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Chapitre 9 - Le système reproducteur

LE SYSTÈME REPRODUCTEUR: INTRODUCTION

Lowell E. Sever

L’effet d’agents toxiques sur la reproduction chez l’homme et chez la femme est un sujet d’intérêt croissant pour l’étude des risques professionnels. L’effet d’agents toxiques sur la reproduction a été défini comme la survenue d’effets secondaires néfastes pour le système reproducteur pouvant résulter d’une exposition à des agents liés à l’environnement. Cette toxicité peut s’exprimer par des modifications des organes génitaux ou du système endocrinien correspondant et se manifester par:

Les mécanismes à la base d’une toxicité pour la reproduction sont complexes. Davantage de substances xénobiotiques testées se sont montrées plus toxiques pour le processus de reproduction chez l’homme que chez la femme. On ignore cependant si ce phénomène est dû à des différences inhérentes à la toxicité ou au fait qu’il est plus facile d’étudier le sperme que les ovocytes.

La toxicité pour le développement

La toxicité pour le développement a été définie comme la survenue d’effets secondaires néfastes sur l’organisme en cours de développement pouvant résulter d’une exposition (de l’un ou l’autre parent) avant la conception, au cours du développement prénatal ou en période postnatale, jusqu’au moment de la maturation sexuelle. Les effets secondaires néfastes pour le développement peuvent être décelés à n’importe quel moment de la vie de l’organisme. Les principales manifestations de la toxicité pour le développement sont les suivantes:

Dans les paragraphes qui suivent, l’expression toxicité pour le développement sera utilisée comme hyperonyme pour se référer à l’exposition de la mère, du père ou du produit de conception ayant entraîné une anomalie du développement. Le terme tératogenèse sera employé pour désigner de manière plus spécifique une exposition du produit de conception entraînant une malformation structurale. Notre article n’abordera pas les effets d’une exposition postnatale sur le développement.

La mutagenèse

Outre la toxicité pour la reproduction, l’exposition de l’un des parents avant la conception est susceptible de provoquer des anomalies congénitales par le biais d’une mutagenèse, c’est-à-dire de modifications du matériel génétique transmis par les parents à leur descendance. Ces modifications peuvent se produire soit au niveau des gènes ponctuels, soit au niveau des chromosomes. Des modifications ponctuelles de gènes peuvent entraîner la transmission de messages génétiques modifiés, tandis que des changements au niveau chromosomique peuvent entraîner la transmission d’anomalies du nombre ou de la structure des chromosomes.

Il est intéressant de remarquer que, parmi les preuves les plus évidentes du rôle de l’exposition avant la conception dans les anomalies congénitales, certaines proviennent d’études sur l’exposition du père. Par exemple, le syndrome de Prader-Willi, malformation congénitale caractérisée par une hypotonie néonatale, puis par une obésité importante et des troubles comportementaux, a été associé à une exposition professionnelle du père aux hydrocarbures. D’autres études ont montré une relation entre une exposition du père à des agents physiques avant la conception et des malformations congénitales ou des cancers de l’enfant. En particulier, une exposition professionnelle du père à des rayonnements ionisants a été associée à une augmentation du risque de malformation du tube neural et de leucémie chez l’enfant; plusieurs études ont suggéré l’existence d’un lien entre une exposition professionnelle du père à des champs électromagnétiques et des tumeurs cérébrales chez l’enfant (Gold et Sever, 1994). Quand on évalue à la fois les risques pour la fonction de reproduction et les risques d’anomalies congénitales d’une exposition sur le lieu de travail, il est nécessaire d’être de plus en plus attentif aux effets potentiels chez les sujets de sexe masculin.

Il est tout à fait probable que certaines anomalies d’étiologie inconnue ont une composante génétique pouvant être rattachée à une exposition parentale. Etant donné qu’un lien a été établi entre l’âge du père et les taux de mutation, il est logique de penser qu’une exposition et d’autres facteurs paternels peuvent avoir un lien avec des mutations géniques. La relation, clairement établie, entre l’âge de la mère et la non-disjonction chromosomique, qui entraîne des anomalies du nombre de chromosomes, semble indiquer que l’exposition maternelle joue un rôle important dans les anomalies chromosomiques.

Nos connaissances du génome humain se développant, il est vraisemblable que nous allons être capables de relier un plus grand nombre d’anomalies congénitales à des modifications mutagènes au niveau de l’ADN des gènes ponctuels ou à des modifications structurales de segments de chromosomes.

La tératogenèse

Les effets secondaires néfastes pour le développement humain de l’exposition du produit de conception à des agents chimiques exogènes sont connus depuis la découverte du pouvoir tératogène de la thalidomide en 1961. Wilson a établi en 1973 six «principes généraux de tératologie» qui nous intéressent directement dans le cadre de cet article. Ces principes sont les suivants:

  1. les manifestations terminales d’une anomalie du développement sont la mort, une malformation, un retard de croissance et des troubles fonctionnels;
  2. la sensibilité du produit de conception aux agents tératogènes varie en fonction de son stade de développement au moment de l’exposition;
  3. les agents tératogènes agissent par des voies (mécanismes) spécifiques sur les cellules et tissus en cours de développement en induisant une embryogenèse anormale (pathogenèse);
  4. la gravité des manifestations d’une anomalie du développement augmente avec la dose et peut aller de l’absence d’effet à un effet létal;
  5. l’accès des effets néfastes de l’environnement aux tissus en cours de développement dépend de la nature de l’agent;
  6. la sensibilité à un agent tératogène dépend du génotype du produit de conception et de la façon dont ce génotype interfère avec les facteurs liés à l’environnement.

Les quatre premiers principes seront exposés plus en détail ultérieurement, ainsi que l’association des principes 1, 2 et 4 (issue, moment de l’exposition et dose).

L’éventail des différents types d’issues défavorables associées à une exposition

Il existe une grande variété d’issues défavorables pouvant être associées à une exposition. Des études sur les professions, focalisées sur une seule issue, risquent de méconnaître d’autres effets importants sur la reproduction.

La figure 9.1 donne quelques exemples de troubles du développement pouvant être associés à une exposition à des agents tératogènes professionnels. Les résultats de certaines études sur les professions semblent indiquer que les malformations congénitales et les avortements spontanés sont liés au même type d’exposition, aux gaz anesthésiques et aux solvants organiques, par exemple.

Figure 9.1 Anomalies du développement et complications de la reproduction pouvant
être associées à une exposition professionnelle

Figure 9.1

L’avortement spontané est une issue qu’il est important d’étudier, car il peut être dû à différents mécanismes faisant intervenir plusieurs processus pathogènes. Un avortement spontané peut être le résultat d’une toxicité embryonnaire ou fœtale, de modifications chromosomiques, d’effets sur un gène ou d’anomalies morphologiques. Quand on étudie les avortements spontanés, il est important d’essayer de distinguer les produits de conception normaux du point de vue du caryotype de ceux qui ne le sont pas.

Le moment de l’exposition

Le deuxième principe de Wilson établit un lien entre la sensibilité à une anomalie congénitale et le moment de l’exposition, c’est-à-dire l’âge gestationnel du produit de conception. Ce principe a été clairement établi en ce qui concerne l’induction de malformations structurales et on connaît les périodes de sensibilité de l’organo-genèse pour un grand nombre de structures. Si l’on prend en compte un large éventail d’issues, la période de sensibilité pendant laquelle une influence quelconque peut entraîner un effet observable quel qu’il soit doit être étendue à la durée totale de la gestation.

Quand on évalue les risques professionnels de malformations congénitales, il faut déterminer la nature de l’exposition et la classer dans la période critique appropriée, c’est-à-dire l’âge gestationnel, pour chaque issue. Par exemple, les avortements spontanés et les malformations congénitales sont vraisemblablement liés à une exposition au cours du premier et du deuxième trimestre, tandis que le faible poids de naissance et les troubles fonctionnels, comme les crises d’épilepsie et le retard mental, sont plus vraisemblablement liés à une exposition au cours des deuxième et troisième trimestres.

Les mécanismes tératogènes

Selon le troisième principe, il est important de prendre en compte les mécanismes susceptibles d’induire une anomalie de l’embryogenèse. Un certain nombre de mécanismes pouvant aboutir à une tératogenèse ont été évoqués (Wilson, 1977), parmi lesquels:

En prenant en compte les mécanismes, les chercheurs peuvent mettre au point une méthode de regroupement des issues significative du point de vue biologique, ce qui peut également donner un aperçu des produits potentiellement tératogènes; par exemple, pendant un certain temps, on a discuté des rapports entre cancérogenèse, mutagenèse et tératogenèse. Dans la perspective d’une évaluation des risques professionnels pour la reproduction, cette question revêt une importance particulière à deux titres: 1) des substances cancérogènes ou mutagènes ont une probabilité accrue d’être également tératogènes, ce qui montre qu’il est particulièrement important d’être attentif aux effets de telles substances sur la reproduction; 2) les effets sur l’acide désoxyribonucléique (ADN), en induisant des mutations somatiques, sont des mécanismes à la fois cancérogènes et tératogènes.

La dose et l’issue

Le quatrième principe concernant la tératogenèse est la relation entre l’issue et la dose. Ce principe a été clairement établi grâce à de nombreuses études chez l’animal. Selevan (1985), qui a étudié son application potentielle à l’être humain, a noté l’importance de la multiplicité des issues avec des doses spécifiques, et émis l’idée qu’une relation dose-réponse pouvait se traduire par une augmentation du taux d’une issue particulière parallèlement à une augmentation de la dose ou une modification du spectre des issues observées.

S’agissant de la tératogenèse et de la dose, on se préoccupe beaucoup des troubles fonctionnels résultant d’éventuels effets comportementaux de l’exposition prénatale à des agents liés à l’environnement. Les connaissances sur la tératologie comportementale chez l’animal se développent rapidement, mais celles concernant la tératologie comportementale liée à l’environnement chez l’homme sont encore assez rudimentaires. La définition, ainsi que les certitudes dans ce domaine des issues comportementales sont actuellement très limitées pour les études épidémiologiques. Il est en outre possible qu’une faible exposition à des produits toxiques pour le développement joue un rôle important en ce qui concerne certains effets fonctionnels.

La diversité des issues, le moment de l’exposition et la dose

Pour identifier les risques de malformations congénitales sur le lieu de travail, les concepts de diversité des issues, de moment de l’exposition et de dose sont particulièrement importants. D’après nos connaissances en biologie du développement, il existe de toute évidence des liens entre des issues de la reproduction telles que l’avortement spontané, le retard de croissance intra-utérine et les malformations congénitales. De plus, il a été prouvé que de nombreux toxiques agissant sur le développement ont des effets multiples (voir tableau 9.1).

Tableau 9.1 Exemples d'expositions associées à des complications multiples de la reproduction

Exposition

Issue

 

Avortement spontané

Malformation congénitale

Faible poids de naissance

Handicaps du développement

Alcool

X

X

X

X

Gaz anesthésiques

X

X

 

 

Plomb

X

 

X

X

Solvants organiques

X

X

 

X

Tabac

X

X

X

 

Dans le cadre de cette question, il faut tenir compte du moment de l’exposition et de la relation dose-réponse. On sait depuis longtemps que la période embryonnaire au cours de laquelle se produit l’organogenèse (deux à huit semaines après la conception) est le moment le plus sensible pour l’induction de malformations structurales. La période fœtale (de huit semaines jusqu’au terme) est le moment de l’histogenèse au cours duquel se produisent simultanément une augmentation rapide du nombre de cellules et une différenciation cellulaire. C’est au cours de cette période que les risques d’anomalies fonctionnelles et de retard de croissance sont les plus nombreux. Il est possible qu’il existe une relation entre la dose et la réponse au cours de cette période, pendant laquelle une forte dose pourrait aboutir à un retard de croissance et une faible dose à des troubles fonctionnels ou comportementaux.

Les anomalies congénitales à médiation masculine

Si l’on pense habituellement que les anomalies congénitales sont dues à l’exposition de la femme et du produit de conception, c’est-à-dire à des effets tératogènes, des études menées chez l’animal et chez l’être humain apportent de plus en plus d’éléments prouvant que les effets congénitaux peuvent être à médiation masculine. Ces effets pourraient être liés à la transmission de produits chimiques par le père au produit de conception à travers le liquide séminal, à une contamination indirecte de la mère et du produit de conception par des substances rapportées du lieu de travail au foyer du fait d’une contamination individuelle et, comme cela a été mentionné plus haut, à une exposition du père avant la conception, provoquant des modifications génétiques transmissibles (mutations).

INTRODUCTION À LA FONCTION DE REPRODUCTION CHEZ L’HOMME ET CHEZ LA FEMME

Donald R. Mattison

Les effets d’agents toxiques sur la reproduction présentent nombre de différences importantes et tout à fait particulières par rapport aux effets sur d’autres systèmes. Tandis que les autres formes de toxicité liées à l’environnement impliquent habituellement le développement d’une maladie chez la personne exposée, du fait que la reproduction exige une interaction entre deux individus, la toxicité pour la reproduction s’exprime au niveau d’une unité reproductrice, ou couple. Cet aspect particulier, couple-dépendant, même s’il est évident, est distinctif de la toxicité pour la reproduction. Il est possible que l’exposition d’un membre du couple reproducteur (l’homme, par exemple) à un toxique se manifeste par une issue de la reproduction défavorable chez l’autre membre du couple (une augmentation de la fréquence des avortements spontanés). Toute l’étude des causes environnementales de la toxicité pour la reproduction doit prendre en compte cet aspect couple-dépendant.

D’autres aspects distinctifs reflètent les problèmes posés par la toxicité pour la reproduction. A l’inverse de la fonction rénale, cardiaque ou pulmonaire, la fonction génitale ne s’exerce que par intermittence, ce qui signifie que l’exposition professionnelle peut interférer avec la reproduction sans être remarquée au cours des périodes pendant lesquelles la fécondité n’est pas souhaitée. Ce caractère intermittent rend plus difficile l’identification d’un produit toxique pour la reproduction chez les êtres humains. Une autre caractéristique particulière de la reproduction, découlant directement des considérations précédentes, est qu’une évaluation complète de l’intégrité fonctionnelle du système reproducteur exige que le couple essaie d’avoir un enfant.

LE SYSTÈME REPRODUCTEUR MASCULIN ET LA TOXICOLOGIE

Steven Schrader et Grace Kawas Lemasters

La spermatogenèse et la spermiogenèse sont les processus cellulaires qui produisent des cellules sexuelles mâles matures. Ces processus ont lieu dans les tubes séminifères des testicules de l’homme pubère, comme le montre la figure 9.2. Les tubes séminifères de l’homme mesurent entre 30 et 70 cm de long et 150 à 300 µm de diamètre (Zaneveld, 1978). Les spermatogonies (cellules souches), disposées le long de la membrane basale des tubes séminifères, sont les cellules de base pour la production de spermatozoïdes.

Figure 9.2 L'appareil reproducteur masculin

Figure 9.2

Le spermatozoïde parvient à maturité par une série de divisions cellulaires au cours desquelles les spermatogonies prolifèrent et deviennent des spermatocytes de premier ordre. Ceux-ci, encore inactifs, traversent les étroits espaces formés par les cellules de Sertoli et atteignent la face luminale de cette barrière testiculaire. Au moment où les spermatocytes atteignent la barrière membranaire du testicule, la synthèse de l’ADN, le matériel génétique du noyau cellulaire, est, pour l’essentiel, achevée. Lorsqu’ils rencontrent la lumière du tube séminifère, ils passent par un type particulier de division cellulaire qui se produit uniquement dans les cellules germinales et qui s’appelle méiose. La division cellulaire méiotique provoque le clivage des paires de chromosomes du noyau, de sorte que chaque cellule germinale qui en résulte ne contient qu’une seule copie de chaque brin de chromosome au lieu d’une paire.

Au cours de la méiose, les chromosomes changent de forme: ils se condensent et deviennent filamenteux. A un moment, la membrane nucléaire qui les entoure se rompt et des fuseaux microtubulaires se fixent sur les paires de chromosomes, les obligeant à se séparer. Cela met fin à la première division méiotique, qui donne naissance à deux spermatocytes haploïdes de deuxième ordre. Ceux-ci passent par une seconde division méiotique à l’issue de laquelle il se forme un nombre égal de chromosomes X et Y portant des spermatides.

La transformation morphologique des spermatides en spermatozoïdes s’appelle la spermiogenèse. Lorsque celle-ci est terminée, chaque cellule spermatique est libérée par les cellules de Sertoli dans la lumière du tube séminifère par un processus appelé spermiation. Le spermatozoïde migre le long du tube vers le rete testis et dans la tête de l’épididyme. Les spermatozoïdes qui quittent le tube séminifère sont immatures: ils ne sont capables ni de féconder un ovule, ni de se déplacer. Les spermatozoïdes libérés dans la lumière du tube séminifère sont en suspension dans un liquide produit essentiellement par les cellules de Sertoli. En raison de légères modifications du milieu ionique du rete testis, du sperme concentré en suspension dans ce liquide s’écoule en permanence depuis les tubes séminifères jusque dans l’épididyme par les canaux efférents. L’épididyme est un tube unique très enroulé (5 à 6 mètres de long) dans lequel les spermatozoïdes séjournent 12 à 21 jours.

Dans l’épididyme, les spermatozoïdes acquièrent progressivement leur motilité et leur pouvoir fécondant, peut-être en raison d’un changement de nature du liquide contenant la suspension qui se trouve dans l’épididyme. C’est-à-dire que, au fur et à mesure que les cellules mûrissent, l’épididyme absorbe les composants du liquide contenant les sécrétions des cellules de Sertoli (la protéine liant les androgènes, par exemple), ce qui augmente la concentration en spermatozoïdes. L’épididyme apporte également ses propres sécrétions au liquide, dont la glycérylphosphorylcholine et la carnitine, qui sont des substances chimiques.

La morphologie du spermatozoïde continue de se transformer dans l’épididyme. La gouttelette cytoplasmique est éliminée et le noyau du spermatozoïde se condense encore plus. Si l’épididyme est le principal réservoir de stockage des spermatozoïdes jusqu’à l’éjaculation, environ 30% des spermatozoïdes d’un éjaculat étaient stockés dans le canal déférent. Des éjaculations fréquentes accélèrent le passage du sperme dans l’épididyme et peuvent augmenter le nombre de spermatozoïdes immatures (stériles) dans l’éjaculat (Zaneveld, 1978).

L’éjaculation

Une fois dans le canal déférent, les spermatozoïdes sont transportés par les contractions musculaires de l’éjaculation plutôt que par le flux liquidien. Au cours de l’éjaculation, des liquides sont expulsés énergiquement des glandes sexuelles annexes, produisant le plasma séminal. Ces glandes n’expulsent pas leurs sécrétions en même temps. La glande bulbo-urétrale (glande de Cowper) expulse d’abord un liquide clair, puis suivent les sécrétions prostatiques, les liquides contenant les spermatozoïdes issus de l’épi- didyme et de l’ampoule du canal déférent et, enfin, la plus grande partie provenant essentiellement des vésicules séminales. Le plasma séminal n’est donc pas un liquide homogène.

Les effets toxiques sur la spermatogenèse et la spermiogenèse

Des toxiques peuvent perturber la spermatogenèse à différents niveaux. Les toxiques les plus nocifs sont ceux qui détruisent ou modifient les spermatogonies, ou les cellules de Sertoli, du point de vue génétique (sans réparation possible), car leur action est irréversible. Des études chez l’animal ont permis de déterminer le stade auquel un toxique attaque le processus de spermatogenèse. Pour ces études, on soumet les animaux à une exposition de courte durée à un toxique, puis on effectue des prélèvements destinés à en déterminer les effets. En connaissant la durée de chaque stade de la spermatogenèse, il est possible d’en déduire le stade affecté.

L’analyse biochimique du plasma séminal fournit un aperçu de la fonction des glandes sexuelles annexes. Les substances chimiques sécrétées principalement par chacune de ces dernières sont généralement choisies comme marqueur pour chaque type de glande. Ainsi, l’épididyme est représenté par la glycérylphosphorylcholine, les vésicules séminales par le fructose et la prostate par le zinc. Il faut noter que ce type d’analyse ne fournit que des informations grossières sur la fonction glandulaire et peu, ou pas, d’informations sur les autres constituants sécrétoires. La mesure du pH et de l’osmolalité du sperme donne des informations générales supplémentaires sur la nature du plasma séminal.

Il est possible d’analyser le plasma séminal, à la recherche d’un toxique ou de son métabolite. Des métaux lourds y ont été détectés grâce à la spectrophotométrie par absorption atomique, tandis que des hydrocarbures halogénés ont été dosés dans le sperme par chromatographie en phase gazeuse après extraction ou filtration protéine-limitante (Stachel et coll., 1989; Zikarge, 1986).

La viabilité et la motilité des spermatozoïdes dans le plasma séminal reflètent habituellement sa qualité. Des modifications de leur viabilité, mesurée par l’absence de coloration ou le gonflement hypo-osmotique, ou de leurs paramètres de motilité pourraient évoquer des effets toxiques post-testiculaires.

L’analyse du sperme peut également indiquer si la production de cellules spermatiques a été touchée par un toxique. Le nombre et la morphologie des spermatozoïdes donnent des indications sur l’intégrité de la spermatogenèse et de la spermiogenèse. Le nombre de spermatozoïdes présents dans l’éjaculat est directement lié au nombre de cellules germinales par gramme de testicule (Zukerman et coll., 1978), tandis qu’une morphologie anormale résulte probablement d’une spermiogenèse anormale. Des spermatozoïdes morts ou immobiles reflètent souvent les effets d’événements post-testiculaires. Le type d’effet toxique ou le moment de sa survenue donne des indications sur la cible du toxique. Par exemple, l’exposition de rats mâles au 2-méthoxyéthanol a entraîné une diminution de la fécondité après quatre semaines (Chapin et coll., 1985). Ce signe, confirmé par l’examen histologique, indique que la cible de l’effet toxique est le spermatocyte (Chapin et coll., 1984). S’il n’est pas acceptable du point de vue éthique d’exposer intentionnellement des sujets humains à des produits que l’on suspecte d’être toxiques pour la reproduction, l’analyse du sperme provenant d’éjaculats en série d’hommes accidentellement exposés sur une courte durée à des toxiques potentiels peut fournir des informations similaires utiles.

