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Chapitre 18 - L'éducation et la formation

INTRODUCTION ET VUE D’ENSEMBLE

Steven Hecker

Une étude réalisée en 1981, portant sur la formation des travailleurs dans le domaine de la sécurité et de la santé dans les pays industriels, commence par une citation de l’écrivain français Victor Hugo pour qui aucune cause ne peut aboutir sans y associer d’abord l’éducation (Heath, 1981). Cette observation s’applique certainement encore en cette fin du XXe siècle au domaine de la sécurité et de la santé au travail, et elle concerne l’ensemble du personnel des entreprises à tous les niveaux.

Le monde du travail devenant de plus en plus complexe, une nouvelle demande se fait jour, qui exige une meilleure compréhension des causes et moyens de prévention des accidents, lésions et maladies. Les administrations, les universitaires, les chefs d’entreprise et les travailleurs ont tous un rôle important à jouer dans le travail de recherche qui favorisera cette compréhension. L’étape suivante, cruciale, consiste à communiquer efficacement cette information aux travailleurs, au personnel d’encadrement, à la direction des entreprises, aux inspecteurs du travail et aux professionnels de la sécurité et de la santé. Bien que la formation des médecins du travail et des hygiénistes diffère en de nombreux points de celle du personnel de production, il existe certains principes communs.

La politique nationale d’éducation et de formation et sa mise en œuvre varieront, bien entendu, selon le contexte économique, politique, social, culturel et technologique du pays en question. En général, les pays industriels disposent proportionnellement d’un plus grand nombre de médecins du travail spécialisés dans la prévention que les pays en développement, et ces professionnels suivent des programmes d’enseignement et de formation bien plus élaborés. Les nations plus rurales et moins industrialisées ont tendance à se reposer principalement sur le personnel qui dispense des soins de santé primaires, lequel peut être constitué soit par des délégués des travailleurs dans les usines ou les exploitations agricoles, soit par le personnel des centres médico-sociaux. Manifestement, les besoins de formation et les ressources disponibles varient considérablement d’une situation à l’autre. Cependant, ces situations ont en commun le besoin de praticiens qualifiés.

Cet article survole les aspects les plus importants de l’éducation et de la formation, y compris les groupes cibles et leurs besoins, la forme et le fond de la formation proprement dite et les principales tendances actuelles dans ce domaine.

Les groupes cibles

En 1981, le Comité mixte OIT/OMS de la santé au travail a établi les trois niveaux d’éducation nécessaires dans le domaine de la santé, de la sécurité et de l’ergonomie comme étant: 1) l’initiation; 2) la formation à des tâches précises; 3) la spécialisation. Ces éléments ne sont pas distincts, mais font partie d’un tout, quiconque pouvant avoir besoin d’informations à ces trois niveaux. En matière d’initiation, les groupes cibles sont le législateur, les décideurs publics, les cadres dirigeants et les travailleurs. A l’intérieur de ces catégories, nombreux sont ceux qui nécessitent une formation complémentaire correspondant à des tâches spécifiques. Par exemple, alors que l’ensemble des cadres devrait avoir une compréhension fondamentale des problèmes de sécurité et de santé inhérents à leur domaine de responsabilité et devraient savoir où s’adresser pour obtenir une aide compétente, ceux dont les responsabilités relèvent particulièrement du domaine de la sécurité, de la santé et du respect des règlements en vigueur peuvent avoir besoin d’une formation plus intensive. De même, les travailleurs délégués à la sécurité ou les membres des comités d’hygiène et de sécurité, ainsi que les inspecteurs du travail qui assument des responsabilités dans les domaines de la santé publique en rapport avec les lieux de travail, ont besoin d’une formation plus poussée qu’une simple sensibilisation.

Les médecins, infirmiers et (notamment dans les régions rurales ou en développement) les autres personnels soignants, qui n’ont pas été formés à la médecine du travail et n’en ont aucune expérience, devront se perfectionner dans ce domaine afin de mieux servir les travailleurs et d’identifier, par exemple, les maladies professionnelles. Enfin, certaines professions (ingénieurs, chimistes, architectes et concepteurs) dont les activités ont des incidences considérables sur la sécurité et la santé des travailleurs devront bénéficier d’une éducation et d’une formation bien plus approfondies que celles qu’ils reçoivent habituellement dans ce domaine.

Les professions spécialisées requièrent une éducation et une formation intensives, le plus souvent équivalentes au cursus des deuxième et troisième cycles. Les médecins, le personnel infirmier, les hygiénistes du travail, les ingénieurs de la sécurité et, depuis peu, les ergonomes, entrent dans cette catégorie. En raison de l’évolution rapide et constante de l’ensemble de ces secteurs, la formation continue et l’expérience sur le terrain sont des éléments importants de l’éducation de ces professionnels.

Il faut souligner que la spécialisation des domaines de la prévention s’est accrue sans que l’on accorde une importance proportionnelle aux aspects interdisciplinaires de ces mêmes domaines. Un infirmier ou un médecin qui soupçonne chez un patient une maladie professionnelle peut avoir besoin de l’aide d’un hygiéniste du travail pour identifier (par exemple) l’exposition aux produits toxiques qui a engendré ce problème. Ne disposant que de ressources limitées, de nombreux gouvernements et entreprises emploient souvent un spécialiste de la sécurité plutôt qu’un hygiéniste et exigent de lui qu’il s’occupe aussi bien de sécurité que de santé. On doit aborder l’interdépendance des problèmes de sécurité et de santé en proposant aux professionnels une formation et une éducation interdisciplinaires.

La raison d’être de la formation et de l’éducation

Les instruments fondamentaux nécessaires à une diminution des accidents du travail et des maladies professionnelles et à la promotion de la sécurité et de la santé des travailleurs ont été identifiés: prévention, application et éducation (règle des trois «E» en anglais: «engineering», «enforcement», «education»). Ces trois instruments sont interdépendants et leur importance peut varier au sein des divers systèmes nationaux. En général, la formation et l’éducation se justifient par le souci de renforcer la sensibilisation aux risques pour la sécurité et la santé, de mieux comprendre les causes des maladies et des accidents, et d’appliquer des mesures de prévention efficaces. Cependant, l’objectif et la motivation propres à chaque mode de formation varient selon le groupe cible.

Les cadres moyens et supérieurs

On reconnaît à présent qu’il faut disposer de cadres parfaitement informés des problèmes de sécurité et de santé inhérents aux activités dont ils sont responsables. Les employeurs prennent de plus en plus conscience des coûts considérables, tant directs qu’indirects, entraînés par les accidents graves, ainsi que de la responsabilité civile et, parfois, pénale dans certains pays, pouvant incomber aux entreprises et aux personnes. Bien que l’on explique encore la majorité des accidents et des lésions par une «négligence du travailleur», la «négligence de l’encadrement» est de plus en plus admise comme un des facteurs d’accident et de maladie. Enfin, les entreprises se rendent compte également qu’une sécurité médiocre nuit aux relations avec le public. Les catastrophes comme celle de l’usine Union Carbide à Bhopal (Inde) peuvent réduire à néant des années d’efforts consacrées à établir la réputation d’une entreprise.

La plupart des cadres ont une formation d’économiste, d’administrateur ou d’ingénieur, mais n’ont généralement reçu au cours de leurs études qu’un enseignement sommaire dans le domaine de la prévention. Or, les décisions qu’ils sont appelés à prendre tous les jours ont des répercussions considérables, directes et indirectes, sur la sécurité et la santé de leur personnel. Pour remédier à cette situation, de nombreux pays ont décidé d’inscrire l’étude des questions de prévention aux programmes des écoles de gestion et d’ingénieurs, ainsi que des établissements de formation permanente. Il est évident que bien des efforts restent à faire pour diffuser largement les informations sur la sécurité et la santé des travailleurs.

Les agents de maîtrise

La recherche a mis en évidence le rôle central que jouent les agents de maîtrise dans la sécurité des travaux de construction (Samelson, 1977). Les contremaîtres qui connaissent parfaitement les risques inhérents à leurs activités, qui dispensent une formation efficace à leurs ouvriers (en particulier les nouveaux embauchés), et qui sont responsables des résultats de leur équipe, sont le pivot de l’amélioration des conditions de travail. Ils constituent un chaînon essentiel entre les travailleurs et la direction pour l’application des mesures de santé et de sécurité adoptées par l’entreprise.

Les travailleurs

La législation, l’usage et les pratiques actuelles des lieux de travail contribuent à favoriser l’éducation et la formation du personnel. De plus en plus, la réglementation officielle impose une formation du personnel en matière de sécurité et de santé. Certaines réglementations s’appliquent au travail en général, alors que d’autres répondent aux exigences de branches d’activité, de professions ou de risques spécifiques. Bien que les données d’évaluation pertinentes soient étonnamment rares lorsqu’il s’agit de mesurer l’efficacité préventive d’une telle formation (Vojtecky et Berkanovic, 1984-85), le principe de la formation et de l’éducation pour améliorer la sécurité et promouvoir la santé dans de nombreux domaines professionnels est de plus en plus admis dans un grand nombre de pays et d’entreprises.

La popularisation des programmes de participation du personnel, d’autogestion des équipes de travail et des décisions prises au niveau de l’atelier a également influé sur la façon d’aborder les problèmes de sécurité et de santé. L’éducation et la formation servent fréquemment à accroître les connaissances et les compétences du travailleur de base, que l’on considère maintenant comme jouant un rôle essentiel dans l’application des nouvelles modalités d’organisation du travail. Les employeurs peuvent aussi adopter une démarche positive qui consiste à faire participer le personnel aux décisions dès le stade de la planification et de la conception lorsque de nouvelles techniques font leur apparition sur les lieux de travail afin d’anticiper et de minimiser les effets négatifs éventuels sur le milieu de travail.

Les syndicats ont également mené une action de premier plan, préconisant une formation plus accessible et de meilleure qualité pour le personnel, et en concevant des programmes et du matériel pédagogique à l’intention de leurs membres. Dans de nombreux pays, les membres des comités de sécurité, les délégués à la sécurité et les représentants des comités d’entreprise jouent un rôle croissant dans la prévention sur le lieu du travail, ainsi que dans les campagnes d’inspection et de sensibilisation. Les personnes qui exercent ces fonctions doivent recevoir une formation bien plus complète et élaborée qu’un salarié accomplissant une tâche bien définie.

Les professionnels de la sécurité et de la santé

Les responsabilités du personnel chargé de la sécurité et de la santé englobent une gamme étendue d’activités qui varient considérablement d’un pays à l’autre, voire à l’intérieur d’une même profession. On compte dans ce groupe des médecins, des infirmiers, des hygiénistes et des ingénieurs de la sécurité qui sont soit des indépendants, soit des salariés opérant sur les chantiers ou recrutés par de grandes entreprises, le ministère de la Santé ou l’inspection du travail, ou des universités. La demande de professionnels qualifiés dans le domaine de la sécurité et de la santé s’est rapidement accrue depuis les années soixante-dix, parallèlement à la prolifération des lois et réglementations officielles accompagnant le développement des services de prévention au sein des entreprises, et les recherches universitaires sur ce sujet.

La portée et les objectifs de la formation et de l’éducation

L’Encyclopédie de sécurité et de santé au travail présente la multitude de problèmes et de risques que doit aborder tout programme exhaustif de prévention dans l’entreprise, ainsi que l’éventail de personnel nécessaire. Sur un plan global, on peut évaluer diversement les objectifs de la formation et de l’éducation en matière de sécurité et de santé. En 1981, le Comité mixte OIT/OMS de la santé au travail a proposé les objectifs éducatifs suivants, qui peuvent être classés en trois grandes catégories et qui s’appliquent dans une certaine mesure à tous les groupes examinés jusqu’à présent: 1) domaine cognitif (connaissance); 2) domaine psychomoteur (habileté technique appelée ci-après compétences professionnelles); 3) domaine affectif (attitude et échelles de valeurs). Un autre cadre décrit le rapport «information-éducation-formation», qui correspond approximativement aux questions «quoi?», «pourquoi?» et «comment?» relatives aux risques et à leur prévention. Quant au modèle «enseignement de la responsabilisation» étudié ci-après, il met l’accent sur la distinction entre la formation — c’est-à-dire l’enseignement de compétences basées sur les aptitudes avec des conséquences comportementales prévisibles — et l’éducation — à savoir le développement d’une pensée critique indépendante et de compétences de décision aboutissant à une action efficace (Wallerstein et Weinger, 1992).

Dans le cadre de leur formation et de l’acquisition de compétences professionnelles, les travailleurs doivent bien comprendre et appliquer les mesures de sécurité, utiliser les outils adéquats et l’équipement de protection requis pour accomplir des tâches déterminées. On doit également leur apprendre à faire face aux risques qu’ils rencontrent et les familiariser avec les méthodes internes de l’entreprise, qui doivent être conformes aux lois et règlements de sécurité et de santé applicables à leur domaine professionnel. De même, l’encadrement et les dirigeants doivent prendre conscience des risques physiques, chimiques et psychosociaux existant sur le lieu de travail, ainsi que des facteurs relationnels, sociaux, organisationnels et professionnels potentiellement impliqués dans l’apparition de ces risques et dans leur correction. Par conséquent, l’acquisition de connaissances et de compétences techniques, ainsi que le développement d’aptitudes à l’organisation, à la communication et à la solution des problèmes doivent figurer dans tout programme d’éducation et de formation.

Ces dernières années, l’éducation en matière de sécurité et de santé a été influencée par l’évolution des théories pédagogiques, notamment celles de l’enseignement pour adultes. Cette évolution comporte différents aspects, en particulier un apprentissage de la responsabilisation, un apprentissage coopératif et un apprentissage participatif. Tous partent du principe que les adultes apprennent mieux lorsqu’ils participent activement à la recherche de solutions aux problèmes. Outre la transmission de connaissances ou de compétences particulières, une éducation efficace exige le développement de la pensée critique et une bonne compréhension du contexte comportemental et de la mise en pratique, sur le lieu de travail, des connaissances théoriques. Ces principes trouvent une application directe dans le domaine de la sécurité et de la santé sur les lieux de travail, où les risques, les maladies et les lésions subies sont souvent le résultat d’une conjonction de facteurs environnementaux, physiques, comportementaux et sociaux.

Pour transformer ces principes en programme d’éducation, il faut y intégrer quatre catégories d’objectifs:

Des objectifs d’information, à savoir les connaissances spécifiques que les stagiaires vont acquérir. Par exemple, la connaissance des effets des solvants organiques sur la peau et le système nerveux central.

Des objectifs de comportement, c’est-à-dire les compétences et les aptitudes que les travailleurs vont devoir maîtriser. Par exemple, savoir interpréter des fiches de données de sécurité sur les substances chimiques ou soulever sans risque un objet lourd.

Des objectifs d’attitude, soit les préjugés qui menacent la sécurité du travail ou le suivi de la formation, et qui doivent être combattus. Par exemple, l’idée que les accidents sont inévitables ou encore que «les solvants ne peuvent pas faire de mal parce que cela fait des années que je les utilise, et je me porte bien».

Des objectifs d’action sociale, c’est-à-dire la capacité d’analyser un problème donné, d’identifier ses causes, de proposer des solutions, puis de planifier et d’entreprendre une action pour le résoudre. Ainsi, l’analyse d’une tâche particulière qui a provoqué chez plusieurs personnes des accidents dorsalgiques, et les aménagements ergonomiques proposés exigent des mesures sociales consistant à modifier l’organisation du travail grâce à une collaboration entre le personnel et la direction.

L’évolution technologique et démographique

La sensibilisation aux problèmes et la gestion des risques particuliers dépendent évidemment du type de lieu de travail. Bien que certains risques soient plus ou moins permanents, l’évolution de la nature des tâches et des techniques nécessite une mise à jour constante des besoins de formation. Les chutes de hauteur, les chutes d’objets et le bruit, par exemple, seront toujours des risques importants dans le secteur du bâtiment, mais l’introduction de nouveaux matériaux de construction synthétiques exige des travailleurs qu’ils aient des connaissances supplémentaires et qu’ils soient conscients de leurs effets nocifs éventuels. De même, sur les machines, les courroies et lames non protégées et autres éléments dangereux sont des risques constants pour la sécurité, mais la mise en service de robots industriels et d’autres dispositifs commandés par ordinateur exige une formation à la prévention des risques liés à l’utilisation de machines nouvelles.

Avec l’intégration rapide de l’économie à l’échelle mondiale et la mobilité accrue des entreprises multinationales, les risques professionnels d’hier et d’aujourd’hui coexistent fréquemment, tant dans les pays industriels que dans les pays en développement. Dans un pays en voie d’industrialisation, une entreprise fabriquant du matériel électronique de pointe peut voisiner avec une fonderie employant encore une technologie rudimentaire et de nombreux travailleurs manuels. De même, dans les pays industriels, des ateliers de confection aux conditions de travail dangereuses et insalubres, où le personnel est exploité, ou le recyclage de piles au plomb (risque de saturnisme) coexistent encore avec des usines totalement automatisées à la pointe de la technique.

Cette nécessité d’une mise à jour permanente de l’information intéresse aussi bien les travailleurs et les dirigeants que les professionnels de la santé au travail. L’insuffisance de la formation de ces derniers est mise en évidence par le fait que la plupart des hygiénistes du travail formés dans les années soixante-dix n’ont guère été sensibilisés à l’ergonomie; ils ont certes reçu une formation poussée dans le domaine du contrôle de la qualité de l’air, mais pour les sites industriels presque exclusivement. Depuis lors, l’avancée technologique la plus importante qui affecte des millions de travailleurs a été l’introduction massive de terminaux à écrans de visualisation (TEV). L’évaluation et l’intervention ergonomique visant à prévenir les troubles de l’appareil locomoteur et de la vision des utilisateurs de TEV étaient encore méconnues dans les années soixante-dix, mais vers 1995, les risques inhérents à ces terminaux sont devenus une préoccupation majeure. De même, l’application des principes de l’hygiène du travail au problème de la qualité de l’air intérieur (pour remédier, par exemple, au syndrome des bâtiments malsains) a nécessité une formation continue d’envergure pour les hygiénistes habitués à n’évaluer que des usines. Les facteurs psychosociaux qui, pour la plupart, n’étaient pas considérés comme un risque professionnel avant les années quatre-vingt, jouent désormais un rôle important dans le traitement de nouveaux risques dont ceux liés aux TEV et à l’air confiné. Toutes les personnes appelées à faire enquête sur ces problèmes de santé doivent recevoir une éducation et une formation leur permettant de comprendre les interactions complexes entre l’environnement, l’individu et l’organisation sociale à l’intérieur de ces structures.

La formation à la prévention doit également refléter l’évolution des données démographiques de la main-d’œuvre. Les femmes étant de plus en plus nombreuses à travailler tant dans les nations industrielles que dans les pays en développement, leurs besoins médicaux doivent être pris en compte sur leur lieu de travail comme à l’extérieur. Les travailleurs immigrés sont aussi un sujet de préoccupation qui soulève de nombreuses questions inédites de formation, notamment en raison de la langue, encore que les problèmes de langue et d’illétrisme ne se limitent pas à eux. Ainsi, le niveau d’alphabétisation des travailleurs autochtones doit être également pris en considération lors de la conception et de l’organisation de la formation. Les travailleurs âgés constituent un autre groupe dont il faut tenir compte dans les programmes d’enseignement, car leur nombre s’accroît au sein de la population active de nombreux pays.

Les lieux de formation et les responsables de celle-ci

Le lieu où se déroulera le programme de formation et d’éducation dépend des participants, de l’objectif, du contenu et de la durée du programme et, il faut être réaliste, des ressources dont dispose le pays ou la région. La participation aux programmes d’éducation en matière de sécurité et de santé commence à l’école; elle s’étend ensuite aux stagiaires et apprentis, puis aux travailleurs, à l’encadrement, aux dirigeants et aux professionnels de la sécurité et de la santé.

La formation à l’école

De plus en plus — et c’est là une évolution extrêmement positive —, on prévoit des programmes de formation à la sécurité et à la santé dans l’enseignement primaire et secondaire et, plus particulièrement, au niveau des établissements d’enseignement professionnel et technique. Il est bien plus efficace d’apprendre à identifier et à prévenir les risques quand on fait des études techniques ou professionnelles que de le faire lorsqu’on travaille depuis un certain nombre d’années et qu’on a déjà contracté des habitudes et des réflexes. De tels programmes exigent bien évidemment que le personnel enseignant de ces établissements ait également été formé à l’identification des risques et à l’application des mesures de prévention.

La formation en cours d’emploi dite formation «sur le tas»

La formation en cours d’emploi convient aux travailleurs et au personnel d’encadrement qui sont confrontés à des risques spécifiques sur les lieux de travail. Si la formation est de longue durée, il est fortement recommandé d’aménager dans l’entreprise une salle de classe confortable. Si le déroulement de la formation sur le lieu de travail risque d’intimider le personnel ou de le décourager de participer pleinement au cours, le choix d’un emplacement extérieur est préférable. Les travailleurs peuvent se sentir plus à l’aise dans un cadre syndical où le syndicat joue un rôle important dans la conception et la réalisation du programme. Cependant, des visites sur les lieux de travail illustrant les risques étudiés sont toujours enrichissantes.

La formation des délégués à la sécurité et des membres des comités de sécurité

La formation plus longue et plus élaborée préconisée pour les délégués à la sécurité et les membres des comités de sécurité se déroule souvent dans des centres de formation spécialisés, des universités ou des écoles privées. On déploie des efforts croissants pour appliquer la réglementation sur la formation et la qualification des travailleurs chargés d’accomplir certaines tâches à risques, comme la dépose de l’amiante ou la manipulation de déchets dangereux. Ces cours comprennent généralement des séances théoriques et pratiques, avec simulation du travail réel, qui nécessitent un équipement et des installations spécialisées.

Parmi les organisateurs de programmes de formation sur place et à l’extérieur destinés aux travailleurs et aux délégués à la sécurité, on trouve des organismes officiels, des organisations tripartites comme l’OIT ou des organismes analogues, nationaux ou régionaux; des associations commerciales et des syndicats, des universités, des associations professionnelles et des consultants privés en formation. De nombreux gouvernements subventionnent l’élaboration de programmes d’éducation et de formation concernant des branches d’activité ou des risques déterminés.

La formation universitaire et spécialisée

La formation des professionnels de la sécurité et de la santé varie considérablement d’un pays à l’autre, selon les besoins de la population active et les ressources et structures nationales. La formation spécialisée est assurée par les programmes universitaires des deuxième et troisième cycles, mais ceux-ci n’existent pas partout dans le monde. Des cursus universitaires peuvent être proposés aux spécialistes de la médecine du travail; l’enseignement des soins infirmiers et la santé au travail peuvent être intégrés à la formation des médecins généralistes et du personnel infirmier. Le nombre de programmes destinés aux hygiénistes du travail et sanctionnés par un diplôme s’est accru de façon spectaculaire. Cependant, les stages moins détaillés destinés aux hygiénistes, dont beaucoup ont reçu leur formation de base «sur le tas» dans des secteurs spécifiques, sont toujours très demandés.

