Page d'accueil du BIT

Chapitre 13 - Les troubles systémiques

LES TROUBLES SYSTÉMIQUES: INTRODUCTION

Howard M. Kipen

Dans la dernière édition de la présente Encyclopédie, aucun article n’est consacré au syndrome des bâtiments malsains (SBM), connu également sous le nom de maladie des grands ensembles. Le syndrome d’intolérance aux produits chimiques (appelé aussi parfois polysensibilité aux produits chimiques (PSC)) n’y est pas davantage traité, puisque ce n’est qu’en 1987 que Cullen a forgé ce concept. La plupart des praticiens en médecine du travail sont démunis devant de tels phénomènes qui ne se manifestent guère que par des symptômes et qui connaissent une forte connotation psychologique. Leur gêne est au moins partiellement imputable au fait que, chez les patients atteints de ces syndromes, la réduction de l’exposition — le moyen de correction le plus habituel en hygiène du travail — n’apporte pas nécessairement une amélioration de leur état. Quant aux médecins généralistes, ils ont la même attitude et estiment que les patients sans signes pathologiques clairs qui se plaignent, par exemple, de fatigue chronique ou de fibromyalgie (et qui se considèrent comme étant davantage handicapés) sont plus difficiles à soigner que les patients atteints d’affections déformantes du type polyarthrite rhumatoïde. Contrairement à ce qui se passe pour les maladies professionnelles reconnues, comme le saturnisme ou la silicose, il n’existe pas de réglementation stricte dans le cas du syndrome des bâtiments malsains ou du syndrome d’intolérance aux produits chimiques. L’embarras des médecins traitants et les carences du cadre réglementaire, si compréhensibles soient-ils, sont regrettables, car ils contribuent à minimiser l’importance de ces problèmes qui, même s’ils ne sont pas mortels et sont largement subjectifs, n’en sont pas moins de plus en plus courants. Etant donné que de nombreux travailleurs souffrant de ces affections font état d’une incapacité de travail totale et que les exemples de guérison sont rares, le syndrome d’intolérance aux produits chimiques et celui des bâtiments malsains lancent un défi de taille aux régimes de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles.

Dans les pays industriels, où on maîtrise aujourd’hui de nombreuses nuisances au poste de travail, on reconnaît de plus en plus que des syndromes tels que ceux dont on parle ici et qui sont liés à la présence de substances toxiques en faible concentration, constituent des enjeux économiques et sanitaires importants. Un certain nombre de facteurs expliquent la frustration des chefs d’entreprise qui sont confrontés à ces problèmes. Dans la plupart des pays, la réglementation ne contient pas de prescriptions précises visant la qualité de l’air intérieur ou les personnes hypersensibles (seule exception notable, les sujets souffrant d’affections allergiques reconnues); aussi est-il impossible pour les chefs d’entreprise de savoir s’ils sont en conformité avec la législation. Les valeurs limites de concentration des substances toxiques qui ont été établies pour l’industrie, telles que les limites d’exposition admissibles («Permissible Exposure Limits» (PEL)) de l’Administration de la sécurité et de la santé au travail (Occupational Safety and Health Administration (OSHA)) aux Etats-Unis, ou les valeurs limites d’exposition («Threshold Limit Values» (TLV)) de la Conférence américaine des hygiénistes du travail (American Conference of Governmental Industrial Hygienists (ACGIH)) ne peuvent manifestement pas servir de référence lorsqu’il s’agit de prévenir les symptômes que peuvent présenter les employés de bureau ou le personnel enseignant, ou de prédire l’apparition de ces mêmes symptômes. Enfin, étant donné que la prédisposition individuelle et les facteurs psychologiques semblent avoir une influence déterminante sur la réaction aux faibles concentrations d’aérocontaminants, l’impact des interventions qui sont susceptibles d’être faites au niveau du bâtiment ou de son entretien n’est pas aussi facile à prévoir que le souhaiteraient bon nombre de personnes appelées à y consacrer des ressources par ailleurs limitées. Les plaintes permettent souvent de déceler un facteur causal potentiel, comme la présence de concentrations élevées de composés organiques volatils par rapport à l’air extérieur, mais elles persistent ou reprennent en dépit des mesures correctives que l’on aura pu mettre en place.

Les travailleurs qui souffrent du syndrome des bâtiments malsains ou du syndrome d’intolérance aux produits chimiques sont peu productifs, mais c’est à leurs employeurs et aux pouvoirs publics qu’ils adressent des reproches quand ceux-ci ne tiennent pas à s’engager dans des interventions techniques dont on peut pourtant douter de l’efficacité. Manifestement, les hygiénistes du travail comptent parmi les rares intervenants clés susceptibles de trouver un terrain d’entente satisfaisant tous les intéressés. La présence de contaminants à faible dose peut effectivement être la cause réelle de l’apparition du syndrome, à moins que l’on se trouve confronté à une véritable hystérie collective souvent consécutive à une exposition de faible intensité à des contaminants environnementaux. Il importe que les chefs d’entreprise fassent preuve de tact et de souplesse, de façon à prendre en considération et à évaluer toute une gamme de facteurs et à les intégrer aux solutions.

Des deux syndromes en question, c’est celui des bâtiments malsains qui est le plus facile à circonscrire et à définir. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) en a même proposé une définition en 1987. Il y a toujours débat lorsqu’il s’agit de déterminer, aussi bien en général que dans les cas particuliers, si un trouble donné est davantage attribuable aux caractéristiques des travailleurs eux-mêmes ou à celles du bâtiment. Il est toutefois largement admis, à la lumière d’études comparatives de l’exposition à des composés organiques volatils et d’enquêtes épidémiologiques, que ce sont les facteurs environnementaux sur lesquels on peut avoir prise qui engendrent le type de symptômes décrits dans l’article intitulé «Le syndrome des bâtiments malsains». L’auteur de cet article, Michael J. Hodgson (1992), décrit en détail la triade des facteurs propres à l’individu, au travail et au bâtiment qui jouent un rôle, en proportion variable, dans le développement des symptômes chez les travailleurs. Le maintien d’une bonne communication entre l’employeur et le travailleur pendant l’enquête et au cours de la mise en œuvre des mesures correctives constitue un enjeu majeur. Dès qu’ils ont reconnu les premiers signes d’une épidémie, les médecins ont l’habitude de demander l’avis de spécialistes de l’environnement pour les aider à évaluer la situation et trouver le moyen d’y remédier.

Comme nous l’avons dit, le syndrome d’intolérance aux produits chimiques est plus difficile à définir que celui des bâtiments malsains. Certaines organisations médicales, comme l’Association médicale américaine (American Medical Association (AMA)), ont publié des déclarations de principe qui mettent en doute le fondement scientifique du diagnostic de cette maladie. De nombreux médecins dont la pratique ne repose pas sur des données scientifiques rigoureuses ont néanmoins défendu avec vigueur sa validité. Ils se fondent sur des tests diagnostiques non éprouvés ou interprétés de façon abusive, notamment l’activation des lymphocytes ou la scintigraphie cérébrale, pour recommander des traitements comme les saunas et l’administration de doses massives de vitamines, pratiques qui expliquent en grande partie l’hostilité d’organismes comme l’AMA. Personne, toutefois, ne conteste l’existence d’un groupe de patients présentant une certaine symptomatologie en présence de faibles doses de produits chimiques. Certains symptômes systémiques signalés par ces patients sont communs à d’autres syndromes subjectifs, comme celui de la fatigue chronique et la fibromyalgie. C’est le cas notamment de la douleur, de la fatigue et des difficultés de concentration, symptômes qui s’accentuent lors d’une exposition à de faibles doses de produits chimiques et dont la présence est signalée chez un pourcentage important de patients qui sont également atteints de ces autres syndromes. Il importe tout particulièrement d’établir si les symptômes liés à la sensibilité aux produits chimiques sont acquis (et, le cas échéant, dans quelle mesure ils le sont) et consécutifs à une exposition antérieure à de fortes doses de produits chimiques ou s’ils surviennent — comme c’est généralement le cas — en l’absence de facteur déclenchant particulier. La question demeure toutefois sans réponse.

Dans certaines épidémies du syndrome des bâtiments malsains que l’investigation et les mesures correctives n’ont permis ni d’atténuer ni de juguler, le syndrome d’intolérance aux produits chimiques est souvent considéré comme une conséquence du syndrome initial. Il est clair alors qu’il ne frappe qu’une seule personne ou qu’un petit nombre de sujets, rarement un groupe de personnes; selon certaines définitions, cet effet sur ce groupe pourrait même être considéré comme un critère distinctif du syndrome des bâtiments malsains. Le syndrome d’intolérance aux produits chimiques semble être endémique au sein de certaines populations, celui des bâtiments malsains étant souvent épidémique; toutefois, des recherches préliminaires donnent à penser que la sensibilité aux produits chimiques (et la fatigue chronique) pourraient, dans une certaine mesure, avoir un caractère épidémique, comme on l’a constaté chez des soldats américains ayant participé à la guerre du Golfe. Les études d’exposition contrôlées ont beaucoup contribué à faire la lumière sur le rôle que jouent les composés organiques volatils et les irritants dans le syndrome des bâtiments malsains; il y a lieu de mener le même type d’études contrôlées sur le syndrome d’intolérance aux produits chimiques.