L’exposition professionnelle au 1,2-dibromochloropropane (DBCP) a diminué la concentration de spermatozoïdes dans les éjaculats, la faisant passer de 79 millions de cellules/ml en moyenne chez des hommes n’ayant pas été exposés à 46 millions de cellules/ml chez des travailleurs exposés (Whorton et coll., 1979). Une fois soustraits à cette exposition, les hommes dont le nombre de spermatozoïdes avait diminué ont récupéré partiellement, tandis que ceux qui étaient azoospermiques sont restés stériles. La biopsie testiculaire a révélé que la cible du DBCP était la spermatogonie. Cela confirme la gravité de l’effet lorsque les cellules souches sont la cible des toxiques. Rien n’indiquait que l’exposition d’hommes au DBCP était associée à une issue défavorable de la grossesse (Potashnik et Abeliovich, 1985). L’étude de travailleurs exposés au dibromure d’éthylène constitue un autre exemple de toxiques ayant pour cible la spermatogenèse/spermiogenèse. Ces travailleurs avaient plus de spermatozoïdes à tête fuselée et moins de spermatozoïdes par éjaculat que les témoins (Ratcliffe et coll., 1987).

L’atteinte génétique est difficile à déceler dans le sperme humain. Plusieurs études chez l’animal utilisant le test de mutation létale dominante (Ehling et coll., 1978) indiquent que l’exposition du père peut entraîner une issue pathologique de la grossesse. Des études épidémiologiques portant sur des populations importantes ont montré une augmentation de la fréquence des avortements spontanés chez des femmes dont le mari travaillait dans la mécanique automobile (McDonald et coll., 1989). De telles études indiquent la nécessité de trouver des méthodes permettant de déceler l’atteinte génétique du sperme humain. Plusieurs laboratoires sont en train de mettre au point certaines techniques, notamment des sondes d’ADN destinées à détecter les mutations génétiques (Hecht, 1987), le caryotypage des chromosomes des spermatozoïdes (Martin, 1983) et l’évaluation de la stabilité de l’ADN par cytométrie de flux (Evenson, 1986).

La figure 9.3 donne la liste des toxiques connus pour affecter la qualité du sperme et le tableau 9.2 présente un résumé des résultats des études épidémiologiques concernant les effets de l’exposition paternelle sur la reproduction.

Figure 9.3 Expositions associées à des effets nuisant à la qualité du sperme

Figure 9.3

Tableau 9.2 Etudes épidémologiques concernant les effets de l'exposition paternelle
sur l'issue de la grossesse

Référence

Type d’exposition ou de profession

Association avec une exposition1

Effet

Etudes de populations basées sur le dossier médical

Lindbohm et coll., 1984

Solvants

Avortement spontané

Lindbohm et coll., 1984

Station-service

+

Avortement spontané

Daniell et Vaughan, 1988

Solvants organiques

Avortement spontané

McDonald et coll., 1989

Mécanique

+

Avortement spontané

McDonald et coll., 1989

Traitement des aliments

+

Anomalies du développement

Lindbohm et coll., 1991a

Oxyde d’éthylène

+

Avortement spontané

Lindbohm et coll., 1991a

Raffinerie de pétrole

+

Avortement spontané

Lindbohm et coll., 1991a

Produits d’imprégnation du bois

+

Avortement spontané

Lindbohm et coll., 1991a

Produits chimiques utilisés dans l’industrie du caoutchouc

+

Avortement spontané

Olsen et coll., 1991

Métaux

+

Risque de cancer chez l’enfant

Olsen et coll., 1991

Machinistes

+

Risque de cancer chez l’enfant

Olsen et coll., 1991

Forgerons

+

Risque de cancer chez l’enfant

Kristensen et coll., 1993

Solvants

+

Naissance prématurée

Kristensen et coll., 1993

Plomb et solvants

+

Naissance prématurée

Kristensen et coll., 1993

Plomb

+

Mort périnatale

Kristensen et coll., 1993

Plomb

+

Morbidité des enfants de sexe masculin

Etudes cas-témoins

Kucera, 1968

Imprimerie

(+)

Fente labiale

Kucera, 1968

Peinture

(+)

Fente palatine

Olsen, 1983

Peinture

+

Atteinte du système nerveux central

Olsen, 1983

Solvants

(+)

Atteinte du système nerveux central

Sever et coll., 1988

Rayonnements de faible intensité

+

Malformations du tube neural

Taskinen et coll., 1989

Solvants organiques

+

Avortement spontané

Taskinen et coll., 1989

Hydrocarbures aromatiques

+

Avortement spontané

Taskinen et coll., 1989

Poussière

+

Avortement spontané

Gardner et coll., 1990

Rayonnements

+

Leucémie de l’enfant

Bonde, 1992

Soudure

+

Difficultés de conception

Wilkins et Sinks, 1990

Agriculture

(+)

Tumeur cérébrale de l’enfant

Wilkins et Sinks, 1990

Construction

(+)

Tumeur cérébrale de l’enfant

Wilkins et Sinks, 1990

Traitement des aliments/du tabac

(+)

Tumeur cérébrale de l’enfant

Wilkins et Sinks, 1990

Métaux

+

Tumeur cérébrale de l’enfant

Lindbohmn et coll., 1991b

Plomb

(+)

Avortement spontané

Sallmen et coll., 1992

Plomb

(+)

Malformations congénitales

Veulemans et coll., 1993

Ethylèneglycoléther

+

Anomalies du spermogramme

Chia et coll., 1992

Métaux

+

Cadmium dans le sperme

1 Pas d'association significative; (+) association légèrement significative; + association significative

Source: d'après Taskinen, 1993.

Le système neuroendocrinien

Le fonctionnement global du système reproducteur est contrôlé par le système nerveux et les hormones produites par les glandes (système endocrinien). L’axe neuroendocrinien reproducteur de l’homme comprend essentiellement le système nerveux central, l’antéhypophyse et les testicules. Les afférences du système nerveux central et de la périphérie sont intégrées par l’hypothalamus, qui régule directement la sécrétion de gonadotrophines par l’antéhypophyse. Les gonadotrophines, à leur tour, agissent essentiellement sur les cellules de Leydig contenues dans l’interstitium et sur les cellules de Sertoli et les cellules germinales contenues dans les tubes séminifères, afin de réguler la spermatogenèse et la production d’hormones par les testicules.

L’axe hypothalamo-hypophysaire

L’hypothalamus sécrète une neurohormone, la gonadostimuline, dans le système porte hypophysaire, qui la transporte vers l’antéhypophyse. La sécrétion pulsatile de ce décapeptide provoque la libération concomitante de l’hormone lutéinisante (LH) et, d’une manière moins synchrone et avec cinq fois moins de puissance, celle de l’hormone folliculo-stimulante (FSH) (Bardin, 1986). Il existe des preuves convaincantes de la présence d’une hormone libératrice de la FSH particulière, bien qu’elle n’ait pas encore pu être isolée (Savy-Moore et Schwartz, 1980; Culler et Negro-Vilar, 1986). Ces hormones sont sécrétées par l’antéhypophyse. La LH agit directement sur les cellules de Leydig afin de stimuler la synthèse et la libération de testostérone, tandis que la FSH stimule l’aromatisation de la testostérone en œstradiol par les cellules de Sertoli. La stimulation gonadotrope entraîne la libération de ces hormones stéroïdiennes dans la veine spermatique.

La sécrétion de gonadotrophines, à son tour, est contrôlée par la testostérone et l’œstradiol au moyen de mécanismes de rétroaction négative. La testostérone agit principalement sur l’hypothalamus pour réguler la sécrétion de gonadostimuline et, ainsi, diminue la fréquence des pulsations libérant essentiellement la LH. D’autre part, l’œstradiol agit sur l’hypophyse afin de diminuer l’amplitude de la libération de gonadotrophines. Par ces boucles endocriniennes rétroactives, la fonction testiculaire en général, et la sécrétion de testostérone en particulier, sont maintenues relativement constantes.

L’axe hypophyso-testiculaire

La LH et la FSH sont généralement considérées comme nécessaires à une spermatogenèse normale. Il est probable que l’effet de la LH est secondaire à l’induction d’une concentration intratesticulaire élevée de testostérone. Par conséquent, la FSH de l’hypophyse et la testostérone des cellules de Leydig agissent sur les cellules de Sertoli contenues dans l’épithélium du tube séminifère afin de déclencher la spermatogenèse. La production de spermatozoïdes se poursuit, bien que quantitativement réduite, après la disparition soit de la LH (et probablement de la forte concentration intratesticulaire de testostérone), soit de la FSH. La FSH est nécessaire pour déclencher la spermatogenèse à la puberté et, dans une moindre mesure, pour relancer la spermatogenèse lorsqu’elle a été interrompue (Matsumoto, 1989; Sharpe, 1989).

La synergie hormonale qui sert à entretenir la spermatogenèse pourrait comporter le recrutement par la FSH de spermatogonies différenciées afin qu’elles entament la méiose, tandis que la testo-stérone contrôlerait des stades ultérieurs spécifiques de la spermatogenèse. La FSH et la testostérone peuvent également agir sur les cellules de Sertoli afin de stimuler la production d’un ou de plusieurs facteurs paracrines pouvant modifier le nombre de cellules de Leydig et leur production de testostérone (Sharpe, 1989). La FSH et la testostérone stimulent la synthèse de protéines par les cellules de Sertoli, notamment la synthèse de la protéine liant les androgènes (ABP), tandis que la FSH seule stimule la synthèse de l’aromatase et de l’inhibine. L’ABP, sécrétée essentiellement dans le liquide du tube séminifère, est transportée vers la partie proximale de la tête de l’épididyme, où elle sert probablement de support local pour les androgènes (Bardin, 1986). L’aromatase catalyse la conversion de la testostérone en œstradiol dans les cellules de Sertoli et dans d’autres tissus périphériques.

L’inhibine est une glycoprotéine composée de deux sous-unités différentes, a et b, liées par un pont disulfure. Si l’inhibine entrave préférentiellement la libération de FSH, elle peut également diminuer la libération de LH en présence d’une stimulation par la gonadostimuline (Kotsugi et coll., 1988). La FSH et la LH stimulent la libération d’inhibine avec sensiblement la même puissance (McLachlan et coll., 1988). Il est intéressant de noter que l’inhibine est excrétée dans le sang de la veine spermatique par des pulsations synchrones avec celles de la testostérone (Winters, 1990). Cela ne reflète probablement pas une action directe de la LH ou de la testostérone sur l’activité des cellules de Sertoli, mais plutôt les effets d’autres produits des cellules de Leydig excrétés soit dans les espaces interstitiels, soit dans la circulation.

La prolactine, également sécrétée par l’antéhypophyse, agit en synergie avec la LH et la testostérone pour activer la fonction de reproduction chez l’homme. La prolactine se fixe sur des récepteurs spécifiques portés par les cellules de Leydig et augmente la quantité du complexe récepteur d’androgènes dans le noyau des tissus sensibles aux androgènes (Baker et coll., 1977). L’hyperprolactinémie s’accompagne d’une réduction de la taille des testicules et de la prostate, du volume de sperme et de la concentration de LH et de testostérone circulante (Segal et coll., 1979). L’hyperprolactinémie a également été associée à une impuissance, apparemment non liée à une modification de la sécrétion de testostérone (Thorner et coll., 1977).

Si on mesure la quantité de métabolites des hormones stéroïdes dans l’urine, il faut tenir compte du fait que l’exposition étudiée peut en modifier le métabolisme. Cela est d’autant plus pertinent que la plupart des métabolites sont formés par le foie, cible de nombreux toxiques. Le plomb, par exemple, diminue la quantité de stéroïdes sulfatés excrétés dans l’urine (Apostoli et coll., 1989). Chez l’homme, le taux sanguin de chaque gonadotrophine s’élève au cours du sommeil au début de la puberté, tandis que la testostérone se maintient à son taux diurne pendant tout l’âge adulte (Plant, 1988). C’est pourquoi les prélèvements de sang, d’urine et de salive doivent être faits à peu près à la même heure du jour afin d’éviter des variations liées au schéma sécrétoire diurne.

Il est très vraisemblable que les effets patents de l’exposition à un toxique ayant pour cible le système neuroendocrinien reproducteur se manifestent par des modifications biologiques des androgènes. Chez l’homme adulte, les manifestations régulées de manière significative par les androgènes et pouvant être décelées au cours d’un examen physique de base sont les suivantes: 1) la rétention azotée et le développement musculaire; 2) l’état des organes  génitaux  externes  et  des  organes  génitaux  annexes; 3) l’hypertrophie du larynx et l’épaississement des cordes vocales à l’origine de la voix masculine; 4) la croissance de la barbe et des poils axillaires et pubiens, les golfes temporaux et la calvitie; 5) la libido et les performances sexuelles; 6) la présence dans certains tissus (foie, reins, glandes salivaires) de protéines spécifiques d’organes; 7) un comportement agressif (Bardin, 1986). Une modification de l’un ou l’autre de ces traits peut indiquer une altération de la production d’androgènes.

Exemples d’effets des toxiques

Le plomb est un exemple classique de toxique qui atteint directement le système neuroendocrinien. Chez des hommes exposés au plomb pendant moins d’un an, la concentration sérique de LH était élevée. Cet effet n’était pas supérieur chez les hommes exposés pendant plus de cinq ans. Le taux sérique de FSH n’était pas modifié. D’autre part, le taux sérique d’ABP avait augmenté et celui de testostérone totale diminué chez les hommes exposés au plomb pendant plus de cinq ans. Le taux sérique de testostérone libre avait baissé de manière significative après une exposition au plomb de trois à cinq ans (Rodamilans et coll., 1988). En revanche, la concentration sérique de LH, de FSH, de testostérone totale, de prolactine et de 17-cétostéroïdes neutres n’était pas modifiée chez les travailleurs ayant une plombémie basse, même si la fréquence de distribution des spermatozoïdes était modifiée (Assennato et coll., 1986).

L’exposition de peintres de chantiers navals au 2-éthoxyéthanol avait entraîné une diminution du nombre de spermatozoïdes sans modification concomitante du taux sérique de LH, de FSH ou de testostérone (Welch et coll., 1988). Ainsi, des toxiques peuvent affecter séparément la production d’hormones et le taux de spermatozoïdes.

Chez des travailleurs affectés à la fabrication du DBCP, un nématocide, le taux sérique de LH et de FSH avait augmenté, tandis que le nombre de spermatozoïdes et la fécondité avaient diminué. Ces effets sont apparemment des séquelles de l’action du DBCP sur les cellules de Leydig, qui modifie la production ou l’action des androgènes (Mattison et coll., 1990).

Plusieurs composés peuvent être toxiques en raison de leur similitude structurale avec les hormones stéroïdiennes de la reproduction. C’est ainsi qu’en se fixant sur le récepteur endocrinien correspondant des toxiques peuvent se comporter en agonistes ou en antagonistes et perturber les réponses biologiques. La chlordécone (Képone), un insecticide qui se fixe sur les récepteurs œstrogéniques, avait fait diminuer le nombre et la motilité des spermatozoïdes, stoppé leur maturation et fait régresser la libido. S’il est tentant de supposer que ces effets sont dus à l’interférence de la chlordécone avec les œstrogènes au niveau neuroendocrinien ou testiculaire, les variations du taux sérique de testostérone, de LH et de FSH n’étaient pas, dans ces études, comparables à celles obtenues à la suite d’un traitement par l’œstradiol. Le DDT et ses métabolites possédant également des propriétés stéroïdiennes, on pourrait s’attendre à ce qu’ils modifient la fonction génitale de l’homme en interférant avec les fonctions des hormones stéroïdiennes. Des xénobiotiques comme les biphéniles polychlorés, les biphéniles polybromés et les pesticides organochlorés peuvent également perturber les fonctions reproductrices de l’homme par une activité œstrogénique agoniste ou antagoniste (Mattison et coll., 1990).

La fonction sexuelle

On entend par fonction sexuelle humaine l’ensemble des activités intégrées des testicules et des glandes sexuelles secondaires, des systèmes de contrôle endocriniens et des composantes comportementales et psychologiques de la reproduction, basées sur le système nerveux central (libido). L’érection, l’éjaculation et l’orgasme sont trois événements physiologiques et psychodynamiques distincts et indépendants qui surviennent normalement en même temps chez l’homme.

En raison des problèmes décrits plus haut, les données fiables concernant les effets d’une exposition professionnelle sur la fonction sexuelle sont peu nombreuses. Il a été montré que les médicaments peuvent affecter chacun des trois stades de la fonction sexuelle masculine (Fabro, 1985), ce qui donne à penser qu’une exposition professionnelle peut exercer des effets similaires. Les antidépresseurs, les antagonistes de la testostérone et les stimulants de la libération de prolactine diminuent effectivement la libido chez l’homme. Les antihypertenseurs agissant sur le système nerveux sympathique provoquent une impuissance chez certains hommes, mais, chose surprenante, un priapisme chez d’autres. La phénoxybenzamine, un antagoniste des récepteurs adrénergiques, a été utilisée en clinique pour éviter l’émission du sperme sans empêcher l’orgasme (Shilon, Paz et Homonnai, 1984). Les antidépresseurs anticholinergiques permettent l’émission du sperme tout en bloquant son éjection et en empêchant l’orgasme, de sorte que le sperme suinte de l’urètre au lieu d’en être éjecté.

Les drogues douces affectent également la fonction sexuelle (Fabro, 1985). L’alcool peut diminuer l’impuissance en augmentant la libido. La cocaïne, l’héroïne et les cannabinoïdes à forte dose diminuent la libido. Les opiacés retardent ou entravent également l’éjaculation.

Le grand nombre et la grande variété des produits pharmaceutiques qui se sont avérés avoir une action sur le système reproducteur masculin viennent étayer l’idée que des produits chimiques présents sur le lieu de travail peuvent aussi être toxiques pour la reproduction. Des méthodes de recherche fiables et pratiques dans les conditions d’étude sur le terrain sont nécessaires pour évaluer ce domaine important qu’est la toxicologie de la reproduction.

LA STRUCTURE DU SYSTÈME REPRODUCTEUR FÉMININ ET LA VULNÉRABILITÉ DES ORGANES CIBLES

Donald R. Mattison

L’appareil reproducteur féminin est contrôlé par des éléments du système nerveux central, notamment l’hypothalamus et l’hypophyse. Il se compose des ovaires, des trompes de Fallope, de l’utérus et du vagin (voir figure 9.4). Les ovaires, gonades féminines, sont la source des ovocytes; ils synthétisent et sécrètent également les principales hormones sexuelles féminines: œstrogènes et progestérone. Les trompes de Fallope amènent les ovocytes vers l’utérus et permettent aux spermatozoïdes d’en sortir. L’utérus est un organe musculaire en forme de poire, dont la partie supérieure communique, par les trompes de Fallope, avec la cavité abdominale et la partie inférieure, par l’étroit canal du col, avec le vagin et, de là, avec l’extérieur. Le tableau 9.3 présente les composés, ainsi que les manifestations cliniques, le site et les mécanismes d’action des produits potentiellement toxiques pour la reproduction.

Figure 9.4 L'appareil reproducteur féminin

Figure 9.4

Tableau 9.3 Produits potentiellement toxiques pour la reproduction chez la femme

Produit

Manifestation clinique

Site

Mécanisme/cible

Réactivité chimique

Agents alkylants

Troubles des règles
Aménorrhée
Atrophie ovarienne
Baisse de la fécondité
Ménopause prématurée

Ovaire

Utérus

Toxicité pour les cellules de la granulosa
Toxicité pour les ovocytes
Toxicité pour les cellules de l’endomètre

Plomb

Troubles des règles
Atrophie ovarienne
Baisse de la fécondité

Hypothalamus
Hypophyse
Ovaire

Diminution du taux de FSH
Diminution du taux de progestérone

Mercure

Troubles des règles

Hypothalamus

Ovaire

Modification de la production et de la sécrétion de gonado-trophines
Toxicité folliculaire
Prolifération des cellules de la granulosa

Cadmium

Atrésie folliculaire
Diœstrus persistant

Ovaire
Hypophyse
Hypothalamus

Toxicité vasculaire
Toxicité pour les cellules de la granulosa
Cytotoxicité

Similarité structurale

Azathioprine

Réduction du nombre de follicules

Ovaire

Ovogenèse

Analogue de la purine


Perturbation de la synthèse de l’ADN/ARN

Chlordécone

Baisse de la fécondité

Hypothalamus

Agoniste des œstrogènes

DDT

Troubles des règles

Hypophyse

Perturbation de FSH, LH

2,4-D

Stérilité

 

 

Lindane

Aménorrhée

 

 

Toxaphène

Hyperménorrhée

 

 

BPC, BPB

Troubles des règles

 

Perturbation de FSH, LH

Source: d'après Plowchalk, Meadows et Mattison, 1992. Ce sont essentiellement des tests de toxicité chez l'animal qui laissent supposer que ces produits sont des toxiques agissant directement sur la reproduction.

L’hypothalamus et l’hypophyse

L’hypothalamus est situé dans le diencéphale, qui se trouve au sommet du tronc cérébral, entre les hémisphères cérébraux. C’est le principal intermédiaire entre les systèmes nerveux et endocrinien, qui sont les deux grands systèmes de contrôle du corps. Il régule l’hypophyse et la production d’hormones.

Les mécanismes par lesquels un produit chimique peut perturber la fonction reproductrice de l’hypothalamus sont, de façon générale, tous les événements susceptibles de modifier la production pulsatile de gonadostimuline. Cela peut impliquer une modification de la fréquence ou de l’amplitude des pulsations de gonadostimuline. Les processus sensibles à une agression chimique sont ceux participant à la synthèse et à la sécrétion de gonadostimuline, plus spécifiquement la transcription ou la traduction, l’encapsulation ou le transport axonal, ainsi que les mécanismes sécrétoires. Ces processus représentent des sites au niveau desquels des composés chimiquement réactifs agissant directement peuvent interférer avec la synthèse ou la libération hypothalamique de gonadostimuline. Une modification de la fréquence ou de l’amplitude des pulsations de gonadostimuline pourrait être due à la perturbation des voies stimulatrices ou inhibitrices qui en régulent la libération. Des études sur la régulation du générateur de pulsations de gonadostimuline ont montré que les catécholamines, la dopamine, la sérotonine, l’acide gamma-aminobutyrique et les endorphines sont tous susceptibles, dans une certaine mesure, de modifier la libération de gonadostimuline. Par conséquent, des xéno-biotiques agonistes ou antagonistes de ces composés pourraient modifier la libération de gonadostimuline, perturbant ainsi la communication avec l’hypophyse.

La prolactine, l’hormone folliculo-stimulante (FSH) et l’hormone lutéinisante (LH) sont trois hormones protéiniques sécrétées par l’antéhypophyse qui sont essentielles à la reproduction. Elles jouent un rôle fondamental dans l’entretien du cycle ovarien en dirigeant le recrutement et la maturation folliculaires, la stéroïdogenèse, l’achèvement de la maturation des ovules, l’ovulation et la lutéinisation.

