d’éléments qui devraient être définis dans le programme de sécurité. Il va de soi que dans de nombreuses entreprises ces plans annuels seront réduits au minimum, mais le fait même d’en élaborer peut contribuer utilement à sensibiliser la direction à certains des risques assumés par l’entreprise.

Conclusion

Un programme de sécurité efficace n’est pas un ouvrage ou un recueil de notes, mais un plan conceptuel visant à réduire les risques de dommages corporels, mesurés sur la base de leur fréquence et de leur gravité. Comme tous les processus au sein d’une entreprise, celui de sécurité relève de la direction et non d’un ingénieur de sécurité ou des travailleurs. La direction a la responsabilité de fixer les objectifs, de fournir des ressources, de mettre en place les moyens de mesurer les progrès accomplis vers la réalisation des objectifs et de prendre des mesures correctives lorsque les progrès ne sont pas satisfaisants. Pour cela, l’information joue un rôle primordial, suivi en importance par la communication des objectifs à tous les niveaux de l’entreprise — direction, encadrement, exécution — où chacun peut contribuer à l’instauration de conditions de travail sûres. Malheureusement, des insuffisances dans l’organisation, les procédures et les comportements peuvent y faire obstacle. Un programme de sécurité efficace est un programme qui reconnaît ces facteurs et les prend en compte dans l’élaboration d’une approche intégrée pour atténuer la douleur et les souffrances provoquées par les accidents du travail et les maladies professionnelles.

LES PROGRAMMES D’INCITATION À LA SÉCURITÉ

Gerald J.S. Wilde

Les programmes d’incitation à la sécurité ont un objectif déclaré: réduire les pertes dues aux accidents. Mais ils ont aussi des effets secondaires positifs. D’une part, ils sont une option intéressante pour l’industrie, dans la mesure où les économies qu’ils permettent de réaliser sont généralement supérieures à leur coût. D’autre part, ils peuvent contribuer à améliorer le moral dans l’entreprise; un meilleur climat général peut avoir des effets bénéfiques sur la productivité, au-delà des gains résultant de la réduction des accidents. Les programmes d’incitation ciblant des groupes proposent une cause que les membres du personnel partagent entre eux et avec la direction. En incitant à agir conformément à la sécurité, «on supprime les effets indésirables du recours à la discipline et aux sanctions, on accroît la satisfaction professionnelle et on renforce les relations entre l’encadrement et les travailleurs» (McAfee et Winn, 1989).

Le rapport coût-efficacité des programmes d’incitation

Il y a eu de nombreux cas, dans l’industrie manufacturière, le bâtiment et d’autres secteurs, où le taux d’accidents par salarié a été réduit de 50 à 80%. De meilleurs résultats encore sont parfois obtenus, comme cela a été le cas de deux sociétés minières où le nombre total de journées de travail perdues a diminué de 89 et 90%, respectivement (Fox, Hopkins et Anger, 1987). Il arrive aussi que les résultats soient plus modestes. Une usine de câbles a réduit le coût des accidents par salarié de 35%, un fabricant de produits du tabac de 31% (Stratton, 1988), une entreprise de traitement et de transport de céréales de 30%, un complexe touristique du Pacifique de 39% et un fabricant de produits alimentaires de 10% (Bruening, 1989).

Ces effets positifs se manifestent longtemps. Des programmes d’incitation, dans deux mines américaines, ont été étudiés sur des périodes de 11 et 12 ans. Dans l’une des mines, le nombre des journées de travail perdues pour cause d’accident a été ramené à environ 11% du niveau de référence et dans l’autre à environ 2%. Les rapports avantages-coûts se situaient, d’une année à l’autre, entre 18 et 28 dans une mine et 13 et 21 dans l’autre. Rien n’a laissé penser qu’il y avait une baisse d’efficacité avec le temps (Fox, Hopkins et Anger, 1987). Un rapport avantages-coûts élevé — de l’ordre de 23 à 1 — a également été observé dans le secteur du tourisme hôtelier.

Le rapport entre les avantages (économies réalisées grâce aux accidents évités) et les coûts des programmes (primes et frais de gestion) est généralement supérieur à 2 pour 1, ce qui signifie que la prévention des accidents peut être rentable pour les entreprises. Cela tient en grande partie à la réduction des cotisations qu’elles versent aux commissions de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles et aux compagnies d’assurances, ainsi qu’à l’augmentation de la production, à la réduction des temps d’inactivité et à un moindre recours au personnel de remplacement.

Les conditions nécessaires à l’efficacité des programmes d’incitation

Les programmes d’incitation à la sécurité, lorsqu’ils sont bien conçus, reçoivent l’approbation de ceux auxquels ils s’adressent et, à cet égard, ils soutiennent favorablement la comparaison avec les autres formes de motivation pour la sécurité, comme les règlements, les consignes ou la discipline, qui ont beaucoup moins la faveur des intéressés. Pour dire les choses familièrement: une petite carotte n’est pas seulement mieux appréciée qu’un gros bâton; elle est aussi beaucoup plus efficace. Un seul effet secondaire négatif a été observé jusqu’à présent, à savoir la tendance à sous-déclarer les accidents lorsque des programmes d’incitation sont en vigueur, mais il est apparu qu’elle ne concernait heureusement que les accidents mineurs (McAfee et Winn, 1989).

Il ressort aussi des programmes d’incitation qui ont été mis en œuvre que certains ont eu des effets beaucoup plus marquants que d’autres. Par exemple, un plan d’incitation allemand promettant aux chauffeurs-routiers une prime de 350 DM pour chaque période de six mois pendant laquelle ils n’étaient pas mis en cause dans un accident a permis, dans sa première année d’application, de réduire de deux tiers le coût direct des accidents et de le maintenir à ce niveau pendant plus de trente ans (Gros, 1989). En Californie, l’expérience «bons conducteurs», dans le cadre de laquelle une prolongation gratuite d’un an du permis de conduire était offerte pour chaque année de conduite sans accident, a fait baisser de 22% le taux d’accidents au cours de la première année de son application (Harano et Hubert, 1974).

Nous avons essayé ici de déterminer, à partir des rapports publiés sur ce sujet, quels étaient les composants des programmes d’incitation à la sécurité les plus efficaces. Il a nécessairement fallu procéder par déduction, car il n’y a pas eu jusqu’à présent d’expérience de contrôle consistant à faire varier un seul paramètre en maintenant tous les autres constants. Pour des raisons évidentes, il est peu probable que de telles expériences soient jamais menées, car ce n’est pas l’affaire de l’industrie. Néanmoins, les éléments énumérés ci-après semblent réalistes (Wilde, 1988; McAfee et Winn, 1989; Peters, 1991).

La vigueur dans la conduite du programme

Le lancement et le maintien dans la durée d’un programme d’incitation à la sécurité devraient être menés avec vigueur, détermination et cohérence. Il ne faudrait pas se contenter d’informer les travailleurs ou les conducteurs de véhicules de l’existence du programme, mais aussi le rappeler fréquemment à leur attention. Pour motiver et informer les groupes ciblés, les responsables des programmes d’incitation devraient leur faire connaître fréquemment et clairement les résultats obtenus (Komaki, Barwick et Scott, 1978).

Récompenser les bons résultats

Les programmes d’incitation à la sécurité devraient récompenser le résultat (le fait de ne pas avoir provoqué d’accident), et non le moyen employé (par exemple, le port de lunettes de protection ou de ceintures de sécurité, la sobriété ou le respect des règles de sécurité de l’atelier), car on ne renforce pas nécessairement la motivation pour la sécurité en récompensant un comportement particulier. Dans le domaine de la circulation routière, par exemple, un avantage potentiel, en matière de sécurité, résultant de la fréquence accrue d’une certaine forme de comportement «sûr», peut fort bien être neutralisé par l’adoption moins fréquente d’autres formes de comportement «sûr». «Le risque est que, s’il peut y avoir une amélioration du côté du comportement récompensé, d’autres comportements de sécurité apparentés peuvent se détériorer» (McAfee et Winn, 1989).

Des récompenses attrayantes

On peut penser que les programmes d’incitation seront d’autant plus efficaces qu’ils rendront plus importante la différence entre l’avantage, tel qu’il est perçu, de ne pas avoir d’accident, et l’inconvénient, tel qu’il est perçu, d’en avoir un. Les récompenses instituées par les employeurs pour un travail sans accident ont pris des formes très diverses, allant de la remise de sommes d’argent à des félicitations publiques. On peut citer aussi les timbres-primes, les billets de loterie, les chèques-cadeaux, la distribution d’actions de la société, les congés supplémentaires, les promotions et d’autres privilèges. Les sommes d’argent sont une récompense suffisamment souple pour empêcher que les intéressés ne soient «blasés», mais les objets, notamment les cadeaux personnalisés, peuvent rappeler durablement à leur bénéficiaire la valeur de la sécurité. Les objets ont également une composante «valeur ajoutée», dans ce sens qu’ils peuvent être obtenus à un prix inférieur à celui que devraient probablement payer les bénéficiaires s’ils devaient les acheter dans le commerce. Aux Etats-Unis, tout un secteur d’activité s’est créé autour des objets offerts en récompense de la sécurité. Les chèques-cadeaux sont à mi-chemin entre les sommes d’argent et les objets; on peut les utiliser avec souplesse tout en les personnalisant et en y inscrivant un message en souvenir. Les automobilistes ont bénéficié de récompenses en espèces, de réductions de primes d’assurance et de renouvellements gratuits de leur permis de conduire.

Il n’est pas nécessaire que les récompenses soient d’un montant élevé pour être efficaces. On peut même préconiser de petits cadeaux comme des insignes pour une conduite sûre pendant un ou cinq ans. Les petites récompenses présentent l’avantage de pouvoir être offertes plus fréquemment; elles incitent probablement moins à la sous-déclaration et peuvent favoriser l’intériorisation d’attitudes de sécurité par le processus de réduction de la dissonance cognitive (Bruening, 1990). Lorsqu’une petite récompense modifie le comportement d’une personne, cette dernière peut justifier ce changement en se disant qu’il a été motivé par le souci de la sécurité et non par cette incitation insignifiante. Une telle intériorisation des attitudes de sécurité n’est pas nécessaire lorsque l’incitation extérieure est importante, car elle justifie alors entièrement le changement de comportement.