Les pays en développement ont un besoin crucial de personnel mieux qualifié dans le domaine de la sécurité et de la santé. Ces pays devraient pouvoir compter sur un plus grand nombre de médecins, d’infirmiers et d’hygiénistes diplômés, mais il est réaliste de supposer que de nombreux services continueront à être assurés par le personnel dispensant les soins de santé primaires. Ce personnel doit recevoir une formation en matière de santé au travail, apprendre à identifier les risques principaux associés au type d’activité prédominant dans sa région, à effectuer des études de base et à appliquer les techniques d’échantillonnage, à utiliser le réseau hospitalier régional pour les cas potentiels de maladies du travail, ainsi que les techniques d’enseignement de la santé et de communication des risques (OMS, 1988).

Les solutions de remplacement des programmes universitaires sont d’une importance capitale pour la formation professionnelle tant dans les pays en développement que dans les autres et devraient inclure, entre autres, la formation continue, l’enseignement à distance, la formation «sur le tas» et l’auto-enseignement.

Conclusion

L’éducation et la formation ne peuvent résoudre l’ensemble des problèmes de sécurité et de santé au travail, et il faut veiller à ce que les techniques apprises grâce à ces programmes correspondent bien aux besoins identifiés. Utilisés conjointement avec des techniques, ce sont des éléments fondamentaux de tout programme efficace de prévention. Un apprentissage cumulatif, interactif et permanent est essentiel pour préparer nos environnements professionnels en pleine mutation à répondre aux besoins des travailleurs, particulièrement en ce qui concerne la prévention des maladies et lésions invalidantes. Les intervenants sur le lieu de travail et ceux qui apportent un soutien extérieur doivent disposer des informations les plus récentes et des compétences nécessaires pour les mettre en œuvre, afin de protéger la santé et de promouvoir la sécurité des travailleurs.

LES PRINCIPES DE LA FORMATION

Gordon Atherley et Dilys Robertson

Une formation produira des résultats positifs si elle se fonde sur les besoins clairement définis des lieux de travail et si elle tient compte de ces besoins et du mode d’apprentissage des adultes. Il en va évidemment de même pour la formation en matière de sécurité et de santé. Les principes de formation sont en l’occurrence identiques à ceux qui régissent toute formation professionnelle. En effet, de solides arguments plaident en faveur d’une intégration de l’apprentissage des qualifications professionnelles et de la formation à la sécurité si le contexte le permet. Une formation à la prévention qui ne donne aucun résultat positif, car non fondée sur une analyse judicieuse, représente au mieux une perte de temps et d’argent. Au pire, elle peut rendre les travailleurs trop sûrs d’eux et accroître le risque d’accidents.

L’évaluation des besoins

La première chose à faire quand on structure un programme de formation à la prévention est de définir les problèmes: au niveau de l’entreprise, dans un atelier particulier, ou pour une tâche donnée. L’analyse des besoins de formation peut aussi viser un objectif spécifique, comme la conformité avec la législation pertinente, ou les résultats du comité mixte d’hygiène et de sécurité. Cependant, la formation ne saurait résoudre à elle seule tous les problèmes; il faut parfois engager une action complémentaire si, par exemple, les travailleurs ne respectent pas le règlement qui les oblige à porter un équipement de protection individuelle. Il se peut que les salariés ne comprennent pas pourquoi et comment il faut utiliser cet équipement ou bien que l’on oublie systématiquement de le remplacer lorsqu’il est défectueux ou manquant.

Un taux élevé d’accidents, des refus de travail, ou des injonctions ou mises en demeure émanant des inspecteurs du travail peuvent révéler l’existence de problèmes. Cependant, ce sont les carences à l’origine de ces incidents qu’il faut clairement identifier. L’évaluation des besoins de formation peut être définie comme l’identification des problèmes révélés par l’application fautive des normes ou obligations externes et qu’une formation peut permettre de résoudre intégralement ou partiellement. Une analyse systématique en la matière comprend un certain nombre d’étapes logiques: mise en évidence des problèmes et leur analyse, identification et classification des besoins par ordre d’urgence et définition des buts ou finalités de la formation.

La mise en évidence des problèmes

Les différents problèmes pouvant être résolus par la formation sont entre autres:

Les problèmes constatés suite à des accidents. Dans ce cas, on peut identifier les problèmes en examinant les statistiques d’accidents, des rapports d’enquête sur les accidents ou, plus généralement, les cas où les objectifs structurels de sécurité et de santé n’ont pas été respectés.

Les problèmes prévisibles. Les dangers peuvent être identifiés avant que le mal ne soit fait: par exemple, les risques sont prévisibles lorsque des machines, substances ou procédés nouveaux sont introduits sur le lieu de travail, lorsque certains procédés existants n’ont jamais été complètement analysés ou lorsque les pratiques courantes sont en contradiction avec les méthodes de travail sécuritaires.

L’existence d’obligations externes. Les nouvelles obligations légales qui imposent soit un devoir spécifique de formation en matière de sécurité et de santé, soit d’autres obligations qui suggèrent un besoin de formation, sont des exemples d’obligations externes. L’apparition de nouveaux codes de pratique industrielle ou de nouvelles normes nationales ou internationales de sécurité et de santé sont d’autres exemples.

L’analyse des problèmes

L’étape suivante consiste à analyser les problèmes afin de définir la formation requise. L’analyse des problèmes implique une collecte d’informations pertinentes afin d’en déterminer les causes. Elle nécessite également l’élaboration d’une norme appropriée qui doit être respectée. Si, par exemple, les problèmes identifiés se rapportent à un manque d’efficacité du comité mixte d’hygiène et de sécurité, l’analyse tentera de répondre à plusieurs questions. Premièrement, quelle est la mission impartie au comité? Deuxièmement, le comité s’acquitte-t-il correctement de ses tâches? (pour répondre à cette question, il convient que l’analyste définisse les normes de rendement à appliquer). Troisièmement, pourquoi le comité n’accomplit-il pas efficacement telle ou telle tâche?

L’identification des solutions

Après l’analyse des problèmes, l’étape suivante consiste à trouver des solutions. Si on estime que la formation permettra de remédier complètement au problème ou d’y remédier partiellement, il faut alors définir les besoins de formation. Quelle est la combinaison requise de compétences et de connaissances, et qui doit la posséder?

L’évaluation des personnes concernées est un point fondamental de l’étude des besoins de formation. Son objectif est triple: premièrement, les individus s’impliqueront plus volontiers dans la formation (et seront par conséquent plus susceptibles d’apprendre) s’ils ont participé à la définition des besoins; deuxièmement, il est souvent nécessaire d’évaluer le niveau actuel des compétences et connaissances requises dans le groupe cible (par exemple, on peut se demander si les membres du comité d’hygiène et de sécurité savent réellement ce qu’ils sont censés faire); troisièmement, les intéressés doivent posséder des connaissances de base, ainsi que la maîtrise de la lecture, de l’écriture et du langage, afin qu’une méthode d’enseignement appropriée puisse être appliquée. On peut recourir à des sondages pour évaluer certaines de ces variables. Il faut alors en garantir la confidentialité.

La définition des priorités et des objectifs

Une fois les besoins de formation identifiés, il faut définir les priorités et les objectifs. Il faut prendre en considération l’urgence relative des actions de formation, en tenant compte de certains facteurs comme la gravité des conséquences d’un accident éventuel, la fréquence éventuelle des problèmes, le nombre d’individus en cause et la conformité avec la législation.

Les objectifs de la formation doivent être précis sinon son efficacité sera difficile à évaluer. Des objectifs bien définis aident également à déterminer le contenu de la formation et les méthodes pédagogiques. Les objectifs ou les buts d’une formation désignent aussi les résultats auxquels celle-ci doit parvenir. On voudra, par exemple: a) que chaque dirigeant ou chaque cadre connaisse et comprenne ses obligations et ses droits en matière de sécurité et de santé et ceux du personnel; b) que tous les soudeurs connaissent et comprennent les risques inhérents au travail de soudage et les mesures obligatoires de prévention; ou c) enseigner aux conducteurs de chariots élévateurs les compétences qui leur permettront d’utiliser leurs véhicules en toute sécurité, conformément aux règles applicables.

Les méthodes d’évaluation des besoins

Les méthodes permettant d’analyser les besoins de formation varient selon le cadre de l’évaluation et les ressources disponibles. On peut utiliser l’une ou l’autre des méthodes ci-après:

Le choix des méthodes d’enseignement

Les méthodes d’enseignement font appel à un certain nombre de techniques: conférences, exercices de solution des problèmes, discussions par petits groupes et jeux de rôles. Les méthodes choisies doivent être adaptées au sujet enseigné (qu’il s’agisse des connaissances, des compétences ou des concepts) et aux objectifs de la formation. Si, par exemple, la formation vise à enseigner les règles fondamentales de sécurité sur le lieu de travail, un bref exposé pourra convenir. Cependant, l’apprentissage chez l’adulte se fait à plusieurs niveaux. Le premier niveau est l’écoute de l’information, le niveau suivant est l’acquisition de la connaissance, puis vient le développement de la compréhension et, enfin, au niveau supérieur, la capacité de mettre en œuvre cet acquis dans diverses situations. Dans la plupart des situations rencontrées au cours de la formation, l’apprentissage des participants se fera à plusieurs niveaux et, par conséquent, des techniques d’enseignement adaptées seront nécessaires. Les méthodes d’enseignement doivent également se fonder sur les principes reconnus d’un apprentissage efficace des adultes.

Les principes de l’enseignement pour adultes

Le mode d’apprentissage des adultes diffère en plusieurs points importants de celui des enfants. Les adultes abordent la tâche d’apprentissage en ayant déjà une expérience de la vie et une conscience évoluée du moi. Le processus d’apprentissage est une expérience individuelle et intérieure, propre à l’élève, qui dépend de sa motivation à apprendre, de sa capacité de rapprocher sa propre expérience du savoir en cours d’acquisition et de sa perception de l’utilité de l’enseignement reçu. Bien souvent, les adultes choisissent librement d’apprendre et sont donc, contrairement aux écoliers, des participants volontaires. Cependant, lorsqu’une formation à la prévention se déroule sur le lieu de travail, les travailleurs et l’encadrement peuvent être tenus d’y assister bon gré, mal gré. Il faut alors veiller tout particulièrement à faire participer les stagiaires à la définition des besoins de formation et à la conception du programme lui-même. Il est tout aussi important de traiter les besoins de formation tels qu’ils sont perçus par les travailleurs que d’identifier les besoins dans d’autres secteurs. Par-dessus tout, la formation des adultes implique des changements. Or, l’individu ne consent au changement que s’il est persuadé d’exercer un certain contrôle sur ce changement et ne le perçoit pas comme une menace.

La recherche a permis d’identifier quelques facteurs qui facilitent l’apprentissage des adultes:

La mise en œuvre de la formation

Le plus grand soin doit être apporté à la sélection des formateurs, à la programmation de la formation et à l’expérimentation. La sélection des formateurs doit se fonder sur deux compétences également importantes: la maîtrise du sujet et le talent pédagogique. Ce n’est pas parce qu’un individu maîtrise parfaitement le sujet de la prévention qu’il sera forcément capable de l’enseigner. En général, il est plus facile d’acquérir des connaissances que le don de l’enseignement. On trouvera, sur la plupart des lieux de travail, y compris dans les ateliers, un certain nombre d’individus naturellement doués pour l’enseignement et qui auront l’avantage de connaître le site et de pouvoir donner des exemples pratiques. Lors d’un apprentissage par petits groupes, un «animateur» peut intervenir à la place d’un formateur. Dans ce cas, l’animateur étudie avec le groupe, mais assume la responsabilité du processus d’apprentissage.

La programmation de la formation doit prendre en compte plusieurs facteurs importants. Elle doit se dérouler, par exemple, à un moment opportun pour les élèves et avec un minimum d’interruptions. La formation peut également être organisée en modules indépendants permettant de l’étaler dans le temps — on pourrait éventuellement programmer un module de trois heures par semaine. Cette solution permet non seulement de moins empiéter sur la production, mais également d’accorder du temps aux élèves entre les séances pour essayer d’appliquer les connaissances acquises.

Chaque programme de formation doit être expérimenté avant son lancement. Le programme peut ainsi être comparé aux objectifs de la formation. La mise à l’épreuve doit mobiliser non seulement les formateurs, mais également un échantillon représentatif des futurs élèves.

L’évaluation de la formation

L’évaluation de la formation vise simplement à déterminer si les objectifs ont été atteints et, dans ce cas, si le problème visé a été résolu. La préparation à l’évaluation de la formation doit commencer dès la conception de cette formation. En d’autres termes, le problème que la formation devrait résoudre doit être clair, les objectifs de la formation doivent être précis et la situation antérieure à la formation doit être connue. Par exemple, si le problème abordé est l’observation insuffisante des règles de sécurité lors des opérations de manutention du matériel, et si la formation a été conçue pour résoudre partiellement ce problème, par exemple en fournissant des informations et en enseignant des techniques aux conducteurs de chariots élévateurs, on pourrait considérer comme un bon résultat le fait que les règles de sécurité seraient bien observées.

La formation peut être évaluée à plusieurs niveaux. En premier lieu, il s’agit simplement de connaître les réactions des élèves au programme de formation. Ont-ils apprécié le programme, le formateur et la documentation, se sont-ils ennuyés, pensent-ils avoir appris quelque chose? Cette méthode peut être utile pour déterminer si le programme a été jugé comme intéressant par les participants. Ce type d’évaluation se prête particulièrement à un sondage d’opinion et ne doit en principe pas être effectué par le formateur, car il est peu probable à ce stade que les participants répondent franchement aux questionnaires, même s’ils sont anonymes. On peut aussi autoriser les élèves à s’autotester sur le contenu de la formation.

Le niveau d’évaluation suivant consiste à déterminer si les objectifs de l’apprentissage ont été ou non atteints. Ces objectifs concernent le contenu de la formation et correspondent aux compétences pratiques ou théoriques acquises par l’élève à la fin de la formation. Les objectifs d’apprentissage sont habituellement fixés pour chaque partie du cours et communiqués aux élèves afin qu’ils sachent ce qu’ils sont censés apprendre. A ce niveau, l’évaluation a pour objet de déterminer si les étudiants ont acquis ou non les connaissances définies par les objectifs d’apprentissage. Pour ce faire, on peut soumettre les participants à un test à la fin du cours. Les connaissances, concepts, et compétences abstraites peuvent être évalués par des tests écrits, alors que les compétences pratiques peuvent l’être par l’observation directe des élèves faisant la démonstration des techniques apprises. A ce niveau d’évaluation, il est impératif de connaître au préalable les qualifications ou compétences de base des élèves avant le début de la formation.

Le troisième niveau d’évaluation consiste à déterminer si les connaissances et les compétences acquises au cours de la formation sont effectivement mises en œuvre pendant le travail. Cette évaluation peut se faire par une observation directe à intervalles réguliers après la formation. Une évaluation pratique effectuée le lendemain de la formation peut donner un tout autre résultat qu’une évaluation effectuée trois mois plus tard. Il faut cependant noter que, si l’évaluation réalisée trois mois plus tard révèle des lacunes, cela ne signifie pas pour autant que la formation est mauvaise; il peut s’agir d’un manque de suivi sur le lieu du travail.

Enfin, le dernier niveau d’évaluation permet de déterminer si le problème abordé par la formation a été ou non résolu. Si le problème identifié était, par exemple, un nombre élevé de lésions de l’appareil locomoteur chez les manutentionnaires du service d’expédition et de réception, note-t-on une baisse sensible de ce nombre? Là encore, le facteur temps est important. En effet, il faudra peut-être un certain délai pour que l’efficacité de la formation soit démontrée. On pourra ne pas constater de diminution pendant plusieurs mois, car de telles lésions sont souvent cumulatives et leurs effets peuvent se prolonger. De plus, la formation peut entraîner une plus grande sensibilisation au problème, avec pour résultat une multiplication des déclarations d’accident peu après la formation.

L’idéal serait que les quatre niveaux d’évaluation soient prévus dès la conception et la mise en œuvre de la formation. Cependant, si on n’utilise qu’un seul niveau, ses limites doivent être bien comprises par tous les intéressés.

Lorsque la formation est conçue et assurée par un organisme extérieur, l’entreprise peut et doit néanmoins évaluer son efficacité en appliquant les critères fondés sur les principes susmentionnés.

Le suivi de la formation

Que la formation ait permis ou non d’atteindre les objectifs fixés, ses effets déclineront avec le temps si un suivi régulier et cohérent n’est pas assuré sur le lieu de travail. La responsabilité quotidienne d’un tel suivi incombe au personnel de maîtrise, aux cadres et au comité d’hygiène et de sécurité. Il peut être assuré grâce à un contrôle régulier des résultats professionnels, par un témoignage de satisfaction si les résultats sont bons et par un rappel quotidien sous forme de brèves réunions, de notes de service et d’affiches.

L’ÉDUCATION ET LA FORMATION DU PERSONNEL

Robin Baker et Nina Wallerstein

La formation du personnel dans le domaine de la sécurité et de la santé au travail peut permettre d’atteindre plusieurs objectifs. Trop souvent, on ne voit dans la formation du personnel que le moyen de se conformer à la réglementation officielle ou de réduire les coûts d’assurance en encourageant les individus à observer des comportements sécuritaires étroitement définis. L’éducation du personnel répond à un besoin bien plus important lorsqu’elle cherche à donner aux travailleurs les moyens de jouer un rôle actif dans le renforcement de la sécurité sur le lieu de travail, au lieu de les encourager simplement à se conformer aux normes de sécurité imposées par la direction.

Au cours des vingt dernières années, de nombreux pays ont cherché à faire participer largement le personnel à la solution des problèmes de sécurité et de santé. Les nouvelles dispositions réglementaires s’appuient moins qu’autrefois sur les inspecteurs du travail pour faire respecter les mesures de prévention. Les syndicats et les employeurs sont de plus en plus encouragés à intervenir dans la promotion de la sécurité et de la santé au sein des comités paritaires ou d’autres mécanismes. Cette méthode exige une main-d’œuvre compétente et bien informée, pouvant dialoguer directement avec la direction sur les questions de sécurité et de santé.

Par chance, de nombreux modèles de formation internationaux permettent d’enseigner aux travailleurs toute la gamme des compétences que suppose une réelle participation aux efforts de prévention. Ces modèles ont été élaborés sur la base de travaux des syndicats, de programmes universitaires d’éducation ouvrière et de l’expérience d’organisations non gouvernementales de type associatif. De nombreux programmes novateurs de formation ont été élaborés à l’origine grâce à des programmes officiels de subventions, à des fonds syndicaux, ou à des contributions des employeurs à des programmes de sécurité et de santé dans le cadre des conventions collectives.

Ces programmes participatifs de formation des travailleurs, conçus dans divers contextes nationaux et pour des populations actives différentes, s’inspirent d’une même idée générale de la formation. Leur philosophie pédagogique se fonde sur les principes solides de l’éducation des adultes et fait appel à la théorie de la responsabilisation de «l’éducation populaire». Le présent article décrit la méthode pédagogique retenue et en expose les conséquences pour la conception d’une formation efficace des travailleurs.

La démarche pédagogique

Deux disciplines ont influé sur l’élaboration des programmes d’éducation en matière de sécurité et de santé des travailleurs: l’éducation ouvrière et, plus récemment, l’éducation populaire ou responsabilisation.

L’éducation ouvrière vit le jour en même temps que le mouvement syndical dans les années mille huit-cent. Son but initial était le progrès social, c’est-à-dire la promotion du pouvoir syndical et l’intégration des travailleurs dans les organisations politiques et syndicales. L’éducation ouvrière a été définie comme «une branche spécialisée de l’éducation des adultes, qui tente de répondre aux besoins et aux intérêts en matière d’éducation découlant de la participation des travailleurs au mouvement syndical». L’éducation ouvrière a évolué selon les principes reconnus de l’éducation des adultes, à savoir:

Depuis le début des années quatre-vingt, la formation des travailleurs à la prévention a également évolué sous l’influence de l’éducation populaire ou de la politique de responsabilisation. Depuis le début des années soixante, l’éducation populaire s’est largement inspirée de la philosophie de l’éducateur brésilien Paulo Freire. Il s’agit d’une approche participative de l’apprentissage, fondée sur les situations réelles que l’étudiant/travailleur rencontre sur son lieu de travail. Elle favorise le dialogue entre les éducateurs et les travailleurs, analyse de façon critique les obstacles au changement (par exemple, les causes organisationnelles ou structurelles des problèmes) et a pour but de favoriser l’action et la responsabilisation du travailleur. Ces principes de l’éducation populaire intègrent les principes de base de l’éducation des adultes, mais soulignent aussi le rôle actif du travailleur dans le processus éducatif, à la fois comme moyen d’améliorer les conditions de travail et comme mécanisme d’apprentissage.

L’éducation participative dans un contexte de responsabilisation ne se limite pas à des activités de groupes restreints d’étudiants/travailleurs participant activement à un apprentissage théorique. L’éducation populaire participative vise aussi à donner aux étudiants/travailleurs la possibilité de se former à la réflexion analytique et critique, de mettre en pratique leur aptitude à l’action sociale et d’acquérir l’assurance nécessaire pour concevoir des mesures propres à améliorer le milieu de travail bien après la fin des stages.

La conception des programmes éducatifs

Il faut bien comprendre que l’éducation est un processus continu, et non un événement ponctuel. C’est un processus qui exige pour chaque étape principale une planification minutieuse et habile. Pour mettre en œuvre un processus d’éducation participative qui se fonde sur les principes reconnus de l’éducation des adultes et qui responsabilise les travailleurs, il est nécessaire de prendre certaines dispositions touchant la planification et la mise en pratique de l’éducation participative des travailleurs; ces dispositions doivent être similaires à celles qui sont utilisées pour d’autres programmes de formation (voir «Les principes de la formation») et, de plus, vouer une attention toute particulière à la responsabilisation du travailleur:

Première étape: l’évaluation des besoins

L’évaluation des besoins est la base même du processus de planification. Toute évaluation consciencieuse des besoins de formation des travailleurs comprend trois éléments: une évaluation des risques, un profil du groupe cible et une analyse du contexte social de cette formation. L’évaluation des risques a pour but l’identification des problèmes les plus urgents à résoudre. Le profil du groupe cible s’efforce de répondre à tout un ensemble de questions sur la main-d’œuvre: qui profitera le plus de cette formation? Quelle formation le groupe cible a-t-il déjà reçue? Quelles connaissances et quelle expérience les stagiaires possèdent-ils déjà? Quelle est la constitution ethnique et la répartition par sexe de la main-d’œuvre? Quel est le niveau d’instruction des travailleurs et quelles langues parlent-ils? Qui respectent-ils et de qui se méfient-ils? Enfin, le formateur qui connaît bien le contexte social sera mieux en mesure d’assurer une formation efficace en prenant en compte les facteurs propres à améliorer les conditions prévalant en matière de sécurité et de santé (par exemple, une forte protection syndicale incitera les travailleurs à parler librement des risques encourus) et ceux qui peuvent y faire obstacle (par exemple, les contraintes du rendement ou la précarité de l’emploi).