Bon nombre de médecins prétendent reconnaître un cas de ce syndrome sur une première impression alors qu’il n’existe pas de définition consensuelle. On pourrait très bien en parler comme d’un état qui se confond avec d’autres syndromes, sans origine professionnelle ceux-là, tels que la fatigue chronique, la fibromyalgie, les maladies psychosomatiques, etc. Si on peut situer assez précisément le moment d’apparition du syndrome (après l’exposition), on s’aperçoit qu’il est rarement associé à une maladie psychiatrique dûment diagnostiquée (Fiedler et coll., 1996). Le cas de l’intolérance aux odeurs est encore différent, certainement pas unique en son genre, et on peut se demander s’il s’agit véritablement d’une atteinte professionnelle. Ce débat est crucial, car selon la définition proposée par Cullen en 1987, comme dans bon nombre d’autres définitions, le syndrome d’intolérance aux produits chimiques serait une séquelle d’une maladie d’origine professionnelle ou environnementale mieux caractérisée. Toutefois, comme nous l’avons expliqué précédemment, on trouve les mêmes symptômes après une exposition à des odeurs, aux concentrations (faibles) présentes en général dans l’air ambiant, chez ceux qui sont porteurs d’une vraie maladie et chez ceux qui en sont indemnes. C’est pourquoi il est aussi important d’explorer les similitudes entre ce syndrome et les autres affections que d’établir leurs différences (Kipen et coll., 1995; Buchwald et Garrity, 1994).

LE SYNDROME DES BÂTIMENTS MALSAINS

Michael J. Hodgson

On emploie généralement l’expression «syndrome des bâtiments malsains» (SBM) ou maladie des grands ensembles pour désigner les malaises et les symptômes physiques que présentent les employés de bureau et qui sont liés aux caractéristiques des bâtiments, à l’exposition aux polluants et à l’organisation du travail et qui sont aggravés par des facteurs de risque individuels. Il existe de nombreuses définitions, mais la controverse persiste sur deux points: a) peut-on vraiment parler de SBM tant qu’un seul individu est en cause ou est-il nécessaire d’appliquer un critère statistique, la proportion de sujets atteints, par exemple? b) quels sont les symptômes qui doivent nécessairement être présents pour que l’on puisse parler de SBM? Le lecteur trouvera à la figure 13.1 une liste des symptômes qui sont habituellement inclus dans la définition du syndrome. Au cours des dernières années, comme on commençait à mieux comprendre le phénomène, on a généralement rayé de la liste les symptômes liés aux odeurs, mais on y a ajouté les symptômes pulmonaires, sous la rubrique «irritation des muqueuses». Il importe de bien établir la distinction entre le SBM et la maladie liée aux bâtiments; dans ce dernier cas, une irritation, une allergie ou une affection authentifiée, comme la pneumopathie d’hypersensibilité, l’asthme ou des céphalées dues au monoxyde de carbone, peuvent être présentes et prendre la forme d’un phénomène épidémique associé à un bâtiment. Il faut également distinguer le SBM du syndrome d’intolérance aux produits chimiques (voir ci-dessous), qui survient de façon plus sporadique, souvent dans un groupe de sujets atteints de SBM, et qui répondent beaucoup moins bien aux aménagements que l’on peut apporter au milieu de travail.

Figure 13.1 Syndrome des bâtiments malsains

Figure 13.1

Le syndrome des bâtiments malsains doit être considéré simultanément sous trois angles différents et être éclairé par trois perspectives. Dans le cas des professionnels de la santé, cette perspective est celle de la médecine et des sciences de la santé: elle permet de définir les symptômes liés au travail à l’intérieur d’un bâtiment donné et les mécanismes physiopathologiques connexes. La deuxième perspective, celle de l’ingénierie, englobe la conception, la mise en service, l’exploitation et l’entretien du bâtiment, ainsi que l’évaluation de l’exposition à certains polluants. La troisième perspective s’attache aux aspects organisationnels, sociaux et psychologiques du travail.

L’épidémiologie

Depuis le milieu des années soixante-dix, on a étudié avec des méthodes plus rigoureuses les plaintes d’inconfort manifestées de plus en plus fréquemment par les employés de bureau. Parmi les études qui ont été réalisées figuraient des études épidémiologiques sur le terrain ayant pour objet de mettre en évidence les facteurs de risque et les causes en utilisant comme unité d’échantillonnage un bâtiment ou un poste de travail, des enquêtes de population visant à établir la prévalence du problème, des études en chambre expérimentale menées chez l’être humain et destinées à cerner les effets et les mécanismes en cause et, enfin, des études d’intervention sur le terrain.

Les études transversales et les études cas-témoins

Environ trente études transversales ont été publiées (Mendell, 1993; Sundell et coll., 1994). Bon nombre d’entre elles portaient sur des bâtiments essentiellement «sans problème» choisis au hasard. Ces études ont systématiquement fait ressortir un lien entre la ventilation mécanique et une augmentation des symptômes signalés. Plusieurs études cas-témoins ont mis en évidence d’autres facteurs de risque. On trouve à la figure 13.2 une classification des facteurs de risque largement reconnus qui sont associés à une augmentation du taux de doléances.

Figure 13.2 Facteurs de risque et causes du syndrome des bâtiments malsains

Figure 13.2

Bon nombre de ces facteurs se superposent, mais ne s’excluent pas les uns les autres. Ainsi, on a de fortes chances d’observer des troubles beaucoup plus graves si plusieurs de ces facteurs sont associés (tenue et entretien des locaux laissant à désirer, sources importantes de pollution intérieure et sensibilité individuelle accrue) qu’en présence d’un seul d’entre eux.

L’analyse, par facteur et par principaux éléments, des réponses aux questionnaires remplis dans le cadre des études transversales a permis d’évaluer les rapports mutuels entre les divers symptômes. De manière cohérente, on a observé que, lorsque les symptômes provenaient d’un même organe ou d’un même système, ils étaient davantage regroupés que lorsqu’ils appartenaient à différents organes ou systèmes. C’est ainsi que, pour les yeux, l'irritation, le larmoiement, la sécheresse et les brûlures sont fortement corrélés entre eux; par conséquent, on ne tire aucune information supplémentaire à prendre en considération plusieurs symptômes appartenant au même organe ou système.

Bon nombre de ces facteurs se superposent, mais ne s’excluent pas les uns les autres. Ainsi, on a de fortes chances d’observer des troubles beaucoup plus graves si plusieurs de ces facteurs sont associés (tenue et entretien des locaux laissant à désirer, sources importantes de pollution intérieure et sensibilité individuelle accrue) qu’en présence d’un seul d’entre eux.

L’analyse, par facteur et par principaux éléments, des réponses aux questionnaires remplis dans le cadre des études transversales a permis d’évaluer les rapports mutuels entre les divers symptômes. De manière cohérente, on a observé que, lorsque les symptômes provenaient d’un même organe ou d’un même système, ils étaient davantage regroupés que lorsqu’ils appartenaient à différents organes ou systèmes. C’est ainsi que, pour les yeux, l’irritation, le larmoiement, la sécheresse et les brûlures sont fortement corrélés entre eux; par conséquent, on ne tire aucune information supplémentaire à prendre en considération plusieurs symptômes appartenant au même organe ou système.

Les études d’exposition contrôlées

Les études chez l’animal visant à déterminer les propriétés des irritants et les valeurs limites d’exposition sont devenues courantes. La méthode de la Société américaine d’essai des matériaux (American Society for Testing and Materials (ASTM)), 1984, est désormais reconnue par pratiquement tout le monde comme étant l’outil de base. On l’a employée pour établir les rapports structure-activité, démontrer que le trijumeau peut comporter plus d’un récepteur des irritants et pour examiner les interactions entre des expositions multiples. Plus récemment, cette méthode a servi à établir les propriétés irritantes des gaz émis par le matériel de bureau, tel que celui à base de bois aggloméré.

Plusieurs approches, analogues à celle susmentionnée, ont été mises au point pour établir les méthodes et les relations dose-effet des phénomènes irritatifs chez l’être humain. On a constaté, pour les composés «non réactifs» du moins, comme les hydrocarbures aliphatiques saturés, que le pourcentage de saturation de la vapeur d’eau d’un composé permet de prédire de façon acceptable son pouvoir irritant. Certaines données montrent également que plus le nombre de composés dans un mélange complexe augmente, plus les seuils d’irritation sont bas. En d’autres termes, plus il y a de composants, plus l’irritation, même à quantité constante, s’élève.

Des études contrôlées de l’exposition ont été menées auprès de volontaires dans des enceintes en acier inoxydable. La plupart de ces études qui portaient sur un mélange constant de composés organiques volatils (COV) (Mølhave et Nielsen, 1992) ont uniformément mis en évidence une corrélation entre les symptômes et l’augmentation des niveaux d’exposition. Des employés de bureau qui s’estimaient «sensibles» à la présence de COV aux concentrations habituelles dans l’air intérieur ont eu de la peine à effectuer certains tests normalisés de caractère neuropsychologique (Mølhave, Bach et Pederson, 1986). Au contraire, des volontaires en bonne santé ont obtenu des résultats tout à fait satisfaisants à ces tests, mais ils présentaient une irritation des muqueuses et des maux de tête à des concentrations de 10 à 25 mg/m3. On a observé, plus récemment, des symptômes analogues chez des employés de bureau après une séance de travail simulée dans un environnement renfermant des polluants couramment émis par le matériel de bureau. Les animaux ont réagi de façon semblable à un test standardisé d’évaluation du pouvoir irritant.