Le contrôle exact du système reproducteur, réglé avec précision, est assuré par l’antéhypophyse en réponse à des signaux de rétroaction positive et négative provenant des gonades. La libération adéquate de FSH et de LH au cours du cycle ovarien contrôle le développement folliculaire normal; l’absence de ces hormones entraîne une aménorrhée et une atrophie des gonades. Les gonadotrophines jouent un rôle déterminant par le fait qu’elles provoquent des modifications morphologiques des follicules ovariens et de leur micro-environnement stéroïdien en stimulant la production de stéroïdes et en induisant des populations de récepteurs. Une libération opportune et adéquate de ces gonadotrophines est également essentielle à l’ovulation et à une phase lutéale correcte. Etant donné que les gonadotrophines sont essentielles à la fonction ovarienne, une modification de leur synthèse, de leur stockage ou de leur sécrétion peut compromettre sérieusement la capacité de reproduction. Une interférence avec l’expression génique, que ce soit dans la transcription ou dans la traduction, au cours d’événements post-traductionnels, de l’encapsulation ou des mécanismes sécrétoires, risque de modifier le taux de gonadotrophines atteignant les gonades. Des produits chimiques agissant par le biais d’une similarité structurale ou d’une modification de l’homéostasie endocrinienne pourraient avoir des effets en interférant avec les mécanismes de rétroaction normaux. Des agonistes et des antagonistes des récepteurs stéroïdiens pourraient amorcer une libération inappropriée de gonadotrophines par l’hypophyse, ce qui provoquerait la production d’enzymes métabolisant les stéroïdes et diminuerait la demi-vie des stéroïdes et, par conséquent, le taux circulant de stéroïdes atteignant l’hypophyse.

L’ovaire

Chez les primates, l’ovaire est responsable du contrôle de la reproduction par le biais de ses principaux produits, les ovocytes et les hormones stéroïdiennes et protéiniques. La folliculogenèse, qui implique des mécanismes de régulation à la fois intra- et extra-ovariens, est le processus de production des ovocytes et des hormones. L’ovaire lui-même se compose de trois sous-unités fonctionnelles: le follicule, l’ovocyte et le corps jaune. Au cours du cycle menstruel normal, ces composants, sous l’influence de la FSH et de la LH, fonctionnent de concert afin de produire un ovule viable pour la fécondation, ainsi qu’un milieu convenable pour l’implantation et la gestation qui s’ensuit.

Durant la période préovulatoire du cycle menstruel, la mobilisation et le développement des follicules ont lieu sous l’influence de la FSH et de la LH. Cette dernière stimule la production d’androgènes par les cellules thécales, tandis que la première entraîne l’aromatisation des androgènes en œstrogènes par les cellules de la granulosa et la production d’une hormone protéinique, l’inhibine. Celle-ci, au niveau de l’antéhypophyse, diminue la libération de FSH, ce qui empêche une stimulation excessive du développement des follicules, tout en permettant la poursuite du développement du follicule dominant destiné à l’ovulation. La production d’œstrogènes augmente, stimulant à la fois la poussée de LH (aboutissant à l’ovulation) et les modifications cellulaires et sécrétoires survenant dans le vagin, le col, l’utérus et les trompes de Fallope, qui accroissent la viabilité et le transport des spermatozoïdes.

Au cours de la phase postovulatoire, les cellules thécales et de la granulosa restant dans la cavité folliculaire de l’ovocyte de premier ordre ovulé forment le corps jaune et sécrètent de la progestérone. Cette hormone stimule l’utérus afin de fournir un environnement convenable pour l’implantation de l’embryon en cas de fécondation. A l’inverse de la gonade mâle, la gonade femelle possède un nombre fini de cellules germinales à la naissance; elle est donc particulièrement sensible aux produits toxiques pour la reproduction. Une exposition de la femme à ces produits risque de diminuer la fécondité, d’augmenter les avortements spontanés et d’aboutir à une ménopause précoce ou à la stérilité.

En tant qu’unité reproductrice de base de l’ovaire, le follicule fournit  le  délicat  milieu  hormonal  nécessaire  à  la  croissance et à la maturation d’un ovocyte. Comme nous l’avons noté précédemment, ce processus complexe, appelé folliculogenèse, implique une régulation à la fois intra- et extra-ovarienne. De nombreuses modifications morphologiques et biochimiques se produisent lorsqu’un follicule primordial se transforme en follicule préovulatoire (contenant un ovocyte en cours de développement), et chaque stade du développement folliculaire possède un schéma caractéristique  de  sensibilité  aux  gonadotrophines,  de  production de stéroïdes et de voies de rétroaction. Ces caractéristiques semblent indiquer qu’un certain nombre de sites sont disponibles pour une interaction avec des xénobiotiques. Par ailleurs, il existe dans l’ovaire diverses populations de follicules, ce qui complique encore la situation en entraînant une toxicité folliculaire différentielle. Cela crée une situation dans laquelle les schémas de stérilité induits par un produit chimique dépendent du type de follicule atteint. Par exemple, un effet toxique pour des follicules primordiaux ne donne pas de signes immédiats de stérilité, mais va finalement diminuer la durée de la période d’activité reproductrice. En revanche, un effet toxique pour les follicules antraux ou préovulatoires entraînera l’arrêt immédiat de la fonction reproductrice.  Le  complexe  folliculaire  se  compose  de  trois  élé- ments de base: les cellules de la granulosa, les cellules thécales et l’ovocyte. Chacun de ces composants possède des caractéristiques qui lui confèrent une sensibilité particulière à une agression chimique.

Plusieurs chercheurs se sont intéressés à une méthodologie destinée à détecter les xénobiotiques toxiques pour la granulosa en mesurant les effets sur la production de progestérone par les cellules de la granulosa en culture. L’œstradiol interrompt la production de progestérone par les cellules de la granulosa, phénomène qui a été utilisé pour étudier la réactivité de ces dernières. Le p,p'-DDT, un pesticide, et son isomère o,p'-DDT arrêtent la production de progestérone avec une puissance apparemment égale à celle de l’œstradiol. En revanche, le malathion, le parathion et la dieldrine, d’autres pesticides, ainsi que l’hexachlorobenzène, un fongicide, sont sans effet. Une nouvelle analyse détaillée de la réaction aux xénobiotiques des cellules de la granulosa isolées est nécessaire afin de définir l’utilité de cette méthode d’essai. L’attrait de ces systèmes isolés réside dans le fait qu’ils sont bon marché et faciles à utiliser; toutefois, il ne faut pas oublier que les cellules de la granulosa ne représentent qu’un composant du système reproducteur.

Les cellules thécales fournissent des précurseurs des stéroïdes synthétisés par les cellules de la granulosa. On pense qu’elles sont recrutées dans les cellules du stroma ovarien au cours de la formation et du développement des follicules. Leur recrutement peut impliquer une prolifération cellulaire du stroma aussi bien qu’une migration vers les zones entourant le follicule. Les xénobiotiques qui entravent la prolifération, la migration et la communication cellulaires ont un impact sur la fonction cellulaire thécale. Ceux qui modifient la production thécale d’androgènes peuvent aussi entraver la fonction folliculaire. Par exemple, les androgènes métabolisés en œstrogènes par les cellules de la granulosa proviennent des cellules thécales. Il est probable qu’une modification de la production d’androgènes par les cellules thécales, qu’il s’agisse d’une augmentation ou d’une diminution, aura un effet significatif sur la fonction folliculaire. On suppose notamment qu’une production trop importante d’androgènes par les cellules thécales aboutit à une atrésie folliculaire. De plus, une atteinte à la production d’androgènes par les cellules thécales peut entraîner une diminution de la production d’œstrogènes par les cellules de la granulosa. Il est clair que dans les deux cas il y aura un impact sur la reproduction. On sait peu de choses actuellement sur la vulnérabilité des cellules thécales aux xénobiotiques.

Bien qu’il existe peu d’informations sur la vulnérabilité des cellules ovariennes aux xénobiotiques, certaines données démontrent clairement que les ovocytes peuvent être altérés ou détruits par de tels produits. Les agents alkylants détruisent les ovocytes chez la femme et chez les animaux de laboratoire. Le plomb est toxique pour l’ovaire. Le mercure et le cadmium provoquent également des lésions de l’ovaire, peut-être par le biais d’une action toxique sur l’ovocyte.

De la fécondation à l’implantation

La gamétogenèse, la libération et l’union de cellules germinales mâles et femelles sont des événements préliminaires aboutissant à un zygote. Les spermatozoïdes déposés dans le vagin doivent traverser le col, puis remonter l’utérus et la trompe de Fallope pour rencontrer l’ovule. La pénétration du spermatozoïde dans l’ovule et la fusion de leurs ADN respectifs constituent le processus de fécondation. Après la fécondation, la division cellulaire s’amorce et elle se poursuit au cours des trois ou quatre jours suivants, formant un amas cellulaire compact appelé morula. Les cellules de la morula continuent à se diviser et, au moment où l’embryon en cours de développement atteint l’utérus, c’est une boule creuse appelée blastocyte.

Après la fécondation, l’embryon migre par la trompe de Fallope vers l’utérus. Le blastocyte pénètre dans celui-ci et s’implante dans l’endomètre sept jours environ après l’ovulation. A ce moment, l’endomètre est en phase postovulatoire. Une fois implanté, le blastocyte peut absorber des éléments nutritifs ou des toxiques amenés par les glandes et les vaisseaux sanguins de l’endomètre.

L’EXPOSITION PROFESSIONNELLE MATERNELLE ET LES ISSUES DE GROSSESSE DÉFAVORABLES

Grace Kawas Lemasters

Dans le monde entier, le nombre de femmes ayant un emploi rémunéré est en augmentation. Aux Etats-Unis, par exemple, près de 70% des femmes travaillent hors de chez elles au cours de leurs principales années d’activité génitale (entre 20 et 34 ans). Par ailleurs, depuis les années quarante, on enregistre une augmentation à peu près linéaire de la fabrication de produits chimiques organiques de synthèse, ce qui crée un environnement plus dangereux pour la femme enceinte qui travaille et pour sa descendance.

La réussite de la reproduction d’un couple dépend finalement d’un équilibre biochimique délicat chez le père, la mère et le fœtus, et entre eux. Les modifications métaboliques qui se produisent au cours de la grossesse peuvent augmenter l’exposition à des toxiques dangereux à la fois pour la femme et pour le produit de conception. Parmi ces modifications métaboliques, on compte l’augmentation de l’absorption pulmonaire et du débit cardiaque, le retard de vidange gastrique, l’augmentation de la motilité intestinale et de la quantité de graisses corporelles. Comme le montre la figure 9.5, l’exposition du produit de conception peut avoir différents effets selon le stade de développement — précoce ou tardif — de l’embryogenèse, ou période fœtale.

Figure 9.5 Conséquences pour la descendance de l'exposition maternelle à des toxiques

Figure 9.5

La durée du transport d’un ovule fécondé avant l’implantation est de deux à six jours. Au cours de ce stade précoce, l’embryon peut se trouver exposé à des substances chimiques qui pénètrent dans les liquides utérins. L’absorption de xénobiotiques peut s’accompagner de modifications dégénératives, d’une altération du profil protidique du blastocyte ou d’un échec de l’implantation. Durant cette période, une agression est susceptible de provoquer un avortement spontané. D’après des données expérimentales, on pense que l’embryon est assez résistant aux agressions tératogènes au cours de ce stade précoce, car les cellules n’ont pas encore amorcé la séquence complexe de la différenciation chimique.

La période plus tardive d’embryogenèse est caractérisée par la différenciation, la mobilisation et l’organisation des cellules et des tissus en ébauches d’organes. Une pathogenèse précoce peut provoquer la mort cellulaire, un échec de l’interaction cellulaire, une réduction de la biosynthèse, des anomalies des déplacements morphogénétiques, une perturbation mécanique, des adhérences ou un œdème (Paul, 1993). Les facteurs de médiation qui déterminent la susceptibilité aux effets sont la voie, le niveau et le schéma d’exposition, ainsi que le génotype fœtal et maternel. Des facteurs extrinsèques, comme les carences alimentaires ou les effets additionnels, synergiques ou antagonistes, associés à des expositions répétées, peuvent avoir un impact supplémentaire sur la réponse. Les principales réactions indésirables au cours de la phase tardive de l’embryogenèse sont l’avortement spontané, les anomalies structurales macroscopiques, la mort fœtale, un retard de croissance ou des anomalies du développement psychomoteur.

La période fœtale, qui va de l’embryogenèse à la naissance, commence entre le 54e et le 60e jour de la gestation, le produit de conception mesurant 33 mm du vertex au coccyx. La distinction entre la période embryonnaire et la période fœtale est quelque peu arbitraire. Du point de vue du développement, la période fœtale se caractérise par la croissance, l’histogenèse et la maturation fonctionnelle. Un effet toxique peut se manifester par une diminution de la taille et du nombre de cellules. Le cerveau demeure sensible aux agressions; la myélinisation est incomplète jusqu’à la période postnatale. Un effet toxique au cours de la période fœtale peut provoquer un retard de croissance, des troubles fonctionnels, des perturbations de la grossesse, des troubles comportementaux, une cancérogenèse transplacentaire ou la mort. Le présent article traite des effets biologiques, sociologiques et épidémiologiques de l’exposition maternelle professionnelle ou environnementale.

La mort embryonnaire/fœtale

Les stades de développement du zygote, qui se comptent en jours à partir de l’ovulation (JOV), vont du stade blastocyste, 15e au 20e  jour  (1  à  6 JOV),  l’implantation  survenant  au  20e  ou  au 21e jour (6 ou 7 JOV), jusqu’à la période embryonnaire, 21e au 62e jour (7 à 48 JOV), et la période fœtale du 63e jour (49 + JOV) jusqu’à la période dite de viabilité, qui va du 140e au 195e jour. L’estimation de la probabilité d’un avortement spontané à l’un de ces stades dépend à la fois de la définition de la mort fœtale et de la méthode utilisée pour déterminer cet événement. La définition de stade fœtal précoce et tardif varie considérablement, allant de la fin de la 20e à la 28e semaine. Les définitions de mort fœtale et de mort néonatale recommandées par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) (OMS, 1977) figurent au tableau 9.4. Aux Etats-Unis, l’âge gestationnel de 20 semaines, qui détermine la limite inférieure pour la naissance d’un enfant mort-né, est maintenant largement accepté.

Tableau 9.4 Définition de la mort fœtale et de la mort néonatale

Avortement spontané

≤ 500 g ou 20-22 semaines ou 25 cm de longueur

Enfant mort-né

500 g (1 000 g international) non viable

Mort néonatale précoce

Mort d’un nourrisson né vivant ≤ 7 jours (168 heures)

Mort néonatale tardive

7 jours à ≤ 28 jours

Source: Organisation mondiale de la santé, 1977.

Comme la plupart des fœtus issus d’avortements précoces présentent des anomalies chromosomiques, il a été proposé, dans un but de recherche, de faire une distinction plus fine entre la mort fœtale précoce, avant 12 semaines de gestation, et la mort fœtale tardive (Källén, 1988). Lorsqu’on étudie les morts fœtales tardives, il est également judicieux d’inclure les morts néonatales précoces, qui peuvent avoir des causes identiques. L’OMS définit la mort néonatale précoce comme la mort d’un nouveau-né âgé de 7 jours ou moins, la mort néonatale tardive survenant entre le 7e et le 29e jour. Dans les études menées dans les pays en développement, il est important de faire la distinction entre la mort prepartum et intrapartum. En raison des mauvaises conditions d’accouchement, la mort intrapartum est à l’origine d’un pourcentage important des naissances de mort-nés dans les pays moins développés.

Dans l’analyse de neuf enquêtes rétrospectives ou transversales effectuée par Kline, Stein et Susser (1989), le pourcentage de morts fœtales avant la 20e semaine de gestation est compris entre 5,5 et 12,6%. Si la définition est élargie de façon à inclure les morts jusqu’à la 28e semaine de gestation, il va de 6,2 à 19,6%. Toutefois, dans quatre études prospectives, le pourcentage de morts fœtales pour des grossesses cliniquement diagnostiquées se situait dans des limites relativement étroites, de 11,7 à 14,6% pour une période de gestation allant jusqu’à la 28e semaine. Ce pourcentage plus faible dans les études prospectives que dans les études rétrospectives et transversales peut être attribué à des différences dans les définitions de base, à des avortements provoqués déclarés comme spontanés et à une classification des retards de règles ou des règles abondantes parmi les morts fœtales.

Lorsqu’on inclut les avortements cachés ou les morts «chimiques» précoces identifiés par une élévation des gonadotrophines chorioniques humaines, le pourcentage total des avortements spontanés augmente de manière spectaculaire. Dans une étude basée sur le dosage de ces gonadotrophines, l’incidence de mort subclinique d’ovules fécondés faisant suite à une implantation était de 22% (Wilcox et coll., 1988). Dans ces études, les gonadotrophines urinaires étaient mesurées par dosage radio-immunométrique utilisant un anticorps de détection. La méthode de dosage, employée à l’origine par Wilcox, faisait appel à un anticorps polyclonal de lapin, à forte affinité, maintenant éteint. Des études plus récentes ont utilisé un anticorps monoclonal inépuisable nécessitant moins de 5 ml d’urine pour la réplication des échantillons. Le facteur limitant l’utilisation de cette méthode de dosage dans les études sur le lieu de travail n’est pas uniquement son coût et les moyens nécessaires pour coordonner le prélèvement, le stockage et l’analyse des échantillons d’urine, mais également l’importance de la population nécessaire. Dans une étude sur les avortements spontanés précoces chez des sujets travaillant sur terminal à écran de visualisation, 7 000 environ avaient été sélectionnés afin d’obtenir une population utilisable de 700 femmes. Cette obligation de recruter une population dix fois plus importante pour obtenir un échantillon de taille adéquate tient à la diminution du nombre de femmes disponibles en raison d’une inadmissibilité due à l’âge, à la stérilité et au recrutement exclusif de femmes n’utilisant pas de contraceptifs ou pratiquant une forme de contraception relativement inefficace.

Des études plus classiques sur l’exposition professionnelle ont utilisé, afin d’identifier les avortements spontanés, des données enregistrées ou recueillies au moyen de questionnaires. Les sources des données enregistrées étaient des statistiques démographiques et des dossiers médicaux provenant d’hospitalisations et de consultations privées ou hospitalières. L’emploi des systèmes d’enregistrement de données ne permet d’identifier qu’un sous-ensemble de toutes les morts fœtales, essentiellement celles qui surviennent après le début de la surveillance prénatale, en général après deux ou trois mois de retard de règles. Les données provenant de questionnaires sont recueillies soit par courrier, soit au cours d’un entretien téléphonique ou personnel. En interrogeant des femmes sur leurs antécédents gynécologiques, il est possible d’obtenir une documentation plus complète sur toutes les pertes fœtales reconnues. Parmi les questions habituellement incluses dans les antécédents gynécologiques, on trouve toutes les issues des grossesses précédentes, la surveillance prénatale, les antécédents familiaux d’issues défavorables de grossesses, les antécédents matrimoniaux, l’alimentation, le poids avant la grossesse, la taille, la prise de poids, la consommation de cigarettes et d’alcool, la prise de médicaments sur ordonnance ou non, l’état de santé de la mère avant la grossesse et au cours de celle-ci et l’exposition domestique ou professionnelle à des agents physiques et chimiques, tels que vibrations, rayonnements, métaux, solvants et pesticides. Les données fournies par les entretiens peuvent être une source valable d’information sur les avortements spontanés, en particulier si l’analyse inclut ceux survenus à huit semaines ou plus de gestation durant les dix dernières années.

Les principaux facteurs physiques, génétiques, sociaux et environnementaux associés à un avortement spontané sont résumés dans le tableau 9.5. Afin de s’assurer que la corrélation entre l’exposition et l’effet observé n’est pas due à d’autres facteurs de risque (facteurs de confusion), il est important d’identifier ceux qui peuvent être associés à l’issue considérée. Les maladies associées à une mort fœtale sont la syphilis, la rubéole, les infections génitales à mycoplasmes, l’herpès, les infections utérines et l’hyperthermie généralisée. Parmi les facteurs de risque les plus importants d’avortement spontané cliniquement diagnostiqué figurent les antécédents de fausse couche. La grande multiparité est associée à une augmentation du risque, mais elle peut être associée à des antécédents d’avortement spontané. La multiparité en tant que facteur de risque peut être interprétée de diverses manières en raison de son association avec l’âge maternel, les antécédents gynécologiques et l’hétérogénéité des femmes à différents degrés de parité. Le pourcentage des avortements spontanés est plus élevé chez les femmes de moins de 16 ans et de plus de 36 ans. Après ajustement du nombre de grossesses et des antécédents d’avortement, le risque de perte fœtale est deux fois plus élevé chez les femmes de plus de 40 ans que chez les femmes plus jeunes. L’augmentation du risque avec l’âge a été associée à une augmentation des anomalies chromosomiques, de la trisomie en particulier. La possibilité de perte fœtale à médiation masculine a été rapportée récemment (Savitz, Sonnenfeld et Olshan, 1994). On a montré l’existence d’une relation plus nette avec une exposition paternelle au mercure et aux gaz anesthésiques, ainsi qu’une relation évocatrice, mais irrégulière, avec l’exposition au plomb, ainsi qu’avec la fabrication du caoutchouc et de certains solvants et pesticides.

Tableau 9.5 Facteurs associés à un retard de croissance intra-utérine et à une mort fœtale

Retard de croissance intra-utérine

Physiques et génétiques

Environnementaux et sociaux

Prématurité

Malnutrition

Naissances multiples

Faibles revenus/faible niveau d’instruction

Malformation du fœtus

Tabagisme maternel

Hypertension

Alcoolisme maternel

Anomalie du placenta ou du cordon

Exposition professionnelle

Antécédents médicaux maternels

Stress psychosocial

Antécédents d’issue pathologique de grossesse

Altitude

Race

Antécédents d’infections

Anomalies chromosomiques

Consommation de marijuana

Sexe

 

Taille, poids et gain pondéral de la mère

 

Taille du père

 

Parité

 

Durée de la gestation

 

Grossesses rapprochées

 

Mort fœtale

Physiques et génétiques

Environnementaux et sociaux

Multiparité

Conditions socio-économiques

Age de la mère

Antécédents de tabagisme

Ordre de naissance

Consommation de médicaments et de drogues douces

Race

Alcoolisme

Avortements spontanés à répétition

Mauvaise alimentation

Diabète insulino-dépendant

Infections/fièvre maternelles

Troubles utérins

Spermicides

Gémellité

Facteurs professionnels

Facteur immunologique

Exposition à des produits chimiques

Facteurs hormonaux

Irradiation

La situation dans la profession peut constituer un facteur de risque, quel que soit le risque physique ou chimique, et se comporter comme un facteur de confusion dans l’évaluation de l’exposition professionnelle et de l’avortement spontané. Certains chercheurs estiment que les femmes qui continuent à travailler sont plus susceptibles d’avoir une issue de grossesse défavorable et peuvent, de ce fait, continuer à travailler; d’autres pensent que ce groupe représente un sous-ensemble de population mieux protégé par nature en raison de revenus plus élevés et d’un meilleur suivi prénatal.

