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Chapitre 32 - La déclaration et la surveillance des lésions professionnelles

LES SYSTÈMES DE SURVEILLANCE ET DE DÉCLARATION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

Steven B. Markowitz

La surveillance des maladies professionnelles et des accidents du travail appelle le contrôle systématique des problèmes de santé dans la population active, afin de prévenir et de maîtriser les risques professionnels, ainsi que les maladies et les accidents qui en résultent. Cette surveillance comporte quatre étapes essentielles (Baker, Melius et Millar, 1988; Baker, 1986):

  1. recueillir des informations sur les cas de maladies et d’accidents du travail;
  2. analyser les données;
  3. diffuser des données structurées dans les milieux intéressés: travailleurs, syndicats, employeurs, pouvoirs publics et population;
  4. intervenir en fonction des données recueillies, afin de modifier les facteurs responsables de ces problèmes de santé.

Pour employer une formule concise, on peut dire que la surveillance de la santé au travail consiste à dénombrer, à évaluer et à agir (Landrigan, 1989).

Le concept de surveillance se rapporte généralement à deux grands ensembles d’activités relatives à la santé au travail. La surveillance de la santé publique aux Etats-Unis renvoie aux activités entreprises par les autorités locales, celles des Etats ou celles du gouvernement fédéral, selon leurs compétences respectives, afin de prévenir et de suivre les maladies professionnelles et les accidents du travail. Ce type de surveillance porte sur une population exerçant une activité professionnelle, c’est-à-dire sur les travailleurs. Les cas de maladie ou d’accident enregistrés sont ceux dont l’origine professionnelle a été établie ou est présumée telle. Nous examinerons ici quelles sont ces activités.

La surveillance médicale se rapporte aux tests et examens médicaux auxquels sont soumis les travailleurs susceptibles d’être exposés à un risque de morbidité professionnelle, afin de mettre en évidence une maladie éventuelle. La surveillance médicale a généralement une large portée et constitue la première étape dans le dépistage d’un problème de santé lié au travail. Si une personne ou une population est exposée à un agent toxique dont les effets sont connus, et si l’objectif premier des examens et des tests est de déceler chez ces individus la présence probable d’un ou de plusieurs de ces effets, cette activité de surveillance est alors plus correctement qualifiée de dépistage médical (Halperin et Frazier, 1985). Un programme de surveillance médicale comprend des examens et des tests effectués chez un groupe de travailleurs exposés au même risque, en vue d’identifier les individus susceptibles d’être atteints de maladie professionnelle et de déceler les symptômes des maladies résultant d’expositions professionnelles parmi les participants au programme. Un tel programme est généralement entrepris à la demande de l’employeur, du syndicat ou du salarié.

Les fonctions d’une surveillance de la santé au travail

La fonction première d’une surveillance de la santé au travail est de déterminer l’incidence et la prévalence des maladies pro-fessionnelles connues et des accidents du travail déclarés. Une collecte précise et complète des données épidémiologiques descriptives y relatives constitue la condition préalable essentielle à l’établissement d’une démarche rationnelle de prévention des maladies professionnelles et des accidents du travail. L’évaluation de la nature, de l’ampleur et de la répartition de ces lésions dans une zone géographique quelconque exige une base de données épidémiologiques solide. Seule une évaluation épidémiologique de l’étendue de la maladie professionnelle peut raisonnablement déterminer son importance par rapport à d’autres problèmes de santé publique, les moyens financiers nécessaires pour y remédier et l’urgence d’une réglementation. En outre, la collecte de données sur l’incidence et la prévalence permet d’analyser les tendances des maladies professionnelles et des accidents du travail dans différents groupes, en différents endroits et au cours de périodes différentes. La détection de ces tendances sert à établir un ordre de priorité et des stratégies en matière de lutte et de recherche, ainsi qu’à évaluer l’efficacité des actions entreprises (Baker, Melius et Millar, 1988).

La deuxième grande fonction d’une surveillance de la santé au travail est d’identifier les cas individuels de maladies professionnelles et d’accidents du travail, afin de découvrir et d’examiner d’autres individus, sur le même lieu de travail, susceptibles d’être exposés à des lésions du même ordre. Ce procédé permet également de mettre en place des activités de contrôle destinées à faire diminuer les risques associés aux cas initiaux identifiés (Baker, Melius et Millar, 1988; Baker, Honchar et Fine, 1989). Par «cas initial» d’une maladie professionnelle ou d’un accident de travail, on entend le premier individu malade ou blessé sur un lieu de travail donné qui a reçu des soins médicaux et, par conséquent, a attiré l’attention sur l’existence d’un risque professionnel et d’une nouvelle population qui y est exposée. L’identification d’un cas vise aussi à s’assurer que la victime bénéficie d’un suivi clinique approprié, point d’autant plus important que le nombre de médecins du travail est faible (Markowitz et coll., 1989; Castorino et Rosenstock, 1992).

Enfin, la surveillance de la santé au travail est un moyen important pour mettre en évidence de nouvelles associations entre les facteurs professionnels et les maladies qui en résultent, étant donné que l’on ignore la toxicité potentielle de la plupart des produits chimiques utilisés sur le lieu de travail. Grâce à la surveillance du milieu de travail, la découverte de maladies rares, de concentrations de cas de maladies banales ou d’associations suspectes exposition-maladie peut apporter des indices essentiels pour une meilleure évaluation scientifique du problème et la reconnaissance éventuelle de nouvelles maladies professionnelles.

Les obstacles à la reconnaissance des maladies professionnelles

Plusieurs facteurs importants entravent la capacité qu’ont les systèmes de surveillance et de déclaration des maladies professionnelles de remplir les fonctions susmentionnées. Tout d’abord, la détermination de la cause ou des causes sous-jacentes de toute maladie est la condition sine qua non de l’enregistrement et de la déclaration des maladies professionnelles. Cependant, dans un modèle médical traditionnel privilégiant le diagnostic et les soins, l’identification et la suppression des causes de la maladie peuvent ne pas constituer une priorité. De plus, les prestataires de soins n’ont bien souvent pas la formation nécessaire pour soupçonner que le travail est à l’origine de la maladie (Rosenstock, 1981) et n’interrogent pas systématiquement leurs patients sur leurs antécédents professionnels (Institute of Medicine, 1988). Cette constatation n’a rien de surprenant étant donné que, aux Etats-Unis, l’étudiant en médecine type ne suit que six heures de formation en médecine du travail pendant ses quatre années d’études (Burstein et Levy, 1994).

Certaines caractéristiques des maladies professionnelles en contrarient la mise en évidence. A quelques exceptions près — plus précisément, l’angiosarcome du foie, le mésothéliome malin et les pneumoconioses —, la plupart des maladies susceptibles d’être liées à des expositions professionnelles ont également des causes non professionnelles. Cette non-spécificité rend difficile l’établissement de la contribution professionnelle à l’apparition de la maladie. En effet, l’interaction des expositions professionnelles avec d’autres facteurs de risque peut faire augmenter considérablement le risque d’apparition de la maladie; c’est le cas de l’exposition à l’amiante et du tabagisme. Les maladies professionnelles chroniques, comme le cancer et les affections respiratoires chroniques, présentent toujours une longue période de latence entre le début de l’exposition professionnelle et l’apparition des signes cliniques. Ainsi, le mésothéliome malin a généralement un temps de latence de 35 ans, voire plus. Le médecin soupçonne d’autant moins une éventuelle étiologie professionnelle qu’un travailleur atteint de cette affection peut très bien avoir pris sa retraite.

Le fait que l’évaluation de la toxicité potentielle de la plupart des produits chimiques du commerce n’a jamais été effectuée est également à l’origine de la considérable sous-estimation de l’importance des maladies professionnelles. Une étude conduite par le Conseil national de la recherche (National Research Council (NRC)) aux Etats-Unis dans les années quatre-vingt a révélé l’absence d’informations sur la toxicité d’environ 80% des 60 000 substances chimiques utilisées dans le commerce. Même dans le groupe de substances les plus strictement réglementées et sur lesquelles on détient le plus d’informations — médicaments et additifs alimentaires —, on ne dispose de renseignements assez complets sur des effets nocifs éventuels que pour une minorité de produits (NRC, 1984).

Les travailleurs ont parfois de la peine à dresser un inventaire précis des produits toxiques auxquels ils ont été exposés. Malgré quelques progrès réalisés dans certains pays tels que les Etats-Unis dans les années quatre-vingt, nombreux sont les travailleurs qui ne sont pas informés de la nature dangereuse des matières avec lesquelles ils travaillent. Même si ces informations sont fournies, il peut être difficile de se rappeler l’importance des expositions à de multiples agents dans différents emplois au cours d’une vie professionnelle. Par conséquent, même les prestataires de soins qui s’efforcent d’obtenir de leurs patients des informations sur leurs antécédents professionnels voient parfois leurs tentatives échouer.

Les employeurs peuvent constituer une excellente source d’informations relatives aux expositions professionnelles et à l’apparition de maladies associées au travail. Cependant, évaluer l’importance des expositions sur le lieu de travail ou déterminer si une maladie est liée à la profession n’est pas toujours de la compétence d’un grand nombre d’employeurs. En outre, la recherche ou la découverte de l’origine professionnelle d’une maladie entraîne des dépenses qui peuvent décourager les employeurs d’utiliser correctement ces informations. Les intérêts potentiellement divergents de la santé financière de l’entreprise et de la santé physique et mentale du travailleur représentent un obstacle majeur à l’optimisation de la surveillance des maladies professionnelles.

Les registres et autres sources de données spécifiques sur les maladies professionnelles

Les registres internationaux

Les registres internationaux de maladies professionnelles constituent un développement très intéressant de la santé au travail. Ils présentent un avantage manifeste, la possibilité de conduire d’importantes études qui pourraient permettre d’établir le risque de maladies rares. Deux registres similaires de maladies professionnelles ont été crées dans les années quatre-vingt.

Le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) a établi le registre international des personnes exposées aux contaminants et aux herbicides phénoxy en 1984 (CIRC, 1990). En 1990, le registre comptait 18 972 travailleurs provenant de 19 cohortes de 10 pays différents. Par définition, toutes les personnes enregistrées travaillaient dans des industries liées aux herbicides phénoxy ou aux chlorophénols, voire aux deux, notamment dans les industries de production ou de transformation, ou utilisaient ces produits. Les expositions des cohortes participantes ont été évaluées (Kauppinen et coll., 1993), mais les analyses de la mortalité et de l’incidence du cancer n’ont pas encore été publiées.

Un registre international des cas d’angiosarcome hépatique est actuellement tenu par Bennett, de ICI Chemicals and Polymers Limited, au Royaume-Uni. L’exposition professionnelle au chlorure de vinyle en constitue l’unique étiologie connue. Les cas sont rapportés par un groupe de scientifiques bénévoles travaillant dans des entreprises fabriquant du chlorure de vinyle, des institutions gouvernementales et des universités. En 1990, le registre recensait 157 cas d’angiosarcome hépatique, diagnostiqués entre 1951 et 1990 dans 11 pays ou régions. Le tableau 32.1 montre également que la plupart des cas enregistrés proviennent de pays où la production de poly(chlorure de vinyle) a commencé avant 1950. Ce registre a recensé 6 groupes de 10 cas au moins d’angiosarcomes hépatiques chez des travailleurs dans des entreprises d’Amérique du Nord ou d’Europe (Bennett, 1990).

Tableau 32.1 Nombre de cas d'angiosarcome du foie recensés dans le registre mondial, ventilés
par pays et par première année de production de chlorure de vinyle

Pays/région

Nombre d’usines produisant du PVC

Première année de production du PVC

Nombre de cas d’angiosarcome hépatique

Etats-Unis

 50

(1939?)

 39

Canada

  5

(1943)

 13

République fédérale d’Allemagne

 10

(1931)

 37

France

  8

(1939)

 28

Royaume-Uni

  7

(1940)

 16

Autres pays occidentaux

 28

(1938)

 15

Europe de l’Est

 23

(avant 1939)

  6

Japon

 36

(1950)

  3

Amérique centrale et du Sud

 22

(1953)

  0

Australie

  3

(1950-1960)

  0

Moyen-Orient

  1

(1987)

  0

Total

193

 

157

Source: Bennett, B.: World Register of Cases of Angiosarcoma of the Liver (ASL) due to Vinyl Chloride Monomer, 1990.

Les enquêtes gouvernementales

Les employeurs sont parfois tenus par la loi de déclarer les maladies professionnelles et les accidents du travail qui surviennent dans leur entreprise. Comme toutes les autres informations relatives au lieu de travail — nombre de salariés, salaires, heures supplémentaires, etc. —, les données relatives aux maladies et aux accidents peuvent être systématiquement recueillies par les institutions gouvernementales afin de surveiller la santé au travail.

Aux Etats-Unis, le Bureau des statistiques du travail (Bureau of Labor Statistics (BLS)) du ministère du Travail effectue, depuis 1972, une enquête annuelle des maladies professionnelles et des accidents du travail (sous le titre anglais de Survey of Occupational Injuries and Illnesses), aux termes de la loi sur la sécurité et la santé au travail (BLS, 1993b). L’objectif est de recueillir le nombre et de calculer le taux de maladies et d’accidents déclarés par les employeurs privés comme ayant une origine professionnelle (BLS, 1986). Cette enquête annuelle exclut les exploitations agricoles employant moins de 11 salariés, les travailleurs indépendants et les fonctionnaires des administrations locales, du gouvernement des Etats et du gouvernement fédéral. L’enquête de 1992 présente les données recueillies par questionnaire auprès d’un échantillonnage aléatoire stratifié d’environ 250 000 établissements du secteur privé aux Etats-Unis (BLS, 1994).

Le questionnaire de l’enquête du BLS rempli par l’employeur est tiré d’un registre des maladies professionnelles et des accidents du travail que les employeurs sont tenus de mettre à jour par l’Administration de la sécurité et de la santé au travail (Occupational Safety and Health Administration (OSHA)) (registre 200 de l’OSHA). Bien que cet organisme exige que l’employeur soit en mesure de présenter ce registre sur demande de ses inspecteurs en cas de contrôle, cela ne signifie pas que les employeurs soient tenus de rendre automatiquement compte du contenu du registre à l’OSHA, sauf s’ils font partie de l’échantillon d’employeurs participant à ladite enquête (BLS, 1986).

En raison de quelques lacunes bien connues, l’enquête du BLS ne peut fournir un décompte complet et précis des maladies professionnelles aux Etats-Unis (Pollack et Keimig, 1987). Comme les données sont fournies par les employeurs, toute maladie dont le salarié ne signale pas à l’employeur l’origine professionnelle ne sera pas déclarée dans l’enquête annuelle. Dans la population active, cette omission peut être due à la peur d’éventuelles conséquences fâcheuses pour le travailleur. Un autre obstacle majeur à la déclaration tient au fait que le médecin traitant peut ne pas diagnostiquer le caractère professionnel d’une maladie, notamment dans le cas des maladies chroniques. Les maladies professionnelles survenant chez les travailleurs retraités ne sont pas soumises à l’obligation de déclaration du BLS. En effet, il est peu probable que l’employeur soit informé de l’apparition d’une maladie associée au travail chez un retraité. Etant donné qu’un grand nombre de cas de maladies professionnelles chroniques, y compris le cancer et les affections pulmonaires, présentent un long temps de latence et risquent d’apparaître après le départ en retraite, un grand nombre de ces cas ne figure pas dans les données recueillies par le BLS. Ce dernier a reconnu ces lacunes dans un récent rapport sur son enquête annuelle (BLS, 1993a). En réponse aux recommandations de l’Académie nationale des sciences (National Academy of Sciences (NAS)), il a repensé la conception générale de son enquête et en a lancé une nouvelle en 1992.

Selon l’enquête de 1992, 457 400 maladies professionnelles étaient recensées dans le secteur privé aux Etats-Unis (BLS, 1994), soit une augmentation de 24% ou de 89 100 cas par rapport aux 368 300 maladies enregistrées dans l’enquête annuelle de 1991. L’incidence des nouvelles maladies professionnelles était de 60,0 pour 10 000 travailleurs en 1992.

Les troubles associés à un traumatisme répétitif, tels que le syndrome du canal carpien, la tendinite du poignet et du coude et le déficit auditif, occupent une place prépondérante dans les maladies professionnelles enregistrées dans l’enquête annuelle du BLS, et ce, depuis 1987 (voir tableau 32.2). En 1992, ils représentaient 62% de la totalité des cas de maladies enregistrés dans l’enquête annuelle. Les affections cutanées et pulmonaires et les troubles associés à un traumatisme physique forment d’autres catégories importantes de maladies.

Tableau 32.2 Nombre de nouveaux cas de maladies professionnelles, ventilés par catégorie
de maladie — Enquête annuelle du Bureau des statistiques du travail (Bureau of
Labour Statistics (BLS)) des Etats-Unis, 1986 et 1992

Catégorie de maladie

1986

1992

Variation en %
1986-1992

Maladies cutanées

    41 900

    62 900

+ 50,1%

Maladies pulmonaires liées à l’inhalation de poussières

     3 200

     2 800

– 12,5%

Affections respiratoires dues aux agents toxiques

    12 300

    23 500

+ 91,1%

Intoxications

     4 300

     7 000

+ 62,8%

Troubles dus aux agents physiques

     9 200

    22 200

+141,3%

Troubles associés à un traumatisme répété

    45 500

   281 800

+519,3%

Toutes les autres maladies professionnelles

    20 400

    57 300

+180,9%

Total

   136 900

   457 400

+234,4%

Total sans les troubles associés à un traumatisme répété

    91 300

   175 600

+ 92,3%

Nombre annuel moyen d’emplois dans le secteur privé

83 291 200

 90 459 600

+ 8,7%

Sources: Bureau of Labor Statistics (BLS): Occupational Injuries and Illnesses in the United States by Industry, 1991, 1993a; US Department of Labor (USDL), Bureau of Labor Statistics (BLS), données non publiées, 1994.

Bien que les troubles associés à un traumatisme répété soient en grande partie responsables de l’augmentation des cas de maladies professionnelles, on note également une hausse de 50% de l’incidence des maladies professionnelles enregistrées dues à d’autres causes entre 1986 et 1992, période au cours de laquelle l’emploi a augmenté de 8,7% aux Etats-Unis.

L’augmentation du nombre et du pourcentage de maladies professionnelles déclarées par les employeurs et notifiées au BLS ces dernières années aux Etats-Unis est considérable. Cette évolution rapide est la conséquence de changements dans l’apparition de la maladie et dans la détermination et la déclaration de ces affections. Par comparaison, au cours de la même période 1986-1991, le pourcentage d’accidents du travail enregistrés par le BLS pour 100 travailleurs à temps plein est passé de 7,7 en 1986 à 7,9 en 1991, soit une augmentation de 2,6%. Le nombre d’accidents mortels enregistrés sur le lieu de travail n’a pas non plus augmenté sensiblement au cours de la première moitié des années quatre-vingt-dix.

La surveillance prise en charge par l’employeur

En plus de l’enquête conduite par le BLS, un grand nombre d’employeurs nord-américains se chargent du contrôle médical de leurs salariés et fournissent par conséquent une grande quantité d’informations utiles à la surveillance des maladies professionnelles. Ces programmes de surveillance sont entrepris pour de nombreuses raisons: respecter les dispositions de l’OSHA; conserver un personnel en bonne santé grâce au diagnostic et au traitement des maladies non professionnelles; s’assurer que le travailleur est apte à exécuter les tâches qui lui incombent, par exemple lorsqu’il est appelé à porter un masque de protection respiratoire; mener une surveillance épidémiologique pour mettre en évidence des relations entre types d’exposition et maladies. Ces activités exigent des ressources considérables et pourraient contribuer utilement à la surveillance des maladies professionnelles relevant de la santé publique. Cependant, ces données ne sont pas uniformes, leur qualité est incertaine et elles sont largement inaccessibles à l’extérieur des entreprises où elles sont recueillies: aussi leur exploitation pour la surveillance de la santé au travail a-t-elle été très limitée (Baker, Melius et Millar, 1988).

L’OSHA exige également que les employeurs mettent en place une surveillance médicale spéciale pour les travailleurs exposés à un nombre restreint d’agents toxiques. En outre, pour 14 agents cancérogènes de la vessie et du poumon bien identifiés, l’OSHA demande un examen clinique, ainsi qu’une anamnèse professionnelle et médicale. Les données recueillies conformément aux présentes dispositions de l’OSHA ne sont pas automatiquement notifiées aux institutions gouvernementales ou à d’autres banques de données centralisées et ne sont pas accessibles aux fins des systèmes de déclaration des maladies professionnelles.

La surveillance des salariés du secteur public

Les systèmes de déclaration des maladies professionnelles des salariés du secteur public peuvent différer de ceux du secteur privé. Aux Etats-Unis, par exemple, l’enquête annuelle des maladies professionnelles et des accidents du travail conduite par le ministère du Travail (enquête annuelle du BLS) exclut les salariés du secteur public qui représentaient pourtant environ 17% (18,4 millions de travailleurs) de l’ensemble de la population active américaine en 1991. Plus des trois quarts de ces travailleurs sont employés par une administration locale ou par le gouvernement d’un Etat.

Aux Etats-Unis, les données relatives aux maladies professionnelles des fonctionnaires fédéraux sont recueillies par le Programme de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles des fonctionnaires fédéraux. En 1993, 15 500 cas de maladies professionnelles ont été recensés dans cette catégorie, ce qui correspond à un taux de 51,7 cas de maladies professionnelles pour 10 000 travailleurs à temps plein (Slighter, 1994). Les taux et le nombre des maladies professionnelles ne sont disponibles que dans certains Etats et administrations locales. Une étude conduite chez les fonctionnaires des administrations locales et du gouvernement de l’Etat du New Jersey, Etat fortement industrialisé, recensait 1 700 maladies professionnelles en 1990, soit une incidence de 50 pour 10 000 travailleurs du secteur public (Roche, 1993). Relevons que les taux des maladies professionnelles chez les employés fédéraux ou non correspondent exactement à ceux des mêmes maladies chez les travailleurs du secteur privé enregistrés dans l’enquête annuelle du BLS. Comme secteur privé et secteur public ne demandent pas le même type de travail, la répartition des maladies par catégorie y est différente.

Les dossiers de demandes de réparation des maladies professionnelles et des accidents du travail

Les systèmes de réparation des maladies professionnelles et des accidents du travail constituent a priori un outil de surveillance intéressant pour la santé au travail, car on peut penser que le caractère professionnel d’une maladie a été établi par un expert. Les affections aiguës dont l’étiologie est facilement reconnaissable sont fréquemment enregistrées par les régimes de réparation. Les intoxications, l’inhalation massive de toxiques respiratoires et les dermatoses en sont quelques exemples.