Les études de population

A ce jour, les résultats de trois études de population ont été publiés en Allemagne, aux Etats-Unis et en Suède. Les questionnaires utilisés différaient de façon considérable; aussi ne peut-on pas comparer directement les estimations de la prévalence. Néanmoins, entre 20 et 35% des répondants travaillant dans différents bâtiments et ne présentant pas de maladie connue ont déclaré souffrir de divers symptômes.

Les mécanismes en cause

Un certain nombre de mesures objectives et de mécanismes potentiels pourraient contribuer à expliquer et à étudier les symptômes en fonction d’un appareil ou d’un système particulier de l’organisme. Aucun d’entre eux ne permet toutefois de prédire de façon satisfaisante la présence de la maladie. Ces instruments ne conviennent donc pas au diagnostic clinique, mais ils sont utiles dans la recherche sur le terrain et les enquêtes épidémiologiques. Il est toutefois difficile de déterminer s’il faut les considérer comme des mécanismes, des indicateurs d’effet ou des mesures de la sensibilité.

Les yeux

On a tenté d’expliquer les symptômes oculaires, aussi bien par des mécanismes allergiques que par des mécanismes irritants. Un raccourcissement du temps de rupture du film lacrymal, mesure de l’instabilité de ce film, est lié à une intensification des symptômes. On a également eu recours à la mesure de «l’épaisseur des débris spumeux lipidiques» et à la photographie pour obtenir des données sur l’érythème oculaire. Certains auteurs attribuent, au moins partiellement, les symptômes oculaires à une sensibilité individuelle accrue, mesurée au moyen des facteurs susmentionnés. On a vérifié, en outre, que les employés de bureau qui souffrent de troubles oculaires ont une fréquence de clignement abaissée quand ils travaillent devant leur écran d’ordinateur.

Le nez

Des mécanismes à la fois allergiques et irritants ont été invoqués pour expliquer les symptômes des fosses nasales. Parmi les méthodes de mesure qui ont été utilisées avec succès, on peut citer l’écouvillonnage du nez (éosinophiles), le lavage ou la biopsie du nez, la rhinométrie acoustique (volume du nez), la rhinomanométrie antérieure et postérieure (pléthysmographie) et les mesures de l’hyperréactivité nasale.

Le système nerveux central

Pour vérifier l’existence d’une baisse de performance, on a employé des tests neuropsychologiques sur la base des niveaux d’exposition, d’une part, (Mølhave, Bach et Pederson, 1986) et en tenant compte de l’existence de plaintes, de l’autre (Middaugh, Pinney et Linz, 1992).

Les facteurs de risque individuels

Deux ensembles de facteurs de risque individuels ont été examinés. Premièrement, l’atopie et la séborrhée, deux affections diathésiques (de prédisposition) bien connues et considérées comme des facteurs de risque de différents signes cliniques. Deuxièmement, des variables psychologiques individuelles pouvant jouer un rôle capital: anxiété, dépression, mauvaise humeur qui se rencontrent chez des personnes présentant une tendance à l’hypocondrie. De même, le stress professionnel est si régulièrement associé aux symptômes liés aux bâtiments que l’existence d’un lien de causalité est probable. On ignore toutefois laquelle des trois composantes du stress professionnel — caractéristiques psychologiques individuelles, capacité d’adaptation et fonctionnement de l’entreprise (mauvaise gestion) — est la cause prédominante. Il est certain que chez les travailleurs dont le pouvoir de décision est restreint, la gêne et l’inconfort sont éprouvés avec un désarroi d’autant plus grand.

Les aspects techniques et les sources de pollution

Au début des années soixante-dix, l’Institut national de la sécurité et de la santé au travail (National Institute for Occupational Safety and Health (NIOSH)) aux Etats-Unis a été invité à participer à une étude pour établir les causes des malaises signalés par les occupants de divers bâtiments. Ces malaises ont été attribués aux systèmes de ventilation (50%), à la contamination microbiologique (entre 3 et 5%), à la présence de sources importantes d’aéropolluants à l’intérieur des locaux (tabagisme, 3%, autres, 14%), aux polluants provenant de l’extérieur (15%) et à d’autres causes. Woods (1989) et Robertson et coll. (1988) ont par ailleurs publié deux séries bien connues d’analyses techniques des bâtiments à problème et ont observé, en moyenne, la présence de trois facteurs de causalité potentiels par bâtiment.

En 1989, la Société américaine de chauffage, réfrigération et climatisation (American Society of Heating, Refrigerating and Airconditioning Engineers (ASHRAE)) a adopté une norme professionnelle en matière de ventilation qui propose deux démarches: une évaluation du taux de renouvellement de l’air et une étude de la qualité de l’air. La première approche permet d’établir de façon mathématique (sous forme de tableaux) les exigences en matière de ventilation. Dans les immeubles de bureaux, il convient d’assurer une alimentation en air neuf de 3 m3 par occupant par heure pour que les doléances des occupants concernant des malaises liés à l’environnement demeurent inférieures à 20%, sous réserve de sources de pollution relativement faibles. En présence de sources plus importantes, le même taux donnerait des résultats moins satisfaisants. Ainsi, lorsque le tabagisme est autorisé aux taux habituels (selon des données remontant au début des années quatre-vingt), environ 30% des occupants font état de malaises dus à l’environnement. La deuxième approche nécessite le choix d’une concentration cible (particules, COV, formaldéhyde, etc.) dans l’air et l’obtention de données sur les débits d’émission (quantité de polluants par unité de temps et par masse ou surface) et permet de fixer les exigences en matière de ventilation. Bien que cette méthode soit plus satisfaisante sur le plan intellectuel, elle demeure problématique en raison de l’imprécision des données sur les émissions et des divergences d’opinion concernant les concentrations cibles.

Les polluants

Les spécialistes de l’environnement ont généralement défini l’exposition et les effets sur la santé pour chacun des polluants. La Société américaine de chirurgie thoracique (American Thoracic Society (ATS)) a proposé en 1988 six grandes catégories de polluants (voir figure 13.3).

Figure 13.3 Principales catégories de polluants

Figure 13.3

Des critères environnementaux ont été établis pour bon nombre des substances appartenant à ces six groupes. Pour plusieurs raisons, on ne s’entend pas sur l’utilité de ces critères ni sur leur possibilité d’application à l’atmosphère intérieure des locaux. Par exemple, on ne s’est pas préoccupé, en fixant les limites admissibles, de la prévention de l’irritation des yeux, symptôme souvent signalé par les employés de bureau qui travaillent sur un terminal à écran de visualisation. Le problème des interactions, souvent appelé «problème dû aux contaminants multiples», n’est toujours pas défini de façon satisfaisante pour la majorité des catégories de polluants. Il n’existe aucun modèle de prédiction solide, même pour les agents que l’on soupçonne d’agir sur un récepteur donné, tels que les aldéhydes, les alcools et les cétones. Enfin, la définition des «composés représentatifs» à des fins de mesurage n’est pas claire. En effet, les polluants doivent être mesurables, mais la composition des mélanges complexes est variable. On ne sait pas très bien, par exemple, si la gêne chronique liée à l’odeur résiduelle de la fumée de tabac ambiante est davantage imputable à la nicotine, aux particules, au monoxyde de carbone ou à d’autres polluants. La mesure des «composés organiques volatils totaux» est considérée actuellement comme une idée intéressante, mais elle n’est guère utile sur le plan pratique, étant donné que les divers composants ont des effets si radicalement différents (Mølhave et Nielsen, 1992; Brown et coll., 1994). La composition des particules présentes dans l’atmosphère intérieure des locaux pourrait différer de celle de leurs homologues de l’extérieur, puisque la taille du filtre influe sur les concentrations retenues et que les sources intérieures peuvent être différentes des sources extérieures. On est également confronté à des problèmes de mesurage, car la taille des filtres détermine le type de particules recueillies. Il peut s’avérer nécessaire d’avoir recours à des filtres différents pour les mesurages effectués à l’intérieur.

Enfin, des données récentes indiquent que les polluants réactifs intérieurs peuvent interagir avec d’autres polluants et produire de nouveaux composés. Ainsi, l’ozone, qu’il soit produit par les machines de bureau ou qu’il provienne de l’extérieur, peut interagir avec le 4-phénylcyclohexène et produire des aldéhydes (Wechsler, 1992).

Les principales théories étiologiques

Les solvants organiques

Dans les bâtiments, l’élimination des polluants a toujours reposé sur le principe de la ventilation générale, mais les concepteurs pensaient à l’époque que les occupants étaient la principale source de pollution. De date plus récente, on s’est aperçu que l’on avait affaire à un mélange de multiples émissions de différentes provenances: «matériaux solides» (bureaux faits de panneaux de particules, moquettes et autres éléments du mobilier), produits humides (colles, peinture recouvrant les murs, cartouches des machines de bureau), produits personnels (parfums) qui créaient un mélange complexe composé de très faibles doses de polluants distincts (pour une synthèse sur la question, voir Hodgson, Levin et Wolkoff, 1994).