Les anomalies congénitales

Pendant les 60 premiers jours suivant la conception, le fœtus est sans doute plus sensible aux toxiques xénobiotiques qu’à tout autre stade de la vie. Historiquement, les monstruosités et les malformations congénitales étaient des défauts structuraux présents à la naissance, visibles à l’œil nu ou au microscope, internes ou externes, héréditaires ou non, uniques ou multiples. Actuellement, la définition de l’anomalie congénitale est plus large et comprend les anomalies comportementales, fonctionnelles et biochimiques. Les malformations peuvent être uniques ou multiples; les altérations chromosomiques produisent généralement des troubles multiples, tandis que les modifications d’un gène unique ou l’exposition à des agents présents dans l’environnement peuvent provoquer un défaut unique ou un syndrome.

L’incidence des malformations dépend de l’état du produit de conception: enfant vivant, produit d’un avortement spontané, mort-né. Le pourcentage global d’anomalies dans les produits d’avortements spontanés est de 19% environ, soit dix fois plus que chez les nouveau-nés vivants (Shepard, Fantel et Fitsimmons, 1989). Un taux d’anomalies de 32% a été observé chez des fœtus mort-nés pesant plus de 500 g. L’incidence des malformations majeures chez les nouveau-nés viables est d’environ 2,24% (Nelson et Holmes, 1989). La prévalence des malformations mineures va de 3 à 15% (environ 10% en moyenne). Les anomalies congénitales sont associées à des facteurs génétiques (10,1%), à un héritage multifactoriel (23%), à des facteurs utérins (2,5%), à la gémellité (0,4%) ou à des substances tératogènes (3,2%). Les autres malformations sont de cause inconnue. Le pourcentage de malformations est plus élevé de 41% chez les garçons que chez les filles, ce qui s’explique par le pourcentage significativement plus élevé d’anomalies des organes génitaux chez les garçons.

L’une des difficultés, lorsqu’on étudie les malformations, tient à leur classification. Les anomalies peuvent être classées suivant plusieurs paramètres: gravité (majeure, mineure), mécanisme physiopathologique (déformation, perturbation), survenue (associée, isolée), appareil touché et étiologie (atteintes chromosomiques, anomalie génique ponctuelle ou action d’une substance tératogène, par exemple). Il arrive souvent que toutes les malformations soient associées ou qu’elles soient toutes majeures ou mineures. On peut définir une malformation majeure comme celle qui provoque la mort, qui nécessite une intervention chirurgicale ou un traitement médical, ou qui constitue un handicap physique ou psychologique important. La raison pour laquelle les anomalies sont classées en grands groupes est que la majorité d’entre elles surviennent à peu près pendant la même période, au cours de l’organogenèse. Ainsi, plus les échantillons sont grands, plus la puissance statistique augmente avec le nombre total de cas. Toutefois, si l’effet d’une exposition est spécifique d’un certain type de malformation (atteinte du système nerveux central, par exemple), il peut être masqué par ce type de regroupement. On peut également regrouper les malformations par appareil. Si cette méthode représente un progrès, certains défauts peuvent dominer la classe, comme le pied varus dans le système musculo-squelettique. Pour un échantillon d’une taille suffisante, l’approche optimale consiste à répartir les malformations en groupes homogènes du point de vue embryologique et pathogénique (Källén, 1988). Il faut être attentif à l’exclusion ou à l’inclusion de certaines malformations, comme celles qui sont vraisemblablement dues à des aberrations chromosomiques, à des caractères autosomiques dominants ou à une malposition in utero. Enfin, quand on analyse les anomalies congénitales, il faut maintenir un équilibre entre la précision et la puissance statistique.

Un certain nombre de toxiques liés à l’environnement ou à la profession ont été associés à des malformations congénitales dans la descendance. L’un des plus importants est la consommation maternelle d’aliments contaminés par du méthylmercure, qui provoque des anomalies morphologiques et du système nerveux central, ainsi que des troubles neurocomportementaux. Au Japon, la grande majorité des cas était due à la consommation de poisson et de fruits de mer contaminés par le mercure provenant des effluents d’une usine chimique. Les enfants les plus sévèrement touchés présentaient une infirmité motrice cérébrale. Les mères ayant ingéré des biphényles polychlorés provenant d’huile de riz contaminée ont donné naissance à des bébés atteints de troubles multiples, parmi lesquels un retard de croissance, une pigmentation brune de la peau, la percée précoce des dents, une hyperplasie gingivale, un élargissement de la suture sagittale, un œdème facial et une exophtalmie. Des professions comportant une exposition à des mélanges ont été associées à différents types d’issues de grossesses défavorables. Chez les enfants de femmes travaillant dans l’industrie de la pâte à papier, soit dans un laboratoire, soit à des tâches comprenant des «transformations» ou un affinage du papier, le risque d’anomalie du système nerveux central, d’atteinte cardiaque ou de fentes faciales était plus élevé. Chez les enfants de femmes travaillant dans l’industrie ou dans le bâtiment et soumises à des expositions non spécifiées, on a pu constater une augmentation de 50% des anomalies du système nerveux central et, chez les femmes travaillant dans les transports et les communications, on a noté un risque deux fois plus important de donner naissance à un enfant porteur d’une fente faciale. Les vétérinaires constituent un groupe particulier de personnel médical exposé aux gaz anesthésiques, aux rayonnements, aux traumatismes dus aux coups de pied des animaux, aux insecticides et aux zoonoses. Si aucune différence n’a été observée dans le pourcentage d’avortements spontanés et dans le poids de naissance des enfants entre les femmes vétérinaires et les avocates, le nombre d’anomalies congénitales est, en revanche, beaucoup plus important chez les vétérinaires (Schenker et coll., 1990). Il existe des listes regroupant les produits tératogènes connus, les produits éventuellement tératogènes et les produits probablement non tératogènes, ainsi que des bases de données informatiques et des lignes d’appel d’urgence donnant des informations à jour sur les tératogènes potentiels (Paul, 1993). Toutefois, il est particulièrement difficile d’évaluer les anomalies congénitales dans une cohorte de femmes actives en raison de la taille de l’échantillon requis pour avoir une représentation statistique significative, ainsi que des limites de notre capacité d’identifier des expositions spécifiques survenant pendant un court laps de temps, essentiellement pendant les 55 premiers jours de la gestation.

Le retard de la croissance intra-utérine et l’hypotrophie

Parmi les multiples facteurs liés à la survie du nouveau-né, le sous-développement physique associé à un faible poids de naissance représente l’un des risques majeurs. Il faut attendre le deuxième trimestre de la gestation pour que le fœtus commence réellement à prendre du poids. Le produit de conception pèse 1 g à 8 semaines, 14 g à 12 semaines et il atteint 1 100 g à 28 semaines. Ensuite, il prend 1 100 g toutes les 6 semaines, jusqu’au terme. Le nouveau-né normal pèse environ 3 200 g à terme. Son poids dépend de son rythme de croissance et de son âge gestationnel au moment de l’accouchement. On dit d’un nouveau-né dont la croissance a été retardée qu’il est hypotrophe. Un nouveau-né né avant terme aura un poids réduit, mais pas nécessairement un retard de croissance. Les facteurs associés à un accouchement prématuré sont analysés ailleurs, et le sujet de cette étude est le nouveau-né présentant un retard de croissance. Les expressions «faible poids à la naissance» et «hypotrophe» seront utilisées indifféremment. Un faible poids à la naissance est défini comme un poids inférieur à 2 500 g, un très faible poids de naissance correspond à moins de 1 500 g et un poids de naissance extrêmement faible à moins de 1 000 g (OMS, 1969).

Lorsqu’on examine les causes d’un déficit de croissance, il est important de faire la distinction entre les retards de croissance harmonieux et dysharmonieux. Un retard de croissance dysharmonieux, c’est-à-dire lorsque le poids est plus atteint que la structure squelettique, est associé principalement à un facteur de risque intervenant à la fin de la grossesse. En revanche, un retard de croissance harmonieux sera plus vraisemblablement associé à une cause agissant pendant toute la durée de la gestation (Kline, Stein et Susser, 1989). La différence entre les pourcentages de retard de croissance dysharmonieux et harmonieux est particulièrement nette lorsqu’on compare les pays développés et les pays en développement. Dans ces derniers, le pourcentage de retard de croissance est de 10 à 43%; il s’agit essentiellement d’un retard harmonieux, le principal facteur de risque étant la sous-alimentation. Dans les pays développés, ce pourcentage est habituellement beaucoup plus faible, de 3 à 8%; il est généralement dysharmonieux et d’étiologie multifactorielle. C’est pourquoi la proportion de nouveau-nés ayant un faible poids de naissance, définie comme retard de croissance intra-utérin plutôt que comme prématurité, varie spectaculairement d’un pays à l’autre. En Suède et aux Etats-Unis, le pourcentage est d’environ 45%, alors que dans les pays en développement, comme l’Inde, il varie entre 79 et 96% environ (Villar et Belizan, 1982).

Des études sur la famine menées aux Pays-Bas ont montré qu’une carence alimentaire limitée au troisième trimestre de la grossesse diminue la croissance fœtale d’une manière dysharmonieuse, avec une anomalie portant essentiellement sur le poids de naissance, le périmètre crânien étant moins atteint (Stein, Susser et Saenger, 1975). Une croissance dysharmonieuse a également été observée dans des études d’exposition à des agents environnementaux. Dans une étude portant sur 202 femmes enceintes habitant près d’une zone dans laquelle le risque d’exposition au plomb était élevé, des prélèvements sanguins ont été pratiqués sur les mères pendant la période prénatale, entre la 6e et la 28e semaine de gestation (Bornschein, Grote et Mitchell, 1989). Après ajustement en fonction d’autres facteurs de risque pertinents, dont la durée de la gestation, les conditions socio-économiques, la consommation d’alcool et de tabac, la présence de plomb dans le sang a été associée à une diminution du poids et de la taille de naissance, mais pas au périmètre crânien. La présence de plomb dans le sang de la mère n’a été un facteur de risque pour la taille que chez les enfants caucasiens. La taille de naissance des nouveau-nés caucasiens était réduite de 2,5 cm environ par palier d’unité de log de la plombémie maternelle. Il faut être très prudent dans le choix de la variable étudiée. Si, dans cette étude, on avait choisi uniquement le poids de naissance, les effets du plomb sur les autres paramètres de croissance n’auraient peut-être pas été observés. De plus, si les enfants caucasiens et afro-américains avaient été regroupés, les différences observées chez les caucasiens, sans doute dues à des différences génétiques en ce qui concerne le stockage et la capacité de fixation du plomb, auraient pu être ignorées. Après ajustement en fonction d’autres covariables, un facteur de confusion significatif a également été observé entre la plombémie prénatale, l’âge de la mère et le poids de naissance du bébé. Ces résultats montrent que, pour une femme de 30 ans ayant une plombémie estimée à 20 µg/dl environ, l’enfant pesait 2 500 g environ, alors que celui d’une femme de 20 ans ayant une plombémie similaire pesait environ 3 000 g. Les chercheurs pensent que cette différence pourrait indiquer soit que les femmes plus âgées sont plus sensibles à l’agression supplémentaire représentée par l’exposition au plomb, soit qu’elles pourraient avoir été exposées à une quantité plus importante de plomb en raison d’un plus grand nombre d’années d’exposition ou de concentrations ambiantes de plomb supérieures lorsqu’elles étaient enfants. L’augmentation de la tension artérielle pourrait être un autre facteur. Toutefois, la leçon importante à tirer de cette étude est qu’il est nécessaire d’examiner attentivement les sous-populations à haut risque en fonction de l’âge, de la race, de la situation économique, des habitudes de vie, du sexe de l’enfant et d’autres différences génétiques, afin de découvrir les effets les plus subtils d’une exposition sur la croissance et le développement fœtaux.

Le tableau 9.5  résume les facteurs de risque associés à un faible poids de naissance. La classe sociale, évaluée en termes de revenus ou d’instruction, demeure un facteur de risque dans les cas où il n’y a pas de différences ethniques. Le tabagisme, le travail physique, la surveillance prénatale et l’alimentation sont aussi des facteurs qui peuvent dépendre de la classe sociale ou de la race. Les femmes entre 25 et 29 ans ont moins de risques de mettre au monde un enfant présentant un retard de croissance. Le tabagisme maternel augmente le risque de faible poids de naissance du nouveau-né, de 200% environ chez les grandes fumeuses. Parmi les maladies maternelles entraînant un faible poids, on peut citer les anomalies du placenta, les cardiopathies, les pneumonies virales, les atteintes hépatiques, la prééclampsie, l’éclampsie, l’hypertension chronique, la prise de poids et des vomissements importants. Des antécédents de grossesse pathologique, de mort fœtale, d’accouchement prématuré ou de naissance d’un enfant de faible poids multiplient par deux ou quatre le risque de faible poids à la naissance. Un intervalle de moins d’un an entre les naissances triple le risque d’avoir un nouveau-né de faible poids. Les anomalies chromosomiques associées à une croissance anormale sont le syndrome de Down, la trisomie 18 et la plupart des syndromes malformatifs.

Le tabagisme est l’un des principaux comportements les plus directement liés à la naissance d’enfants ayant un faible poids de naissance. Il a été démontré que le tabagisme maternel durant la grossesse multiplie par deux ou trois le risque d’avoir un enfant de faible poids à la naissance et qu’il entraîne un déficit pondéral de 150 à 400 g. La nicotine et l’oxyde de carbone sont considérés comme étant les agents les plus vraisemblablement responsables, car tous deux traversent rapidement et préférentiellement la barrière placentaire. La nicotine est un vasoconstricteur puissant et des différences significatives dans la taille des vaisseaux ombilicaux des mères fumeuses ont été observées. La quantité d’oxyde de carbone dans la fumée de cigarette varie de 20 000 à 60 000 ppm. L’oxyde de carbone a une affinité pour l’hémoglobine 210 fois supérieure à celle de l’oxygène et, en raison d’une faible pression artérielle en oxygène, le fœtus est particulièrement touché. Pour d’autres chercheurs, ces effets ne sont pas dus à la fumée, mais aux caractéristiques des fumeurs. Certaines professions comportant une exposition potentielle à l’oxyde de carbone, comme celles associées à la pâte à papier, aux hauts fourneaux, à l’acétylène, aux brasseries, au noir de carbone, aux fours à coke, aux garages, à la synthèse de produits organiques et aux raffineries de pétrole, doivent être considérées comme des métiers à haut risque pour les employées enceintes.

L’alcool, qui est également très utilisé et qui fait l’objet de nombreuses études, est associé à un retard de croissance fœtale (ainsi qu’à des anomalies congénitales). Une étude menée sur 9 236 naissances a montré qu’une consommation maternelle d’alcool supérieure à 45,36 g par jour entraînait une augmentation du taux d’enfants mort-nés ou porteurs d’un retard de croissance (Kaminski, Rumeau et Schwartz, 1978). L’ingestion d’alcool par la mère s’accompagne également d’une diminution de la taille et du périmètre crânien.

Lorsqu’on évalue les effets possibles d’une exposition à des substances toxiques sur le poids de naissance, certains problèmes se posent. Il faut considérer l’accouchement prématuré comme un intermédiaire possible et prendre en compte les effets potentiels sur l’âge gestationnel. De plus, les grossesses plus longues sont davantage exposées aux agents toxiques. Si un nombre suffisant de femmes travaillent jusqu’à ce que leur grossesse soit bien avancée, l’association entre la plus longue exposition cumulée, d’une part, et l’âge gestationnel le plus grand et les bébés les plus gros, d’autre part, ne représente peut-être qu’un artefact. On dispose d’un certain nombre de techniques permettant de résoudre ce problème, dont une variante du modèle de régression de la table de survie de Cox, qui peut prendre en compte les covariables dépendant de la durée.

La définition du faible poids de naissance pose un autre problème. Les études le définissent souvent comme une variable dichotomique: moins de 2 500 g. Mais il faut que l’exposition soit très puissante pour provoquer une baisse importante du poids des nouveau-nés. Le poids de naissance, défini comme une variable continue et analysé dans un modèle de régression multiple, est plus sensible en ce qui concerne la détection d’effets subtils. S’agissant de l’exposition professionnelle et des enfants hypotrophes, la rareté relative des résultats significatifs dans la littérature peut être due, dans une certaine mesure, à l’ignorance de ces modèles et de ces résultats d’analyse.

Conclusion

Les études sur les issues de grossesse défavorables doivent caractériser les expositions pendant un laps de temps plutôt court. Si la femme a changé de travail ou si elle a cessé de travailler pendant une période critique, comme l’organogenèse, il se peut que la relation exposition-effet soit profondément modifiée. Par conséquent, le chercheur est tenu à des critères stricts pour identifier l’exposition de la femme pendant une période critique, à l’inverse des études sur les maladies chroniques pour lesquelles des erreurs de quelques mois, voire de quelques années, n’ont souvent qu’un impact minime.

Le retard de croissance intra-utérin, les anomalies congénitales et les avortements spontanés sont souvent évalués dans les études sur l’exposition professionnelle. Plusieurs approches permettent d’étudier chacune de ces issues. Ces problèmes sont importants pour la santé publique en raison de leur coût à la fois psychologique et financier. On a généralement observé une absence de spécificité dans le rapport exposition-issue, par exemple pour l’exposition au plomb, aux gaz anesthésiques et aux solvants. Du fait que la relation exposition-effet peut ne pas être spécifique, il est nécessaire de concevoir des études permettant d’analyser plusieurs issues associées à une série de mécanismes possibles.

LA PRÉMATURITÉ ET L’ACTIVITÉ PROFESSIONNELLE

Nicole Mamelle

La question de la conciliation du travail et de la maternité constitue un important problème de santé publique dans les pays industriels où plus de 50% des femmes en âge de procréer travaillent en dehors de leur foyer. Qu’il s’agisse des femmes, des syndicats, des employeurs, des politiques ou des cliniciens, tous recherchent les moyens de prévenir les complications de la grossesse et de son issue qui puissent être en relation avec les conditions de travail des femmes enceintes.

Or, les femmes souhaitent continuer à travailler pendant leur grossesse et ressentent parfois les médecins comme surprotecteurs et inutilement restrictifs dans leurs conseils concernant leur mode de vie durant cette période.

Les observations physiologiques de la grossesse

Rappelons d’abord quelques observations de la physiologie de la grossesse pouvant interférer avec l’activité professionnelle.

L’organisme maternel est soumis au cours de la grossesse à des modifications profondes qui lui permettent de s’adapter aux besoins du foetus. Ces remaniements concernent en particulier certaines fonctions qui subissent par ailleurs des variations lors d’un changement de posture ou d’un exercice physique — système circulatoire, respiratoire, métabolisme hydrique. Il en résulte qu’une activité physique peut entraîner des réactions physiologiques ou physiopathologiques spécifiques chez la femme enceinte.

Les principales modifications physiologiques, anatomiques et fonctionnelles de la femme enceinte sont (Mamelle et coll., 1982):

  1. une augmentation des besoins périphériques en oxygène qui entraîne des modifications respiratoires et circulatoires. L’augmentation du volume respiratoire courant dès le 3e mois et atteignant 40% de plus que sa valeur initiale en fin de grossesse conduit à une augmentation des échanges gazeux pouvant accroître le risque d’inhalation de produits toxiques volatils et à une hyperventilation donnant une sensation de dyspnée à l’effort;
  2. l’augmentation de la masse sanguine conduisant à une augmentation du débit cardiaque dès le début de la grossesse entraîne une limitation de l’adaptation cardiaque à l’effort, tandis que l’augmentation de la pression veineuse des membres inférieurs rend pénible la station debout;
  3. les modifications anatomiques de l’organisme au cours de la grossesse (exagération de la lordose dorso-lombaire, élargissement du polygone de sustentation et augmentation du volume abdominal) qui ont des conséquences sur l’activité statique;
  4. les modifications fonctionnelles de l’organisme au cours de la grossesse: des nausées et vomissements conduisant à une sensation de fatigue; une somnolence diurne causant une diminution de l’attention, des variations d’humeur et un sentiment d’angoisse pouvant entraîner des problèmes relationnels;
  5. enfin, il est intéressant de noter que les dépenses énergétiques dues à l’état de grossesse, en vingt-quatre heures, sont égales aux dépenses énergétiques correspondant à deux à quatre heures d’activité professionnelle.
De ces modifications profondes de l’organisme maternel, il résulte qu’une exposition à des risques professionnels peut avoir des conséquences particulières chez la femme enceinte et être préjudiciable à l’issue de sa grossesse.

Les études épidémiologiques sur les conditions de travail et la prématurité

Parmi les issues de grossesse défavorables, nous avons choisi de présenter la prématurité, c’est-à-dire la naissance d’un enfant avant 37 semaines de gestation. La naissance prématurée est associée à un faible poids de naissance et à des complications importantes pour le nouveau-né. La prématurité reste un problème de santé publique majeur et une des préoccupations des obstétriciens.

Lorsque nous avons commencé à travailler dans ce domaine, il y a une vingtaine d’années, il existait, en France, une législation relativement protectrice pour les femmes enceintes, avec un congé prénatal de 6 semaines avant la date prévue de l’accouchement. Bien que le taux de prématurité ait chuté de 10 à 7% en 10 ans, il est apparu que cette diminution avait atteint une limite et que ces mesures de prévention médicale correspondaient à un niveau maximum d’efficacité. Nous avons alors cherché à mettre en évidence des facteurs de risque sociaux susceptibles d’être réduits par une intervention sociale. Nos hypothèses étaient alors les suivantes:

Notre première étude menée en 1977-78 dans deux maternités hospitalières portait sur 3 400 femmes dont 1 900 travaillaient pendant leur grossesse et 1 500 étaient au foyer (Mamelle, Laumon et Lazar, 1984). Interrogées immédiatement après l’accouchement, les femmes étaient invitées à décrire avec précision leur mode de vie pendant la grossesse, tant sur le plan familial que professionnel.

Voici les résultats obtenus:

Le travail en soi

L’exercice d’une profession en soi ne peut être considéré comme un facteur de risque de prématurité, car les femmes au foyer présentent un taux de prématurité supérieur à celui des femmes qui travaillent (7,2 contre 5,8%).

Les conditions de travail

Une durée hebdomadaire de travail excessive apparaît être un autre facteur de risque, car il existe une augmentation régulière du taux de prématurité lorsque le nombre d’heures de travail augmente. Certaines catégories professionnelles sont plus exposées au risque de prématurité (les commerçantes et employées de commerce, le personnel médico-social, les ouvrières spécialisées, le personnel de service) que d’autres (les employées de bureau, les enseignantes, les cadres et les ouvrières qualifiées ou contremaîtresses); les risques de prématurité sont, en moyenne dans ces deux groupes, respectivement de 8,3 et 3,8%.