Malheureusement, l’usage qui peut être fait des dossiers des systèmes de réparation pour obtenir des données de surveillance fiables est très limité en raison de la non-normalisation des demandes, de l’absence de définition standard des cas, des obstacles qui dissuadent les travailleurs et les employeurs de déposer une demande de réparation, en raison aussi du manque d’aptitude des médecins à diagnostiquer les maladies professionnelles chroniques comportant de longues périodes de latence, ou encore à cause du laps de temps de plusieurs années qui peut s’écouler entre le dépôt initial d’une demande de réparation et son règlement. Tous ces obstacles font que l’on assiste à une déclaration des maladies professionnelles auprès des régimes de réparation qui est inférieure à la réalité.

Ainsi, selon une étude conduite par Selikoff au début des années quatre-vingt, moins d’un tiers des travailleurs nord-américains du secteur de l’isolation atteints de maladies dues à l’amiante, dont l’asbestose et le cancer, entraînant une incapacité de travail, avaient déposé une demande de réparation pour maladie professionnelle; un nombre encore inférieur à ce tiers, pourtant déjà faible, avait obtenu réparation (Selikoff, 1982). De même, une étude conduite par le ministère du Travail des Etats-Unis chez les travailleurs ayant déclaré une incapacité de travail consécutive à une maladie professionnelle a montré que moins de 5% de ces travailleurs avaient obtenu réparation (USDOL, 1980). Une étude plus récente réalisée dans l’Etat de New York a montré que le nombre de sujets hospitalisés pour une pneumoconiose est bien supérieur au nombre de sujets indemnisés pour ce type de pathologie au cours de la même période (Markowitz et coll., 1989). Comme les systèmes de réparation enregistrent beaucoup plus facilement les problèmes de santé simples, du type dermatoses ou lésions musculo-squelettiques, et que les maladies complexes ont un long temps de latence, l’utilisation de ces données conduit à des conclusions erronées sur l’incidence et la distribution réelles des maladies professionnelles.

Les dossiers des laboratoires

Les laboratoires d’analyses médicales peuvent constituer une excellente source d’informations sur les concentrations excessives de certaines substances toxiques présentes dans les liquides biologiques. Leurs avantages sont la déclaration en temps opportun, les programmes de contrôle de qualité déjà en place et la conformité aux normes dépendant de l’agrément de ces laboratoires par les autorités publiques. Aux Etats-Unis, un grand nombre d’Etats exigent en effet que les laboratoires d’analyses médicales communiquent à leur administration de la santé les résultats des tests à un certain nombre d’agents toxiques professionnels dont le plomb, l’arsenic, le cadmium et le mercure, ainsi que les substances qui révèlent une exposition aux pesticides (Markowitz, 1992).

Aux Etats-Unis, l’Institut national de la sécurité et de la santé au travail (National Institute for Occupational Safety and Health (NIOSH)) a commencé à collecter, en 1992, les résultats des tests de plombémie dans la population adulte au titre du programme de surveillance et d’épidémiologie de la toxicité du plomb dans le sang (Chowdhury, Fowler et Mycroft, 1994). Vers la fin de l’année 1993, vingt Etats, représentant 60% de la population des Etats-Unis, ont communiqué au NIOSH des taux élevés de plombémie et dix autres Etats ont mis au point un système de collecte et de déclaration des résultats des tests de plombémie. En 1993, 11 240 adultes présentaient une plombémie supérieure ou égale à 25 µg/dl de sang dans les vingt Etats susmentionnés. La grande majorité des sujets qui avaient des niveaux élevés de saturnisme (plus de 90%) étaient exposés au plomb sur leur lieu de travail. Le niveau de plombémie de plus d’un quart de ces sujets (3 199) était supérieur ou égal à 40 µg/dl, seuil à partir duquel l’OSHA exige que des mesures soient prises pour protéger les travailleurs contre une exposition au plomb.

La déclaration de niveaux élevés d’agents toxiques à l’administration de la santé de chaque Etat peut déboucher sur une enquête de santé publique. Des entretiens confidentiels sont alors conduits avec les sujets affectés pour pouvoir identifier en temps opportun les lieux de travail où l’exposition a eu lieu, le classement des cas par catégories selon la profession et la branche, l’estimation du nombre d’autres travailleurs susceptibles d’être exposés au plomb sur le lieu de travail, et pour garantir un suivi médical (Baser et Marion, 1990). Des visites sur le lieu de travail sont organisées, suivies de recommandations sur les mesures à prendre laissées à la discrétion des entreprises pour réduire la durée d’exposition. Ces visites peuvent aussi amener à informer les autorités habilitées à faire appliquer la loi.

Les déclarations des médecins

Cherchant à reprendre la stratégie utilisée avec succès pour la surveillance et la prévention des maladies infectieuses, un nombre croissant d’Etats, aux Etats-Unis, demandent aux médecins de déclarer une ou plusieurs maladies professionnelles (Freund et coll., 1989). Depuis 1988, 32 Etats exigent la déclaration des maladies professionnelles: il est à noter cependant que, dans 10 de ces Etats, une seule maladie professionnelle, en l’occurrence le plus souvent les intoxications par le plomb ou par les pesticides, est soumise à déclaration. Dans d’autres Etats, comme l’Alaska et le Maryland, toutes les maladies professionnelles doivent être déclarées. Dans la plupart des Etats, ces déclarations ont pour seule fin de comptabiliser le nombre de sujets atteints de maladie. La déclaration d’un cas de maladie professionnelle conduit à des activités de suivi, telle l’inspection du lieu de travail, mais dans un tiers seulement des Etats exigeant la déclaration des maladies (Muldoon et coll., 1987).

Bien qu’elle fasse depuis peu l’objet d’un intérêt croissant, il est communément admis que la déclaration des maladies professionnelles par les médecins aux autorités compétentes des Etats reste très au-dessous de la réalité (Pollack et Keimig, 1987; Wegman et Froines, 1985). Même en Californie, où un système de déclaration par les médecins praticiens existe depuis un certain nombre d’années (c’est dans cet Etat qu’a été établie la première déclaration de maladie professionnelle et d’accident du travail par un médecin) et où presque 50 000 maladies professionnelles ont fait l’objet d’une déclaration en 1988, le respect de cette obligation de déclaration par les médecins est jugé insuffisant (BLS, 1989).

L’émergence du concept d’un «relais sentinelle», selon une initiative menée par le NIOSH, le Système de déclaration des événements sentinelles en matière de risques professionnels (Sentinel Event Notification System for Occupational Risks (SENSOR)) est une innovation prometteuse pour la surveillance de la santé au travail aux Etats-Unis. Un relais sentinelle est un établissement, un médecin ou tout autre prestataire de soins susceptible d’apporter, du fait de sa spécialité ou de sa situation géographique, les soins nécessaires aux travailleurs atteints d’affections d’origine professionnelle. Etant donné que les relais sentinelles représentent un petit sous-groupe de l’ensemble des prestataires de soins, on peut penser que les services de santé sont en mesure de mettre en place un système efficace de déclaration des maladies professionnelles en réalisant des interventions médico-sociales de proximité, en proposant des formations et en fournissant en temps utile des informations en retour à ces relais. Dans un récent rapport communiqué par trois Etats participant au programme SENSOR, les cas d’asthme professionnel déclarés par les médecins ont brusquement augmenté après la mise sur pied, par le département de la santé de chaque Etat, de programmes concertés d’interventions médico-sociales et de formation destinés à identifier et à recruter des relais sentinelles (Matte et coll., 1990).

Les centres de soins spécialisés en médecine du travail

L’établissement de centres de soins spécialisés en médecine du travail, indépendants du lieu de travail et spécialisés dans le diagnostic et le traitement des maladies professionnelles, constitue une nouvelle ressource en voie de développement pour la surveillance de la santé au travail. Il existe actuellement des dizaines d’établissements de ce type aux Etats-Unis. Ces centres peuvent contribuer à optimiser la surveillance de la santé au travail (Welch, 1989). Premièrement, ils peuvent jouer un rôle primordial dans la reconnaissance des affections sentinelles d’origine professionnelle, étant donné qu’ils représentent une source de compétences exceptionnelle et bien organisée en médecine du travail clinique. Deuxièmement, ils peuvent servir de laboratoires pour l’élaboration et le perfectionnement des définitions des cas de maladies professionnelles. Troisièmement, ils peuvent faire office d’établissements médicaux de première orientation pour le diagnostic et l’évaluation des travailleurs employés sur un lieu de travail où un cas initial de maladie professionnelle a été constaté.

Aux Etats-Unis, les centres de soins spécialisés en médecine du travail se sont regroupés en association nationale (Association of Occupational and Environmental Clinics) afin de se faire mieux connaître de la population et de collaborer à des études cliniques et à des travaux de recherche (Welch, 1989). Dans certains Etats, tel celui de New York, un réseau de centres de soins a été mis en place sur l’ensemble du territoire par le département de la santé de cet Etat. Il bénéficie d’un financement stable grâce à une surtaxe sur les primes versées aux régimes de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles (Markowitz et coll., 1989). Les centres de soins de l’Etat de New York ont collaboré à l’élaboration de systèmes d’information, de protocoles cliniques et d’actions de formation professionnelle. Ils commencent actuellement à produire des données substantielles sur le nombre de cas de maladies professionnelles dans l’Etat.

L’utilisation des statistiques de l’état civil et d’autres données sur la santé

Les certificats de décès

Les certificats de décès sont des instruments potentiellement très utiles pour la surveillance des maladies professionnelles dans un grand nombre de pays. La plupart tiennent des registres d’état civil et, qui plus est, comme ils y consignent le plus souvent les causes de la mort selon les critères de la Classification internationale des maladies, ces données sont uniformes et comparables. En outre, de nombreuses autorités administratives ajoutent, sur le certificat de décès, des informations relatives à la profession et à la branche d’activité du défunt. Une des limites à l’emploi de ces certificats pour la surveillance des maladies professionnelles tient au fait qu’ils n’établissent pas de liens entre les expositions professionnelles et les causes spécifiques du décès.

L’utilisation des données de mortalité pour la surveillance des maladies professionnelles convient plus précisément aux maladies dont l’unique étiologie est professionnelle. Les pneumoconioses et un type de cancer, le mésothéliome de la plèvre, figurent parmi ces maladies. Le tableau 32.3 indique le nombre de décès attribués à ces diagnostics en tant que cause principale ou en tant qu’une des diverses causes de décès indiquées sur le certificat aux Etats-Unis. La cause principale du décès est considérée comme celle qui a provoqué la mort, alors que l’énumération de causes multiples précise toutes les conditions ayant concouru à la mort d’une manière jugée importante.

Tableau 32.3 Décès dus à la pneumoconiose et au mésothéliome malin de la plèvre.
Cause principale et causes multiples, Etats-Unis, 1990 et 1991

Code CIM-9

Cause du décès

Nombres de décès

 

 

Cause principale
1991

Causes multiples
1990

500

Pneumoconiose
(mines de charbon)

  693

1 990

501

Asbestose

  269

  948

502

Silicose

  153

  308

503-505

Autres pneumoconioses

  122

  450

 

Sous-total

1 237

3 696

163,0, 163,1, et 163,9

Mésothéliome malin de la plèvre

  452

  553

 

Total

1 689

4 249

Source: United States National Center for Health Statistics.

En 1991, sur les 1 237 décès par maladies pulmonaires liées à l’inhalation de poussières en tant que cause principale, 693 décès chez les mineurs de charbon étaient dus à la silicose et 269 à l’asbestose. Pour ce qui concerne le mésothéliome malin, 452 décès par mésothéliome de la plèvre ont été recensés. Il est impossible d’indiquer le nombre de décès par mésothéliome du péritoine, également causé par l’exposition professionnelle à l’amiante, parce que la Classification internationale des maladies ne donne pas de code spécifique pour ce type de mésothéliome malin.

Le tableau 32.3 indique également le nombre de décès dus aux pneumoconioses et au mésothéliome de la plèvre en 1990 aux Etats-Unis quand ces maladies constituent l’une des causes du décès indiquées sur le certificat. Le nombre total de décès où les pneumoconioses apparaissent comme l’une des causes diverses est élevé, car celles-ci cœxistent souvent avec d’autres maladies pulmonaires chroniques.

Le fait que des pneumoconioses échappent au diagnostic et ne figurent donc pas comme cause de décès sur les certificats constitue un problème important. L’étude la plus complète de cette sous-estimation a été conduite chez les travailleurs spécialistes de l’isolation par Selikoff et ses collègues aux Etats-Unis et au Canada (Selikoff, Hammond et Seidman, 1979; Selikoff et Seidman, 1991). Entre 1977 et 1986, 123 décès de travailleurs de cette branche attribués à l’amiante ont été dénombrés d’après les certificats de décès. Or, quand les chercheurs ont examiné les dossiers médicaux, les radiographies thoraciques et les examens anatomo-pathologiques tissulaires dont ils disposaient, ils ont estimé que 259 décès étaient attribuables à l’amiante chez ces travailleurs au cours de la période étudiée. Plus de la moitié des décès par pneumoconiose étaient, par conséquent, passés inaperçus dans ce groupe bien connu pour avoir été massivement exposé à l’amiante. Malheureusement, il n’existe pas assez d’autres études sur cette tendance à ignorer les pneumoconioses dans les certificats de décès pour qu’il soit possible de corriger de manière fiable les statistiques de mortalité.

Les décès attribués à des causes non spécifiquement liées aux expositions professionnelles ont également été utilisés dans la surveillance des maladies professionnelles quand la profession ou la branche d’activité étaient précisées sur le certificat de décès. L’analyse de ces données, dans une zone géographique précise et au cours d’un intervalle de temps déterminé, peut permettre d’obtenir des taux et des ratios de maladie par cause dans différentes professions et branches d’activité. Le rôle des facteurs non professionnels dans les décès examinés ne peut pas être défini de cette façon. Cependant, les différences relevées dans les taux de maladies selon les professions et les branches d’activité suggèrent que les facteurs professionnels peuvent être importants et incitent à de nouvelles études plus approfondies. La possibilité d’étudier des professions qui sont généralement dispersées sur un grand nombre de lieux de travail (les cuisiniers ou les employés des teintureries, par exemple), l’utilisation de données recueillies régulièrement, un échantillon de grande taille, des coûts relativement faibles et des résultats tangibles en matière de santé, tels sont les autres avantages de cette approche (Baker, Melius et Millar, 1988; Dubrow et coll., 1987; Melius, Sestito et Seligman, 1989).

Plusieurs études sur la mortalité professionnelle ont été publiées au cours des dernières décennies au Canada (Gallagher et coll., 1989), aux Etats-Unis (Guralnick, 1962, 1963a; 1963b) et au Royaume-Uni (Registrar General, 1986). Ces dernières années, Milham a utilisé cette approche pour étudier la distribution professionnelle de tous les hommes décédés entre 1950 et 1979 dans l’Etat de Washington aux Etats-Unis. Il a comparé le pourcentage de tous les décès liés à une cause spécifique dans un groupe professionnel donné au pourcentage correspondant pour l’ensemble des professions et a obtenu ainsi des taux de mortalité relatifs (Milham, 1983). Exemple des résultats de cette approche, Milham a noté que 10 des 11 professions associées à une exposition probable aux champs électriques et magnétiques ont montré une augmentation du taux relatif de mortalité par la leucémie (Milham, 1982). Il s’agit là d’une des premières études du rapport entre l’exposition professionnelle à un rayonnement électromagnétique et le cancer. Cette étude a été suivie de nombreuses autres qui ont corroboré les premiers résultats (Pearce et coll., 1985; McDowell, 1983; Linet, Malker et McLaughlin, 1988).

Suite à un effort de collaboration entre le NIOSH, l’Institut national du cancer (National Cancer Institute) et le Centre national des statistiques de santé (National Center for Health Statistics) au cours des années quatre-vingt, les schémas de mortalité par profession et par branche d’activité conduits dans 24 Etats des Etats-Unis entre 1984 et 1988 ont été analysés et publiés (Robinson et coll., 1995). Ces études, portant sur un total de 1,7 million de décès, ont confirmé l’existence de plusieurs relations entre l’exposition et la pathologie et ont mis à jour de nouvelles associations entre certaines professions et des causes de décès bien précises. Les auteurs soulignent que les études sur la mortalité professionnelle peuvent servir à ouvrir de nouvelles pistes pour les recherches, à évaluer d’autres résultats et à trouver des possibilités d’améliorer la santé.

Plus récemment, Figgs et ses collègues de l’Institut national du cancer ont utilisé la base de données relative à la mortalité professionnelle des 24 Etats susmentionnés pour étudier les associations entre profession et lymphomes non hodgkiniens (Figgs, Dosemeci et Blair, 1995). Une analyse cas-témoins portant sur environ 24 000 décès par lymphomes non hodgkiniens survenus entre 1984 et 1989 a confirmé un risque élevé d’apparition de cette pathologie chez les agriculteurs, les mécaniciens, les soudeurs, les dépanneurs, les conducteurs de machines et un certain nombre de professions chez les cols blancs.

Les rapports de sortie de l’hôpital

Les diagnostics portés sur des patients hospitalisés constituent une excellente source de données pour la surveillance des maladies professionnelles. Des études récemment conduites dans plusieurs Etats des Etats-Unis montrent que les rapports de sortie de l’hôpital peuvent se révéler plus fiables que les déclarations adressées aux régimes de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles et que les données statistiques démographiques, lorsqu’il s’agit de diagnostiquer des maladies propres à certains milieux professionnels, telles les pneumoconioses (Markowitz et coll., 1989; Rosenman, 1988). Ainsi, dans l’Etat de New York, vers le milieu des années quatre-vingt, on dénombrait en moyenne tous les ans 1 049 hospitalisations pour pneumoconiose, alors que l’on ne recensait chaque année que 193 demandes de réparation et 95 décès dus à cette pathologie (Markowitz et coll., 1989).

Outre le dénombrement plus précis des patients atteints de certaines maladies professionnelles graves, les données des rapports de sortie de l’hôpital peuvent être analysées utilement pour mettre en évidence et modifier les conditions de travail à l’origine de ces maladies. C’est ainsi que Rosenman a mené une enquête sur les lieux de travail du New Jersey où les personnes hospitalisées pour silicose avaient travaillé dans le passé. Il a découvert que, dans la majorité de ces établissements, on n’avait jamais prélevé d’échantillons d’air pour contrôler le taux de silice, que l’OSHA n’avait jamais procédé à des inspections et qu’il n’existait aucun programme de dépistage médical de la silicose (Rosenman, 1988).

Les rapports de sortie de l’hôpital présentent plusieurs avantages pour la surveillance des maladies professionnelles: disponibilité, faible coût, sensibilité relative aux maladies graves et assez grande fiabilité. L’absence d’informations concernant la profession et la branche d’activité, ainsi qu’une fiabilité incertaine du contrôle de qualité en constituent les défauts majeurs (Melius, Sestito et Seligman, 1989; Rosenman, 1988). De plus, seuls les sujets atteints d’une maladie suffisamment grave pour justifier une hospitalisation seront inclus dans la base de données. Ces sujets ne sont donc pas représentatifs du large éventail de la pathologie associée aux maladies professionnelles. Cependant, il est probable que les données des rapports de sortie de l’hôpital seront de plus en plus utilisées à l’avenir pour la surveillance des maladies professionnelles.

Les enquêtes nationales

Les enquêtes spéciales de surveillance conduites au niveau national ou régional constituent une source d’informations plus détaillées que celles qui peuvent être obtenues par l’utilisation des registres de l’état civil. Aux Etats-Unis, le Centre national des statistiques de santé (National Center for Health Statistics (NCHS)) effectue deux enquêtes nationales périodiques liées à la surveillance des maladies professionnelles: l’enquête nationale sur la santé (National Health Interview Survey (NHIS)) et l’enquête nationale sur la santé et la nutrition (National Health and Nutrition Examination Survey (NHANES)). L’enquête nationale sur la santé est effectuée auprès des ménages afin d’estimer la prévalence des états pathologiques à partir d’un échantillon de ménages représentatif de la population civile non hospitalisée des Etats-Unis (USDHHS, 1980). Le fait qu’elle repose sur la déclaration des états pathologiques par les intéressés en limite fortement la portée. Les données relatives aux professions et aux branches d’activité ont été utilisées ces dernières décennies pour évaluer les taux d’incapacité de travail dans ces deux catégories (USDHHS, 1980), estimer la prévalence du tabagisme dans chaque profession (Brackbill, Frazier et Shilling, 1988) et noter les idées que les travailleurs se font des risques auxquels ils sont exposés dans leur milieu de travail (Shilling et Brackbill, 1987).

Avec le concours du NIOSH, un supplément d’enquête sur la santé au travail (Occupational Health Supplement (NHIS-OHS)) a été inclus en 1988 afin d’obtenir des estimations fondées sur des échantillons de population, relatives à la prévalence de certaines affections susceptibles d’avoir une composante professionnelle (USDHHS, 1993). Environ 50 000 ménages ont été interrogés en 1988, dont 27 408 sujets alors en activité professionnelle. Les accidents du travail, les affections cutanées, les pathologies dues à une hypersollicitation, l’irritation de la gorge, du nez et des yeux, le déficit auditif et les lombalgies figurent parmi les états pathologiques à caractère professionnel étudiés par le NHIS-OHS.

Lors de la première analyse complète du NHIS-OHS, Tanaka et ses collègues du NIOSH ont estimé que la prévalence nationale du syndrome du canal carpien d’origine professionnelle en 1988 était de 356 000 cas (Tanaka et coll., 1995). Sur les quelque 675 000 sujets souffrant de douleurs persistantes à la main pour lesquelles le diagnostic clinique du syndrome du canal carpien a été confirmé, plus de 50% ont rapporté que les personnes qu’ils avaient consultées avaient déclaré que leur affection du poignet était due à leur activité professionnelle. Cette estimation ne comprenait pas les personnes en arrêt de travail au cours des douze mois précédant l’enquête et susceptibles de l’avoir été en raison d’un syndrome du canal carpien d’origine professionnelle.

Contrairement au NHIS, le NHANES évalue directement la santé d’un échantillon aléatoire de 30 000 à 40 000 individus aux Etats-Unis au moyen d’examens cliniques et de bilans biologiques qui s’ajoutent à la collecte des données par questionnaire. Le NHANES a été effectué à deux reprises dans les années soixante-dix et, plus récemment, en 1988. Le NHANES II, conduit vers la fin des années soixante-dix, n’a recueilli que très peu d’informations sur les indicateurs d’exposition au plomb et à certains pesticides. Lancé en 1988, le NHANES III a collecté des données supplémentaires sur les expositions et les maladies professionnelles, tout particulièrement pour ce qui concerne les affections respiratoires et neurologiques à caractère professionnel (USDHHS, 1994).