On notera cependant que les récompenses modestes ne peuvent influer sur les attitudes qu’après un changement de comportement consécutif à une quelconque incitation extérieure mineure. Il faut donc que la récompense soit suffisamment souhaitée pour provoquer, au départ, un certain changement de comportement. Les récompenses doivent avoir une «valeur perçue» dans l’esprit des bénéficiaires. Dans certains cas, une petite récompense matérielle équivaut à une grande récompense sociale à cause de sa «fonction symbolique». Un comportement sûr peut ainsi devenir «ce qu’il convient de faire». Cela peut aider à expliquer pourquoi, en Californie, une incitation modeste, telle que le renouvellement gratuit du permis de conduire pour un an, a entraîné une importante réduction du taux d’accidents de la route. De plus, de même que des études antérieures avaient montré qu’il y avait une relation exponentielle (à la puissance 3) entre les taux d’accidents dans des tâches dangereuses (par exemple, le travail aux pièces) et des salaires plus élevés, de même, on peut penser que des augmentations relativement modestes des salaires pour récompenser l’absence d’accidents devraient entraîner une baisse proportionnellement plus grande des taux d’accidents (Starr, 1969).

Une progressivité des récompenses

L’importance de l’incitation devrait continuer à augmenter progressivement à mesure que s’accumule le nombre de périodes ininterrompues sans accident; ainsi, la prime correspondant à dix années sans accident devrait être plus de dix fois supérieure à la prime correspondant à une année sans accident.

Les règles de fonctionnement du programme

Les règles de fonctionnement du programme devraient rester simples, de manière à être facilement comprises par tous ceux qui sont visés. Il est primordial que le programme d’incitation soit mis au point en coopération et en consultation avec les personnes qu’il concerne. Les individus ont davantage tendance à essayer d’atteindre des objectifs qu’ils ont eux-mêmes contribué à définir (Latham et Baldes, 1975).

Un programme perçu comme équitable

Le programme d’incitation devrait être perçu comme équitable par tous ceux auxquels il s’applique: il faut que la prime puisse être considérée comme une juste récompense pour ne pas avoir provoqué d’accident au cours d’une période donnée. Il faut aussi que les travailleurs qui ne peuvent prétendre à la récompense (la plus élevée) n’éprouvent aucune rancœur envers le système, et que ceux qui sont récompensés soient considérés par leurs collègues comme méritant la récompense. Le hasard jouant un rôle dans le fait d’avoir ou de ne pas avoir d’accident, l’octroi d’une récompense peut être subordonné à la condition supplémentaire que le travailleur concerné, n’ayant pas provoqué d’accident, soit également soucieux de la propreté et de la sûreté de son poste de travail. Au cas où des mesures de dissuasion sont également appliquées, il faut que les sanctions en question apparaissent comme justifiées.

Des récompenses perçues comme accessibles

Les programmes devraient être conçus de manière que la prime soit considérée comme potentiellement accessible. Cela est particulièrement important lorsque la récompense est attribuée dans le cadre d’une loterie. Les loteries permettent de distribuer des récompenses plus importantes, ce qui peut accroître l’intérêt suscité par un programme d’incitation mais, parmi ceux qui auront accumulé des «points sécurité», ceux qui recevront une prime seront moins nombreux. En revanche, certains risquent d’être découragés d’essayer activement d’accumuler des «points».

Une période de latence courte

La période pendant laquelle une personne ne doit avoir aucun accident pour prétendre à une prime devrait rester relativement courte. Les récompenses et sanctions différées tendent à être oubliées, et contribuent donc moins efficacement à modifier les comportements qu’une récompense plus immédiate. On a même appliqué des périodes ne dépassant pas un mois. Si l’on choisit des périodes plus longues, il faut que les rappels, rapports intermédiaires et autres interventions soient mensuels. Dans l’expérience californienne citée plus haut, la baisse du taux d’accidents a été plus importante parmi les conducteurs dont le permis devait être renouvelé dans le délai d’un an après la date où ils avaient été informés du programme d’incitation, que parmi ceux dont le permis ne devait être renouvelé que deux ou trois ans plus tard.

Des récompenses pour le groupe et pour les individus

Les programmes d’incitation à la sécurité devraient être conçus de manière à renforcer la pression exercée par les collègues pour éviter les accidents. Le plan devrait inciter chacun non seulement à se préoccuper de sa propre sécurité, mais aussi à exercer une influence sur les autres pour que leur probabilité d’accident diminue également. Dans l’industrie, on le fait en accordant une prime à l’ensemble de l’équipe de travail, en plus des primes individuelles quand il n’y a pas d’accident. Les primes collectives accroissent l’esprit de compétition pour l’obtention de ces récompenses. On a constaté en outre qu’elles étaient efficaces seules, c’est-à-dire même en l’absence de primes individuelles. On peut également renforcer un programme de primes doubles (individuelles et collectives) en informant les familles de l’existence du programme de prix de sécurité, des objectifs en matière de sécurité et des récompenses possibles.

Prévenir la sous-déclaration des accidents

Il faudrait réfléchir aux moyens de lutter contre la tendance des travailleurs à ne pas déclarer les accidents dont ils sont victimes. La possibilité que les programmes d’incitation encouragent cette tendance semble être leur seul inconvénient (encore que des objections morales aient parfois été élevées contre l’idée de récompenser des individus parce qu’ils avaient atteint un objectif auquel ils auraient dû aspirer spontanément, sans avoir besoin d’être «payés» pour respecter les consignes de sécurité). Certains programmes d’incitation prévoient des déductions de crédits sécurité en cas de non-déclaration d’accidents (Fox, Hopkins et Anger, 1987). Heureusement, les seuls accidents qui, parfois, ne sont pas déclarés sont des accidents mineurs, mais plus la prime de sécurité est importante, plus ce phénomène risque de devenir fréquent.

Des récompenses à tous les niveaux de l’entreprise

Les récompenses pour le respect des règles de sécurité ne devraient pas être réservées aux salariés, mais il faudrait les étendre à leurs supérieurs immédiats et aux cadres, de manière à généraliser et à rendre plus cohérente une attitude positive à l’égard de la sécurité dans l’entreprise et à instaurer une «culture» de la sécurité.

Faut-il compléter les récompenses par une formation à la sécurité?

Bien que la formation à la sécurité diffère de la motivation pour la sécurité et qu’il faille bien distinguer entre l’aptitude d’une personne à adopter un comportement de sécurité et sa volonté de le faire, certains auteurs estiment qu’il y aurait amélioration de la sécurité si l’on disait aux travailleurs quels comportements particuliers permettent d’éviter des accidents (par exemple, Peters, 1991).

Maximiser les économies nettes ou le rapport avantages-coûts?

Lorsqu’on envisage un programme d’incitation à la sécurité, il faudrait se demander quel est le principal objectif visé: réduire autant qu’il est possible le taux d’accidents, ou obtenir un rapport avantages-coûts maximum? Certains programmes ne permettent qu’une baisse légère de la fréquence des accidents, mais à très faible coût. Leur rapport avantages-coûts peut donc être plus élevé que celui d’autres programmes, capables pourtant d’entraîner une beaucoup plus grande réduction du taux d’accidents. Contrairement à la valeur absolue du rapport avantages-coûts, le montant économisé peut être nettement supérieur dans le second cas. Prenons un exemple: un programme de sécurité A dont la mise en œuvre coûte 200 000 dollars E.-U. permet d’économiser 700 000 dollars E.-U., et un programme B coûtant 300 000 dollars E.-U. peut faire économiser 900 000 dollars E.-U. Le rapport avantages-coûts de A est de 3,5 et celui de B de 3,0. Autrement dit, si l’on s’en tient à ce critère, A l’emporte sur B, mais si l’on considère l’économie nette, le résultat est différent. Le programme A permet d’économiser (700 000 moins 200 000), soit 500 000 dollars E.-U., et le programme B (900 000 moins 300 000), soit 600 000 dollars E.-U. De ce point de vue, il faut donc donner la préférence au plus grand programme.

Conclusion

Comme n’importe quelle autre mesure de lutte contre les accidents, il ne faudrait pas mettre en place de programme d’incitation sans en évaluer au préalable la faisabilité à court et long terme et sans déterminer sa forme optimale ni sans prévoir une évaluation scientifiquement satisfaisante du coût de sa mise en œuvre et de son efficacité réelle en matière de réduction du taux d’accidents. Sans ce type de recherche, jamais l’effet surprenant d’un certain programme de récompenses n’aurait été découvert. Bien qu’il semble peu probable, dans la pratique, qu’un programme d’incitation ait un impact négatif, on a constaté que l’une des variantes d’une série de programmes d’incitation-récompenses destinés aux automobilistes californiens avait produit en fait une détérioration des statistiques de la sécurité routière. L’idée était d’accorder un avantage aux conducteurs sans antécédents d’accident, sans les informer à l’avance de cette possibilité. Il s’agissait donc d’une récompense inattendue et non d’une incitation, ce qui montre bien l’importance de cette distinction pour la promotion de la sécurité. Le terme incitation désigne une gratification ou une prime annoncée à l’avance , qui est octroyée aux travailleurs ou aux automobilistes à la condition expresse que leur responsabilité ne soit pas engagée dans un accident au cours d’une période future spécifiée.

LA PROMOTION DE LA SÉCURITÉ

Thomas W. Planek

La promotion de la sécurité a pour but d’inciter les salariés à améliorer leur comportement et celui de leurs collègues pour ce qui est de leur propre protection et de contribuer à la réalisation des objectifs déclarés de leur entreprise en matière de sécurité. La promotion de la sécurité vise à faire prendre davantage conscience des problèmes de sécurité à tous les niveaux de l’entreprise et à confirmer que l’amélioration de la sécurité du personnel est une tâche hautement prioritaire pour la direction.

En dernière analyse, l’efficacité d’un programme ou d’une activité de promotion de la sécurité d’une entreprise dépend directement de la qualité de la gestion du programme de sécurité. La promotion de la sécurité peut contribuer grandement à améliorer la sécurité sur le lieu de travail lorsqu’il existe une méthode rationnelle de gestion des risques à tous les stades opérationnels: planification des installations, conception des machines, formation et encadrement du personnel, équipements de protection individuelle, entretien de l’environnement de travail, nettoyage, interventions en cas d’urgence et remise en état.