Plusieurs études évoquent la possibilité que la présence de composés organiques volatils, tels que les aldéhydes et les hydrocarbures halogénés, soit associée à une intensification des symptômes. Dans les bureaux où les taux de plaintes étaient élevés, on a observé que la «perte» de COV entre l’air admis et l’air évacué était plus importante que dans les bureaux où les plaintes étaient moins nombreuses. Une étude prospective menée en milieu scolaire a révélé que les COV à chaîne courte étaient liés à l’apparition des symptômes. Les auteurs d’une autre étude ont observé que de fortes concentrations en COV mesurées à l’aide d’un échantillonneur personnel sélectif «surréagissant» aux COV réactifs, comme les aldéhydes et les hydrocarbures halogénés, étaient liées à des symptômes plus intenses. Les auteurs de la même étude ont observé que les concentrations en COV mesurées au niveau des voies respiratoires des femmes à leur poste de travail étaient plus élevées, ce qui pourrait constituer une autre explication de la plus grande fréquence des plaintes chez les femmes. Les COV pourraient être adsorbés par des surfaces agissant comme des puits, telles que les surfaces pelucheuses, et être réémis par ces sources secondaires. L’interaction entre l’ozone et des COV relativement peu irritants, qui engendre des aldéhydes, corrobore cette hypothèse.

Les COV constituent un agent étiologique intéressant, étant donné l’existence de multiples sources potentielles, la constance de leurs effets sur la santé et de la symptomatologie associée au syndrome des bâtiments malsains et le fait que les problèmes liés aux systèmes de ventilation sont de plus en plus largement reconnus. Mis à part l’amélioration de la conception et du fonctionnement des systèmes de ventilation, il est possible — pour pallier ce problème des solvants organiques — de choisir des polluants à faible taux d’émission, d’assurer un meilleur entretien des locaux et de prévenir les «réactions chimiques intérieures».

Les polluants d’origine biologique (bioaérosols)

Selon plusieurs études, les bioaérosols entraîneraient des malaises chez les occupants des locaux. Plusieurs mécanismes sont soupçonnés d’intervenir: émissions d’irritants; libération de fragments, de spores ou de micro-organismes vivants provoquant une allergie; sécrétion de toxines complexes. Les données étayant cette thèse sont moins nombreuses que pour les autres théories. Il est clair, néanmoins, que les systèmes de chauffage, de ventilation et de climatisation pourraient être à l’origine du développement de ces micro-organismes.

On a également observé la présence de bioaérosols dans les matériaux de construction des bâtiments (imputable à un séchage inadéquat) à la suite d’une infiltration d’eau accidentelle et dans la poussière des bureaux. Les substances allergènes présentes à l’intérieur des locaux, comme les acariens de la poussière ou les poils de chat transportés du domicile sur les vêtements, sont une autre source potentielle d’exposition. Dans la mesure où les agents biologiques contribuent au problème, la maîtrise de l’eau et la lutte contre la saleté constituent des stratégies de prévention primaire.

Il arrive également que des champignons toxinogènes envahissent d’autres matériaux poreux des bâtiments, en particulier les panneaux de revêtement des plafonds, l’isolation par flocage et les poutres en bois. Dans les habitations mal ventilées, en particulier, la prolifération de champignons due à une maîtrise inadéquate de l’humidité a provoqué des plaintes.

Les aspects psychosociaux

Dans toutes les études qui ont examiné ce facteur, le «stress professionnel» a été clairement lié aux symptômes du SBM. La façon dont les travailleurs ressentent les contraintes du travail, telles que les conflits liés à leur poste, ou celles de nature extraprofessionnelle, comme un conjoint ou un parent exigeant, peut conduire à un comportement maladif et, par voie de conséquence, à une réaction plus marquée aux problèmes de pollution. En fait, cette réaction excessive peut être mise au compte de mauvaises méthodes de supervision. On croit, en outre, que ces réactions excessives aux polluants participent au «stress professionnel».

L’examen médical du patient

Cet examen vise à mettre en évidence l’un des signes caractéristiques de la maladie liée aux bâtiments ou, au contraire, à montrer qu’il n’en existe pas et qu’il s’agit d’autre chose. Il faut d’emblée identifier une allergie et la traiter au mieux, sans pour autant perdre de vue le fait que des mécanismes non allergisants peuvent laisser des séquelles importantes. On peut parfois rassurer les patients quant à l’existence d’une vraie maladie en mesurant leur débit expiratoire de pointe au moyen d’un appareil portatif ou grâce à des épreuves fonctionnelles respiratoires, avant et après le travail. Une fois que l’on a écarté la présence d’une maladie observable ou vérifiable sur le plan pathologique, il devient essentiel de procéder à une évaluation du bâtiment lui-même; cette évaluation doit être effectuée avec le concours de spécialistes en hygiène du travail ou d’ingénieurs. Dans le chapitre no 45, «La maîtrise des environnements intérieurs», de la présente Encyclopédie, il est fait mention de la documentation, de la prise en charge et de la correction des problèmes identifiés lors de cette évaluation.

Conclusion

Le SBM peut toucher des sujets isolés, mais on l’observe plus souvent dans des groupes; il est associé à des défauts de construction et est probablement causé par une série de polluants et de catégories de polluants. Comme dans toutes les «maladies», certaines caractéristiques psychologiques individuelles peuvent être des modificateurs de l’effet et entraîner des symptômes dont l’intensité ne dépend pas du degré de gêne initiale.

LE SYNDROME D’INTOLÉRANCE AUX PRODUITS CHIMIQUES

Mark R. Cullen

Introduction

Depuis les années quatre-vingt, un nouveau syndrome clinique a été décrit dans le domaine de la santé au travail et de la médecine environnementale; cet état pathologique, appelé le plus souvent syndrome d’intolérance aux produits chimiques (et également parfois polysensibilité aux substances chimiques (PSC)), se caractérise par l’apparition d’un certain nombre de symptômes après une exposition à de faibles concentrations de produits chimiques synthétiques; il n’existe cependant pas de définition largement admise de la symptomatologie. Ce syndrome peut se manifester chez certaines personnes à la suite d’une seule exposition ou d’expositions répétées à des produits chimiques: une intoxication par les solvants ou les pesticides, par exemple. C’est ainsi que certains sujets auront des troubles divers en réaction à une exposition à des contaminants présents dans l’air, dans les aliments ou dans l’eau et ce, à des doses qui ne provoquent pas de symptômes chez la plupart des individus.

Bien que l’on ne puisse observer aucune atteinte mesurable d’un organe précis, les patients se plaignent de dysfonctionnement et d’incapacité. Les réactions idiosyncrasiques aux produits chimiques ne sont probablement pas un phénomène nouveau, mais on croit qu’il est maintenant plus fréquent de voir des patients consulter leur médecin pour des symptômes évoquant un syndrome d’intolérance aux produits chimiques. La prévalence de cette maladie a été suffisante pour soulever une importante controverse publique quant à savoir à qui il incombait de traiter les patients atteints et de payer les traitements. La recherche, toutefois, n’a pas encore fait la lumière sur un grand nombre de questions d’intérêt scientifique; ainsi, on ne connaît ni la cause ni la pathogenèse de la maladie et on ignore comment la traiter et la prévenir. Néanmoins, ce syndrome existe bel et bien et est une cause importante de morbidité dans la population active et la population en général. Nous nous proposons, dans le présent article, de dresser un bilan des connaissances actuelles sur ce sujet, espérant ainsi favoriser la reconnaissance du syndrome et sa prise en charge, en dépit des zones d’ombre qui demeurent.

Définition et diagnostic

Bien qu’aucune définition du syndrome d’intolérance aux produits chimiques ne fasse l’unanimité, un certain nombre de caractéristiques que nous nous proposons de recenser permettent de le distinguer d’autres états pathologiques bien définis:

Tous les patients ne répondent pas parfaitement à ces critères, mais il y a néanmoins lieu de les prendre tous en compte lors du diagnostic du syndrome d’intolérance aux produits chimiques. Chacun d’eux permet en effet d’exclure d’autres affections cliniques s’apparentant à ce syndrome, comme les troubles psychosomatiques, la sensibilisation à des antigènes de l’environnement (dans les cas d’asthme professionnel, par exemple), les séquelles tardives de lésions organiques (syndrome d’hyperréactivité bronchique consécutif à l’inhalation de produits toxiques) ou une maladie systémique (du type cancer). En revanche, le diagnostic de syndrome d’intolérance aux produits chimiques n’est pas un diagnostic d’exclusion, et il n’est pas nécessaire de procéder à des tests poussés dans la majorité des cas. Bien que le tableau clinique varie, on considère que ce syndrome présente un profil reconnaissable qui facilite tout autant, sinon plus, le diagnostic que les critères eux-mêmes.