Conclusion

Les systèmes de déclaration et de surveillance des maladies professionnelles se sont considérablement perfectionnés depuis le milieu des années quatre-vingt. La déclaration des maladies est mieux adaptée à celles qui sont uniquement ou presque uniquement de nature professionnelle, telles que les pneumoconioses et les mésothéliomes malins. La reconnaissance et la déclaration d’autres maladies professionnelles dépendent de la capacité d’associer les expositions professionnelles aux états pathologiques. Beaucoup de sources d’information permettent de surveiller les maladies professionnelles, mais elles ont toutes d’importants défauts en matière de qualité, de globalité et de précision. L’absence d’intérêt médical pour la prévention, la formation insuffisante des praticiens à la médecine du travail et les conflits potentiels entre les employeurs et les travailleurs au sujet de la reconnaissance des maladies professionnelles constituent d’importants obstacles à l’optimisation de la collecte d’informations sur la question. Malgré ces facteurs, il est probable que la surveillance et la déclaration des maladies professionnelles continueront à se développer à l’avenir.

LA SURVEILLANCE DES RISQUES PROFESSIONNELS

David H. Wegman et Steven D. Stellman

La surveillance des risques est l’évaluation de la distribution et des tendances à long terme des taux d’exposition aux risques de maladies professionnelles et d’accidents du travail (Wegman, 1992). En santé publique, la surveillance des risques définit les méthodes de travail ou les sujets exposés à des niveaux très élevés de risques spécifiques dans certaines branches d’activité et catégories de professions. Etant donné que la surveillance des risques n’est pas directement orientée vers les événements pathologiques, son influence sur les interventions en santé publique requiert en général l’établissement préalable d’une relation évidente entre exposition et affection. La surveillance est alors justifiée par l’hypothèse selon laquelle la réduction des expositions conduit à une régression des maladies. L’utilisation judicieuse des données relatives à la surveillance des risques permet d’intervenir en temps opportun et, donc, de prévenir les maladies professionnelles. Il n’est plus nécessaire d’attendre les signes manifestes de la maladie, voire le décès, pour prendre des mesures destinées à protéger les travailleurs: c’est là son plus grand avantage.

La surveillance des risques présente au moins cinq autres avantages qui complètent ceux de la surveillance des maladies. Premièrement, la reconnaissance des situations de risque est généralement beaucoup plus aisée que celle des cas pathologiques professionnels, tout particulièrement pour des maladies comme le cancer qui présentent de longues périodes de latence. Deuxièmement, se focaliser sur les risques (plutôt que sur les maladies) attire l’attention sur les expositions qui doivent finalement être supprimées. Par exemple, la surveillance du cancer du poumon pourrait se concentrer sur les taux d’exposition chez les travailleurs de l’amiante. Cependant, un pourcentage assez important de cancers du poumon dans cette population pourrait être lié au tabagisme, soit indépendamment, soit en interaction avec l’exposition à l’amiante. En conséquence, il faudrait étudier un grand nombre de ces travailleurs pour déceler un petit nombre de cancers associés à l’amiante. Par ailleurs, la surveillance de l’exposition à l’amiante pourrait fournir des informations concernant les niveaux et les types d’exposition (professions, processus industriels ou branches d’activité) sur les lieux de travail où le contrôle de l’exposition est le plus faible. Dès lors, même sans dénombrer exactement les cas de cancer du poumon, il pourrait être opportun de s’efforcer de réduire ou de supprimer l’exposition.

Troisièmement, étant donné que toutes les expositions ne sont pas pathogènes, les situations de risque sont beaucoup plus fréquentes que les cas pathologiques: il est ainsi beaucoup plus facile d’observer un changement ou une évolution caractéristique dans le temps que de surveiller les maladies, d’où l’intérêt de mieux utiliser les événements sentinelles. Un risque sentinelle peut simplement être l’existence d’une exposition (par exemple, au béryllium), révélée par une évaluation directe sur le lieu de travail; une exposition excessive mise en évidence par la surveillance de marqueurs biologiques (des niveaux élevés de plomb dans le sang), ou la déclaration d’un accident (déversement d’un produit chimique).

Le quatrième avantage de la surveillance des risques réside dans le fait que les données recueillies à cet effet ne portent pas atteinte à la vie privée. La confidentialité des dossiers médicaux n’est absolument pas compromise, et le danger de donner à quelqu’un une étiquette de malade est ainsi évité. Il s’agit d’un problème très important en milieu de travail où l’emploi d’un individu peut être menacé et une demande éventuelle de réparation influencer le diagnostic d’un médecin.

Enfin, la surveillance des risques peut tirer parti de systèmes conçus à d’autres fins. Les exemples actuels de collecte en continu d’informations relatives aux risques comprennent les registres d’utilisation des substances toxiques ou des émissions de substances dangereuses, les registres de substances dangereuses spécifiques et les informations recueillies par les autorités en vue d’une utilisation conforme aux normes établies. L’hygiéniste du travail est déjà familiarisé à bien des égards avec l’utilisation des données relatives à la surveillance des expositions.

Les données concernant la surveillance des risques peuvent compléter la surveillance des maladies à des fins de santé publique et de recherche, pour établir ou confirmer une relation entre un risque et une maladie; les données recueillies dans ces deux domaines peuvent être utilisées pour déterminer la nécessité d’intervenir. Tout comme les données du système de gestion intégrée de l’information de l’administration de la sécurité et de la santé au travail (Occupational Safety and Health Administration (OSHA)) aux Etats-Unis concernant les résultats du sondage de conformité à l’hygiène du travail (voir ci-après), les données de la surveillance nationale remplissent des fonctions différentes de celles de la surveillance des risques dans les établissements, qui permettent une analyse et une focalisation beaucoup plus précises. Les données nationales peuvent se révéler très importantes quand il s’agit de dépêcher des inspecteurs chargés de contrôler la conformité des activités ou de déterminer la distribution probable des risques qui généreront des besoins spécifiques de services médicaux dans une région. La surveillance des risques dans les établissements fournit toutefois les informations nécessaires à une étude précise des tendances à long terme. L’une d’elles se dessine parfois indépendamment des modifications apportées aux systèmes de contrôle, et bien plutôt en réponse à des changements dans les produits utilisés qui ne seraient pas mis en évidence dans des données régionales. L’approche nationale et l’approche par établissements ont toutes deux leur utilité lorsqu’il s’agit de choisir entre des études scientifiques planifiées ou des programmes de formation à l’intention des directions et des travailleurs.

En associant les données de la surveillance des risques recueillies lors d’inspections régulières effectuées dans un grand nombre de branches d’activité n’ayant apparemment aucun lien entre elles, il est parfois possible de distinguer des groupes de travailleurs ayant subi des expositions massives qui, autrement, auraient pu passer inaperçues. Par exemple, l’analyse des concentrations de plomb dans l’air ambiant effectuée au cours des inspections de conformité de l’OSHA entre 1979 et 1985 a identifié 52 branches dépassant le seuil d’exposition admissible, et ce, dans plus d’un tiers des inspections (Froines et coll., 1990). La métallurgie primaire et secondaire, la fabrication des piles, la fabrication des pigments et les fonderies de cuivre et de bronze figuraient parmi ces industries, connues depuis longtemps pour entraîner des niveaux élevés d’exposition au plomb. Les expositions massives observées lors des inspections n’ont fait que révéler un contrôle assez médiocre des risques connus. Cependant, quelques-uns des lieux de travail sont relativement petits; c’est le cas notamment des fonderies de plomb où il est peu vraisemblable que les directeurs et les travailleurs procèdent à des contrôles systématiques de l’exposition. Ils risquent de ce fait de ne pas se rendre compte des concentrations importantes de plomb sur leurs propres lieux de travail. On pouvait s’attendre à des expositions massives au plomb dans l’air ambiant dans ces industries, mais on a noté également que plus d’un tiers des usines participant à l’enquête dépassaient le seuil d’exposition admissible, en raison des travaux de peinture effectués dans des établissements très divers. Les peintres de charpentes métalliques constituent une population qui risque d’être exposée au plomb, mais les entreprises qui les emploient pour peindre des machines ou des pièces de machines n’ont guère retenu l’attention. Ces peintres peuvent être exposés à des substances dangereuses, mais ils ne sont pas souvent considérés comme des travailleurs du plomb, car ils sont employés par des entreprises qui n’appartiennent pas directement à cette industrie. D’une certaine façon, cette enquête a démontré l’existence d’un risque connu, mais négligé jusqu’au moment où il a été mis en évidence par l’analyse des données relatives à la surveillance.

Les objectifs de la surveillance des risques

Les programmes de surveillance des risques peuvent présenter des structures et des objectifs différents. Premièrement, ils offrent la possibilité de mettre l’accent sur les interventions et contribuent à évaluer les programmes existants et à en planifier de nouveaux. Une utilisation judicieuse des informations relatives à la surveillance des risques peut conduire à la découverte précoce de la défaillance d’un système et attirer l’attention sur la nécessité de procéder à des corrections ou à renforcer les contrôles avant que des expositions massives ou des maladies apparaissent. Les données résultant de ces efforts peuvent également mettre en évidence le besoin de concevoir ou de réviser une réglementation portant sur un risque spécifique. Deuxièmement, les données relatives à la surveillance peuvent être associées aux projections des maladies à venir, afin de permettre la mise en conformité des installations et l’organisation des ressources médicales. Troisièmement, grâce à une méthodologie normalisée des expositions, les personnes qui travaillent à divers niveaux dans des organisations et administrations peuvent fournir des informations qui permettent de se concentrer sur un pays, une ville, une branche d’activité, une usine, voire un emploi. Cette souplesse permet de cibler, d’adapter au besoin et de perfectionner la surveillance au fur et à mesure que de nouvelles informations apparaissent, que des problèmes se résolvent ou que de nouveaux se posent. Enfin, les données relatives à la surveillance des risques devraient montrer leur utilité dans la planification d’études épidémiologiques en indiquant les zones où ces études seraient les plus profitables.

Des exemples de surveillance des risques

Registre des substances cancérogènes — Finlande. En 1979, la Finlande a imposé un système de déclaration nationale obligatoire de l’utilisation de 50 agents cancérogènes dans l’industrie. Les tendances des sept premières années de surveillance ont fait l’objet d’un rapport en 1988 (Alho, Kauppinen et Sundquist, 1988). Plus des deux tiers des personnes exposées ne travaillaient qu’avec trois types de substances cancérogènes: les chromates, le nickel et ses composés inorganiques, ou l’amiante. La surveillance des risques a révélé que la plupart des expositions aux substances cancérogènes étaient dues à un nombre étonnamment faible de composés. Cette conclusion a permis de concentrer les efforts sur la réduction de l’utilisation des substances toxiques et des expositions.

L’étude des raisons de la «sortie» du système de certaines déclarations — c’est-à-dire la raison pour laquelle l’utilisation d’une substance cancérogène a été déclarée une première fois, mais ne figure plus dans les enquêtes ultérieures — justifie également l’utilisation des registres. Vingt pour cent des sorties représentaient des expositions qui avaient continué sans être déclarées. Cette tendance a conduit à une communication en retour et à une formation sur l’importance de l’exactitude des déclarations pour les branches intéressées. Trente-huit pour cent des sorties étaient dues à l’arrêt des expositions, dont plus de la moitié s’expliquaient par le remplacement de l’agent cancérogène par un agent non cancérogène. Il est possible que les résultats des déclarations du système de surveillance aient encouragé cette substitution. La plupart des sorties restantes résultaient de l’élimination des expositions grâce à des contrôles techniques, à des modifications des processus industriels ou à une réduction considérable de l’utilisation des agents cancérogènes ou du temps d’exposition. Cinq pour cent seulement des sorties reposaient sur l’utilisation d’un équipement de protection individuelle. Cet exemple montre comment un registre des expositions peut permettre de comprendre l’utilisation des substances cancérogènes et de suivre son évolution dans le temps.

Enquête nationale sur les expositions professionnelles (National Occupational Exposure Survey (NOES)). Aux Etats-Unis, le NIOSH a conduit deux enquêtes nationales sur les expositions professionnelles (NOES) à dix ans d’intervalle afin d’estimer le nombre de lieux de travail et de travailleurs potentiellement exposés à divers risques. Des cartes nationales et des cartes par Etat ont été dressées de façon à indiquer les éléments étudiés, tels que les caractéristiques des expositions des travailleurs et des lieux de travail au formaldéhyde (Frazier, Lalich et Pedersen, 1983). La superposition de ces cartes sur les cartes de mortalité due à des causes spécifiques (cancer des sinus, par exemple) permet, au moyen de simples études environnementales, d’émettre des hypothèses qui peuvent par la suite être examinées au cours d’une enquête épidémiologique appropriée.

Les différences entre les deux enquêtes ont également été étudiées — comme le pourcentage des installations industrielles comportant des expositions à des nuisances sonores continues sans qu’aucun moyen de prévention technique ne soit mis en œuvre (Seta et Sundin, 1984). Lors d’un examen des pourcentages par branche d’activité entre les deux études, une très faible différence a été constatée pour l’ensemble des entrepreneurs du bâtiment (de 92,5% à 88,4%), alors qu’une baisse saisissante a été notée pour les produits chimiques et les produits connexes (de 88,8% à 38,0%) et pour les divers services de réparation (de 81,1% à 21,2%). L’adoption de la loi sur la sécurité et la santé au travail, les conventions collectives, la prise en compte de la responsabilité civile et une sensibilisation accrue des travailleurs figurent parmi les explications possibles de cette évolution.

Campagne d’inspection des expositions (OSHA). Aux Etats-Unis, l’OSHA a procédé à l’inspection de lieux de travail afin d’étudier si la limitation des niveaux d’exposition en place depuis plus de vingt ans était suffisante. La plupart du temps, les données ont été versées dans le système intégré d’information de gestion (Integrated Management Information System (OSHA/IMIS)). Les tendances générales longues pour des cas choisis ont été examinées pour la période allant de 1979 à 1987. Dans le cas de l’amiante, les moyens de prévention se sont révélés largement efficaces. En revanche, alors que le nombre d’échantillons réunis pour l’exposition à la silice et au plomb a décliné au cours de cet intervalle de temps, les deux substances ont continué à entraîner un nombre important d’expositions supérieures aux seuils admissibles. Les données ont également fait apparaître que, malgré la réduction du nombre des inspections, le pourcentage de celles qui signalaient un dépassement du seuil d’exposition est, pour l’essentiel, resté constant. L’OSHA pourrait se fonder sur ces données pour concevoir des stratégies assurant le respect des normes pour la silice et le plomb.

La base de données sur l’inspection des lieux de travail a également servi à déterminer quantitativement les niveaux d’exposition à la silice pour neuf branches et leurs différentes professions (Froines, Wegman et Dellenbaugh, 1986). Le seuil d’exposition a été dépassé à des degrés divers: de 14% (fonderies d’aluminium) à 73% (usines de faïence et de céramique). Dans cette dernière branche, certains postes de travail précis ont été examinés, et le pourcentage des dépassements du seuil d’exposition allait de 0% (manœuvres) à 69% (travailleurs des ateliers de barbotine). Le degré de dépassement du seuil d’exposition variait en fonction du poste. Chez les travailleurs des ateliers de barbotine, l’exposition équivalait en moyenne au double du seuil admissible, alors que chez ceux qui étaient chargés de l’engobage par pulvérisation, elle correspondait en moyenne à huit fois ce seuil. Cette base de données détaillée devrait se révéler utile aux employeurs et aux travailleurs des usines de faïence et de céramique, ainsi qu’aux autorités chargées de la réglementation des expositions professionnelles.

Conclusion

Nous avons défini l’objectif de la surveillance des risques, décrit ses avantages et certaines de ses limites, et présenté des exemples apportant des données utiles pour la santé publique. Cependant, la surveillance des risques ne devrait pas se substituer à la surveillance des maladies non infectieuses. En 1977, un groupe de travail du NIOSH a souligné l’interdépendance relative des deux grands types de surveillance et déclaré en substance:

La surveillance des risques et celle des maladies ne sont pas dissociables. Si l’on parvient à caractériser les risques associés à différentes branches d’activité ou professions, on pourra — à condition d’employer simultanément les informations médicales et toxicologiques relatives à ces risques — indiquer les branches d’activité ou les catégories professionnelles devant faire l’objet d’une surveillance épidémiologique (Craft et coll., 1977).

LA SURVEILLANCE DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT

David Koh et Kee-Seng Chia

On estime que plus de 80% de la population mondiale vit dans les pays en développement en Afrique, en Amérique centrale et du Sud, en Asie et au Moyen-Orient. Les pays en développement sont souvent défavorisés sur le plan financier et beaucoup se caractérisent par une économie rurale et agricole. Loin d’être homogènes, ils diffèrent sur bien des points par leurs aspirations, leurs systèmes politiques et leurs niveaux de croissance industrielle. L’état de santé de leurs populations est généralement moins bon que dans les pays développés, le taux de mortalité infantile plus élevé et l’espérance de vie plus courte.

Plusieurs facteurs expliquent la nécessité d’une surveillance de la sécurité et de la santé au travail dans les pays en développement. Premièrement, beaucoup d’entre eux s’industrialisent rapidement. S’agissant de la taille des installations, la plupart des nouveaux sites industriels sont constitués de petites entreprises. En de telles circonstances, les moyens mis en œuvre en matière de sécurité et de santé sont souvent très limités, voire inexistants. En outre, les pays en développement sont souvent les destinataires du transfert de technologie des pays industriels. Certaines des industries les plus dangereuses, qui ont des difficultés à opérer dans les pays disposant d’une législation sur la santé au travail plus stricte et mieux appliquée, sont parfois délocalisées vers les pays en développement.

Deuxièmement, pour ce qui concerne la main-d’œuvre, son niveau de formation dans les pays en développement est souvent bas et les travailleurs n’ont pas toujours été formés à des systèmes et pratiques de travail sûrs. En outre, le travail des enfants y est également souvent plus répandu. Ces groupes sont relativement plus vulnérables aux risques professionnels pour la santé. Outre ces considérations, l’état de santé initial de ces travailleurs est généralement moins bon.

Ces facteurs montrent qu’à travers le monde, les travailleurs des pays en développement figurent parmi ceux qui sont les plus vulnérables et les plus exposés aux risques professionnels pour la santé.

Les effets du travail sur la santé diffèrent de ceux que l’on observe dans les pays développés

Il est important d’obtenir des informations quant aux effets du travail sur la santé pour prévenir les problèmes et donner la priorité au règlement de ceux-ci. Cependant, la plupart des données disponibles relatives à la morbidité proviennent des pays industriels et ne sont donc pas applicables aux pays en développement.

Dans ces pays, la nature des effets des risques professionnels sur la santé peut différer de celle des pays industriels. Les maladies professionnelles évidentes, telles que les intoxications par les produits chimiques et les pneumoconioses, qui sont associées à des niveaux élevés d’exposition aux substances toxiques sur le lieu de travail, sont toujours présentes en grand nombre dans les premiers, alors que ces problèmes ont considérablement diminué dans les seconds.

A titre d’exemple, les effets aigus des intoxications par les pesticides sur la santé et même les décès associés à des expositions massives sont une préoccupation plus immédiate dans les pays agricoles en développement que les effets morbides à long terme de faibles niveaux d’exposition, qui constituent un problème plus important dans les pays industriels. En fait, le poids de la morbidité associée à l’intoxication aiguë par les pesticides dans certains pays en développement, comme Sri Lanka, est même supérieur à celui des maladies traditionnellement responsables des problèmes de santé publique, tels que la diphtérie, la coqueluche et le tétanos.

Par conséquent, les pays en développement devraient instaurer une certaine surveillance de la morbidité professionnelle. Les informations recueillies serviraient à évaluer l’ampleur du problème, à établir un ordre de priorité dans les démarches destinées à venir à bout de ces difficultés, à allouer des ressources et à estimer par la suite l’effet des interventions.

Malheureusement, ces informations relatives à la surveillance manquent souvent dans les pays en développement. Il conviendrait d’admettre que les programmes de surveillance des pays industriels ne sont pas adaptés aux pays en développement et que ces systèmes ne peuvent probablement pas y être apliqués tels quels à cause des difficultés susceptibles d’entraver les activités de surveillance.

Les difficultés de la surveillance dans les pays en développement

Bien qu’il existe un réel besoin de contrôle des problèmes de sécurité et de santé au travail dans les pays en développement, la mise en œuvre efficace d’un système de surveillance est souvent semée d’embûches.

Les difficultés surviennent en raison d’une maîtrise insuffisante du développement industriel, de l’absence de services et de législation sur la santé au travail ou du développement inadéquat d’une infrastructure nécessaire à cette législation et à ces services, d’une formation insuffisante des professionnels de la santé au travail, de la faiblesse des services de santé et de la médiocrité des systèmes de collecte de l’information dans ce domaine. Très souvent, les informations relatives à la main-d’œuvre et à la population en général font défaut ou sont insuffisantes.

Le fait que, dans un grand nombre de pays en développement, la santé au travail n’occupe pas une place prioritaire dans les programmes de développement nationaux constitue un autre problème majeur.

Les activités de surveillance de la sécurité et de la santé au travail

La surveillance de la sécurité et de la santé au travail comprend des activités telles que la prévention des incidents graves sur le lieu de travail et des accidents du travail mortels ou non. Elle inclut également la surveillance des maladies professionnelles et du milieu de travail. Il est probablement plus aisé de recueillir des informations sur les accidents du travail mortels ou non, car il s’agit d’événements assez faciles à définir et à constater. En revanche, la surveillance de l’état de santé de la population active, comprenant les maladies professionnelles et le milieu de travail, se révèle plus difficile.

La suite de cet article est par conséquent principalement consacrée au problème de la surveillance des maladies professionnelles. Les principes et les approches en question peuvent s’appliquer à la surveillance des accidents du travail mortels ou non, qui constituent également des causes très importantes de morbidité et de mortalité chez les travailleurs dans les pays en développement.

La surveillance de la santé des travailleurs dans ces pays ne devrait pas se limiter aux maladies professionnelles, mais devrait englober également l’ensemble des maladies dont souffre la population active. En effet, dans certains pays en développement d’Afrique ou d’Asie, les principaux problèmes de santé ne sont pas de nature professionnelle, mais ils incluent d’autres maladies comme les maladies infectieuses — tuberculose ou maladies sexuellement transmissibles, par exemple. Les informations recueillies serviraient alors à planifier et à allouer des ressources destinées aux soins médicaux, afin d’améliorer la santé de la population active.

Quelques suggestions pour résoudre les problèmes de surveillance

Quels sont les types de surveillance adaptés aux pays en développement? En général, un système doté de mécanismes simples et faisant appel à la technologie disponible serait ce qui leur conviendrait le mieux. Il faudrait également tenir compte des types de branches d’activité et des risques professionnels les plus répandus dans le pays.

L’utilisation des ressources existantes

Pareil système peut tirer parti des ressources existantes comme les soins de santé primaires ou les services de santé liés à l’environnement. Les activités de surveillance de la santé au travail peuvent ainsi s’ajouter aux responsabilités actuelles du personnel des soins de santé primaires, des inspecteurs de la santé publique et des spécialistes de l’environnement.