Quelle que soit son efficacité intrinsèque pour le changement des attitudes et des comportements des salariés, un programme de promotion de la sécurité doit avoir l’appui de la direction, qui doit montrer son leadership et son engagement. C’est là une condition indispensable au succès de toute action de promotion, que cette dernière soit axée sur la production, la qualité des produits ou la sécurité et la santé du personnel. C’est aussi une caractéristique de tous les programmes de sécurité efficaces, aussi différents soient-ils dans le détail.

La motivation du personnel

La promotion de la sécurité est directement liée à la notion de motivation, qui a fait l’objet de nombreuses études. La question de savoir comment et pourquoi les individus sont «motivés» pour adopter de nouveaux comportements et changer les anciens est controversée. Une interrogation centrale tient à la relation entre attitudes et comportement. Le changement d’attitude doit-il précéder le changement de comportement? Peut-il y avoir un changement de comportement sans changement d’attitude? Le changement d’attitude permet-il de prévoir le changement de comportement? Le changement de comportement entraîne-t-il un changement d’attitude?

Les réponses à ces questions sont incertaines. Quelques chercheurs insistent sur le fait que le meilleur moyen d’obtenir une motivation consiste à modifier uniquement le comportement extérieur, alors que d’autres considèrent que le changement de l’attitude interne, ou changement cognitif, doit faire partie du processus de changement du comportement. Ces deux points de vue ont influencé la manière de conduire la promotion de la sécurité.

Bien qu’elle ne soit pas directement observable, la motivation peut être déduite des changements dans le comportement et les attitudes. Elle est définie par les trois variables suivantes:

Les modèles de promotion de la sécurité

Les publications sur la sécurité décrivent diverses théories et méthodes de promotion de la sécurité qui concernent chacune des variables de la motivation; deux modèles ont prouvé leur capacité d’améliorer les résultats en matière de sécurité. Le premier, appelé gestion du comportement en organisation (GCO) , est axé sur la modification du comportement et l’application des méthodes de contrôle du comportement mises au point par B.F. Skinner. Le second, appelé management total de la qualité (TQM) , est axé sur la modification des processus et l’application des principes du contrôle de qualité élaborés par W.E. Demming.

La modification du comportement repose sur l’hypothèse que les causes du comportement tiennent à l’environnement. On peut donc prévoir et contrôler le comportement en étudiant l’interaction entre les individus et leur environnement. Ces connaissances requièrent de définir les éléments ci-après:

  1. les antécédents de comportement, c’est-à-dire les cas dans lesquels il y a une réaction;
  2. le comportement ou l’action qui interviennent;
  3. les conséquences qui renforcent le comportement ou l’action.

L’amélioration de la qualité nécessite une «constance dans les objectifs», c’est-à-dire un engagement du personnel et de la direction à faire de l’amélioration de la qualité des produits et des services une priorité de l’entreprise. Cette adaptation de l’attitude repose sur une décision consciente de la direction de tout mettre en œuvre pour que l’amélioration envisagée de la qualité devienne une réalité. Les objectifs de l’amélioration de la qualité sont plus généraux et les méthodes utilisées pour les atteindre moins uniformes que dans le cas de la modification des comportements. Il s’agit davantage de remplacer, voire de supprimer, des processus complets que de modifier des comportements individuels.

Comme le montre le tableau 60.1, les deux modèles réagissent aux variables et aux actions que suppose la motivation. Ils diffèrent, en revanche, quant aux éléments de sécurité sur lesquels ils mettent l’accent pour motiver le personnel. Ils diffèrent donc dans leur efficacité à satisfaire aux trois variables de la motivation.

Tableau 60.1 Modèles GCO et TQM de motivation du personnel

Variables de motivation

Action en vue de la motivation

Elément de sécurité privilégié

   

GCO

TQM

Orientation du comportement

Préciser les objectifs

Comportement

Attitudes/ comportement

 

Assurer une formation

Formation du comportement

Formation aux processus

Intensité de l’action

Renforcement

Fréquence du comportement

Amélioration des processus

 

Rétro-information

Données sur le comportement

Indicateurs du fonctionnement

Persistance de l’effort

Obtenir l’adhésion du personnel

Changement de comportement

Amélioration continue

 

Obtenir l’adhésion de la direction

Changement de style

Changement culturel

Le modèle GCO

L’orientation du comportement

Les objectifs de sécurité de la gestion du comportement humain au sein d’une organisation sont généralement bien délimités et consistent à accroître la fréquence de certains comportements sécuritaires et, par conséquent, à réduire l’incidence des actes dangereux. On peut utiliser les sources suivantes pour sélectionner les actes ou comportements accidentogènes à observer et leur réduction éventuelle:

Sur la base des informations fournies par ces sources, le personnel est ensuite invité à participer à l’établissement d’une liste des comportements prioritaires considérés comme déterminants pour l’amélioration de la performance en matière de sécurité. Un système d’observation est créé pour repérer la fréquence de ces comportements, des observateurs sont formés et un programme d’observations est établi. On étudie alors la fréquence des comportements prioritaires pendant une période précédant l’intervention. Cette phase de définition du problème permet d’obtenir les données de référence par rapport auxquelles on mesurera le succès du processus de modification des comportements. Ces données permettent également de signaler au personnel la présence d’un comportement dangereux sur le lieu de travail.

Le personnel reçoit ensuite une formation qui porte sur les comportements à adopter, fournit des directives sur les résultats souhaitables en matière de comportements sécuritaires et prévoit une rétro-information sur les comportements. Par exemple, on organise parfois une projection de diapositives ou de vidéocassettes sur les pratiques sûres et les pratiques dangereuses, suivie d’une discussion. On communique également au personnel, à cette occasion, des données de référence et on l’encourage à améliorer sa performance en ce qui concerne les comportements déterminants pour la sécurité. Les données, souvent présentées sous forme de graphiques, sont affichées dans l’usine afin de préparer les étapes suivantes du programme GCO. Les activités d’observation et de reconnaissance sont menées de façon continue par les supérieurs ou par des collègues spécialement formés. On ajoute, le cas échéant, à la formation de nouveaux éléments de sécurité qui deviennent alors partie intégrante du programme.

L’intensité de l’action

La GCO fait appel à la fois au renforcement individuel et à la rétro-information du groupe pour modifier les comportements. Le renforcement se fait au niveau individuel sous forme de félicitations que l’on adresse de vive voix ou d’autres témoignages de satisfaction lorsqu’un comportement sécuritaire est observé sur le lieu de travail. La rétro-information sur le niveau du comportement sécuritaire du groupe est également communiquée pendant toute la durée du programme.

Divers types de récompenses peuvent être utilisées pour renforcer les comportements, telles que:

Les récompenses sont souvent attribuées de manière combinée, de sorte qu’il est très difficile d’isoler l’impact d’un type particulier de renforcement. Il est clair cependant qu’on incite l’individu à adopter un comportement sécurité si on réagit de manière positive chaque fois qu’il le fait.

Le renforcement comprend aussi la rétro-information du groupe sur les résultats obtenus en matière de sécurité, souvent sous la forme de courbes d’apprentissage ou de graphiques en barres indiquant l’évolution du pourcentage des comportements de sécurité observés pendant la période d’intervention. Ces informations sont affichées de façon bien visible pour que le groupe se rende compte de ses progrès, ce qui tend à maintenir sa performance en matière de sécurité et l’incite à faire mieux encore.

Dans ce modèle, le renforcement et la rétro-information exigent d’observer en permanence les comportements. Un tel programme permet une communication efficace dès qu’un comportement sécuritaire est observé ou qu’une pratique dangereuse doit être corrigée. Bien que la modification des comportements mette l’accent sur le renforcement positif plutôt que sur la discipline, ses partisans reconnaissent que des réprimandes ou d’autres marques de réprobation sont parfois nécessaires. Chaque fois que possible, on devrait cependant éviter ce type de mesures, car elles n’agissent habituellement qu’à très court terme et risquent de diminuer l’adhésion de la personne concernée à l’ensemble du programme.

La persistance de l’effort

Si l’on veut que le modèle GCO permette de pérenniser un changement de comportement, il faut à la fois exercer une observation continue et renforcer des comportements sécuritaires particuliers jusqu’à ce que ces mêmes comportements se confortent d’eux-mêmes et soient intégrés spontanément à l’activité professionnelle. Le point fort de la GCO réside dans la création d’un système de mesurage permettant à une entreprise de suivre et contrôler en permanence les comportements déterminants pour la sécurité. Pour obtenir des résultats sur le long terme, il faut que l’utilisation de ce système de mesurage fasse partie intégrante du style de gestion de l’entreprise.

On ne saurait donc guère contester que l’approche GCO donne des résultats positifs, et ce assez rapidement. La plupart des études montrent que le renforcement positif, sous forme d’incitations ou de rétro-information, améliore la sécurité ou réduit le nombre des accidents sur le lieu de travail, du moins à court terme. En revanche, les recherches effectuées n’ont pas permis de démontrer de manière parfaitement concluante que ces changements sont effectivement durables. En fait, la plupart des études portent sur de courtes périodes (moins d’un an), ce qui a soulevé des questions quant à la permanence des effets de la GCO, bien que deux études, réalisées l’une aux Etats-Unis, l’autre en Finlande, aient fait état de certains effets positifs à long terme.

Aux Etats-Unis, l’application d’un système de timbres-primes a permis d’améliorer la sécurité dans deux mines de charbon pendant plus de dix ans. Des timbres étaient donnés aux travailleurs pour les récompenser de ne pas avoir d’accidents avec arrêt de travail, d’appartenir à un groupe sans accidents avec arrêt de travail, de ne pas être impliqués dans des incidents ayant provoqué des dommages matériels, d’avoir fait des suggestions en matière de sécurité qui ont été adoptées ou d’avoir eu un comportement exceptionnel en matière de prévention des accidents ou des incidents. Outre le système des bons, ils suivaient une formation intensive pendant la période de référence afin d’être incités à adopter un comportement de sécurité et à maintenir des conditions de travail sûres. Il a été considéré que cette formation avait joué un rôle très important dans les améliorations obtenues.