En pratique, le syndrome d’intolérance aux produits chimiques pose des problèmes diagnostiques dans deux cas particuliers. Premièrement, lorsque le patient se trouve depuis peu dans un état pathologique où il est difficile de distinguer entre ce syndrome et une exposition très récente à un risque lié à l’hygiène du travail ou à l’environnement. Ainsi, les patients qui ont eu des réactions symptomatiques après la pulvérisation de produits antiparasitaires à l’intérieur de locaux trouveront peut-être que leurs réactions persistent, même lorsqu’ils évitent le contact direct avec les produits ou les activités de pulvérisation. Dans ce cas, un médecin pourrait croire que l’exposition continue et réclamer inutilement de réduire la pollution, puisque les symptômes perdurent même après la correction. La situation est particulièrement complexe dans un bureau, lorsque le syndrome d’intolérance aux produits chimiques apparaît comme une complication du syndrome des bâtiments malsains. Alors que la majorité des employés de bureau se sentiront mieux après la prise de mesures correctives destinées à améliorer la qualité de l’air, le patient souffrant de ce syndrome continuera de se plaindre de symptômes, même si l’intensité de l’exposition a été réduite. Les efforts visant à accroître encore la qualité de l’air sont généralement une source de frustration aussi bien pour le patient que pour l’employeur.

Deuxièmement, à un stade plus avancé du syndrome, il est difficile de poser un diagnostic en raison des aspects chroniques de la maladie. Après de nombreux mois, le patient est souvent déprimé et anxieux, comme tout autre patient souffrant d’une maladie chronique décrite depuis peu. Cette situation peut entraîner une exacerbation des manifestations psychiatriques, qui peuvent l’emporter sur les symptômes provoqués par les produits chimiques. S’il ne faut pas sous-estimer la nécessité de reconnaître et de traiter ces complications du syndrome d’intolérance aux produits chimiques, ni la possibilité qu’il soit lui-même d’origine psychologique (voir ci-dessous), il importe de reconnaître le syndrome sous-jacent si l’on veut amorcer un traitement qui gagne l’adhésion du patient.

La pathogénie

On ne connaît pas le processus pathogénique qui conduit, chez certaines personnes, au développement d’un véritable syndrome d’intolérance aux produits chimiques à la suite d’un seul épisode ou de quelques épisodes d’exposition environnementale. Il existe actuellement plusieurs théories à ce sujet. Les cliniciens écologistes et leurs partisans ont publié de nombreux articles affirmant que ce syndrome est un trouble immunitaire causé par l’accumulation de produits chimiques exogènes dans l’organisme (Bell, 1982; Levin et Byers, 1987). On dispose au moins d’une étude sérieuse qui infirme cette hypothèse (Simon, Daniel et Stockbridge, 1993). Selon celle-ci, les facteurs de prédisposition pourraient comprendre les carences nutritionnelles, comme le manque de vitamines ou d’antioxydants, ou la présence d’infections infracliniques, une candidose par exemple. Dans cette perspective, l’affection «déclenchante» est importante parce qu’elle contribue à une surcharge chimique persistante.

D’après une autre théorie, moins élaborée, mais qui fait également une très large place aux facteurs biologiques, le syndrome d’intolérance aux produits chimiques serait le fait de séquelles biologiques rares d’une lésion due aux produits chimiques. A ce titre, cette affection pourrait constituer une nouvelle forme de neurotoxicité due aux solvants ou aux pesticides, ou à une lésion des muqueuses respiratoires consécutive à un épisode aigu d’intoxication par inhalation ou encore à un phénomène analogue. Sous cet angle, ce syndrome est considéré comme l’aboutissement commun de différents mécanismes pathologiques initiaux (Cullen, 1994; Bascom, 1992).

L’auteur d’une théorie biologique plus récente a examiné le lien éventuel entre les muqueuses des voies respiratoires supérieures et le système limbique, en particulier en ce qui concerne la liaison avec l’odorat (Miller, 1992). De ce point de vue, des substances qui stimulent peu l’épithélium nasal pourraient provoquer une activation disproportionnée du système limbique, ce qui expliquerait les énormes effets, souvent stéréotypés, entraînés par de très faibles expositions. Cette théorie expliquerait aussi le rôle important que jouent des substances très odoriférantes, comme les parfums, dans l’apparition du syndrome chez de nombreux patients.

A l’inverse, bon nombre de chercheurs et de cliniciens chevronnés ont fait appel à des mécanismes psychologiques pour expliquer le syndrome d’intolérance aux produits chimiques, établissant un lien entre cette affection et d’autres troubles psychosomatiques (Brodsky, 1983; Black, Ruth et Goldstein, 1990). Diverses hypothèses ont été avancées, selon lesquelles cette pathologie serait une variante du syndrome de stress post-traumatique (Schottenfeld et Cullen, 1985) ou une réaction conditionnée par une expérience toxique initiale (Bolle-Wilson, Wilson et Bleecker, 1988). Selon un autre groupe de chercheurs, le syndrome d’intolérance aux produits chimiques serait une réaction tardive à un traumatisme subi pendant la première enfance, comme une agression sexuelle (Selner et Strudenmayer, 1992). Quelle que soit la théorie retenue, l’affection déclenchante joue davantage un rôle symbolique qu’un rôle biologique dans la pathogénie de ce syndrome. Les facteurs liés à l’hôte sont considérés comme très importants, en particulier la prédisposition à somatiser la détresse psychologique.

Malgré l’abondance des publications sur ce sujet, il existe peu d’études cliniques ou expérimentales avalisant avec vigueur l’une ou l’autre de ces théories. Les faiblesses méthodologiques de ces études sont nombreuses. Les chercheurs n’ont généralement pas défini les populations étudiées et ne les ont pas comparées à des groupes convenablement appariés de sujets témoins. Les observateurs étaient tout à fait au courant de l’état des sujets et connaissaient les hypothèses de recherche. Il s’ensuit que les résultats sont purement descriptifs (et ne peuvent pas être explicatifs). En outre, le débat légitime entourant l’étiologie de ce syndrome a été faussé par les partis pris dogmatiques. Etant donné que la majorité des décisions d’assurance (le droit pour le patient de bénéficier de prestations de réparation et d’une prise en charge de ses frais médicaux) peuvent dépendre de la manière dont le cas est perçu, de nombreux médecins ont des opinions très fermes sur cette maladie, ce qui restreint la valeur scientifique de leurs observations. Ceux qui soignent les patients atteints de ce syndrome doivent être conscients du fait que ces derniers connaissent souvent très bien ces théories et peuvent avoir, eux aussi, des idées bien arrêtées sur la question.

L’épidémiologie

On ne connaît pas de façon précise les caractéristiques épidémiologiques de ce syndrome. On estime que sa prévalence dans la population américaine (d’où émane encore la majorité des cas déclarés) pourrait atteindre plusieurs pour-cent, mais la validité scientifique de ces chiffres demeure douteuse; d’autres données laissent penser que la forme clinique de ce syndrome est rare (Cullen, Pace et Redlich, 1992). La majorité des informations disponibles reposent sur l’étude de séries de cas effectuées par les médecins traitants de patients atteints du syndrome. Malgré ces lacunes, certaines remarques générales sont possibles. Bien qu’il ait été observé chez des patients appartenant à pratiquement toutes les tranches d’âge, le syndrome d’intolérance aux produits chimiques frappe plus souvent des sujets d’âge moyen. Les travailleurs des catégories socio-économiques les plus élevées semblent surreprésentés, alors que les personnes défavorisées et celles qui n’appartiennent pas à la population blanche paraissent sous-représentées. Cette observation pourrait être imputable à l’inégalité d’accès aux soins ou à un biais lié au clinicien. Les femmes sont plus souvent touchées que les hommes. Les données épidémiologiques incriminent fortement une certaine forme d’idiosyncrasie chez l’hôte, qui constituerait un facteur de risque; en effet, on a rarement signalé des épidémies importantes, et seule une fraction restreinte des victimes d’accidents causés par des produits chimiques ou des victimes d’une surexposition à ces produits semble avoir développé le syndrome (séquelle des incidents antérieurs) (Welch et Sokas, 1992; Simon, 1992). A cet égard, il est sans doute étonnant que les affections allergiques atopiques courantes ne semblent pas être un facteur de risque important dans la plupart des populations.

Plusieurs groupes de produits chimiques ont été mis en cause dans la majorité des épisodes déclenchants, en particulier les solvants organiques, les pesticides et les irritants respiratoires qui sont beaucoup employés en milieu de travail. Un autre facteur semble commun à de nombreux cas: la présence du syndrome des bâtiments malsains. Certains patients présentant des symptômes caractéristiques du SBM finissent en effet par souffrir de syndrome d’intolérance aux produits chimiques. Bien qu’il existe beaucoup de similitudes entre ces deux affections, leurs caractéristiques épidémiologiques devraient les distinguer. Le SBM frappe généralement la majorité des personnes partageant le même environnement et leur état s’améliore après instauration de mesures correctives; le syndrome d’intolérance aux produits chimiques se manifeste de manière sporadique et ne répond pas de façon prévisible aux modifications susceptibles d’être apportées au milieu de travail.