Pour ce faire, le personnel des soins de santé primaires et de la santé publique doit tout d’abord être formé pour être en mesure de reconnaître les maladies susceptibles d’être liées au travail, voire pour effectuer de simples évaluations des lieux de travail insalubres et dangereux. Ce personnel devrait bien évidemment recevoir une formation suffisante et correcte.

Les données relatives aux conditions de travail et aux maladies associées aux activités professionnelles peuvent être recueillies pendant que ces personnes s’acquittent de leurs fonctions courantes au sein de la collectivité. Les informations obtenues seraient alors transmises aux centres régionaux, puis à l’administration centrale chargée de contrôler les conditions de travail et la morbidité professionnelle et de prendre les mesures qui s’imposent.

Le registre des établissements et des procédés industriels

Un registre des établissements industriels et des procédés industriels, par opposition à un registre des maladies, pourrait être créé et voué à la collecte des informations sur les méthodes de travail et les matières utilisées. Il devrait être mis à jour au fur et à mesure de l’introduction de nouvelles méthodes ou de nouvelles matières. Lorsque la législation nationale prévoit un tel enregistrement, il doit être fait de façon systématique.

Cependant, les petites entreprises négligent souvent de le faire. Des évaluations et des enquêtes toutes simples, menées sur le terrain, qui examineraient le type d’entreprises et les conditions de travail, pourraient fournir les informations de base. Elles pourraient fort bien être confiées au personnel des services de santé publique et des soins de santé primaires.

Lorsqu’un tel registre existe, il convient d’en actualiser régulièrement les données. Cette mise à jour pourrait être obligatoire pour toutes les entreprises enregistrées ou, à défaut, elle devrait être exigée dans le cas de secteurs à risque élevé.

La déclaration des maladies professionnelles

Une loi sur la déclaration de certaines maladies professionnelles pourrait être adoptée. Il conviendrait de mettre sur pied des séances d’information et une formation avant l’entrée en vigueur de la loi et de se demander d’abord quelles sont les maladies qui devraient être déclarées et quels seraient les responsables de cette déclaration. Ainsi, dans un pays en développement comme Singapour, les médecins qui suspectent l’une des maladies professionnelles figurant dans la liste du tableau 32.4 doivent en aviser le ministère du Travail. Une telle liste doit être adaptée aux différentes branches d’activité d’un pays, révisée et mise à jour régulièrement. De plus, les personnes responsables de la déclaration devraient être formées pour reconnaître ces maladies, ou tout au moins soupçonner leur apparition.

Tableau 32.4 Liste de certaines maladies professionnelles soumises à déclaration obligatoire

Anémie toxique

Intoxication par l’aniline

Angiosarcome du foie

Intoxication par le béryllium

Asbestose

Intoxication par le cadmium

Asthme professionnel

Intoxication par le manganèse

Barotraumatisme

Intoxication par le phosphore

Byssinose

Intoxication par le plomb

Charbon

Intoxication par le sulfure de carbone

Dermatose professionnelle

Syndrome de décompression

Hépatite toxique

Mésothéliome

Intoxication arsenicale

Silicose

Intoxication chronique par le benzène

Surdité provoquée par le bruit

Intoxication mercurielle

Ulcère chronique

Des mesures permanentes de suivi et de mise en application doivent être prises pour assurer le succès de ces systèmes de déclaration. Une déclaration notoirement insuffisante en limiterait l’utilité. A Singapour, par exemple, c’est en 1985 que l’asthme professionnel a pour la première fois été soumis à déclaration et a ouvert droit à réparation. Une clinique des maladies respiratoires professionnelles a également été créée. Malgré ces efforts, seuls 17 cas d’asthme professionnel ont été reconnus. Ce chiffre contraste avec celui qui a été obtenu en Finlande, où 179 cas d’asthme professionnel ont été déclarés pour la seule année 1984. Or, la population de la Finlande (5 millions d’habitants) n’est que le double environ de celle de Singapour. Cette insuffisance flagrante de déclarations de l’asthme professionnel est probablement due au fait qu’il est difficile à diagnostiquer, de nombreux médecins en connaissant mal l’étiologie et les signes cliniques. Par conséquent, malgré l’obligation de déclaration, il est important de continuer à former les professionnels de la santé, les employeurs et les travailleurs.

Une fois le système de déclaration établi, une étude plus précise de la prévalence des maladies professionnelles peut être conduite. Par exemple, le nombre de déclarations de déficit auditif dû au bruit à Singapour a été multiplié par six après l’introduction d’examens médicaux réglementaires pour tous les travailleurs exposés au bruit. Par la suite, si les déclarations sont assez complètes et précises et si un élément commun à cette population peut être établi, il sera même possible d’évaluer l’incidence de l’affection et son risque relatif.

Comme pour la plupart des systèmes de surveillance et de déclaration, le rôle principal de la déclaration est de notifier les cas répertoriés aux autorités. Des interventions sur les lieux de travail et des recherches complémentaires peuvent alors être nécessaires au suivi. Sinon, les efforts encourageant la déclaration seraient voués à l’échec.

Les autres sources d’information

Bien souvent, dans les pays en développement, les informations provenant des hôpitaux ou des services de soins ambulatoires ne sont pas suffisamment utilisées pour la surveillance des pathologies professionnelles. Les hôpitaux et les services de soins ambulatoires peuvent, et devraient, être intégrés dans le système de déclaration pour certaines maladies, comme celles qui résultent d’accidents graves et d’intoxications professionnelles aiguës. Les données provenant de ces sources apporteraient également un aperçu des maladies banales chez les travailleurs et serviraient à planifier des activités destinées à améliorer la santé sur les lieux de travail.

En général, toutes ces données sont recueillies régulièrement et nécessitent peu de ressources supplémentaires pour les transmettre à l’administration de la sécurité et de la santé au travail dans un pays en développement.

Les dossiers de demandes de réparation établis par les établissements spécialisés ou les tribunaux pourraient constituer une autre source d’information. Enfin, si les ressources le permettent, quelques établissements régionaux spécialisés dans la médecine du travail pourraient également être créés, dotés de professionnels de la santé au travail mieux qualifiés et chargés d’examiner tous les cas de maladies dont on soupçonne une étiologie professionnelle.

Les informations des registres de maladies existants devraient également être utilisées. Dans la plupart des grandes villes des pays en développement, il existe des registres des cancers. Bien que les antécédents professionnels obtenus à partir de ces registres ne soient pas toujours complets et précis, ils sont utiles pour surveiller des groupes professionnels importants. Les données provenant de cette source seront d’autant plus intéressantes qu’elles pourront être comparées à celles de registres recensant les travailleurs exposés à des risques spécifiques.

Le rôle du recoupement des données

Bien que cette technique soit séduisante et qu’elle ait été employée avec un certain succès dans quelques pays industriels, elle ne semble ni appropriée ni même envisageable à l’heure actuelle pour les pays en développement qui ne disposent pas des infrastructures  nécessaires.  Ainsi,  les  registres  des  maladies  et  ceux des lieux de travail sont inexistants et, lorsqu’ils existent, ils ne sont pas informatisés et, donc, difficiles à rapprocher d’autres registres.

Contribution des organisations internationales

L’Organisation internationale du Travail (OIT), l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et la Commission internationale de la santé au travail (CIST) peuvent contribuer, par leur expérience et leur compétence, à surmonter les difficultés auxquelles un pays peut se heurter sur le plan de la surveillance de la sécurité et de la santé au travail. En outre, ces organisations peuvent mettre sur pied des stages de formation à l’intention des personnes chargées des soins primaires. Elles peuvent également favoriser un échange profitable de données entre pays d’une même région où l’on retrouve les mêmes branches d’activité et les mêmes problèmes de santé au travail.

Conclusion

Les services de sécurité et de santé au travail sont importants dans les pays en développement, d’autant plus que l’industrialisation de l’économie y est rapide, la population active vulnérable et la prévention des risques professionnels médiocre.

Si l’on veut élaborer et fournir des services de santé au travail dans ces pays, il convient d’assurer une surveillance des pathologies professionnelles. Cette surveillance s’avère nécessaire pour justifier, élaborer et favoriser des lois et des services de santé au travail et évaluer l’effet de telles mesures.

Les systèmes de surveillance mis en place dans les pays développés ne conviennent pas toujours aux pays en développement qui devraient élaborer les leurs en fonction de leurs activités industrielles et des risques qui y prédominent. Bien souvent, les pays en développement devraient opter pour des mécanismes de surveillance simples, faisant appel à des techniques adaptées et d’un emploi facile.

LA MISE AU POINT ET L’APPLICATION D’UN SYSTÈME DE CLASSIFICATION DES ACCIDENTS DU TRAVAIL ET DES MALADIES PROFESSIONNELLES

Elyce Biddle

Les systèmes de surveillance des accidents du travail et des maladies professionnelles sont indispensables pour gérer ces lésions et en réduire le nombre. Ils fournissent les données essentielles servant à définir les problèmes sur le lieu de travail, à mettre au point des stratégies pour y remédier et, donc, à organiser la prévention. Pour atteindre efficacement ces objectifs, il convient de mettre en place des systèmes de surveillance en mesure de saisir les caractéristiques des accidents du travail dans leurs moindres détails. Pour une efficacité maximale, ces systèmes devraient permettre d’indiquer les lieux de travail les plus dangereux, les accidents entraînant les arrêts de travail les plus longs, voire le siège de la lésion le plus fréquent.

Nous décrirons ici la mise au point d’un système complet de classification par le Bureau américain des statistiques du travail (Bureau of Labor Statistics (BLS)). Ce système a été élaboré pour répondre aux exigences d’un grand nombre d’utilisateurs: analystes politiques du gouvernement fédéral ou de celui des Etats, chercheurs dans le domaine de la sécurité et de la santé, employeurs, syndicats, professionnels de la sécurité, compagnies d’assurance et autres instances chargées d’améliorer la sécurité et la santé sur les lieux de travail.

L’historique

Pendant un certain nombre d’années, le BLS a recueilli des informations sur les maladies professionnelles et les accidents du travail selon trois grands critères:

Bien qu’utile, ce premier système de classification était quelque peu limité et ne satisfaisait pas pleinement aux besoins décrits ci-dessus. En 1989, il a donc été mis à jour afin de répondre aux attentes des différents utilisateurs.

Le système de classification

Un groupe de travail du BLS a été constitué en septembre 1989 en vue d’établir un cahier des charges pour un système «décrivant avec précision la nature du problème touchant la sécurité et la santé au travail» (OSHA, 1970). Cette équipe a consulté des spécialistes venus des secteurs public et privé, afin de mettre au point un système de classification réaménagé et élargi.

Plusieurs critères déterminant les codes individuels ont été définis. Le système doit disposer d’un classement hiérarchique des fichiers pour s’adapter aux besoins des divers utilisateurs des données relatives aux maladies professionnelles et aux accidents du travail. Dans la mesure du possible, il devrait: être compatible avec la Classification internationale des maladies, neuvième révision, modification clinique (CIM-9-MC) de l’OMS (1977); satisfaire aux exigences d’autres institutions gouvernementales s’intéressant à la sécurité et à la santé au travail; réagir aux différentes caractéristiques des cas mortels et non mortels.

Les premières ébauches de classification selon les caractéristiques des cas ont été présentées et diffusées pour observations en 1989, puis en 1990. Le système portait sur la nature de l’accident ou de la maladie, le siège de la lésion, son étiologie, les caractéristiques de l’événement ou de l’exposition et ses causes secondaires. Après réception et prise en compte des observations faites par le personnel du BLS, d’organismes des Etats, de l’Administration de la sécurité et de la santé au travail (Occupational Safety and Health Administration (OSHA)), de l’Administration de la législation du travail (Employment Standards Administration) et de l’Institut national de la sécurité et de la santé au travail (National Institute for Occupational Safety and Health (NIOSH)), le système était prêt pour un test sur site.

Quatre Etats ont effectué une étude pilote des structures servant à regrouper les données relatives aux accidents et aux maladies non mortels, ainsi que de l’application opérationnelle pour le recensement des accidents du travail mortels. Les résultats de l’étude ont été analysés, et des modifications ont été apportées en automne 1991.

La version finale du système de classification, qui date de 1992, comprend cinq classifications des caractéristiques des cas, une classification des professions et une classification des branches d’activité. On utilise le Manuel de classification type des branches d’activité pour coder celles-ci (OMB, 1987), et la Liste alphabétique des professions du Bureau du recensement pour coder les professions (Bureau of the Census, 1992). Le Système de classification des accidents du travail et des maladies professionnelles du BLS (1992) est employé pour coder les cinq caractéristiques suivantes:

Outre les codes numériques qui représentent les conditions ou les circonstances particulières, chaque classification comporte des outils pour aider à reconnaître et à choisir le code approprié, dont des définitions, des critères de sélection, des paragraphes descriptifs, des listes alphabétiques et des règles d’édition. Les critères de sélection proposent des orientations pour choisir uniformément, s’il y a lieu, le code voulu. Les paragraphes descriptifs fournissent des informations supplémentaires sur les codes, comme ce qui y est inclus ou ce qui en est exclu. Par exemple, le code pour «œil» comprend le globe oculaire, le cristallin, la rétine et les cils. Les listes alphabétiques peuvent être employées pour trouver rapidement le code numérique d’un descripteur bien précis, comme un terme médical ou une machine spécialisée. Enfin, les règles d’édition sont des outils de contrôle de qualité qui peuvent servir à déterminer quelles sont les combinaisons de codes incorrectes avant le choix final.

Les codes de la nature d’un accident ou d’une maladie

La classification nature de l’accident ou de la maladie présente la principale caractéristique physique de l’accident ou de la maladie du travailleur. Ce code constitue la base de toutes les autres classifications de cas. Une fois que la nature de l’accident ou de la maladie a été précisée, les quatre autres classifications représentent les circonstances associées à ce cas particulier. La structure de la classification nature de l’accident ou de la maladie contient sept sections:

Avant d’adopter définitivement cette classification, deux autres systèmes ont été évalués. La norme Z16.2 de l’Institut national de normalisation (American National Standards Institute (ANSI)), (ANSI, 1963) a été mise au point pour la prévention des accidents, mais ne contient pas suffisamment de catégories de maladies pour qu’un grand nombre d’organismes puissent s’en servir pour leurs travaux.

La CIM-9-MC, conçue pour le classement des informations relatives à la mortalité et à la morbidité et utilisée par bon nombre de médecins, fournit les codes détaillés requis pour chaque maladie. Cependant, les connaissances techniques et l’apprentissage nécessaires aux utilisateurs et aux analystes en limitent considérablement l’utilisation.

La classification finale est un hybride qui combine la méthode d’application et les critères de sélection de la Z16.2 de l’ANSI avec l’organisation par section de la CIM-9-MC. A quelques exceptions près, les sections de la structure du BLS sont exactement conformes à celles de la CIM-9-MC. Par exemple, la section du BLS consacrée aux maladies infectieuses et parasitaires correspond exactement au chapitre 1, maladies infectieuses et parasitaires, de la CIM-9-MC.

La première section de la classification «nature de la maladie ou de l’accident» selon le BLS répertorie les accidents et les traumatismes, les effets des agents externes et les intoxications, et correspond au chapitre 17 de la CIM-9-MC. Les affections énumérées dans cette section sont généralement la conséquence d’un incident, d’un événement ou d’une exposition unique, et comprennent certaines lésions telles que fractures, contusions, coupures et brûlures. Dans le milieu de travail, cette section accueille la grande majorité des cas déclarés.

Plusieurs situations ont demandé une attention toute particulière lors de l’établissement des règles de codage de cette section. L’analyse des cas d’accidents mortels a mis en évidence les difficultés de codage de certains types d’accidents. Par exemple, les fractures mortelles impliquent généralement qu’un organe vital, le cerveau ou la colonne vertébrale, a été atteint directement ou indirectement. Des instructions et des catégories de codes spécifiques ont été nécessaires pour classer les dommages mortels associés à ces types d’accidents.

Les blessures par balle constituent une catégorie à part et font l’objet d’instructions de codage spéciales lorsqu’elles ont nécessité une amputation ou entraîné une paralysie. Conformément à l’esprit du codage, les paralysies, les amputations et les lésions les plus graves ont priorité sur les dommages moins graves causés par une blessure par balle.

Les déclarations de l’employeur sur les circonstances de l’accident ou de la maladie du travailleur ne décrivent pas toujours convenablement l’accident ou la maladie. Si le document source indique uniquement que le salarié «s’est fait mal au dos», il est impossible d’établir s’il s’agit d’un tour de rein, d’une contracture, d’un lumbago, d’une dorsalgie ou de toute autre affection particulière. Pour pallier cette difficulté, des codes individuels tels que «sensibilité», «mal» et «douleur» ont été créés pour les descriptions non spécifiques de maladies ou d’accidents.

Enfin, cette section comporte une série de codes pour classer les combinaisons de situations les plus fréquentes résultant du même incident. Ainsi, un travailleur peut présenter des blessures et des contusions à la suite d’un seul et même incident.

Cinq des sections restantes de cette classification sont consacrées à la définition des maladies et des anomalies d’origine professionnelle et indiquent les codes destinés aux affections spécifiques qui revêtent un intérêt capital pour les professionnels de la sécurité et de la santé. Au cours de ces dernières années, de plus en plus de maladies et d’anomalies ont été associées au milieu du travail alors qu’elles figuraient rarement dans les classifications précédentes. La nouvelle contient une liste notablement élargie de maladies et d’anomalies spécifiques, comme le syndrome du canal carpien, la légionellose, les tendinites et la tuberculose.

Le siège de la lésion

La classification siège de la lésion précise la partie du corps directement atteinte. En l’associant au code nature de l’accident ou de la maladie, on obtient un tableau plus complet du dommage subi: amputation du doigt, cancer du poumon, fracture de la mâchoire. Cette structure comporte huit divisions:

Trois questions ont été soulevées au cours de la nouvelle formulation des options pour cette partie théoriquement claire et simple de la classification. La première faisait référence à l’avantage de coder une localisation externe (bras, tronc, jambe) de la maladie ou de l’accident plutôt qu’une localisation interne (cœur, poumons, cerveau).

Les résultats de l’étude ont mis en évidence que coder un organe interne convenait parfaitement aux maladies et dysfonctionnements, mais se révélait extrêmement compliqué pour la plupart des traumatismes tels que les coupures ou les contusions. Le BLS a mis au point une méthode de codage pour les sièges externes de la plupart des traumatismes et une autre pour les sièges internes des maladies.

La deuxième portait sur la façon de traiter les maladies qui affectent simultanément plus d’un système de l’organisme. Par exemple, l’hypothermie, abaissement de la température corporelle du à l’exposition au froid, peut affecter le système nerveux et le système endocrinien. Etant donné qu’il est difficile pour le personnel non médical de choisir l’option appropriée, les recherches pourraient durer très longtemps sans donner de résultat concluant. C’est pourquoi le système du BLS a été conçu avec une seule entrée, systèmes et appareils, qui classe un ou plusieurs systèmes ou appareils de l’organisme.

La possibilité d’ajouter des détails pour désigner des combinaisons typiques de parties des membres supérieurs et des membres inférieurs constituait la troisième grande amélioration apportée par cette classification. Ces combinaisons, comme main et poignet, ont pu être acceptées par les documents sources.

L’événement ou l’exposition

La classification événements ou expositions décrit comment l’accident ou la maladie s’est produit. Les huit sections suivantes ont été établies pour décrire la circonstance primaire d’une lésion ou d’une exposition à une situation ou à une substance dangereuse:

Les incidents à l’origine d’accidents sont fréquemment le résultat d’une série d’événements. A titre d’illustration, examinons ce qui se passe lorsque survient un accident sur la voie publique: une voiture heurte la glissière de sécurité, traverse le terre-plein central et percute un camion. Le conducteur souffre de lésions multiples dues aux chocs contre la carrosserie et aux éclats de verre. Si les micro-événements — tels que le choc contre le pare-brise ou les éclats de verre — étaient codés, le fait principal que la personne était impliquée dans un accident de la circulation pourrait en être occulté.

Parmi ces multiples exemples d’événements, le BLS a désigné plusieurs éventualités qui doivent être considérées comme des événements primaires et avoir la priorité sur d’autres micro-événements associés à ceux-ci. Ces événements primaires comprenaient:

Un ordre de priorité a également été établi dans ces groupes, car ils se chevauchent fréquemment — par exemple, un accident sur la voie publique peut s’accompagner d’un incendie. Cet ordre de priorité correspond à leur ordre d’apparition sur la liste ci-dessus. La priorité absolue a été attribuée aux agressions et aux actes de violence. Les codes figurant dans cette division précisent généralement le type de violence, alors que l’arme est indiquée par le code «cause». Les accidents de transport figurent en deuxième position, suivis des incendies et des explosions.

Ces deux derniers événements, incendies et explosions, sont réunis en une seule division. Etant donné que les deux événements surviennent souvent simultanément, un ordre de priorité a dû être établi entre les deux. Conformément à la classification supplémentaire des causes externes CIM-9, les incendies ont eu la priorité sur les explosions (USPHS, 1989).

La sélection des codes pour l’inclusion dans cette classification a été influencée par l’émergence des anomalies non provoquées par contact associées à l’activité et à l’ergonomie professionnelles. Ces cas impliquent généralement des lésions nerveuses, musculaires ou ligamentaires produites par des efforts, des mouvements répétitifs et même de simples mouvements: lorsque le dos se bloque quand le travailleur se penche pour ramasser un objet. Il est aujourd’hui établi que le syndrome du canal carpien est lié à des mouvements répétés comme tourner une clé, taper à la machine, découper et même être préposé à une caisse enregistreuse. La section «efforts excessifs» comprend ces incidents sans contact ni choc.

La division exposition à des situations ou à des substances dangereuses distingue les différents modes d’exposition aux substances dangereuses ou toxiques: voie respiratoire, cutanée, digestive ou parentérale. Une section distincte a été créée pour la transmission d’un agent infectieux par une aiguille. Les autres incidents sans choc au cours desquels les travailleurs sont victimes d’électrocution ou de mauvaises conditions environnementales, comme un froid extrême, figurent également dans cette division.

Le contact avec des objets et du matériel, ainsi que les chutes sont les divisions qui regroupent la plupart des événements à l’origine d’accidents du travail.