En Finlande, un programme a été organisé dans un chantier naval pour y améliorer l’ordre et la propreté. Ce programme en trois étapes: mesurage des données de base, formation puis rétro-information de l’encadrement et des travailleurs a permis d’obtenir des améliorations notables exprimées en indices d’ordre et de propreté plus élevés, améliorations qui se sont maintenues au même niveau pendant une période de suivi de deux ans et ce, même en l’absence de rétro-information des intéressés. Des réductions importantes du nombre des accidents ont également été observées pendant toute la durée du projet. Les effets à long terme de ce programme ont été attribués au renforcement exercé par lequel on cherche à faire adopter des comportements pérennes et qui ont des effets durables sur l’environnement (comme les changements dans le domaine de l’ordre et de la propreté peuvent en avoir) plutôt que de susciter des comportements éphémères chez les travailleurs dont l’impact est tout aussi éphémère.

Malgré ces études, il est difficile de dire dans quelle mesure la GCO contribue à maintenir longtemps des améliorations de la performance en matière de sécurité. Dans l’étude réalisée aux Etats-Unis, l’utilisation des bons est manifestement devenue un élément admis du mode de gestion des mines, mais l’accent a aussi été mis avec force sur la formation. La rétro-information sur les changements de l’environnement qui résultent d’un comportement, comme dans l’étude finlandaise, semble prometteuse. Mais, là aussi, certains indices donnent à penser que d’autres facteurs ont pu contribuer à influencer le personnel des chantiers navals pendant la période de suivi «sans rétro-information».

Cela dit, la majorité des recherches tendent à montrer qu’il faut maintenir la rétro-information, si l’on veut que les programmes GCO obtiennent des succès durables, et que ce processus doit s’accompagner d’un style de gestion qui le permette. Lorsque ces conditions ne sont pas réunies, les effets positifs du changement de comportement s’amenuisent rapidement et retombent à leurs niveaux antérieurs. En ce qui concerne l’ordre et la propreté, l’amélioration des résultats persiste apparemment pendant une période relativement longue, mais il reste à établir pourquoi.

Le modèle TQM

L’orientation du comportement

Le modèle TQM a des objectifs généraux et vise à mettre en place des processus améliorés. Il met l’accent sur la mise en évidence et la suppression des situations qui provoquent ou favorisent des comportements dangereux plutôt que sur les actes dangereux en tant que causes d’accidents.

La démarche TQM fait pour l’essentiel appel aux mêmes méthodes que la GCO pour découvrir les carences en matière de sécurité et les améliorations à apporter. Elle se concentre en outre sur les systèmes et pratiques de gestion qui contribuent à ces problèmes. Les faiblesses peuvent apparaître dans toutes les fonctions de l’entreprise, depuis la planification jusqu’à l’évaluation du rapport coût-efficacité, en passant par l’organisation et la prise de décisions. Elles peuvent aussi résulter de la présence ou de l’absence de pratiques intégrant les considérations de sécurité du personnel dans les activités courantes de l’entreprise, comme l’application des principes ergonomiques à la conception des postes de travail et des équipements, l’examen des spécifications en matière d’achat par des professionnels de la sécurité et de la santé et la correction en temps voulu des risques signalés. Des indicateurs opérationnels comme les derniers cités, associés à des statistiques sur les accidents, les temps de panne et l’absentéisme, fournissent des informations de première main sur l’appui que le système de gestion apporte à la fonction sécurité.

Les enquêtes sur la perception du programme de sécurité par le personnel sont également devenues un moyen courant d’évaluer le système de gestion de la sécurité. Le personnel donne son avis sur l’efficacité des pratiques de gestion et des activités de soutien de la sécurité dans son entreprise. Les données sont recueillies anonymement, selon les procédures administratives habituelles. Les résultats de ces enquêtes aident à définir les améliorations prioritaires et fournissent une nouvelle référence pour l’évaluation des progrès accomplis.

De même que la TQM définit ses objectifs d’une manière plus large que la GCO, de même elle offre au personnel des formations plus variées. Elle ne cherche pas seulement à apprendre au personnel comment avoir un comportement de sécurité, mais aussi comment s’améliorer soi-même et constituer des équipes permettant de contribuer à l’amélioration continue de la sécurité dans l’ensemble de l’entreprise.

On ne soulignera jamais assez combien il est important de planifier les tâches au niveau des systèmes et d’assurer une formation suffisante à la sécurité aux personnes dont les emplois se sont développés et enrichis du fait de l’évolution des méthodes de travail. Certains signes indiquent que la fréquence des accidents augmente en proportion du nombre et de la diversité des tâches non répétitives que les travailleurs ont à exécuter. Il n’est pas certain que les études sur la TQM aient pris en considération cet effet indésirable potentiel.

L’intensité de l’action

Le modèle TQM utilise diverses méthodes pour renforcer les procédés améliorés. L’objectif est de créer une culture d’entreprise appuyant les efforts concertés du personnel pour améliorer les processus. Les mécanismes de modification des comportements comprennent également des techniques de renforcement et de rétro-information afin de reconnaître et de récompenser une amélioration de la performance.

Les principales conditions favorisant la mise au point de meilleures méthodes de travail sont les suivantes:

L’adoption de ces mesures élève le moral et le degré de satisfaction du personnel, ce qui peut accroître sa détermination à améliorer sa performance en matière de sécurité.

Il convient de noter que le renforcement au niveau du personnel est courant dans le modèle TQM. Toutefois, au lieu de réagir à des comportements particuliers, on félicite les travailleurs pour leur comportement sécuritaire à tous les stades d’un processus, le but étant de les encourager à intérioriser un procédé donnant de meilleurs résultats en matière de sécurité.

Une rétro-information sur les résultats constatés en matière d’amélioration de la sécurité et de la santé est également assurée périodiquement par le biais de réunions ou de bulletins d’information, ainsi que par des enquêtes de suivi. Ces résultats sont présentés sous la forme d’indicateurs de fonctionnement, tels que le nombre de journées de travail perdues du fait d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, le coût de la réparation à cet égard, le nombre de suggestions faites en vue d’améliorer la sécurité et la santé, les niveaux de présence au travail, ou encore des données sur l’attitude des travailleurs vis-à-vis de leur sécurité.

La persistance du comportement

L’efficacité à long terme de l’approche TQM réside dans sa capacité d’instaurer ou d’améliorer de manière durable des méthodes favorisant la sécurité au travail. Cela suppose une modification à la fois des attitudes et des comportements. Pour que les améliorations ne soient pas éphémères, il faut aussi qu’elles soient acceptées au plus profond de la pratique et de la philosophie de la gestion, autrement dit qu’elles deviennent partie intégrante de la culture d’entreprise. C’est pourquoi on n’obtient pas immédiatement de résultats positifs. Par exemple, les entreprises qui utilisent avec succès la TQM font état d’une moyenne de trois ans pour obtenir une amélioration de la qualité.

La preuve qu’il existe un lien entre la TQM et l’amélioration de la performance en matière de sécurité vient de deux sources: les statistiques sur la sécurité dans les entreprises qui ont réussi, grâce à la TQM, à améliorer la qualité de leurs produits et de leurs services, et les méthodes de soutien à la sécurité des entreprises qui ont d’excellents bilans de sécurité. Aux Etats-Unis, sur 14 entreprises récompensées par le Prix Malcolm Baldrige pour l’excellence de leur gestion et de leurs résultats en matière de qualité, 12 avaient de meilleurs chiffres pour ce qui est des journées de travail perdues pour cause d’accident du travail ou de maladie professionnelle que la moyenne dans leur secteur d’activité. Pour onze d’entre elles également, l’adoption des méthodes de la TQM avait contribué à améliorer ces chiffres, et pour trois, elle s’était accompagnée d’une détérioration.

L’efficacité des techniques de la TQM appliquées à la sécurité au travail est également illustrée par le fait que des entreprises membres du Conseil national de la sécurité (National Safety Council (NSC)) ont les meilleurs résultats des Etats-Unis dans le domaine de la sécurité. Elles appliquent des programmes qui mettent l’accent sur une approche «humaniste» de la gestion du personnel, avec moins de discipline, une participation plus active des salariés et une meilleure communication entre les travailleurs et la direction.

Du fait que le modèle TQM met l’accent sur la participation des travailleurs et qu’il leur confie des responsabilités dans la mise en œuvre des améliorations des systèmes et des méthodes en faveur de la sécurité et de la santé, il optimise le potentiel de changement permanent. L’importance qu’il accorde à la formation du personnel pour lui permettre de mieux contribuer à l’amélioration future de la performance en matière de sécurité est également un gage d’efficacité à long terme. Enfin, la TQM considère les travailleurs comme des décideurs actifs qui sont responsables de leur environnement et ne se contentent pas d’y réagir . Ces caractéristiques expliquent pourquoi il est hautement probable que le personnel comme la direction se sentent concernés par les changements apportés à long terme par la TQM.

Comparaison de la GCO et de la TQM

La GCO cherche à réduire les pratiques dangereuses particulières et à améliorer la performance en matière de sécurité par une démarche structurée qui définit des comportements déterminants pour la sécurité, apprend au personnel à reconnaître les pratiques sûres et les pratiques dangereuses, établit un système d’observation des comportements et applique un programme de renforcement et de rétro-information pour suivre l’évolution du comportement du personnel. Parmi ses points forts, il faut citer: l’importance accordée à l’observation des comportements et au mesurage des résultats, ainsi que l’obtention rapide de résultats positifs. Ses points faibles tiennent à sa focalisation des comportements particuliers qui n’ont peut-être pas été intégrés à la nécessité de changer le système de gestion, au recours à un programme de contrôle extérieur pour le maintien des comportements et à l’absence de preuve quant à la durée de ses effets.

La TQM cherche à améliorer les processus qui, dans le système de gestion, influent sur la sécurité et la santé du personnel. Elle met l’accent à la fois sur les changements d’attitude et de comportement et s’appuie sur de nombreux programmes de participation et de formation du personnel pour définir tant les objectifs d’amélioration de la sécurité et de la santé que les moyens de les atteindre. Elle fait appel au renforcement et à la rétro-information pour reconnaître les améliorations des processus et la part que les salariés y ont prise. Ses points forts sont l’importance accordée à la participation des travailleurs et au contrôle interne (qui facilite et renforce les changements d’attitude et de comportement), sa capacité de maintenir les améliorations en matière de sécurité et de santé et son intégration dans l’effort de gestion global de l’entreprise. Pour résumer ses points faibles, on peut dire qu’elle dépend: 1) d’une forte participation de la direction et du personnel qui est longue à se développer et à porter ses fruits; 2) de nouveaux systèmes de mesurage des processus; et 3) de la volonté de la direction d’allouer le temps et les ressources nécessaires à l’obtention de résultats positifs.