L’évaluation des besoins peut se fonder sur des questionnaires, sur l’étude de la documentation, sur des observations réalisées in situ et sur des entrevues avec les travailleurs, leurs représentants syndicaux et d’autres intervenants. Le concept de l’éducation populaire met en œuvre un processus «d’écoute» permanent qui permet de rassembler des données sur le contexte social de la formation à dispenser et, notamment, sur les problèmes des individus et les obstacles susceptibles d’entraver le changement.

Deuxième étape: l’obtention d’appuis

Tout programme réussi d’éducation des travailleurs repose sur l’identification et la participation des principaux protagonistes. Le groupe cible doit participer au processus de planification; il est difficile de gagner sa confiance sans avoir préalablement recherché sa collaboration. Dans tout projet d’éducation populaire, le formateur s’efforce de constituer, à partir du syndicat ou de l’atelier, une équipe de planification participative capable en permanence de prodiguer des avis, d’assurer un soutien, d’établir des contacts et de vérifier les résultats de l’évaluation des besoins.

Les syndicats, les associations patronales et les groupes associatifs peuvent tous assurer l’éducation des travailleurs dans le domaine de la sécurité et de la santé. Même s’ils ne commanditent pas directement la formation, chacun de ces groupes peut soutenir activement l’effort éducatif. Le syndicat permet de prendre contact avec la main-d’œuvre et épaule les efforts de changement qui devraient émerger de la formation. Les militants syndicaux respectés pour leur compétence ou leur engagement peuvent contribuer à établir les contacts nécessaires et à garantir l’issue positive de la formation. Les employeurs peuvent accorder un congé de formation rémunéré et soutenir plus volontiers les efforts d’amélioration des conditions de sécurité et de santé lorsqu’ils découlent d’un processus de formation dans lequel ils ont investi. Certains employeurs comprennent l’importance et la rentabilité d’une formation poussée du personnel dans le domaine de la prévention, alors que d’autres n’y prendront aucune part à moins que des consignes de formation n’émanent du gouvernement ou que les conventions collectives ne prévoient un congé rémunéré pour une telle formation.

Les organisations non gouvernementales de type associatif peuvent fournir des ressources en formation, un soutien ou des activités de suivi. Pour les travailleurs non syndiqués qui risquent des représailles pour avoir préconisé l’amélioration des conditions de sécurité et de santé, il est particulièrement important d’identifier les possibilités de soutien collectif (groupes religieux, organisations écologistes, groupes de soutien aux travailleurs handicapés, ou campagnes pour les droits des travailleurs minoritaires). Tous les organismes peuvent jouer un rôle important et ils doivent participer au processus grâce au coparrainage, à une action au sein de comités consultatifs, à des contacts personnels, etc.

Troisième étape: la définition des objectifs et du contenu de l’éducation

Sur la base des données d’évaluation des besoins, l’équipe de planification peut définir les objectifs de l’apprentissage. On présume, souvent à tort, que l’objectif des ateliers est tout simplement de présenter l’information. Or, ce qui est présenté est moins important que l’information reçue par le groupe cible. Les objectifs doivent être définis en fonction de ce que les travailleurs sauront, croiront, ou seront capables de faire à l’issue de leur formation. La majorité des programmes classiques de formation sont centrés sur une modification des connaissances ou des comportements de l’individu. L’éducation populaire du travailleur a pour but de conscientiser les travailleurs afin qu’ils s’impliquent dans l’amélioration de leur milieu de travail. Les objectifs de l’éducation populaire peuvent inclure l’acquisition de connaissances et compétences nouvelles, la modification des aptitudes et l’adoption de comportements sécuritaires. Cependant, le but final n’est pas l’évolution individuelle, mais la responsabilisation collective et l’évolution du lieu de travail. Les objectifs qui y conduisent sont entre autres:

Ces objectifs sont hiérarchisés (voir figure 18.1). Par rapport aux autres objectifs de formation, les objectifs d’acquisition de connaissances sont plus faciles à atteindre (ce qui ne signifie pas qu’ils soient facilement réalisables, dans l’absolu); les objectifs d’acquisition de compétences exigent une formation pratique bien plus intense pour assurer la maîtrise nécessaire; les objectifs concernant les attitudes présentent plus de difficultés, car ils peuvent impliquer une remise en question d’idées bien ancrées; les objectifs touchant au comportement individuel ne peuvent être atteints que si l’on s’attaque aux obstacles comportementaux et si l’exécution des tâches, la pratique et le suivi in situ font partie de la formation; quant aux objectifs d’action sociale, ce sont les plus stimulants, car une formation doit également préparer l’ensemble des participants à une action collective qui leur permettra d’obtenir de meilleurs résultats qu’une simple action individuelle.

Figure 18.1 La hiérarchie des objectifs de formation

Figure 18.1

Par exemple, il est relativement simple d’informer les travailleurs des risques que l’amiante leur fait courir. Dans un deuxième temps, il faudra s’assurer qu’ils possèdent les connaissances techniques nécessaires pour appliquer toutes les mesures de sécurité requises. Il est encore plus difficile de les faire changer d’opinion (de les convaincre qu’ils courent un risque, ainsi que leurs camarades, et qu’une action peut et doit être entreprise). Même s’ils disposent des compétences voulues et adoptent les attitudes appropriées, les travailleurs peuvent avoir du mal à suivre un comportement sécuritaire, surtout si le matériel adéquat ou le soutien de la direction leur font défaut. L’ultime défi consiste à promouvoir l’action sociale, de sorte que les travailleurs puissent acquérir les compétences, l’assurance et la motivation qui leur seront nécessaires pour insister sur l’utilisation de matériaux de remplacement moins dangereux, ou exiger que toutes les mesures de protection de l’environnement soient appliquées lorsqu’ils emploient de l’amiante.

L’éducation de la main-d’œuvre axée sur la responsabilisation cherche toujours à agir au plus haut niveau — l’action sociale. Elle exige des travailleurs qu’ils acquièrent une certaine aptitude à la pensée critique et à la planification stratégique qui leur permettra de définir des buts réalisables, de réagir constamment devant les obstacles et d’adapter leurs plans au fur et à mesure. Ce sont des compétences complexes qui nécessitent une formation des plus intensives axée sur la pratique, ainsi qu’un soutien solide et constant permettant aux travailleurs de poursuivre leurs efforts.

Le contenu spécifique des programmes éducatifs dépendra de l’évaluation des besoins, des impératifs réglementaires et des délais. Les sujets les plus fréquemment abordés par la formation du travailleur sont entre autres:

Quatrième étape: le choix des méthodes d’éducation

Il est essentiel de choisir des méthodes adaptées aux objectifs et thèmes sélectionnés. En général, plus les objectifs sont ambitieux, plus les méthodes doivent être intensives. Quelles que soient les méthodes sélectionnées, le profil de la main-d’œuvre doit être pris en considération. Par exemple, les éducateurs doivent s’adapter au niveau de langage et d’alphabétisation des travailleurs. Si le niveau d’alphabétisation est bas, le formateur doit employer des méthodes orales et des supports visuels très explicites. Si le groupe cible s’exprime en plusieurs langues, le formateur doit utiliser une approche plurilingue.

Les délais imposés peuvent rendre impossible la communication de toutes les informations pertinentes. Il est plus important d’offrir aux travailleurs un éventail de méthodes leur permettant d’acquérir des techniques de recherche et d’élaborer des stratégies d’action sociale pour poursuivre leur propre apprentissage que d’essayer de condenser trop d’informations en un temps trop bref.

Le tableau 18.1 résume les différentes méthodes et les objectifs que chacune d’entre elles permet d’atteindre. Certaines méthodes, comme les cours ou les films documentaires, répondent essentiellement à des objectifs de connaissances. Les fiches de travail ou exercices de réflexion collective peuvent répondre aux objectifs d’information ou d’attitude. D’autres démarches plus sélectives, comme les études de cas, les jeux de rôles, ou les vidéocassettes de courte durée qui suscitent un débat, peuvent viser des objectifs d’action sociale, mais peuvent également contenir de nouvelles informations et permettre d’étudier les différentes attitudes.

Tableau 18.1 Tableau récapitulatif des méthodes d'enseignement

Méthodes d'enseignement

Points forts

Limites

Objectifs atteints

Cours

Présente des données factuelles de façon directe et logique.
Relate des expériences motivantes.
Stimule la réflexion afin d'engager le débat.
Bien adapté à un auditoire important.

Les experts ne font pas toujours de bons enseignants.
L'auditoire est passif.
L'acquis est difficile à évaluer.
Nécessite une introduction et une récapitulation précises.

Connaissances

Fiches de travail et questionnaires

Permettent aux participants de réfléchir individuellement sans être soumis à une influence extérieure en cours de discussion.
Cette réflexion individuelle peut alors être partagée au sein de petits groupes ou de groupes plus importants.

Leur durée d'utilisation est brève.
Leur distribution requiert un temps de préparation.
L'auditoire doit savoir lire et écrire.

Connaissances
Attitudes/émotions

Réflexion collective

Exercice d'écoute qui stimule la pensée créatrice et l'émergence d'idées nouvelles.
Favorise l'intervention de l'ensemble des participants, car toutes les idées sont prises en compte.

La discussion peut s'égarer.
Doit se limiter à 10 ou 15 minutes.

Connaissances
Attitudes/émotions

Planigramme

Permet de cataloguer rapidement l'information.
Permet aux étudiants de se familiariser avec une procédure en ordonnant ses composantes.
Expérience de planification en groupe.

Nécessite une planification et la création de multiples planigrammes.

Connaissances

Visualisation des risques

Le groupe peut dresser un tableau des risques encourus, de la maîtrise de ces risques et des plans d'action.
Instrument efficace de suivi.

Destinée à des participants travaillant dans la même entreprise ou dans une entreprise similaire.
Peut exiger un travail de recherche extérieur.

Connaissances
Compétences/ action sociale

Supports audiovisuels
(films, diapositives, etc.)

Façon ludique d'enseigner une matière et de soulever un problème.
Maintient l'attention de l'auditoire.
Efficace pour les groupes importants.

Aborde parfois trop de questions simultanément.
Trop passif si aucune discussion n'intervient.

Connaissances/ compétences

Supports audiovisuels actifs

Développe la capacité d'analyse.
Permet d'explorer diverses solutions.

La participation à la discussion peut être sporadique.

Action sociale
Attitudes/émotions

Etudes de cas actives

Développe les capacités d'analyse et de solution de problèmes.
Permet d'explorer diverses solutions.
Permet aux étudiants de mettre en œuvre
les connaissances et compétences nouvelles.

Les participants peuvent ne pas saisir le rapport avec leur propre situation.
Pour être efficace, les cas et tâches assignés aux petitsgroupes doivent être clairement définis.

Action sociale
Attitudes/émotions
Compétences

Jeu de rôles

Aborde de manière théâtrale une situation problématique.
Développe les capacités d'analyse.
Permet aux participants d'assumer le rôle des autres.
Permet d'explorer diverses solutions.

Il peut arriver que les participants soient embarrassés.
Mal adapté à des groupes importants.

Action sociale
Attitudes/émotions
Compétences

Récapitulation

Permet, au sein d'un groupe important, un débat sur les jeux de rôles, les études de cas, ainsi que des exercices par petits groupes.
Donne aux participants l'occasion de méditer sur leur expérience.

Peut s'avérer répétitive si chaque petit groupe dit la même chose.
Les enseignants doivent préparer des questions précises pour éviter toute répétition.

Action sociale
Compétences
Informations

Définition des priorités et planification

Garantit une participation des étudiants.
Développe une expérience de l'analyse des problèmes et de la définition de leurs priorités.
Permet des échanges et des débats positifs.

Il faut un mur ou un tableau de grande dimension pour l'affichage.
Pour être efficace, l'affichage doit se dérouler à un rythme soutenu.

Action sociale
Compétences

Exercices pratiques

Permet de mettre en pratique en classe le comportement acquis.

Demande un certain temps, un espace adéquat, et un matériel approprié.

Comportements
Compétences

Adaptation autorisée, d'après Wallerstein et Rubenstein, 1993.

Cinquième étape: la mise en œuvre d’un programme d’éducation

Appliquer un programme bien conçu est en fait la partie la plus simple du processus, l’éducateur se contentant d’exécuter le plan. Cet éducateur guide les élèves à travers une série d’activités conçues pour: a) acquérir et étudier de nouvelles idées ou compétences; b) partager leurs propres réflexions et aptitudes; c) associer ces deux aspects.

En ce qui concerne les programmes d’éducation populaire, fondés sur une participation active et le partage des expériences propres à chaque travailleur, il est essentiel que les ateliers créent une atmosphère de confiance, de libre débat et d’aisance dans la communication. L’environnement tant matériel que social doit permettre une interaction optimale et des activités par petits groupes et montrer qu’il existe un intérêt et une volonté de participation communs. Pour certains éducateurs, ce rôle d’aide à l’apprentissage peut nécessiter quelques «retouches». C’est un rôle qui repose moins sur un réel talent d’orateur, clé de voûte traditionnelle des compétences d’un formateur, que sur l’aptitude à encourager l’apprentissage en commun.

L’emploi de collègues formateurs est de plus en plus populaire. Former les travailleurs à instruire leurs collègues présente deux avantages majeurs: 1) les travailleurs-formateurs ont une connaissance pratique du lieu de travail qui permet d’adapter la formation; 2) les collègues-formateurs restent sur place pour offrir en permanence des conseils de prévention. Le succès de ces programmes dépend de la formation des instructeurs eux-mêmes, qui devront suivre des cours spéciaux à cet effet et pouvoir s’adresser à des experts en cas de besoin.

Sixième étape: l’évaluation et le suivi

Bien que souvent oubliée dans l’éducation du personnel et pourtant essentielle, l’évaluation remplit plusieurs fonctions. Elle permet à l’élève de juger sa propre progression vers de nouvelles connaissances, compétences, attitudes ou actions; elle permet à l’éducateur d’estimer l’efficacité de la formation et de déterminer les progrès réalisés; elle peut également attester la réussite de la formation, légitimant ainsi les futurs investissements. Les protocoles d’évaluation doivent être définis parallèlement aux objectifs de l’éducation. L’évaluation doit permettre d’établir si les objectifs de formation ont été atteints ou non.

A ce jour, la plupart des évaluations réalisées ont mesuré les effets immédiats (connaissances acquises ou taux de satisfaction des stagiaires). Les évaluations visant le comportement sont fondées sur les observations conduites sur le lieu de travail pour estimer les résultats.

Les évaluations fondées sur les résultats obtenus sur le lieu de travail et, en particulier, sur la fréquence des accidents et des maladies, peuvent être trompeuses. Par exemple, les efforts réalisés par la direction pour promouvoir la sécurité comprennent parfois des incitations visant à réduire le taux d’accidents (en offrant, par exemple, une prime à l’équipe qui subira le moins d’accidents en un an). Ces incitations entraînent une sous-déclaration des accidents et, bien souvent, ne reflètent pas les conditions réelles de sécurité et de santé. Inversement, une formation axée sur la responsabilisation encourage les travailleurs à reconnaître et à signaler les problèmes de prévention, ce qui peut entraîner au départ une augmentation des déclarations d’accident et de maladie, même lorsque les conditions de sécurité et de santé sont effectivement en voie d’amélioration.

Récemment, les programmes de formation en matière de sécurité et de santé ont commencé à adopter les méthodes et objectifs de l’éducation populaire et de la responsabilisation; de ce fait, les protocoles d’évaluation ont été élargis pour intégrer une appréciation du comportement des travailleurs de retour au travail, ainsi que des changements réellement intervenus sur le lieu de travail. Les objectifs d’action sociale nécessitent une évaluation à long terme qui contrôle les changements survenus tant au niveau individuel qu’aux niveaux environnemental et organisationnel, ainsi que l’interaction entre les changements individuels et environnementaux. Pour cette évaluation à long terme, le suivi est indispensable. Des entretiens téléphoniques de contrôle, des sondages complémentaires, ou même de nouvelles séances de formation, peuvent permettre non seulement d’évaluer les changements, mais également d’encourager les étudiants/travailleurs dans la mise en pratique de leurs nouvelles connaissances, compétences, initiatives ou projets d’actions sociales suite à la formation.

Il a été constaté que plusieurs éléments des programmes jouent un rôle important dans la promotion des changements comportementaux et des modifications sur le lieu de travail, notamment: les structures syndicales de soutien; la participation syndicale et directoriale paritaire; le libre accès des travailleurs et des syndicats aux ressources de formation, d’information et d’expertise; l’organisation de la formation dans un contexte favorable à des modifications d’ensemble; l’institution d’un programme fondé sur l’évaluation des besoins des travailleurs et du lieu de travail; l’utilisation d’un matériel fourni par les travailleurs eux-mêmes; l’intégration de méthodes interactives pour petits groupes aux objectifs de responsabilisation et d’action sociale des travailleurs.

Conclusion

Le présent article vient de décrire le besoin croissant de préparation des travailleurs à une meilleure participation aux efforts de prévention sur le lieu du travail, ainsi que leur rôle crucial dans la promotion de la sécurité et de la santé. Il a également expliqué le rôle particulier joué par la responsabilisation de la main-d’œuvre en réponse à ces besoins, ainsi que les traditions et principes pédagogiques qui sous-tendent un enseignement axé sur ladite responsabilisation. Enfin, il a exposé, étape par étape, le processus d’éducation nécessaire pour obtenir la participation des travailleurs et les responsabiliser.

Ce mode d’éducation centré sur l’élève suppose l’établissement de nouvelles relations entre les professionnels de la prévention et le personnel. L’apprentissage ne se fait plus à sens unique, un «expert» communiquant son savoir aux «étudiants». Le processus éducatif devient au contraire un partenariat. C’est un processus dynamique de communication qui exploite les compétences et les connaissances des travailleurs. L’apprentissage est multidirectionnel: les travailleurs apprennent auprès des instructeurs; les instructeurs apprennent auprès des travailleurs; et les travailleurs apprennent les uns des autres (voir figure 18.2).

Figure 18.2 Un apprentissage à trois dimensions

Figure 18.2

Pour que le partenariat réussisse, les travailleurs doivent participer non seulement en classe, mais aussi à chaque étape du processus éducatif. Les travailleurs doivent aider à répondre aux questions déterminantes de la formation: qui concevra et animera la formation? Qu’apprendra-t-on? Qui paiera? Qui y aura accès? Quand et où se déroulera la formation? Quels besoins seront satisfaits et comment la réussite sera-t-elle mesurée?

ÉTUDES DE CAS

L’ÉVALUATION DE LA FORMATION EN MATIÈRE DE SÉCURITÉ ET DE SANTÉ: ÉTUDE DE CAS SUR L’ÉDUCATION DES TRAVAILLEURS DE L’INDUSTRIE CHIMIQUE AFFECTÉS À LA GESTION DES DÉCHETS DANGEREUX

Thomas H. McQuiston, Paula Coleman, Nina Wallerstein, A.C. Marcus, J.S. Morawetz, David W. Ortlieb et Steven Hecker

Jusqu’à une date récente, l’efficacité de la formation et de l’éducation en matière de prévention des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs était le plus souvent une question de conviction plutôt que le résultat d’une évaluation systématique (Vojtecky et Berkanovic, 1984-85; Wallerstein et Weinger, 1992). Grâce à l’essor rapide des programmes intensifs d’éducation et de formation financés par le gouvernement ces dix dernières années aux Etats-Unis, on note un début d’évolution. Les éducateurs et les chercheurs évaluent de façon bien plus rigoureuse les effets qu’ont la formation et l’éducation des travailleurs sur les variables finales comme la fréquence des accidents, des maladies et des lésions corporelles, et sur les variables intermédiaires comme l’aptitude des travailleurs à identifier, traiter et pallier les risques existant sur leur lieu de travail. Le programme mis au point par le Centre syndical international des travailleurs de la chimie pour l’éducation des travailleurs dans le domaine de la sécurité et de la santé, qui associe une formation aux urgences chimiques et une formation aux déchets dangereux, est un exemple d’initiative bien conçue comportant une méthode d’évaluation efficace.

Le Centre a été fondé en 1988 à Cincinnati (Ohio), grâce à une subvention accordée par l’Institut national des sciences de l’hygiène du milieu (National Institute of Environmental Health Sciences (NIEHS)) à l’Union internationale des travailleurs de l’industrie chimique (ICWU) pour organiser une formation à l’intention des travailleurs responsables des déchets dangereux et des interventions en cas d’urgence. Le Centre est une coentreprise réunissant six syndicats professionnels, un centre local de santé au travail et un département universitaire de médecine de l’environnement. Il a adopté une démarche éducative axée sur la responsabilisation et il définit sa mission comme consistant:

[…] à développer l’aptitude des travailleurs à résoudre les problèmes et à concevoir des stratégies syndicales pour améliorer les conditions de santé et de sécurité dans le travail (McQuiston et coll., 1994).

Pour évaluer l’efficacité du programme dans le cadre de cette mission, le Centre a mené à bien des études de suivi de longue durée avec les travailleurs participant au programme. Cette évaluation d’ensemble est allée bien au-delà des contrôles habituels effectués immédiatement après la formation et qui mesurent ce que les stagiaires ont retenu de leur formation et leur degré de satisfaction (ou d’insatisfaction).

Le programme et l’assistance

Le cours soumis à évaluation est un programme de formation, étalé sur quatre ou cinq jours, consacré aux cas d’urgence et aux déchets dangereux de l’industrie chimique. Y participent les membres de six syndicats professionnels, ainsi qu’un petit nombre de cadres venant de quelques usines représentées par les syndicats. Les travailleurs exposés à des émissions importantes de substances dangereuses, ou travaillant au contact de produits nocifs, peuvent également assister au cours. L’effectif se limite à vingt-quatre étudiants par classe pour faciliter les discussions. Le Centre encourage les syndicats locaux à inscrire au cours trois ou quatre travailleurs de chaque établissement, estimant qu’un groupe de travailleurs sera plus enclin qu’un individu isolé à réduire efficacement les risques lorsqu’il réintégrera son lieu de travail.

Le programme définit des objectifs à long et court terme étroitement liés:

Objectif à long terme: encourager les travailleurs à devenir et à rester partie prenante dans la définition et l’amélioration de la prévention.

Objectif éducatif immédiat: fournir aux étudiants des instruments appropriés, leur donner l’assurance nécessaire à l’utilisation de ces instruments et les former à la résolution des problèmes (McQuiston et coll., 1994).