Les causes de l’accident ou de la maladie

La classification causes de l’accident ou de la maladie désigne l’objet, la substance, le mouvement du corps ou l’exposition qui a directement provoqué l’accident ou la maladie. Si une brique tombe sur un travailleur et lui ouvre le crâne, la brique constitue la cause de l’accident. Il existe un lien direct entre la cause et la nature de l’accident ou de la maladie. Si un travailleur glisse sur une flaque d’huile, tombe et se casse le coude, la fracture s’est produite en heurtant le sol, le sol est donc la cause de l’accident. Cette classification contient dix divisions:

Les définitions générales et les concepts de codage de la nouvelle classification des causes du BLS ont été tirés du système Z16.2 de l’ANSI. Cependant, la tâche consistant à dresser une liste de codes plus exhaustive et hiérarchisée était décourageante au premier abord, étant donné que pratiquement tout objet ou substance en ce monde peut être la cause d’un accident ou d’une maladie. Non seulement toute chose peut constituer une cause, mais les pièces ou les éléments de chaque chose le peuvent également. Pour compliquer le tout, il fallait regrouper en dix divisions seulement la totalité des éléments susceptibles d’être inclus dans les codes «causes».

L’examen des données historiques sur les accidents du travail et les maladies professionnelles a révélé les imperfections ou les archaïsmes de la classification précédente. Les sections machines et outils devraient être élargies et mises à jour. Il n’existait aucun code pour les ordinateurs. La liste des outils électriques était devenue obsolète en raison de l’évolution technique, et un grand nombre des articles figurant sur la liste des outils non électriques étaient alors pratiquement tous électriques: tournevis, marteaux, etc. Les utilisateurs avaient également manifesté le désir de voir la liste des produits chimiques s’élargir et être mise à jour dans la nouvelle classification. Aux Etats-Unis, l’OSHA a demandé plus de détails sous certaines rubriques, telles que plusieurs types d’échafaudages, de chariots élévateurs et d’engins de construction et de débardage.

L’organisation des éléments à inclure dans des sous-divisions et des groupes distincts à l’intérieur d’une division a constitué l’aspect le plus difficile de l’élaboration de la classification des causes. Autre difficulté, les codes des causes devaient s’exclure l’un l’autre. Cependant, même avec des catégories bien définies, un grand nombre d’éléments pouvaient logiquement relever de deux, voire de plusieurs divisions. Par exemple, il était convenu que les machines et les véhicules devaient appartenir à des catégories différentes. Cependant, les réviseurs n’étaient pas d’accord sur la répartition de certains éléments tels que les paveuses ou les chariots élévateurs: étaient-ils des machines ou des véhicules?

Une autre controverse est apparue sur la façon de grouper les machines dans la division «machines». Les choix étaient multiples: associer les machines à un procédé ou à une branche d’activité (par exemple, machines agricoles ou de jardinage), les grouper suivant leur fonction (machines à imprimer, appareils de chauffage et de refroidissement) ou suivant le type d’objet fabriqué (machines à travailler le bois ou le métal). Une solution unique n’étant pas applicable à tous les types de machines, le BLS a trouvé un compromis: la liste tient compte de la branche d’activité pour certains groupes (machines agricoles, engins de construction et de débardage), de la fonction générale pour d’autres (engins de manutention, machines de bureau) et, enfin, de la matière ouvrée pour les derniers (travail du métal, travail du bois). En cas de chevauchement — comme celui d’une machine pour le travail du bois utilisée dans la construction —, la nomenclature définit la catégorie à laquelle elle appartient, afin que les codes s’excluent l’un l’autre.

Des codes spéciaux ont été ajoutés pour saisir les données relatives aux accidents et aux maladies survenant dans le secteur des soins de santé, qui est apparu comme l’un des plus gros employeurs aux Etats-Unis et qui a de graves problèmes de sécurité et de santé. Par exemple, de nombreux organismes gouver-nementaux participants recommandent l’inclusion d’un code pour les patients et pour les employés des établissements de soins, étant donné que le personnel infirmier et les aides-soignants peuvent se blesser en soulevant, en déplaçant ou en soignant leurs patients.

La cause secondaire de l’accident ou de la maladie

Le BLS et d’autres utilisateurs de données ont admis que la classification causes des accidents du travail et des maladies professionnelles détermine l’objet qui a induit l’accident ou la maladie, mais qu’elle néglige parfois des agents importants qui y contribuent. Dans le système précédent, par exemple, si un travailleur était blessé par un morceau de bois qui avait sauté parce que sa scie était grippée, le bois était la cause de son accident; le fait qu’une scie électrique était impliquée était occulté. Si un travailleur était brûlé dans un incendie, la flamme était considérée comme la cause de l’accident sans que l’on puisse désigner la cause de l’incendie.

Pour suppléer à cette perte potentielle d’informations, le BLS a établi la notion de cause secondaire de l’accident ou de la maladie qui «indique l’objet, la substance ou la personne qui est la cause de l’accident ou de la maladie ou qui a contribué à l’événement ou à l’exposition». Selon les critères de sélection spécifiques de ce code, l’accent est mis sur la désignation des machines, outils, matériels ou autres substances productrices d’énergie (telles que les liquides inflammables) qui ne figurent pas dans la classification. Dans le premier exemple donné ci-dessus, la scie électrique constituerait la cause secondaire puisqu’elle a éjecté un morceau de bois. Dans le deuxième exemple, la substance qui s’était enflammée (graisse, essence, etc.) correspondrait à la cause secondaire.

Les conditions de mise en œuvre: révision, vérification et validation

Etablir un système de classification complet ne consiste pas seulement à s’assurer que des informations précises concernant les accidents du travail et les maladies professionnelles soient saisies et rendues disponibles. Il faut encore que le personnel responsable comprenne comment appliquer le système de codage de manière correcte, uniforme et conforme au modèle adopté.

La première étape en matière d’assurance qualité a été de donner une solide formation à ceux qui seraient chargés d’indiquer les codes de la classification. Des stages de niveau débutant, intermédiaire et avancé ont été prévus pour les aider à appliquer de manière uniforme les techniques de codage. Un petit groupe de formateurs a été chargé d’organiser ces stages pour le personnel intéressé sur tout le territoire des Etats-Unis.

Des contrôles électroniques d’édition ont été conçus pour assister le personnel dans la révision, la vérification et la validation aux fins des estimations caractéristiques et démographiques des cas. Les possibilités de combinaisons ont été précisées, et un système automatique chargé de déceler les erreurs parmi ces combinaisons a été mis en place. Il dispose de plus de 550 groupes de recoupements qui vérifient que les données reçues satisfont aux critères de qualité. Par exemple, un cas identifié comme un syndrome du canal carpien affectant le genou serait tenu pour une erreur. Ce système automatique reconnaît également les codes non valides, c’est-à-dire ceux qui n’existent pas dans la classification.

Il est évident que ces contrôles ne sont pas suffisamment stricts pour repérer toutes les données suspectes qui doivent être soumises à des tests de vraisemblance. Par exemple, d’après les mêmes données concernant le siège de la lésion qui ont été recueillies sur plusieurs années, presque 25% des cas ont cité le dos comme la zone affectée. Le personnel chargé de la révision dispose ainsi d’une référence pour la validation des données. Un examen global des tableaux croisés donne également un aperçu de la qualité de la mise en œuvre de la classification. Enfin, les événements rares, comme la tuberculose professionnelle, devraient être validés. Un élément important d’un système de validation complet pourrait être de reprendre contact avec l’employeur pour s’assurer de l’exactitude du document d’origine, même si cela demande des ressources supplémentaires.

Exemples

Une sélection d’exemples de chacun des quatre systèmes de classification et de codage des maladies et des accidents figure au tableau 32.5; elle illustre la multiplicité des détails et, par conséquent, la richesse du système final. La puissance du système dans son ensemble est démontrée au tableau 32.6, qui présente un grand nombre de caractéristiques données pour un seul type d’accident, les chutes. Outre le nombre total de chutes, les données sont ensuite subdivisées en chutes de plain-pied, chutes avec dénivellation et sauts à un niveau inférieur. Par exemple, on peut constater que les travailleurs âgés de 25 à 34 ans, les conducteurs de machines, les ouvriers de production et les manœuvres, les travailleurs des industries manufacturières et les travailleurs étant au service de leur employeur depuis moins de cinq ans étaient les plus exposés aux chutes (données non présentées). L’accident était le plus souvent associé au travail au sol, et la lésion qui en résultait correspondait généralement à un lumbago ou à une déchirure musculaire donnant lieu à un arrêt de travail de plus d’un mois.

Tableau 32.5 Exemples de codage des accidents et des maladies aux Etats-Unis — Bureau
des statistiques du travail (Bureau of Labour Statistics (BLS))

Code de la nature de l’accident ou de la maladie — Exemples

0*    Affections et blessures traumatiques

    08*

Affections et blessures traumatiques multiples

        080

Affections et blessures traumatiques multiples, non précisées

        081

Coupures, écorchures, contusions

        082

Entorses et contusions

        083

Fractures et brûlures

        084

Fractures et autres lésions

        085

Brûlures et autres lésions

        086

Lésions cérébrales et lésions internes

        089

Autres combinaisons d’affections et de lésions traumatiques, n.c.a.

Code de l’événement ou de l’exposition — Exemples

1*    Chutes

    11*

Chute avec dénivellation

        113

Chute d’une échelle

        114

Chute d’une pile ou d’un tas de matériaux

        115*

Chute d’un toit

            1150

Chute d’un toit, non précisée

            1151

Chute à travers une ouverture dans le toit

            1152

Chute à travers le toit

            1153

Chute à travers une verrière

            1154

Chute du bord du toit

            1159

Chute d’un toit, n.c.a.

        116

Chute d’un échafaudage, d’une plate-forme

        117

Chute d’une poutre de construction ou de toute autre charpente métallique

        118

Chute d’un véhicule immobilisé

        119

Chute avec dénivellation, n.c.a.

Code de l’agent matériel en relation avec l’accident ou la maladie — Exemples

7*    Outils, instruments et équipement

    72*

Outils électriques

        722*

Outils tranchants, électriques

            7220

Outils tranchants, électriques, non précisés

            7221

Tronçonneuses, électriques

            7222

Ciseaux, électriques

            7223

Couteaux, électriques

            7224

Scies, électriques, à l’exception des tronçonneuses

            7229

Outils tranchants, électriques, n.c.a.

        723*

Outils de frappe et de clouage, électriques

            7230

Outils de frappe, électriques, non précisés

            7231

Marteaux, électriques

            7232

Marteaux-piqueurs, électriques

            7233

Machines à découper, électriques

Code du siège de la lésion — Exemples

2*    Tronc

    23*

Dos, y compris colonne vertébrale et moelle épinière

        230

Dos, y compris colonne vertébrale et moelle épinière, non précisé

        231

Région lombaire

        232

Région thoracique

        233

Région sacrée

        234

Région coccygienne

        238

Régions multiples

        239

Dos, y compris colonne vertébrale et moelle épinière, n.c.a.

* = division, grand groupe, ou titre du groupe; n.c.a. = non classé ailleurs.

Tableau 32.6 Nombre et pourcentage des accidents du travail et des maladies professionnelles
non mortels dus à une chute et entraînant un arrêt de travail, en fonction de certaines
caractéristiques des travailleurs, Etats-Unis, 19931

Caractéristique

Tous les événements

Toutes les chutes

Chutes avec dénivellation

Saut à un niveau inférieur

Chutes de plain-pied

 

Nombre

%

Nombre

%

Nombre

%

Nombre

%

Nombre

%

Total

2 252 591

100,0

370 112

100,0

111 266

100,0

9 433

100,0

244 115

100,0

Sexe:

 Hommes

1 490 418

 66,2

219 199

 59,2

 84 868

 76,3

8 697

 92,2

121 903

 49,9

 Femmes

  735 570

 32,7

148 041

 40,0

 25 700

 23,1

  645

  6,8

120 156

 49,2

Age:

 De 14 à 15 ans

      889

  0,0

    246

  0,1

    118

  0,1

     84

  0,0

 De 16 à 19 ans

   95 791

  4,3

 15 908

  4,3

  3 170

  2,8

  260

  2,8

 12 253

  5,0

 De 20 à 24 ans

  319 708

 14,2

 43 543

 11,8

 12 840

 11,5

1 380

 14,6

 28 763

 11,8

 De 25 à 34 ans

  724 355

 32,2

104 244

 28,2

 34 191

 30,7

3 641

 38,6

 64 374

 26,4

 De 35 à 44 ans

  566 429

 25,1

 87 516

 23,6

 27 880

 25,1

2 361

 25,0

 56 042

 23,0

 De 45 à 54 ans

  323 503

 14,4

 64 214

 17,3

 18 665

 16,8

1 191

 12,6

 43 729

 17,9

 De 55 à 64 ans

  148 249

  6,6

 37 792

 10,2

  9 886

  8,9

  470

  5,0

 27 034

 11,1

 65 ans et plus

   21 604

  1,0

  8 062

  2,2

  1 511

  1,4

   24

  0,3

  6 457

  2,6

Profession:

 Direction et professions intellectuelles et scientifiques

  123 596

  5,5

 26 391

  7,1

  6 364

  5,7

  269

  2,9

 19 338

  7,9

 Techniciens commerciaux et administratifs

  344 402

 15,3

 67 253

 18,2

 16 485

 14,8

  853

  9,0

 49 227

 20,2

 Services

  414 135

 18,4

 85 004

 23,0

 13 512

 12,1

  574

  6,1

 70 121

 28,7

 Agriculture, foresterie et pêche

   59 050

  2,6

  9 979

  2,7

  4 197

  3,8

  356

  3,8

  5 245

  2,1

 Mécaniciens de précision, artisans et réparateurs

  366 112

 16,3

 57 254

 15,5

 27 805

 25,0

1 887

 20,0

 26 577

 10,9

 Conducteurs de machines, ouvriers de production et manœuvres

  925 515

 41,1

122 005

 33,0

 42 074

 37,8

5 431

 57,6

 72 286

 29,6

Nature de la maladie, de la lésion:

 Entorses, foulures

  959 163

 42,6

133 538

 36,1

 38 636

 34,7

5 558

 58,9

 87 152

 35,7

 Fractures

  136 478

  6,1

 55 335

 15,0

 21 052

 18,9

1 247

 13,2

 32 425

 13,3

 Coupures, lacérations, déchirures

  202 464

  9,0

 10 431

  2,8

  2 350

  2,1

  111

  1,2

  7 774

  3,2

 Ecchymoses, contusions

  211 179

  9,4

 66 627

 18,0

 17 173

 15,4

  705

  7,5

 48 062

 19,7

 Lésions multiples

   73 181

  3,2

 32 281

  8,7

 11 313

 10,2

  372

  3,9

 20 295

  8,3

   Avec fractures

   13 379

  0,6

  4 893

  1,3

  2 554

  2,3

   26

  0,3

  2 250

  0,9

   Avec entorses

   26 969

  1,2

 15 991

  4,3

  4 463

  4,0

  116

  1,2

 11 309

  4,6

 Douleurs

  127 555

  5,7

 20 855

  5,6

  5 614

  5,0

  529

  5,6

 14 442

  5,9

   Lombalgies

   58 385

  2,6

  8 421

  2,3

  2 587

  2,3

  214

  2,3

  5 520

  2,3

 Autres

  411 799

 18,3

 50 604

 13,7

 15 012

 13,5

  897

  9,5

 33 655

 13,8

Siège de la lésion:

 Tête

  155 504

  6,9

 13 880

  3,8

  2 994

  2,7

   61

  0,6

 10 705

  4,4

   Œil

   88 329

  3,9

    314

  0,1

     50

  0,0

   11

  0,1

    237

  0,1

 Cou

   40 704

  1,8

  3 205

  0,9

  1 097

  1,0

   81

  0,9

  1 996

  0,8

 Tronc

  869 447

 38,6

118 369

 32,0

 33 984

 30,5

1 921

 20,4

 80 796

 33,1

   Dos

615 010

 27,3

 72 290

 19,5

20 325

 18,3

1 523

 16,1

 49 461

 20,3

   Epaule

105 881

  4,7

 16 186

  4,4

 4 700

  4,2

   89

  0,9

 11 154

  4,6

Cause de la lésion:

 Produits chimiques

 43 411

  1,9

     22

  0,0

     16

  0,0

 Conteneurs

330 285

 14,7

  7 133

  1,9

   994

  0,9

  224

  2,4

  5 763

  2,4

 Meubles, installations

 88 813

  3,9

  7 338

  2,0

   881

  0,8

  104

  1,1

  6 229

  2,6

 Machines

154 083

  6,8

  4 981

  1,3

   729

  0,7

  128

 14

  4 035

  1,7

 Pièces et matériaux

249 077

 11,1

  6 185

  1,7

 1 016

  0,9

  255

  2,7

  4 793

  2,0

 Posture ou geste du travailleur

331 994

 14,7

 Sols

340 159

 15,1

318 176

 86,0

98 207

 88,3

7 705

 81,7

208 765

 85,5

 Outils portatifs

105 478

  4,7

    727

  0,2

    77

  0,1

   41

  0,4

    600

  0,2

 Véhicules

157 360

  7,0

  9 789

  2,6

 3 049

  2,7

  553

  5,9

  6 084

  2,5

 Patients

 99 390

  4,4

    177

  0,0

    43

  0,0

    8

  0,1

     90

  0,0

 Autres

 83 813

  3,7

 15 584

  4,2

 6 263

  5,6

  414

  4,4

  7 741

  3,2

Branche d’activité:

 Agriculture, foresterie et pêche2

 44 826

  2,0

  8 096

  2,2

 3 636

  3,3

  301

  3,2

  3 985

  1,6

 Exploitations minières3

 21 090

  0,9

  3 763

  1,0

 1 757

  1,6

  102

  1,1

  1 874

  0,8

 Construction

204 769

  9,1

 41 787

 11,3

23 748

 21,3

1 821

 19,3

 15 464

  6,3

 Industries manufacturières

583 841

 25,9

 63 566

 17,2

17 693

 15,9

2 161

 22,9

 42 790

 17,5

 Transports et services publics

232 999

 10,3

 38 452

 10,4

14 095

 12,7

1 797

 19,0

 21 757

  8,9

 Commerce de gros

160 934

  7,1

 22 677

  6,1

 8 119

  7,3

1 180

 12,5

 12 859

  5,3

 Commerce de détail

408 590

 18,1

 78 800

 21,3

15 945

 14,3

1 052

 11,1

 60 906

 24,9

 Finance, assurances et immobilier

 60 159

  2,7

 14 769

  4,0

 5 353

  4,8

  112

  1,2

  9 167

  3,8

 Services

535 386

 23,8

 98 201

 26,5

20 920

 18,8

  907

  9,6

 75 313

 30,9

Nombre de jours d’arrêt de travail:

 1 jour

366 054

 16,3

 48 550

 13,1

12 450

 11,2

1 136

 12,0

 34 319

 14,1

 2 jours

291 760

 13,0

 42 912

 11,6

11 934

 10,7

1 153

 12,2

 29 197

 12,0

 3-5 jours

467 001

 20,7

 72 156

 19,5

20 167

 18,1

1 770

 18,8

 49 329

 20,2

 6-10 jours

301 941

 13,4

 45 375

 12,3

13 240

 11,9

1 267

 13,4

 30 171

 12,4

 11-20 jours

256 319

 11,4

 44 228

 11,9

13 182

 11,8

1 072

 11,4

 29 411

 12,0

 21-30 jours

142 301

  6,3

 25 884

  7,0

 8 557

  7,7

  654

  6,9

 16 359

  6,7

 31 jours au minimum

427 215

 19,0

 91 008

 24,6

31 737

 28,5

2 381

 25,2

 55 329

 22,7

Durée médiane des arrêts de travail:

6 jours

 

7 jours

 

10 jours

 

8 jours

 

7 jours

 

1 Y compris les jours d’arrêt de travail avec ou sans restriction de l’activité professionnelle. 2 A l’exclusion des exploitations agricoles de moins de 11 salariés. 3 Les données conformes aux définitions de l’OSHA concernant les travailleurs des mines de charbon et des mines métalliques et non métalliques et les employés des transports ferroviaires sont transmises au Bureau des statistiques du travail (Bureau of Labor Statistics (BLS)) par l’Administration de la sécurité et de la santé dans les mines (Mine Safety and Health Administration), le ministère du Travail, l’Administration fédérale des chemins de fer (Federal Railroad Administration) et le ministère des Transports. A l’exclusion des dirigeants indépendants d’exploitations minières.

Note: les chiffres ayant été arrondis et les données des réponses non classables ayant été exclues, les totaux peuvent ne pas être exacts. Les tirets indiquent que les données ne satisfont pas aux règles de publication. Les évaluations de l’enquête sur les accidents du travail et les maladies professionnelles se fondent sur un échantillon d’employeurs prélevé scientifiquement. L’échantillon utilisé était l’un des nombreux échantillons possibles, chacun pouvant produire des estimations différentes. L’erreur type relative est la mesure de la variation des évaluations de tous les échantillons possibles qui auraient pu être prélevés. Le pourcentage des erreurs type relatives des estimations susmentionnées va de moins de 1% à 58%.

Source: Bureau of Labor Statistics (BLS).

Il est évident que des données comme celles-ci peuvent considérablement influencer la mise au point de programmes de prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles. Pourtant, elles n’indiquent pas les professions ou les branches d’activité les plus dangereuses, étant donné que certaines professions à haut risque ne sont exercées que par un nombre restreint de travailleurs. La détermination des niveaux de risques associés à certaines professions et branches d’activité est expliquée dans l’article ci-après «L’analyse des risques d’accidents du travail et de maladies professionnelles non mortels».

L’ANALYSE DES RISQUES D’ACCIDENTS DU TRAVAIL ET DE MALADIES PROFESSIONNELLES NON MORTELS

John W. Ruser

Aux Etats-Unis, le Bureau des statistiques du travail (Bureau of Labor Statistics (BLS)) classe régulièrement les maladies professionnelles et les accidents du travail non mortels en fonction des caractéristiques des cas et des travailleurs, en utilisant les données de l’enquête nationale sur les accidents du travail et les maladies professionnelles. Bien que ces totaux désignent les groupes de travailleurs victimes d’un grand nombre d’accidents du travail, ils ne mesurent pas le risque. Ainsi, un groupe particulier peut avoir été victime de très nombreux accidents du travail simplement en raison du nombre de travailleurs qui le composent, et non parce que les tâches exécutées sont spécialement dangereuses.

En vue d’évaluer avec précision le risque réel, les données relatives aux accidents du travail doivent être rapportées à une mesure de l’exposition au risque, telle que le nombre d’heures de travail, indicateur de l’offre de main-d’œuvre qui peut être obtenu par d’autres enquêtes. Le taux d’accidents du travail non mortels pour un groupe de travailleurs peut être calculé en divisant le nombre des accidents enregistrés dans ce groupe par le nombre d’heures de travail effectuées au cours de la même période. Le taux ainsi obtenu constitue le risque d’accidents par heure de travail:

Figure 32.

Une manière pratique de comparer le risque d’accidents pour différents groupes de travailleurs est d’évaluer le risque relatif:

Figure 32.