La description analytique de la tâche permet de distinguer cinq sources de fatigue professionnelle: les postures, le travail sur machine industrielle, la charge physique, la charge mentale et l’environnement du poste de travail. Chaque source de fatigue peut être considérée comme un facteur de risque de prématurité (voir tableaux 9.6. et 9.7).

Tableau 9.6 Sources identifiés de fatigue professionnelle

Indice de fatigue professionnelle

Indice ÉLEVÉ si:

Posture

Station debout pendant plus de 3 heures par jour

Travail sur machine

Travail à la chaîne sur machine industrielle; travail indépendant sur machine industrielle avec efforts importants

Charge physique

Effort physique continu ou périodique; transport de charges de plus de 10 kg

Charge mentale

Travail monotone; tâches variées nécessitant peu d’attention, sans stimulation

Milieu de travail

Nuisance sonore importante; froid; atmosphère très humide; manipulation de produits chimiques

Source: Mamelle, Laumon et Lazar, 1984.

Tableau 9.7 Risques relatifs de prématurié (RR) et indices de fatigue

Indice

Indice faible (%)

Indice élevé (%)

RR

Signification statistique

Posture

4,5

7,2

1,6

Significatif

Travail sur machine

5,6

8,8

1,6

Significatif

Charge physique

4,1

7,5

1,8

Hautement significatif

Charge mentale

4,0

7,8

2,0

Hautement significatif

Milieu de travail

4,9

9,4

1,9

Hautement significatif

Source: Mamelle, Laumon et Lazar, 1984.

L’accumulation des sources de fatigue ainsi définies paraît être préjudiciable à l’issue de la grossesse dans la mesure où le taux de prématurité augmente significativement lorsque les sources de fatigue s’accumulent sur la femme (voir tableau 9.8). Ainsi, il apparaît que 20% des femmes sont soumises à au moins trois sources de fatigue concomitantes et présentent un taux de prématurité deux fois plus élevé que les autres. Il y a un effet cumulatif de la fatigue professionnelle et de la durée excessive du travail de telle sorte que les femmes soumises à une fatigue intense pendant une durée hebdomadaire importante présentent un taux de prématurité encore majoré. La présence d’un facteur de risque médical surajouté au facteur professionnel conduit à une augmentation du risque de prématurité: la détection de la fatigue professionnelle chez une femme est donc d’autant plus importante que celle-ci présente, par ailleurs, un facteur de risque médical.

Tableau 9.8 Risque relatif de prématurité selon le nombre d'indices de fatigue professionnelle

Nombre d’indices de fatigue élevés

Femmes exposées(%)

Risque relatif estimé

0

24

1,0

1

28

2,2

2

25

2,4

3

15

4,1

4-5

8

4,8

Source: Mamelle, Laumon et Lazar, 1984.

Depuis lors, toute une série de travaux en Europe et en Amérique du Nord ont confirmé ces résultats et le score de fatigue, défini précédemment, a été montré reproductible dans d’autres enquêtes, en France, et dans d’autres pays.

Une nouvelle étude menée en France quelques années plus tard (Mamelle et Muñoz, 1987), dans les mêmes maternités, avec un protocole de type cas-témoins, a montré que parmi les cinq indices de fatigue définis préalablement, deux seulement étaient significativement liés à la prématurité. Il faut noter que, pendant cette période, des mesures de prévention s’étaient instaurées sur les lieux de travail, les femmes enceintes ayant plus souvent la possibilité de s’asseoir ou étant soustraites à des tâches physiques exténuantes. Cependant, le score de fatigue reste un facteur de risque de prématurité dans cette deuxième enquête.

Une étude effectuée à Montréal, au Québec (McDonald et coll., 1988), a porté sur 22 000 femmes enceintes interrogées rétrospectivement sur leurs conditions de travail. Les résultats montrent l’effet significatif des longues heures de travail hebdomadaire, des horaires alternés et du port de charges lourdes; les autres facteurs étudiés n’apparaissent pas liés à la prématurité, mais un score de fatigue construit comme la somme des sources de fatigue prises en compte apparaît significativement lié au risque de prématurité.

A partir d’un échantillon représentatif des naissances en France, une étude a été conduite (Saurel-Cubizolles et Kaminski, 1987) en interrogeant rétrospectivement 5 000 femmes enceintes. Aucune relation significative entre les éléments des conditions de travail et la prématurité n’a été mise en évidence, sauf pour le travail à la chaîne sur machine industrielle. Cependant, un score de fatigue, inspiré du nôtre, a été trouvé significativement lié au risque de prématurité.

Aux Etats-Unis, Homer, Beredford et James (1990), à partir d’une étude de cohorte historique, ont confirmé le risque élevé de prématurité lié à la charge physique. Teitelman et son équipe (1990), dans une étude prospective auprès de 1 200 femmes enceintes dont le travail a été qualifié de sédentaire, actif ou debout, d’après le titre de l’emploi, met en évidence une relation entre la position debout et le risque de prématurité.

Barbara Luke et ses collaborateurs (Luke et coll., 1995), dans une étude rétrospective menée auprès des infirmières américaines travaillant en maternité, a utilisé notre grille de risque professionnel et obtenu des résultats similaires pour les longues heures de travail hebdomadaire, la position debout, la charge physique, l’environnement du poste de travail. De plus, le risque de prématurité est significativement plus élevé lorsque la femme est soumise à trois ou quatre sources de fatigue concomitantes. Il faut noter, en outre, que cela concerne plus de 50% des infirmières américaines.

Cependant, certains résultats contradictoires ont été obtenus par d’autres auteurs. Cela peut être dû à des échantillons trop petits (Berkowitz, 1981), à une définition différente de la prématurité (Launer et coll., 1990), à un repérage des conditions de travail à partir du titre de l’emploi et non d’une description analytique du poste de travail (Klebanoff, Shiono et Carey, 1990), à une description théorique du poste de travail par le médecin du travail, par exemple, et non par la femme elle-même (Peoples-Sheps et coll., 1991), alors que nous croyons important de prendre en compte la fatigue subjective telle qu’elle est décrite, ressentie par la femme.

Enfin, il est possible que des résultats négatifs puissent être liés à la mise en place de mesures de prévention. C’est le cas de l’étude suédoise d’Ahlborg, étude prospective portant sur 3 900 femmes actives ayant répondu à un autoquestionnaire lors de leur première visite prénatale (Ahlborg, Bodin et Hogstedt, 1990). Le seul élément qu’il met en évidence est le port de charges supérieures à 12 kg plus de 50 fois par semaine, et encore le risque relatif de 1,7 est non significatif. Ahlborg conclut lui-même qu’il existe maintenant des mesures de prévention pour les femmes enceintes qui exercent un travail pénible. Elles ont le droit d’effectuer un travail moins fatigant pendant les deux mois précédant la date prévue de l’accouchement et d’avoir un arrêt de travail rémunéré. Or, de telles absences sont cinq fois plus fréquentes chez les femmes qui ont déclaré avoir un travail fatigant avec port de charges. Ahlborg conclut que le risque de prématurité a pu être minimisé par une telle intervention.

L’évaluation d’interventions préventives

Les études étiologiques paraissent-elles maintenant suffisamment probantes pour pouvoir envisager des interventions préventives et leur évaluation? La première question qui se pose est de savoir s’il est justifié, en termes de santé publique, d’envisager des mesures sociales de prévention de la prématurité.

Nos études antérieures ont permis d’évaluer la proportion de naissances prématurées due au facteur professionnel. Sur la base de 10% de prématurés dans la population exposée à une fatigue intense et de 4,5% dans la population non exposée, la proportion de cas dus au facteur professionnel est de 21%. Ainsi, réduire la fatigue professionnelle pourrait entraîner, en France, une réduction d’un cinquième des naissances prématurées parmi les femmes qui travaillent. Ce résultat justifie la mise en œuvre de mesures sociales de prévention.

Quelles mesures de prévention peuvent être envisagées? Toutes les études conduisent à penser qu’il faut soit réduire les heures de travail, soit réduire la fatigue par un changement de poste de travail, soit prescrire des arrêts de travail en cours de grossesse ou un allongement du congé prénatal. On peut envisager trois mesures alternatives (d’un coût comparable):

Rappelons tout d’abord la législation française relative à la protection des femmes enceintes:

Grâce à une étude d’observation prospective dans 50 entreprises de la région Rhône-Alpes en France (Bertucat, Mamelle et Muñoz, 1987), 23 000 femmes aux conditions de travail fatigantes ont été suivies et ont donné naissance à 1 150 enfants en un an. Dans cette étude, la situation effective des femmes enceintes dans les entreprises nous a permis d’observer les modifications de leurs conditions de travail et d’étudier leur relation avec une éventuelle naissance prématurée (Mamelle, Bertucat et Muñoz, 1989). Nous avons observé que:

Ces modifications des conditions de travail ont-elles eu un effet sur l’issue de la grossesse? Nous avons observé qu’un changement de poste de travail était associé à une réduction (mais non significative) du risque de prématurité et qu’une réduction légère de la durée du travail (une demi-heure ou une heure) était aussi associée à une réduction non significative du risque de prématurité. On peut espérer qu’une réduction plus importante de la durée hebdomadaire de travail aurait un effet plus important (voir tableau 9.9).

Tableau 9.9 Risques relatifs de prématurité associés à des modifications des conditions de travail

Modifications des conditions de travail

Nombre de femmes

Taux de prématurité(%)

Risque relatif (intervalles de confiance à 95%)

Modification de la situation professionnelle

Non

1 062

6,2

0,5 (0,2-1,6)

Oui

   87

3,4

 

Diminution de la durée hebdomadaire du travail

Non

  388

7,7

0,7 (0,4-1,1)

Oui

  761

5,1

 

Episodes de congé maladie1

Non

  357

8,0

0,4 (0,2-0,7)

Oui

  421

3,1

 

Augmentation de la durée du congé de maternité prénatal1

Aucune ou deux semaines de plus seulement

  487

4,3

1,7 (0,9-3,0)

Oui

  291

7,2

 

1 Sur un échantillon réduit de 778 femmes sans pathologie obstétricale antérieure ou actuelle.

Source: Mamelle, Bertucat et Muñoz, 1989.

Pour analyser la relation entre congé prénatal, arrêt de travail et prématurité, il est nécessaire de restreindre l’analyse aux femmes n’ayant présenté aucune pathologie pendant la grossesse afin de ne pas confondre arrêt de travail préventif et curatif. Nous avons ainsi observé, dans ce sous-groupe, une réduction du taux de prématurité chez les femmes qui ont bénéficié de périodes d’arrêt de travail en cours de grossesse, mais aucune réduction chez celles qui ont eu un allongement de leur congé prénatal (voir tableau 9.9).

Dans cette étude d’observation nous avons montré que les femmes qui travaillent dans des conditions fatigantes ont plus souvent recours à des arrêts de travail en cours de grossesse que les autres et que des épisodes d’arrêts de travail accordés à titre de repos, spécialement en raison d’une fatigue intense, sont associés à une réduction du risque de prématurité.

Les types de stratégies préventives

En tant qu’épidémiologiste, nous aurions aimé vérifier ces observations par une étude expérimentale de prévention. Mais est-il raisonnable d’attendre de telles études ou devons-nous donner dès maintenant des recommandations en matière de prévention sociale de prématurité?

Le gouvernement français a récemment décidé d’introduire dans le carnet de grossesse des femmes enceintes une fiche de liaison «travail et grossesse» reproduisant le score de fatigue précité. Chaque femme enceinte peut ainsi calculer elle-même son score de fatigue. En cas de conditions de travail exténuantes, elle peut demander à rencontrer le médecin du travail ou la personne responsable de la sécurité du travail dans son entreprise pour solliciter des mesures d’allégement de ses conditions de travail. En cas de refus, elle peut demander à son médecin traitant de lui prescrire des semaines de repos en cours de grossesse, voire un allongement de son congé prénatal.

Le problème est maintenant, dans chaque pays, d’examiner les stratégies préventives les mieux adaptées à sa législation et à ses conditions sociales. Il s’agit alors d’évaluation ou de comparaison de stratégies préventives par une approche de type économie de la santé. En effet, avant de généraliser de telles mesures, il faut en envisager tous les aspects: efficacité bien sûr, mais aussi bas coût pour la sécurité sociale, éventuelles créations d’emploi en résultant, sans oublier de s’intéresser aux préférences des femmes et à l’acceptabilité des mesures envisagées par les employeurs et par les syndicats.

Ce type de problème peut être résolu par des méthodes multicritères, du genre méthode Electre, qui conduisent à classer les stratégies préventives en fonction de chacun des critères à prendre en compte, mais aussi de pondérations affectées aux critères selon les impératifs politiques: préférence accordée au bas coût pour la sécurité sociale ou au choix des femmes, par exemple (Mamelle et coll., 1986). Selon le décideur et les options politiques, la méthode conduira à privilégier telle ou telle stratégie préventive, tout en respectant l’efficacité sur le plan de la santé.

L’EXPOSITION PROFESSIONNELLE ET ENVIRONNEMENTALE: EFFETS SUR LE NOUVEAU-NÉ

Mary S. Wolff et Patrisha M. Woolard

Les nourrissons et les jeunes enfants sont exposés à des risques environnementaux particuliers. Les enfants ne sont pas de «petits adultes», que ce soit dans la manière dont ils absorbent et éliminent les produits chimiques, ou la façon dont ils réagissent à une exposition à des produits toxiques. Une exposition néonatale peut avoir un impact plus grand sur le nouveau-né, étant donné que sa surface corporelle est relativement importante et que ses capacités métaboliques (ou à éliminer les produits chimiques) sont relativement sous-développées. De même, les effets toxiques potentiels sont plus importants, car le cerveau, les poumons et le système immunitaire continuent à se développer au cours des premières années de la vie.

Il existe des possibilités d’exposition à la maison, dans les crèches et sur les aires de jeux:

Pour un certain nombre d’effets sur la santé, discutés du point de vue de l’exposition néonatale, il est difficile de faire la distinction entre les événements survenant avant et après la naissance. Les expositions prénatales (par le placenta) peuvent continuer à se manifester dans la petite enfance. Le plomb et la fumée de tabac présents dans l’environnement ont été associés à des déficits du développement cognitif et de la fonction pulmonaire se manifestant à la fois avant et après la naissance. Dans cet article, nous nous sommes particulièrement intéressés aux expositions postnatales et à leurs effets sur la santé des très jeunes enfants.

Le plomb et les autres métaux lourds

Parmi les métaux lourds, le plomb est l’élément auquel l’être humain est le plus exposé, car il est présent à la fois dans l’environnement et sur le lieu de travail. Dans les usines de fabrication de piles, les fonderies, les ateliers de soudure, le bâtiment et le décapage des peintures, l’exposition des travailleurs est importante. On sait depuis longtemps que les parents travaillant dans ces secteurs d’activité rapportent à la maison la poussière présente sur leurs vêtements, qui peut être absorbée par les enfants. Pour ces derniers, l’absorption se fait principalement par ingestion d’éclats de peinture, de poussière ou d’eau contaminés par le plomb. L’absorption respiratoire est efficace et l’inhalation devient une voie d’exposition importante en présence d’un aérosol de plomb ou d’alkylplomb (Clement International Corporation, 1991).

Chez l’enfant, l’intoxication par le plomb peut, en principe, atteindre tous les systèmes organiques, mais les niveaux courants d’exposition s’accompagnent principalement de modifications neurologiques et du développement. De plus, des atteintes rénales et hématologiques ont été observées chez des adultes comme chez des enfants soumis à une exposition importante au plomb. Les maladies cardio-vasculaires et les troubles de la reproduction sont des séquelles connues de l’exposition au plomb chez les adultes. Une exposition chronique de faible intensité au plomb pourrait entraîner des effets subcliniques sur les reins, le système cardio-vasculaire et le système reproducteur, mais on ne dispose que de données limitées pour confirmer cette hypothèse. Les données animales corroborent les résultats obtenus chez l’être humain (Sager et Girard, 1994).

En termes de dose mesurable, les effets neurologiques vont d’un déficit du QI pour des expositions faibles (plombémie = 10 µg/dl) à l’encéphalopathie (80 µg/dl). Le taux critique pour les enfants, qui était de 25 µg/dl en 1985, a été abaissé à 10 µg/dl en 1993.

Une exposition néonatale, telle que celle provenant de la poussière rapportée du lieu de travail à la maison par les parents, a été qualifiée de «souillure du nid» par Chisholm en 1978. Depuis lors, des mesures préventives, comme l’obligation de prendre une douche et de changer de vêtements avant de quitter le lieu de travail, ont diminué la quantité de poussière rapportée au domicile. Cependant, le plomb d’origine professionnelle est aujourd’hui encore une source potentielle importante d’exposition néonatale. Une enquête sur des enfants, menée au Danemark, a conclu à une plombémie environ deux fois plus élevée chez les enfants de travailleurs exposés que dans les foyers dans lesquels l’exposition était uniquement non professionnelle (Grandjean et Bach, 1986). L’exposition des enfants à du plomb de source professionnelle a été analysée chez des épisseurs de câbles électriques (Rinehart et Yanagisawa, 1993) et des travailleurs fabriquant des condensateurs (Kaye, Novotny et Tucker, 1987).

Les sources non professionnelles d’exposition au plomb ambiant représentent toujours un danger sérieux pour les jeunes enfants. Aux Etats-Unis, depuis l’interdiction progressive en 1968 d’utiliser du tétraéthylplomb comme additif pour les combustibles, la plombémie moyenne est tombée de 13 à 3 µg/dl chez les enfants (Pirkle et coll., 1994) pour lesquels les éclats et la poussière de peinture sont actuellement la principale cause d’intoxication saturnine (Roper, 1991). Un rapport montre, par exemple, que chez les jeunes enfants (nourrissons de moins de 11 mois) ayant un excès de plomb dans le sang, le plus grand risque est celui d’une exposition par la poussière et l’eau, tandis que chez les plus âgés (24 mois), c’est celui d’ingérer des éclats de peinture (pica) (Shannon et Graef, 1992). La diminution de la présence de plomb grâce au décapage des surfaces peintes a permis de protéger les enfants d’une exposition à la poussière et aux éclats de peinture (Farfel, Chisholm et Rohde, 1994). Mais, paradoxalement, les ouvriers participant à cette entreprise rapportaient chez eux de la poussière de plomb sur leurs vêtements. En outre, on a remarqué que l’exposition continue de jeunes enfants au plomb affecte d’une manière disproportionnée ceux qui sont défavorisés du point de vue économique (Brody et coll., 1994; Goldman et Carra, 1994). Cette inégalité est due, en partie, aux mauvaises conditions de logement; dès 1982, on a montré que, chez les enfants, la plombémie était directement liée à la détérioration de l’habitat (Clement International Corporation, 1991).

La présence de plomb dans le lait maternel est une autre source potentielle d’exposition dérivée de la profession. On a établi un lien entre un taux élevé de plomb dans le lait et des sources tant professionnelles qu’environnementales (Ryu, Ziegler et Fomon, 1978; Dabeka et coll., 1986). La concentration de plomb dans le lait est faible par rapport à la concentration sanguine (de 1/5 à 1/2 environ) (Wolff, 1993), mais le volume important de lait absorbé par le nourrisson peut ajouter des quantités de l’ordre du milligramme à la charge corporelle. En comparaison, il y a normalement moins de 0,03 mg de plomb dans le sang circulant chez un nouveau-né et la prise quotidienne est habituellement inférieure à 20 µg (Clement International Corporation, 1991). De fait, l’ingestion par le lait maternel a des répercussions sur la plombémie du nourrisson (Rabinowitz, Leviton et Needleman, 1985; Ryu et coll., 1983; Ziegler et coll., 1978). Il faut noter que le taux normal de plomb dans le lait maternel n’est pas excessif et que l’allaitement contribue pour une quantité comparable à celle d’autres sources d’alimentation du nouveau-né. A titre comparatif, un petit éclat de peinture peut contenir plus de 10 mg (10 000 µg) de plomb.

Un retard dans le développement de l’enfant a été rapproché d’une exposition prénatale et postnatale au plomb. On pense que l’exposition prénatale au plomb est responsable des déficits du développement mental et comportemental qui ont été observés chez des enfants jusqu’à l’âge de deux à quatre ans (Landrigan et Campbell, 1991; Bellinger et coll., 1987). Les effets d’une exposition postnatale au plomb, comme ceux observés chez les nouveau-nés à partir d’une exposition professionnelle, peuvent être décelés chez les enfants de deux à six ans, voire plus. Ceux-ci ont des problèmes de comportement et une intelligence moins développée (Bellinger et coll., 1994). Ces effets ne sont pas dus uniquement à une forte exposition; ils ont été observés avec des taux relativement faibles, par exemple avec une plombémie de l’ordre de 10 µg/dl (Needleman et Bellinger, 1984).

Dans l’environnement, le mercure se présente sous forme inorganique et organique (principalement sous forme de méthyle). On a observé récemment une exposition professionnelle au mercure chez des travailleurs qui fabriquaient des thermomètres ou réparaient des équipements à haute tension contenant du mercure. D’autres activités sont également liées à une exposition potentielle au mercure: la peinture, la dentisterie, la plomberie et la fabrication de produits chlorés (Agency for Toxic Substances and Disease Registry, 1992).

L’intoxication prénatale et postnatale au mercure a été bien étudiée chez les enfants. Ceux-ci sont plus sensibles que les adultes aux effets du méthylmercure en raison principalement de la «remarquable sensibilité» au méthylmercure du système nerveux central humain en cours de développement, effet également observé avec de faibles doses chez les animaux (Clarkson, Nordberg et Sager, 1985). L’exposition des enfants au méthylmercure se fait essentiellement par l’ingestion de poisson ou de lait maternel contaminés, tandis que le mercure élément provient d’une exposition professionnelle. On a noté une exposition domestique secondaire à une exposition professionnelle (Zirschky et Wetherell, 1987). Ces dernières années, des expositions accidentelles au foyer ont été signalées dans le travail à domicile (Meeks, Keith et Tanner, 1990; Rowens et coll., 1991), ainsi qu’à la suite d’éclaboussures accidentelles de mercure métallique (Florentine et Sanfilippo, 1991). L’exposition au mercure élément se produit principalement par inhalation, tandis que l’alkylmercure peut être absorbé par ingestion, inhalation ou contact cutané.

Dans l’épisode d’intoxication le mieux étudié, des troubles sensoriels et moteurs, ainsi qu’un retard mental ont été observés après une exposition à de très fortes doses de méthylmercure soit in utero, soit dans le lait maternel (Bakir et coll., 1973). L’exposition maternelle était due à l’ingestion de méthylmercure utilisé comme fongicide pour les céréales.