Pour atteindre ces objectifs, au lieu de se polariser sur un rappel de l’information, le programme conçoit la formation comme une méthode axée sur les procédés, cherchant à «instaurer une autonomie permettant à l’élève de déterminer le moment où des données supplémentaires s’avèrent nécessaires, l’endroit où les trouver et la façon de les interpréter et de les utiliser (McQuiston et coll., 1994).

Le programme comprend une formation aussi bien théorique que pratique. Les méthodes d’enseignement mettent l’accent sur la solution des problèmes en petit groupe avec la participation active des stagiaires. Le cours est également conçu pour favoriser la participation des travailleurs directement responsables de la sécurité et de la santé, de formateurs et de consultants. Ce groupe a évalué les projets de cours initiaux, recommandé des modifications du programme et de la documentation et préconisé des méthodes fondées sur des discussions approfondies avec les stagiaires. Cette évaluation formatrice est une étape importante du processus d’évaluation et elle intervient pendant le déroulement du programme, et non à la fin de celui-ci.

Le cours présente aux participants divers documents de référence sur les matières dangereuses. Les étudiants dressent également une cartographie des risques existant dans leur établissement et qui leur servira pendant le cours pour évaluer les risques encourus et les programmes de prévention appropriés. Cette cartographie constitue la base des plans d’action et permet de faire la liaison entre les connaissances acquises par les stagiaires pendant le cours et les projets qu’ils estiment devoir réaliser dès leur retour sur leur lieu de travail.

La méthodologie de l’évaluation

Le Centre organise pour les participants des tests anonymes de connaissances, avant et après la formation, afin de vérifier les progrès accomplis. Cependant, pour déterminer l’efficacité à long terme du programme, le Centre procède à des entretiens téléphoniques de contrôle, interrogeant les stagiaires un an après leur formation. Ces entretiens concernent un seul stagiaire par syndicat local, mais l’ensemble des cadres ayant assisté aux cours. L’enquête évalue les résultats dans cinq domaines principaux:

  1. l’usage régulier que font les étudiants des ressources et documents de référence présentés pendant la formation;
  2. les retombées de la formation, à savoir la formation retransmise à leurs collègues par les participants au cour dès leur retour sur le lieu de travail;
  3. les efforts des stagiaires pour obtenir des modifications des procédures d’urgence sur le lieu de travail, des programmes touchant les déchets dangereux, les méthodes ou l’équipement, et le taux de réussite de ces efforts;
  4. les progrès consécutifs à la formation dans le traitement des débords accidentels sur le lieu de travail;
  5. la perception qu’ont les stagiaires de l’efficacité du programme de formation.

Les derniers résultats d’évaluation publiés récemment se fondent sur les réponses de 481 travailleurs syndiqués, chacun représentant un lieu de travail distinct, et de 50 cadres. Le taux de réponse à ces entretiens est de 91,9% pour les travailleurs syndiqués et de 61,7% pour les cadres.

Les résultats et les conséquences

L’utilisation des supports pédagogiques

A l’exception de la cartographie des risques, les six principaux supports pédagogiques fournis pendant le cours ont été utilisés par au moins 60% des stagiaires issus des syndicats et de l’encadrement. Le guide de poche intitulé NIOSH Pocket Guide to Chemical Hazards et le manuel de formation du Centre ont été les plus utilisés.

La formation des collègues de travail

Environ 80% des stagiaires syndiqués et 72% des cadres ont dispensé par la suite une formation à leurs collègues sur leur lieu de travail. Le nombre de travailleurs concernés (70 en moyenne) et la durée de la formation (9,7 heures en moyenne) sont significatifs. Il est particulièrement révélateur que plus de la moitié des stagiaires syndiqués aient dispensé une formation aux cadres. Cette formation retransmise a abordé de nombreux thèmes: l’identification des substances chimiques; le choix et l’utilisation d’équipements de protection individuelle; les effets sur la santé; les procédures d’urgence et l’utilisation d’instruments de référence.

Les améliorations réalisées sur le lieu de travail

Au cours des entretiens, une série de questions ont été posées sur les tentatives d’amélioration des programmes, des pratiques et des équipements de l’entreprise dans onze domaines différents, dont les sept suivants:

Ces questions ont permis de déterminer si, d’après les interlocuteurs, des modifications s’avéraient nécessaires et, dans l’affirmative, si certaines avaient été réalisées.

En général, les travailleurs syndiqués interrogés ressentaient plus profondément que les cadres le besoin d’amélioration et s’efforçaient plus fréquemment d’y répondre, bien que l’importance de cet écart varie selon les domaines concernés. Néanmoins, un pourcentage relativement élevé de syndicats et de cadres ont fait état de tentatives d’amélioration dans la plupart des domaines. Dans les onze domaines concernés, les taux de réussite ont atteint 44 à 90% pour les syndicalistes et 76 à 100% pour les cadres.

La conduite à tenir en cas de débords accidentels

Les questions relatives aux dispersions et émissions accidentelles de substances chimiques cherchaient à déterminer si la présence au cour avait fait évoluer les méthodes pour y remédier. Les travailleurs et les cadres ont signalé 342 fuites graves au cours de l’année qui a suivi leur formation. Environ 60% d’entre eux ont précisé que la formation avait permis de traiter ces incidents de façon différente. Par la suite, des questions plus détaillées ont été ajoutées à l’enquête pour recueillir des données qualitatives et quantitatives complémentaires. L’étude d’évaluation transmet les commentaires des travailleurs sur certains débords spécifiques et permet de déterminer le rôle joué par la formation dans la manière de résoudre ces problèmes. Deux exemples en sont donnés ci-après:

A la suite du cours de formation, un équipement adéquat a été distribué. Toutes les règles ont été respectées. Depuis la constitution de notre équipe, nous avons fait du chemin. La formation a été utile. Nous n’avons plus à nous soucier de l’attitude de l’entreprise; maintenant nous pouvons déterminer nous-mêmes nos besoins.

La formation a permis de familiariser les membres des comités de sécurité avec les diverses responsabilités hiérarchiques. Nous sommes mieux préparés et la coordination entre l’ensemble des services s’est améliorée.

La vigilance

Grâce à la formation, la grande majorité des travailleurs syndiqués et des cadres interrogés se sentaient «bien mieux» ou «un peu mieux» préparés à la manipulation de substances chimiques dangereuses et à la maîtrise des situations critiques.

Conclusion

Le cas étudié illustre les principes essentiels de conception et d’évaluation d’un programme de formation et d’éducation. Il présente en détail les buts et objectifs du programme éducatif. Les finalités d’action sociale concernant l’aptitude des travailleurs à la réflexion et à l’action individuelle, ainsi que les demandes en vue d’une évolution des systèmes, prédominent à côté d’objectifs plus immédiats touchant les connaissances et le comportement. Les méthodes de formation sont adaptées à ces buts. Les méthodes d’évaluation mesurent la réalisation de ces objectifs en révélant comment les stagiaires ont appliqué par la suite à leur propre environnement professionnel les informations reçues pendant les cours. Elles mesurent les effets de la formation sur des points particuliers, comme la lutte contre les dispersions accidentelles, et sur des variables intermédiaires, comme le bénéfice que les autres travailleurs avaient tiré de cette formation grâce à leurs collègues et l’utilisation des supports pédagogiques par les participants.

L’ÉDUCATION ET LA FORMATION EN MATIÈRE D’ENVIRONNEMENT: UN BILAN DE L’ÉDUCATION DES TRAVAILLEURS CHARGÉS DE LA MANIPULATION DES MATIÈRES DANGEREUSES AUX ÉTATS-UNIS

Glenn Paulson, Michelle Madelien, Susan Sink et Steven Hecker

L’expression éducation environnementale peut recouvrir des domaines et des activités assez vastes lorsqu’elle s’applique aux salariés, aux employeurs et aux lieux de travail, notamment:

Le présent article dresse un bilan de la formation et de l’éducation des travailleurs aux Etats-Unis dans le domaine en plein développement de l’assainissement de l’environnement. Il ne traite pas de façon exhaustive de l’éducation environnementale, mais illustre plutôt le rapport entre la sécurité et la santé au travail, l’environnement et l’évolution de certaines activités professionnelles où les connaissances techniques et scientifiques jouent un rôle croissant, comme dans les métiers, traditionnellement «manuels», du bâtiment. La «formation» désigne, dans ce contexte, les programmes courts conçus et organisés par des institutions d’enseignement ou d’autres organisations. L’«éducation» concerne les programmes d’études dispensés par des établissements officiels offrant des cycles d’étude de deux et de quatre ans. Actuellement, les personnes intéressées par ce domaine n’ont accès à aucune trajectoire professionnelle clairement définie. L’élaboration d’un cursus professionnel plus précis est l’un des buts poursuivis par le Centre national d’éducation et de formation environnementales (National Environmental Education and Training Center, Inc. (NEETC)) de l’Université Indiana de Pennsylvanie. En attendant, un grand choix de programmes d’éducation et de formation sont proposés à différents niveaux, par diverses institutions, universitaires ou non. Une enquête sur les établissements dispensant ce type de formation et d’éducation a servi de base au rapport original dont s’inspire cet article (Madelien et Paulson, 1995).

Les programmes de formation

Une étude réalisée en 1990 par l’Université d’Etat Wayne (Powitz, 1990) a identifié 675 cours de courte durée, ne donnant pas droit à des unités de valeur, destinés à former les travailleurs qui sont au contact de déchets dangereux, dans le cadre de collèges universitaires et d’universités proposant chaque année plus de 2 000 cours au niveau national. Cependant, cette étude ne mentionnait pas certains pourvoyeurs essentiels de formation, à savoir les instituts universitaires, l’Administration de la sécurité et de la santé au travail (Occupational Safety and Health Administration (OSHA)), ainsi que des entreprises ou sous-traitants indépendants. Par conséquent, le nombre indiqué par cette université devrait probablement être doublé ou triplé si l’on voulait donner une idée exacte du nombre de cours ne pouvant pas être validés au titre d’unités de valeur ou d’un diplôme, proposés de nos jours aux Etats-Unis.

L’Institut national des sciences de l’hygiène du milieu (National Institute of Environmental Health Sciences (NIEHS))  gère actuellement le principal programme de formation financé par le gouvernement dans le domaine de la protection de l’environnement. Ce programme, établi en 1987 dans le cadre de la législation «Superfund», accorde des subventions aux associations à but non lucratif desservant certains groupes de travailleurs. Parmi les bénéficiaires, on trouve les syndicats, les programmes universitaires sur l’éducation de la main-d’œuvre; les études sur la main-d’œuvre et la santé publique, les sciences médicales et techniques; les instituts universitaires; ainsi que les associations à but non lucratif s’occupant de prévention — les comités de sécurité et de santé au travail, désignés en anglais par le sigle COSH (Committees on Occupational Safety and Health). Un grand nombre de ces organisations disposent d’antennes régionales. Les groupes cibles comprennent:

Le programme NIEHS a favorisé une importante évolution novatrice dans le domaine des programmes d’études et du matériel, évolution caractérisée par des échanges intensifs d’expériences entre bénéficiaires. Le programme finance une centrale nationale, dotée d’une bibliothèque et d’un bureau des programmes scolaires, et publie un bulletin mensuel.

D’autres programmes subventionnés par le gouvernement proposent des cours intensifs destinés aux professionnels de l’industrie des déchets dangereux par opposition aux travailleurs de base. Nombre de ces programmes se déroulent dans des centres universitaires de documentation fondés par l’Institut national de la sécurité et de la santé au travail (NIOSH).

Les programmes d’enseignement

Les instituts universitaires

Ces dernières années, le paysage de l’éducation et de la formation touchant les déchets dangereux s’est radicalement transformé et on a assisté à une expansion spectaculaire des programmes des instituts universitaires et des centres régionaux visant à améliorer la formation professionnelle au niveau du premier cycle. Depuis les années quatre-vingt, les instituts universitaires accomplissent, au niveau secondaire, un gros travail d’élaboration de programmes d’études. Le ministère américain de l’Energie (DOE) a subventionné, à l’échelon national, des programmes destinés à pourvoir en main-d’œuvre compétente les lieux de travail qui avaient auparavant besoin de techniciens du nucléaire et qui demandent actuellement des spécialistes de l’élimination des déchets dangereux. Cette formation, très approfondie, est dispensée dans les instituts universitaires, dont beaucoup ont déjà répondu dans le passé aux besoins en personnel de certains établissements du ministère de l’Energie. Les activités, subventionnées par ce ministère et assures par les instituts universitaires, ont largement contribué à promouvoir l’élaboration de programmes d’études et la mise en place de centres pour la diffusion de l’information. Leurs objectifs sont, d’une part, de définir des critères de formation plus uniformes et plus sévères et, d’autre part, de favoriser la mobilité de la main-d’œuvre, de façon à permettre à une personne formée pour travailler dans un établissement déterminé de rejoindre un autre lieu de travail sans qu’un recyclage important soit nécessaire.

Plusieurs groupements d’instituts universitaires élaborent des programmes d’études dans ce domaine. Le Partenariat pour l’enseignement des techniques de l’environnement (Partnership for Environmental Technology Education (PETE)) fonctionne dans six régions. Ce partenariat collabore avec l’Université de l’Iowa du Nord à l’institution d’un réseau de programmes environnementaux destinés aux instituts universitaires qui, en liaison avec les établissements secondaires, informent les étudiants et les préparent à ces études d’une durée de deux ans, sanctionnées par un diplôme. Les objectifs prévoient: 1) l’élaboration de programmes d’études approuvés à l’échelon national; 2) la préparation de programmes complets de formation professionnelle; 3) la création d’un centre national de l’éducation environnementale.

L’Institut de recherche et de formation sur les substances dangereuses (Hazardous Materials Training and Research Institute (HMTRI)) répond aux besoins en matière de programmes d’études, de perfectionnement, de communications électroniques et écrites de 350 collèges universitaires proposant des programmes sur deux ans d’enseignement des techniques environnementales ouvrant droit à des unités de valeur. L’Institut élabore et diffuse des programmes d’études et du matériel pédagogique; il met également en œuvre ses propres programmes éducatifs dans son Centre de formation environnementale de l’Institut universitaire Kirkwood Community College, dans l’Iowa, qui dispose d’importantes installations: salles de classe, laboratoire et simulations d’installations industrielles.

Le Centre de recherche et de développement professionnels (Center for Occupational Research and Development (CORD)) centralise l’octroi du diplôme «Tech Prep» par le ministère américain de l’Education. Le programme Tech Prep exige une coordination entre les établissements d’enseignement secondaires et supérieurs afin de donner aux étudiants une base solide pour leur itinéraire professionnel. Il a également permis l’élaboration de plusieurs textes en situation, issus de l’expérience acquise dans le domaine des sciences et des mathématiques fondamentales, et destinés à apprendre aux étudiants de nouveaux concepts liés aux connaissances et à l’expérience actuelles.

Le CORD a également joué un rôle important dans le programme éducatif national lancé par l’administration Clinton, «Objectifs 2 000: Instruire l’Amérique». Compte tenu des besoins en personnel qualifié de base, ce programme prévoit l’élaboration de normes de compétences professionnelles (les «normes de compétences» définissent les connaissances, le savoir-faire, les attitudes et le niveau de compétences nécessaires pour remplir de façon adéquate des fonctions déterminées). L’un des 22 projets d’élaboration de normes de compétences subventionnés dans le cadre du programme CORD concerne les techniciens chargés de la gestion des substances dangereuses.

L’articulation des programmes professionnels et des programmes de licence

L’insuffisance des liaisons entre les établissements des premier et second cycles pose un problème permanent qui gêne les étudiants souhaitant entreprendre des études techniques après avoir obtenu en deux ans un diplôme dans le domaine de la gestion des déchets dangereux ou radioactifs. Cependant, certains groupements d’instituts universitaires commencent à prendre conscience du problème.

Le Groupe Technologie de l’environnement (Environmental Technology (ET)) est un réseau californien d’instituts universitaires qui est parvenu à établir des accords de coopération avec quatre collèges universitaires du deuxième cycle. La définition d’une nouvelle catégorie professionnelle, «environmental technician» (technicien de l’environnement), par l’Agence californienne de protection de l’environnement, encourage les diplômés du programme ET à poursuivre leurs études. Un diplôme en technologie de l’environnement est obligatoire pour accéder au poste de technicien de l’environnement. L’obtention d’une licence permet à l’intéressé de postuler un emploi de niveau supérieur. Une formation complémentaire et l’expérience professionnelle lui permettront d’avancer dans sa carrière.

Le Groupe WERC (Waste-management Education and Research Consortium), spécialisé dans la recherche et l’enseignement concernant la gestion des déchets, qui réunit des établissements d’enseignement du Nouveau-Mexique, est peut-être le meilleur exemple d’une tentative de rapprochement entre l’enseignement professionnel et l’enseignement traditionnel du second cycle. Parmi les membres de ce groupe figurent l’Université du Nouveau-Mexique, l’Institut minier et de technologie du Nouveau-Mexique (New Mexico Institute of Mining and Technology), l’Université d’Etat du Nouveau-Mexique, l’Institut universitaire Navajo Community College, le laboratoire Sandia et les laboratoires de Los Alamos. Pour la diffusion des programmes d’études, ce groupe a opté pour un programme de télévision interactif d’enseignement à distance qui tire profit des divers points forts des institutions membres.

Les étudiants participant au programme sur l’environnement doivent suivre six heures de télé-enseignement dispensé par les autres institutions, ou un semestre de cours externes. Le programme est interdisciplinaire par définition, associant une matière secondaire consacrée à la gestion des substances ou déchets dangereux à une matière principale dans un autre domaine (sciences politiques, sciences économiques, préparation aux études de droit, études techniques ou études scientifiques). L’objectif du programme est à la fois «vaste et restreint» en ce qu’il reconnaît le besoin de transmettre aux étudiants une base importante de connaissances dans leur domaine, ainsi qu’une formation spécifique à la gestion des substances et déchets dangereux. Cette initiative originale associe l’étudiant à une véritable recherche appliquée et à l’élaboration de programmes d’études axés sur l’industrie. Les cours correspondant à la matière secondaire sont très spécifiques et exploitent les spécialités propres de chaque établissement, mais chaque programme, même le diplôme de licence, comporte un cursus fondamental obligatoire dans le domaine des sciences humaines et sociales.

Ce programme présente une autre particularité: les collèges universitaires proposent, sur deux ans, des diplômes de premier cycle dans le domaine de la technologie des substances dangereuses et radioactives. Le diplôme de premier cycle en deux ans proposé par le Navajo Community College dans le domaine des sciences de l’environnement comprend aussi bien des cours sur l’histoire du peuple Navajo, des cours approfondis dans les domaines de la communication et des affaires, que des cours techniques. Un laboratoire d’expérimentation a également été édifié sur ce campus, installation inhabituelle pour un institut universitaire et manifestation de l’implication du Groupe WERC dans l’apprentissage au sein de laboratoires d’expérimentation et dans le développement de la technologie et la recherche appliquées. Les institutions membres du WERC proposent également un programme, non sanctionné par un diplôme, de gestion des déchets, programme qui semble bien plus approfondi et complexe que les cours de 24 ou 40 heures offerts par les autres établissements. Il est destiné aux titulaires de licence qui souhaitent bénéficier des séminaires et cours spécialisés dispensés par les universités.

Conclusion

Outre la prolifération des programmes de formation de courte durée et des programmes techniques traditionnels, plusieurs modifications d’importance ont été apportées ces dernières années aux objectifs de l’éducation et de la formation relatives aux déchets dangereux. D’une façon générale, le ministère américain de l’Energie semble avoir centré l’éducation dispensée par les instituts universitaires sur la formation continue de la main-d’œuvre, et cela grâce essentiellement au PETE, au Groupe WERC et à d’autres groupements du même genre.

Il existe un écart considérable entre la formation professionnelle et l’enseignement traditionnel dans le domaine de l’environnement. A cause de cet écart, les travailleurs spécialisés dans les déchets dangereux n’ont accès à aucun itinéraire professionnel clairement défini, et il leur est difficile de progresser dans l’industrie ou à l’intérieur des services officiels sans aucun diplôme technique reconnu. Alors qu’il existe des options interdépartementales pour une formation des cadres dans le domaine des sciences économiques, du droit et de la médecine, options qui reconnaissent l’importance de l’industrie de l’environnement, il s’agit toujours de diplômes professionnels de type universitaire qui laissent de côté une fraction importante de la main-d’œuvre expérimentée disponible.

A mesure que l’industrie de l’assainissement de l’environnement acquiert ses lettres de noblesse, la nécessité pour la main-d’œuvre de recevoir une formation à long terme et un enseignement plus équilibrés, et d’avoir accès à une véritable carrière, s’impose de plus en plus. Comme un grand nombre de travailleurs venant de sites militaires définitivement fermés se retrouvent sur le marché du travail, un nombre croissant de personnes d’origines professionnelles diverses font désormais partie de la main-d’œuvre spécialisée dans l’environnement, d’où des besoins accrus de formation syndicale et de placement des travailleurs licenciés (qu’il s’agisse de militaires libérés ou de civils congédiés). On doit impérativement concevoir des programmes éducatifs qui répondent tant aux besoins du personnel entrant dans l’industrie qu’à ceux de l’industrie elle-même en matière de main-d’œuvre mieux équilibrée et plus instruite.

Les membres de syndicats formant l’un des principaux groupes prêts à intégrer le domaine de l’assainissement de l’environnement et de l’élimination des déchets dangereux, il semblerait logique de confier aux départements universitaires enseignant les relations professionnelles et syndicales l’élaboration de programmes d’enseignement combinant les études sur l’environnement et les déchets dangereux et les relations professionnelles.

L’ÉDUCATION OUVRIÈRE ET L’AMÉLIORATION DE L’ENVIRONNEMENT

Edward Cohen-Rosenthal

Les articles précédents du présent chapitre ont été centrés sur la formation et l’éducation en fonction des risques présents sur le lieu de travail. L’éducation environnementale a des objectifs multiples et elle complète utilement une formation à la sécurité et à la santé au travail. L’éducation ouvrière est un aspect capital et souvent négligé de toute stratégie exhaustive et efficace de protection de l’environnement. On considère fréquemment les problèmes d’environnement comme des questions purement techniques ou scientifiques qui dépassent les travailleurs. Or, la formation des travailleurs est essentielle pour la solution des problèmes d’environnement. Les travailleurs sont concernés en tant que citoyens et en tant que salariés par les questions d’environnement, car cet environnement conditionne leur existence et affecte leur milieu social et leur famille. Même lorsque des solutions techniques sont requises, faisant appel à des matériels, des logiciels ou des procédés nouveaux, la collaboration et la participation des travailleurs sont indispensables à leur mise en œuvre. Il en va ainsi pour tous les travailleurs, qu’ils soient occupés dans l’industrie et les professions de l’environnement elles-mêmes, ou qu’ils remplissent différentes fonctions dans d’autres branches d’activité.