Le groupe de référence peut être un groupe particulier de travailleurs, tel que la totalité des cadres et des ouvriers hautement qualifiés. Il peut également être constitué de tous les travailleurs. De toute façon, le risque relatif (RR) correspond au rapport utilisé communément dans les études épidémiologiques (Rothman, 1986). Il équivaut algébriquement au pourcentage de tous les accidents qui frappent le groupe particulier, divisé par le pourcentage des heures effectuées par ce groupe. Un RR supérieur à 1,0 signifie que les membres du groupe choisi ont un plus grand risque d’accidents que ceux du groupe de référence; un RR inférieur à 1,0 signifie que les membres de ce groupe subissent en moyenne moins d’accidents par heure.

Les tableaux 32.7 et 32.8 montrent comment les indices de risque relatif pour différents groupes de travailleurs permettent de signaler ceux qui courent le risque le plus élevé d’accidents du travail. Les données relatives aux accidents proviennent de l’enquête sur les accidents du travail et les maladies professionnelles de 1993 (BLS, 1993b) et indiquent le nombre d’accidents et de maladies qui s’accompagnent d’un arrêt de travail. Le calcul repose sur des estimations des heures de travail annuelles tirées des microfiches des enquêtes sur la population de 1993 effectuées par le Bureau du recensement des Etats-Unis (Bureau of the Census, 1993) à partir d’enquêtes sur les ménages.

Tableau 32.7 Risques d'accients du travail et de maladies professionnelles

Profession

Pourcentage1

Risque relatif

 

Cas d’accidents et de maladies

Heures ouvrées

 

Toutes les professions du secteur privé à l’exclusion de l’agriculture

100,00

100,00

1,0

Direction et professions intellectuelles et scientifiques

  5,59

 24,27

0,2

  Directeurs, administrateurs et cadres

  2,48

 13,64

0,2

  Professions intellectuelles et scientifiques

  3,12

 10,62

0,3

Techniciens, commerciaux et administratifs

 15,58

 32,19

0,5

  Techniciens et professions apparentées

  2,72

  3,84

0,7

  Commerciaux

  5,98

 13,10

0,5

  Administratifs, y compris le personnel de bureau

  6,87

 15,24

0,5

Professions du secteur tertiaire2

 18,73

 11,22

1,7

  Services de sécurité3

  0,76

  0,76

1,0

  Emplois du secteur tertiaire, à l’exception des services de sécurité

 17,97

 10,46

1,7

Agriculture, foresterie et pêche4

  1,90

  0,92

2,1

Mécaniciens de précision, artisans et réparateurs

 16,55

  13,03

1,3

  Mécaniciens et réparateurs

  6,30

  4,54

1,4

  Métiers de la construction

  6,00

  4,05

1,5

  Professions des industries extractives

  0,32

  0,20

1,6

  Mécaniciens de précision

  3,93

  4,24

0,9

Opérateurs de machines, ouvriers de production et manœuvres

 41,64

 18,37

2,3

  Opérateurs de machines, monteurs et contrôleurs

 15,32

  8,62

1,8

  Transports et déménagements

  9,90

  5,16

1,9

  Manutentionnaires, techniciens de surface, assistants et manœuvres

 16,42

  4,59

3,6

1 Pourcentage des accidents et des maladies, heures ouvrées et risque relatif d’accidents et de maladies professionnelles avec arrêt de travail, par profession, salariés du secteur privé âgés de 15 ans au minimum, à l’exclusion des professions agricoles, 1993.

2 A l’exclusion des employés de maison privés et des travailleurs des services de protection du secteur public.

3 A l’exclusion des travailleurs des services de protection du secteur public.

4 A l’exclusion des ouvriers des agro-industries.

Sources: Bureau of Labor Statistics (BLS): Survey of Occupational Injuries and Illnesses, 1991, 1993b; Bureau of the Census: Current Population Survey, January through December 1993, 1993.

Tableau 32.8 Indice du risque relatif des mouvements répétitifs entraînant un arrêt de travail
des salariés du secteur privé âgés de 15 ans au minimum par profession et par sexe, à
l'exclusion de l'agriculture, Etats-Unis, 1993

Profession

Tous

Hommes

Femmes

Toutes les professions du secteur privé, à l’exclusion de l’agriculture

1,0

0,6

1,5

Direction et professions intellectuelles et scientifiques

0,2

0,1

0,3

  Directeurs, administrateurs et cadres

0,2

0,0

0,3

  Professions intellectuelles et scientifiques

0,2

0,1

0,3

Techniciens, commerciaux et administratifs

0,8

0,3

1,1

  Techniciens et professions apparentées

0,6

0,3

0,8

  Commerciaux

0,3

0,1

0,6

  Administratifs, y compris le personnel de bureau

1,2

0,7

1,4

Professions du secteur tertiaire1

0,7

0,3

0,9

  Services de sécurité2

0,1

0,1

0,4

  Emplois du secteur tertiaire, à l’exception des services de sécurité

0,7

0,4

0,9

Agriculture, foresterie et pêche3

0,8

0,6

1,8

Mécaniciens de précision, artisans et réparateurs

1,0

0,7

4,2

  Mécaniciens et réparateurs

0,7

0,6

2,4

  Métiers de la construction

0,6

0,6

  Professions des industries extractives

0,1

0,1

  Mécaniciens de précision

1,8

1,0

4,6

Opérateurs, ouvriers de production et manœuvres

2,7

1,4

6,9

  Opérateurs de machines, monteurs et contrôleurs

4,1

2,3

7,3

  Transports et déménagements

0,5

0,5

1,6

  Manutentionnaires, techniciens de surface, assistants et manœuvres

2,4

1,4

7,1

1 A l’exclusion des employés de maison privés et des travailleurs des services de protection du secteur public.

2 A l’exclusion des travailleurs des services de protection du secteur public.

3 A l’exclusion des ouvriers des agro-industries.

Note: les tirets indiquent que les données ne satisfont pas aux règles de publication.

Sources: calculs tirés de Survey of Occupational Injuries and Illnesses, 1991, Bureau of Labor Statistics (BLS), 1993b; Current Population Survey, January through December 1993, Bureau of the Census, 1993.

Le tableau 32.7 présente les données par profession concernant la part des accidents du travail, celle des heures ouvrées et leur rapport, qui correspond au RR pour les accidents et les maladies entraînant un arrêt de travail. Le groupe de référence est constitué exclusivement de travailleurs âgés de 15 ans au moins exerçant «toutes les professions du secteur privé à l’exclusion de l’agriculture» et correspond à 100%. A titre d’exemple, le groupe «conducteurs de machines, ouvriers de production et manœuvres» a subi 41,64% des accidents et des maladies, mais n’a effectué que 18,37% de toutes les heures ouvrées de la popula-tion de référence. Par conséquent, le RR chez les conducteurs de machines, ouvriers de production et manœuvres est de 41,64/18,37 = 2,3. En d’autres termes, les travailleurs de ce groupe professionnel présentent en moyenne un taux d’accidents et de maladies 2,3 fois supérieur à celui de tous les travailleurs du secteur privé, à l’exclusion de l’agriculture. En outre, ils risquent 11 fois plus d’être victimes d’un accident grave que les dirigeants et les professions intellectuelles et scientifiques.

Les différents groupes professionnels peuvent être classés en fonction de leur degré de risque en comparant simplement leurs indices de RR. Le RR le plus élevé figurant dans le tableau 32.7 est associé aux manutentionnaires, techniciens de surface, assistants et manœuvres, alors que les dirigeants et les professions intellectuelles et scientifiques constituent le groupe présentant le risque le plus faible (RR  N = 0,2). On peut affiner l’interprétation. Tandis que le tableau suggère que les travailleurs peu qualifiés occupent des professions présentant des risques d’accidents et de maladies élevés, même parmi les professions manuelles, le taux d’accidents et de maladies est plus élevé pour les conducteurs de machines, les ouvriers de production et les manœuvres peu qualifiés que pour les mécaniciens de précision, les artisans et les réparateurs.

Les RR mentionnés ci-dessus se fondent sur la totalité des accidents et des maladies entraînant un arrêt de travail, ces données étant depuis longtemps disponibles et bien comprises. Grâce à la nouvelle classification de l’enquête sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, les chercheurs peuvent maintenant examiner en détail des accidents et des maladies déterminés.

Par exemple, le tableau 32.8 indique le RR des mêmes groupes professionnels, mais en le limitant à une seule conséquence, «affections associées aux mouvements répétitifs» (code «événement» 23) entraînant un arrêt de travail, par profession et par sexe. Le syndrome du canal carpien, les tendinites et certaines lésions musculo-tendineuses ou articulaires font partie des affections dues aux mouvements répétitifs. Les opératrices de machines, les monteuses et les contrôleuses constituent clairement le groupe le plus gravement atteint par ce type d’accident (RR = 7,3), suivi par le personnel féminin de manutention, de nettoyage et d’entretien (RR = 7,1).

Le tableau montre des différences considérables entre les sexes en ce qui concerne le risque encouru lors de mouvements répétitifs. Dans l’ensemble, une femme court 2,5 fois plus de risque qu’un homme de perdre son emploi en raison d’une affection associée aux mouvements répétitifs (2,5 = 1,5/0,6). Cependant, cette différence ne reflète pas seulement une disparité entre les professions des hommes et des femmes. Les femmes présentent un risque plus élevé que les hommes dans tous les grands groupes professionnels, comme aussi dans ceux plus restreints figurant au tableau, notamment dans la vente et le travail manuel. Les femmes courent six fois plus de risque que les hommes d’être en arrêt de travail en raison de lésions dues aux mouvements répétitifs dans les professions suivantes: la vente, l’industrie de précision, l’artisanat et la réparation.

ÉTUDE DE CAS: LA PROTECTION DES TRAVAILLEURS ET LES STATISTIQUES DES ACCIDENTS DU TRAVAIL ET DES MALADIES PROFESSIONNELLES — HVBG, ALLEMAGNE

Martin Butz et Burkhard Hoffmann

Les associations professionnelles allemandes (Berufsgenossenschaften (BG))

Dans le système allemand de sécurité sociale, l’assurance obligatoire contre les accidents couvre les conséquences des accidents sur le lieu de travail, des accidents de trajet et des maladies professionnelles. Cette assurance obligatoire comprend trois branches:

Les 35 associations professionnelles (BG) couvrent les diverses branches de l’activité économique en Allemagne. Elles sont responsables de 39 millions de salariés assurés dans 2,6 millions d’entreprises. Toute personne en situation de travail, de service ou de formation est assurée, indépendamment de son âge, de son sexe et de son revenu. L’organisation centrale est la Fédération des associations professionnelles (Hauptverband der Berufsgenossenschaften (HVBG)).

Aux termes de la loi, les BG sont tenues d’employer tous les moyens appropriés afin de prévenir les accidents du travail et les maladies professionnelles, d’apporter des soins d’urgence efficaces, d’assurer la réadaptation sociale, professionnelle et médicale optimale, et de verser des indemnités aux victimes d’accidents et de maladies, ainsi qu’aux survivants. Par conséquent, les BG se chargent à la fois de la prévention, de la réadaptation et de la réparation.

Les primes destinées à financer ces prestations sont exclusivement à la charge des employeurs. En 1993, tous les employeurs de l’industrie ont versé aux BG une moyenne de 1,44 DM par tranche de 100 DM de salaire, soit 1,44%. Les primes se sont élevées à 16 milliards de DM, dont 80% ont été consacrés à la réadaptation et aux pensions. Le reste a été utilisé principalement pour des programmes de prévention.

La protection de la sécurité et de la santé au travail

L’employeur est responsable de la sécurité et de la santé du salarié sur le lieu de travail. L’étendue légale de cette responsabilité est définie par l’Etat dans des lois et des ordonnances, et dans les règlements relatifs à la protection du travail des BG industrielles, qui complètent et concrétisent la législation y relative pour chaque branche d’industrie. Le système de prévention des BG est remarquable par son orientation délibérément pratique, son adaptation constante aux besoins de l’industrie et au progrès technique, et l’assistance efficace qu’il porte à l’employeur et au salarié.

Les tâches de prévention des BG, assurées principalement par leur service d’inspection technique et leur service de médecine du travail, consistent notamment à:

La responsabilité de la mise en œuvre de la protection du travail dans l’industrie incombe à l’employeur, qui est légalement obligé d’engager du personnel suffisamment qualifié pour assurer cette protection. Il s’agit de spécialistes de la sécurité au travail (responsables, techniciens et ingénieurs de la sécurité) et de médecins d’entreprise. Dans les entreprises de plus de vingt salariés, un ou plusieurs délégués à la sécurité doivent être engagés. L’étendue de la responsabilité de l’entreprise pour ce qui concerne les spécialistes de la sécurité au travail et les médecins est établie par la convention collective, spécifique à la branche et à l’indice de risque. Dans les entreprises qui ont engagé un spécialiste de la sécurité au travail ou un médecin d’entreprise, l’employeur doit créer un comité de sécurité et d’hygiène, composé d’un représentant de l’employeur, de deux représentants des travailleurs, du médecin d’entreprise, ainsi que de délégués et de spécialistes de la sécurité au travail. Le personnel chargé des premiers secours, dont la formation est dirigée par l’association professionnelle, appartient également à l’organisation de la sécurité au travail de l’entreprise.

La médecine du travail est d’une importance toute particulière. Chaque salarié exposé à un type de risque particulier pour la santé sur le lieu de travail est examiné de façon systématique, et les résultats de l’examen sont évalués conformément aux directives établies. En 1993, environ 4 millions d’examens médicaux préventifs ont été effectués par des médecins dûment autorisés. Des problèmes de santé durables ont été constatés dans moins de 1% de ces examens.

Les salariés qui travaillent au contact de produits dangereux et cancérogènes ont également le droit de passer des examens médicaux, même lorsqu’ils ont cessé d’y être exposés. Les BG ont créé trois services chargés d’examiner ces salariés:

Ces trois services ont pris en charge environ 600 000 personnes en 1993. La collecte des données relatives aux examens contribue à améliorer les soins dispensés à chaque personne et à nourrir les recherches scientifiques visant à la détection précoce des cas de cancer.

Les statistiques des accidents sur les lieux de travail

Objectif. L’objectif principal de la collecte des statistiques des accidents du travail est d’améliorer la sécurité sur les lieux de travail en évaluant et en interprétant les données relatives aux accidents. Ces données sont compilées à partir des rapports sur les accidents du travail; 5 à 10% des accidents (soit environ 100 000 accidents) sont étudiés chaque année par les services d’inspection technique des BG.

Obligation des employeurs en matière de déclaration. Chaque employeur est tenu de déclarer à sa BG dans les trois jours tout accident entraînant un arrêt de travail de trois jours ou provoquant le décès de l’assuré («accident du travail soumis à déclaration obligatoire»). Cette obligation s’applique également aux accidents de trajet. Les accidents qui ne causent que des dommages matériels ou qui entraînent un arrêt de travail de moins de trois jours ne sont pas soumis à cette obligation. Pour ce qui concerne les accidents du travail soumis à déclaration, l’employeur doit remplir un formulaire de «déclaration d’accident» (voir figure 32.1). La durée de l’arrêt de travail constitue le facteur déterminant la déclaration, quelle que soit la gravité de la lésion. Les accidents qui semblent sans gravité doivent être déclarés si la personne blessée se trouve dans l’incapacité de travailler pendant plus de trois jours. Cette condition de trois jours permet de prendre en compte les demandes de réparation ultérieures. Ne pas remplir de déclaration d’accident ou ne pas respecter les délais constitue une infraction au règlement qui peut être sanctionnée par la BG par une amende d’un montant maximum de 5 000 DM.

Figure 32.1 Exemple de formulaire de déclaration d'accident

Figure 32.1

Figure 32.1

Déclaration par le médecin traitant. Afin d’optimiser la réadaptation médicale et de déterminer la durée de l’arrêt de travail, la victime d’un accident suit le traitement prescrit par un spécialiste médical désigné à cette fin. Le médecin est rémunéré par la BG intéressée. Par conséquent, la BG reçoit également la déclaration d’accident du travail établie par le médecin si l’employeur a négligé d’en remplir une (dans les délais). La BG peut alors demander à l’employeur de remplir une déclaration d’accident du travail. Ce système de double déclaration (employeur et médecin) permet à la BG d’avoir connaissance de pratiquement tous les accidents du travail soumis à déclaration. Grâce aux informations fournies par la déclaration d’accident et le rapport médical, la BG vérifie si, du point de vue légal, l’accident relève de sa compétence. Se fondant sur le diagnostic médical, la BG peut, si besoin est, prendre les mesures nécessaires pour assurer le meilleur traitement possible à la victime.

Une description complète et exacte des circonstances de l’accident est extrêmement importante pour la prévention. Elle permet au service d’inspection technique de la BG d’analyser les défauts des machines et des matériels qui appellent une intervention immédiate afin d’éviter de nouveaux accidents. En cas d’accident du travail mortel ou grave, la réglementation exige que l’employeur avertisse immédiatement la BG. Ces événements sont aussitôt examinés par les spécialistes de la sécurité au travail de la BG.

Lors du calcul de la prime d’assurance d’une entreprise, la BG tient compte du nombre et du coût des accidents du travail qui y sont survenus. Un système de bonus/malus établi par la loi est utilisé dans ce calcul, et une partie de la prime d’assurance de l’entreprise est déterminée par le nombre d’accidents qui s’y sont produits. Il s’ensuit une réduction ou une augmentation de la prime d’assurance, ce qui est un bon moyen d’inciter les employeurs à veiller à la sécurité des lieux de travail.

Collaboration des délégués du personnel et des représentants de la sécurité. Toute déclaration d’accident doit également être signée par le conseil d’entreprise (Betriebsrat) et par les représentants de la sécurité (s’il y en a). Cette règle a pour but d’informer le conseil d’entreprise et les représentants de la sécurité de la situation globale de l’entreprise en matière d’accidents. Ils peuvent ainsi utilement exercer leurs droits de collaboration à la sécurité au travail.

Compilation des statistiques des accidents du travail. Sur la base des informations reçues par la BG relatives à un accident du travail (déclaration d’accident et rapport médical), les faits sont convertis en codes statistiques. Le codage couvre notamment trois domaines:

Le codage est effectué par des spécialistes connaissant bien l’organisation des branches d’activité relevant des BG, au moyen d’une liste de codes des accidents et des lésions qui comportent plus de 10 000 entrées. Afin que les statistiques soient de première qualité, les classifications sont régulièrement retravaillées, par exemple, pour les adapter au progrès technique. De plus, le personnel chargé du codage suit périodiquement des stages de perfectionnement, et les données font l’objet de tests formels et logiques de sensibilité.

L’utilisation des statistiques des accidents du travail

Une des tâches importantes de ces statistiques est de décrire les circonstances de l’accident sur le lieu de travail. Le tableau 32.9 montre les tendances relevées dans les accidents du travail soumis à déclaration, les nouveaux cas de pension et d’invalidité et les accidents mortels de 1981 à 1993. La colonne 3 («Nouveaux cas de pension») indique le nombre de nouvelles pensions versées chaque année par les BG à titre de réparation.

Tableau 32.9 Accidents du travail survenus en Allemagne de 1981 à 1993

Année

Accidents du travail

 

Accidents soumis à déclaration

Nouveaux cas de pension

Décès

1981

1 397 976

40 056

1 689

1982

1 228 317

39 478

1 492

1983

1 144 814

35 119

1 406

1984

1 153 321

34 749

1 319

1985

1 166 468

34 431

1 204

1986

1 212 064

33 737

1 069

1987

1 211 517

32 537

1 057

1988

1 234 634

32 256

1 130

1989

1 262 374

30 840

1 098

1990

1 331 395

30 142

1 086

1991

1 587 177

30 612

1 062

1992

1 622 732

32 932

1 310

1993

1 510 745

35 553

1 414

Source: Hauptverband der Berufsgenossenschaften (HVBG), Allemagne.

Pour estimer le risque moyen d’accident pour un assuré, on divise le nombre d’accidents du travail par le nombre d’heures de travail effectuées, ce qui donne le taux d’accident. Le taux par million d’heures de travail est utilisé pour établir des comparaisons chronologiques et internationales. La figure 32.2 montre l’évolution de ce taux entre 1981 et 1993.

Figure 32.2 Fréquence des accidents du travail

Figure 32.2

Statistiques des accidents spécifiques à une branche d’activité. Outre la description des tendances générales, les statistiques des lieux de travail peuvent être ventilées par branche d’activité. On peut ainsi se demander: combien y-a-t’il eu d’accidents du travail associés aux machines à meuler portables dans la métallurgie ces dernières années; comment et où ces accidents se sont-ils produits; quelles lésions ont-ils causé. Ces analyses peuvent être utiles à un grand nombre de personnes et d’institutions, telles que les ministères, les responsables de la surveillance, les instituts de recherche, les universités, les entreprises et les spécialistes de la sécurité au travail (voir tableau 32.10).

Tableau 32.10 Accidents du travail dus aux meuleuses protatives dans la métallurgie en
Allemagne de 1984 à 1993

Année

Accidents soumis à déclaration

Nouvelles pensions d’invalidité

1984

   9 709

79

1985

10 560

62

1986

11 505

76

1987

11 852

75

1988

12 436

79

1989

12 895

76

1990

12 971

78

1991

19 511

70

1992

17 180

54

1993

17 890

70

Source: Hauptverband der Berufsgenossenschaften (HVBG), Allemagne.

Le tableau 32.10 montre que les accidents du travail soumis à déclaration associés aux meuleuses portatives dans la métallurgie ont augmenté de manière continue du milieu des années quatre-vingt jusqu’en 1990. De 1990 à 1991, on a noté une augmentation considérable du nombre d’accidents. Il s’agit là d’un biais résultant de l’introduction, au début de 1991, des chiffres tenant compte des nouvelles frontières de l’Allemagne réunifiée (les chiffres des années précédentes ne portaient que sur la République fédérale d’Allemagne).

D’autres données compilées à partir de déclarations d’accident ont permis de constater que tous les accidents associés aux meuleuses portatives ne se produisent pas essentiellement dans la métallurgie. Ces appareils, qui sont bien évidemment souvent utilisés comme meules d’angle pour couper des tuyaux, des barres de fer et autres objets, sont fréquemment employés sur les chantiers de construction. Par conséquent, presque un tiers des accidents surviennent dans la construction. Dans la métallurgie, les meuleuses portatives ont causé surtout des lésions de la tête et des mains. Les blessures à la tête les plus fréquentes affectent les yeux et les parties proches des yeux, qui sont atteints par des fragments de pièces brisées, des éclats et des étincelles. L’appareil portatif est équipé d’une meule qui tourne à grande vitesse, et les blessures à la main surviennent quand la personne qui l’utilise en perd le contrôle. Le nombre élevé de blessures oculaires montre qu’il est primordial d’insister dans les entreprises sur l’importance et l’obligation de porter des lunettes de protection lors du meulage des métaux.