Les programmes et les pratiques de promotion de la sécurité

Dans les paragraphes qui suivent, nous examinerons d’abord l’interaction entre les systèmes de rémunération et la sécurité. Les modes de rémunération ont un effet déterminant sur la motivation des salariés en général et, dans le cadre de l’exécution du travail, ils sont susceptibles d’influer sur leurs attitudes et leurs comportements à l’égard de la sécurité. Nous examinerons ensuite les mesures d’incitation, notamment les récompenses financières et non financières, à la lumière du débat sur leur valeur en tant que tactique de promotion de la sécurité, et nous traiterons pour terminer du rôle de la communication et des campagnes de promotion de la sécurité.

Les modes de rémunération et la sécurité

Les modes de rémunération peuvent jouer indirectement un rôle sur la sécurité lorsque des régimes de rémunération au rendement, de participation aux gains ou de primes sont institués pour accroître la production, ou lorsque la rémunération se fait à la pièce. Chacun de ces systèmes peut inciter les travailleurs à éviter les procédures de travail sécuritaires pour gagner davantage. Les modes de rémunération peuvent aussi être directement liés à des considérations de sécurité lorsque des suppléments de salaire sont versés pour des travaux comportant des risques supérieurs à la moyenne.

Les rémunérations au rendement

Une entreprise peut instituer un programme de rémunération au rendement ou de participation aux gains parce qu’elle veut améliorer la productivité, les statistiques de sécurité, les taux de mise au rebut, de réusinage ou de retour, ou d’autres critères de performance, seuls ou en association. De tels programmes peuvent être un moyen de faire connaître au personnel la stratégie et les priorités de la direction. C’est pourquoi les critères de performance que l’entreprise inclut dans son régime de rémunération au rendement sont extrêmement importants. Si la performance en matière de sécurité et les facteurs connexes en font partie, les travailleurs estimeront probablement que la direction y attache de l’importance. S’ils n’en font pas partie, c’est le message inverse qui sera perçu.

Il y a des cas où c’est le rendement qui sert de critère de rémunération incitative pour conduire les salariés à s’accommoder de conditions de travail dangereuses ou à ne pas déclarer les accidents. Certains observateurs ont relevé que ce type d’abus devient de plus en plus fréquent, notamment dans les négociations collectives ou dans le cadre des efforts visant à réduire le montant des prestations de réparation versées au personnel. Il va de soi que cette pratique non seulement n’envoie pas le bon message aux salariés, mais aussi va à l’encontre du but recherché et augmentera en dernière analyse les charges nationales.

Bien que la théorie sur laquelle s’appuie le principe de la rémunération au rendement semble être solide, dans la pratique son influence sur la productivité des travailleurs est loin d’être établie. Les recherches consacrées aux effets des systèmes de rémunération au rendement sur la productivité ont donné des résultats très disparates, ce qui montre qu’une approche simpliste de la planification et de la mise en œuvre de tels systèmes peut poser des problèmes. En revanche, lorsqu’ils sont appliqués correctement, ils peuvent avoir des répercussions très positives sur la productivité, et plus particulièrement sur la production.

Une enquête réalisée aux Etats-Unis sur les effets des programmes de primes sur les accidents et la productivité dans 72 mines n’a guère permis de conclure à un impact significatif en termes d’amélioration de la sécurité ou d’augmentation de la production. Environ 39% de ces programmes incluaient la sécurité dans le calcul des primes, les autres non. Dans l’échantillon étudié, la fréquence de versement des primes était très variable. Le paiement des salaires se faisait normalement sur une base mensuelle, mais dans de nombreux cas les mineurs ne recevaient une prime de productivité qu’une ou deux fois par an, voire moins souvent. L’effet sur la production était alors négligeable et, comme on pouvait s’y attendre, la performance en matière de sécurité ne s’en trouvait pas modifiée. Même dans les mines où des primes de rendement étaient versées plus de 80% du temps, on n’a observé aucun effet négatif significatif sur la sécurité des mineurs (aucune augmentation de la fréquence des taux d’accidents avec arrêt de travail). Les mines qui avaient des programmes de primes monétaires visant uniquement la sécurité n’ont pas enregistré non plus de réduction des taux d’accidents. La plupart retenaient les accidents avec arrêt de travail et les violations des consignes de sécurité comme critères de performance, et elles n’ont pas fait mieux que nombre des programmes basés sur la productivité.

L’impossibilité de trouver une relation nette entre rémunération au rendement et productivité ou sécurité, dans cette enquête, montre combien il est difficile d’appliquer avec succès des programmes de rémunération au rendement. Bien que les augmentations de salaires soient importantes, tous les travailleurs n’y attachent pas la même valeur. De nombreux autres facteurs peuvent aussi influer dans un sens ou dans l’autre sur l’effet de motivation souhaité des incitations monétaires. Souvent, les programmes de rémunération au rendement ou de participation aux gains ne produisent pas les résultats escomptés lorsque les salariés considèrent qu’ils sont injustes. Pour éviter ces situations et renforcer le pouvoir de motivation de ces programmes, on peut notamment:

Le mode de rémunération à la pièce est aussi controversé. C’est peut-être le moyen le plus direct de lier la rémunération aux résultats. Malgré tout, de très nombreuses études décrivent les comportements indésirables auxquels donne lieu ce système, qui est souvent une source de relations conflictuelles entre le salarié et l’employeur pour tout ce qui touche à la productivité: détermination de taux de production, établissement de limites informelles à la production et négociation de systèmes de rémunération à la pièce qui s’écartent des normes. Dans certains cas, la performance peut même baisser même si la rémunération augmente.

Malheureusement, l’existence même des programmes de rémunération à la pièce, qu’ils aient ou non l’effet recherché sous forme d’une augmentation de la productivité, crée une atmosphère qui peut nuire à l’exécution des tâches dans des conditions de sécurité. Ainsi, une analyse du passage d’un mode de rémunération à la pièce à un mode de rémunération au temps dans l’industrie forestière suédoise a montré une diminution de la fréquence et de la gravité des accidents. Après le changement, plusieurs centaines de travailleurs concernés ont été interrogés sur les effets qu’il avait eu sur l’exécution de leur travail. Ils ont cité trois causes principales de réduction des taux d’accident:

L’expérience suédoise n’a été que partiellement corroborée par des recherches antérieures menées en Colombie-Britannique, au Canada. Il n’y avait dans ce cas aucune différence pour ce qui est de la fréquence des accidents, entre les «abatteurs» rémunérés à la pièce et ceux qui l’étaient au temps, mais les accidents étaient plus graves parmi les premiers.

En dernière analyse, les avis restent partagés en ce qui concerne les utilisations et abus potentiels des modes de rémunération au rendement, leur contribution à l’accroissement de la productivité et leurs effets sur la sécurité. En tout état de cause, les études qui leur sont consacrées sont peu nombreuses et les quelques données disponibles ne permettent certainement pas de conclure. Il est clair que l’effet des programmes de rémunération au rendement sur la sécurité dépend de leur contenu, de la modalité de leur mise en œuvre et du contexte dans lequel ils se situent.

Les rémunérations compensatoires

Les économistes ont étudié la question des suppléments de rémunération pour les travaux à haut risque, en vue d’attribuer une valeur économique à la vie humaine et de déterminer si le marché apporte déjà une compensation pour les expositions à des risques élevés. Si tel est le cas, on peut soutenir que les interventions des pouvoirs publics afin de réduire les risques dans ces domaines ne sont pas rentables, puisque les travailleurs reçoivent déjà une compensation pour leur exposition à des risques accrus. Des tentatives ont été faites aux Etats-Unis et au Royaume-Uni pour valider la théorie des salaires compensatoires d’après les estimations disponibles sur la mortalité. Au stade actuel, il semblerait que la validité de cette théorie ait reçu une certaine confirmation au Royaume-Uni, mais pas aux Etats-Unis.

Un autre problème auquel est confrontée cette théorie tient au fait que beaucoup de travailleurs n’ont pas conscience des risques réels inhérents à leurs tâches, notamment des expositions aux maladies professionnelles. D’après des enquêtes menées aux Etats-Unis, des pourcentages importants de travailleurs ignorent qu’ils sont exposés à des conditions de travail dangereuses. En outre, sur le plan psychologique, les individus ont tendance à minimiser l’importance des probabilités très faibles qui sont associées à leur propre mort. De ce fait, même s’ils connaissent les risques réels associés à leur travail, ils sont prêts à les assumer.

Bien que la question des salaires compensatoires pose quelques curieux problèmes théoriques qui ne sont pas encore résolus, le véritable danger d’une structure de salaires compensatoires réside dans sa justification. Le fait pour un employeur de recourir à un supplément de salaire, sous quelque forme que ce soit, pour excuser le maintien d’un programme de sécurité et de santé inférieur à la norme, est une pratique dangereuse et totalement inacceptable.

Les incitations à la sécurité

Une incitation peut être définie comme un motif d’entreprendre une action avec un zèle particulier pour recevoir une récompense. Le recours à des incitations pour motiver les salariés est une pratique très courante dans le monde entier. Néanmoins, la valeur des programmes d’incitation est controversée tant parmi les scientifiques que parmi les praticiens. Les positions vont de la négation qu’il existe un lien quelconque entre les mesures d’incitation et la motivation à l’affirmation que les incitations jouent un rôle déterminant dans le changement des comportements. Entre ces deux extrêmes, il y a ceux qui voient dans les programmes d’incitation des stimulants utiles pour améliorer la productivité et ceux pour qui ils n’encouragent pas les comportements souhaités des travailleurs et donnent des résultats exactement opposés à ceux qui étaient recherchés.

Pour ce qui est de la sécurité et de la santé, les avis sur l’utilité des programmes d’incitation ne sont pas moins partagés. Dans certaines entreprises, par exemple, la direction est réticente à offrir des incitations supplémentaires pour la sécurité parce qu’elle considère qu’elle fait partie intégrante du travail et qu’il n’est pas nécessaire d’insister spécialement sur elle. Selon une autre opinion, des incitations qui visent à améliorer la performance en matière de sécurité réduisent la valeur intrinsèque perçue du bien-être au travail, alors que c’est, au fond, la raison la plus importante pour laquelle on met l’accent sur la sécurité.