L’éducation ouvrière peut également constituer une assise conceptuelle permettant de renforcer la participation des travailleurs à l’amélioration de l’environnement, à la protection de la santé et à la sécurité, et au progrès organisationnel. Le programme Industrie et Environnement du PNUE observe que de nombreuses entreprises ont constaté que l’implication du travailleur dans l’amélioration de l’environnement peut engendrer d’importants avantages (PNUE, 1993). Le Projet Cornell sur l’environnement et le travail (Cornell Work and Environment Initiative (WEI)) a permis de constater, dans le cadre d’une étude sur les entreprises américaines, qu’une participation assidue des travailleurs divisait par trois la nécessité du recours aux solutions techniques ou externes, et renforçait considérablement le rendement de certaines démarches techniques (Bunge et coll., 1995).

L’éducation ouvrière dans le domaine de l’environnement revêt différentes formes, entre autres la sensibilisation et l’éducation syndicales, la formation et l’orientation professionnelles, l’intégration de l’environnement aux problèmes de sécurité et de santé au travail, et une prise de conscience générale des citoyens. Cette éducation peut se dérouler en divers endroits: lieux de travail, locaux syndicaux, écoles et cercles d’études, grâce aux systèmes d’enseignement traditionnels ou modernes assistés par ordinateur. Il faut reconnaître que l’éducation des travailleurs dans le domaine de l’environnement est un secteur sous-développé, surtout lorsqu’on la compare aux études de gestion, à la formation technique et à l’enseignement scolaire sur l’environnement. Au niveau international, l’éducation des travailleurs de la production n’est souvent mentionnée qu’en passant et elle est totalement oubliée lorsqu’il s’agit de la mise en œuvre. La Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail à Dublin (Irlande) a commandité une série d’études sur la dimension éducative de la protection de l’environnement et, dans le cadre de ses travaux futurs, elle étudiera directement le cas des ouvriers et de leurs besoins éducatifs dans le domaine de l’environnement.

On trouvera ci-après plusieurs exemples, recueillis dans le cadre du projet WEI à l’Université Cornell, qui illustrent à la fois les réalités et les possibilités de l’éducation ouvrière en matière d’environnement. Le WEI est un réseau de dirigeants d’entreprises, de syndicalistes, d’écologistes et de fonctionnaires de 48 pays répartis dans le monde entier, et déterminés à trouver un moyen de faire participer les travailleurs et les entreprises à l’élaboration de solutions écologiques. Il concerne des secteurs très divers allant des industries extractives à la production, aux services et au secteur public. Il offre un moyen de promouvoir l’éducation et l’action en matière d’environnement afin d’accumuler suffisamment de connaissances dans les entreprises et dans les établissements d’enseignement pour obtenir des lieux de travail plus salubres, accroître la productivité et améliorer l’interface entre les environnements interne et externe.

Australie: modules d’«écocompétences»

En Australie, le Conseil australien des syndicats (Australian Council of Trade Unions (ACTU)) a élaboré une nouvelle approche de l’éducation en matière d’environnement qui permet de développer la conscience sociale, notamment des jeunes travailleurs, en les aidant à acquérir des qualifications professionnelles spécifiques.

L’ACTU a fondé une société de formation écologique ayant pour mandat de traiter divers secteurs, mais en se concentrant dans un premier temps sur les problèmes de gestion des terres. Cet objectif suppose qu’on enseigne les méthodes permettant d’effectuer les opérations d’assainissement de façon efficace et sûre, tout en garantissant les intérêts des populations indigènes et la protection du milieu naturel. Avec la collaboration de syndicalistes, d’écologistes et d’employeurs, cette société a mis au point une série de modules d’«écocompétences» pour inculquer les connaissances écologiques de base aux travailleurs d’industries diverses. Ces modules s’intègrent à une série de qualifications touchant les techniques, les sciences sociales et la sécurité.

Les modules écocompétences 1 et 2 comportent des informations générales sur l’environnement. On les enseigne en même temps que les autres programmes élémentaires de formation. Dès le niveau 3, les modules concernent des personnes qui se spécialisent dans la protection de l’environnement. Les deux premiers modules consistent en deux sessions de 40 heures chacune. Les stagiaires acquièrent leurs compétences en assistant à des conférences, en participant à des séances collectives de solution des problèmes et en appliquant des techniques d’exercices pratiques. Des mémoires, des exposés, un travail de groupe et des jeux de rôles permettent de contrôler les connaissances des travailleurs.

Les sessions abordent certains concepts dont une introduction aux principes d’un développement écologiquement durable, d’une utilisation efficace des ressources et de systèmes de gestion assurant une production plus axée sur la protection de l’environnement. A la fin du module 1, les travailleurs doivent pouvoir:

Le module 2 développe ces objectifs de départ et prépare les travailleurs à la prévention de la pollution et à la sauvegarde des ressources.

Certaines branches d’activité sont disposées à établir une relation entre les qualifications et connaissances en matière d’effets sur l’environnement, d’une part, et leurs propres critères à tous les niveaux, d’autre part. La sensibilisation aux problèmes de l’environnement se refléterait ainsi dans le travail quotidien de tous les salariés de ces secteurs, à tous les niveaux de compétence. Le fait que les salaires sont liés aux normes de l’industrie représente pour les travailleurs une sérieuse motivation. L’expérience australienne n’en est encore qu’à ses débuts, mais représente une tentative déterminée de collaboration entre toutes les parties aux fins de développer des activités fondées sur la compétence et d’augmenter le nombre et la sécurité des emplois, tout en protégeant l’environnement grâce à une sensibilisation accrue aux problèmes de l’écologie.

Associer la santé au travail et la formation en matière d’environnement

L’Union internationale des journaliers d’Amérique du Nord (UIJAN) est, aux Etats-Unis, l’un des syndicats les plus actifs en matière de formation à la protection de l’environnement. La réglementation officielle exige que les travailleurs chargés de l’élimination des déchets dangereux reçoivent 40 heures de formation. Le syndicat et certains employeurs participant au projet ont mis au point un cours intensif de 80 heures ayant pour objectif de sensibiliser davantage les travailleurs qui manipulent des déchets dangereux aux questions de sécurité professionnelle. En 1995, plus de 15 000 travailleurs ont reçu une formation à l’élimination du plomb, de l’amiante et d’autres déchets dangereux, ainsi que dans le domaine de l’assainissement. Le programme des travailleurs et entrepreneurs associés (Laborers-Associated General Contractors) a mis au point 14 cours sur l’assainissement de l’environnement et élaboré les programmes correspondant de formation d’instructeurs dans le cadre de l’effort national de promotion d’un assainissement sûr et efficace. Ces cours sont donnés dans 32 centres de formation et 4 unités mobiles.

Outre la formation en matière de sécurité et de technologie, le programme encourage les participants à réfléchir aux problèmes écologiques en général. Dans le cadre de leur travail, les stagiaires recueillent des informations sur les problèmes de l’environnement dans les journaux locaux et s’en servent pour amorcer un débat sur les grands défis écologiques. Ce fonds commun de formation écologique emploie 19 salariés à plein temps au siège, et dispose d’un budget de plus de 10 millions de dollars. Les méthodes et matériels pédagogiques sont d’une qualité exceptionnelle, utilisant abondamment les supports audiovisuels et autres outils didactiques et se concentrant sur des compétences spécifiques; la qualité de l’enseignement et le contrôle continu des connaissances sont des impératifs. Une vidéo «d’apprentissage à domicile» est destinée à pallier le problème d’alphabétisation; la formation écologique et l’enseignement de base sont étroitement liés. Pour ceux qui le désirent, six cours peuvent être validés au titre d’unités de valeur. Le programme rend de grands services aux groupes minoritaires, et plus de la moitié des participants sont issus de tels groupes. Des programmes complémentaires sont élaborés en commun avec des associations de groupes minoritaires, des projets de logement sociaux et autres dispensateurs de formation.

Le syndicat sait qu’un grand nombre de ses futurs membres viendront d’entreprises du secteur de l’environnement et voit dans l’élaboration de programmes d’éducation ouvrière la base de sa propre croissance. Bien que les tâches accomplies par les travailleurs qualifiés offrent un meilleur niveau de sécurité et de productivité, le syndicat en perçoit également l’intérêt sur un plan plus général:

L’effet le plus remarquable de la formation écologique fut de sensibiliser les intéressés aux dangers des produits chimiques et des substances dangereuses au travail comme à domicile et aussi de leur faire prendre conscience des conséquences d’une pollution permanente et des coûts de l’assainissement de l’environnement. L’impact réel dépasse largement la simple formation professionnelle (UIJAN, 1995).

Aux Etats-Unis, la formation à la manipulation de substances dangereuses est également assurée par divers syndicats: techniciens d’exploitation (Union internationale des opérateurs-ingénieurs); peintres en bâtiment (International Brotherhood of Painters and Allied Trades (IBPAT)); menuisiers-charpentiers (Fraternité unie des charpentiers et menuisiers d’Amérique); travailleurs des industries pétrolière, chimique et nucléaire (Syndicat international des travailleurs du pétrole, de la chimie et de l’atome); travailleurs de l’industrie chimique; machinistes (Association internationale des machinistes et des travailleurs de l’aérospatiale (AIM)); routiers (Fraternité internationale des teamsters, chauffeurs, hommes d’entrepôt et aides d’Amérique); ouvriers sidérurgistes et métallurgistes (Métallurgistes unis d’Amérique (USWA)).

Sur le plan international, l’UIJAN s’emploie, conjointement avec la Confédération des travailleurs du Mexique (CTM), des groupes de formation fédéraux et privés et des employeurs, à élaborer des méthodes de formation. Leur objectif est de former des travailleurs mexicains aux techniques de l’assainissement et de la construction. Le premier cours de formation destiné aux travailleurs mexicains, organisé par le Partenariat interaméricain pour la formation et l’éducation en matière d’environnement (Inter-American Partnership for Environmental Education and Training (IPEET)), s’est déroulé à Mexico pendant l’été 1994. Des dirigeants syndicaux et des ouvriers des industries locales, fabriques de peintures et usines de placage des métaux, entre autres, ont suivi ce cours d’une semaine traitant de la santé, de la sécurité et de l’environnement. L’UIJAN met actuellement en place d’autres partenariats au Canada, en éditant la documentation en français et en «canadianisant» son contenu. L’Institut européen pour la formation et l’éducation en matière d’environnement s’associe également à des formations similaires en Europe de l’Est et dans les pays de la CEI.

Zambie: manuel éducatif sur la sécurité et la santé au travail

En Zambie, la question de la sécurité et de la santé au travail n’est souvent prise au sérieux que lorsqu’un incident survient, entraînant des dommages corporels ou causant des dégâts matériels à l’entreprise. Les problèmes d’environnement sont également ignorés par l’industrie. Un guide de la prévention dans l’entreprise intitulé Manual on Occupational Health and Safety a été rédigé pour sensibiliser les salariés et les employeurs à l’importance des questions de sécurité et de santé professionnelles.

Le premier chapitre de ce manuel souligne l’importance de l’éducation à tous les niveaux de l’entreprise. On s’attend à ce que l’encadrement comprenne son rôle dans l’instauration de conditions de travail sûres et salubres. On enseigne aux travailleurs comment l’adoption d’une attitude positive et coopérative influe sur leur propre sécurité et sur leur environnement professionnel.

Le manuel aborde tout particulièrement les questions de l’environnement, car l’ensemble des grandes villes zambiennes est confronté:

à la menace de dommages écologiques croissants. Plus précisément, le Congrès des syndicats de Zambie (Zambia Congress of Trade Unions) a identifié dans l’industrie minière des risques écologiques engendrés par l’extraction à ciel ouvert et par la pollution de l’air et de l’eau résultant de pratiques inadéquates. Bon nombre d’usines sont responsables de la pollution de l’air et de l’eau, car elles déversent leurs déchets directement dans les ruisseaux et rivières avoisinants et laissent s’échapper impunément des fumées et vapeurs dans l’atmosphère (Zambia Congress of Trade Unions, 1994).

Bien que de nombreux syndicats africains souhaitent un complément d’éducation dans le domaine de l’environnement, l’insuffisance des fonds nécessaires à l’éducation ouvrière et le besoin de documentation associant les risques écologiques, collectifs et professionnels sont des obstacles majeurs.

La formation et l’éducation ouvrière en matière d’environnement dispensées par les employeurs

Les employeurs, notamment les plus importants, s’occupent activement d’éducation en matière d’environnement. Dans de nombreux cas, ils organisent une formation liée aux règles de sécurité professionnelles écologiques. Cependant, un nombre croissant d’entreprises reconnaissent le pouvoir d’une éducation ouvrière au sens large, allant bien au-delà d’une simple formation au respect des consignes. Des sociétés du groupe Royal Dutch/Shell ont inclus les questions de sécurité, de santé et d’environnement (SSE) dans leur programme global de formation, et l’environnement fait partie intégrante de toutes les décisions de la direction (Bright et van Lamsweerde, 1995). C’est une pratique et un mandat d’ensemble. L’un des buts de l’entreprise est de définir des compétences en SSE pour des tâches correspondantes. Les compétences d’un travailleur se renforcent grâce à une sensibilisation accrue, et au développement de ses connaissances et de son savoir-faire. Une formation bien conçue sensibilisera les travailleurs, et leur savoir-faire se développera grâce aux nouvelles connaissances acquises et mises en pratique. Un choix important de techniques de communication permet de diffuser et de renforcer le message et l’apprentissage écologiques.

Aux Etats-Unis, les 3 900 salariés de l’entreprise Duquesne Light ont reçu avec succès une formation sur «l’influence de l’entreprise et de ses salariés sur l’environnement». William DeLeo, vice-président pour les questions d’environnement, a déclaré ce qui suit:

Pour élaborer un programme de formation nous permettant d’atteindre des objectifs stratégiques, nous avons constaté que nos salariés devaient être sensibilisés à l’importance de la protection de l’environnement et également recevoir une formation technique appropriée en rapport avec leurs responsabilités professionnelles. Nous avons bâti la stratégie de notre programme d’éducation en matière d’environnement sur ces deux principes directeurs (Cavanaugh, 1994).

Les programmes d’éducation environnementale dispensés par les travailleurs et les syndicats

Au BIT, le Bureau des activités pour les travailleurs a élaboré une série de six brochures de référence pour stimuler les échanges entre syndicalistes et autres parties intéressées. Les brochures concernent les travailleurs et l’environnement, le milieu de travail et l’environnement, la collectivité et l’environnement, les problèmes écologiques mondiaux et le nouveau programme de négociation, et fournissent un guide des ressources et un glossaire. Elles permettent une approche exhaustive, informée et accessible qui peut être utilisée dans les pays en développement comme dans les pays industriels pour débattre de thèmes intéressant les travailleurs. La documentation fondée sur des projets propres à l’Asie, aux Caraïbes et à l’Afrique australe peut être utilisée comme un texte d’un seul tenant ou divisée pour susciter un dialogue général au sein d’un groupe d’étude.

Evaluant les besoins en formation, le BIT a formulé l’observation suivante:

Les syndicalistes doivent se préoccuper davantage des problèmes écologiques en général et des effets que les entreprises ont sur l’environnement, et sur la sécurité et la santé de leurs salariés, en particulier. Les syndicats et leurs adhérents doivent comprendre les problèmes de l’environnement, les conséquences des risques écologiques pour les travailleurs et la collectivité, mais ils doivent être capables d’aboutir à des solutions durables lors des négociations avec les directions d’entreprise et avec les organisations d’employeurs (BIT, 1991).

La Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail fait observer ce qui suit:

Les syndicats locaux et autres représentants des salariés sont dans une situation particulièrement difficile. Bien que disposant d’informations pertinentes sur la situation locale et les lieux de travail, ils sont dans la plupart des cas mal informés des problèmes complexes d’environnement et de politique.

Ils sont donc incapables d’exercer leurs fonctions tant qu’ils n’auront pas reçu une formation spécialisée complémentaire (Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail, 1993.)

Un certain nombre de syndicats nationaux ont préconisé un renforcement de l’éducation ouvrière en matière d’environnement. En Suède, LO est l’un de ces syndicats et son programme pour l’environnement prévoyait en 1991 une intensification de l’éducation et des actions sur le lieu de travail, ainsi que le développement de la documentation sur l’environnement destiné aux groupes d’études, afin de promouvoir la prise de conscience et l’apprentissage. En Australie, le Syndicat des travailleurs des industries manufacturières (Manufacturing Workers Union) a élaboré un programme de formation et un ensemble de documents qui l’aideront à assumer son rôle de guide en matière de protection de l’environnement, en indiquant, entre autres, comment aborder ce type de problèmes dans le cadre de la négociation collective.

Conclusion

Une éducation ouvrière axée sur l’environnement offre aux travailleurs, lorsqu’elle est réussie, un savoir à la fois théorique et technique qui les sensibilise aux problèmes écologiques et leur apprend concrètement à modifier les habitudes de travail préjudiciables à l’environnement. Simultanément, ces programmes s’inspirent de l’expérience des travailleurs pour tirer parti de leurs connaissances, de leurs réflexions et de leur compréhension des pratiques suivies sur les lieux de travail en matière d’environnement.

L’éducation en matière d’environnement sur le lieu de travail s’avère plus efficace lorsqu’elle est associée aux défis écologiques, collectifs et généraux, de sorte que les travailleurs perçoivent clairement le rapport entre les méthodes de travail et l’environnement dans sa totalité, ainsi que leur contribution éventuelle à un assainissement des lieux de travail et de l’écosystème global.

LA FORMATION DES CADRES EN MATIÈRE DE SÉCURITÉ ET DE SANTÉ

John Rudge

Après cette évocation succincte de l’évolution de l’éducation dans le domaine de la sécurité et de la santé au travail, et des toutes premières tentatives faites pour jeter les bases d’une éducation des cadres, le présent article abordera le processus d’élaboration des programmes d’études. Les deux trajectoires professionnelles que suivent les futurs cadres supérieurs seront considérées comme un sujet en rapport avec les besoins éducatifs de ces personnels. La teneur des programmes d’études traitant des problèmes d’encadrement sera abordée en premier; on examinera ensuite celle des programmes d’études sur les causes d’accident.

L’éducation dans le domaine de la sécurité et de la santé au travail est en général destinée aux responsables de la sécurité, aux médecins du travail et, depuis peu, au personnel infirmier, aux ergonomes et aux hygiénistes — qui occupent tous des postes spécialisés dans les entreprises.

Ces spécialistes exercent des fonctions consultatives comprenant, entre autres responsabilités, la gestion des visites médicales d’embauche, les contrôles de santé, la surveillance de l’exposition des salariés à des risques divers et la protection de l’environnement. Ils doivent en outre, dans le cadre de leurs activités, participer à la conception des emplois et des tâches afin de définir les moyens de prévention technique ou les mesures administratives permettant, par exemple, de minimiser, sinon d’éliminer, les effets négatifs de certaines postures de travail ou d’une exposition à des risques toxiques.

Cette démarche éducative conduite par des spécialistes ignore cependant un fait important: l’aménagement de lieux de travail sûrs et salubres exige une expérience pratique considérable pour devenir une réalité. Il ne faut pas oublier que les dirigeants d’entreprise sont responsables de la planification, de l’organisation et du contrôle des activités dans les entreprises publiques et privées de tous les secteurs.

Le contexte

Au cours des années soixante-dix, de nombreux programmes d’études postscolaires ont été proposés afin de dispenser une éducation professionnelle et une formation pratique aux ingénieurs spécialisés, aux scientifiques et aux membres du personnel médical intégrant le secteur de la sécurité et de la santé au travail.

Dans les années quatre-vingt, on a communément admis que les parties les plus directement concernées par la sécurité et la santé des travailleurs, à savoir les dirigeants, les travailleurs eux-mêmes et leurs associations, étaient également celles qui avaient le rôle le plus important à jouer dans la prévention des lésions et des maladies sur le lieu du travail. Un peu partout, une législation a été adoptée pour assurer l’éducation des travailleurs membres de comités de sécurité ou élus comme délégués à la sécurité et à la santé. Cette évolution a pour la première fois mis en lumière les possibilités extrêmement limitées d’éducation et de formation dont disposaient alors les employeurs.

Une des premières initiatives en matière d’éducation de l’encadrement

Diverses mesures ont été adoptées pour résoudre ce problème. La plus connue est le Projet Minerva, une initiative de l’Institut national de la sécurité et de la santé au travail (NIOSH) aux Etats-Unis; ce fut aussi l’un des tout premiers efforts pour inculquer aux cadres cet ensemble de compétences particulières nécessaires pour assurer la sûreté des lieux de travail, connaissances qui sont «bien plus vastes en général que le savoir enseigné dans le cadre des études professionnelles traditionnelles» (NIOSH, 1985). Les outils pédagogiques conçus pour répondre aux problèmes de sécurité et de santé les plus urgents provenaient alors des écoles de commerce. Le guide des ressources comprenait des modules d’instructions, des études de cas et un ouvrage contenant des textes de référence. Les sujets inclus dans ces modules sont reproduits à la figure 18.3.

Figure 18.3 Contenu modulaire d'un programme d'études, guide des ressources du Projet Minerva

Figure 18.3

La Société canadienne de la santé et de la sécurité au travail a recommandé cette structure aux écoles de commerce qui souhaitent incorporer dans leurs programmes d’études des données sur la sécurité et la santé professionnelles.

Les principes fondamentaux de la gestion: la priorité aux besoins généraux

Toute responsabilité professionnelle implique l’acquisition des connaissances pertinentes. Quelle que soit l’entreprise, la compétence en matière de gestion de la sécurité et de la santé reposera de plus en plus sur les cadres dans chaque secteur et à tous les niveaux de la hiérarchie professionnelle. Cette responsabilité va de pair avec une comptabilité financière et avec la maîtrise des ressources nécessaires. Les connaissances et compétences requises pour assumer cette responsabilité constituent le programme de gestion de la sécurité et de la santé au travail.

A première vue, il semblerait nécessaire d’élaborer un programme de ce type pour tenter de répondre aux exigences particulières des fonctions d’encadrement concernant des postes très divers: administrateur, infirmier ou infirmière en chef, directeur des opérations, chef du service achats et approvisionnement, coordonnateur des activités maritimes, voire capitaine de navire. Peut-être les programmes d’études devraient-ils également s’adresser à l’ensemble des industries et métiers qu’ils englobent. Cependant, l’expérience acquise indique une autre direction. Les compétences et les connaissances nécessaires sont en fait communes à l’ensemble des fonctions d’encadrement et sont plus fondamentales que celles des spécialistes. Elles interviennent dès le premier échelon de l’encadrement. Or, les cadres ne parviennent pas tous à leur poste en empruntant le même chemin.