Les pesticides et les produits chimiques apparentés

On produit chaque année dans le monde plusieurs centaines de millions de tonnes de pesticides. Les pays développés emploient dans l’agriculture des herbicides, des fongicides et des insecticides afin d’améliorer le rendement et la qualité des récoltes. Les produits de traitement du bois constituent une part de marché beaucoup plus modeste, mais encore très importante. L’utilisation pour la maison et le jardin représente une partie relativement peu importante de la consommation totale, mais du point de vue de la toxicité néonatale, les intoxications domestiques sont sans doute les plus nombreuses. L’exposition professionnelle est également une source potentielle d’exposition indirecte pour les nourrissons si l’un des parents travaille dans un domaine qui utilise des pesticides. L’exposition à ces derniers peut se faire par absorption cutanée, inhalation et ingestion. Plus de 50 pesticides ont été déclarés cancérogènes chez l’animal (McConnell, 1986).

Les pesticides organochlorés comprennent les composés aromatiques comme le DDT (bis(4-chlorophényle)-1,1,1-trichloro-éthane) et les cyclodiènes comme la dieldrine. On a commencé à utiliser le DDT au début des années quarante, car il constituait un moyen efficace d’éliminer les moustiques vecteurs du paludisme, utilisation encore très répandue dans les pays en développement. Le lindane est un produit organochloré abondamment utilisé de nos jours contre les poux et dans l’agriculture, en particulier dans les pays en développement. Les biphényles polychlorés (BPC), autres mélanges de produits organochlorés liposolubles utilisés depuis les années quarante, représentent un danger potentiel pour la santé des jeunes enfants exposés à travers le lait maternel et d’autres aliments contaminés. Le lindane et les BPC sont traités à part dans ce chapitre. Des biphényles polychromés ont également été décelés dans le lait maternel, presque uniquement dans l’Etat du Michigan (Etats-Unis), où un produit ignifugeant, mélangé par inadvertance à de la nourriture pour animaux en 1973-74, a été propagé dans tout l’Etat par les produits laitiers et la viande.

Le chlordane a été utilisé comme pesticide et comme termiticide dans les maisons, où il s’est montré efficace pendant des décennies, sans doute à cause de sa persistance. L’exposition à ce produit chimique peut se faire par l’alimentation ou par absorption directe, respiratoire ou cutanée. Au Japon, le taux dans le lait maternel a pu être relié à la fois à l’alimentation et au traitement récent des habitations. Les femmes vivant dans des maisons qui avaient été traitées plus de deux ans auparavant avaient un taux de chlordane dans le lait trois fois supérieur à celui de femmes vivant dans des maisons qui n’avaient pas été traitées (Taguchi et Yakushiji, 1988).

La nourriture est la principale source de produits organochlorés persistants, mais la fumée, l’air et l’eau peuvent également contribuer à l’exposition. Les pesticides appartenant à ce groupe, appelés aussi hydrocarbures halogénés, sont très persistants dans l’environnement, en raison de leur lipophilie, de leur résistance au métabolisme ou à la biodégradation et de leur faible volatilité. On a trouvé plusieurs centaines de ppm dans les graisses humaines et animales chez les individus les plus exposés. En raison de leur toxicité pour la reproduction sur la faune et de leur tendance à la bio-accumulation, les pesticides organochlorés ont été interdits ou soumis à des restrictions dans les pays développés.

Une neurotoxicité a été observée avec de très fortes doses de pesticides organochlorés, mais les effets potentiels à long terme sur la santé de l’être humain sont encore plus inquiétants. Bien que les effets chroniques sur la santé n’aient pas été très documentés, une hépatotoxicité, des cancers et des troubles de la reproduction ont été observés chez des animaux de laboratoire et des animaux sauvages. Les préoccupations sanitaires ont pour principale origine des études effectuées chez l’animal, dans lesquelles des cancers et des modifications profondes des systèmes hépatique et immunitaire avaient été observés.

Les organophosphates et les carbamates persistent moins longtemps que les organochlorés et constituent la classe de pesticides la plus universellement utilisée. Ils se dégradent relativement vite dans l’environnement et dans l’organisme. Un certain nombre d’organophosphates et de carbamates ont une neurotoxicité aiguë ainsi que, dans certains cas, une neurotoxicité chronique. Les dermatoses sont également un symptôme fréquemment signalé à la suite d’une exposition aux pesticides.

Les produits à base de pétrole utilisés pour appliquer certains pesticides sont également une source de préoccupation. Des effets chroniques, parmi lesquels des cancers hématopoïétiques et d’autres cancers de l’enfance, ont été associés à l’exposition parentale ou domestique à des pesticides, mais les données épidémiologiques sont assez limitées. Néanmoins, d’après les données provenant d’études chez l’animal, il est préférable d’éviter l’exposition aux pesticides.

De nombreux risques d’exposition et d’effets toxiques pour le nouveau-né ont été signalés. Parmi des enfants ayant dû être hospitalisés pour intoxication aiguë, la plupart avaient avalé par inadvertance un pesticide, tandis qu’un nombre significatif d’entre eux avaient été exposés en jouant sur des tapis traités (Casey, Thompson et Vale, 1994; Zwiener et Ginsburg, 1988). La contamination des vêtements des travailleurs par de la poudre ou un liquide contenant un pesticide est connue depuis longtemps. Cette voie fournit de nombreuses occasions d’exposition domestique, à moins que les travailleurs ne prennent les précautions d’hygiène adéquates après le travail. Par exemple, une famille entière a présenté un taux élevé de chlordécone (Képone) dans le sang, attribué au blanchissage à domicile des vêtements du travailleur (Grandjean et Bach, 1986). L’exposition domestique à la dioxine (TCDD) a été étudiée en raison de la présence de chloracné chez le fils et la femme de deux travailleurs exposés après une explosion (Jensen, Sneddon et Walker, 1972).

Pour les nourrissons, la plupart des expositions possibles proviennent de l’application de pesticides dans la maison ou à proximité (Lewis, Fortmann et Camann, 1994). La poussière présente dans les tapis s’est avérée très contaminée par de nombreux pesticides (Fenske et coll., 1994). La majeure partie des contaminations domestiques signalées ont été attribuées à l’extermination des puces ou à l’application de pesticides sur la pelouse ou dans le jardin (Davis, Bronson et Garcia, 1992). On estime qu’après un traitement de la maison l’absorption de chlorpyriphos par les nourrissons excéderait la concentration admissible. En effet, après ce type de fumigation, les concentrations ambiantes ne redescendent pas toujours rapidement à un niveau de sécurité.

Le lait maternel est pour le nouveau-né une source potentielle d’exposition aux pesticides. Sa contamination par les pesticides, notamment les organochlorés, est connue depuis des décennies. L’exposition professionnelle et environnementale peut entraîner une contamination importante du lait maternel par les pesticides (D’Ercole et coll., 1976; McConnell, 1986). Le taux de produits organochlorés dans le lait maternel qui, par le passé, était excessif, est en baisse dans les pays développés, parallèlement à la diminution de la concentration dans les graisses qui a été observée après la limitation de l’utilisation de ces composés. La contamination du lait maternel par le DDT est donc plus importante actuellement dans les pays en développement. On a peu de preuves de la présence d’organophosphorés dans le lait maternel, fait que l’on peut attribuer à l’hydrosolubilité et au métabolisme rapide de ces produits dans l’organisme.

L’ingestion d’eau contaminée par des pesticides représente également un danger potentiel pour la santé du nouveau-né. Ce problème est particulièrement important avec les aliments lactés qui doivent être préparés avec de l’eau. Par ailleurs, les aliments lactés pour nouveau-nés que l’on trouve dans le commerce sont relativement exempts d’agents contaminants (National Research Council, 1993). La contamination des aliments par des pesticides peut également exposer le nourrisson. Le lait, les fruits et les légumes vendus dans le commerce sont contaminés à un très faible niveau par les pesticides, même dans les pays développés où la réglementation et la surveillance sont les plus rigoureuses (The Referee, 1994). Si le lait est la base de l’alimentation du nourrisson, les fruits (particulièrement les pommes) et les légumes (surtout les carottes) sont aussi consommés en quantité importante par les jeunes enfants et représentent, par conséquent, une source possible d’exposition aux pesticides.

Dans les pays industriels, notamment aux Etats-Unis et en Europe occidentale, l’utilisation de la plupart des pesticides organochlorés, dont le DDT, le chlordane, la dieldrine et le lindane, est interdite, suspendue ou limitée depuis les années soixante-dix (Maxcy, Rosenau et Last, 1994). Les pesticides encore utilisés à des fins agricoles ou non agricoles font l’objet d’une réglementation en ce qui concerne leur concentration dans l’alimentation, l’eau et les produits pharmaceutiques. Grâce à cette réglementation, les taux de pesticides dans les tissus adipeux et dans le lait maternel ont diminué d’une manière significative au cours des quatre dernières décennies. Toutefois, les organochlorés sont encore très utilisés dans les pays en développement où, par exemple, le lindane et le DDT comptent parmi les pesticides les plus fréquemment employés dans l’agriculture et la lutte contre le paludisme (Awumbila et Bokuma, 1994).

Le lindane

Le lindane est le gamma-isomère et le principe actif de la forme industrielle de l’hexachlorure de benzène (HCB). Le HCB, connu également sous le nom d’hexachlorocyclohexane (HCH), contient de 40 à 90% d’autres isomères — alpha, beta et delta. Cet organochloré est utilisé comme pesticide agricole ou non agricole dans le monde entier depuis 1949. L’exposition professionnelle peut se produire pendant la fabrication, la préparation et l’application du HCB. Le lindane est également beaucoup utilisé sous forme de préparation pharmaceutique, crème, lotion ou shampooing, pour le traitement de la gale ou l’élimination des poux. Etant donné que ces affections cutanées surviennent essentiellement chez les nourrissons et les enfants, un traitement médical peut entraîner l’absorption cutanée de HCB par des enfants en bas âge. L’exposition néonatale peut également être due à l’inhalation de vapeurs ou de poussières apportées à la maison par l’un des parents ou y subsistant après usage. L’ingestion alimentaire représente également un moyen d’exposition des enfants en bas âge, puisque du HCB a été décelé, comme de nombreux insecticides organochlorés, dans le lait maternel, les produits laitiers et d’autres aliments. L’exposition par l’allaitement était plus importante aux Etats-Unis avant que la production commerciale du lindane ne soit interdite. Selon le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), il est possible que l’hexachlorocyclohexane soit cancérogène pour l’humain (CIRC, 1987). Toutefois, les effets secondaires néfastes observés chez les nourrissons ont été principalement des atteintes du système nerveux et du système hématopoïétique.

L’exposition domestique au lindane a été décrite chez la femme d’un préparateur de pesticides, ce qui montre la possibilité d’une exposition similaire chez le nouveau-né. La femme avait 5 ng/ml de gamma-HCB dans le sang, concentration inférieure à celle de son mari (voir tableau 9.10) (Starr et coll., 1974). On suppose que le gamma-HCB avait été rapporté par le mari sur son corps ou ses vêtements. Les taux de gamma-HCB chez la femme et son mari étaient plus élevés que les taux constatés chez des enfants traités par une lotion contenant 0,3 à 1,0% de ce même produit.

Tableau 9.10 Sources potentielles et niveaux d'exposition des nouveau-nés

 

Source d’exposition

gamma-HCB dans le sang (ng/ml; ppb)

Exposition professionnelle

Faible exposition
Forte exposition

5
36

Homme adulte

Tentative de suicide

1 300

Enfant

Intoxication aiguë

100-800

Enfants

Lotion à 1% de HCB (moyenne)

13

Observation d’exposition au domicile1

Mari
Femme

17
5

Populations non exposées depuis 1980

Yougoslavie
Afrique
Brésil
Inde

52
72
92
752

1 Starr et coll., 1974; autres données: Smith, 1991.

2 En grande partie beta-isomère.

Dans le lait maternel, le HCB est présent essentiellement sous forme de beta-isomère (Smith, 1991). La demi-vie du gamma-isomère dans le corps humain est d’un jour environ, tandis que le beta-isomère s’accumule.

L’absorption cutanée du lindane présent dans des produits pharmaceutiques dépend de la quantité appliquée sur la peau et de la durée de l’exposition. Les nourrissons et les jeunes enfants semblent plus sensibles que les adultes aux effets toxiques du lindane (Clement International Corporation, 1992). L’une des raisons pourrait être que l’absorption cutanée est augmentée par la plus grande perméabilité de la peau de l’enfant et par un rapport surface-volume élevé. Le taux peut se maintenir plus longtemps chez le nouveau-né en raison d’un métabolisme du HCB moins efficace chez les nourrissons et les jeunes enfants. De plus, l’exposition des nouveau-nés est augmentée par le fait que l’enfant lèche ou porte à la bouche les zones traitées (Kramer et coll., 1990). Une douche ou un bain chauds avant l’application sur la peau de produits pharmaceutiques peut faciliter leur absorption cutanée, augmentant ainsi leur toxicité.

Dans un certain nombre d’observations portant sur des intoxications accidentelles au lindane, des effets toxiques évidents ont été décrits, dont certains chez de jeunes enfants. Dans un cas, un nourrisson de deux mois est mort après de multiples expositions à une lotion contenant 1% de lindane, dont une application sur tout le corps après un bain chaud (Davies et coll., 1983).

La production et l’utilisation de lindane sont soumises à des restrictions dans la plupart des pays développés, mais le lindane est encore utilisé à grande échelle dans le secteur agricole d’autres pays. D’après une étude sur l’utilisation de pesticides dans des fermes au Ghana, il représente respectivement 35 et 85% des pesticides utilisés par les agriculteurs et par les gardiens de troupeaux (Awumbila et Bokuma, 1994).

Les biphényles polychlorés

Les biphényles polychlorés (BPC) ont été utilisés depuis le milieu des années quarante jusqu’à la fin des années soixante-dix comme liquides isolants dans les condensateurs et les transformateurs électriques. Des résidus sont toujours présents dans l’environnement en raison de la pollution, due essentiellement à un mauvais traitement des déchets ou à des débordements accidentels. Certains équipements encore utilisés ou stockés demeurent une source potentielle de contamination. Un incident dans lequel des enfants jouant avec des condensateurs avaient été exposés à des concentrations décelables de BPC (Wolff et Schecter, 1991) a été signalé, de même que l’exposition de la femme d’un ouvrier (Fischbein et Wolff, 1987).

Dans deux études sur l’exposition environnementale, une exposition prénatale et postnatale aux BPC s’est accompagnée d’effets bénins, mais significatifs chez des enfants. Dans l’une des études, des troubles légers du développement moteur ont été observés chez des enfants dont la mère avait, immédiatement après la naissance, un taux de BPC dans le lait qui se situait dans le 95e percentile du groupe étudié (Rogan et coll., 1986). Dans l’autre étude, des déficits sensoriels (ainsi qu’une petite taille pour l’âge gestationnel) ont été observés chez des enfants ayant un taux sanguin qui se situait environ dans le 25e percentile (Jacobson et coll., 1985; Fein et coll., 1984). Ces niveaux d’exposition, tout en se situant dans la fourchette supérieure pour ces études (plus de 3 ppm dans le lait maternel sur la base des lipides et plus de 3 ng/ml dans le sang des enfants), n’étaient pas excessivement élevés. Une exposition professionnelle ordinaire donne des taux dix à cent fois supérieurs (Wolff, 1985). Dans les deux études, les effets ont été attribués à une exposition prénatale. Toutefois, de tels résultats appellent à la prudence en ce qui concerne l’exposition indue des nouveau-nés à ce type de produits chimiques avant et après la naissance.

Les solvants

Les solvants forment un groupe de liquides volatils ou semi-volatils utilisés principalement pour dissoudre d’autres substances. Une exposition à des solvants peut se produire au cours de processus de fabrication; c’est le cas, par exemple, de l’exposition à l’hexane au cours de la distillation de produits pétroliers. Dans la plupart des cas, l’exposition se produit au travail ou à la maison. Parmi les applications industrielles courantes, on trouve le nettoyage à sec, le dégraissage, la peinture et le décapage de la peinture, ainsi que l’imprimerie. A la maison, un contact direct avec des solvants est possible au cours de l’utilisation de substances comme les produits d’entretien pour les métaux, les produits de nettoyage à sec, les diluants pour peintures ou les vaporisateurs.

Les principales voies d’exposition aux solvants, à la fois chez les adultes et chez les nourrissons, sont l’absorption respiratoire et cutanée. L’ingestion du lait maternel est un moyen d’exposition néonatale à des solvants provenant du travail des parents. En raison de la demi-vie brève de la plupart des solvants, leur passage dans le lait maternel est également rapide. Cependant, après exposition de la mère, certains solvants restent dans le lait maternel pendant au moins un court moment (au moins une demi-vie). Parmi les solvants qui ont été décelés dans le lait maternel, on trouve le tétrachloroéthylène, le sulfure de carbone et l’halothane (un anesthésique). Une étude détaillée de l’exposition potentielle du nourrisson au tétrachloroéthylène a conclu que la concentration dans le lait maternel peut facilement dépasser celle recommandée par les directives sur les risques pour la santé (Schreiber, 1993). Le risque de dépassement du pourcentage admis est plus grand pour les nourrissons dont la mère peut avoir été exposée sur son lieu de travail (58 à 600 par million de personnes). En ce qui concerne les expositions non professionnelles les plus importantes, le risque de dépassement a été évalué entre 36 et 220 pour dix millions de personnes; on trouve de telles expositions dans les logements situés juste au-dessus des teintureries. On a en outre estimé que la concentration de tétrachloroéthylène dans le lait revient à un taux normal (avant exposition) quatre à huit semaines après la cessation de l’exposition.

L’exposition non professionnelle est possible pour l’enfant dans un foyer où on utilise des solvants ou des produits à base de solvants. L’air ambiant contient un pourcentage très faible, mais constamment décelable de solvants, tels que le tétrachloroéthylène. L’eau peut également contenir des composés volatils organiques du même type.

Les poussières et les fibres d’origine minérale: amiante, fibre de verre, laine de roche, zéolites, talc

Une exposition aux poussières et aux fibres d’origine minérale sur le lieu de travail provoque chez les travailleurs des maladies respiratoires, dont le cancer du poumon. L’exposition à la poussière est un problème potentiel chez le nourrisson dont les parents apportent des particules sur leurs vêtements ou leur corps. Pour l’amiante, des fibres provenant du lieu de travail ont été trouvées dans des logements et l’exposition en résultant pour les membres de la famille a été appelée exposition familiale ou passive. On a pu étudier les maladies familiales liées à l’amiante en raison de la survenue d’une tumeur-signal, le mésothéliome, essentiellement associé à une exposition à l’amiante. Le mésothéliome est un cancer de la plèvre ou du péritoine (membranes tapissant respectivement les poumons et l’abdomen) qui se manifeste après une longue période de latence, généralement 30 ou 40 ans après la première exposition à l’amiante. L’étiologie de cette maladie semble liée uniquement au temps écoulé depuis l’exposition initiale, et non à l’intensité ou à la durée de cette exposition, ni à l’âge auquel elle a eu lieu (Nicholson, 1986; Otte, Sigsgaard et Kjaerulff, 1990). Des anomalies respiratoires ont également été attribuées à l’exposition passive à l’amiante (Grandjean et Bach, 1986). De nombreuses expérimentations animales confirment les observations chez l’être humain.

La plupart des cas familiaux de mésothéliome ont été constatés chez les femmes de mineurs, de travailleurs des minoteries, de fabricants et d’installateurs de matériaux isolants qui avaient été exposés. Cependant, un certain nombre d’expositions chez des enfants ont été également associées à la maladie. Un assez grand nombre de ces enfants avaient été en contact avec l’amiante à un jeune âge (Dawson et coll., 1992; Anderson et coll., 1976; Roggli et Longo, 1991). Par exemple, dans l’une des études qui portait sur 24 cas de mésothéliome familial survenus dans une ville minière extrayant de l’amiante bleu (crocidolite), 7 cas ont été identifiés chez des sujets âgés de 29 à 39 ans au moment du diagnostic ou du décès, et dont l’exposition initiale avait eu lieu à un âge inférieur à 1 an (n = 5) ou à 3 ans (n = 2) (Hansen et coll., 1993).

Il est clair que l’exposition à l’amiante provoque des cas de mésothéliome, mais un mécanisme épigénétique expliquerait aussi le caractère familial inhabituel de certains cas. C’est ainsi que la survenue de mésothéliomes chez 64 personnes appartenant à 27 familles évoque une caractéristique génétique qui rendrait certains individus plus sensibles à l’agression de l’amiante aboutissant à cette maladie (Dawson et coll., 1992; Bianchi, Brollo et Zuch, 1993). Toutefois, on a également suggéré que l’exposition est une explication suffisante pour cette agrégation de cas à caractère familial (Alderson, 1986).

Parmi d’autres poussières inorganiques associées à des maladies professionnelles, on peut citer les fibres de verre, les zéolites et le talc. L’amiante et la fibre de verre ont été abondamment utilisés comme matériaux isolants. La fibrose et le cancer pulmonaires sont associés à l’amiante et, beaucoup moins nettement, à la fibre de verre. Des mésothéliomes ont été signalés dans des régions de Turquie où les habitants étaient exposés à des zéolites naturelles. L’exposition à l’amiante peut également provenir de sources non professionnelles. Des couches-culottes à base de fibres d’amiante ont été reconnues comme source d’exposition de l’enfant (Li, Dreyfus et Antman, 1989); toutefois, ce rapport n’excluait pas l’éventualité que les vêtements des parents soient la source de contact responsable. L’amiante était également utilisé pour la fabrication de cigarettes, de séchoirs à cheveux, de carrelages et de certains talcs. Son utilisation a été interdite dans de nombreux pays. Toutefois les résidus de l’amiante utilisé comme isolant dans les écoles constituent un risque important pour les enfants, qui a fait l’objet de nombreuses recherches en tant que problème potentiel de santé publique.

La fumée de cigarette ambiante

La fumée de cigarette ambiante est une association de la fumée exhalée par les fumeurs et de la fumée émise par une cigarette en train de se consumer. Bien que la fumée de cigarette ambiante ne soit pas en elle-même une source d’exposition professionnelle pouvant atteindre le nouveau-né, elle est évoquée ici en raison de ses effets défavorables potentiels sur la santé et parce qu’elle constitue un bon exemple d’autres expositions par aérosols. L’exposition d’un non-fumeur à la fumée de tabac ambiante est souvent appelée tabagisme passif ou involontaire. Une exposition prénatale à la fumée de cigarette ambiante est nettement associée à des déficits ou à des troubles de la croissance fœtale. Il est difficile de faire la distinction entre les effets produits par la fumée de cigarette ambiante pendant la période prénatale et ceux produits pendant la période postnatale, étant donné que le tabagisme parental se limite rarement à une période ou à l’autre. Toutefois, il existe des preuves de la relation entre l’exposition postnatale à la fumée de cigarette ambiante et les maladies respiratoires ou l’altération de la fonction respiratoire. La similitude de ces résultats avec ceux d’expériences réalisées chez des adultes confirme cette corrélation.