Enfin, il est intéressant de se demander si ce syndrome est une affection nouvelle ou plutôt la manifestation ou la perception nouvelle d’une affection ancienne. Les opinions divergent en ce qui concerne la pathogénie proposée. Les tenants de l’influence biologique des agents environnementaux, notamment les cliniciens écologistes, estiment que le syndrome d’intolérance aux produits chimiques est une maladie du XXe siècle, dont l’incidence augmente avec l’utilisation des produits chimiques (Ashford et Miller, 1991). Les partisans de la thèse des mécanismes psychologiques considèrent qu’il s’agit d’une maladie psychosomatique ancienne ayant adopté une forme nouvelle, à l’image de notre société (Brodsky, 1983; Shorter, 1992). Selon cette théorie, la perception sociale négative des produits chimiques, considérés comme dangereux, a contribué à donner un contenu symbolique nouveau à un problème ancien, la maladie psychosomatique.

Historique

Le syndrome d’intolérance aux produits chimiques n’a pas encore fait l’objet d’études suffisantes pour qu’il soit possible de préciser son évolution ou son issue. Les descriptions d’un nombre considérable de cas ont fourni certains indices et le profil général de la maladie semble être le suivant: développement rapide parallèle au processus de généralisation, suivi de périodes moins prévisibles d’améliorations et d’exacerbations progressives. Même si le patient peut avoir l’impression que ces cycles sont dus à des facteurs environnementaux ou au traitement, il n’existe pas de preuves scientifiques de l’existence de tels liens de causalité.

Deux conclusions importantes s’imposent. Premièrement, il est peu probable que ce syndrome soit évolutif. On n’observe pas, d’une année à l’autre, de détérioration de l’état des patients, établie au moyen de paramètres physiques mesurables, ni l’apparition de complications, telles que des infections ou la défaillance d’un système ou d’un appareil de l’organisme survenant en l’absence de maladie concomitante. Deuxièmement, il n’est pas établi que ce syndrome puisse être mortel, malgré ce qu’en pensent les patients. Ces conclusions pourraient servir de base à un pronostic favorable et contribuer à rassurer les patients, mais les descriptions cliniques permettant de conclure avec une égale certitude à des rémissions complètes sont rares. Si l’on peut espérer des progrès marqués, ils sont généralement attribuables à une amélioration de la capacité fonctionnelle du patient et de son sentiment de bien-être. La tendance sous-jacente à réagir à l’exposition aux produits chimiques persiste généralement, même si les symptômes peuvent devenir suffisamment tolérables pour que la victime puisse reprendre une vie normale.

La prise en charge clinique

Nos connaissances concernant le traitement de ce syndrome sont très limitées. Bon nombre de méthodes, classiques ou non, ont été mises à l’essai, mais leur efficacité n’a pas été confirmée à l’aide des critères scientifiques habituels. Comme c’est le cas pour d’autres maladies, les approches thérapeutiques reflètent les théories relatives à la pathogénie de cette affection. Les cliniciens écologistes et les autres praticiens convaincus que ce syndrome est dû à une déficience du système immunitaire engendrée par de fortes concentrations de produits chimiques exogènes ont insisté sur la nécessité d’éviter les produits chimiques synthétiques. Les tenants de cette théorie ont eu recours à des stratégies diagnostiques pour déterminer les sensibilités «spécifiques» au moyen de divers essais non validés, dans le but de «désensibiliser» les patients. Parallèlement à cette approche, ils ont appliqué des techniques destinées à accroître l’immunité sous-jacente par l’administration de suppléments alimentaires, comme des vitamines et des antioxydants, et ont tenté d’éliminer les levures ou d’autres organismes commensaux. Une approche plus radicale est axée sur l’élimination des substances toxiques de l’organisme par chélation ou par renouvellement accéléré des lipides où sont stockés les pesticides liposolubles, les solvants et d’autres produits chimiques organiques.

Les partisans de l’explication psychologique ont évidemment mis à l’essai d’autres méthodes. Ils ont notamment employé des thérapies de soutien, individuelles ou collectives, et des techniques plus classiques de modification du comportement, dont l’efficacité demeure hypothétique. La plupart des observateurs ont été frappés par l’intolérance des patients à l’égard des médicaments généralement employés dans le traitement des troubles affectifs ou anxieux. Cette impression est corroborée par un essai en double insu contrôlé contre placebo qui a été effectué par l’auteur du présent article sur un échantillon restreint. Cet essai, qui portait sur la fluvoxamine, a été interrompu en raison des effets indésirables observés chez cinq des huit premiers patients ayant participé à cette étude.

En dépit de l’insuffisance des connaissances actuelles, on peut énoncer certains principes thérapeutiques.

Tout d’abord, il faut éviter, si possible, de rechercher chez un sujet donné la «cause» précise du syndrome d’intolérance aux produits chimiques: cet effort serait vain et inefficace. Bon nombre de patients ont déjà subi un grand nombre d’examens au moment où l’on envisage ce diagnostic et, à leurs yeux, les tests sont autant de preuves de l’existence d’un état pathologique et d’un remède précis. Quelle que soit la théorie privilégiée par le clinicien, il convient d’informer le patient de l’état actuel des connaissances et des incertitudes qui persistent concernant ce syndrome et surtout lui faire comprendre que la cause de cette affection est inconnue. Il faut le rassurer et lui préciser que, même si on prend en considération les aspects psychologiques, cela ne signifie pas pour autant que sa maladie est moins réelle ou moins grave et qu’elle ne mérite pas d’être traitée. Le patient doit savoir que ce syndrome n’est probablement ni évolutif ni mortel et qu’il ne doit pas, pour l’instant, s’attendre à une guérison complète.

Malgré l’incertitude qui persiste concernant la pathogénie de la maladie, il est la plupart du temps nécessaire d’éviter que le patient soit en contact avec les éléments de son milieu professionnel qui engendrent les symptômes. L’éviction totale n’est évidemment pas recommandée, car elle irait à l’encontre de l’objectif recherché qui est d’améliorer la capacité fonctionnelle du travailleur; il faut toutefois maîtriser davantage les réactions symptomatiques fréquentes et graves, approche qui constitue la pierre angulaire d’une solide relation thérapeutique avec le patient. Un changement de travail s’avère souvent nécessaire. On pourra envisager d’accorder des prestations de réparation au travailleur, car même si on ne connaît pas précisément la pathogénie de ce syndrome, on peut fort bien considérer qu’il n’est que la complication d’une exposition professionnelle plus facilement identifiable (Cullen, 1994).

Toutes les thérapies ultérieures doivent viser à accroître la capacité fonctionnelle du patient. Les problèmes psychologiques: difficultés d’adaptation, anxiété et dépression devraient être traités, de même que les problèmes concomitants, comme les allergies atopiques typiques. Etant donné que les patients atteints de ce syndrome ne tolèrent en général pas les produits chimiques, il est souvent nécessaire de privilégier des approches autres que pharmacologiques. En l’absence d’un traitement bien établi, la majorité des patients a besoin d’être dirigée, conseillée et rassurée pour arriver à composer avec la maladie (Lewis, 1987). Il faut les encourager à élargir leur champ d’activité et décourager la passivité et la dépendance, attitude fréquente chez les personnes souffrant de ce type de trouble.

La prévention et la lutte contre la maladie

Comme la pathogénie de cette affection et les facteurs de risque prédisposants chez l’hôte sont encore mal connus, il est évidemment difficile de concevoir des stratégies de prévention primaire. Il y a tout lieu de croire, toutefois, que l’on pourra réduire sa fréquence en limitant les risques d’exposition aiguë en milieu de travail qui sont responsables de la symptomatologie chez certains hôtes, notamment les expositions aux irritants respiratoires, aux solvants et aux pesticides. Les mesures proactives visant à améliorer la qualité de l’air dans les bureaux où la ventilation laisse à désirer devraient sans doute être également utiles.

La prévention secondaire semble constituer une voie plus prometteuse, bien qu’aucune intervention particulière n’ait encore fait l’objet d’études. Etant donné que les facteurs psychologiques pourraient jouer un rôle chez les victimes de surexposition professionnelle, il est recommandé de traiter consciencieusement et précocement les personnes exposées, même si le pronostic sous l’angle de l’exposition elle-même semble favorable. Les patients examinés en clinique ou en salle d’urgence immédiatement après une exposition aiguë devraient subir une évaluation visant à déterminer leurs réactions à l’incident et sans doute bénéficier d’un suivi très étroit s’ils manifestent une crainte excessive des effets à long terme ou si on observe des symptômes persistants. Il convient assurément de prendre des mesures pour empêcher la répétition d’incidents qui peuvent être évités, car ce type d’exposition pourrait être un important facteur de risque du syndrome d’intolérance aux produits chimiques, indépendamment du mécanisme causal.

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

American Society of Heating, Refrigerating, and Airconditioning Engineers (ASHRAE), 1989: Standard 62-89: Ventilation for Acceptable Indoor Air Quality (Atlanta).

American Society for Testing and Materials (ASTM), 1984: Standard Test Method for the Estimation of Sensory Irritancy of Airborne Chemicals (Philadelphie).

American Thoracic Society, 1990: «Environmental controls and lung disease», American Review of Respiratory Disease, vol. 142, no 4, pp. 915-939 (erratum dans ibid., 1991, vol. 143, no 3, p. 688.

Ashford, N.A. et Miller, C.S., 1991: Chemical Exposures: Low Levels and High Stakes (New York, Van Nostrand Reinhold).