Comparaison des taux d’accidents à l’intérieur d’une branche d’activité et entre les branches d’activité. Bien qu’en 1993 on ait dénombré presque 18 000 accidents du travail associés aux meuleuses portatives dans la métallurgie, mais seulement 2 800 accidents du travail dus aux scies électriques portatives dans le travail du bois, on ne saurait en conclure que le risque associé à ces machines est plus élevé chez les ouvriers métallurgistes. Pour évaluer le risque que présente une branche d’activité spécifique, il faut mettre en relation le nombre d’accidents avec une mesure de l’exposition au danger, comme les heures ouvrées (voir «L’analyse des risques d’accidents du travail et de maladies professionnelles non mortels»). Cependant, on ne dispose pas toujours de ces informations. Le pourcentage des accidents graves dans le total des accidents soumis à déclaration fournit alors un taux de substitution. La comparaison des taux d’accidents graves dus aux meuleuses portatives dans le travail des métaux et de ceux qui sont imputables aux scies circulaires portatives dans le travail du bois démontre que les secondes présentent un taux dix fois supérieur aux meuleuses portatives. C’est là une constatation importante lorsqu’il s’agit d’établir un ordre de priorité pour les mesures de sécurité au travail. Ce type d’analyse comparative du risque constitue un élément important de la stratégie générale de prévention des accidents professionnels.

Les statistiques des maladies professionnelles

La définition et la déclaration des maladies professionnelles

En Allemagne, une maladie professionnelle est définie par la loi comme étant une maladie dont l’origine peut être imputée à l’activité professionnelle de la personne atteinte. Il existe une liste officielle des maladies professionnelles. Par conséquent, la question de savoir si une affection est une maladie professionnelle constitue une question à la fois d’ordre médical et d’ordre juridique qui est renvoyée à la BG par le droit public. Si une maladie professionnelle est suspectée, il ne suffit pas de démontrer que le salarié souffre, par exemple, d’eczéma. Il faut s’informer sur les substances utilisées sur le lieu de travail et leurs dangers cutanés potentiels.

Compilation des statistiques des maladies professionnelles. Etant donné que les BG sont chargées d’indemniser les travailleurs atteints de maladies professionnelles et d’offrir des services de réadaptation et de prévention, elles font grand usage des statistiques tirées des déclarations de maladies professionnelles pour cibler les mesures de prévention dans les professions et les branches d’activité reconnues comme présentant des risques élevés et pour communiquer leurs conclusions à la population en général, à la communauté scientifique et aux autorités politiques.

A l’appui de ces activités, les BG ont introduit, en 1975, un ensemble de statistiques sur les maladies professionnelles, avec des données sur chaque déclaration de maladie professionnelle et sur la décision finale la concernant, qu’elle soit acceptée ou rejetée, ainsi que les raisons de cette décision pour chaque cas. Cette base de données contient des informations anonymes sur:

Résultats des statistiques des maladies professionnelles. Une des fonctions importantes des statistiques des maladies professionnelles est de suivre l’évolution dans le temps de la fréquence des maladies professionnelles. Le tableau 32.11 répertorie les déclarations de cas présumés de maladies professionnelles, le nombre total de cas reconnus, le versement de pensions et le nombre de cas mortels entre 1980 et 1993. Il est à noter que ces données ne sont pas faciles à interpréter, car les définitions et les critères diffèrent largement. En outre, au cours de cette période, le nombre de maladies professionnelles reconnues officiellement est passé de 55 à 64. Il faut également souligner qu’à partir de 1991, les chiffres correspondent à l’Allemagne réunifiée, alors que les précédents ne portaient que sur la République fédérale d’Allemagne.

Tableau 32.11 Fréquence des maladies professionnelles en Allemagne de 1980 à 1993

Année

Déclarations de cas présumés de maladies professionnelles

Cas reconnus de maladies professionnelles

Cas ayant ouvert droit à pension

Décès dus aux maladies professionnelles

1980

40 866

12 046

5 613

1 932

1981

38 303

12 187

5 460

1 788

1982

33 137

11 522

4 951

1 783

1983

30 716

 9 934

4 229

1 557

1984

31 235

 8 195

3 805

1 558

1985

32 844

 6 869

3 439

1 299

1986

39 706

 7 317

3 317

1 548

1987

42 625

 7 275

3 321

1 455

1988

46 280

 7 367

3 660

1 363

1989

48 975

 9 051

3 941

1 281

1990

51 105

 9 363

4 008

1 391

1991

61 156

10 479

4 570

1 317

1992

73 568

12 227

5 201

1 570

1993

92 058

17 833

5 668

2 040

Source: Hauptverband der Berufsgenossenschaften (HVBG), Allemagne.

Exemple: les maladies infectieuses. Le tableau 32.12 montre la diminution du nombre de cas reconnus de maladies infectieuses au cours de la période allant de 1980 à 1993. Une colonne est consacrée à l’hépatite virale. On peut clairement constater une baisse considérable de la fréquence de cette maladie en Allemagne à partir du milieu des années quatre-vingt environ, période à partir de laquelle le personnel de santé exposé à ce risque a été vacciné à titre préventif. Par conséquent, les statistiques des maladies professionnelles peuvent servir non seulement à déceler des taux élevés de cas, mais aussi à illustrer les succès remportés par les mesures de protection. Les baisses des taux de maladies peuvent bien évidemment avoir d’autres explications. Par exemple, la réduction du nombre de cas de silicose au cours des vingt dernières années résulte principalement des suppressions d’emplois dans l’industrie minière.

Tableau 32.12 Maladies infectieuses reconnues comme étant d'origine professionnelle en
Allemagne de 1980 à 1993

Année

Total des cas reconnus

Dont hépatite virale

1980

1 173

857

1981

  883

736

1982

  786

663

1983

  891

717

1984

  678

519

1985

  417

320

1986

  376

281

1987

  224

152

1988

  319

173

1989

  303

185

1990

  269

126

1991

  224

121

1992

  282

128

1993

  319

149

Source: Hauptverband der Berufsgenossenschaften (HVBG), Allemagne.

Les sources d’information

La HVBG, qui fédère toutes les BG, centralise les différentes statistiques, les analyse et publie des brochures. En outre, elle considère les données statistiques comme un aspect de l’information globale qui doit être diffusée pour s’acquitter des nombreuses responsabilités qui incombent au système contre les accidents. Le système central de données des BG (Zentrales Informationssystem der Gesetzlichen Unfallversicherung (ZIGUV)), créé à cette fin en 1978, prépare la documentation voulue et la met à la disposition des BG.

La sécurité au travail en tant qu’approche complète et interdisciplinaire requiert un accès optimal à l’information. Les BG en sont convaincues et elles ont ainsi contribué largement à l’efficacité du système de sécurité au travail en Allemagne.

ÉTUDE DE CAS: WISMUT — L’EXPOSITION À L’URANIUM REVISITÉE

Heinz Otten et Horst Schulz

Historique

Les monts Métallifères sont exploités depuis le XIIe siècle et, dès 1470, les mines d’argent ont attiré l’attention sur cette région. Vers l’an 1500, les premières déclarations d’une maladie spécifique chez les mineurs sont apparues dans les écrits d’Agricola (1556). En 1879, cette maladie a été identifiée par Haerting et Hesse comme étant un cancer du poumon, mais, à cette époque, sa cause n’était pas clairement établie. En 1925, «le cancer du poumon de Schneeberg» a été ajouté à la liste des maladies professionnelles.

Le minerai à partir duquel Marie Curie a isolé le radium et le polonium provenait du crassier de Joachimstal (Jachymov) en Bohème. En 1936, les mesures du radon de Rajewsky près de Schneeberg ont confirmé le lien déjà présumé entre le radon dans les puits de mine et le cancer du poumon.

En 1945, l’Union soviétique intensifia son programme de recherche sur les armes atomiques. La prospection de l’uranium fut étendue aux monts Métallifères, étant donné que les conditions d’exploitation minière y étaient plus favorables que dans les gisements soviétiques. A la suite des recherches initiales, toute la région fut placée sous administration militaire soviétique, et son accès fut limité.

De 1946 à 1990, la société soviétique Wismut (SAG), devenue ensuite la société germano-soviétique Wismut (SDAG)), a exploité l’uranium en Thuringe et en Saxe (voir figure 32.3). A cette époque, l’Union soviétique voulait absolument obtenir des quantités suffisantes d’uranium afin de construire sa première bombe atomique. On ne disposait pas du matériel adéquat, et la quantité nécessaire d’uranium ne pouvait être produite qu’en passant outre aux normes de sécurité. Les conditions de travail ont été particulièrement déplorables de 1946 à 1954. Selon un rapport médical de la SAG Wismut, 1 281 mineurs sont morts dans des accidents et 20 000 ont subi des lésions ou ont vu leur état de santé se dégrader, précisément au cours des six derniers mois de 1949.

Figure 32.3 Zones minières de la société SDAG Wismut en Allemagne de l'Est

Figure 32.3

Dans l’Allemagne de l’après-guerre, l’Union soviétique considérait l’exploitation de l’uranium comme une forme de réparation. Les prisonniers, les conscrits et les «volontaires» étaient mobilisés, mais, tout au début, il n’y avait guère de personnel qualifié. Wismut a employé en tout entre 400 000 et 500 000 personnes (voir figure 32.4).

Figure 32.4 Salariés de la société Wismut de 1946 à 1990

Figure 32.4

Des conditions de travail déplorables, l’absence de technologie adéquate et l’intense pression exercée sur les travailleurs ont conduit à un nombre d’accidents et de maladies extrêmement élevé. Les conditions de travail se sont améliorées très progressivement à partir de 1953, lorsque l’Allemagne est entrée comme partenaire dans la société soviétique.

Le forage à sec, qui produit de grandes quantités de poussières, a été utilisé de 1946 à 1955. En raison de l’absence de ventilation artificielle, les travailleurs étaient exposés à des concentrations élevées de radon. En outre, leur état de santé était altéré par la charge de travail extrêmement lourde due à l’absence de matériel et d’équipements de sécurité et à la durée des postes de travail (200 heures par mois).

Le niveau d’exposition variait en fonction de la période et du puits. La mesure systématique de l’exposition était également effectuée au cours de différentes phases, comme le montre la figure 32.5. Les expositions aux rayonnements ionisants (heures ouvrées par mois (HOM)) ne peuvent être données que de manière très approximative (voir tableau 32.13). Les comparaisons avec les expositions aux rayonnements observées dans d’autres pays, les mesures effectuées dans des conditions expérimentales, et l’étude des registres permettent aujourd’hui d’estimer de façon beaucoup plus précise le niveau d’exposition.

Figure 32.5 Registres d'exposition de l'ancienne SDAG Wismut

Figure 32.5

Tableau 32.13 Estimations de l'exposition aux rayonnements dans les mines de Wismut, en
heures ouvrées par mois/année (HOM)

Année

HOM/année

1946–1955

30 – 300

1956–1960

10 – 100

1961–1965

 5 – 50

1966–1970

 3 – 25

1971–1975

 2 – 10

1976–1989

 1 – 4

Outre l’exposition intensive aux poussières minérales, d’autres facteurs associés à certaines maladies étaient présents, tels que les poussières d’uranium, l’arsenic, l’amiante et les émissions de gaz produits par les explosions. On a observé les effets physiques du bruit, des vibrations main-bras et des vibrations transmises à l’ensemble du corps. Dans ces conditions, les silicoses et les cancers broncho-pulmonaires dus aux rayonnements dominent les pathologies professionnelles de 1952 à 1990 (voir tableau 32.14).

Tableau 32.14 Tableau des maladies professionnelles connues dans les mines d'uranium de Wismut, 1952-1990

 

Liste no BKVO 1

Nombre absolu

%

Maladies dues au quartz

40

14 733

 47,8

Affections précancéreuses ou cancéreuses dues aux rayonnements ionisants

92

 5 276

 17,1

Syndromes des vibrations

54

Affections des tendons et des articulations des membres

71–72

 4 950

 16,0

Déficit auditif dû au bruit

50

 4 664

 15,1

Affections cutanées

80

   601

  1,9

Autres

   628

  2,1

Total

 

30 852

100

1 Classification des maladies professionnelles de l’ancienne RDA.

Source: Rapports annuels du système de santé de Wismut.

Bien qu’avec le temps, les services de santé de SAG/SDAG Wismut aient apporté aux mineurs de meilleurs soins, y compris des examens médicaux annuels, les effets sur la santé de l’extraction du minerai n’ont pas été systématiquement analysés. Les conditions de travail et de production ont été tenues secrètes; les entreprises Wismut étaient autonomes et constituaient, en matière d’organisation, un «Etat dans l’Etat».

L’ampleur de ces événements n’a été connue qu’en 1989-1990 avec la disparition de la République démocratique allemande (RDA). En décembre 1990, l’exploitation de l’uranium a été interrompue  en  Allemagne. Depuis  1991,  les  associations  professionnelles (Berufsgenossenschaften (BG)) responsables de la prévention, de l’enregistrement et de la réparation, en tant que prestataires de l’assurance obligatoire contre les accidents, sont chargées d’enregistrer et d’indemniser la totalité des accidents et des maladies professionnelles associés aux précédentes activités de Wismut. Leur rôle est donc d’apporter les meilleurs soins médicaux possibles aux victimes et de recueillir toutes les informations utiles relatives à la sécurité et à la santé au travail.

En 1990, environ 600 demandes de réparation liées à des cancers broncho-pulmonaires avaient été déposées auprès du système d’assurance sociale de Wismut; quelque 1 700 cas de cancer du poumon avaient été rejetés au cours des années précédentes. Depuis 1991, l’étude de ces dossiers a été poursuivie ou reprise par les BG responsables. Sur la base de projections scientifiques (Jacobi, Henrichs et Barclay, 1992; Wichmann, Brüske-Hohlfeld et  Mohner,  1995),  on  estime  que,  pour  les  dix  prochaines années, 200 à 300 cas de cancer broncho-pulmonaire par an seront reconnus comme des maladies professionnelles contractées à Wismut.

Aujourd’hui, après le changement

Les conditions de travail et de production à SDAG Wismut ont laissé leur marque sur les travailleurs et l’environnement de la Thuringe et de la Saxe. Conformément à la législation de la République fédérale d’Allemagne, le gouvernement fédéral s’est chargé d’assainir l’environnement dans la région touchée. Le coût de ces activités pour la période 1991-2005 a été estimé à 13 milliards de DM.

Après l’unification de l’Allemagne en 1990, les BG, en tant que prestataires de l’assurance obligatoire contre les accidents, ont également été chargées de s’occuper des maladies professionnelles dans l’ancienne RDA. En raison des conditions particulières de Wismut, elles ont décidé d’organiser une unité spéciale de sécurité et de santé au travail pour le complexe de Wismut. Tout en respectant les dispositions légales destinées à protéger la confidentialité des données personnelles, elles se sont efforcées d’obtenir les rapports sur les conditions de travail antérieures. Par conséquent, lors de la fermeture de l’entreprise pour raisons économiques, toutes les preuves qui pouvaient éventuellement servir pour justifier les demandes des travailleurs en cas de maladie ont été récupérées. Le bureau central de soins de Wismut (ZeBWis), créé par la fédération des BG le 1er janvier 1992, a été chargé de diagnostiquer précocement les cas pathologiques, de les traiter et d’assurer la réadaptation des malades.

Le ZeBWis se propose d’apporter les soins médicaux appropriés aux anciens salariés des mines d’uranium, et quatre tâches essentielles pour la surveillance de la santé se sont dégagées à cette fin:

Les travailleurs exposés sont soumis à des examens de dépistage afin de s’assurer d’un diagnostic précoce aussi souvent que possible. Les aspects éthique, scientifique et économique de ces techniques de dépistage impliquent un débat de fond qui dépasse les limites du présent article.

Fondé sur les principes bien établis d’une association professionnelle, un programme de médecine du travail a été mis au point pour la réalisation d’examens médicaux spécialisés. Des protocoles d’examens utilisés dans les exploitations minières et dans les programmes de radioprotection y ont été intégrés. Les différents éléments de ce programme correspondent aux principaux agents d’exposition: poussières, rayonnements et autres substances dangereuses. La surveillance médicale actuelle des anciens travailleurs de Wismut est principalement orientée vers le diagnostic et le traitement précoces des cancers broncho-pulmonaires dus à l’exposition aux rayonnements ionisants ou à d’autres agents cancérogènes. Alors que les liens entre ce type de rayonnements et les cancers du poumon sont clairement établis, les effets sur la santé des radio-expositions à faible dose et de longue durée ont été moins étudiés. Les connaissances actuelles se fondent sur l’extrapolation de données provenant des survivants des explosions atomiques d’Hiroshima et de Nagasaki, ainsi que de données relatives à d’autres études internationales sur les mineurs d’uranium.

La situation en Thuringe et en Saxe est exceptionnelle du fait qu’un nombre bien plus important de personnes y a subi une variété d’expositions beaucoup plus grande. Cette expérience peut ainsi conduire à de nombreuses améliorations des connaissances scientifiques. Des études fondées sur les données récentes devraient porter sur l’interaction entre les rayonnements ionisants et l’exposition aux agents cancérogènes comme l’arsenic, l’amiante ou les fumées des moteurs diesel dans l’apparition d’un cancer du poumon. Le dépistage précoce des cancers broncho-pulmonaires au moyen de techniques modernes devrait représenter une part importante des recherches prospectives.

Les données fournies par le système de santé de Wismut

Face à ces graves problèmes de maladies et d’accidents, Wismut avait créé son propre service de santé chargé d’effectuer notamment des tests de dépistage annuels, comprenant des radiographies pulmonaires. Par la suite, des unités d’étude d’autres maladies professionnelles ont été constituées. Etant donné que le service de santé de Wismut était chargé non seulement de la médecine du travail, mais également des soins médicaux complets destinés aux salariés et aux personnes à leur charge, SDAG Wismut avait recueilli en 1990 un grand nombre d’informations relatives à la santé de ses salariés de l’époque et de ses anciens. En plus des informations détaillées sur les examens médicaux et des dossiers complets sur les maladies professionnelles, les archives de l’entreprise contiennent plus de 792 000 radiographies.

A Stollberg, le système de santé de Wismut disposait d’un service central d’anatomopathologie qui pratiquait des examens histologiques et anatomopathologiques sur les mineurs et les habitants de la région. En 1994, ces résultats ont été remis au Centre allemand de recherche sur le cancer (DKFZ) à Heidelberg, à des fins de recherche et de sauvegarde. Une partie des archives de l’ancien système de santé ont tout d’abord été reprises par le système d’assurance obligatoire contre les accidents. Pour ce faire, le ZeBWis a constitué des archives temporaires au puits 371 à Hartenstein (Saxe).

Ces archives sont employées pour traiter les plaintes, préparer et administrer les soins médicaux et conduire des études scientifiques. Outre l’utilisation qu’en font les BG, les archives peuvent être consultées par des experts et des médecins dûment autorisés dans le cadre de leurs travaux cliniques et de la prise en charge de tout ancien salarié.

L’essentiel de ces archives consiste en des dossiers complets de maladies professionnelles (45 000) qui ont été récupérés, des fiches de recherche des maladies professionnelles correspondantes (28 000), des fiches de recherche pour la surveillance des personnes exposées aux poussières (200 000) et des documents contenant les résultats des examens médicaux d’aptitude et de contrôle. De plus, les rapports d’autopsie du service d’anatomopathologie de Stollberg ont également été déposés aux archives du bureau central de soins de Wismut.

Ces rapports d’autopsie et les fiches de recherche des maladies professionnelles ont entre-temps été préparés pour le traitement des données. Ces deux types de sources d’informations seront utilisées dans l’étude épidémiologique détaillée sur 60 000 personnes, conduite par le ministère fédéral de l’Environnement.

Outre les données relatives aux expositions au radon et aux produits de la décomposition du radon, les associations professionnelles portent un intérêt tout particulier aux archives sur les expositions des anciens salariés à d’autres agents toxiques. Ainsi, l’actuelle Wismut GmbH dispose de résultats de mesures sous forme de liste disponible pour consultation, du début des années soixante-dix à nos jours, des poussières de silice, d’amiante, de métaux lourds, de bois et d’explosifs, des vapeurs toxiques, des fumées de soudage, des émissions de moteur diesel, du bruit, des vibrations transmises à l’ensemble du corps ou à une partie du corps et de la lourde charge de travail physique. Pour ce qui concerne la période de 1987 à 1990, les résultats individuels sont archivés dans des fichiers informatiques.

Ces informations ont leur importance pour une analyse rétrospective des expositions subies par les travailleurs pendant l’exploitation de l’uranium par Wismut. Elles peuvent également servir à l’établissement, à des fins de recherche, d’une matrice mettant en relation expositions et emplois.

Enfin, d’autres rapports sont conservés dans le service chargé de sauvegarder les données relatives à la santé chez Wismut GmbH: les dossiers des anciens patients des services de soins ambulatoires, les déclarations d’accident déposées par l’ancienne société et par les inspecteurs de la sécurité au travail, les rapports cliniques de médecine du travail, les tests biologiques d’exposition, la réadaptation professionnelle et les déclarations de maladies néoplasiques.

Cependant, les archives de Wismut — principalement sur papier — n’étaient pas toutes destinées à une évaluation centralisée. Aussi, au terme de la liquidation de SDAG Wismut le 31 décembre 1990 et de son système de santé, la question était de savoir que faire de ces dossiers d’un intérêt exceptionnel.

Digression: l’incorporation des holdings

La première tâche du bureau central de soins de Wismut (ZeBWis) a consisté à identifier les personnes qui avaient travaillé sous terre ou dans les usines de préparation et à savoir où elles se trouvaient actuellement. Les holdings comptent quelque 300 000 personnes. Peu de dossiers de la société pouvaient être utilisés en l’état pour le traitement des données et il a fallu procéder fiche par fiche et réunir les fichiers d’une vingtaine de sites.

La deuxième étape a été de recueillir les statistiques de l’état civil et les adresses de ces personnes. Les informations recueillies dans les anciens dossiers du personnel et sur les fiches de salaires n’étaient d’aucune utilité dans ce cas précis. Les anciennes adresses n’étaient plus les bonnes, notamment parce que les rues, les places et les routes avaient été rebaptisées après la signature du traité d’unification. Le bureau central de l’état civil de l’ancienne RDA n’a, lui non plus, été d’aucune utilité, ses informations n’étant alors plus complètes.

L’association des caisses de retraite allemandes a permis de retrouver les adresses de presque 150 000 personnes auxquelles on a proposé des soins médicaux gratuits.

Une matrice emplois-expositions a été établie à partir du dossier dit «antécédents professionnels» qui donne au médecin examinateur un aperçu des risques et des expositions auxquels le patient a pu être soumis.