La trajectoire professionnelle des cadres

Le chemin habituel permettant d’accéder aux fonctions d’encadrement passe soit par un poste de maîtrise, soit par un poste de spécialiste. Dans le premier cas, l’évolution de la carrière dépend de l’expérience et des compétences et, dans le second, elle présuppose en général une formation universitaire et des études de deuxième ou de troisième cycle (pour devenir, par exemple, ingénieur ou responsable d’un service infirmier). Ces deux filières supposent l’acquisition de compétences en matière de sécurité et de santé au travail. Dans le second cas, elles peuvent être acquises au cours d’un deuxième ou troisième cycle universitaire.

Il est courant, de nos jours, que les cadres confirmés passent une maîtrise d’administration des entreprises (MBA). Pour cette raison, le Projet Minerva a accordé toute son attention à quelque 600 écoles de gestion du troisième cycle existant aux Etats-Unis. Il est apparu qu’en intégrant aux programmes de MBA les aspects de la prévention, considérés comme essentiels pour une bonne gestion de ce domaine, cette matière serait également introduite dans les formations des cadres moyens.

Etant donné la cadence extrêmement rapide des inventions technologiques et des découvertes scientifiques, les cours universitaires, tout particulièrement dans les disciplines techniques et scientifiques, ne permettent guère d’intégrer la théorie et la pratique de la sécurité en général dans les études sur la conception des procédés et des opérations.

Comme les cadres spécialisés entrent en fonction assez rapidement après l’obtention de leur diplôme, il s’avère nécessaire de leur inculquer les connaissances et les compétences qui les aideront, ainsi que les cadres généralistes, à assumer leurs responsabilités en matière de sécurité et de santé.

Il est important que la sensibilisation des cadres au contenu de l’ensemble des programmes d’études consacrés aux objectifs de sécurité et de santé professionnelles soit partagée par d’autres catégories de personnels ayant des responsabilités connexes. Par conséquent, la formation des personnels de base, comme les délégués à la sécurité et à la santé, doit être conçue de façon à les tenir informés de l’évolution des programmes d’étude.

Le programme d’études de la gestion de la sécurité et de la santé

La sécurité et la santé au travail forment une discipline qui se divise en deux catégories de connaissances. L’une concerne les fonctions et les principes de gestion, et l’autre touche à la nature et à la prévention active des risques. Le modèle de programme d’étude exposé ci-après suit cette division. A chaque voie d’accès à l’encadrement (agents de maîtrise ou spécialisation) correspondront des modalités particulières d’étude de chacune de ces catégories.

Le niveau de complexité et de précision technologiques proposé aux étudiants peut être déterminé par l’objectif du cours, par sa durée, et par les intentions des organisateurs de la formation quant à l’acquisition ultérieure de compétences complémentaires. Ces questions seront abordées ci-après.

Concrètement, les programmes d’études doivent traiter de la sécurité des machines et des installations, du bruit, des rayonnements, des poussières, des substances toxiques, des risques d’incendie, des procédures d’urgence, des installations médicales de première urgence, de la surveillance du lieu de travail et du personnel, de l’ergonomie, de l’hygiène de l’environnement, de la conception et de l’entretien du lieu de travail et, surtout, de l’élaboration de procédures normalisées d’exploitation et de formation. Le dernier point est une composante essentielle de la compréhension de la gestion. Les tâches et procédés doivent non seulement faire l’objet de la formation des opérateurs, mais, en outre, le besoin d’une amélioration constante des qualifications et des procédés fait que la formation et le recyclage sont les étapes les plus importantes de ce perfectionnement qualitatif. La théorie et la pratique de l’apprentissage des adultes doivent intervenir dans la mise au point des éléments du programme d’étude qui orientent ce processus de formation continue.

Les fonctions et les principes de la gestion

Les objectifs fondamentaux de la gestion englobent la planification, l’organisation et le contrôle des activités sur le lieu de travail. Ils comprennent également l’intégration de méthodes permettant de multiplier les occasions de participation de la main-d’œuvre à la définition des objectifs, au travail d’équipe et à l’amélioration de la qualité. De plus, un bon encadrement exige l’intégration de la sécurité et de la santé au travail dans l’ensemble des activités de l’entreprise.

Les programmes universitaires, à l’exception de ceux qui sont offerts par les écoles de commerce, abordent rarement ces connaissances. Il s’agit pourtant d’un élément essentiel qui devrait être introduit dans les cours universitaires suivis par les spécialistes.

La structure organisationnelle

Les cadres doivent comprendre que la définition de leur mission, la stratégie et la structure élaborées pour orienter et faciliter la réalisation des objectifs de l’entreprise sont à la base de leurs activités respectives. Chaque division de l’entreprise, qu’il s’agisse d’un hôpital, d’une société de transport ou d’une mine de charbon, aura à son tour ses propres buts et structures. Chacune correspondra à des buts organisationnels spécifiques et, prises ensemble, elles conduiront l’entreprise dans la direction voulue.

Les principes et les procédures

Les déclarations de principes et les guides du personnel sont la concrétisation première des buts d’une entreprise (dans certains pays, la publication de la politique générale d’une entreprise est exigée par la loi). Ces documents doivent inclure une référence aux divers programmes de sécurité et de santé au travail adaptés aux activités et opérations qui occupent le temps de travail des salariés. Une déclaration générale de principes peut, par exemple, comprendre des documents sur l’évacuation d’urgence, la lutte contre l’incendie, les procédures d’achat, la déclaration des accidents du travail et les enquêtes sur les accidents et incidents. En revanche, pour les risques spécifiques, il faudra créer des documents de principes définissant, par exemple, la gestion des substances dangereuses, les interventions ergonomiques ou l’accès à des espaces confinés.

Après la définition de la politique générale, activité qu’il est préférable d’accomplir conjointement avec les délégués des travailleurs et les syndicats, des procédures détaillées doivent être élaborées pour appliquer cette politique. Ici encore, une démarche participative contribuera à gagner l’adhésion des salariés pour qu’ils acceptent sans réserve de préserver leur sécurité et leur santé.

La figure 18.4 illustre schématiquement un système de gestion de la sécurité et de la santé.

Figure 18.4 Système de gestion de la sécurité et de la santé

Figure 18.4

La structure organisationnelle définissant les rôles clés

L’étape suivante du processus de gestion consiste à définir une structure caractérisant les rôles des personnes clés — le directeur général, par exemple — et les conseillers professionnels: conseillers à la sécurité, hygiénistes professionnels, personnel infirmier, médecin et ergonome. Pour faciliter leur tâche, les relations entre, d’une part, ces professionnels, les représentants élus à la sécurité et à la santé (requis par certaines législations) et les travailleurs membres de comités à la sécurité et, d’autre part, la structure organisationnelle, doivent être explicites.

Les fonctions de planification et d’organisation de l’encadrement doivent intégrer les structures, les principes et les procédures dans les activités opérationnelles de l’entreprise.

Le contrôle

Les activités de contrôle — la définition des procédés et des objectifs, la détermination de critères d’exécution acceptables et la comparaison des résultats avec ces critères — sont les étapes opérationnelles qui concrétisent les intentions de la stratégie. Elles doivent également être définies en commun. Les contrôles sur le lieu de travail, qui peuvent être continus, fréquents, aléatoires ou réguliers, en sont les outils.

La compréhension de ces activités est une composante importante de tout programme éducatif destiné à l’encadrement, et il s’agit de développer les compétences nécessaires pour les mettre en œuvre. De telles compétences sont aussi essentielles au succès d’un plan intégré de sécurité et de santé qu’à l’accomplissement de toute autre fonction d’encadrement, qu’il s’agisse d’achats ou de la gestion d’une flotte de véhicules.

Le développement organisationnel et le programme d’études

L’introduction de nouvelles structures dans l’entreprise, de nouveaux équipements et matériaux progressant à grands pas, il faut accorder une attention particulière au processus de changement. Les salariés qui seront affectés par ces changements peuvent avoir une influence décisive sur leur efficacité et sur le bon fonctionnement du groupe de travail. Il est essentiel d’acquérir une bonne compréhension des facteurs psychosociaux influençant les activités de l’entreprise, et il est impératif de développer des compétences permettant d’utiliser ce savoir afin d’atteindre les objectifs. La délégation de l’autorité et la responsabilité des cadres envers les groupes de travail formant des équipes autonomes ou semi-autonomes, sont très importantes. Le programme éducatif destiné à l’encadrement doit mettre à la disposition des stagiaires les outils nécessaires à l’accomplissement de leurs tâches, qui concernent non seulement l’amélioration et la qualité des processus, mais également le développement, chez le personnel, de compétences multiples et d’une sensibilisation à la qualité étroitement liées au problème de la sécurité.

Deux éléments complémentaires de tout programme d’étude destiné à l’encadrement doivent également être examinés. Il s’agit, d’une part, des enquêtes après accident et, d’autre part, de la compréhension du phénomène d’accident sur laquelle repose tout ce processus.

Le phénomène d’accident

Les travaux de Derek Viner (1991), exposant clairement l’importance des sources d’énergie en tant que risque potentiel sur l’ensemble des lieux de travail, ont défini en partie l’équation des accidents. Parallèlement aux travaux de Viner, la contribution du Dr Eric Wigglesworth (1972), définissant l’erreur humaine comme l’élément essentiel à prendre en considération dans la gestion du processus de sécurité sur le lieu de travail, complète cette définition. Benner, dans son étude consacrée aux méthodes d’enquête sur les accidents (1985), a démontré que l’étude du processus intervenant dans chaque événement préjudiciable constitue l’approche la plus utile de la gestion de la sécurité et de la santé au travail.

La visualisation de la séquence événementielle ayant entraîné des lésions corporelles, des pertes ou des dommages matériels, élaborée par Wigglesworth, apparaît à la figure 18.5. Elle souligne le rôle de l’erreur humaine involontaire, ainsi que l’élément essentiel, c’est-à-dire la libération de l’énergie, et les risques d’accidents corporels qui en résultent.

Figure 18.5 Encahînement erreur/lésion corporelle

Figure 18.5

Les incidences du modèle de gestion deviennent évidentes lorsque la planification des procédés s’appuie sur les données comportementales affectant ces procédés. Cela se vérifie tout particulièrement lorsqu’on accorde au rôle de la conception sa place légitime en tant qu’instigateur de la mise au point des équipements et procédés. Lorsque la planification tient compte tant de la conception des installations et des équipements que des facteurs humains influençant le déroulement du travail, on peut alors mettre en œuvre les mécanismes de coordination et de contrôle nécessaires afin d’assurer la prévention des risques identifiés.

Un modèle peut permettre d’illustrer l’importance de l’interaction entre les travailleurs, les équipements, outils et machines utilisés pour atteindre les objectifs de travail, et l’environnement formant le contexte de cette activité. Le modèle souligne la nécessité d’aborder les facteurs inclus dans l’ensemble des trois éléments susceptibles de contribuer aux accidents. Dans l’environnement de son poste de travail, qui comprend entre autres des facteurs de température, de bruit et d’éclairage, le travailleur utilise de façon interactive les outils et matériels nécessaires à l’accomplissement de son travail (voir figure 18.6).

Figure 18.6 Eléments du poste de travail intervenant dans la survenue et dans la prévention
des lésions corporelles

Figure 18.6

L’enquête après accident et l’analyse des accidents

L’enquête après accident remplit plusieurs fonctions importantes. Tout d’abord, cette enquête peut permettre de prendre certaines mesures de prévention, lorsqu’elle intervient après un accident n’ayant entraîné aucun dommage, ni matériel ni corporel, mais ayant constitué un danger potentiel. Une étude de l’enchaînement des événements peut révéler certains aspects des méthodes de travail susceptibles d’avoir des conséquences bien plus graves. On peut ensuite comprendre le déroulement des événements et, par conséquent, mettre en évidence des lacunes ou des insuffisances dans la conception des méthodes et des tâches, la formation, le contrôle ou la surveillance des sources d’énergie. Enfin, de nombreuses législations exigent une enquête sur certains types d’incidents, par exemple, les effondrements d’échafaudage et de tranchées, les électrocutions et les défaillances de matériel de levage. Les travaux de Benner (1985) illustrent parfaitement l’importance d’une bonne compréhension du phénomène «accident» et d’un protocole efficace d’enquête sur les événements ayant entraîné des lésions corporelles et des dégâts matériels.

La nature des risques et la prévention

Toutes les lésions corporelles résultent d’un échange d’énergie. La libération non maîtrisée d’énergie physique, chimique, biologique, thermique ou autre représente un danger pour diverses catégories de travailleurs. Le confinement par des moyens de prévention technique et par des mesures administratives appropriés est un aspect essentiel de la prévention. L’identification et l’évaluation préalables de ces sources d’énergie en conditionnent le contrôle.

Un programme éducatif destiné à l’encadrement devrait, par conséquent, inclure toute une gamme d’activités dont la définition des objectifs, la planification du travail, l’élaboration des principes et des procédures, l’instauration de changements dans l’entreprise et la surveillance des méthodes de travail (et, en particulier, des sources d’énergie utilisées dans le travail), toutes activités dont le but est la prévention des accidents corporels. Tandis que les programmes d’étude conçus pour les aspects techniques des opérations peuvent se contenter d’aborder exclusivement les principes fondamentaux, les entreprises qui mettent en œuvre des substances ou procédés extrêmement dangereux doivent impérativement avoir à leur service un cadre supérieur suffisamment formé aux modes de manutention, de stockage et de transport associés à cette technologie afin de garantir la sécurité et la santé des travailleurs et du public.

Les grandes et petites entreprises

Les cadres qui travaillent au sein de grandes entreprises employant une centaine de salariés ou plus n’assument en général guère de responsabilités opérationnelles et font rapport à un supérieur ou à un conseil d’administration. Ils sont responsables de la sécurité et de la santé de leurs subordonnés et se conforment aux directives établies. Les programmes traditionnels offerts par les écoles de commerce, dans le cadre des études supérieures, peuvent parfaitement répondre aux besoins de ce personnel.

En revanche, les patrons de petites entreprises ou leurs associés n’ont généralement pas effectué d’études supérieures et, s’ils l’ont fait, leur formation était probablement plus axée sur la technologie que sur la gestion. Il sera donc plus difficile de répondre à leurs besoins en matière de gestion de la sécurité et de la santé au travail.

Les besoins des petites entreprises

On connaît depuis longtemps la difficulté de dispenser des programmes de formation à ces dirigeants d’entreprises, qui ont souvent des horaires de travail astreignants. Bien qu’un certain nombre de dispositifs législatifs aient donné lieu à la publication de brochures d’information établissant des critères minimaux de performance, ce sont actuellement les associations professionnelles, comme les Associations pour la prévention des accidents industriels de l’Ontario, financées par des taxes imposées à toutes les entreprises du secteur concerné par la Commission des accidents du travail de l’Ontario, qui offrent les meilleurs programmes.

Le contenu du programme

La figure 18.7 donne un aperçu de l’ensemble des connaissances et compétences répondant aux besoins du personnel de maîtrise et des cadres moyens et supérieurs. La figure 18.8 illustre les programmes courts et individuels, établis à partir d’un certain nombre de programmes universitaires.

Figure 18.7 Thèmes d'un programme d'études portant sur la sécurité et la santé au travail

Figure 18.7

Figure 18.8 Programme abrégé portant sur la sécurité et la santé au travail

Figure 18.8

L’acquisition de connaissances et de compétences sur les thèmes associés aux exigences opérationnelles permettra de répondre aux besoins du personnel d’encadrement. La formation des cadres supérieurs se concentrera sur certains thèmes comme la planification de la stratégie, la gestion des risques et les questions de conformité, ainsi que l’élaboration de propositions de politique générale. Le nombre d’heures de cours dépendra des besoins des étudiants.

Conclusion

L’éducation de l’encadrement en matière de sécurité et de santé exige une approche éclectique des problèmes les plus divers. Tout comme l’impératif de qualité, elle doit être intégrée à toutes les activités des cadres et des travailleurs, à la description de chaque poste de travail et doit être prise en compte dans l’évaluation des résultats.

LA FORMATION DES PROFESSIONNELS DE LA PRÉVENTION

Wai-On Phoon

Les catégories de professionnels de la sécurité et de la santé au travail exigeant une formation et une éducation

Les services de sécurité et de santé au travail doivent être assurés par des équipes pluridisciplinaires extrêmement qualifiées. Quelques pays moins développés peuvent ne pas posséder de telles équipes, mais, dans la grande majorité des pays, on peut au moins trouver des experts (peut-être en nombre insuffisant) spécialisés dans les divers aspects de la sécurité et de la santé au travail (SST).

La question de l’appartenance aux catégories professionnelles de la SST est très controversée. En général, il semble incontestable que les médecins du travail, le personnel infirmier d’entreprise, les hygiénistes et les spécialistes de la sécurité soient tous des professionnels de la SST. Cependant, des représentants d’autres disciplines peuvent également prétendre à bon droit appartenir aux professions de la SST, entre autres, les ergonomes, toxicologues et psychologues qui se spécialisent dans le domaine du travail. Néanmoins, dans le cadre du présent article, la formation de ces dernières catégories de personnels ne sera pas examinée, la SST étant rarement l’objectif principal de leur formation.

L’historique

Dans la plupart des pays, la formation spécifique à la SST est d’origine relativement récente. Jusqu’à la seconde guerre mondiale, la majorité des professionnels de la SST ne recevaient qu’une brève formation spécifique au métier qu’ils avaient choisi, lorsqu’ils en suivaient une. Rares étaient les établissements de santé publique ou les universités dispensant des cours dans le domaine de la SST, mais certaines institutions les proposaient dans le cadre d’un cursus plus exhaustif, touchant généralement la santé publique. Des notions de SST étaient enseignées, dans le cadre d’un troisième cycle universitaire, aux médecins se spécialisant, par exemple, en dermatologie ou en pneumologie. Certains aspects techniques de la sécurité, comme la protection des machines, étaient appris dans les établissements techniques et les écoles d’ingénieurs. Dans bien des pays, il était rare de trouver une formation à des domaines précis de l’hygiène du travail avant la seconde guerre mondiale. Le développement de la formation du personnel infirmier d’entreprise est encore plus récent.

Dans les pays industriels, la formation à la SST, tout comme les services de SST, a connu un essor considérable pendant la seconde guerre mondiale. La mobilisation en masse de nations entières en vue de l’effort de guerre a entraîné une intensification de la protection des travailleurs sur le plan de la santé (et, par conséquent, du renforcement de leur aptitude au combat ou de leur productivité, compte tenu des besoins croissants en munitions, avions de combat, chars d’assaut et navires de guerre). Or, les conditions de vie en temps de guerre et la mobilisation des professeurs d’université et des étudiants rendaient extrêmement difficile l’organisation de cours officiels dans le cadre d’une formation à la SST. Cependant, après la guerre, de nombreux cours ont été mis au point, dont certains grâce à des bourses d’étude généreusement attribuées aux soldats démobilisés par des gouvernements reconnaissants.

Après la seconde guerre mondiale, la plupart des colonies des empires européens ont obtenu leur indépendance et se sont plus ou moins engagées dans la voie de l’industrialisation pour favoriser le développement national. Très vite, ces pays en développement se sont trouvés confrontés aux méfaits de la révolution industrielle qu’avait connus l’Europe du XIXe siècle, mais dans un laps de temps extrêmement réduit et à une échelle sans précédent. Les accidents du travail et les maladies professionnelles, ainsi que la pollution de l’environnement ont commencé à sévir. Ces pays ont alors développé leur enseignement dans le domaine de la SST, bien que, aujourd’hui encore, l’accès à ce type de formation y reste très aléatoire.

Les initiatives internationales actuelles

L’Organisation internationale du Travail (OIT)

Ces dernières années, l’OIT a pris plusieurs initiatives dans le domaine de la formation à la SST. Un grand nombre d’entre elles concernent la formation pratique aux mesures d’intervention sur le lieu de travail. D’autres initiatives sont menées à bien en collaboration avec les gouvernements nationaux (Rantanen et Lehtinen, 1991).

Depuis les années soixante-dix, les autres activités de l’OIT ont été centrées sur les pays en développement dans le monde entier. Plusieurs de ces activités visent l’amélioration de la formation des inspecteurs du travail dans certains pays comme l’Indonésie, le Kenya, les Philippines, la République-Unie de Tanzanie, la Thaïlande et le Zimbabwe.

L’OIT, en collaboration avec d’autres institutions des Nations Unies, comme le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), a également participé à la création ou à la revalorisation d’instituts nationaux de SST dont les fonctions de formation sont en général prioritaires.

L’OIT a également publié plusieurs monographies pratiques qui se sont révélées des outils de formation extrêmement utiles pour les cours de SST (Kogi, Phoon et Thurman, 1989).

L’Organisation mondiale de la santé (OMS)

L’OMS a organisé ces dernières années un grand nombre de conférences et d’ateliers internationaux et régionaux sur la formation à la SST. En 1981, une conférence sur la formation du personnel de santé au travail s’est tenue sous les auspices du bureau régional de l’Europe de l’OMS. Cette année-là, l’OMS et l’OIT ont constitué un comité appelé à l’époque Comité mixte OIT/OMS de la santé au travail dont l’objectif était «l’éducation et la formation en matière de médecine du travail, de sécurité et d’ergonomie» (OMS, 1981). Cette réunion a permis d’évaluer les besoins d’éducation et de formation à différents niveaux, d’élaborer des principes généraux dans ces domaines et de recommander des méthodes et des programmes (OMS, 1988).

En 1988, un groupe d’étude de l’OMS a publié un rapport sur l’éducation et la formation en médecine du travail, qui exposait en particulier les nouveaux principes régissant les stratégies de soins médicaux primaires adoptées par les Etats membres de l’OMS, les nouveaux besoins résultant du progrès technique, et les nouvelles façons d’aborder la promotion de la santé au travail (OMS, 1988).

La Commission internationale de la santé au travail (CIST)

En 1985, la CIST a constitué un comité scientifique sur l’éducation et la formation dans le domaine de la santé au travail. Ce comité a organisé quatre conférences internationales, ainsi que des colloques sur ce sujet dans le cadre des congrès internationaux sur la santé au travail (CIST, 1987). Entre autres conclusions de la deuxième conférence, la nécessité d’élaborer des stratégies et des méthodes de formation a été inscrite en bonne place sur la liste des problèmes prioritaires (CIST, 1989).

La méthodologie de la formation à la SST a constitué l’un des thèmes essentiels de la troisième conférence; elle englobe diverses fonctions, dont l’apprentissage par la participation, l’apprentissage par l’étude des problèmes et l’évaluation des cours, de l’enseignement et des étudiants (CIST, 1991).

Les initiatives régionales

Dans diverses parties du monde, les organismes régionaux ont mis en place des activités de formation à la SST. En Asie, par exemple, l’Association asienne de la santé au travail, fondée en 1954, dispose d’un comité technique sur l’éducation en matière de santé au travail qui mène des enquêtes sur la formation des étudiants en médecine et sur des thèmes connexes.