La fumée de cigarette ambiante a été bien définie et beaucoup étudiée en termes d’exposition humaine et d’effets sur la santé. Elle est cancérogène chez l’être humain (US Environmental Protection Agency, 1992). On peut évaluer l’exposition à la fumée de cigarette ambiante en mesurant le taux de nicotine, un composant du tabac, et de la cotinine, son principal métabolite, dans les liquides biologiques: salive, sang et urine. La nicotine et la cotinine ont aussi été décelées dans le lait maternel. De la cotinine a également été trouvée dans le sang et l’urine de nourrissons qui n’avaient été exposés à la fumée de cigarette ambiante que par l’allaitement (Charlton, 1994; National Research Council, 1986).

La responsabilité du tabagisme paternel et maternel à la maison dans l’exposition de nouveau-nés à la fumée de tabac ambiante a été clairement établie. C’est le tabagisme de la mère qui constitue la source principale d’exposition. Par exemple, plusieurs études ont montré que la concentration urinaire de cotinine chez l’enfant est fonction du nombre de cigarettes fumées quotidiennement par la mère (Marbury, Hammon et Haley, 1993). Les nouveau-nés sont surtout exposés à la fumée de cigarette ambiante par voie respiratoire et alimentaire (voie lactée en particulier). Les crèches représentent une autre source potentielle d’exposition; de nombreuses installations accueillant des enfants n’ont pas de réglementation antitabac (Sockrider et Coultras, 1994).

L’hospitalisation pour maladie respiratoire est plus fréquente chez les nouveau-nés dont les parents fument. De plus, la durée du séjour à l’hôpital est plus longue pour les nourrissons exposés à la fumée de cigarette ambiante. En termes de causalité, l’exposition à la fumée de tabac ambiante n’a pas été associée à des maladies respiratoires spécifiques. Il a cependant été prouvé que le tabagisme passif aggrave des maladies préexistantes, comme la bronchite et l’asthme (Charlton, 1994; Chilmonczyk et coll., 1993; Rylander et coll., 1993). Les infections respiratoires sont également plus fréquentes chez les enfants et les nourrissons exposés à la fumée de cigarette ambiante. De plus, les parents fumeurs et souffrant d’une maladie respiratoire risquent de transmettre aux enfants, en toussant, des infections des voies aériennes.

Les enfants exposés à la fumée de cigarette ambiante après la naissance présentent de légers déficits de la fonction pulmonaire qui semblent indépendants d’une exposition prénatale (Frischer et coll., 1992). Si les modifications liées à la fumée de cigarette ambiante sont minimes (une diminution de 0,5% par an du volume de réserve expiratoire) et si ces effets ne sont pas significatifs du point de vue clinique, ils semblent indiquer des modifications des cellules du poumon en cours de développement qui pourraient présager un risque ultérieur. Le tabagisme parental a également été associé à une augmentation du risque d’otite moyenne, ou épanchement de l’oreille moyenne, depuis la petite enfance jusqu’à l’âge de neuf ans. Cette pathologie est une cause fréquente de surdité chez les enfants, qui peut entraîner un retard scolaire. Le risque est confirmé par des études attribuant au tabagisme parental un tiers de tous les cas d’otite moyenne (Charlton, 1994).

L’exposition aux rayonnements

L’exposition à des rayonnements ionisants est un danger reconnu pour la santé, qui est généralement le résultat d’une exposition importante, accidentelle ou à but médical. Du fait qu’elle peut endommager les cellules qui prolifèrent rapidement, elle risque d’être très nocive pour le fœtus ou le nouveau-né. L’exposition à des rayonnements émis lors d’une radiographie est généralement d’un très faible niveau et considérée comme inoffensive. Le radon est une source domestique potentielle de rayonnements ionisants; il est présent dans les formations rocheuses de certaines zones géographiques.

Parmi les atteintes prénatales et postnatales des rayonnements, on compte le retard mental ou de croissance, une intelligence moins développée, des malformations congénitales et des cancers. L’exposition à de fortes doses de rayonnements ionisants est également associée à une augmentation de la prévalence des cancers. Pour ce type d’exposition, l’incidence dépend de la dose et de l’âge. En fait, c’est chez les femmes qui ont été exposées à des rayonnements ionisants lorsqu’elles étaient jeunes que le risque relatif de cancer du sein (~9) est le plus élevé.

On s’est préoccupé récemment des effets possibles des rayonnements non ionisants, ou champs électromagnétiques. L’explication de la relation entre une exposition à des champs électromagnétiques et le cancer n’est pas encore connue et la preuve épidémiologique pas encore claire. Toutefois, plusieurs études internationales ont montré une corrélation entre les champs électromagnétiques et la leucémie et le cancer du sein chez les sujets masculins.

Une trop forte exposition au soleil durant l’enfance a été associée au cancer de la peau et au mélanome (Marks, 1988).

Le cancer de l’enfant

Bien que des substances spécifiques n’aient pas été identifiées, l’exposition professionnelle des parents a été associée au cancer de l’enfant. La période de latence pour le développement d’une leucémie de l’enfant peut aller de deux à dix ans à partir du début de l’exposition, ce qui indique qu’une exposition in utero ou au cours de la période postnatale précoce peut être impliquée dans la genèse de cette maladie. Selon les données préliminaires, l’exposition à certains pesticides organochlorés (HCB, DDT, chlordane) serait liée à la leucémie, bien que ces données n’aient pas été confirmées dans des études plus détaillées. De plus, un risque élevé de cancer et de leucémie a été signalé concernant les enfants dont les parents sont, de par leur profession, en contact avec des pesticides, des produits chimiques et des émanations (O’Leary et coll., 1991). De la même manière, le risque de sarcome osseux d’Ewing chez l’enfant a été associé au travail des parents dans l’agriculture ou à leur exposition à des herbicides et des pesticides (Holly et coll., 1992).

Résumé

De nombreux pays s’efforcent de réglementer l’utilisation des produits chimiques toxiques de façon à parvenir à des concentrations admissibles dans l’air ambiant et les produits alimentaires, ainsi que sur les lieux de travail. Néanmoins, les occasions d’exposition abondent, et les enfants sont particulièrement sensibles à la fois à l’absorption et aux effets des produits chimiques toxiques. On a remarqué que «parmi les 40 000 morts d’enfant chaque jour dans le monde en développement, beaucoup sont la conséquence de dégradations de l’environnement qui se reflètent dans la consommation d’eau insalubre, la maladie et la malnutrition» (Schaefer, 1994). Bon nombre d’expositions liées à l’environnement peuvent être évitées. La prévention des maladies environnementales devient ainsi une priorité importante pour défendre les enfants contre les effets néfastes pour leur santé.

LA PROTECTION DE LA MATERNITÉ DANS LA LÉGISLATION

Marie-Claire Séguret

Au cours de la grossesse, les risques pour la santé et la sécurité auxquels la femme est exposée par son travail ou le milieu dans lequel celui-ci s’effectue peuvent nuire à sa santé ou à celle de l’enfant à naître. Avant et après la naissance, la femme a également besoin de disposer de temps pour se rétablir, allaiter son enfant et tisser des liens avec lui. De nombreuses femmes souhaitent reprendre leur travail après la naissance de leur enfant et doivent le faire; il s’agit là d’un droit de plus en plus reconnu comme fondamental dans un monde où la participation des femmes à la vie active augmente sans cesse, jusqu’à approcher celle des hommes dans de nombreux pays. Comme la plupart des femmes doivent subvenir à leurs propres besoins et à ceux de leur famille, il est indispensable qu’elles continuent à percevoir un revenu pendant leur congé de maternité.

Avec le temps, les gouvernements ont pris un ensemble de mesures législatives pour la protection des femmes qui travaillent, au cours de la grossesse et au moment de la naissance. L’une des caractéristiques des mesures les plus récentes est l’interdiction de la discrimination dans l’emploi en raison d’une grossesse. Une autre tendance consiste à donner la possibilité aux pères et aux mères de se partager le droit au congé parental après la naissance, de sorte que l’un ou l’autre puisse s’occuper de l’enfant. Dans de nombreux pays, la négociation collective peut renforcer l’application de ces mesures et les améliore souvent. Les employeurs jouent également un rôle important lorsque les termes des contrats individuels de travail et la politique de l’entreprise améliorent la protection de la maternité.

Les limites de la protection

Les lois garantissant aux femmes actives une protection lors de la maternité sont généralement limitées au secteur structuré qui représente une petite partie de l’activité économique. Elles ne s’appliquent pas aux femmes qui s’adonnent à des activités économiques dans le secteur informel ne relevant pas de l’inspection du travail, ce qui, dans de nombreux pays, est le cas pour la majorité des femmes qui travaillent. Alors que, dans le monde entier, se dessine une tendance à améliorer la protection de la maternité et à en élargir la portée, protéger cette grande partie de la population qui vit et travaille hors de l’économie officielle reste un problème majeur.

Dans la plupart des pays, la législation du travail fournit une protection lors de leur maternité aux femmes employées dans les entreprises industrielles et non industrielles du secteur privé ainsi que, souvent, du secteur public. Les femmes qui travaillent à domicile, les employées de maison, les personnes à leur compte et celles qui travaillent dans les entreprises familiales sont souvent exclues. Comme beaucoup de femmes travaillent dans de petites entreprises, l’exclusion relativement fréquente de celles qui emploient moins d’un certain nombre de personnes (par exemple, cinq employés permanents en République de Corée) pose un problème.

Dans un certain nombre de pays, beaucoup de femmes ayant un emploi précaire, comme les intérimaires ou les travailleuses occasionnelles en Irlande, sont exclues du champ de la législation du travail. Selon leur nombre d’heures de travail, les employées à temps partiel peuvent aussi être exclues. D’autres groupes de femmes peuvent l’être également, comme les cadres (à Singapour ou en Suisse), les femmes dont les revenus sont supérieurs à un certain seuil (à l’île Maurice), ou les femmes qui sont payées selon leurs résultats (aux Philippines). Dans de rares cas, les femmes célibataires (par exemple, les professeurs à Trinité-et-Tobago) n’ont pas droit au congé de maternité. Cependant, en Australie (système fédéral), où le congé parental concerne les employées et leur conjoint, le terme «conjoint» est défini de façon à inclure le conjoint de fait. Lorsque des limites d’âge sont fixées (par exemple, les femmes de moins de 18 ans, en Israël), elles n’excluent généralement pas beaucoup de femmes, étant donné qu’elles se situent avant ou après la période de procréation.

Les fonctionnaires ont souvent une couverture particulière, qui leur procure parfois des conditions plus favorables que celles du secteur privé: le congé de maternité peut être plus long; l’allocation peut correspondre au plein salaire et non à un pourcentage; le congé parental est plus fréquemment prévu; ou le droit de réintégration est plus clairement établi. Dans un nombre important de pays, les conditions du service public peuvent être un facteur de progrès, car les accords conclus dans le secteur privé par la négociation collective s’inspirent souvent des règles de protection de la maternité dans le service public.

A l’instar de la législation du travail, les lois sur la sécurité sociale peuvent avoir des applications limitées à certains secteurs ou à certaines catégories de salariées. Si, dans un pays donné, cette législation est souvent plus restrictive que la législation du travail correspondante, elle peut néanmoins donner droit à une allocation de maternité à des groupes non couverts par la législation du travail, comme les femmes travaillant à leur compte, ou travaillant avec leur mari, lui-même à son compte. Dans de nombreux pays en développement, en raison d’un manque de ressources, la législation de la sécurité sociale peut ne s’appliquer qu’à un nombre limité de secteurs.

Au cours des vingt dernières années, toutefois, la couverture légale a été étendue à de plus nombreux secteurs économiques et à de plus nombreuses catégories de salariées; cependant, alors qu’une salariée est couverte par une loi, l’accès à certains avantages, en particulier le congé et les allocations de maternité, peut être subordonné à certaines conditions. Ainsi, si la plupart des pays protègent la maternité, ce n’est pas partout que les femmes qui travaillent jouissent d’une telle protection.

Le congé de maternité

La durée du repos pour une naissance peut varier de quelques semaines à plusieurs mois, et elle est souvent divisée en deux parties, avant et après l’accouchement. Une interdiction de travailler peut être stipulée pour une partie ou l’ensemble de la période, afin d’assurer aux femmes un repos suffisant. Le congé de maternité est habituellement prolongé en cas de maladie, de naissance prématurée ou après terme, et de naissances multiples, ou réduit en cas de fausse couche, de mort à la naissance ou de mort du nourrisson.

La durée normale

D’après la convention de l’OIT (no 3) sur la protection de la maternité, 1919, «une femme ne sera pas autorisée à travailler pendant une période de six semaines après ses couches; elle aura le droit de quitter son travail, sur production d’un certificat médical déclarant que ses couches se produiront probablement dans un délai de 6 semaines». La convention de l’OIT (no 103) sur la protection de la maternité (révisée), 1952, confirme les 12 semaines de congé, y compris une interdiction d’emploi pendant les 6 semaines qui suivent l’accouchement, mais ne prescrit pas l’utilisation des 6 semaines restantes. La recommandation de l’OIT (no 95) sur la protection de la maternité, 1952, préconise un congé de 14 semaines. La plupart des pays se conforment à la norme de 12 semaines et au moins un tiers d’entre eux accordent une période plus longue.

Une possibilité de choix dans la répartition du congé de maternité est assez souvent offerte. En Thaïlande, la loi ne prévoit pas la répartition du congé de maternité et les femmes peuvent partir en congé aussi tôt ou aussi tard qu’elles le souhaitent. Dans un autre groupe de pays, la loi précise le nombre de jours à prendre après l’accouchement, le solde pouvant être pris soit avant, soit après la naissance.

Dans d’autres pays, aucune flexibilité n’est permise; la loi prescrit deux périodes de congé, avant et après l’accouchement. Ces périodes peuvent être égales, surtout lorsque la durée totale du congé est relativement brève. Lorsque la durée totale du congé permis dépasse 12 semaines, la période prénatale est souvent plus courte que la période postnatale (par exemple, en Allemagne, 6 semaines avant et 8 semaines après la naissance).

Quelques pays (le Bénin, le Chili, l’Italie) interdisent l’emploi des femmes pendant toute la durée du congé de maternité. Dans d’autres (la Barbade, l’Inde, l’Irlande, le Maroc), une période de congé obligatoire est prescrite, souvent après l’accouchement; il s’agit souvent des 6 semaines suivant la naissance. Au cours des dix dernières années, le nombre de pays qui imposent une certaine période de congé obligatoire avant la naissance a augmenté. Toutefois, dans certains pays (le Canada), aucune période de congé n’est obligatoire, car on considère que le congé est un droit qui doit être exercé librement et que la durée du repos doit être organisée de façon à satisfaire les besoins et les préférences de chacune.

Le droit au congé de maternité

Dans la plupart des pays, la législation, en précisant la durée du congé de maternité, reconnaît ainsi aux femmes le droit à ce congé; il suffit que la femme soit employée au moment où elle part en congé pour y avoir droit. Toutefois, dans un certain nombre de pays, la loi exige que les femmes aient été employées pendant une période minimum au moment où elles s’absentent. Cette période va de 13 semaines en Ontario (Canada) ou en Irlande, à 2 ans en Zambie.

Dans plusieurs pays, les femmes doivent avoir travaillé un certain nombre d’heures par semaine, ou par mois, pour avoir droit à un congé ou à une allocation de maternité. Lorsque le seuil est élevé (comme à Malte, avec 35 heures par semaine), cela peut avoir pour effet d’exclure un grand nombre de femmes qui forment la majorité des travailleurs à temps partiel. Toutefois, le seuil a parfois été abaissé récemment (en Irlande, de 16 à 8 heures par semaine).

Quelques pays limitent le nombre de congés de maternité auxquels la femme peut prétendre sur une période donnée (par exemple, 2 ans), ou restreignent ce droit à un certain nombre de grossesses soit par période de travail chez le même employeur, soit pendant toute la vie de la femme (l’Egypte, la Malaisie). Au Zimbabwe, les femmes n’ont droit à un congé de maternité que tous les 24 mois, et trois fois au maximum pendant leur période de travail chez le même employeur. Ailleurs, la femme qui a plus d’enfants que prescrit a droit à un congé de maternité, mais non pas à des allocations (en Thaïlande), ou bénéficie d’un congé de plus courte durée avec des allocations (à Sri Lanka, 12 semaines pour les deux premiers enfants, 6 semaines pour le troisième et les suivants). La liste des pays qui limitent le droit au congé ou à l’allocation de maternité à un certain nombre de grossesses, d’enfants ou d’enfants survivants (entre 2 et 4) semble augmenter, même s’il n’est aucunement certain que la durée du congé de maternité soit un facteur décisif motivant les décisions concernant la taille de la famille.

Le préavis à l’employeur

Dans la plupart des pays, la seule condition nécessaire pour que les femmes aient droit à un congé de maternité est la présentation d’un certificat médical. Ailleurs, elles sont également tenues de donner à leur employeur un préavis de leur intention de prendre un congé de maternité. La période pour le dépôt du préavis va du moment où la grossesse est connue (en Allemagne) à 1 semaine avant le départ en congé (en Belgique). Si les femmes ne respectent pas cette obligation de préavis, elles peuvent perdre leur droit au congé de maternité. C’est ainsi qu’en Irlande la date du congé de maternité doit être communiquée dès que possible, mais pas plus tard que 4 semaines avant le début du congé. Une salariée perd son droit à un congé de maternité si elle ne satisfait pas à cette obligation. Au Canada (système fédéral), l’obligation de préavis est abandonnée lorsqu’il existe une raison valable pour que le préavis ne soit pas signifié; au niveau des provinces, la période de préavis va de 4 mois à 2 semaines. Si la période de préavis n’est pas respectée, une femme a toujours droit à son congé de maternité dans le Manitoba; elle a droit à un congé plus court (habituellement 6 semaines, contre 17 à 18) dans la plupart des autres provinces. Dans d’autres pays, la loi ne précise pas les conséquences de l’absence de préavis.

L’allocation de maternité

Pour la plupart des femmes, il n’est pas possible de renoncer à un revenu au cours de leur congé de maternité; si elles devaient le faire, beaucoup n’utiliseraient pas l’intégralité de leur congé. Etant donné que la naissance d’enfants en bonne santé est bénéfique à tout le pays, il n’est pas équitable que les employeurs supportent le coût total des absences de leurs salariées. Depuis 1919, les normes de l’OIT stipulent que, pendant leur congé de maternité, les femmes doivent recevoir une allocation et que celle-ci doit leur être versée sur des fonds publics ou par un système d’assurances. La convention no 103 exige que les cotisations dues sous un régime d’assurances sociales obligatoire soient basées sur le nombre total d’hommes et de femmes employés par les entreprises concernées, sans distinction de sexe. Si, dans quelques pays, l’allocation de maternité ne représente qu’un faible pourcentage du salaire, le niveau de deux tiers souhaité par la convention no 103 est atteint dans plusieurs pays, et dépassé dans nombre d’autres. Dans plus de la moitié des pays dont la législation a été examinée, l’allocation de maternité représente 100% du salaire assuré ou du salaire complet.

De nombreuses lois de sécurité sociale prévoient expressément une allocation de maternité; c’est ainsi reconnaître la maternité comme un risque à part entière. D’autres prévoient que, pendant son congé de maternité, la femme aura droit à des prestations d’assurance maladie ou d’assurance chômage. Il n’est pas équitable de traiter la maternité comme une maladie ou le congé comme une période de chômage. En effet, souvent, de telles allocations ne sont versées que pendant une certaine période; les femmes qui en bénéficient au titre de la maternité peuvent alors ne plus avoir assez de droits pour couvrir les périodes ultérieures de vraie maladie ou de vrai chômage. C’est pourquoi, lorsque le projet de directive du Conseil européen de 1992 a été élaboré, la proposition de versement d’une allocation maladie pendant le congé de maternité a été violemment combattue; les opposants objectaient qu’en termes d’égalité de traitement entre les hommes et les femmes la maternité devait être reconnue comme ouvrant par elle-même droit à une allocation. Dans un esprit de compromis, l’allocation de maternité a finalement été définie comme garantissant un revenu au moins égal à celui que la salariée concernée recevrait en cas de maladie.

Dans presque 80 des cas, l’allocation est payée par le système de sécurité sociale national et, dans plus de 40, elle est à la charge de l’employeur. Dans une quinzaine de pays, la charge du financement de l’allocation de maternité est partagée entre la sécurité sociale et l’employeur. Lorsque le montant de l’allocation est financé conjointement par la sécurité sociale et l’employeur, on demande à chacun d’en payer la moitié (au Costa Rica), mais on trouve d’autres répartitions (au Honduras, deux tiers par la sécurité sociale et un tiers par l’employeur). Un autre type de contribution peut être demandé aux employeurs: lorsque le montant de l’allocation versée par la sécurité sociale est basé sur un revenu statutaire soumis à cotisations et représente un faible pourcentage du plein salaire de la femme, la loi exige parfois que l’employeur paie la différence entre le salaire de la femme et l’allocation de maternité versée par le fonds de sécurité sociale (au Burkina Faso). De nombreuses conventions collectives, ainsi que des contrats de travail individuels, prévoient un versement supplémentaire et volontaire de l’employeur. Lorsque les fonds manquent, la participation des employeurs au financement de l’allocation de maternité peut être une solution réaliste.

La protection de la santé des femmes enceintes ou qui allaitent

En conformité avec la recommandation no 95, de nombreux pays ont pris certaines mesures pour protéger la santé des femmes enceintes et de leur enfant, en cherchant à réduire la fatigue par un réaménagement du temps de travail, ou en les protégeant des travaux dangereux ou insalubres.

Dans quelques pays (les Pays-Bas ou le Panama), la loi fait obligation à l’employeur d’organiser le travail de façon qu’il ne nuise pas à l’issue de la grossesse. Cette approche, conforme aux pratiques modernes de sécurité et de santé au travail, permet de répondre aux besoins de chaque femme grâce à des mesures préventives adéquates; elle est donc très satisfaisante. Beaucoup plus généralement, la protection est recherchée au moyen d’une interdiction ou d’une restriction des tâches pouvant nuire à la santé de la mère ou à celle de l’enfant. Une telle interdiction peut être formulée en termes généraux ou s’appliquer à un certain type de tâches dangereuses. Cependant, au Mexique, l’interdiction d’employer des femmes pour des tâches dangereuses ou insalubres ne s’applique pas si, selon l’avis des autorités compétentes, des mesures de protection pour la santé satisfaisantes ont été prises; elle ne s’applique pas non plus aux femmes occupant un poste de direction ni à celles ayant un diplôme universitaire ou technique, ou ayant la connaissance et l’expérience nécessaires pour effectuer le travail.