A côté des motifs philosophiques de contester la valeur des programmes d’incitation, il faut tenir compte d’autres problèmes lorsqu’on examine leurs mérites ou leur contribution potentielle en tant que moyen de promotion de la sécurité. Il s’agit des problèmes liés aux critères sur lesquels s’appuient les programmes d’incitation, aux possibilités de détournement du programme de la part des employeurs comme des salariés et au maintien de la participation du personnel.

Les critères d’attribution des incitations sont déterminants pour le succès du programme. Certains programmes présentent des lacunes du fait qu’ils sont uniquement liés: 1) à l’accumulation d’un certain nombre de journées sans accident; 2) au taux d’accidents avec arrêt de travail (réduction des indemnités versées aux salariés); et 3) à d’autres mesures en rapport avec les accidents. Les critères liés aux accidents ne sont pas très sensibles. La réussite du programme est mesurée négativement par la réduction du nombre d’événements ou par le fait qu’ils ne se produisent pas. Comme les accidents sont des événements rares, il peut s’écouler un temps relativement long avant qu’on observe des améliorations significatives. De tels indices n’évaluent pas le bilan de sécurité d’une entreprise, mais son bilan déclaré en matière d’accidents, qui peut dépendre de nombreux facteurs sur lesquels les participants au programme d’incitation n’ont pas le moyen d’agir.

Les employeurs comme les salariés peuvent faire un mauvais usage des programmes d’incitation à la sécurité. Les premiers les utilisent parfois en guise de système légitime de gestion de la sécurité et de la santé ou pour remédier à court terme à des insuffisances anciennes dans ce domaine, alors qu’il faudrait un traitement très différent et beaucoup plus fondamental qu’une action de promotion. Chez les seconds, la principale forme d’usage détourné paraît être la non-déclaration d’un accident ou d’un incident par crainte que le groupe ou l’individu en cause soit privé d’une récompense. Ce risque semble accru lorsque ce sont des incitations qui sont en jeu ou que des plans d’incitation financière pour l’amélioration de la performance en matière de sécurité sont intégrés aux contrats de travail ou aux conventions collectives.

La réussite d’un programme d’incitation dépend en grande partie de la nature de la participation des salariés et de leur perception de son équité. Si les objectifs sont trop ambitieux ou que les salariés ne voient pas comment leurs efforts personnels peuvent aider à les atteindre, le programme ne sera pas efficace. En outre, plus la distance est grande entre l’exécution d’un travail selon les règles de sécurité et l’octroi de la récompense, moins l’impact du système d’incitation sera important. Il est difficile de maintenir la motivation des travailleurs avec un programme d’incitation qui ne «rapporte» rien pendant plusieurs mois, voire davantage, et qui, même alors, ne rapporte que si les choses se passent bien pendant toute cette période.

Il est clair que tous ces écueils expliquent en partie pourquoi de nombreuses entreprises hésitent à mettre en œuvre des programmes d’incitation pour promouvoir la sécurité. Il est facile de concevoir un programme qui ne fonctionne pas. De nombreuses données, certaines quasi expérimentales, d’autres non scientifiques, témoignent cependant de la contribution des incitations à la réussite de programmes de sécurité et de santé. Les incitations, les récompenses et les félicitations visant à motiver le personnel à travailler selon les règles de sécurité sont des éléments acceptés du modèle GCO comme du modèle TQM. Dans le premier, les incitations qui visent à renforcer le comportement des salariés sont déterminantes pour la réussite du programme. Dans le second, les récompenses, promotions et autres incitations ont pour objet de reconnaître la contribution des individus à l’amélioration des méthodes. Des journées spéciales et d’autres types d’actions sont également organisées au niveau du groupe, de l’équipe ou de l’entreprise pour célébrer les résultats.

D’une manière générale, on peut considérer que le recours à des incitations a une influence positive sur les attitudes et le comportement des salariés. Lorsque la performance en matière de sécurité et de santé joue un rôle dans la décision d’augmenter un salarié, elle prend une plus grande importance en tant qu’obligation liée à la fonction. Comme on l’a vu, les mesures des taux d’accidents et d’indicateurs connexes posent des problèmes lorsqu’elles constituent les seuls critères d’incitation. En revanche, des mesures positives de la performance en matière de sécurité, à savoir une amélioration des comportements ou des processus, donnent une spécificité à l’action du salarié et offrent l’occasion d’une rétro-information fréquente et d’une distribution d’incitations. Les caractéristiques inhérentes aux programmes d’incitation efficaces semblent apporter une solution à certains des problèmes liés aux critères de performance, à l’usage détourné des programmes et à la nature de la participation du personnel. Bien que la recherche dans ce domaine ait encore beaucoup à faire, il existe suffisamment de données pour guider les entreprises qui souhaitent intégrer des programmes d’incitation à leur système de gestion de la prévention.

Le dévoiement des programmes par les employeurs et les salariés est le plus souvent dicté par les circonstances. La possibilité d’y remédier dépend essentiellement des raisons pour lesquelles on a recours à des programmes d’incitation afin de pallier les insuffisances dans la gestion de la sécurité. Si, pour la direction, la sécurité et la santé des salariés n’ont qu’un faible degré de priorité, les abus de ce genre ont de bonnes chances de durer jusqu’à ce que les circonstances contraignent l’entreprise à changer de politique. En revanche, lorsque la direction a la volonté d’améliorer la situation en matière de sécurité et de santé, la nécessité d’une approche globale pour résoudre les problèmes sera comprise et acceptée, et le rôle de soutien joué par les programmes d’incitation sera reconnu et apprécié. De même, il sera possible de remédier en grande partie au problème de la non-déclaration des accidents par le personnel en modifiant les critères d’attribution des incitations.

Les recherches ont montré que pour maintenir l’intérêt du personnel les récompenses devaient être à la fois fréquentes et liées à l’amélioration des résultats. Pour renforcer le sentiment de participer à un programme d’incitation, il faudrait si possible que le personnel soit associé au choix des objectifs prioritaires à atteindre en matière de sécurité. On doit veiller alors à ce que l’attention portée aux comportements prioritaires ne conduise pas à négliger d’autres fonctions importantes. Il faudrait donner à ceux qui participent au programme des critères précis et des informations claires sur les moyens de bien faire son travail et leur communiquer des rapports d’activité fréquents.

Certaines données établissent également une distinction, du point de vue de l’effet produit, entre les récompenses qui ressortissent à un jugement sur la performance et celles qui témoignent d’une reconnaissance de la compétence. Des études ont montré que les secondes ont plus de force que les premières, sans doute parce que la compétence reconnue («informational reward») est perçue par le travailleur comme dépendant de lui, alors que la récompense sur la base de la performance («controlling reward») est tributaire d’autrui, donc extérieure à soi et non contrôlable.

En résumé, le bon usage des incitations peut aider utilement les entreprises qui les emploient judicieusement. Elles peuvent accroître l’intérêt des salariés pour la sécurité et les inciter à se protéger davantage eux-mêmes.

La communication dans la promotion de la sécurité

Diverses formes de communication sont utilisées pour accroître l’efficacité de toute mesure de promotion de la sécurité. Le processus de communication peut se résumer par la question suivante: «Qui dit quoi, par quel moyen, à qui et avec quel effet?». En conséquence, les programmes de communication comportent généralement une source, un message, un moyen, une cible et des objectifs.

La communication varie en termes de couverture et d’impact. Les affiches, banderoles et autres médias auxquels fait appel la sécurité ont une couverture importante, parce qu’il est facile de les exposer à la vue d’un grand nombre de personnes pendant longtemps. En revanche, on considère généralement que leur impact est faible, parce qu’il y a peu de chances que chaque présentation produise l’effet souhaité. Mais les médias, qui sont des moyens de communication unidirectionnelle, sont particulièrement efficaces lorsqu’il s’agit de sensibiliser le public aux questions de sécurité et de santé et de donner des directives ou de lancer des rappels. Ils peuvent aussi contribuer à faire prendre conscience aux travailleurs que la direction s’intéresse à leur bien-être. En revanche, la communication de personne à personne, ou bidirectionnelle, qu’il s’agisse de discussions de groupe ou de contacts individuels, est limitée pour ce qui est de la couverture, mais peut avoir un impact et conduire à la décision de changer de comportement.

La crédibilité de la source est très importante dans la communication en matière de sécurité et de santé. Ainsi, sur le lieu de travail, la connaissance d’une tâche et des risques qu’elle comporte et le fait de donner un bon exemple contribuent de façon importante à faire des supérieurs des sources crédibles d’informations sur la sécurité et la santé.

En ce qui concerne le contenu de la communication, l’utilisation de la peur est un sujet de recherches et de controverses depuis de nombreuses années. On fait appel à des messages jouant sur la peur pour modifier des attitudes face aux risques inhérents aux comportements dangereux en effrayant le public cible. Le message entreprend ensuite de diminuer la peur qu’il a provoquée en indiquant comment prévenir le danger ou réduire le risque. Pour le lieu de travail, il s’agira de campagnes visant à promouvoir l’utilisation d’un équipement de protection individuelle et, en dehors du lieu de travail, de campagnes antitabac et de campagnes en faveur du port de la ceinture de sécurité en voiture. Le principal argument avancé contre ce type de messages est que les destinataires le bloquent ou le suppriment. De telles réactions risquent de se produire lorsqu’un message très menaçant ne parvient pas à atténuer la peur qu’il a provoquée et que les individus se sentent incapables de faire face au danger, pour des raisons qui tiennent soit à eux-mêmes, soit aux circonstances.

Si l’on utilise des messages jouant sur la peur, on devrait prendre les précautions suivantes:

Enfin, la communication en matière de sécurité et de santé devrait tenir compte des groupes cibles auxquels sont destinés les messages. Les études ont montré, par exemple, que les messages jouant sur la peur avaient plus d’impact sur les nouveaux salariés que sur les anciens, qui peuvent tirer parti de leur expérience pour faire la part des choses. On a constaté aussi que ces messages réussissaient très bien à influencer les salariés qui n’avaient pas de supérieur direct et qui étaient donc censés respecter d’eux-mêmes les règles de sécurité.