Les différents types de programmes professionnels

Les programmes sanctionnés par un diplôme et programmes similaires

Le prototype des programmes sanctionnés par un diplôme, et des programmes similaires, est sans doute le type de programme élaboré par les écoles de santé publique ou par des établissements équivalents. L’étude de la santé publique dans l’enseignement supérieur est une évolution relativement récente. Aux Etats-Unis, la première école consacrée à cette discipline fut l’Institut d’hygiène de l’Université Johns Hopkins, fondé en 1916. A cette époque, les maladies contagieuses étaient la principale préoccupation de santé publique. Au fil du temps, l’enseignement de la prévention des risques créés par l’être humain, et de la santé au travail, a pris de plus en plus d’importance dans les programmes des écoles de santé publique (Sheps, 1976).

Les écoles de santé publique proposent des cours de SST sanctionnés par un diplôme de troisième cycle ou par une maîtrise de santé publique, permettant aux étudiants de se consacrer à la santé au travail. En général, un diplôme de l’enseignement supérieur est exigé à l’entrée. Certains établissements insistent également sur une expérience préalable dans le domaine de la SST. La durée d’une formation à plein temps est en général d’un an pour l’obtention du diplôme et de deux ans pour l’obtention d’une maîtrise.

Certains établissements forment ensemble les différents personnels de SST grâce à des cours de base, une formation aux disciplines spécifiques de la SST (par exemple, médecine du travail, hygiène ou soins infirmiers) étant proposée aux étudiants qui se spécialisent dans ces domaines. Cette formation conjointe offre des avantages considérables, car elle permet aux stagiaires des diverses disciplines de la SST de mieux comprendre leurs fonctions réciproques et d’acquérir une meilleure expérience du travail en équipe.

Ces dernières années tout particulièrement, les écoles de médecine, de soins infirmiers et d’ingénieurs ont offert des cours similaires à ceux proposés par les écoles de santé publique.

Quelques universités offrent des cours de SST au niveau du premier cycle universitaire. Contrairement aux cours postuniversitaires traditionnels auxquels on ne peut généralement s’inscrire que si l’on détient déjà un diplôme universitaire, ces nouveaux cours acceptent des étudiants venant juste d’obtenir leur diplôme de fin d’études secondaires. Ce nouveau régime est très controversé. Les partisans de ces cours soutiennent qu’ils forment davantage de professionnels de la SST en moins de temps et à moindre coût. Mais leurs adversaires estiment que les praticiens en SST sont plus efficaces s’ils complètent leur formation de base en la matière par leur spécialité en SST, médecine du travail ou soins infirmiers. Ils pourront acquérir une connaissance scientifique de base dans le cadre de leur spécialisation s’ils ne l’ont pas acquise lors de leurs études universitaires.

Le volet clinique des cours de formation en SST destinés aux médecins varie. La conférence mentionnée plus haut, organisée par le bureau régional de l’Europe de l’OMS et portant sur la formation des personnels de la santé au travail, avait souligné le fait que la médecine du travail est fondamentalement un savoir-faire clinique et que ses praticiens doivent être parfaitement compétents en médecine clinique. Il faut également observer que le diagnostic d’intoxication chimique chez les travailleurs est en grande partie clinique, ainsi que la différenciation entre les «maladies professionnelles» et les autres maladies et leur traitement (Phoon, 1986). Par conséquent, l’affectation des médecins du travail à différents services médicaux dans le cadre de leur formation est devenue une tendance mondiale. Aux Etats-Unis et au Canada, par exemple, les stagiaires suivent pendant quatre ans un programme en internat dont certaines disciplines, comme la dermatologie et la pneumologie, comportent une composante clinique importante, en plus du programme conduisant à l’obtention de la maîtrise de santé publique ou de son équivalent.

La formation officielle du personnel infirmier d’entreprise est sans doute encore plus fluctuante que celle des médecins du travail de par le monde. Ces disparités s’expliquent par les différences de responsabilités et de fonctions de ce personnel. Certains pays définissent les soins de santé du travail comme «l’application des principes infirmiers à la préservation de la santé des travailleurs dans tous les domaines. Ils englobent la prévention, l’identification et le traitement des maladies et des lésions, et exigent des compétences et des connaissances particulières dans les domaines de l’éducation et de l’assistance en matière de santé, de la protection de l’environnement, de la réadaptation et des relations humaines» (Kono et Nishida, 1991). En revanche, certains pays estiment que le personnel infirmier d’entreprise assume ses fonctions dans le cadre d’une équipe interdisciplinaire de santé participant à tous les domaines de la gestion générale de la santé: soins médicaux, protection de l’environnement, salubrité et sûreté des méthodes de travail et éducation en matière de SST. Une étude menée au Japon a cependant montré que tout le personnel infirmier diplômé au sein d’une équipe d’infirmiers ou d’infirmières ne participe pas à l’ensemble de ces activités. Un manque de compréhension du rôle joué par le personnel infirmier en matière de SST, et une formation inadéquate dans certains domaines en sont probablement la cause (Kono et Nishida, 1991).

Aux Etats-Unis, l’Association américaine d’hygiène industrielle (American Industrial Hygiene Association (AIHA)) a défini ce domaine comme étant la science et l’art de l’identification, de l’évaluation et de la maîtrise des facteurs et contraintes liés à l’environnement, intervenant sur le lieu de travail ou à l’extérieur, et pouvant engendrer des maladies, nuire à la santé et au bien-être, et entraîner un manque d’efficacité significatif parmi les travailleurs ou les membres de la collectivité. Une formation spécialisée a également été introduite dans le domaine général de l’hygiène du travail, dans les secteurs de la chimie, de l’ingénierie, du bruit, des rayonnements, de la pollution de l’air et de la toxicologie.

Les programmes d’études destinés au personnel de la sécurité et de la santé au travail

Le contenu détaillé des programmes d’études destinés à la formation des médecins, infirmiers et hygiénistes du travail, ainsi qu’au personnel de la sécurité, comme l’a recommandé en 1981 le Comité mixte OIT/OMS de la santé au travail susmentionné, sera exposé dans les pages qui suivent. Le Comité recommande d’enseigner les matières principales suivantes:

Selon le profil du personnel, les programmes d’enseignement doivent aborder plus ou moins à fond les différentes matières afin de répondre aux impératifs des diverses professions, comme on le verra ci-dessous pour plusieurs catégories.

Il est difficile de commenter de façon détaillée le contenu éventuel des programmes d’études des cours en SST. Il est généralement admis que ces cours devraient accorder une place plus importante aux sciences du comportement, mais une telle contribution doit être adaptée au milieu socioculturel du pays ou de la région spécifique à qui ce cours est destiné. De plus, la SST ne doit pas être enseignée sans tenir compte de l’état des services généraux de santé et de la situation sanitaire de la collectivité dans un pays ou une région donnés. Les principes essentiels de la science de la gestion devraient être intégrés au programme d’études de la SST afin d’améliorer la compréhension des structures et des pratiques organiques au sein des entreprises, et de parfaire les compétences administratives des professionnels de la SST. Des cours de communication et de formation aux techniques de recherche scientifique et de rédaction sont également recommandées (Phoon, 1985b).

Les médecins et le personnel infirmier

Un certain nombre de notions de santé au travail devraient être enseignées à tous les étudiants en médecine. Dans certains pays, elles le sont dans des cours distincts; dans d’autres, la santé au travail est traitée dans les cours de physiologie, de pharmacologie et de toxicologie, de santé publique, de médecine sociale et de médecine interne. Toutefois, comme les connaissances et la compétence acquises par les étudiants ne sont pas suffisantes en règle générale pour leur permettre de pratiquer vraiment la médecine du travail, une formation postuniversitaire complémentaire en sécurité et santé au travail leur est nécessaire. Des programmes de formation postuniversitaire devraient être prévus pour qu’ils puissent se spécialiser davantage en médecine du travail ( par exemple dans les maladies professionnelles ou dans des domaines encore plus pointus comme la neurologie ou la dermatologie professionnelle). En ce qui concerne le personnel infirmer employé dans des services de médecine du travail, il faut également organiser à son intention et en fonction de son activité des cours aussi bien de longue que de courte durée.

La figure 18.9 énumère les matières à intégrer dans une formation postuniversitaire spécialisée destinée aux médecins et au personnel infirmier.

Figure 18.9 Programme de formation du troisième cycle destiné aux médecins et au personnel infirmier

Figure 18.9

Les ingénieurs de sécurité et d’hygiène et les préposés à la sécurité

La pratique de la sécurité au travail permet de faire face aux défaillances du matériel, des machines, des procédés et des structures pouvant engendrer des situations dangereuses, dont l’émission d’agents toxiques. Il s’agit donc d’apprendre aux étudiants à prévoir le danger, que ce soit au stade de la planification ou en pratique, à la quantifier et à élaborer des mesures pour le neutraliser. En conséquence, il importe de leur enseigner les bases en matière d’ingénierie et de résistance des matériaux dans le domaine du bâtiment et du génie mécanique, civil, chimique ou électrotechnique.

Leurs programmes d’études pourraient englober, par exemple, la structure et la résistance des matériaux en génie mécanique, les forces s’exerçant sur les structures en génie civil, la manutention et le transport des produits chimiques en génie chimique, les normes de conception, les équipements de protection et la théorie de l’entretien préventif en génie électrotechnique, et le comportement des différentes couches géologiques dans le cas des ingénieurs des mines.

Outre ces notions élémentaires, les ingénieurs de la sécurité devraient également suivre des cours spéciaux, comme le Comité mixte OIT/OMS de la santé au travail  l’a recommandé en 1981 (voir figure 18.10).

Figure 18.10 Programme d'études spécialisées dans le domaine des techniques de sécurité

Figure 18.10

Il peut s’agir de cours à plein temps, à mi-temps, ou même parallèles — dans ce dernier cas, des séances de travaux pratiques sont prévues durant les périodes d’étude. La sélection des cours à suivre est en grande partie question de circonstances ou de préférences individuelles et ce d’autant plus que de nombreux professionnels de la sécurité ont un vaste savoir-faire acquis sur le tas dans des secteurs spécifiques. Cependant, dans le cas d’une collectivité ou d’un pays importants, il est préférable de disposer d’un grand choix de cours, permettant de répondre à des besoins divers.

Les progrès spectaculaires et récents de la technologie des communications devraient permettre une généralisation de l’enseignement à distance pouvant atteindre les confins d’un pays ou aller même au-delà des frontières nationales. Malheureusement, cette technologie est toujours assez coûteuse, et les pays ou régions pour lesquels cet enseignement à distance serait le plus utile sont probablement ceux-là mêmes qui ont le moins de moyens.

Les agents de soins de santé primaires non médecins

Les pays en développement souffrent d’une grave pénurie de professionnels de la SST. En outre, les praticiens de la médecine de base et les professionnels de la santé ont généralement tendance à orienter leur activité principale vers les services curatifs. Une formation appropriée pourrait aider à rétablir l’équilibre, en soulignant la nécessité de mesures de prévention sur le lieu de travail en collaboration avec les autres parties intéressées, travailleurs et employeurs. Cela permettrait, dans une certaine mesure, d’atténuer les problèmes qu’engendre cette pénurie de personnel en SST dans les pays en développement (Pupo-Nogueira et Radford, 1989).

Plusieurs pays en développement se sont récemment lancés dans l’instauration de programmes courts de formation à la SST destinés aux praticiens de la médecine de base et de la santé publique. De nombreuses organisations sont impliquées dans cette formation, entre autres des conseils nationaux de productivité (Phoon, 1985a), des associations d’agriculteurs, des conseils nationaux de sécurité, des instituts nationaux de santé et des organismes professionnels comme les associations de médecins et du personnel infirmier (Cordes et Rea, 1989).

La pénurie de professionnels de la sécurité et de la santé au travail touche non seulement les pays en développement, mais également de nombreux pays industriels. Aux Etats-Unis, un groupe d’étude sur la médecine préventive et la médecine interne a tenté de résoudre ce problème en présentant un rapport commun recommandant que les programmes de formation en médecine interne insistent sur la prévention sur le lieu de travail et dans le milieu ambiant, la plupart des patients examinés par les internistes étant des travailleurs. De plus, l’Académie américaine des médecins de famille (American Academy of Family Physicians) et l’Association médicale américaine (American Medical Association) ont publié plusieurs monographies sur la santé au travail destinées aux médecins de famille. Une étude menée par l’Institut américain de médecine (American Institute of Medicine) a réaffirmé le rôle joué par le généraliste dans le domaine de la santé des travailleurs, défini les compétences fondamentales requises et souligné la nécessité de promouvoir les activités liées à la santé au travail dans le cadre de la formation de base et de la formation permanente (Ellington et Lowis, 1991). Cependant, dans les pays industriels comme dans les pays en développement, les programmes de formation à la SST destinés au personnel des services de soins primaires sont toujours en nombre insuffisant, et le personnel qualifié est trop peu nombreux.

La formation pluridisciplinaire

On peut améliorer la formation pluridisciplinaire en SST en s’assurant que chaque formateur connaît parfaitement les rôles, activités et domaines de responsabilité des autres membres du personnel de SST. Dans le cadre d’un tel cours dispensé en Ecosse, par exemple, des membres de différentes professions de la SST participent au programme d’enseignement. Les étudiants reçoivent également des produits d’auto-apprentissage conçus pour leur apporter une connaissance et une compréhension détaillées des divers secteurs professionnels de la SST. Les techniques d’enseignement fondées sur l’expérience (simulation de jeux de rôles, études de cas en groupe) sont aussi largement utilisées. Par exemple, on demande aux étudiants d’établir des listes de contrôle personnelles pour déterminer comment chaque domaine particulier de la santé au travail peut avoir des répercussions dans leur cas, et comment ils peuvent collaborer de façon efficace avec d’autres professionnels de la SST.

Lorsqu’on organise un cours pluridisciplinaire en SST, il est essentiel de réunir dans une même classe des stagiaires issus de différents milieux professionnels. Le matériel pédagogique (exercices en groupe et essais) doit être soigneusement sélectionné sans privilégier une discipline particulière. Les conférenciers doivent également avoir acquis l’habitude de poser des questions et des problèmes multidisciplinaires (D’Auria, Hawkins et Kenny, 1991).

La formation permanente

Le besoin d’une formation permanente se fait de plus en plus sentir quel que soit le domaine d’activité. S’agissant de la SST, les nouvelles connaissances sur les risques connus et les nouveaux problèmes soulevés par les progrès techniques grandissent si rapidement qu’aucun praticien de SST ne peut espérer rester informé sans s’y efforcer systématiquement et en permanence.

La formation permanente en SST peut être officielle ou officieuse, volontaire ou obligatoire (pour conserver une habilitation). Il est essentiel que chaque praticien de la SST s’informe constamment en lisant les principaux journaux professionnels, du moins dans sa discipline. Lorsqu’un nouveau risque apparaît, il serait extrêmement utile d’effectuer une recherche bibliographique sur ce sujet dans une bibliothèque. S’il est impossible d’accéder à une bibliothèque, on peut demander au Centre international d’informations de sécurité et santé au travail (CIS) du BIT à Genève d’effectuer lui-même cette recherche. De plus, l’accès direct et continu à au moins quelques textes récents sur la SST est indispensable pour tout praticien en la matière.

Une formation permanente de type plus traditionnel peut prendre les formes suivantes: conférences, ateliers, cours magistraux, clubs de presse ou séminaires. D’ordinaire, les établissements universitaires de troisième cycle ou les organisations professionnelles peuvent fournir les moyens nécessaires à l’organisation de tels programmes. Lorsque c’est possible, il est bon d’organiser des rencontres annuelles permettant d’échanger davantage d’idées et d’expériences qu’on est à même de le faire dans une petite collectivité ou une petite ville. Les conférences ou les séminaires régionaux ou internationaux peuvent offrir aux participants des occasions extrêmement utiles, non seulement de profiter du programme proprement dit, mais également d’échanger des informations avec d’autres praticiens ou chercheurs en dehors des réunions officielles.

De nos jours, les organisations professionnelles de SST sont de plus en plus nombreuses à exiger que leurs membres participent à un minimum d’activités de formation permanente pour pouvoir continuer à exercer ou à rester membre. En général, seule la présence aux réunions officielles est requise. Bien entendu, cette exigence en soi ne garantit pas que le participant en a tiré profit. D’autres solutions, comme celle qui consiste à soumettre les professionnels de la SST à des examens réguliers, posent beaucoup de problèmes. Une seule discipline de SST comprend une telle diversité d’applications pratiques qu’il est extrêmement difficile, ne serait-ce que dans un même pays, de concevoir un examen pouvant convenir à tous les praticiens intéressés.

L’auto-apprentissage

Chaque programme de formation en SST devrait souligner la nécessité d’un auto-apprentissage et d’une pratique continue. Dans ce but, une formation à la recherche documentaire et à l’analyse critique de publications est impérative. Une formation à l’informatique, pour faciliter l’obtention d’informations en provenance des nombreuses et excellentes ressources en SST qui existent à travers le monde, serait également bénéfique. Plusieurs cours ont été élaborés ces dernières années pour promouvoir l’auto-apprentissage et la gestion de l’information assistée par micro-ordinateur (Koh, Aw et Lun, 1992).

L’élaboration des programmes d’études

Actuellement les stagiaires et le public exigent que les programmes d’études soient constamment évalués et améliorés. De nombreux programmes contemporains sont axés sur les compétences. Une liste des compétences professionnelles requises est tout d’abord dressée. Une même compétence pouvant être définie par divers groupes de différentes manières, des débats approfondis doivent être prévus avec les professeurs d’université et les praticiens de la SST (Pochyly, 1973). De plus, il importe de consulter les «consommateurs» (étudiants, travailleurs, employeurs, etc.), et de disposer de programmes d’évaluation intégrés et d’objectifs éducatifs clairement définis, mais flexibles (Phoon, 1988). Parfois, les comités consultatifs sur les programmes d’études ou d’enseignement, qui comprennent normalement des représentants des enseignants et des étudiants, mais accueillent aussi à l’occasion des membres du public, peuvent constituer un forum intéressant pour de tels débats.

L’infrastructure

L’infrastructure est souvent oubliée dans les débats sur la formation et l’éducation en SST. Pourtant, les équipements de soutien et les ressources humaines (ordinateurs, bibliothèques, procédures efficaces et personnel administratif compétent), ainsi qu’un accès sûr et facile, font partie des nombreux aspects de l’infrastructure qui conditionnent le succès des cours de formation. Un contrôle adéquat des progrès des étudiants, l’assistance psychosociologique des étudiants à problèmes, les soins médicaux prévus pour les étudiants et leurs familles (si besoin est), la garde des enfants des étudiants, une cantine et des installations de loisirs, ainsi que l’aménagement d’armoires ou de placards pour le rangement des affaires personnelles des stagiaires sont autant de détails importants qui requièrent une attention particulière.

Le recrutement et la carrière du corps enseignant

La qualité et la popularité d’un programme de formation sont souvent des facteurs essentiels qui influent sur la qualité des candidats à un emploi. Bien entendu, d’autres facteurs tels que des conditions agréables de travail et des possibilités de carrière et de progrès intellectuel, sont également importants.

Il faut accorder une attention toute particulière à la description et aux exigences du poste. Le corps enseignant doit posséder toutes les qualifications nécessaires en SST; il est bon, toutefois, de faire preuve d’une certaine flexibilité pour permettre l’embauche de personnels issus d’autres disciplines et pouvant contribuer utilement à l’enseignement, ou de candidats prometteurs ayant les compétences, mais non l’ensemble des qualifications ou l’expérience normalement exigées par le poste. Si possible, le corps enseignant devrait avoir une expérience pratique de la SST.

Après embauche, il incombe à la direction et aux membres les plus anciens du corps enseignant de l’école ou de l’établissement de s’assurer que les nouveaux professeurs reçoivent autant d’encouragements et aient autant de possibilités d’évolution que possible. Les nouveaux professeurs doivent être initiés à la culture d’entreprise, mais également encouragés à s’exprimer et à participer aux décisions relatives à l’enseignement et aux programmes de recherche. Ils doivent recevoir un retour d’information, cohérent et constructif, sur leurs résultats d’enseignants. Si nécessaire, il faut proposer de les aider à remédier à leurs lacunes. De nombreux départements d’établissements d’enseignement trouvent extrêmement utile d’organiser régulièrement des ateliers pédagogiques ou d’évaluation destinés aux professeurs. Les détachements dans l’industrie et les congés sabbatiques sont d’autres mesures importantes pour la carrière du personnel. Certains services consultatifs, soit cliniques, soit sur le lieu de travail ou en laboratoire (selon la discipline et les domaines d’activités de l’enseignant), permettent de conférer à la formation théorique un caractère plus pratique.

Les locaux d’enseignement

Les salles de classe doivent être conçues et aménagées conformément aux principes ergonomiques et équipées de moyens audiovisuels et d’installations vidéo. L’éclairage et l’acoustique doivent être satisfaisants. Les accès doivent être faciles de façon à perturber les cours le moins possible.

Les principes de SST doivent être appliqués à la conception et à la construction des laboratoires. Des équipements de sécurité tels que douches, systèmes de rinçage des yeux, trousses de premiers soins, matériels de réanimation et hottes d’aspiration doivent être prévus et installés aux endroits indiqués; les laboratoires doivent être clairs, aérés et inodores.

Les locaux destinés aux visites sur le terrain seront choisis de manière à offrir aux stagiaires toute la gamme des pratiques de SST. On sélectionnera, si possible, des lieux de travail où se rencontrent des niveaux de normes en SST différents en prenant garde toutefois de ne jamais compromettre la sécurité et la santé des stagiaires.

L’endroit où se déroulera le travail clinique sera conditionné par la nature et le niveau du cours de formation. Dans certains cas, le cours peut se dérouler au chevet d’un malade afin d’illustrer la démarche clinique qu’il convient de suivre pour établir l’anamnèse. Dans d’autres circonstances, une présentation des cas en présence ou en l’absence de patients peut remplir le même objectif.

Les examens et les contrôles des connaissances

La tendance actuelle privilégie d’autres solutions qu’un examen unique à la fin du cours. Pour certains cours, on a complètement supprimé les examens traditionnels qui ont été remplacés par des mémoires ou des contrôles périodiques des connaissances. D’autres cours associent rédaction de mémoires et contrôles et examens, à livre ouvert ou fermé. Il est de plus en plus admis de nos jours que les examens ou contrôles permettent de juger autant la qualité des cours et des enseignants que celle des stagiaires.

L’avis des stagiaires sur l’intégralité du cours ou sur ses composantes, par le biais de questionnaires ou de discussions, est inestimable pour l’évaluation ou le remaniement d’un cours. Les cours doivent autant que possible être constamment réévalués, au moins annuellement, et revus si nécessaire.