Bascom, R., 1992: «Multiple chemical sensitivity: A respiratory disorder?», Toxicology and Industrial Health, vol. 8, pp. 221-228.

Bell, I., 1982: Clinical Ecology (Colinas, Californie, Common Knowledge Press).

Black, D.W., Ruth, A. et Goldstein, R.B., 1990: «Environmental illness: A controlled study of 26 subjects with 20th century disease», Journal of the American Medical Association, vol. 264, pp. 3166-3170.

Bolle-Wilson, K., Wilson, R.J. et Bleecker, M.L., 1988: «Conditioning of physical symptoms after neurotoxic exposure», Journal of Occupational Medicine, vol. 30, pp. 684-686.

Brodsky, C.M., 1983: «Psychological factors contributing to somatoform diseases attributed to the workplace. The case of intoxication», ibid., vol. 25, pp. 459-464.

Brown, S.K., Sim, M.R., Abramson, M.J. et Gray, C.N., 1994: «Concentrations of VOC in indoor air», Indoor Air, vol. 2, pp. 123-134.

Buchwald, D. et Garrity, D., 1994: «Comparison of patients with chronic fatigue syndrome, fibromyalgia, and multiple chemical sensitivities», Archives of Internal Medicine, vol. 154, pp. 2049-2053.

Cullen, M.R., 1987: «The worker with multiple chemical sensitivities: An overview», dans M.R. Cullen (directeur de publication): Workers with Multiple Chemical Sensitivities. State-of-the-Art Reviews in Occupational Medicine (Philadelphie, Hanley et Belfus).

—. 1994: «Multiple chemical sensitivities: Is there evidence of extreme vulnerability of the brain to environmental chemicals?», dans R.L. Isaacson et K.I.F. Jensen (directeurs de publication): The Vulnerable Brain and Environmental Risks (New York, Plenum).

Cullen, M.R., Pace, P.E. et Redlich, C.A., 1992: «The experience of the Yale Occupational and Environmental Medicine Clinics with multiple chemical sensitivities, 1986-1989», Toxicology and Industrial Health, vol.8, no 4, pp. 15-19.

Fiedler, N., Kipen, H.M., DeLuca, J., Kelly-McNeil, K. et Natelson, B., 1996: «A controlled comparison of multiple chemical sensitivities and chronic fatigue syndrome», Psychosomatic Medicine, vol. 58, no 1, pp. 38-49.

Hodgson, M.J., 1992: «A series of field studies on the sick-building syndrome», Annals of the New York Academy of Sciences, vol.641, pp. 21-36.

Hodgson, M.J., Levin, H. et Wolkoff, P., 1994: «Volatile organic compounds and indoor air (review)», Journal  of  Allergy  and  Clinical  Immunology,  vol.  94, pp. 296-303.

Kipen, H.M., Hallman, K., Kelly-McNeil, K. et Fiedler, N., 1995: «Measuring chemical sensitivity prevalence», American Journal of Public Health, vol. 85, no 4, pp. 574-577.

Levin, A.S. et Byers, V.S., 1987: «Environmental illness: A disorder of immune regulation», State-of-the-Art Reviews in Occupational Medicine, vol. 2, pp. 669-682.

Lewis, B.M., 1987: «Workers with multiple chemical sensitivities: Psychosocial interventions», ibid., vol. 2, pp. 791-800.

Mendell, M.J., 1993: «Non-specific symptoms in office workers: A review and summary of the literature», Indoor Air, vol. 4, pp. 227-236.

Middaugh, D.A., Pinney, S.M. et Linz, D.H., 1992: «Sick building syndrome: Medical evaluation of two work forces» Journal of Occupational Medicine, vol. 34, pp. 1197-1203.

Miller, C.S., 1992: «Possible models for multiple chemical sensitivity: Conceptual issues and the role of the limbic system», Toxicology and Industrial Health, vol. 8, no 4, pp. 181-202.

Mølhave, L., Bach, R. et Pederson, O.F., 1986: «Human reactions to low concentrations of volatile organic compounds», Environment International, vol. 12, pp. 167-175.

Mølhave, L. et Nielsen, G.D., 1992: «Interpretation and limitations of the concept ‘Total volatile organic compounds’ (TVOC) as an indicator of human responses to exposures of volatile organic compounds (VOC) in indoor air», Indoor Air, vol. 2, pp. 65-77.

Robertson, A.S., Burge, P.S., Hedge, A., Wilson, S.et Harris-Bass, J., 1988: «Relation between passive cigarette smoke exposure and ‘building sickness’», Thorax, vol. 43, p. 263.

Schottenfeld, R.S. et Cullen, M.R., 1985: «Occupation-induced post-traumatic stress disorder», American Journal of Psychology, vol. 142, pp. 198-202.

Selner, J.C. et Strudenmayer, H., 1992: «Neuropsychophysiologic observations in patients presenting with environmental illness», Toxicology and Industrial Health, vol. 8, pp. 145-156.

Shorter, E., 1992: From Paralysis to Fatigue (New York, The Free Press).

Simon, G.E., 1992: «Epidemic MCS in an industrial setting», Toxicology and Industrial Health, vol. 8, pp. 41- 46.

Simon, G.E., Daniel, W. et Stockbridge, H., 1993: «Immunologic, psychologic, and neuropsychological factors in multiple chemical sensitivity», Annals of Internal Medicine, vol. 19, pp. 97-103.

Sundell, J., Lindvall, T., Stenberg, B. et Wall, S., 1994: «SBS in office workers and facial skin symptoms among VDT workers in relation to building and room characteristics: Two case-referent studies», Indoor Air, vol. 2, pp. 83-94.

Wechsler, C.J., 1992: «Indoor chemistry: Ozone, vol-atile organic compounds, and carpets», Environmental Science and Technology, vol. 26, pp. 2371-2377.

Welch, L.S. et Sokas, P., 1992: «Development of MCS after an outbreak of sick building syndrome», Toxico-logy and Industrial Health, vol. 8, pp. 47-50.

Woods, J.E., 1989: «Cost avoidance and productivity», State-of-the-Art Reviews in Occupational Medicine, vol. 4, pp. 753-770.

RÉFÉRENCES COMPLÉMENTAIRES

Ahearn, D.G., Price, D.L., Simmons, R.B. et Crow, S.A., Jr., 1992: «Colonization studies of various HVAC insulation materials», IAQ’ 92 Environments for People (Atlanta, ASHRAE).

Anonyme, 1992: «Discomfort from ETS among employees at work sites with minimal smoking restrictions», Morbidity and Mortality Weekly Report, vol. 41, pp. 351-354.

Apter, A., Bracker, A., Hodgson, M.J., Sidman, J. et Leung, W.Y., 1994: «Epidemiology of the sick building syndrome», Journal of Allergy and Clinical Immunology, vol. 94, pp. 277-288.

Bascom, R., 1991: «The upper respiratory tract: Mucous membrane irritation», Environmental Health Perspectives, vol. 95, pp. 39-44.

Bauer, R., Greve, K., Besch, E.L., Schramke, C.J., Crouch, J., Hicks, A., Ware, M.R. et Lyles, W.B., 1992: «The role of psychological factors in the report of building related symptoms in sick-building syndrome»,  Journal  of  Clinical  Consult  Neuropsychology, vol. 60, pp. 213-219.

Boswell, R.T., Diberardinis, L. et Ducatman, A., 1994: «Descriptive epidemiology of indoor odor complaints at a large teaching institution», Applied Occupational and Environmental Hygiene, vol. 9, pp. 281-286.

Burge, H., 1993: «Characterization of bioaerosols in the US», IAQ’ 92 Environments for People (Atlanta, ASHRAE).

Burge, P.S., Hedge, A., Wilson, S., Harry-Bass, J. et Robertson, A.S., 1987: «Sick-building syndrome: A study of 4,373 office workers», Annals of Occupational Hygiene, vol. 31, pp. 493-504.

Cain, W.S., Leaderer, B.P. et Isseroff, R., 1983: «Vent- ilation requirements in buildings — control of occupancy odor and tobacco smoke», Atmospheric Environment, vol. 17, pp. 1183-1197.

Cometto-Muniz, J.E., et Cain, W.S., 1992: «Sensory irritation: Relation to indoor air pollution. Sources of indoor contaminants», Annals of the New York Academy of Sciences, vol. 641, pp. 137-151.

Cone, J.E. et Hodgson, M.J. (directeurs de publication), 1989: «Problem buildings: Building-associated illness and the sick building syndrome», State-of-the-Art Reviews in Occupational Medicine, vol. 4, p. 4.

Cullen, M.R., 1991: «Multiple chemical sensitivities. Development of public policy in the face of scientific uncertainty», New Solutions, automne, pp. 16-24.

Finnegan, M., Pickering, C.A.C. et Burge, P.S., 1984: «The sick-building syndrome: Prevalence studies», British Medical Journal, vol. 289, pp. 1573-1575.

Flannigan, B., 1993: «Approaches to the assessment of microbial flora of buildings», IAQ’ 92 Environments for People (Atlanta, ASHRAE).

Foarde, K., Cole, E., Van Osdell, D., Bush, D., Franke, D. et Chang, J., 1992: «Characterization of environmental chambers for evaluating microbial growth on building materials», ibid.