Dans de nombreux pays, la loi exige que les femmes enceintes et les femmes qui allaitent n’aient pas à accomplir de tâches «au-dessus de leurs forces», «impliquant des risques», «dangereuses pour leur santé ou celle de leur enfant» ou «nécessitant un effort physique ne convenant pas à leur état». L’application d’une interdiction si générale peut toutefois poser des problèmes: comment, et par qui, devra-t-il être décidé qu’une tâche est au-dessus des forces de quelqu’un? Par l’employée concernée, l’employeur, l’inspecteur du travail, le médecin du travail, le médecin de famille? Des différences d’appréciation peuvent conduire à la mise à l’écart d’une femme qui pourrait en fait accomplir un travail donné, tandis qu’une autre continue à faire un travail trop dur pour elle.

D’autres pays ont établi la liste, parfois très détaillée, des travaux interdits aux femmes enceintes et aux mères qui allaitent (l’Allemagne ou l’Autriche). Le transport de charges est fréquemment réglementé. La législation de certains pays interdit expressément l’exposition à certains produits chimiques (comme le benzène), aux agents biologiques, au plomb et aux rayonnements. Le travail souterrain est interdit au Japon pendant la grossesse et l’année suivant l’accouchement. En Allemagne, le travail à la pièce est interdit, comme aussi le travail à la chaîne lorsque la cadence est prédéterminée. Dans quelques pays, il est interdit d’obliger les femmes enceintes à travailler hors de leur lieu habituel de résidence (par exemple, après le quatrième mois, au Ghana). En Autriche, il est interdit de fumer dans les endroits où des femmes enceintes travaillent.

Dans un certain nombre de pays (l’Allemagne, l’Angola, la Bulgarie, Haïti), l’employeur doit muter la salariée à un poste qui lui convient. Cette dernière conserve souvent son salaire antérieur, même si celui du poste auquel elle est affectée est inférieur. En République démocratique populaire lao, la femme conserve son ancien salaire pendant trois mois, puis elle est payée au taux correspondant au travail qu’elle accomplit en fait. Dans la Fédération de Russie, on doit fournir à une femme qui ne peut plus accomplir son travail un poste qui lui convient; elle conserve son salaire tant qu’un nouveau poste n’a pas été trouvé. Dans certains cas (Roumanie), la différence entre les deux salaires est payée par la sécurité sociale, un arrangement qui est préférable étant donné que le coût de la protection de la maternité ne devrait pas, dans la mesure du possible, être à la charge de l’employeur.

On peut également écarter la femme d’un poste d’un travail qui n’est pas dangereux en soi, mais qu’un médecin a jugé nocif pour l’état de santé de cette femme (en France). Dans d’autres pays, un changement de poste est possible à la demande de la salariée concernée (au Canada ou en Suisse). Lorsque la loi permet à l’employeur de préconiser un changement, en cas de désaccord entre l’employeur et la travailleuse, un médecin du travail devra déterminer s’il y a une raison médicale à ce changement et si l’employée est apte à assumer le travail qu’on lui propose.

Certains pays précisent que le changement de poste est temporaire et que la salariée doit retrouver son ancien poste lorsqu’elle rentre de son congé de maternité ou après une certaine période précisée (en France). Lorsqu’un changement de poste n’est pas possible, certains pays stipulent que l’employée doit bénéficier d’un congé de maladie (aux Seychelles) ou, comme cela a été mentionné précédemment, que le congé de maternité doit débuter plus tôt (en Islande).

La non-discrimination

Les pays sont de plus en plus nombreux à prendre des mesures afin de s’assurer que les femmes ne souffrent pas de discrimination en raison de leur grossesse. Leur but est de s’assurer que les femmes enceintes puissent postuler à un emploi et soient traitées en cours d’emploi sur la même base que les hommes et que les autres femmes et, en particulier, qu’elles ne soient pas rétrogradées, qu’elles ne perdent pas leur ancienneté ou qu’elles ne soient pas écartées des promotions en raison de leur grossesse. Il est aujourd’hui de plus en plus fréquent que la législation nationale interdise la discrimination sexuelle. Une telle interdiction pourrait être interprétée par les tribunaux comme une interdiction de discrimination pour cause de grossesse et l’a, en fait, été dans de nombreux cas. La Cour européenne de Justice a suivi cette approche. Dans un jugement de 1989, elle a statué qu’un employeur qui licencie ou refuse d’embaucher une femme parce qu’elle est enceinte viole la directive 76/207/CEE sur l’égalité de traitement. Ce jugement a été important, car il a clarifié l’existence de discrimination sexuelle lorsque des décisions relatives à l’emploi sont prises sur la base de la grossesse, même si la loi ne cite pas expressément la grossesse comme facteur en fonction duquel la discrimination est interdite. Dans les litiges à propos d’égalité entre les sexes, on a coutume de comparer le traitement accordé à une femme avec celui que l’on accorderait dans le même cas à un homme. La Cour a statué qu’une telle comparaison n’est pas justifiée s’agissant d’une femme enceinte, puisque la grossesse ne concerne que les femmes. Lorsqu’un traitement défavorable est appliqué à une femme en raison de sa grossesse, il y a, par définition, discrimination sexuelle. Cette décision corrobore le point de vue de la Commission d’experts de l’OIT sur l’application des conventions et des recommandations relatif à la portée de la convention (no 111) concernant la discrimination (emploi et profession), 1958, qui souligne la nature discriminatoire des distinctions basées sur la grossesse, l’accouchement ou l’état de santé qui en résulte (BIT, 1988).

Dans un certain nombre de pays (l’Australie, les Etats-Unis, l’Italie, le Venezuela), toute discrimination basée sur la grossesse est explicitement interdite. D’autres pays définissent la discrimination sexuelle de façon à inclure la discrimination basée sur la grossesse ou l’absence pour congé de maternité (la Finlande). Aux Etats-Unis, la protection est encore renforcée par le fait que la grossesse est traitée comme une maladie: dans les entreprises de plus de 15 salariés, toute discrimination est interdite envers les femmes enceintes, les accouchées et les femmes souffrant de maladies liées à leur état; les politiques ou pratiques adoptées à l’égard de la grossesse et de problèmes connexes doivent être appliquées dans les mêmes termes et dans les mêmes conditions que pour les autres maladies.

Dans plusieurs pays, la loi contient des dispositions qui illustrent des formes de discrimination basée sur la grossesse. Dans la Fédération de Russie, par exemple, un employeur ne peut refuser d’embaucher une femme parce qu’elle est enceinte; si une femme enceinte n’est pas embauchée, l’employeur doit préciser par écrit les raisons pour lesquelles il ne l’a pas recrutée. En France, il est illégal pour un employeur de prendre la grossesse en compte pour refuser d’employer une femme, pour mettre fin à son contrat au cours d’une période d’essai ou pour lui imposer une mutation. Il est également illégal pour l’employeur de demander à une candidate si elle est enceinte, ou de chercher à le savoir. De la même manière, une femme n’est pas obligée de dire qu’elle est enceinte lorsqu’elle postule pour un emploi ou l’exerce, sauf lorsqu’elle demande à bénéficier de dispositions légales ou réglementaires relatives à la protection des femmes enceintes.

Une mutation imposée unilatéralement et arbitrairement à une femme enceinte constitue une discrimination. En Bolivie, comme dans d’autres pays voisins, une femme est protégée contre une mutation non voulue au cours de sa grossesse et pendant l’année qui suit la naissance de son enfant.

Il peut s’avérer difficile de respecter à la fois le droit des femmes actives à la protection de leur santé au cours de la grossesse et leur droit à ne pas être victimes de discrimination. Au moment du recrutement, une candidate enceinte doit-elle révéler son état, en particulier si elle postule pour un emploi impliquant un travail interdit aux femmes enceintes? Dans un jugement de 1988, le Tribunal fédéral du travail d’Allemagne a déclaré qu’une femme enceinte postulant pour un emploi impliquant uniquement un travail de nuit, que la législation allemande interdit aux femmes enceintes, doit informer son employeur potentiel de son état. Le jugement a été annulé par la Cour européenne de Justice comme contraire à la directive de la Communauté européenne de 1976 sur l’égalité de traitement. La Cour a estimé que la directive interdisait qu’un contrat soit tenu pour nul en raison de l’interdiction statutaire du travail de nuit, ou que l’employeur refuse d’y adhérer en raison d’une erreur de sa part pour ce qui concerne une caractéristique personnelle essentielle de la femme au moment de la signature du contrat. L’impossibilité pour l’employée, en raison de sa grossesse, de faire le travail pour lequel elle a été embauchée était temporaire, puisque le contrat était à durée indéterminée. Il était par conséquent contraire à l’objectif de la directive de le tenir pour non valable ou nul en raison d’une telle incapacité.

La sécurité de l’emploi

Beaucoup de femmes ont perdu leur emploi en raison de leur grossesse. De nos jours, même si l’étendue de la protection varie, la sécurité de l’emploi est une composante significative des politiques de protection de la maternité.

Les normes internationales du travail de l’OIT considèrent le problème de deux manières différentes. Les conventions no 3 (article 4) et no 103 (article 6) interdisent le licenciement au cours du congé de maternité et de toute prolongation de celui-ci, ou à un moment tel qu’un préavis de licenciement expirerait pendant le congé de maternité. Le licenciement pour des raisons qui pourraient être considérées comme légitimes n’est pas permis au cours de cette période (BIT, 1965). Si une femme était licenciée avant de prendre son congé de maternité, le préavis devrait être suspendu pendant qu’elle est absente, et reprendre à son retour. La recommandation no 95 prévoit la protection de l’emploi d’une femme enceinte depuis la date à laquelle son employeur est informé de sa grossesse jusqu’au mois suivant son retour de congé de maternité. Les cas de faute grave de la part de la femme, la fermeture de l’entreprise et l’expiration d’un contrat à durée déterminée constituent toutefois des raisons légitimes de licenciement au cours de la période protégée. La convention (no 158) sur le licenciement, 1982 (article 5 d)-e)), n’interdit pas le licenciement, mais précise que la grossesse ou l’absence pour congé de maternité ne constituent pas des raisons valables pour mettre fin à l’emploi.

Au niveau de l’Union européenne, la directive de 1992 interdit le licenciement depuis le début de la grossesse jusqu’à la fin du congé de maternité, sauf dans des cas exceptionnels sans rapport avec l’état de la salariée.

Le licenciement est habituellement régi par deux types de lois. Le licenciement avec préavis s’applique dans des cas comme la fermeture de l’entreprise, le licenciement collectif et lorsque, pour différentes raisons, l’employé est incapable d’effectuer le travail pour lequel il a été embauché ou si l’employeur n’est pas satisfait de la façon dont le travail est accompli. Le licenciement sans préavis est utilisé pour mettre fin à l’emploi d’un travailleur coupable d’une faute lourde ou de manquements graves, dont la législation donne en général une liste détaillée.

Lors de renvois avec préavis, des employeurs pourraient certes décider arbitrairement que la grossesse est incompatible avec les tâches de la salariée et la renvoyer en raison de sa grossesse. Ceux qui souhaitent échapper à leurs obligations envers les femmes enceintes, ou qui tout simplement n’aiment pas que des femmes enceintes fréquentent les lieux de travail, pourraient trouver un prétexte pour renvoyer les femmes pendant leur grossesse même si, au vu de l’existence des règles de non-discrimination, ils évitaient de les renvoyer sous prétexte de leur grossesse. Beaucoup de personnes s’accordent à penser qu’il est légitime de protéger les travailleuses contre de telles décisions discriminatoires: l’interdiction de renvoi avec préavis en raison d’une grossesse et au cours de la grossesse, ou du congé de maternité, est souvent considérée comme une mesure d’équité et elle est appliquée dans de nombreux pays.

La Commission d’experts de l’OIT pour l’application des conventions et des recommandations considère que la protection contre le renvoi n’empêche pas un employeur de mettre fin à un contrat de travail s’il a décelé une faute grave de la part d’une salariée: lorsqu’il existe de telles raisons de renvoi, l’employeur doit prolonger la période légale de préavis de la durée nécessaire pour couvrir la période de protection prescrite par les conventions. C’est ce qui se passe en Belgique, par exemple, où un employeur ayant des raisons légales de renvoyer une femme ne peut pas le faire pendant son congé de maternité, mais peut fixer le préavis de façon à ce qu’il expire lorsque la femme rentrera de son congé.

La protection des femmes enceintes contre le licenciement en cas de fermeture de l’entreprise, ou en cas de compression de personnel exigée par des raisons économiques, pose un problème similaire. Il est évidemment pesant pour une entreprise qui cesse son activité de continuer à payer le salaire d’une personne qui ne travaille plus pour elle, même pendant une brève période. Toutefois, les perspectives d’embauche sont souvent moins bonnes pour les femmes enceintes que pour les autres, ou pour les hommes, et les femmes enceintes ont particulièrement besoin de la sécurité morale et financière que constitue le fait de continuer à être employées. Lorsque les femmes ne risquent pas d’être renvoyées pendant leur grossesse, elles peuvent attendre d’avoir accouché pour rechercher du travail. En fait, lorsque la législation prévoit l’ordre dans lequel différentes catégories de travailleurs doivent être licenciés ou renvoyés, les femmes enceintes sont parmi les personnes renvoyées en dernier, ou presque (Ethiopie).

Les congés et l’allocation pour le père et les parents

Allant plus loin que la protection de la santé et de l’emploi des femmes enceintes et qui allaitent, de nombreux pays prévoient un congé de paternité (un congé de courte durée au moment ou vers le moment de la naissance). D’autres formes de congés sont liées aux besoins des enfants. Parmi celles-ci figurent le congé pour adoption, ou un congé pour élever les enfants. De nombreux pays prévoient ce type de congé, mais les approches sont différentes. Certains donnent du temps libre à la mère d’enfants en bas âge (congé maternel optionnel), tandis que d’autres donnent un congé supplémentaire aux deux parents (congé parental d’éducation). L’idée que les deux parents doivent être disponibles pour prendre soin des jeunes enfants est également reflétée dans les systèmes intégrés de congé parental, qui offrent une longue période de congé aux deux parents.

LA GROSSESSE ET LES RECOMMANDATIONS CONCERNANT LE TRAVAIL AUX ÉTATS-UNIS

Leon J. Warshaw

Au cours des dernières décennies, les modifications de la vie familiale ont eu des conséquences spectaculaires sur la relation entre le travail et la grossesse, parmi lesquelles on peut citer:

L’impact des absences liées à la grossesse et la perte ou la diminution de productivité, aussi bien que les soucis pour la santé et le bien-être des mères et de leurs nouveau-nés ont conduit les employeurs à anticiper davantage face au problème de la grossesse et du travail. Lorsque ce sont eux qui paient en totalité ou en partie les primes d’assurance santé, la perspective d’éviter le coût parfois énorme de grossesses compliquées et de problèmes néonatals est une motivation importante. Certaines réponses sont dictées par les lois et les réglementations officielles, telles que la mise en garde contre les risques potentiels liés à l’environnement et à la profession ou la prescription de congés de maternité et d’autres avantages. D’autres sont volontaires, telles que l’éducation prénatale et les programmes de soins, les formules de travail aménagées, comme les horaires flexibles et autres adaptations du temps de travail, la garde des personnes à charge, etc.

La gestion de la grossesse

Il est de la première importance, pour la femme enceinte comme pour son employeur (même si elle ne travaille plus pendant sa grossesse), qu’elle ait accès à un programme professionnel de gestion de la grossesse conçu pour identifier, reconnaître et minimiser les risques pour la mère et son fœtus, qui lui permette de conserver son poste sans souci. A chacune des visites prénatales prévues, le médecin, ou la sage-femme, doit évaluer les renseignements médicaux (antécédents de grossesse et autres antécédents médicaux, plaintes actuelles, examen physique et de laboratoire), recueillir des informations sur son emploi et son environnement professionnel et donner des conseils.

Il est important que les professionnels de la santé ne se contentent pas de la simple description du poste de travail de leur patiente, souvent inexacte et trompeuse. Les informations concernant l’emploi doivent comprendre des précisions sur l’activité physique, l’exposition à des produits chimiques et à d’autres produits ainsi que le stress émotionnel, que la femme peut fournir elle-même. Dans certains cas, la contribution d’un chef de service, souvent relayée par le service de sécurité ou le service de médecine du travail (s’il y en a un) est nécessaire pour obtenir un tableau plus complet des activités dangereuses ou fatigantes et éventuellement lutter contre leur risque de nuisance. Ce type de démarche peut également servir à vérifier les allégations de certaines patientes qui trompent délibérément ou par inadvertance leur médecin: elles peuvent exagérer les risques ou, si elles estiment nécessaire de continuer à travailler, les minimiser.

Les recommandations concernant le travail

Les recommandations concernant le travail durant la grossesse sont classées en trois catégories:

La femme peut continuer à travailler sans modification ni de ses activités ni du milieu de travail. Cela est vrai dans la plupart des cas. Après de longues délibérations, le groupe de travail sur l’inaptitude liée à la grossesse, comprenant des professionnels de l’obstétrique, des médecins du travail et des infirmières, ainsi que des représentants des femmes, réunis par le Collège américain des obstétriciens et des gynécologues (American College of Obstetricians and Gynecologists (ACOG)) et l’Institut national de la sécurité et de la santé au travail (National Institute for Occupational Safety and Health (NIOSH)), a conclu que «toute femme normale, dont la grossesse se déroule sans complications et qui travaille dans des conditions ne présentant pas plus de risques que ceux rencontrés dans la vie normale de tous les jours, peut continuer à travailler sans interruption jusqu’à l’accouchement et reprendre le travail plusieurs semaines après un accouchement sans complications» (Isenman et Warshaw, 1977).

La femme peut continuer à travailler, mais seulement avec certaines modifications du milieu de travail ou de ses activités. Ces aménagements peuvent être soit «souhaitables», soit «essentiels» (dans le dernier cas, la femme doit cesser de travailler s’ils ne peuvent pas être mis en place).

La femme ne doit pas travailler. Lorsque le médecin, ou la sage-femme, juge que tout travail nuira probablement à la santé de la mère ou à celle du fœtus.

Les recommandations doivent non seulement décrire en détail les aménagements du travail nécessaires, mais aussi préciser la durée pendant laquelle ils doivent être maintenus ainsi que la date de l’examen médical suivant.

Les considérations non médicales

Les recommandations présentées ci-dessus sont entièrement basées sur des considérations ayant trait à la santé de la mère et de son fœtus en rapport avec les exigences de l’emploi. Elles ne prennent pas en compte la charge de travail représentée par les activités non professionnelles, comme les trajets, les tâches ménagères et les soins aux autres enfants et membres de la famille; ces activités sont parfois plus exigeantes que celles du travail. Lorsqu’un aménagement des activités est nécessaire, on doit se demander s’il doit s’appliquer au travail, à la maison ou aux deux.

De plus, des recommandations pour ou contre la poursuite du travail peuvent constituer la base d’une série de considérations non médicales, par exemple le droit à une allocation, un congé maladie payé ou non, ou la garantie de retrouver son travail. Un problème important est de savoir si la femme doit être considérée comme inapte. Certains employeurs considèrent catégoriquement toutes les travailleuses enceintes comme inaptes au travail et s’efforcent de les exclure de leur personnel, même si beaucoup d’entre elles peuvent fort bien continuer à travailler. D’autres employeurs considèrent que toutes les salariées enceintes ont tendance à exagérer la moindre inaptitude au travail afin d’obtenir tous les avantages possibles. Certains mettent même en cause la notion selon laquelle une grossesse, qu’elle soit ou non invalidante, est un sujet qui les concerne. Ainsi, l’inaptitude au travail est un concept complexe qui, même s’il est fondamentalement basé sur des résultats médicaux, implique des considérations légales et sociales.

La grossesse et l’inaptitude au travail

Dans de nombreuses juridictions, il est important de faire la distinction entre, d’une part, l’inaptitude au travail liée à la grossesse et, d’autre part, la grossesse en tant que période de la vie nécessitant des avantages et des dispenses particulières. L’inaptitude au travail en raison d’une grossesse peut être classée en trois catégories:

  1. Inaptitude au travail après l’accouchement. D’un point de vue strictement médical, le rétablissement faisant suite à un accouchement sans complications ne dure que quelques semaines, mais, selon l’usage, cette période a été étendue à six ou huit semaines, sachant qu’elle correspond au délai prévu par la plupart des obstétriciens pour leur premier bilan postnatal. Toutefois, d’un point de vue pratique et sociologique, un congé plus long est considéré par beaucoup comme souhaitable afin de renforcer le lien familial, de faciliter l’allaitement au sein, etc.
  2. Inaptitude au travail en raison de complications médicales. Des complications médicales, comme l’éclampsie ou la menace d’avortement, les problèmes cardio-vasculaires ou rénaux, etc., vont nécessiter des périodes d’activité réduite, voire d’hospitalisation, qui dureront tant que la maladie persistera ou jusqu’à ce que la femme soit remise à la fois de son problème médical et de sa grossesse.
  3. Inaptitude au travail due à la nécessité d’éviter l’exposition à des produits toxiques ou à un stress physique anormal. En raison de la plus grande sensibilité du fœtus à de nombreux risques du milieu, la femme enceinte doit être considérée comme inapte au travail, même si son propre état de santé n’est pas menacé.

Conclusion

Arriver à équilibrer les responsabilités familiales et une activité professionnelle n’est pas un défi nouveau pour les femmes. Ce qui est nouveau, c’est que la société moderne prenne en compte la santé et le bien-être des mères et de leurs enfants, tout en plaçant les femmes devant un double défi: s’accomplir personnellement par le travail et faire face aux pressions économiques liées au maintien d’un niveau de vie acceptable. L’augmentation du nombre de parents célibataires et de couples mariés dont les deux membres doivent travailler montre que le problème travail/famille ne doit pas être ignoré. Beaucoup de femmes qui ont un emploi et qui commencent une grossesse sont tout simplement obligées de continuer à travailler.

A qui incombe la responsabilité de répondre à ces besoins? Certains affirment qu’il s’agit d’un problème purement personnel qui doit être résolu entièrement par l’individu ou la famille. D’autres, considérant qu’il relève de la responsabilité de la société, estiment que celle-ci doit édicter des lois et apporter une aide financière ou autre.

Quelle charge doit peser sur l’employeur? La réponse dépend dans une large mesure de la nature, du lieu et souvent de la taille de l’entreprise. L’employeur est guidé par deux sortes de considérations: celles imposées par les lois et règlements (et parfois par la nécessité de répondre aux exigences des travailleurs syndiqués), et celles dictées par sa responsabilité sociale et la nécessité pratique de maintenir une productivité optimale. En dernière analyse, il s’agit d’accorder une grande valeur aux ressources humaines et de reconnaître l’interdépendance entre les responsabilités professionnelles et les obligations familiales, d’une part, et leurs effets parfois opposés sur la santé et la productivité, d’autre part.

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