La médecine du travail

Environ 125 médecins du travail ayant suivi une formation spéciale et disposant d’une expérience dans le diagnostic des maladies associées aux rayonnements ionisants et aux poussières ont été recrutés pour les examens. Ils travaillent sous la direction du ZeBWis et sont répartis dans toute la République fédérale, afin que les personnes atteintes puissent subir l’examen en question à proximité de leur domicile. Grâce à la formation intensive suivie par les médecins participants, des examens types de bonne qualité sont effectués dans tous les lieux prévus. La distribution de formulaires identiques suffisamment à l’avance a permis de collecter toutes les informations utiles conformément aux normes établies et de saisir ces informations dans les centres de données du ZeBWis. En optimisant le nombre de dossiers, chaque médecin examinateur procède chaque année à un nombre suffisant d’examens, ce qui enrichit son expérience et contribue à sa vigilance. Grâce à un échange régulier d’informations et à une formation continue, les médecins ont accès en permanence aux dernières données. Tous les médecins examinateurs sont formés à la lecture des radiographies pulmonaires, conformément aux instructions du Bureau international du Travail de 1980 (BIT, 1980).

Les données, en constante augmentation puisque les examens continuent, sont spécialement destinées à informer des résultats préliminaires pertinents les médecins et les spécialistes de l’évaluation des risques qui participent au programme de dépistage des maladies professionnelles. Elles permettent en outre de s’intéresser à des symptômes ou à des maladies spécifiques apparaissant dans certaines situations à risque.

L’avenir

En comparant le nombre de personnes qui travaillaient pour Wismut soit sous terre, soit dans les usines de préparation, avec le nombre de personnes occupées dans les mines d’uranium en Occident, il est évident que, malgré quelques lacunes importantes, les données dont on dispose constituent un matériel extraordinaire d’où tirer de nouvelles connaissances scientifiques. Alors que l’étude générale de Lubin et coll. (1994) sur le risque de cancer du poumon portait sur environ 60 000 sujets et 2 700 cas de cancer du poumon dans 11 études, on dispose aujourd’hui de données sur quelque 300 000 anciens salariés de Wismut. A ce jour, 6 500 personnes au moins ont succombé à un cancer du poumon dû aux rayonnements. Ajoutons que Wismut n’a jamais recueilli d’informations relatives aux nombreuses personnes exposées soit aux rayonnements ionisants, soit à d’autres agents.

Un bon diagnostic des maladies professionnelles et la recherche scientifique ont besoin d’informations aussi précises que possible sur l’exposition. Cette nécessité a été prise en considération dans deux projets de recherche parrainés ou effectués par les associations professionnelles. Une matrice emplois-expositions a été mise au point en réunissant les mesures disponibles sur les sites, en analysant les données géologiques, en utilisant les informations sur les chiffres de production et, dans certains cas, en reconstituant les conditions de travail des premières années d’activité de Wismut. Ce type de données est indispensable pour parvenir à mieux comprendre, au moyen d’enquêtes comparatives de cohortes ou d’enquêtes cas-témoins, la nature et l’ampleur des maladies associées aux mines d’uranium. De cette façon, on comprendra mieux aussi les effets d’une exposition à de faibles doses de rayonnement pendant une longue durée, et les effets cumulatifs des rayonnements, des poussières et autres matériaux cancérogènes. Des études sur ces questions sont en cours ou prévues. Grâce à des échantillons biologiques prélevés dans les anciens laboratoires d’anatomopathologie de Wismut, de nouvelles connaissances scientifiques peuvent émerger en ce qui concerne le type de cancer du poumon et les interactions entre les poussières silicogéniques et les rayonnements, ainsi que d’autres matières cancérogènes dangereuses inhalées ou ingérées. De tels projets sont actuellement mis en œuvre par le Centre allemand de recherche sur le cancer (DKFZ). Les instituts allemands de recherche collaborent avec d’autres organismes comme le NIOSH et l’Institut national contre le cancer (National Cancer Institute (NCI)) aux Etats-Unis, ainsi qu’avec des groupes de travail au Canada, en France et en République tchèque pour étudier les données relatives aux différentes expositions.

On ne comprend pas encore très bien dans quelle mesure des affections malignes autres que le cancer du poumon peuvent se développer à partir de l’exposition aux rayonnements au cours de l’exploitation du minerai d’uranium. A la demande des associations professionnelles, un modèle expérimental mis au point par Jacobi et Roth (1995) doit établir dans quelles circonstances des conditions de travail comme celles de Wismut peuvent être à l’origine d’un cancer de la bouche et de la gorge, du foie, des reins, de la peau ou des os.

LES STRATÉGIES ET LES TECHNIQUES DE MESURE DE L’EXPOSITION PROFESSIONNELLE EN ÉPIDÉMIOLOGIE

Frank Bochmann et Helmut Blome

Des articles du présent chapitre exposent les principes généraux de la surveillance médicale des maladies professionnelles et de la surveillance de l’exposition. Nous présenterons ici quelques-uns des principes des méthodes épidémiologiques qui peuvent répondre aux besoins de la surveillance. L’application de ces méthodes doit tenir compte des principes de base des mesures physiques, ainsi que des pratiques de la collecte de données épidémiologiques type.

L’épidémiologie peut quantifier l’association entre l’exposition non professionnelle et professionnelle aux facteurs de risque physico-chimiques et l’évolution des maladies et des comportements; elle peut ainsi apporter des informations servant à mettre au point des programmes de prévention et d’intervention (Coenen, 1981; Coenen et Engels, 1993). La disponibilité des données et l’accès aux dossiers personnels et professionnels dictent généralement l’économie de ces études. Dans les circonstances les plus favorables, les expositions peuvent être déterminées par des mesures de l’hygiène du travail effectuées dans l’usine ou l’atelier de production, et les examens médicaux des travailleurs servent à évaluer les effets éventuels de l’exposition sur la santé. Ces évaluations peuvent être réalisées de façon prospective sur quelques mois ou quelques années, afin d’estimer les risques de maladies telles que le cancer. Cependant, il arrive plus souvent que les expositions passées doivent être reconstituées dans le temps, en projetant en amont les niveaux actuels ou en utilisant les mesures enregistrées dans le passé, ce qui ne satisfait pas toujours complètement aux besoins d’information. Nous exposerons ici quelques directives en matière de documentation et de stratégies de mesures, ainsi que leurs limites, qui influent sur l’évaluation épidémiologique des risques professionnels pour la santé.

Les mesures

Autant que possible, les mesures doivent être quantitatives plutôt que qualitatives, car les données quantitatives se prêtent à des techniques statistiques plus performantes. Les données observables sont généralement classées sous les formes suivantes: nominales ou catégorielles, ordinales, intervalles et rapports ou ratios. Les variables nominales sont des descripteurs qualitatifs qui ne différencient que les types, tels les différents services dans une usine ou les différentes branches d’activité. Les variables ordinales peuvent être classées de «faible» à «élevé», sans donner de plus amples informations quantitatives: ainsi, «exposé» par opposition à «non exposé», ou les antécédents de tabagisme classés en «non fumeur» (= 0), «petit fumeur» (= 1), «fumeur moyen» (= 2) et «grand fumeur» (= 3). Plus la valeur numérique est élevée, plus l’intensité du tabagisme est importante. La plupart des valeurs de mesure sont exprimées sous forme d’échelles de rapport ou d’intervalle: par exemple, une concentration de 30 mg/m3 est le double d’une concentration de 15 mg/m3. Les variables de rapport contiennent un zéro absolu (comme l’âge), contrairement aux échelles d’intervalle (comme le QI).

La stratégie de mesure

La stratégie de mesure tient compte des informations relatives au site de la mesure, aux conditions environnantes (humidité, pression atmosphérique) au cours de cette opération, à sa durée et à la technique utilisée (Hansen et Whitehead, 1988; Ott, 1993).

Les dispositions légales imposent souvent la mesure des niveaux de substances dangereuses pendant des moyennes pondérées sur huit heures (Time-Weighted Averages (TWAs)). Cependant, tout le monde ne travaille pas toujours pendant un poste de huit heures, et les niveaux d’exposition peuvent fluctuer pendant le poste. Une valeur mesurée pour le poste d’une personne peut être considérée comme représentative d’une valeur d’un poste de huit heures si la durée de l’exposition y est supérieure à six heures. Critère pratique, la durée d’une prise d’échantillon devrait être d’au moins deux heures. Si les intervalles sont trop courts, le prélèvement de l’échantillon pendant un seul poste peut accuser des concentrations supérieures ou inférieures et les faire surestimer ou sous-estimer au cours de ce poste (Rappaport, 1991). Par conséquent, il convient de combiner plusieurs mesures, d’établir une moyenne pondérée des mesures de plusieurs postes, ou d’utiliser des mesures répétées avec des prélèvements de plus courte durée.

La validité des mesures

Les données de surveillance doivent satisfaire à des critères bien établis. La technique de mesure ne devrait pas influer sur les résultats au cours de l’opération (réactivité). En outre, la mesure doit être objective, fiable et valide. Les résultats ne devraient pas être modifiés ni par la technique utilisée (objectivité d’exécution), ni par la documentation ou la lecture du technicien chargé de la mesure (objectivité d’évaluation). Les mêmes valeurs devraient être obtenues dans les mêmes conditions (fiabilité), la substance ou l’exposition visée devrait être mesurée (validité), et les interactions avec d’autres substances ou expositions ne devraient pas influer indûment sur les résultats.

La qualité des données

Sources des données. Selon un principe de base en épidémiologie, les mesures effectuées au niveau individuel sont préférables à celles qui le sont au niveau du groupe. Par conséquent, la qualité des données de surveillance épidémiologique décroît dans l’ordre suivant:

  1. mesures directes relevées sur des individus; informations relatives aux niveaux d’exposition et à l’évolution dans le temps;
  2. mesures directes relevées sur un groupe; informations relatives aux niveaux courants d’exposition pour des groupes de travailleurs spécifiques (parfois exprimés en matrices emplois-expositions) et à leurs variations dans le temps;
  3. mesures relevées indirectement ou reconstituées sur des individus; estimation de l’exposition à partir des dossiers de l’entreprise, des listes d’achats, des descriptions des gammes de produits, des entretiens avec les salariés;
  4. mesures relevées indirectement ou reconstituées sur des groupes; estimation historique des indices d’exposition fondés sur des groupes.

En principe, il faut toujours privilégier la détermination de l’exposition la plus précise, utilisant des valeurs relevées au cours du temps. Malheureusement, les niveaux d’exposition consignés indirectement ou reconstitués sont souvent les seules données disponibles pour évaluer les relations entre l’exposition et la maladie, bien que des différences considérables existent entre les expositions mesurées et les valeurs d’exposition reconstituées à partir des entretiens et des dossiers de l’entreprise (Ahrens et coll., 1993; Burdorf, 1995). La qualité des données décroît dans l’ordre suivant: mesures de l’exposition, indice d’exposition liée à l’activité, informations données par l’entreprise, entretiens avec les salariés.

Echelles d’exposition. Le besoin de données quantitatives en matière de surveillance et d’épidémiologie dépasse largement les obligations légales limitées aux valeurs-seuils. L’objectif d’une recherche épidémiologique est d’établir des relations dose-effet, en tenant compte des facteurs de confusion potentiels. Il ne faudrait utiliser que les informations les plus précises possibles qui, en général, ne peuvent être exprimées que sous forme d’une valeur élevée sur une échelle de rapport, par exemple. La subdivision en valeurs limites plus ou moins élevées, ou le codage en fractions de ces valeurs (exemple, 1/10, 1/4, 1/2) que l’on utilise parfois, repose essentiellement sur des données mesurées sur une échelle de variables ordinales statistiquement moins précise.

Autres documents nécessaires. Outre les informations relatives aux concentrations, au matériel et au moment de la mesure, les conditions de mesures externes devraient être notées: description du matériel utilisé, technique de mesurage, raison d’être du mesurage, autres détails techniques importants. L’objectif de cette documentation est d’assurer l’uniformité des mesures au cours du temps et d’une étude à une autre, et de permettre de comparer les études.

Les données relatives aux expositions et à l’état de santé, recueillies pour chaque individu, sont généralement soumises aux lois sur la protection de la vie privée qui varient d’un pays à un autre. La documentation relative aux expositions et à l’état de santé doit évidemment s’y conformer.

Les exigences des études épidémiologiques

L’objectif des études épidémiologiques est d’établir une relation de cause à effet entre l’exposition et la maladie. Nous examinerons certains aspects des mesures de surveillance qui influent sur cette évaluation épidémiologique du risque.

Type de maladie. Un point de départ commun aux études épidémiologiques est l’observation clinique de l’augmentation du nombre de cas d’une maladie particulière dans une entreprise ou un domaine d’activité. Des hypothèses sont émises sur les facteurs potentiels de causalité de nature physique, chimique ou biologique. Selon que l’on dispose ou non de données, ces facteurs (expositions) sont étudiés au moyen d’une étude prospective ou rétrospective. Le temps qui s’écoule entre le début de l’exposition et l’apparition de la maladie (latence) influe également sur le type d’étude. Le temps de latence peut être important. Les infections associées à certains entérovirus ont un temps de latence ou d’incubation de deux à trois heures, alors que les délais de latence de 20 à 30 ans sont caractéristiques des cancers. Ainsi, pour une étude sur le cancer, les données relatives aux expositions doivent couvrir une période beaucoup plus importante que pour une étude sur l’apparition d’une maladie infectieuse. Les expositions qui remontent à un passé lointain peuvent être toujours d’actualité lorsque la maladie se déclare. D’autres maladies associées à l’âge, telles que les maladies cardio-vasculaires et les accidents cérébraux, peuvent apparaître dans le groupe exposé après le début de l’étude et doivent être traitées comme des causes concurrentes. Il est également possible que les personnes classées sous la rubrique «non malades» soient simplement des personnes qui n’ont pas encore montré de signes cliniques de maladie. Par conséquent, la surveillance médicale continue des populations exposées doit être poursuivie.

Puissance statistique. Comme nous l’avons mentionné, les mesures devraient être exprimées sous forme d’une valeur aussi élevée que possible sur une échelle de rapport, afin d’optimiser la puissance statistique et de produire des résultats statistiquement significatifs. La puissance, quant à elle, dépend de la taille de la population totale étudiée, de la prévalence de l’exposition dans cette population, de la fréquence générale de la maladie et de l’importance du risque de la maladie associée à l’exposition qui fait l’objet de l’étude.

Classification recommandée des maladies. Il existe plusieurs systèmes de codage des diagnostics cliniques. Les plus courants sont la CIM-9 (Classification internationale des maladies) et le système SNOMED (Nomenclature systématique de médecine) (System-atic Nomenclature of Medicine (SNOMED)). La CIM-O (onco-logie) est une classification particulière de la CIM pour coder les cancers.  L’utilisation  de  codes  CIM  est  légalement  recommandée dans un grand nombre de systèmes de santé dans le monde entier, en particulier dans les pays occidentaux. Cependant, le SNOMED peut également coder les facteurs éventuels de causalité et les conditions externes. Un grand nombre de pays ont mis au point des classifications spécialisées pour coder les accidents et les maladies. Ces systèmes incluent également les circonstances de l’accident ou de l’exposition (voir les articles «Etude de cas: la protection des travailleurs et les statistiques des accidents du travail et des maladies professionnelles — HVBG, Allemagne» et «La mise au point et l’application d’un système de classification des accidents du travail et des maladies professionnelles», dans le présent chapitre).

Les mesures faites à des fins scientifiques ne sont pas liées par les obligations légales qui s’appliquent aux activités de surveillance prescrites, telles que l’obligation de vérifier si les limites de seuil ont été dépassées dans un lieu de travail donné. Il est utile d’examiner les dossiers et les mesures d’exposition de façon à vérifier les écarts possibles (voir, par exemple, l’article «La surveillance des risques professionnels» dans le présent chapitre).

Traitement des expositions mixtes. Les maladies ont souvent différentes origines. Par conséquent, il est nécessaire d’enregistrer les facteurs de causalité présumés (expositions/facteurs de confusion) de la façon la plus complète possible afin de pouvoir distinguer les effets des divers facteurs de risque présumés et les différencier de ceux d’autres facteurs concurrents ou susceptibles d’engendrer la confusion, tels que le tabagisme. Les expositions professionnelles sont souvent mixtes (mélanges de solvants; fumées de soudage, comme le nickel et le cadmium; dans les exploitations minières, les poussières fines, le quartz et le radon). Le tabagisme, la consommation excessive d’alcool, une mauvaise nutrition et l’âge font partie des facteurs de risque additionnels pour les cancers. Outre les expositions aux produits chimiques, les expositions aux facteurs physiques (vibrations, bruit, champs électromagnétiques) sont d’éventuels facteurs déclenchants de maladies et doivent être considérés comme des facteurs de causalité possibles dans les études épidémiologiques.

Les expositions aux agents ou aux multiples contraintes peuvent donner lieu à des interactions: l’effet d’une exposition peut être exacerbé ou atténué par une autre qui survient en même temps. Le lien entre l’amiante et le cancer du poumon, qui est beaucoup plus prononcé chez les fumeurs, en est un exemple type. La sclérodermie évolutive généralisée, qui est probablement causée par l’association d’une exposition aux vibrations, aux mélanges de solvants et à la poussière de quartz, est un exemple d’interaction chimique et physique.

Prise en compte des biais. Un biais est une erreur systématique relative au classement des personnes dans les groupes «exposé/non exposé» ou «malade/non malade». Deux types de biais doivent être distingués: l’erreur d’observation (information) et l’erreur de sélection. Dans le premier cas, différents critères peuvent être utilisés pour classer les sujets dans les groupes «malade/non malade». Ce biais apparaît parfois quand une étude vise des personnes qui exercent une profession connue pour être dangereuse et qui peuvent être déjà sous surveillance médicale étroite par rapport à une population témoin.

Pour ce qui concerne le biais de sélection, il faudrait distinguer deux possibilités. Les études rétrospectives (ou études cas-témoins) consistent à séparer les personnes atteintes de la maladie en cause de celles qui ne le sont pas, puis à examiner les différences d’exposition entre ces deux groupes; les études prospectives (ou études de cohortes) déterminent les taux de maladie dans des groupes ayant subi des expositions différentes. Quel que soit le type d’étude, le biais de sélection existe quand les informations relatives à l’exposition ont une incidence sur le classement des sujets en «malades» ou «non malades», ou quand les informations relatives à la maladie influent sur le classement des sujets en «exposés» ou «non exposés». Un exemple fréquent de biais de sélection dans les études de cohortes est l’«effet du travailleur sain», que l’on rencontre quand les taux de maladie chez les travailleurs exposés sont comparés à ceux de la population générale. Cela peut entraîner une sous-estimation du risque de maladie, car les populations actives sont souvent sélectionnées à partir de la population générale sur la base d’une bonne santé, fréquemment vérifiée par un examen médical, alors que la population générale comprend en fait des malades et des infirmes.

Facteurs de confusion. La confusion est le phénomène dans lequel une troisième variable (le facteur de confusion) altère l’évaluation d’une association entre un facteur présumé et une maladie. Ce phénomène survient quand la sélection des sujets (cas et témoins dans une étude rétrospective, ou «exposés» et «non exposés» dans une étude de cohortes) dépend en quelque sorte de la troisième variable, éventuellement sans que l’investigateur s’en aperçoive. Les variables associées uniquement à l’exposition ou à la maladie ne sont pas des facteurs de confusion. Pour être un facteur de confusion, une variable doit satisfaire à trois conditions:

Avant la collecte de données pour une étude, il est parfois impossible de prévoir si une variable est susceptible d’être un facteur de confusion. Une variable traitée en tant que facteur de confusion dans une étude antérieure peut ne pas être associée à l’exposition dans une nouvelle étude sur une population différente et, par conséquent, ne pas en constituer un dans la nouvelle étude. Par exemple, si tous les sujets présentent une même variable (comme le sexe), cette variable ne peut pas constituer un facteur de confusion dans une étude particulière. On estime qu’un facteur de confusion n’est pris en compte que si la variable est mesurée en même temps que l’exposition et les cas de maladie. Le phénomène de confusion peut être sommairement contrôlé au moyen de la stratification par la variable de confusion ou, plus précisément, au moyen d’une droite de régression ou d’autres techniques d’analyse de données à plusieurs variables.

Résumé

Les exigences relatives à la stratégie et à la technique de mesure du risque et aux informations sur les lieux de travail industriels sont parfois définies légalement en termes de surveillance des valeurs limites. La réglementation relative à la protection des données s’applique également à la protection des secrets industriels et des données personnelles. La comparabilité des conditions et des résultats des mesures, ainsi qu’une technique d’évaluation objective, valable et fiable, font partie intégrante de ces exigences. Des exigences supplémentaires imposées par l’épidémiologie concernent la représentativité des mesures et la possibilité d’établir des liens entre les expositions subies par les individus et les états pathologiques qui s’ensuivent. Les mesures peuvent être représentatives de certaines tâches, c’est-à-dire qu’elles peuvent refléter l’exposition caractéristique associée à certaines activités ou à des branches spécifiques, ou l’exposition typique de certains groupes de personnes. Il serait bon que les mesures soient directement attribuées aux sujets de l’étude. Il serait alors nécessaire d’ajouter à la documentation relative aux mesures des informations sur les opérateurs présents sur le lieu de travail concerné au cours de ces mesures ou d’établir un registre permettant cette attribution directe. Les données épidémiologiques recueillies au niveau individuel sont généralement préférables à celles qui sont obtenues à celui des groupes.

ÉTUDE DE CAS: ENQUÊTES SUR LA SANTÉ AU TRAVAIL EN CHINE

Zhi Su

Afin de comprendre l’importance des problèmes de santé au travail en Chine, le ministère de la Santé publique (MSP) a organisé un certain nombre d’enquêtes nationales, dont:

Les résultats de ces enquêtes ont servi à l’élaboration de règles et de principes nationaux. En même temps, un système national de déclaration de l’état de santé au travail a été établi par le MSP. Un rapport annuel de la situation nationale de la santé au travail est publié depuis 1983. Les données sont compilées et analysées par le Centre national de déclaration de l’état de santé au travail (National Center of Occupational Health Reporting (NCOHR)) et sont ensuite communiquées au MSP. Il existe des services locaux de déclaration qui relèvent des instituts de la santé au travail (Occupational Health Institutes (OHIs)) ou des centres de prévention des épidémies (Health Epidemic Prevention Stations (HEPS)), et ce à tous les niveaux, du district à la province. Les déclarations sont compilées chaque année à chacun de ces niveaux, mais, si une intoxication aiguë survient et provoque au minimum trois cas d’intoxication ou un décès, cet accident doit être déclaré à l’OHI local et directement au MSP dans les vingt-quatre heures par les services médicaux contactés en premier lieu. Les informations à notifier chaque année sont les suivantes: les nouveaux cas enregistrés de maladies professionnelles ouvrant droit à réparation, les résultats des examens médicaux des travailleurs et la surveillance des milieux de travail. La Chine est en train de généraliser l’informatisation du système de déclaration et de développer son réseau informatique qui s’étend actuellement du centre national aux services provinciaux.

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