Franck, C. et Skov, P., 1991: «Evaluation of two different questionnaires used for diagnosing ocular manifestations in the sick-building syndrome on the basis of an objective index», Indoor Air, vol. 1, pp. 5-11.

Gustafsson, H., 1992: Building Materials Identified as Sources for Indoor Air Pollutants: A Critical Review and Case Studies, vol. D10 (Stockholm, Swedish Council for Building Research).

Hansen, L., Nielsen, G.D., Tottrup, J., Abildgaard, A., Dahl, O.F., Hansem, G.K. et Nielsen, O., 1991: «Biological determination of emission of irritants from paint and lacquer», Indoor Air, vol. 2, pp. 95-110.

Hoffman, R., Wood, R.C. et Kreiss, K., 1993: «Building-related asthma in Denver office workers», Amer-ican Journal of Public Health, vol. 83, pp. 89-93.

Jarvis, B.B., 1990: «Mycotoxins and indoor air quality», dans P.H. Morey, J.C. Feeley, Jr., J.A. Otten (directeurs de publication): Biological Contaminants in Indoor Environments, vol. 83, pp. 200-210.

Kjaergard, S., Mølhave L. et Pederson, O.F., 1991: «Human reactions to a mixture of indoor pollutants», Atmospherique Environment, vol. 25, pp. 1417-1426.

Kjaergard, S., Taudorff, E., Mølhave, L. et Pederson, O.F.,1990: «Assessment of changes in eye redness», International Archives of Occupational and Environmental Health, vol. 62, pp. 133-137.

Knöppel, H. et Wolkoff, P. (directeurs de publication), 1992: Chemical, Microbiological, Health, and Comfort Aspects of Indoor Air Quality (Dordrecht, Boston, Kluwer Academic Publishers).

Koren, H., Graham, D.E., Devlin, R.B. et Knöppel, H., 1992: «Exposure of humans to a volatile organic mixture. III. Inflammatory response» Archives of Envir-onmental Health, vol. 47, no 1, pp. 39-44.

Kroeling, P., 1987: «Untersuchungen zum ‘building-illness’ syndrom in klimatisierten Gebäuden», Gesundheits-Ingenieur,  Haustechnik,  Bauphysik,  Umwelttechnik, vol. 108, pp. 121-130.

Martikainen, M., Asikainen, A., Nevalainen, A., Jantunen, M., Pasanen, P. et Kallikowski, P., 1990: «Microbial growth on ventilation filter materials», Proceedings of Indoor Air, vol. 3, pp. 203-206.

Meggs, W.J., 1993: «Neurogenic inflammation and sensitivity to environmental chemicals», Environmental Health Perspectives, vol. 101, pp. 234-238.

Melius, J., Wallingford, K., Carpenter, J. et Keenlyside, R., 1984: «Indoor air quality: The NIOSH experience», Annals of the American Conference of Governmental Industrial Hygienists, vol. 10, pp. 3-7.

Mendell, M. et Smith, A.B., 1990: «Consistent pattern of elevated symptoms in air-conditioned office buildings: A reanalysis of epidemiologic studies», American Journal of Public Health, vol. 80, pp. 1193-1199.

Menzies, R.I., Tamblyn, R.M., Farant, J.P., Hanley, J., Nunes, F. et Tamblyn, R.T., 1993: «The effect of varying levels of outdoor air supply on symptoms of the sick building syndrome», New England Journal of Medicine, vol. 328, no 12, pp. 821-827.

Miller, J.D., 1993: «Fungi and the building engineer», IAQ’ 92 Environments for People (Atlanta, ASHRAE).

Nielsen, G.D., 1991: «Mechanisms of activation of the sensory irritant receptor», CRC Critical Reviews in Toxicology, vol. 21, pp. 183-208.

—. 1992: «Irritation of the upper airways. Mechanisms and structure-activity relationships», dans Chemical, Microbiological, Health and Comfort Aspect of Indoor Air Quality, op. cit.

Ohm, M., Juto, J.E. et Andersson, K., 1993: «Nasal hyperreactivity and sick building syndrome», IAQ’ 92 Environments for People (Atlanta, ASHRAE).

Organisation mondiale de la santé, 1987: Air Quality Guidelines for Europe (Copenhague, Bureau régional de l’OMS de l’Europe).

Otto, D.A., Hudnell, H.K., House, D.E., Mølhave, L. et Counts, W., 1992: «Exposure of humans to a volatile organic mixture. I. Behavioral assessment» Archives of Environmental Health, vol. 47, no 1, pp. 23-30.

Pasanen, P., Pasanen, A. et Jantunen, M., 1993: «Water condensation promotes fungal growth in ventilation ducts», Indoor Air, vol. 2, pp. 106-112.

Pasanen, P., Teijonsalo, J., Seppänen, O., Ruuskanen, J. et Kalliokoski, P., 1994: «Increase in perceived odor emissions with loading of ventilation filters», Indoor Air, vol. 2, pp. 106-113.

Rafferty, E. et Light, E., 1993: «Indoor air guidelines: Limitations and alternatives», IAQ’ 92 Environments for People (Atlanta, ASHRAE).

Raw, G.J., Roys, M.S. et Whitehead, C., 1993: «Sick-building syndrome: Cleanliness next to healthiness», Indoor Air, vol. 4, pp. 237-245.

Reinikainen, L.M., Jaakola, J. et Seppänen, O., 1992: «The effect of air humidification on symptoms and perception of indoor air quality in office workers: A six-period cross-over study», Archives of Environmental Health, vol. 47, pp. 8-15.

Rylander, R., 1994: «A perspective on indoor air microbiological contamination», ASHRAE Transactions 1994 (Atlanta).

Skov, P., Valbjorn, O. et The Danish Indoor Study Group, 1987: «The sick-building syndrome in the office environment: The Danish Town Hall Study», Environment International, vol. 13, pp. 339-349.

Stenberg, B., Hansson Mild, K., Sandstron, M., Sundell, J. et Wall, S., 1993: «A prevalence study of the SBS and facial symptoms among office workers», Indoor Air, vol. 2, pp. 71-80.

Stolwijk, J.A.J., 1992: «The sick-building syndrome», Environmental Health Perspectives, vol. 95, pp. 99-100.

Strom, G., Palmgren, U., Wessen, B., Helmstrom, B. et Kumlin, A., 1990: «The sick-building syndrome: An effect of microbial growth in building construction», Proceedings of Indoor Air, vol. 1, pp. 173-178.

Sundell, J., Andersson, T., Andersson, K. et Lindvall, T., 1993: «Volatile organic compounds in ventilating air in buildings at different sampling points and their relationship with the prevalence of occupant symptoms», Indoor Air, vol. 2, pp. 82-93.

Tsubota, K. et Nakamuri, K., 1993: «Dry eyes and video-display terminal units», New England Journal of Medicine, vol. 328, p. 584.

Valbjorn, O., Gravesen, S. et Mølhave, L., 1990: «Dust in ventilation ducts», Proceedings of Indoor Air, vol. 3, pp. 361-364.

Walsh, P.J., Dudney, C.S. et Copenhaever, E.D. (directeurs de publication), 1984: Indoor Air Quality (Boca Raton, Floride, CRC Press).

Wilkons, C.K., Wolkoff, P., Gyntelberg, F., Skov, P. et Valbjorn, O., 1993: «Characterization of office dust by VOCs and TVOC release: Identification of potential irritant VOCs by partial least squares analysis», Indoor Air, vol. 4, pp. 283-290.

Wolkoff, P., Hansen, L. et Nielsen, G. D., 1988: «Airway irritating effect of carbonless copy paper examined by the sensory irritation test in mice», Environment International, vol. 14, pp. 43-48.

Wolkoff, P., Nielsen, G.D. et Hansen, L., 1990: «Controlled human reactions to building materials in climate chambers. Part II: VOC measurements, mice bioassay, and decipol evaluation», Proceedings of Indoor Air, vol. 1, pp. 331-336.

Wolkoff, P., Nielsen, G.D., Hansen, L., Albrechtsen, O., Johnsen, C.R., Heniig, J.H., Franck, C. et Nielsen, P.A., 1991: «A study of human reactions to emissions from building materials in climate chambers. Part II: VOC measurements, mouse bioassay, and decipol evaluation in the 1-2 mg/m3 TVOC range», Indoor Air, vol. 4, pp. 389-403.

Wolkoff, P., Johnsen, C.R., Franck, C., Wilhardt, P. et Albrechtsen, O., 1992: «A study of human reactions to office machines in a climatic chamber», Journal of Exposure, Analysis and Environmental Epidemiology, supplément no 1, pp. 1-25.

Wolkoff, P., Wilkons, C.K., Clausen, G. et Larsen, C.K., 1993: «Comparison of volatile organic compound from processed paper and toners from office copiers and printers: Methods, emission rates, and modelled concentrations», Indoor Air, vol. 2, pp. 113-123.

Wyon, D., 1992: «Sick buildings and the experimental approach», Environmental Technology, vol. 13, pp. 313-322.

Zweers, T., Preller, L., Brunekreef, B. et Boleij, J.S.M., 1992: «Health and indoor climate complaints of 7043 office workers in 61 buildings in the Netherlands», Indoor Air, vol. 2, pp. 127-136.