Pour aider à définir des cibles et à fixer des objectifs, il est recommandé de faire des enquêtes auprès des salariés afin d’évaluer le niveau de leurs connaissances en matière de sécurité et de santé, leurs attitudes envers les programmes et les pratiques de gestion de la sécurité et le respect des règles et des procédures. Ces évaluations permettent de préciser les priorités en matière d’éducation et de persuasion, et servent de repère pour les évaluations ultérieures de l’efficacité des actions de communication.

Les campagnes de sécurité

On lance généralement des campagnes de sécurité pour attirer l’attention des salariés sur un problème d’accident spécifique et on leur associe souvent un slogan ou un thème particuliers afin de maintenir l’intérêt et la visibilité. On fait appel à des moyens de communication de masse tels que affiches, banderoles, vidéocassettes, brochures et divers autres supports écrits ou oraux. Ces campagnes peuvent avoir pour objectifs d’accroître la sensibilisation, de transmettre des informations et de modifier les attitudes en vue d’induire des changements de comportement.

Les campagnes de sécurité poursuivent le même objectif que les programmes de modification des comportements et autres qui s’efforcent de convaincre les travailleurs, les agents de maîtrise et les cadres d’intégrer la sécurité dans l’exécution des tâches. Elles sont cependant beaucoup moins précises dans la définition des comportements et des résultats à obtenir et moins rigoureuses dans le renforcement de ces comportements. Néanmoins, il s’agit dans l’un et l’autre cas de mettre l’accent sur l’importance des pratiques de travail sûres en espérant qu’elles se transformeront en habitudes.

Malheureusement, peu d’études ont examiné l’efficacité des campagnes de sécurité dans les entreprises. Des cas de réussite sont fréquemment décrits dans les publications sur la sécurité au travail, mais ils sont rarement étayés par des faits convaincants. Des études ont été consacrées aux effets de médias particuliers comme les affiches; elles font état de certains résultats positifs et peuvent servir à orienter la communication dans le cadre de campagnes, mais il n’y a tout simplement pas d’étude significative sur l’efficacité des campagnes de sécurité dans l’industrie. La majorité des informations utiles viennent de la sécurité routière, en particulier des campagnes menées aux Etats-Unis et en Australie.

Parmi les recommandations générales que l’on peut tirer des rapports isolés, de l’étude de l’efficacité des médias et de l’expérience acquise en matière de promotion de la sécurité routière, celles qui suivent sont susceptibles d’accroître l’efficacité de toute campagne de sécurité et méritent une attention particulière:

Les campagnes de sécurité ont pour but d’appuyer les programmes de sécurité totale des entreprises. C’est pourquoi il est généralement préférable de juger leur efficacité en fonction de leur capacité d’atteindre les objectifs auxiliaires définis: maintenir l’intérêt pour la sécurité, exprimer l’intérêt de la direction pour la sécurité du personnel, inciter le personnel à participer aux activités de sécurité, améliorer son moral et lui rappeler les précautions spéciales à prendre.

Les tentatives d’utilisation des critères de réduction des taux d’accidents pour mesurer l’efficacité des campagnes, si elles semblent logiques, sont généralement contrariées par les effets du programme de sécurité en vigueur. En outre, comme les accidents et les lésions sont des événements rares, ce sont des critères relativement sensibles pour l’évaluation des effets de changements particuliers des programmes de sécurité qui traitent des aspects humains ou comportementaux du système de sécurité.

ÉTUDE DE CAS: LES CAMPAGNES NATIONALES DE SÉCURITÉ ET DE SANTÉ AU TRAVAIL EN INDE

K.C. Gupta

Généralités

Cette étude de cas, qui présente un exemple de campagne nationale de sécurité réussie, est basée sur 24 années d’expérience de l’organisation de la campagne annuelle de la journée nationale de la sécurité (National Safety Day, NSD), en Inde. Cette campagne célèbre la création par le gouvernement indien, le 4 mars 1966, au ministère du Travail, du Conseil national pour la sécurité (National Safety Council (NSC)), organisme autonome, apolitique et sans but lucratif, chargé, au niveau national, de créer, de développer et de soutenir un mouvement bénévole en faveur de la sécurité et de la santé au travail. Le Conseil d’administration du NSC comprend des représentants de toutes les organisations patronales et syndicales centrales. Le NSC comptait environ 4 000 membres en avril 1995, appartenant en majorité à l’industrie, mais aussi à d’autres secteurs d’activité. En 1966, il y a eu en Inde une tendance à la hausse des accidents dans les usines, et l’application des règles de sécurité et de santé au travail par les pouvoirs publics n’avait pas suffi à elle seule à l’inverser. C’est pourquoi la création du NSC comme organisme bénévole a été une étape importante. Pendant de nombreuses années, il s’est occupé essentiellement de la sécurité dans l’industrie, mais il a étendu récemment son champ d’action à certains secteurs non industriels et s’intéresse depuis à la sécurité au travail en général. La santé au travail, en revanche, n’en est encore qu’à ses balbutiements en Inde. L’idée de célébrer la date de la fondation du NSC en organisant une campagne nationale de sensibilisation ayant trouvé un écho favorable, la première campagne de la Journée nationale de la sécurité a été lancée en 1972. C’est maintenant un événement annuel et, bien que sa durée ait été portée à une semaine, on continue de parler de campagne de la journée nationale de la sécurité.

Les objectifs

Les objectifs de la NSD, qui ont été maintenus vastes, généraux et souples, sont les suivants:

Ces objectifs s’inscrivent dans un projet plus général qui est de créer et renforcer une culture de sécurité et de santé sur les lieux de travail et de l’intégrer dans la culture de travail. Dans un pays en développement, une telle ambition reste une tâche extrêmement difficile.

La méthodologie et l’approche

La méthodologie et l’approche employées pour lancer et promouvoir la campagne comprenaient initialement deux éléments: 1) l’envoi de lettres aux organisations affiliées au NSC pour leur demander d’organiser la campagne; 2) la fourniture à ces organisations de matériels promotionnels conçus par des professionnels, tels que badges, exemplaires de l’engagement solennel pris à l’occasion de la NSD (voir encadré), banderoles, affiches, autocollants, etc., et des objets promotionnels utilitaires tels que porte-clés, stylos à bille et presse-papiers portant des messages sur la sécurité et la santé au travail. Ces matériels sont conçus, produits et distribués au niveau central par le NSC, et visent:

  1. A faciliter l’organisation de la campagne par les participants en leur évitant de consacrer du temps et de l’argent à concevoir et produire eux-mêmes ces matériels en petites quantités.
  2. A s’assurer que les matériels utilisés pour la campagne soient de qualité professionnelle et comportent des messages attrayants reflétant les problèmes nationaux de sécurité et de santé au travail.
  3. A procurer des recettes pour contribuer à l’autonomie financière du NSC dans ses activités en vue d’atteindre son objectif général de renforcement du mouvement bénévole en faveur de la sécurité et de la santé au travail en Inde.

Engagement solennel à l’occasion de la journée nationale de la sécurité

En ce jour, j’affirme solennellement que je me consacrerai à la cause de la sécurité, de la santé et de la protection de l’environnement et que je ferai de mon mieux pour observer les règles, règlements et procédures en vigueur et adopter des attitudes et des habitudes permettant d’atteindre ces objectifs.

J’ai pleinement conscience que les accidents et les maladies constituent une lourde charge pour l’économie nationale et peuvent être la source d’invalidité, de décès, de dommages corporels et matériels, de détresse sociale et d’une dégradation générale de l’environnement.

Je ferai tout mon possible pour prévenir les accidents du travail et les maladies professionnelles et pour protéger l’environnement, dans mon propre intérêt et dans celui de ma famille, de ma collectivité et de la nation tout entière.

Dans certains Etats, c’est le gouverneur de l’Etat qui fait prendre l’engagement solennel ci-dessus aux ministres et à d’autres hauts fonctionnaires ainsi qu’aux dirigeants et au personnel des entreprises industrielles et au public qui participent à la NSD. Dans les entreprises privées, c’est généralement le chef d’entreprise ou un autre cadre supérieur qui fait prendre à l’ensemble du personnel le même engagement.

D’abord limitée aux membres du NSC, la campagne s’est progressivement élargie. Après une dizaine d’années, la méthodologie et l’approche choisies ont été modifiées suivant les grandes lignes stratégiques suivantes:

  1. Le ministère du Travail de l’Union indienne (Union Ministry of Labour), qui est responsable de la sécurité et de la santé au travail, a été invité à soutenir les efforts déployés par le NSC pour demander aux Etats de l’aider à organiser les célébrations. A cette fin, les ministres du Travail des Etats ont été priés de constituer des comités de campagne au niveau de l’Etat et des districts; ces comités comprendraient des représentants des industries, des travailleurs et des pouvoirs publics concernés, et ils rendraient compte au gouvernement central. Cette aide a permis à la campagne d’acquérir une dimension nationale.
  2. Les chaînes de télévision et les radios publiques ont été invitées par le gouvernement à couvrir la campagne, ce qui a donné à cette dernière une grande visibilité.
  3. Les revues du NSC, de même que les magazines et journaux publiés par les employeurs et les syndicats et la presse nationale et locale, ont joué un plus grand rôle.
  4. La durée de la campagne a été portée à une semaine, et les participants ont été autorisés à commencer et conclure la campagne à la date de leur choix, à condition que la journée du 4 mars (jour de la fondation du NSC) soit incluse. Ce changement a permis de rendre la campagne visible pendant plus longtemps.
  5. Les sections du NSC dans les Etats, de même que ses centres d’action au niveau des districts, ont fait participer activement les gouvernements des Etats et les administrations de district à la campagne sur le terrain.
  6. La campagne s’est développée au fil des années. Les figures 60.8, 60.9 et 60.10 indiquent le nombre de personnes auxquelles un badge a été distribué et les recettes procurées par la vente des matériels de la campagne.