Quant aux modalités d’examens, les épreuves écrites permettent de juger les capacités d’organisation et d’intégration et la maîtrise de l’expression écrite. Cependant, la précision et la validité des épreuves ne seraient guère probantes. Les questions à choix multiples (QCM) sont moins subjectives, mais sont difficiles à formuler et ne permettent pas de démontrer les connaissances pratiques. Les questionnaires à réponses rédigées (QRR) diffèrent des essais ou des QCM en offrant aux candidats une quantité progressive de données sur un problème. Cela évite l’effet «prompteur» en demandant des réponses courtes au lieu de proposer au candidat des options parmi lesquelles il doit choisir la réponse correcte. Les épreuves orales permettent de mesurer l’aptitude à résoudre les problèmes, le jugement professionnel, la maîtrise de l’expression orale et de ses émotions dans des conditions de stress. Le problème essentiel dans les épreuves orales est leur prétendu «manque d’objectivité». On peut pallier ce travers en les structurant davantage (Verma, Sass-Kortsak et Gaylor, 1991). La meilleure solution consiste peut-être à combiner ces diverses épreuves plutôt qu’à se fier exclusivement à une ou deux d’entre elles.

La certification et l’habilitation

Le terme certification fait en général référence à l’autorisation d’exercer une profession que l’on octroie à un spécialiste. Cette certification peut être octroyée par un conseil national, une université ou un corps de praticiens d’une discipline de SST. D’ordinaire, un professionnel de la prévention n’obtient sa certification qu’après avoir suivi une formation correspondant à un cours ou à des postes agréés, et après avoir réussi à un examen. En général, cette «certification globale» est octroyée à vie, sauf en cas de négligence ou d’inconduite professionnelle manifestes. Cependant, il existe d’autres formes de certification qui requièrent une reconduction périodique, entre autres, la certification exigée dans certains pays pour effectuer des examens médicaux réglementaires, ou pour lire les radiographies de personnes exposées à l’amiante.

L’habilitation, en revanche, fait référence à la reconnaissance des cours de SST par un conseil national, une organisation professionnelle ou un organisme d’allocation de bourses d’études. Cette habilitation doit être réévaluée périodiquement pour garantir la mise à jour des cours et leur efficacité.

UNE NOUVELLE APPROCHE DE L’APPRENTISSAGE ET DE LA FORMATION: ÉTUDE DE CAS RÉALISÉE DANS LE CADRE DU PROJET OIT-FINNIDA SUR LA SÉCURITÉ ET LA SANTÉ EN AFRIQUE

Antero Vahapassi et Merri Weinger

Abuya: Que se passe-t-il? Tu as l’air épuisé.

Mwangi: Je suis épuisé — et écœuré. J’ai passé la moitié de la nuit à préparer le cours que je viens de donner et j’ai l’impression qu’il ne s’est pas très bien déroulé. Je n’ai rien pu tirer des participants, aucune question, aucun enthousiasme. Pour autant que je sache, ils n’en ont pas compris un traître mot.

Kariuki: Je te comprends. La semaine dernière, j’ai eu un mal fou à essayer d’expliquer la sécurité chimique en swahili.

Abuya: Je ne pense pas que ce soit un problème de langue. Les participants étaient probablement complètement dépassés par tout ce que tu leur as raconté. De toute façon, ces ouvriers ont-ils vraiment besoin de toute cette information technique?

Kariuki: Il leur en faut assez pour se protéger. Si nous ne pouvons pas le leur faire comprendre, nous perdons notre temps. Mwangi, pourquoi n’as-tu pas essayé de leur demander quelque chose, ou de leur raconter une histoire?

Mwangi: Je ne savais pas quoi faire. Je sais qu’on doit pouvoir trouver un meilleur moyen, mais on ne m’a jamais appris à donner de tels cours.

Abuya: Pourquoi t’inquiéter? Avec toutes ces inspections à faire, qui a du temps à perdre avec la formation?

La discussion ci-dessus, qui s’est déroulée dans le cadre d’une inspection d’usine en Afrique, aurait pu avoir lieu n’importe où. Elle soulève un vrai problème: comment faire passer le message lors d’une séance de formation? Prendre un problème concret pour déclencher le débat est une excellente technique permettant d’identifier les obstacles éventuels à la formation, leurs causes et les solutions possibles. Cette discussion nous a servi de jeu de rôles dans le cadre de nos ateliers de formation d’instructeurs au Kenya et en Ethiopie.

Le projet africain OIT-FINNIDA de sécurité et de santé fait partie des activités de coopération technique qu’organise le BIT pour améliorer la formation à la prévention, ainsi que les services d’information dans 21 pays africains où l’anglais est parlé couramment. Parrainé par FINNIDA, l’agence finnoise pour le développement international, ce projet, qui disposait d’un budget de cinq millions de dollars E.-U., s’est déroulé de 1991 à 1994. Lors de la mise en œuvre du projet, l’une des préoccupations principales a été de définir la démarche de formation convenant le mieux à un apprentissage de qualité. Dans cette étude de cas, nous allons décrire la mise en pratique de cette approche pour le cours de formation d’instructeurs (Training the Trainers (TOT)) (Weinger, 1993).

Une nouvelle démarche pédagogique

Par le passé, l’approche de la formation dans la plupart des inspections du travail africaines, et également dans de nombreux projets de coopération technique réalisés par l’OIT, se fondait sur des sujets isolés, choisis au hasard dans le domaine de la sécurité et de la santé au travail (SST) et inclus en général dans des cours. Le projet africain de sécurité et de santé a permis d’organiser le premier cours pilote TOT en 1992 pour 16 pays participants. Le cours s’est déroulé en deux parties, la première traitant des principes fondamentaux de l’apprentissage des adultes (comment les individus apprennent; comment établir des objectifs d’apprentissage et choisir le contenu de l’enseignement; comment concevoir un programme d’étude et choisir les méthodes pédagogiques et les activités d’apprentissage, et comment perfectionner les instructeurs), et la deuxième traitant de la formation pratique en SST correspondant aux tâches que chaque participant devait accomplir en quatre mois après la première partie du cours.

Les caractéristiques principales de cette nouvelle démarche sont la participation et l’action orientée. Notre formation ne suit pas le modèle traditionnel de l’apprentissage en classe, où les participants sont des récepteurs passifs d’information avec un professeur qui fait un cours magistral. Outre son action orientée et ses méthodes de formation participatives, cette approche se fonde sur les toutes dernières recherches dans le domaine de l’éducation des adultes et adopte une vision cognitive et pratico-théorique de l’apprentissage et de l’enseignement (Engeström, 1994).

Sur la base de l’expérience acquise grâce au cours pilote, qui a eu un grand succès, un matériel pédagogique complet a été préparé; ce module comprend deux parties distinctes, un manuel de l’instructeur et un stock de documents destinés aux participants. Ce module a été suivi lors des séances de planification auxquelles ont assisté pendant dix jours 20 à 25 inspecteurs du travail, et dont le thème était l’instauration en Afrique de cours TOT nationaux. Dès le printemps 1994, de tels cours se sont déroulés à l’échelon national dans deux pays africains, le Kenya et l’Ethiopie.

Un apprentissage de qualité

Un apprentissage de qualité repose sur quatre éléments clés.

Motivation. Elle se manifeste lorsque les participants réalisent la «valeur utilitaire» de ce qu’ils apprennent. Elle est stimulée lorsqu’ils perçoivent l’écart qui sépare ce qu’ils savent de ce qu’ils doivent savoir pour résoudre un problème.

Contenu bien structuré. On considère trop souvent le contenu de l’apprentissage comme autant de faits séparés emmagasinés dans la mémoire comme des articles rangés dans des boîtes sur une étagère. En réalité, les individus élaborent des modèles, ou des images mentales du monde tout en apprenant. En encourageant l’apprentissage cognitif, les enseignants essaient d’organiser les faits sous forme de modèles pour un meilleur apprentissage, en y intégrant des principes ou des concepts explicatifs (les «mais pourquoi» sous-tendant un fait ou une compétence).

Apprentissage progressif. Dans le processus d’apprentissage, le participant est comme un enquêteur à la recherche d’un modèle lui permettant de comprendre le sujet. Avec l’aide de l’enseignant, le participant élabore ce modèle, l’expérimente et évalue son utilité. Ce processus peut être divisé en six étapes:

Interaction sociale. L’interaction sociale entre participants lors d’une séance de formation est un élément essentiel de l’apprentissage. Dans les activités de groupe, les participants apprennent les uns des autres.

La planification de la formation pour un apprentissage de qualité

Lorsqu’une éducation orientée vise l’acquisition de compétences et d’un savoir-faire, il s’agit d’une formation. Le but de la formation est de faciliter un apprentissage de qualité, et c’est un processus qui se déroule en plusieurs étapes. Chaque stade requiert une planification consciencieuse et toutes les étapes sont d’égale importance. Il existe diverses manières de décomposer une formation en étapes, mais du point de vue de la conception cognitive de l’apprentissage, la planification d’un cours de formation peut en comprendre six.

1e étape: évaluation des besoins (connaître son auditoire);

2e étape: formuler les objectifs d’apprentissage;

3e étape: définir l’orientation générale ou le plan du cours;

4e étape: élaborer le programme d’études, en déterminant son contenu et les méthodes de formation correspondantes, et en utilisant un tableau pour en définir les grandes lignes;

5e étape: donner le cours;

6e étape: faire le bilan du cours et réagir en conséquence.

La mise en pratique des cours TOT nationaux

Selon l’approche de la formation susmentionnée et l’expérience tirée du premier cours pilote, deux cours TOT nationaux ont été dispensés en Afrique, le premier au Kenya en 1993 et le second en Ethiopie en 1994.

Les besoins de formation, fondés sur l’activité professionnelle des inspecteurs du travail, ont été déterminés en partant d’un questionnaire préalable et d’une discussion, avec les participants au cours, sur leur travail quotidien, ainsi que sur le savoir-faire et les compétences nécessaires (voir figure 18.11). Ce cours a donc été conçu au premier chef à l’intention des inspecteurs du travail (20 à 25 en général), mais il peut être adapté à d’autres personnels ayant besoin d’une formation dans le domaine de la sécurité et de la santé: délégués d’atelier, contremaîtres et préposés à la sécurité et à la santé.

Figure 18.11 Orientation dénérale des activités professionnelles d'un inspecteur du travail

Figure 18.11

La compilation d’objectifs, pour le cours TOT national indiqué ci-après, a été établie point par point en collaboration avec les participants.

Les objectifs du cours TOT national

Les objectifs du cours de formation d’instructeurs (TOT) sont les suivants:

Le contenu du cours

Les thèmes ou les éléments clés du programme qui ont guidé la mise en œuvre du cours TOT en Ethiopie sont résumés dans la figure 18.12. Ce résumé peut également servir à orienter l’ensemble du cours TOT.

Figure 18.12 Thèmes essentiels du cours TOT (formation d'instructeurs)

Figure 18.12

La sélection des méthodes de formation

L’aspect externe de la méthode d’enseignement est immédiatement visible dès qu’on pénètre dans une classe. On voit tout de suite s’il s’agit d’un cours, d’un débat ou d’un travail collectif ou individuel. Cependant, ce qu’on ne voit pas, et qui est pourtant l’aspect essentiel de l’enseignement, c’est le travail intellectuel effectué par l’étudiant à un moment donné. Il s’agit là de l’aspect interne de la méthode d’enseignement.

On peut diviser les méthodes pédagogiques en trois groupes principaux:

La plupart de ces méthodes sont appliquées dans le cours TOT. Cependant, la méthode choisie dépend des objectifs d’apprentissage visés. Chaque méthode ou activité d’apprentissage répond à un but. Les fonctions éducatives, qui incombent à un enseignant, correspondent aux différentes étapes du processus d’apprentissage décrit plus haut et peuvent aider à sélectionner des méthodes. Voici une liste de neuf fonctions de l’enseignement:

  1. préparation;
  2. motivation;
  3. orientation;
  4. transmission des connaissances;
  5. consolidation de l’acquis;
  6. acquisition d’une expérience pratique;
  7. application (solution de nouveaux problèmes grâce aux nouvelles connaissances);
  8. critique du programme;
  9. évaluation des participants.

La planification du programme d’études: l’organisation du cours

L’une des fonctions du programme, ou plan d’étude, est d’orienter le processus d’enseignement et d’apprentissage. Le programme d’étude peut se diviser en deux parties, un programme général et un programme spécifique.

Le programme général permet d’avoir une vue d’ensemble du cours: ses buts, ses objectifs, son contenu, les participants et les critères de leur sélection, l’approche pédagogique (comment le cours sera mené) et les préparatifs d’organisation (les tâches préalables au cours, par exemple). Ce programme général est habituellement une description du cours et constitue un avant-projet ou expose une liste de sujets.

Un programme spécifique offre des informations détaillées sur ce qui va être enseigné et comment. Un programme présenté sous forme de tableau sera un bon canevas aux fins de la conception d’un programme d’étude suffisamment précis pour guider la mise en œuvre de la formation. Ce tableau comporte les éléments suivants:

Calendrier: temps prévu pour chaque activité d’apprentissage;

Unités du programme d’études: sujets essentiels;

Sujets: thèmes figurant dans chaque unité du programme d’étude;

Fonction éducative: fonction que remplit chaque activité d’apprentissage en aidant à atteindre les objectifs de formation;

Activités: étapes de chaque activité d’apprentissage;

Matériel: ressources et matériel nécessaires à chaque activité;

Instructeur: formateur responsable de chaque activité (lorsqu’il y a plusieurs formateurs).

Pour établir le programme d’études sous forme de tableau, il faut suivre les étapes exposées ci-après qui sont celles d’un programme ayant été mené à bien (Weinger, 1993).

  1. Préciser les sujets essentiels du cours (unités du programme d’études), selon les objectifs et la base d’orientation générale.
  2. Enumérer les thèmes abordés pour chacun de ces sujets.
  3. Prévoir d’inclure dans chaque sujet autant de fonctions éducatives que possible afin de franchir toutes les étapes du processus d’apprentissage.
  4. Choisir des méthodes qui rempliront chaque fonction et évaluer la durée nécessaire. Inscrire cette durée, le thème et la fonction sur le tableau.
  5. Dans la colonne des «activités», prévoir des directives pour l’instructeur sur l’organisation de chaque activité. Peuvent figurer également les points principaux abordés au cours de la session. Cette colonne doit offrir une représentation précise des activités qui se dérouleront pendant cette phase du cours.
  6. Enumérer les éléments du matériel pédagogique (fiches de travail, documentation ou matériel) nécessaire à chaque activité.
  7. Prévoir des pauses suffisantes lors de la conception d’un cycle d’activités.

L’évaluation et le suivi du cours

L’évaluation et le suivi sont la dernière étape du processus de formation. Malheureusement, c’est une étape qui est souvent oubliée, ignorée, voire évitée. L’évaluation, ou la détermination du succès du cours, est un élément essentiel de la formation. Elle doit inclure une critique du programme (formulée par les responsables du cours) et une évaluation des participants.

Les participants doivent pouvoir juger les facteurs externes de l’enseignement: la qualité de la présentation faite par l’instructeur, les techniques utilisées, les installations matérielles et l’organisation du cours. Les moyens d’évaluation les plus fréquents sont des questionnaires proposés après le cours et des tests préalables et postérieurs.

Le suivi est une activité de soutien nécessaire au processus de formation. Les activités de suivi doivent être conçues pour permettre aux participants d’appliquer et d’utiliser dans leur travail ce qu’ils ont appris. Les activités de suivi pour nos cours TOT comprennent par exemple:

La sélection des formateurs

On a sélectionné des instructeurs familiarisés avec l’approche cognitive de l’apprentissage et maîtrisant bien la communication. Pour le cours pilote de 1992, nous avions embauché des experts internationaux ayant participé à l’élaboration de cette méthode d’apprentissage dans les années quatre-vingt en Finlande. Pour les cours nationaux, nous avions recruté tout un éventail d’experts: un expert international, un ou deux experts régionaux ayant participé au premier cours pilote, et deux ou trois spécialistes des ressources nationales ayant exercé des responsabilités de formation dans leur propre pays ou ayant déjà l’expérience de cette méthode d’apprentissage. Chaque fois que possible, le personnel impliqué dans ce projet y participait également.

Commentaires et conclusion

L’évaluation des besoins de formation in situ

La visite d’une usine et l’enseignement pratique consécutif marquent le point culminant de l’atelier. Cette activité de formation servait à évaluer les besoins de formation sur le lieu de travail (unité de programme d’étude VI. A, voir figure 18.11). On peut recommander ici de compléter le contexte théorique et méthodologique avant d’effectuer ces visites. En Ethiopie, nous avions programmé la visite avant d’aborder la question des méthodes d’enseignement. Nous avions envisagé de visiter deux usines, mais nous aurions pu prolonger la durée de l’évaluation des besoins en éliminant l’une des visites. Par conséquent, les groupes ne visiteront et n’inspecteront que l’usine où ils suivront effectivement leur formation.

Le volet «repérage des risques» de l’atelier (qui fait également partie de l’unité du programme d’étude VI. A) a été encore plus réussie en Ethiopie qu’au Kenya. Les repérages, intégrés à l’enseignement pratique dans les usines, se sont révélés extrêmement motivants pour les travailleurs. Pour des ateliers ultérieurs, nous suggérerions de souligner les risques spécifiques là où ils existent plutôt que d’utiliser, par exemple, un seul symbole vert pour représenter un risque physique. L’importance d’un risque particulier est ainsi plus clairement illustrée.

Les méthodes de formation

Les méthodes éducatives étaient axées sur les techniques audiovisuelles et l’utilisation de sujets propres à déclencher les discussions, toutes deux très efficaces. En complément de la projection de diapositives, les participants ont été chargés de réaliser collectivement un transparent sur le contenu d’un article déterminé.

Les tableaux à feuilles mobiles et les séances de réflexion collective étaient, pour les participants, des méthodes d’enseignement inédites. En fait, un de ces tableaux a été construit spécialement pour l’atelier. Les tableaux et les «marqueurs» sont non seulement d’excellents outils pédagogiques, mais également un moyen pratique et très bon marché de remplacer le rétroprojecteur que la plupart des inspecteurs ne peuvent se procurer dans les pays en développement.

Le micro-enseignement sur vidéocassette

Le «micro-enseignement», méthode pédagogique centrée sur des problèmes locaux spécifiques et impliquant l’utilisation de vidéocassettes et une critique consécutive des participants et des responsables des ressources, a remporté un vif succès. L’enregistrement a permis non seulement de renforcer l’efficacité des méthodes externes d’enseignement, mais aussi de discuter des domaines dont le contenu devait être amélioré avant l’enseignement en usine proprement dit.

Cependant, on commet souvent l’erreur de ne pas lier les sujets de discussion et les activités de réflexion collective au contenu ou au message d’une activité. Cette méthode n’était appliquée que pour la forme, et ses effets étaient ignorés. D’autres erreurs courantes consistaient à utiliser une terminologie trop technique et à ne pas adapter la formation aux besoins de l’auditoire en se référant à des exemples concrets propres aux lieux de travail. Toutefois, les présentations ultérieures en usine ont été conçues pour tenir compte des critiques formulées le jour précédent.

L’enseignement pratique à l’usine

Dans leur évaluation des séances d’enseignement pratique à l’usine, les participants ont déclaré avoir été très impressionnés par l’utilisation de diverses méthodes d’enseignement, dont les supports audiovisuels, les affiches réalisées par eux-mêmes, les tableaux à feuilles mobiles, la réflexion collective, les jeux de rôles, les «groupes interactifs», etc. La plupart des groupes se sont également servis d’un questionnaire d’évaluation, expérience encore inédite. Alors que, dans le passé, la méthode d’enseignement consistait exclusivement en cours magistraux, la participation de l’auditoire — particulièrement remarquée — a connu un vif succès. La gestion du temps et l’utilisation de termes et d’explications trop techniques ont été fréquemment citées comme susceptibles d’amélioration. A l’avenir, les responsables devraient également s’efforcer de faire en sorte que tous les groupes intègrent les étapes d’application et d’évaluation dans le processus d’apprentissage.

La planification d’un cours en tant qu’expérience de formation

Tout au long de ces deux cours, on a pu constater que les participants comprenaient de mieux en mieux l’intérêt des six étapes inhérentes à une formation de qualité.

On a ajouté au programme du dernier cours un module de rédaction des objectifs, où chaque participant est appelé à définir une série d’objectifs de formation. La plupart des participants n’avaient jamais effectué un tel exercice et cette activité leur a été extrêmement utile.

Quant à l’utilisation du programme d’études pour la planification, nous avons constaté des progrès sensibles chez tous les participants et même une certaine maîtrise chez quelques-uns. Il serait opportun de lui consacrer plus de temps. A l’avenir, nous ajouterions aux ateliers une activité permettant aux participants d’utiliser ce programme pour suivre un thème tout au long du processus d’apprentissage, en utilisant l’ensemble des fonctions éducatives. On a toujours tendance à insérer trop de sujets sur la formation et à répartir, sans trop réfléchir à leur pertinence, les diverses fonctions éducatives dans une série de thèmes. Il faut également que les formateurs insistent sur les activités choisies pour l’étape «application» du processus d’apprentissage, et qu’ils se familiarisent davantage avec l’élaboration des tâches assignées à leurs élèves. L’application est, pour la plupart d’entre eux, un concept nouveau difficile à intégrer dans le processus d’apprentissage.

Enfin, l’expression unité de programme d’études s’est avérée difficile à utiliser et parfois déroutante. Pour commencer, il s’agit simplement d’identifier et d’organiser les domaines thématiques pertinents. Bien évidemment, de nombreux autres concepts inhérents à l’approche cognitive de l’apprentissage étaient complexes, par exemple la base d’orientation, les facteurs externes et internes de l’apprentissage et de l’enseignement, les fonctions éducatives, etc.

En bref, à l’avenir, nous accorderions plus de temps à la théorie et à l’élaboration du programme d’études, comme indiqué plus haut, ainsi qu’à la planification des futurs programmes d’études, car elle permet d’observer l’aptitude individuelle à l’application de la théorie.

Conclusion

Le projet africain OIT-FINNIDA de sécurité et de santé s’est attaqué à une tâche particulièrement stimulante et exigeante: faire évoluer notre conception et notre pratique de l’apprentissage et de la formation. La difficulté, lorsqu’on parle d’apprentissage, est que ce terme a perdu son sens primitif dans le langage contemporain; il est devenu synonyme d’acquisition d’informations. Or, cette acquisition n’a qu’un lointain rapport avec un véritable apprentissage, car celui-ci nous permet de nous ressourcer. Un véritable apprentissage nous permet d’accomplir ce que nous n’étions jamais parvenus à réaliser auparavant (Senge, 1990). Tel est le message inhérent à la nouvelle démarche de l’apprentissage et de la formation qui caractérise notre projet.

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