Figure 60.8 Progression de la campagne NSD: nombre de personnes ayant reçu
un badge

Figure 60.8

Figure 60.9 Progression de la campagne NSD: recettes procurées par la vente
de matériels (1972-1982)

Figure 60.9

Figure 60.10 Progression de la campagne NSD: recettes procurées par la vente
de matériels (1983-1995)

Figure 60.10

La participation aux différents niveaux

La participation de toutes les parties prenantes aux niveaux national, des Etats, des districts et des entreprises a été déterminante pour le bon déroulement et le succès de la campagne. Le degré de participation de ces différents acteurs n’a cependant pas été uniforme. En premier lieu, tous n’ont pas commencé à participer à la campagne la même année. Ensuite, ils ont une perception très différente les uns les autres de leur rôle et de leurs besoins. Par exemple, certains gouvernements, notamment ceux des Etats industriels, ont organisé des activités élaborées et très utiles mais, dans certains autres, moins industrialisés, les activités sont restées très modestes. De même, alors que certaines associations professionnelles ont beaucoup soutenu la campagne, d’autres n’y participent pas encore. Les activités menées aux niveaux national, des Etats et des districts ont porté sur des questions générales, alors qu’au niveau des entreprises elles ont été plus détaillées et davantage axées sur les besoins.

Les matériels de la campagne

Les questions et les messages de sécurité et de santé au travail au niveau national sur lesquels doivent porter les matériels produits par le NSC pour la campagne d’une année déterminée sont définis par un groupe restreint de professionnels du NSC, de l’industrie et des syndicats. Les supports visuels pour transmettre les messages d’une façon simple, humoristique et efficace sont conçus par des dessinateurs connus. On a ainsi l’assurance que les matériels utilisés pour la campagne sont originaux, attrayants, intéressants et enracinés dans la culture indienne.

Ces matériels se répartissent en deux grandes catégories: 1) les matériels purement promotionnels employés à des fins de présentation et d’éducation; et 2) les matériels à la fois promotionnels et utilitaires qui, tout en délivrant des messages sur la sécurité et la santé au travail, servent aussi dans la vie de tous les jours. La plupart des objets appartenant à la deuxième catégorie sont destinés à l’usage quotidien des travailleurs et sont relativement peu coûteux, de sorte que les chefs d’entreprise peuvent se les procurer et les distribuer gratuitement à leur personnel. Certains articles sont destinés plus particulièrement aux cadres, afin qu’ils se sentent associés à la campagne. Pour éviter la monotonie, ces objets sont soit modifiés d’une année sur l’autre dans leur style et leur apparence, soit purement et simplement remplacés. Avec le développement de la campagne et l’augmentation de la demande de matériels au fil des années, un certain nombre de producteurs et de fournisseurs privés se sont mis à en proposer après avoir fait leur propre étude de marché. Cette évolution a été la bienvenue. Il existe également des entreprises qui produisent des matériels associés aux thèmes particuliers de leurs propres campagnes axées sur leurs besoins. Un grand nombre d’entre elles organisent des concours parmi leur personnel pour trouver des idées, et elles font connaître les noms des gagnants grâce à leurs matériels de campagne.

Les activités

Au niveau national, les activités de la campagne ont pris la forme de réunions publiques, de colloques, de débats et de discussions, d’appels et d’envois de messages, et de diffusion de films spéciaux sur les questions nationales de sécurité et de santé au travail. La participation du ministre de l’Union et de hauts fonctionnaires du ministère du Travail, du Président et de hauts responsables du NSC, de chefs d’entreprises, de dirigeants syndicaux nationaux et de personnalités éminentes d’institutions, de représentants des ONG et du public, a donné à ces activités l’impact recherché. Les chaînes de télévision et les radios nationales, la presse et d’autres médias imprimés ont également contribué à faire largement connaître ces activités.

Au niveau des Etats, les activités varient de l’un à l’autre, mais elles sont généralement du même type qu’au niveau national. Elles visent à faire connaître les problèmes spécifiques rencontrés par le biais des langues régionales. Depuis quelques années, on observe qu’une importante fonction gouvernementale, à savoir la distribution de prix pour la sécurité, accompagne les célébrations de la campagne, ce dont il faut se féliciter.

Au niveau des entreprises, les activités sont plus pratiques et plus variées. En général, elles sont imaginées par les commissions de sécurité (lorsqu’elles existent, ce qui est obligatoire pour les entreprises à partir d’un effectif minimal de salariés) ou par un groupe de travail spécial mis en place par la direction. Parmi les activités les plus courantes, on peut citer les concours entre salariés ou entre services sur la bonne tenue des locaux, les taux d’accidents les plus faibles, le travail sans accident, les affiches et les slogans sur la sécurité, les suggestions d’amélioration de la sécurité, etc., ainsi que les expositions, parodies, pièces de théâtre, saynètes, chansons, programmes et séminaires de formation, exposés, projections de films, démonstrations pratiques, organisation d’exercices d’urgence, cérémonies, etc. Des experts extérieurs à l’entreprise sont également invités en qualité de conférenciers.

Nous résumons ci-après les activités les plus courantes et les plus importantes qui ont contribué au succès de la campagne au niveau des entreprises:

Ces activités conviennent particulièrement aux campagnes de sécurité et de santé au travail au niveau des entreprises.

Les résultats obtenus

La campagne de la NSD a eu un impact positif sur la tendance des accidents du travail en Inde (censés être déclarés en application de la loi sur les usines). Comme le montre le tableau 60.2, le taux d’incidence des accidents du travail (nombre d’accidents pour 1 000 travailleurs) est tombé de 75,67 en 1971 à 26,54 en 1992 (dernière année pour laquelle des statistiques publiées sont disponibles), soit une réduction d’environ 65%. On notera que cette diminution est due à l’effet combiné sur la sécurité et la santé de la politique gouvernementale, de la législation et de son application, de l’éducation et de la formation, de la promotion, de la modernisation de l’appareil et des procédés industriels, etc., et des campagnes de la NSD.

Tableau 60.2 Nombre d'usines indiennes en activité, emploi moyen estimé par jour,
accidents soumis à déclaration et taux d'incidence de ces accidents

Année

Nombre d’usines en activité

Emploi moyen estimé par jour (en milliers)

Accidents du travail

Taux d’accidents pour 1 000 travailleurs dans les établissements fournissant des statistiques

     

Mortels

Total

Mortels

Total

1971

81 078

5 085

635

325 180

0,15

75,67

1972

86 297

5 349

655

285 912

0,15

63,63

1973

91 055

5 500

666

286 010

0,15

62,58

1974

97 065

5 670

650

249 110

0,14

53,77

1975

104 374

5 771

660

242 352

0,14

50,86

1976

113 216

6 127

831

300 319

0,17

61,54

1977

119 715

6 311

690

316 273

0,14

63,95

1978

126 241

6 540

792

332 195

0,15

68,62

1979

135 173

6 802

829

318 380

0,16

62,19

1980

141 317

7 017

657

316 532

0,14

66,92

1981

149 285

7 240

687

333 572

0,16

76,73

1982(P)

157 598

7 388

549

296 027

0,13

69,10

1983(P)

163 040

7 444

456

213 160

0,13

55,63

1984(P)*

167 541

7 603

824

302 726

0,10

36,72

1985(P)*

175 316

7 691

807

279 126

0,23

58,70

1986(P)

178 749

7 795

924

276 416

0,14

49,31

1987(P)

183 586

7 835

895

236 596

0,14

41,54

1988(P)

188 136

8 153

694

200 258

0,15

41,68

1989(P)

193 258

8 330

706

162 037

0,16

35,11

1990(P)

199 826

8 431

663

128 117

0,21

33,11

1991(P)*

207 980

8 547

486

60 599

0,21

26,20

1992(P)*

207 156

8 618

573

74 195

0,20

26,54

P = provisoire; * = données incomplètes.

Source: Labour Bureau.

Le secteur public de la recherche-développement, qui comprend 40 laboratoires nationaux répartis sur tout le territoire et employant plus de 26 000 personnes, dont plus de 9 000 scientifiques, ne relève d’aucune loi sur la sécurité et la santé au travail. Au cours des dernières années, la direction générale et les différents laboratoires ont commencé à organiser des célébrations de la NSD, créé des cellules de sécurité et entrepris systématiquement d’établir un système rationnel de gestion de la sécurité et de la santé au travail. On a là un exemple concret de l’impact de la campagne de la NSD sur le renforcement du mouvement bénévole en faveur de l’amélioration de la sécurité et de la santé au travail en Inde.

Les organismes responsables des centrales nucléaires, des usines d’eau lourde et des réacteurs de recherche, ainsi que d’autres divisions du Département de l’énergie atomique (Department of Atomic Energy (DAE)) du gouvernement, ont organisé des célébrations pendant la campagne NSD. Ils ont institué des concours entre services et décerné des prix pour les progrès accomplis en matière de sécurité, de santé et de protection de l’environnement. C’est un organisme indépendant qui est chargé, sous le contrôle du DAE, de veiller au respect de la réglementation sur la sécurité et la santé dans les établissements cités ci-dessus et qui ne peuvent toutefois pas être inspectés par les organismes publics de réglementation couvrant d’autres lieux de travail. Les activités menées dans le cadre de la campagne ont permis d’établir des liens entre cet organisme et les organismes extérieurs, ainsi qu’entre le NSC et d’autres institutions, et elles ont en outre facilité la diffusion des informations sur la sécurité et la santé au travail auprès de la population.

Situé sur la côte ouest, le Gujarat est l’un des Etats indiens les plus industrialisés. Il compte 525 établissements industriels grands et moyens qui fabriquent, stockent ou utilisent un ou plusieurs des 38 produits chimiques dangereux. Toutes ces usines ont élaboré et répété des plans d’intervention en cas d’urgence. Dans le cadre de la dernière campagne NSD, chacune d’entre elles a été priée par l’inspecteur en chef des établissements industriels d’assurer une formation pratique à l’utilisation d’appareils de protection respiratoire et d’extincteurs au personnel des services d’urgence de dix petites usines du voisinage. Six personnes (deux par équipe) ont été sélectionnées dans chaque petite entreprise, soit au total 31 500 pour 5 250 entreprises. Cet exemple illustre l’utilité de la campagne NSD, puisqu’elle a permis d’apporter une formation pratique aux interventions d’urgence dans des petites entreprises qui mettent en œuvre des procédés dangereux.

En conclusion, on peut dire que la principale contribution de la campagne NSD est de faire prendre conscience au monde des affaires et de l’entreprise, ainsi qu’à la population, que la sécurité, la santé et la protection de l’environnement constituent une partie intégrante et essentielle de la stratégie de développement durable. Il reste cependant encore beaucoup à faire avant que cette stratégie se traduise davantage dans les faits. Nul doute que la campagne NSD aura un rôle croissant à jouer pour qu’il en soit ainsi.

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